La chute de la Pisseuse

Chapitre 1 : Chapitre unique : La chute de la Pisseuse

Chapitre final

16424 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/12/2017 19:56

Cette fanfiction a été écrite dans le cadre des Défis d'écriture de juillet août 2017.

Le thème du rattrapage est : "La pire arme du monde".

Description du thème : Écrire un one-shot de 1000 mots minimum où un personnage de votre fandom préféré se voit contraint d'utiliser une arme très décevante (pas enthousiasmante, trop faible, inefficace, ridicule, inappropriée, insuffisante...) ne correspondant pas du tout à ses attentes et besoins, mais qu'il devra essayer d'utiliser quand même. 

Qu'il parvienne à en faire quelque chose ou pas est de votre seul ressort. Vous êtes libres de choisir le genre qui n'est pas forcément comique (ça peut être dramatique de se retrouver avec deux bouts de ficelles et un chewing gum... quand il nous faudrait un Uzi 9 millimètres).

 

 

Chapitre unique : La chute de la Pisseuse

 

 

 

Je m'appelle Arthur Tenzin (ça se prononce Tènezine !), et j'ai 20 ans. Je suis plutôt grand pour mon âge, roux, avec des cheveux longs ébouriffés. Au cou, je porte un collier que mon père m'a donné lorsque j'étais plus jeune avant qu'il ne disparaisse en mer pour ne jamais revenir. 

Je vis sur une petite île du nom de Belliqua. Elle est principalement constituée de grandes collines et de plaines recouvertes de champs. Un grand village côtier contigu à un port actif constitue l'une des deux villes de cet île. L'autre est à l'exact opposé. Quant à la seule grande école, elle est pile au milieu du chemin qui relie les deux villes, sur une colline qui nous permet de voir Belliqua dans tout son ensemble à la récréation. 

 

Notre monde connait une paix totale depuis maintenant une trentaine d'années. Quelques tensions ici et là se règlent grâce à l'autorité du gouvernement. Bien souvent, il suffit que ce dernier pointe son nez pour que tout s'arrange : personne n'a envie de s'attaquer à cette institution maintenant. Mais quand je parle de paix totale, je parle en fait d'absence de conflits d'ampleur suffisante pour faire la une des journaux. Les problèmes existent toujours, comme la délinquance sur cette île par exemple...  

 

Mon histoire commence il y a sept ans. L'économie du pays était très bancale, et la pauvreté avait fait naître un trafic de drogue. C'était cela qui faisait que l'île tenait encore debout. Les maires devaient donc fermer les yeux devant cette argent sale qui bon gré mal gré venait remplir leurs fonds. Aucun quartier n'était épargné par la violence des gangs, mais on ne s'en rendait pas compte enfant. En effet, on partait très tôt à l'école et y revenions la nuit quasi-tombée. Ma mère refusait toujours que je reste à la maison au lieu d'aller suivre les cours, et ce même lorsque j'étais très malade. Et c'était le cas pour tous les enfants de l'île, de sorte que quand quelqu'un était malade, toute l'école l'était. Mais un jour, j'avais dû revenir à la maison en pleine journée. Et alors, j'avais pu voir ce qu'il s'y passait réellement.  

 

C'était il y a trois ans. Ce jour-là, je partais à l'école en skate, avec mon meilleur ami, Sanchez. Il avait une peau basanée, des cheveux noirs aussi long que les miens mais mieux coiffés, un pantacourt qui laissait voir le haut de slip comme le lui commandait les diktats de la mode, et un débardeur. Quoique, moi aussi je subissais ces tendances qui devaient bien faire sourire nos parents. Nous slalomions entre les groupes d'élèves dans une quasi-obscurité, le soleil s'étant à peine levé. Ensuite, nous avons grimpé la colline, traversé la cour de l'école, et sommes allés dans notre classe, attendant patiemment le professeur. La salle était gigantesque, comme un amphithéâtre, et nous, nous étions derrière, comme à notre habitude. Nous devions entrer à trois cent minimum. Et c'est au moment où le prof pénétra dans la salle, avec sous la main son éternel sac en cuir, que je me rappelais de quelque chose de crucial : 

 

— Le devoir maison ! M'étranglais-je, les mains devant ma bouche.  

— Oh, me dis pas que... ! 

 

Nous nous regardâmes avec mon ami, d'un air tellement tragique que ce devait en être comique. 

 

— T'es dans la merde là ! 

— Tu crois ? Lui demandais-je inutilement, les yeux grands ouverts  

— J'en suis même sûr mon gars ! S'exclama-t-il avec un sourire apeuré. Tu sais bien ce qu'on risque à venir sans notre devoir, non ? 

 

Oui, je le savais. Un bannissement d'une semaine, voilà ce que je risquais. Mais c'est pas ma faute si je suis tête en l'air... Je n'ai jamais su me concentrer ! Et pourtant je l'ai fait ce devoir maison ! Cette sanction, excessive vous en conviendrait, était en fait un excès de colère du directeur devant le manque de sérieux évident des enfants de Belliqua. La plupart des devoirs n'étaient pas faits, les professeurs étaient souvent charriés, et les bêtises rivalisaient d'ingéniosité pour que le directeur s'arrache le peu de chevaux qui lui reste. Alors avant les vacances, il avait décidé de nous donner un devoir maison. 

"— Je veux un manifeste d'une quarantaine de pages, avait-il proféré. Tout d'abord, vous recopierez les pages 15 à 20 du livre que nous vous avons demandé de vous procurer. Vous analyserez ensuite ce texte en en faisant ressortir l'ironie de l'auteur, à travers les différentes figures de styles utilisés. De plus, je veux une dissertation d'au moins cinq pages avec au moins quatre axes d'argumentions avec pour grand thème la mort, le pardon, l'indifférence..." 

On est bien d'accord : il avait pété une énorme durite ! Alors forcément, quand il avait fini, avec notre groupe d'amis on était catégorique : 

 

"— Tu sais où tu peux te le mettre ton devoir maison gros ? Avait chuchoté un de mes amis, hilare.  

— Il a fumé quoi avant de venir lui ? S'enquit un autre, profondément choqué. Je sais même pas quelle livre il fallait acheter... ! 

— En tout cas, Pédo peut aller courir ! Avais-je dit en haussant les sourcils pour donner de l'ampleur à mes paroles, usant du joli surnom trouvé pour l’intéressé. Je ne le ferais pas ! 

— On est deux ! 

— 'Toute façon, personne le fera !" 

 

Mais quand nous avons vu que nous ne serions qu'une poignée à ne pas faire ce devoir, nous nous sommes dit qu'il était préférable de gribouiller au moins quelque chose. Non pas qu'on retournait nos vestes, mais voilà quoi... ! Ce qui aurait pu me sauver ce jour-là, c'est le fait qu'il fallait présenter son devoir sous forme d'oral de dix minutes avant de rendre la copie.  

 

— Bonjour jeunes gens, s'éleva alors la voix grinçante du professeur. Bien, comme vous le savez, il y avait un devoir maison pour aujourd'hui. Je ne vais donc pas faire l'appel. Vous allez juste passer un par un, en commençant du bas de l'amphi jusqu'en haut et je noterai votre nom une fois passé. Nous allons commencer tout de suite, en espérant que nous ayons fini à la fin de la journée... Un peu de silence, s'il vous plaît ! Ben, vous êtes le premier à passer Peter... Peter Band ? 

— Bond monsieur ! S'exclama l'intéressé sous l'hilarité générale. C'est Peter Bond ! 

— Oui, oui, très bien... veuillez passer je vous prie. 

— Je retourne chez moi, décidais-je d'un ton sec.  

— Sérieux ? 

— Ouais... il y a au moins deux cent personnes qui vont faire un oral de dix minutes avant moi ! Avec un peu de chances... ! 

— Ouais, ça peut carrément le faire ! Je viens ! 

— Non, reste au cas où je n'arrive pas à temps ! Répliquai-je précipitamment. Tu pourrais dire que je suis allé aux toilettes ou un truc du genre...  

— Bon, ok... mais vas-y maintenant pendant qu'il ne regarde pas alors ! Chaque seconde compte ! 

 

Il avait raison. Je lui fis un check et partit par la porte de derrière, sac au dos et skate en main. Je jetai de dernier dans le corridor et commençait à dévaler les étages sur ma planche à rouler, le cœur battant à cent à l'heure.  

Le retour prit plus de temps que l'aller. Ou bien était-ce parce que je n'avais pas Sanchez pour discuter avec moi... ? En tout cas, j'arrivais à voir les premières maisons. Je vis même la mienne. La fenêtre était ouverte et une tarte était posée sur le rebord, une centaine de mètres plus loin.  

Je finis de dévaler la colline à toute vitesse, puis prit mon skate en main avant de m'insérer dans l'artère principale de la ville, celle qui amenait au port. Bizarrement, elle était vide. Je fus directement contredit par une bande de personnes en noir qui traversèrent la rue en un éclair, avec des rires de hyènes et des armes à la main. Plus loin, j'entendais aussi des coups de feux. Je continuai à déambuler dans la rue, vers mon quartier, jusqu'à ce que je vois un des amis de ma mère à travers la vitre ouverte de la maison : M.Nougat, un boulanger. 

 

Il était dans son salon, agenouillé, bâillonné et avec un bandeau devant les yeux. Je voyais des larmes couler sur ses grosses joues rouges. Sa chemise était ouverte sur un ventre gros et surtout lacéré de griffures, comme s'il s'était fait fouetter. Apparurent alors dans champ de vision trois hommes en noir, avec des tatouages dans le cou que je reconnus immédiatement : le gang des Alpagos. L'un d'eux avait une batte sertie de piques, qu'il brandit sans cérémonie. Je n'eus pas le temps de détourner le regard. La batte s'écrasa sur le visage du pauvre boulanger avec une violence qui scotcha sur place. Un cercle concentrique de sang s'échappa de son visage éclaté, s'alliant à un bruit sourd mais fort qui indiquait la cassure de ses os.  La visage de M.Nougat resta collé à la batte, et il fallut que le mercenaire le tape du pied dans la poitrine pour l'en enlever, faisant de nouveau jaillir du sang en profusion.  

 

— Ça t'apprendra à pas respecter le paiement journalier, dit alors le bourreau avant de cracher sur sa victime.  

 

Je m'en allais, profondément choqué par la scène. Je courus dans l'allée sans regarder où j'allais, les yeux embués de larmes, sans même me rendre compte que j'avais laissé mon skate sur place. Il fallait que je trouve ma mère au plus vite. Quel était donc ce payement journalier ? En regardant à travers les vitres d'autres maisons, je ne cessais de voir des membres du gang des Alpagos, batte, fusil, pistolet à la main, le visage caché par un bandeau accroché au niveau de la bouche. Toute la ville semblait être régie par ce paiement ! Et s’ils ne payaient pas… ! 

"Mais ma mère n'avait pas les moyens de payer !" M'écriais-je intérieurement, sans même savoir le montant. Notre maison était gracieusement aidée par le vieux voisin célibataire, riche après avoir fait fortune dans les papiers toilettes. 

 

J'arrivai finalement devant la porte de ma maison, suintant de sueur sous le soleil qui cognait fort. Un milliard de sentiments me traversai l'esprit tandis que je sautillai d'impatience. Les "et si" se démultipliaient dans ma tête comme un virus aguerri. Devais-je entrer comme une fleur ? Si les mercenaires étaient là... je n'osais pas y penser... !  

Tout à coup, j'entendis des bruits que je ne pensais entendre ici pour rien au monde. Des éclats de rire. Ils provenaient de la vitre ouverte que j'avais vu du haut de la colline, avec la tarte sur le rebord. Je m'y dirigeai sans bruit, les membres tremblants. Puis j'entendis des éclats de voix, accompagnés de tintements de métal : je rêve ou bien ma mère avait organisé un repas avec le quartier ? Je pris mon courage à deux mains et passa un œil à travers la vitre. 

Je vis des hommes assis à la petite table ronde à laquelle je mangeais habituellement avec ma mère, mangeant de délicieuses pizzas. D'autres étaient debout dans la cuisine mangeant aussi. Ils parlaient de tout et de rien. Je pensais rêver lorsque j'entendis l'un d'eux dire : 

 

— Putain, elle cuisine vraiment comme une reine !  

 

Je me décalai lentement sur le côté, dos contre le mur, et m'affaissa lentement vers le sol. J'étais tellement soulagé... ! Ma mère avait trouvé un autre moyen de payer ces brigands. Voilà donc pourquoi ils n'arrivaient presque pas à manger : elle dépensait tout dans ce petit festin chaque matin... ! Mes pensées purent enfin se concentrer sur mon devoir maison, lorsque le même homme reprit la parole.  

 

— Bon, je vais me la faire. En espérant que les autres ont finis... ! Où est sa chambre déjà ? 

 

Mon cœur rata un battement... Se la faire... ?! Je ne voyais qu'une interprétation possible... Mais non... ce ne pouvait pas être vrai... S'il vous plaît, Dieu, Bouddha, n'importe qui, dites-moi que ce n'est pas ça ! Tout sauf ça ! Je savais que sa chambre était au rez-de-chaussée, au fond du couloir en face de la cuisine. Je me dirigeai vers la vitre extérieure, mon cœur tellement excité que j'en avais mal à la poitrine. J'étais sûrement livide comme un mort à l'heure qu'il est... ! Lorsque je me calmai, je tendis l'oreille à travers la vitre fermée et faillit défaillir. Les gémissements que j'entendais n'étaient certainement pas dû à un mal de dos.  

Je tremblais comme une feuille, trop pour que ça puisse me paraître réel. Je ne pouvais m'en empêcher... Il fallait que je regarde. Je restais une bonne minute dans cette position, mortifié. Mon corps s'était figé dans le temps, chaque parcelle de ma peau semblait avoir perdu de sa vie à cause de sa lividité. Mes yeux écarquillés fixaient la scène à travers les rideaux blancs semi-transparents. Je n'avais plus peur d'être attrapé. Je ne savais même plus où j'étais.  

 

"Fais quelque chose ! Ta mère est en train de souffrir devant tes yeux ! / "Mais que faire ? Je me ferais balayer en un instant, peut-être tuer ! Je ne peux pas mourir devant ses yeux alors que..." / "Donc tu vas laisser cela se passer chaque matin !" "Si ma mère tient à ce que j'aille à l'école par tous les temps, quelque soit mon état, c'est pour que je n'ai pas à voir cela... Je l'aurais trahi si j'essaye de l'aider... !" / "Mais enfin ! Ta mère se fait violer devant tes yeux et tu continues de trouver des excuses !? Et tu te dis être un homme ?! Toi, petit con, qui fait chier ta mère déjà fatiguée parce qu'elle ne t'achète pas le dernier pack de cartes à jouer !? / "C'est vrai... ! 

Je n'allais quand même pas laisser passer ça ! Comment avais-je pu phaser aussi longtemps, hésité aussi longtemps. Un excès de rage s'empara de mon corps aussi vite que la lave jaillit d'un volcan. Je levai le poing dans un cri de rage, bien décider à fracasser cette vitre et à tuer jusqu'au dernier ces mercenaires de merdes, mais quelqu'un attrapa mon bras au vol. Je tournai mon regard embué de larmes : c'était un gars du gang. Il me regardait avec un sourire narquois. Lorsqu'il m'attrapa par les cheveux, je ne pus plus rien faire. J'étais paralysé, pour de bon. Une fois sa main profondément enfouie dans ma crinière, il s'en empoigna avec une violence dans je me rappellerais toute ma vie, et m'envoya valser contre le mur. Puis plus rien.  

 

Le soir, je me réveillai dans la forêt derrière mon quartier. Il faisait nuit. J'étais blessé de partout. Mon t-shirt était déchiré, mon pantalon maculé de sang. Tout mon corps me faisait mal. Ils m'avaient frappé alors que j'étais évanoui. Lorsque je rentrai, le visage mort d'inquiétude de ma mère fut empli de bonheur et elle vint m'enserrer dans ses bras, surprise de mon état mais heureuse de me voir rentrer après une heure si tardive. Je ne pouvais m'empêcher de voir les images de son viol en toile de fond à chaque fois que je la regardais.  

Je lui balançai un mensonge comme quoi je m'étais battu avec mes potes, et me dirigea vers ma chambre sans manger.  

Elle ne m'a pas cru, bien évidemment. Même contre mon pire ennemi, je ne pouvais finir dans un tel état. Cependant, et ce malgré ses menaces, je ne dis mot. Elle me soigna du mieux qu'elle put et borda jusqu'à ce que je dorme. 

 

Le lendemain, j'apprenais que l'oral du devoir maison avait duré toute la journée et que je n'avais donc pas été appelé. La journée fut monotone à l'école, mais mouvementée dans ma tête. Ce jour-là, je pris une décision qui changerait ma vie à jamais. 

Le lendemain matin, je m'inscrivais au club de bretteur de mon école. On était au deuxième trimestre, et à la fin de l'année, j'étais le premier de toute l'école, tout âge confondu. J'avais 13 ans à l'époque, et j'arrivais à faire tourner en bourrique ceux qui avaient cinq ans d'expériences. La rage m'animait. Elle était mon moteur, un moteur démesurément puissant, effrayant même pour son porteur. Et cette dernière me portait partout.  

Les amis de ma mère qui venait à la maison étaient surpris de mon changement. Moi qui étais un ado chiant et lambda, j'étais devenu calme, presque froid, pragmatique. Les sorties avec mes amis passaient au deuxième, voire au troisième plan, je me concentrais intensément sur mes études et mon enseignement du sabre.  

 

A la fin de l'année, suivante, je devins officiellement le bretteur le plus fort de Belliqua. Que ce soit mes maîtres ou mes camarades, tout le monde passait sous mon sabre et tombait. J'avais acquis une renommée rare. Moi qu'on nommait Poil de carottes, qu'on appelait le sans-âme... moi qui était la planche à griffer de toute l'école, j'étais devenu une idole, un exemple pour tous.  

Sur mon relevé de notes, que des félicitations au contraire des remarques déplaisantes et des mauvaises notes d'il y a deux ans. Tout le monde parlait de moi en termes élogieux. Mais je n'avais d'yeux que pour le regard fier de ma mère qui se posait sur moi à chaque fois que je rentrais de la maison. Dans ses étreintes, je sentais désormais quelque chose de différent. Avant, je sentais un fort sentiment de protection envers moi qui émanait d'elle. Elle me serrait dans ses bras pour me protéger. Maintenant, j'avais la maturité nécessaire pour aider ma pauvre mère : j'étais devenu l'homme de la maison. Désormais, lorsqu'elle m'enlaçait, c'était pour s'en remettre à moi. C'était mon tour de la protéger. Et c'est-ce que je m'apprêtais à faire. Parce que pendant ces deux ans, ma mère avait sûrement continué de subir les affronts du gang des Alpagos. J'avais d'ailleurs appris qu'elle était loin d'être la seule. 

 

Il était dix-neuf heures. J'avais quinze ans. J'avais eu une poussée de croissance qui me rendait impressionnant par rapport à avant. J'étais à table avec ma mère et nos deux assiettes s'étaient vidés rapidement. Principalement parce qu'elles n'étaient pas bien remplies au départ.  

 

— Tu es rassasié ? Me demanda-t-elle l'air inquiet. Je crois qu'il reste encore quelque chose... ! 

— Non, ne t'inquiète pas, je suis plein, lui mentis-je.  

 

Quand j'y pense, je ne vous l'ais pas encore décrit, n'est-ce-pas ? C'était une femme élancée. Elle avait de beaux yeux noirs, et des cheveux frisés de la même couleur attachés dans son dos. Généralement, elle portait une longue robe évasée à partir de sa taille qui lui arrivait aux chevilles, d'une couleur beige-marron, et des bottines de cuir. Son visage avait quelque chose de calme, rassurant. Je n'avais jamais vu quelqu'un se fâcher contre elle, malgré son tempérament fort. S'il y avait un débat, elle était le genre à ne jamais lâcher le morceau. 

 

— Euh, dis m'man... je peux sortir avec des potes ? Ça fait longtemps qu'on ne s’est pas vu ensemble et...  

 

Immédiatement, son regard se voilà d'inquiétude. 

 

— Arthur, c'est dangereux le soir comme ça, tu le sais ! C'est non ! 

 

Autant j'étais devenu l'homme de la maison, autant je ne faisais pas d'illusion sur la véritable identité du maître de maison... ! Je m'empressais de lui dire qu'on resterait dans la chambre de mon ami, qu'on jouerait aux cartes, qu'on discuterait un peu et que ce serait tout. De plus, j'étais le bretteur le plus renommé de la zone. Après de multiples argumentions dont l'adolescent que j'étais  

 

— C'est d'accord, tu le mérites après tout ! Céda-t-elle finalement avec un petit sourire. Mais reviens avant 21 heures, d'accord ! C'est 21 heures au plus tard ! 

— Oh, merci ma petite maman !  

 

Je l'embrassai sur la joue et courut me préparer. Evidemment, je ne partais pas jouer aux cartes avec mes amis. Ce soir, je partais affronter le chef du gang des Alpagos, celui qui sévissait dans notre ville. Je montai à l'étage et jeta mon sabre par la fenêtre. Je mettais ensuite un pantalon-jogging beige, avec une longue veste noire à capuches qui me servirait vu les nuages menaçants. 

 

— Bon j'y vais, à plus ! 

 

Lorsque je sortis, je fus surpris par une bourrasque de vent qui me déstabilisa quelque peu. Je ne pensais pas que le temps était aussi inquiétant. Je ramassai mon sabre, le mit à la ceinture, puis sortit de la ville. J'allais dans la direction de mon école, rentrant dans la forêt qui m'en éloignait, mais en bifurquant légèrement du chemin que je prenais habituellement. 

 

Au fur et à mesure que je slalomais dans ces bois hétéroclites, le ciel s'assombrissait de plus en plus. Le vent aussi se faisait aussi de plus en plus fort. Par contre, la pluie se faisait désirer. Je ne m'étais jamais battu sous la mousson, mais ma détermination n'en serait pas entamée pour autant. Bientôt, j'arrivais à un endroit spacieux et circulaire dénudé d'arbres, dans lequel se trouvaient plusieurs hommes en noirs. J'avais trouvé le lieu où croupissait le gang des Alpagos. 

L'endroit était connu de tous, mais comme vous l'aurez deviné, les mercenaires n'avaient jamais de courtoise visite de la part des habitants. Mon cœur se mit à battre la chamade : pas de peur, mais d'excitation. J'allais prendre ma revanche, enfin, après deux années à subir la situation. Ces mercenaires ne s'approcheraient plus jamais de chez moi.  

 

— Alerte ! Cria l'un d'eux. Un intrus !!! 

 

Ce gang n'avait que des armes de poing : heureusement, sinon je serais déjà transpercé de balles. Le carnage pouvait commencer... ! 

 

— ARRÊTEZ ! Tonna alors une voix de stentor.  

 

Tous se retournèrent. Un colosse sortit de l'ombre que formait la lisière des arbres. Il devait bien faire deux mètres. Il avait des bras et un torse monstrueusement épais. Il avait de longs cheveux bruns attachés et une moustache broussailleuse. Ses yeux méchants aux sourcils touffus parcoururent la foule autour de lui tandis qu'il continuait de marcher. Il portait une simple veste de cuir sans manches, un pantalon du même acabit qui moulait ses jambes, et des bottes serties de piques. A la main, il n'avait ni plus ni moins qu'un fouet sur lequel il avait collé des petites aiguilles rouillées. Dans l'autre, une hache qui devait certainement me dépasser. Il avait deux canons d'avant-bras marrons composés des mêmes piques que sur ses bottes.  

 

Je ne connaissais pas son nom exact. Je sais que les adultes le surnommaient "le thanatopracteur de Belliqua". Sûrement à cause de la tête des morts après un meurtre de sa part. Quant à certains gosses, ils s'étaient mis à l'appeler "le proctologue de la mort". Ne me demandez pas pourquoi. Mais moi et mes amis, on trouvait que c'était trop d'honneur de l'appeler comme cela. Alors on l'appelait, "la Pisseuse". Ne me demandez toujours pas pourquoi. 

Au fur et à mesure qu'il avançait à grands pas vers moi, frappant durement le sol de ses lourdes bottes, il bousculait ses sbires sans ménagements. Il était tellement massif à côté d'eux qu'on aurait dit un Père Noël version motard qui marchait parmi son armée de nains loubards.  

 

Mon cœur battait de plus en plus fort. Je me surpris à trembler de crainte devant sa silhouette. Allais-je affronter cet homme alors que j'essayais de lutter contre le vent toujours plus fort ? En tout cas, ce n'était plus le moment de se défiler. Je le défiai du regard et resserra mon emprise sur mon épée.  

Arrivé à ma hauteur, il baissa le regard vers moi tout en gardant son dos bien droit, comme s'il ne m'avait pas bien vu de loin tellement j'étais petit pour lui. Puis il eut un sourire malsain. Je pus alors voir ses dents en or briller, comme pour remplacer le soleil qui avait disparu dans le ciel. Et soudain, il leva haut sa hache. Immédiatement, je levai mon sabre pour contre-attaquer. Cependant, la hache s'enterra dans le sol sec juste à côté de moi, profondément et tellement vite que je sentis la bourrasque lever ma grosse veste. Avec un sourire encore plus grand, il jeta son fouet un peu plus loin et se baissa vers moi.  

Son visage étant dans l'ombre, je ne vis qu'une lueur malicieuse et démente dans ses yeux, ainsi que son sourire doré, de plus en plus flippant.  

 

— Ben alors, gamin ? S'enquit-il alors d'une voix grave et rocailleuse. T'as perdu ton chemin ? 

 

Je voulus répondre, mais je me rendis compte que j'étais tellement tendu que j'arrivais à peine à ouvrir la bouche. Je pris alors une grande inspiration pour me donner du courage : un mélange d'alcool, de sang, de sueur mais aussi d'autre chose que je ne saurais décrire envahirent mes narines. Je failli me mettre à tousser, mais je me repris et dit : 

 

—Je suis... Je suis venu vous exterminer. Vous et votre gang. 

— Pardon ? Demanda le colosse en se baissant un peu plus. J'ai mal entendu là, tu peux répéter ? 

 

Ce qui me blessa le plus c'est qu'il semblait réellement sincère.  

 

— Mon nom est Tenzin Arthur, et je suis venu vous exterminer, criais-je dans le vent, peut-être un peu trop fort. Tous autant que vous êtes ! 

 

S'ensuivit un silence plus profond que prévu : même la nature semblait s'être arrêté devant la stupidité de mon affirmation, comme stupéfié par mon énorme bêtise. C'est alors que le colosse et ceux qui avaient entendus explosèrent de rire. En mon for intérieur, je me nourrissais goulument de cette humiliation, alimentant volontiers ma colère afin de me lâcher lors du combat qui était imminent. 

 

— C'est l'enfant Tenzin, les gars ! S'écria alors la Pisseuse en se retournant. Vous savez bien, celui dont on soulève la mère tous les matins ! 

 

Les rires reprirent de plus belle, aussi harmoniques qu'un concert de couinement de porc, légèrement couvert par le vent. Cette fois, je gardais mon calme et mon sérieux, bien que je sentais mon cœur exploser de rage. Si je restais immobile, c'est parce que je savais qu'au moindre mouvement que je ferais par la suite, ce serait pour tuer.  

 

— Comment va la veille ? Dis-moi, est-ce qu'elle boite... ? 

 

C'est bon, il avait cliqué sur l'interrupteur. A cet instant précis, je n'eus plus aucune conscience de moi-même, ni du danger, ni de rien d'autre. Du stade d'adolescent un peu énervé et inconscient, je venais de passer au même état que les sportifs en pleine performance olympique. Plus rien ne comptait si ce n'était la finalité de l'effort : tuer jusqu’à la satiété. Mon sabre se dégaina si vite que mon ennemi eut à peine le temps d'esquiver. Il envoya violemment son visage en arrière, mais ne put empêcher sa joue droite d'être salement tailladé.   

Cette fois, le silence qui suivit n'était clairement pas celui qui précédait un éclat de rire général. Tout le monde était grave, profondément choqué. Le regard que m'envoya le Pisseuse aurait pu me terrasser plus violemment que la foudre. Si j'étais encore lucide, je me serais échappé. Malheureusement, je ne l'étais pas.  

 

— Alors la Pisseuse ? Tu l'ouvres plus ta grande gueule, hein ? 

 

Il se crispa au moment où il entendit le surnom délicat que je lui avais trouvé. 

 

— Tu l'auras cherché, fils de pute.   

 

Il avait particulièrement appuyé sur les trois derniers mots, pour une raison que je ne connaissais que trop bien... Je hurlai de rage avant d'abattre mon sabre sur sa tête, mais il me mit un violent coup de botte dans le plexus qui m'envoya deux mètres plus loin. Dos au sol, je reçu une goutte dans l'œil : il commençait à pleuvoir.  

 

— Regardez bien, les gars, regardez bien, entendis-je tandis que je me relevais. Voila ce qui arrive à ceux qui m'insulte ! 

 

Je le vis me tourner le dos, parlant à ses troupes les bras levés. Alors comme cela il n'avait pas peur de moi... ! J'enlevai prestement ma veste puis courut vers la Pisseuse, décidé à le transpercer par derrière. Il se retourna soudainement comme s'il m'avait entendu commencer à courir. 

 

— Que le combat commence, grogna-t-il pour lui-même, retrouvant son sourire mauvais.  

 

Je balançai mon sabre horizontalement au niveau de son ventre. Il bloqua le coup avec son canon d'avant-bras, puis essaya de me donner un coup de poing. Je me décalai sur la droite pour l'esquiver. Aussitôt qu'il se fut retourné vers moi, je tentai un coup droit vers son cœur. Mais malgré sa grande stature, il avait des réflexes de tonnerre : il ferma son poing droit sur la lame de mon sabre, à quelques millimètres de son torse avec son éternel sourire. Abasourdi, je voyais le sang couler de son poing fermé. Puis, il mit mon sabre entre des dents avec un rictus, les yeux grands ouverts vers moi l'air de dire : " Et maintenant ?". 

 

Je fus frappé de stupeur par son entreprise. J'essayai alors de rentrer le sabre encore plus dans sa bouche, mais je n'y arrivais pas même en y mettant tout mon poids. Surpris, je décidai de retirer mon arme mais là non plus, je ne bougeai pas d'un centimètre. Il venait de complètement bloquer mon sabre à l'aide de ses dents... !  

Où était passé mon entraînement ? Mes pompes, mes abdos, mon programme de sport intensif ? Je n'arrivais plus à prendre mon arme de la bouche de bouledogue qui ne cessait de me sourire. Je tentai alors de le frapper au ventre, mais il ne bougea pas d'un centimètre. C'est alors qu'il se mit brusquement à bouger, m'entraînant avec lui dans son mouvement rotatif. Bientôt, mes pieds décollèrent du sol et je me retrouvais dans un manège fait maison, mes mains fermés sur mon sabre. Tout autour de moi, à travers le bruit du vent et de la pluie, j'entendais les sbires de la Pisseuse me huer ou rire.  

 

Finalement, il alla tellement vite que je lâchai mon arme, et valdingua plusieurs mètres plus loin, directement dans la foule. Lorsque je me relevai, mon t-shirt et mon pantalon trempé et maculé de boue, je vis la silhouette noire de la Pisseuse à travers un rideau de pluie intense, faisant claquer son fouet au sol. 

 

— Ce n'est pas encore terminé !!! Hurlais-je de rage. 

— Si. 

 

Il leva alors son fouet et l'abattit vers moi. Le fouet s'entoura violemment autour de son ventre dans un claquement retentissant qui m'arracha un hurlement de douleur. De multiples piques s'étaient enfoncés dans ma peau. Insensible à ma douleur, le Pisseuse tira sur le fouet pour me faire traîner vers lui. Je ne cessais de hurler de douleur. J'essayais avec mes mains de m'échapper de son empire, mais c'était impossible. J'étais harponné au sens littéral du terme.  

Je vous épargnerais les détails suivants. De toute façon, je ne m'en souviens plus. En tout cas, j'étais battu. La Pisseuse avait réussi à me battre sans sa hache ni son fouet. Même si ce dernier avait été utilisé pour me finir. Lorsque je rouvris les yeux, je sentis la pluie frapper mon visage, mon corps tout entier. J'étais tellement mal partout... Le regard plissé de douleur et pour éviter de faire rentrer de l'eau dans mes yeux, je voyais le ciel gris foncé. Soudain, une silhouette noire que je ne pouvais confondre avec une autre s'éleva au-dessus de moi. Ses mains semblaient manipuler sa ceinture pendant un moment.  

 

— Comment tu m'as appelé déjà ? me demanda-t-il en élevant la voix. Ah oui... la Pisseuse, hein... ? 

 

J'aurais préféré mourir plutôt que de me faire pisser dessus par le boss du gang des Alpagos. Cette fois, je mettais de côté ma stupide fierté et appela mentalement à l'aide pour que quelqu'un vienne. Je n'y crois toujours pas aujourd'hui. Mais toujours est-il que mon vœu fut exaucé. 

 

— Désolé d'interrompre votre Golden Show, dit alors une voix moins grave, un peu nonchalante mais parfaitement audible malgré la mousson. Je passais par là et...  

— T'es qui toi ? S'enquit brusquement la Pisseuse en refermant précipitamment sa braguette.  

— Désolé, je ne me suis pas présenté. Mon nom est Gaston le Bref, pour vous servir ! 

— Toi aussi t'es venu pour nous "exterminer" ? 

— Loin de moi cette idée ! S'exclama-t-il d'un ton qui transpirait le sarcasme.  

 

La Pisseuse était trop brute pour le sentir, mais moi je sentis clairement que ce gars se foutait de sa gueule. D'ailleurs, il était évident qu'il ne s'appelait pas réellement Gaston le Bref. 

 

— Pourtant que je vois que tu es armé. Que font ces deux sabres à ta ceinture ? 

— C'est pour couper la viande. Vous n'imaginez pas la précision de ces choses... ! 

— Euh... ben si, quand même, répondit doucement la Pisseuse qui semblait se calmer. Dites-moi, vous venez d'ici ? Je n'ai jamais entendu parler d'un Gaston le Bref à Belliqua. 

— Non, je ne suis pas de cette île, je voulais pécher et je me suis retrouvé ici. 

— L'île la plus proche est à trente kilomètres, énonça la Pisseuse, de nouveau suspicieux. 

— 31,5, rectifia immédiatement Gaston. Ça fait une petite trotte, n'est-ce-pas ? 

— Euh... ! 

 

Ce gars était de plus en plus déroutant... Mais qui était-il donc ? En tout cas, il était une diversion tombée à point nommé pour moi. J'essayai de tourner la tête, à la recherche de mon arme, non sans douleur. Je le vis alors deux mètres sur ma droite, planté dans le sol, formant une croix comme si quelqu'un y était enterré. Il fallait que je le récupère de toute urgence.  

 

— Dites-moi, c'est qui ce gars-là ? S'enquit alors Gaston tandis que je dirigeai ma main vers mon sabre.  

— Oh lui... c'est "l'exterminateur". Un petit roux détestable venu pour tous nous tuer, précisa la Pisseuse devant le silence incompréhensif de Gaston. 

— Ah ouais ? Et ce sabre qu'il essaye d'attraper est à lui, c'est ça ? 

— C'est cela. 

— Il est bien jeune... Dites-moi, pourquoi a-t-il fait ça ? 

— Parce qu'il y a deux ans, ce petit con à découvert qu'on se faisait sa mère tous les matins.  

— Oh... ! Je vois, je vois... ! Vous êtes donc ce fameux gang des Alpagos dont j'ai entendu parler, n'est-ce-pas ? 

— J'en suis le boss en fait, répondit l'intéressé.  

 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on aurait presque dit que le courant passait bien entre ces deux-là ! La vanité de la Pisseuse qui pensait que personne n'était plus fort que lui faisait qu'il n'avait besoin de mentir à personne, et l'étranger avait des réactions tellement passives qu'il était peut-être plus bizarre que mon bourreau ! 

 

— Résumons : Ce gosse a vu sa mère se faire violer par vos hommes il y a deux ans, et maintenant, il prend son courage à deux mains pour se venger ? 

— Exact ! Mais j'ai pu le battre à mains nues sans même utiliser mes armes.  

 

Silence. J'avais posé mon avant-bras gauche devant mes yeux, dégoûté. Clairement, ce Gaston n'allait pas m'aider. C'était un autre gars bizarre, qui allait sûrement demander à la Pisseuse de continuer son Golden Show. 

 

— Quelle honte ! S'écria alors Gaston en éclatant de rire. Mon petit gars, t'as perdu contre un homme désarmé, sérieusement ? Hahahaha, tu fais honte à tous les sabreurs de la planète ! Hahahaha ! 

 

Il fut pris d'un fou rire incontrôlable, qui fut peu à peu suivi par la Pisseuse, puis ses hommes. Je tremblais de rage en entendant leurs rire. La pluie sur mon visage se mêlaient à mes larmes. Je n'étais vraiment qu'un moins que rien. 

 

— Bon allez, fini de rigoler. Regarde plutôt comment on fait.  

 

Je rouvris brusquement les yeux. Sa voix avait changé. Il était devenu mille fois plus sérieux que ce que j'avais entendu plutôt. D'ailleurs, tous les autres le sentirent aussi et s'arrêtèrent immédiatement de rire. Je le cherchai une fraction de seconde avant de le voir sur ma droite, la main sur mon sabre planté dans le sol. Sans difficulté, il l'extirpa de la boue et le fouetta en l'air pour l'essuyer un peu. 

 

— Qu'est-ce que... ? 

 

La Pisseuse n'eut pas le temps de dire autre chose. En même temps que le tonnerre grondait dans le ciel, Gaston dégaina le sabre vers le boss. Ce dernier leva le bras gauche pour essayer de contre le coup avec ses canons d'avant-bras. L'attaque était tellement rapide que la seule chose que je vis fut l'avant-bras de la Pisseuse s'enfoncer dans la boue à côté de moi, désolidarisée du reste du corps.  

Tandis que la Pisseuse hurlait à la mort comme un chien en détresse, ses sbires se mirent à hurler de colère.  

 

— BOOOOOSS !!! 

 

Tous se mirent alors à courir vers Gaston avec la sévère envie de lui faire la peau. Il lâcha alors mon sabre au sol, et je pus distinguer sur son visage un sourire léger. La seconde d'après, je me sentis comme frappé. Une onde de choc qui semblait venir de Gaston traversa les environs. J'eus un haut-le-cœur, tous mes membres vibrèrent dans mon corps. Mais plus qu'un impact physique, je ressentis une violence psychique : j'avais l'impression que mon âme avait failli partir de mon corps mais que je l'avais rattrapé in extremis. Ce sentiment bizarre était couplé à une déformation temporaire de l'environnement. Lorsque je repris mes esprits, je vis que tous les sbires étaient à terre.  

 

— Il faut que... il faut que je rentre avant 21h... soufflais-je dans un râle. 

— Hum ? 

 

C'est à ce moment que je décidai de m'évanouir, alors que Gaston se mettait sur mon épaule.  

Lorsque je me réveillai, j'étais couché dans ce qui semblait être une grotte. Je me redressai brusquement, mais regretta immédiatement mon geste. Je n'étais toujours pas très frais, et j'eu une violente nausée.  

 

— Si tu vomis, j'te renvois là-bas, c'est clair ?  

 

Je tournai la tête vers la voix. Sur ma gauche, assis contre la paroi, un homme me regardait avec des yeux fatigués. Devant moi se trouvait l'entrée de la grotte d'où je pouvais voir la forêt. D'après la lumière qui filtrait à la lisière des arbres, il faisait jour. Je reportai l'attention vers l'homme. Il avait des cheveux d'un brun très clair. Ses yeux étaient gris perle. Il devait avoir la quarantaine. Il avait aussi une barbe de trois jours mal rasée. Il aurait pu être mon père. 

 

— Vous... vous êtes Gaston ? 

 

Il acquiesça doucement. Il portait un jogging noir et des bottes marrons clairs. Il avait aussi un débardeur blanc et une veste zippé grise. Ses deux sabres étaient posés sur le sol à côté de lui. 

 

— Vous m'avez sauvé... ? Comment... Merci. Merci infiniment.  

— Pas de quoi l'ami, répondit-il avec un sourire. Comment tu t'appelles ? 

— Tenzin Arthur. Et vous ? 

— Je l'ai déjà dit, hier, c'est Gast... 

— Vous êtes peut-être arrivé à rouler la Pisseuse, mais ce ne sera pas le cas avec moi ! L'interrompis-je en croisant les bras.  

 

Il sourit, signe que j'avais raison. Ou bien alors souriait-il à cause du surnom que je donnais au boss du gang et qui devait d'ailleurs lui semblait adéquat, étant donné qu'il était apparu à un moment pour le moins particulier.   

 

— Tu voulais mourir hier ? 

— Hein ? 

 

Je me rappelai alors de son fou rire de la veille. Il s'était moqué de moi parce que j'avais perdu contre un homme désarmé. Cela m'avait blessé, mais il avait eu raison de rire. M'en revint aussi en mémoire la façon dont il avait coupé le bras de la Pisseuse, comme du beurre, et aussi l'aura qui se dégageait de lui au moment où tous les sbires étaient tombés. 

 

— Tu as besoin de prendre des cours, sérieux... 

— En fait non, lui dis-je, guidé par mon orgueil. Je suis le meilleur sabreur de toute l'île. 

— Alors cette île est remplie de fiottes, répliqua sèchement l'inconnu dans se départir de son sourire. Et toi, tu es le roi des fiottes. Pas de quoi s'exciter. 

— Ah ouais ?!  

 

J'étais à deux doigts de le provoquer en duel, mais je décidai de me taire. Premièrement à cause de mon état, et deuxièmement parce que la scène de l'amputation du bras de la Pisseuse se répétait dans mon esprit : ce gars m'était supérieur. 

 

— Ouais mon gars... affirma-t-il sans sourciller. T'as encore beaucoup à apprendre.  

 

Après un petit silence, il se leva en poussant un soupir.  

 

— C'est quoi ce que vous avez fait hier ? Lui demandais-je alors. 

— C'est-à-dire ? 

— Vous avez réussi à couper ce bras comme si c'était du beurre et... puis cette onde de choc... ! 

— La première chose, c'est-ce que tu aurais dû faire depuis le début. Et l'autre, on appelle cela le Haki des Rois. Tu sais ce que c'est ?  

 

Si je savais ce que c'était ? Bien sûr que je le savais ! Je voulais devenir marine, et je m'étais donc renseigné sur les techniques de combats. Il existait trois sortes de Haki, et ils étaient la matérialisation de notre esprit combatif en quelque sorte.  

L'un était le Haki de l'observation. Il permettait à l'utilisateur de prévoir à l'avance les coups de son adversaire, et ce même les yeux fermés. L'autres était le Haki de l'armement. Cette fois, l'utilisateur, en se concentrant intensément pouvait enduire ses membres d'une seconde peau noir et brillante, infiniment plus dur et puissante que la peau. Quant au dernier, c'était celui des rois. Celui-là n'était détenu que par une personne sur un million. Le célèbre Monkey.D.Luffy l'avait, par exemple. Avec celui-ci, l'utilisateur pouvait d'un simple regard terrasser son adversaire. En effet, le charisme se dégageant de l'utilisateur est tel qu'il submerge son ennemi comme un raz-de-marée, et que ce dernier s'évanouit, comme déjà au courant de l'issue du combat. On naissait avec ce don, on ne l'apprenait pas. 

Et cet inconnu l'avait fait à une centaine d'hommes ! 

 

— Refaites-le ! M'écriais-je, poussé par mon excitation grandissante. 

— Hep hep hep, du calme ! A qui tu veux que je le fasse, à toi ? Non, pas maintenant. Pour l'inst... 

— Vous connaissez les autres Hakis ? 

— … Oui, je les connais...  

— C'est génial ! 

— Petit... 

— Vous pourrez m'apprendre ? 

— Petit... ! 

— Avez-vous utilisé le Haki de l'armement pour couper de bras de la Pisseuse ? 

— Euh... non, mais petit, attends deux secondes ! Dis-moi où tu habites, tes parents doivent être morts d'inquiétude ne pense-tu pas que tu les as assez inquiétés comme ça ? 

 

Il avait raison. Ma mère devait être morte d'inquiétude pour moi. Il fallait que je rentre au plus vite. Mais je devais être horrible... ! Je passai la main sur mon visage pour sentir les cicatrices. L'inconnu m'aida en sortant son sabre de son fourreau et en me mettant la lame devant le visage. Je pus donc observer mon reflet. J'avais un œil aux paupières rougies, la lèvre inférieure enflée et des points de couture à la joue. Mon torse, mes bras et mes jambes étaient enroulés de bandages qui piquaient légèrement.  

 

— Allez, on y va, me dit-il doucement. Je te porterais sur mon dos.  

— Attendez ! Lui dis-je alors qu'il se dirigeait vers moi. Vous... vous êtes tellement forts... S'il vous plaît, apprenez-moi ! 

— T'apprendre ? Quoi donc ? 

— Tuer. 

 

Nous nous regardâmes longuement et intensément pendant plusieurs secondes. J'eu la désagréable et légitime sentiment qu'il s'insinuait dans mon esprit : après tout, le Haki de l'observation avait pas mal d'applications... ! Je ne sais pas ce qu'il faisait dans cette forêt à ce moment-là, mais à chaque seconde qui passait, j'étais de plus en plus convaincu que sa venue n'était pas fortuite. S'il était accouru à mon secours, c'est que mon objectif était légitime à ses yeux, en quelque sorte... Il eut une moue pensive avant de me dire doucement. 

 

— C'est une mauvaise idée bonhomme. La violence et la vengeance n'engendrent rien de bon. Retourne chez toi et fais profil bas. Si tu y tiens tant, je m'occuperais de ces problèmes de gang. 

— Hors de question. Je retournerai les battre dès que j'arriverais à marcher de nouveau. 

— C'est du suicide ! 

— Alors je devrais les laisser violenter ma mère sans rien faire ? Je préfère encore mourir en combattant. 

 

Une nouvelle fois, il se tut. Puis il hocha la tête avec ce que je crus être un sourire.  

 

— C'est d'accord. Allez, allons-y maintenant ! 

— Non, maintenant ! 

—Hein ? 

— On commence maintenant ! Ils doivent déjà être chez moi ! Apprenez-moi juste à bien manier le sabre et j'irais les rejoindre.  

— Ils ne sont pas chez toi, ne t'inquiète pas. D'ailleurs, ils n'y mettront plus jamais les pieds tant que je suis sur cette île. Ils ne m'avaient pas reconnu hier à cause de la pluie, mais je suis allé leur rendre visite ce matin, et ils ont compris que j'étais réellement. 

— Ah... ! Vous êtes connu ? 

— Beaucoup trop, me répondit-il dans un souffle. 

 

Et il me porta sur son dos jusqu'à chez moi. Je décidai de mentir à ma mère : si je lui avais dit la vérité, c'est elle qui m'aurait tué. Je lui dit que des hommes du gang m'avaient capturé alors que j'allais chez mes amis.  

Les jours suivants, "Gaston" disparut des radars. Je retournai à l'école, esquivant les questions de mes amis sur mes cicatrices. Je pensais qu'il n'avait pas tenu sa promesse. Quoiqu'il en avait tenu une sur deux : ma mère ne subissait plus la visite intempestive des gangs. J'étais arrivé en retard à l'école juste pour vérifier.  

Finalement, il réapparut à la vitre de ma chambre tard la nuit, alors que j'étais assis sur mon lit à lire un bouquin sur le perfectionnement des techniques de combat au sabre. Je sortis discrètement de la maison alors que ma mère dormait, sous la pleine lune.  

Immédiatement, nous nous dirigeâmes sous la cime des arbres, dans un spot tranquille trouvé par "Gaston". 

 

— J'ai apporté mon sabre. 

— Bien, répondit-il d'un ton égal. Pose-le au sol. Tu te battras avec ça.  

 

Il se retourna pour me donner un bâton tordu d'un peu plus d'un mètre. La bouche entrouverte de surprise, j'agitais l'arme dans le vide comme un somnambule avant de me tourner à nouveau vers lui.  

 

— Pourquoi ? 

— Parce que.  

— Mais pourquoi ? 

— Ben parce que ! Je suis ton nouveau maître, oui ou non ? 

— Hum...  

— Bon allez, s'exclama-t-il en frappant dans ses mains. Regarde derrière toi. 

 

Je m'exécutai. Il avait accroché un sac apparemment rempli de sable, accroché à une branche d'un arbre. Un punching-ball en somme.  

 

— Frappe ce sac avec ton bâton. 

 

Facile. Je le fis en y mettant le maximum de puissance : la branche se brisa sous la force de l'impact. 

 

— Oups... ! 

— Raté, me dit-il. 

— Comment ça ? J'ai bien touché le sac pourtant ! 

— Recommence, ordonna-t-il d'un ton sec, en sortant un bâton de son dos comme par magie. 

 

Je voulus répondre, mais je décidai de me taire et de m'exécuter à nouveau. Après tout, le résultat serait le même. Je laissai tomber le bâton cassé en deux, frappai une deuxième fois, et me retournai vers lui.  

 

— Vous voyez ? Même résultat. 

— Raté. 

— Quoi ?! M'écriais-je, outré. Mais... vous ne voyez donc pas... ! 

— Je t'ai dit de frapper ce sac avec ton bâton, n'est-ce-pas ? 

— Exactement ! Et je l'ai fait ! 

— Faux. C'est le sac qui a frappé ton bâton. 

— Quoi ? Répétais-je. Oh, c'est ridicule... ! 

— Ah bon ?! S'enquit-il en haussant les sourcils. Pourtant, le sac est indemne. On ne peut pas en dire autant des bâtons que je t'ai donné. 

 

Je restai bouche bée, trop déconcerté pour répondre. Mais bien sûr que c'était les bâtons qui était cassés en deux ! Que croyait-il ? Que j'allais couper ce sac en deux sans problème, comme dans une bande-dessiné ? Je commençais à douter sérieusement de ses capacités de coach. Il me jeta de nouveau un bâton. 

 

— Recommence. 

 

De rage, je frappai le bâton avec encore plus de violence qu'avant, le brisant une nouvelle fois. 

 

— Vous voyez ?! 

— Oui. Tu as encore raté. 

 

Et ce fut cela pendant une bonne semaine.  

La septième nuit, j'en étais à mon deuxième essai lorsque je m'énervai pour de bon. Je jetai le bâton au sol et me retournai vers lui, furieux d'avoir cru qu'un coach tombé du ciel pourrait m'aider dans mon entreprise macabre. 

 

— Ça ne marche pas !!! Hurlais-je comme un enfant insatisfait devant un jouet défectueux. 

— Je vois bien, répondit "Gaston" d'un ton placide. Tu as encore raté. 

— Il me faut tout simplement une arme plus puissante, comme mon sabre par exemple ! Retorquais-je en croisant les bras. 

— Donc c'est l'arme le problème ?  

— Oui, bien sûr ! 

— Il t'en faut une plus puissante ? 

— Exactement ! 

— Comme une hache ? S'enquit-il brusquement en se levant. Ou bien une massue ? Un fusil, un canon, un mortier ? Le fruit du démon de la lave [1] ? Une bombe, ou bien carrément une arme antique [2] pendant qu'on y est ! 

 

Pendant qu'il parlait, il s'était approché de moi. Je voyais clairement à son regard qu'il n'était plus le mec cool ou nonchalant d'habitude. Je sentais aussi que j'avais intérêt à la fermer désormais, et à arrêter de piailler inutilement comme l'adolescent que j'étais, parce que j'étais sur le point de recevoir une leçon empreinte d'expérience. 

 

— Comprends bien une chose, petit. Les armes sont toutes les mêmes ! Des bouts de matières inanimés au service de ceux qui les utilisent ! Une arme en est une, à partir du moment où tu la décider ! 

 

Il accentua sur le "tu", enfonçant son index dans mon torse. Je faillis lâcher un gémissement de douleur à cause de mes blessures pas entièrement guéris, mais je me contentais de serrer les dents. 

 

— J'ai deux sabres à la ceinture, mais si je veux je peux te tuer avec un cure-dent bonhomme ! Grogna-t-il. Une écorce, une fourchette, n'importe quoi ! Et elles me serviront toutes à la même chose, alors bien sûr qu'elles sont toutes pareils. Mais toi, toi tu es unique ! Et c'est à toi de décider de ce que tu veux faire avec ton arme.  

Il se retourna pour aller cherche un nouveau bâton, puis revint vers moi.  

— Le problème, c'est que tu n'es plus toi-même lorsque tu laisses tes sentiments prendre le dessus. Lorsque tu te laisses submerger par ta colère, tu en deviens l'esclave décérébré. Tu en deviens l'apôtre ! Tu n'es pas plus lucide que l'adhérent d'une secte ! Ton esprit est lessivé ! Et c'est pareil pour tous les sentiments ! 

 

Je continuais de l'écouter, la bouche légèrement entrouverte comme pour boire ses paroles. Il avait raison sur toute la ligne. Je n'étais plus moi-même lorsque j'étais en colère. Je sentais bien que je perdais d'un coup le contrôle. 

 

— Tu te crois peut-être plus fort dans cet état, n'est-ce-pas ? Me demanda-t-il avec un sourire narquois. Tes membres tremblent, tes gestes se font plus rapides et nerveux. Ton cœur s'emballe, éclate littéralement. La force de tes muscles se décuplent. Et en fait oui, tu es plus fort. Mais cette force que ton corps met dans tes mains, tu es bien incapable de la gérer. Parce que tu t'es laissé envahir par la colère et que tes mains tremblent. Alors, au lieu d'utiliser cette force comme une arme, tu la laisses gigoter dans tes mains inexpérimentées, te blessant toi-même ! Tu la laisse jaillir comme le soda s'échappant d'une bouteille à cause de l'excédent de gaz ! Et à aucun moment, tu n'arrives à diriger le jet aussi précisément qu'un tir de sniper. 

Alors le but pour toi, c'est d'utiliser toute la force qui t'es donné lorsque tu es en colère. Mais au lieu de la laisser exploser comme un volcan en éruption, contrôle-la ! Dirige-la ! Commande-la ! Et surtout, réfléchis et observe, petit ! 

 

Il finit son discours en me donnant une petite tape sur la tête, histoire d'appuyer ses derniers propos. Je comprenais maintenant pourquoi il m'avait laissé patauger toute une semaine. Il voulait attiser ma colère, la démultiplier pour que je sois familier à ce sentiment, et ce afin de mieux le contrôler.  

— Tout d'abord, je t'apprendrais que la force n'est rien sans maîtrise.  

 

Il me fit signe de s'écarter. Puis, il frappa le sac avec le bâton, à une vitesse beaucoup plus faible que la mienne. Pourtant un trou était apparu dans le sac et un filet de sable en sortait.  

 

— Mais... comment ? 

— Qu'est-ce que je t'ai dit ? M'interrompit-il d'une voix plus calme. Réfléchis et observe.  

 

Et il répéta son geste, faisons un deuxième trou dans le sac. Finalement, je vis le "tour", qui était plutôt simple. 

 

— Vous... vous vous êtes servis du fait que le bâton était tordu, compris-je alors. Cela crée quelques angles qui peuvent percer le sac.  

— Exactement. Et pour percer ce sac, pas besoin de plus de force que ça. Il m'a suffi de réfléchir et d'observer. Tous les bâtons que je prends pour cet entraînement contenaient cette spécificité. Mais, envahi par ta colère, tu ne faisais que violemment frapper le bâton sur le sac, sans profiter de ses atouts. De plus, tu remarqueras que mon bâton ne s'est pas cassé. Pourquoi, à ton avis ? 

— Et bien... vous alliez moins vite, donc... il ne pouvait pas se casser, répondis-je mollement, pas entièrement satisfait par ma réponse. 

— Bonne réponse, s'exclama-t-il néanmoins. Et pour illustrer cela, laisse-moi prendre un exemple. Hier, avec tes amis, vous vous amusiez à faire des ricochets à la plage.  

— Vous me regardiez ? 

— Ne m'interromps pas. A ton avis, pourquoi les pierres rebondissent sur l'eau ? 

 

Alors là, je n'en savais rien. Je haussai simplement les épaules, attendant qu'il me donne la réponse.  

 

— A cause de leur puissance. Si tu laisses tomber un caillou d'une distance de dix centimètres dans l'eau, sans lui donner d'impulsion, il traversera la surface sans peine. Résultat : la pierre bat l'eau. Mais si tu lance trop fort la pierre, cette dernière rebondira à la surface. Résultat : l'eau bat la pierre. C'est pareil avec le bâton et le sac de sable. Conclusion : la force ne t'assures pas toujours la victoire... Pourquoi tu souris ? 

—Hein ? Oh, pour rien... ! 

 

En fait, si, c'était bien pour quelque chose : la satisfaction de savoir que j'étais entre de bonnes mains. Ce gars savait de quoi il parlait, indéniablement. Avec lui, ma fierté se faisait passer à tabac, mais je n'en serais que plus puissant, et surtout plus instruit. J'avais envie de l'écouter encore, mais il mit fin au cours aussi vite que celui avait commencé.  

 

— On n'arrête là pour aujourd'hui. N'oublie jamais ce que je t'ai dit. C'est très important.  

 

De ce côté-là, pas de problème. Vingt ans après, je me rappelais mot pour mot de son discours. En rentrant chez moi, je marquerais son discours dans un petit journal, journal que j’amènerais aux entraînements suivants.  

 

— Et... est-ce que vous allez m'apprendre le... Haki... ? 

 

Il ne répondit pas. Il était dos à moi, occupé à ouvrir une bouteille de bière. Avant de porter le goulot à ses lèvres, il me dit :  

 

— Oui. Et tu vas en baver ! Allez, file ! 

 

Tout content, je m'emparai de mon sabre que je prenais vainement à chaque entraînement dans l'espoir de l'utiliser, et trottinai vers le village. J'allais apprendre le Haki... ! 

 

— Ah, et au fait, comment vous vous appelez ? 

— File !!! 

 

Et je détalai tel un lapin.  

 

 

****   

 

 

Un an plus tard, j'étais prêt. Cela avait pris beaucoup plus de temps que j'avais prévu, mais mon maître m'avait dit que j'avais eu de la chance que cela prenne aussi peu de temps. Ce dernier marchait avec moi sur un sentier de forêt, vers le repaire du gang des Alpagos. Le ciel était uniformément gris, et il y avait un peu de vent. C'est ce type de climat pendant lequel la nature se tait. Tout est en suspens, le ciel comme la terre, et il règne un silence étonnant. Quoiqu'au fur et à mesure que nous avancions, nous entendions le gang des Alpagos, manifestement en pleine fête. 

 

J'avais encore grandi et le dépassait légèrement, mais il avait toujours cette habitude de m'appeler petit. Mes cheveux roux étaient désormais longs et attachés en un catogan parfait. J'avais aussi un peu de barbe, celle hésitante de l'adolescent fière d'accueillir ses premiers poils. A la ceinture, je portais mon sabre et trois bâtons sélectionnés sur le chemin. Comme mon maître, je portais un kimono noir. 

 

— Comment tu te sens ? 

— Apaisé.  

— Bien, dit mon maître, qui ne m'avait toujours pas révélé son nom. Garde cet état jusqu'à la toute fin du combat. Rappelle-toi, ta... 

— Ma colère est un fleuve, que je dois diriger parmi mes différents membres à ma volonté afin de frapper pour vaincre, énonçais-je d'un ton calme. 

 

C'est en suivant ce dogme que j'avais, avec difficulté, appris le Haki de l'armement.  

 

— Bien. Nous arrivons. Je resterais à tes côtés, légèrement en retrait. Bonne chance.  

 

Je continuai de marcher tandis qu'il s'arrêta. Assis sur ses rochers, par terre ou sur des pagnes, buvant ou mangeant, le gang des Alpagos était à la même place qu'il y a un an, en pleine fête. Au milieu de tout ce raffut, l'homme que je toisais du regard était en train d'avaler cul sec un bol de saké. Lorsqu'il eut fini, il jeta le bol sur la tête de l'un de ses sbires, et alors nos regards se croisèrent.  

La Pisseuse avait désormais une main bionique bleue, faites de barres de métal et d'électronique. Ses cheveux, auparavant attachés dans son dos, étaient ébouriffés et dressés sur sa tête comme s'il sortait d'une explosion. D'ailleurs, son visage semblait plein de suie. S'ajoutaient à cela des favoris, une moustache et une barbe touffue et sale. Ses yeux étaient grands ouverts, illuminé de la même démence que la dernière fois. Mais ce qui m'étonnait le plus, c'est qu'il portait les mêmes habits. Lorsqu'il me vit, sa bouche se déforma en un sourire qui menaçait de décrocher ses deux oreilles, mais c'était sans compter sur mon maître dont il croisa le regard. A ce moment, son sourire se figea et ses yeux s'écarquillèrent de peur ou de surprise. Sûrement des deux. 

 

Pendant ce temps, l'assemblée s'était peu à peu tue, se rendant compte petit à petit que deux nouveaux invités faisaient leur entrée.  

 

— Ne t'inquiète pas la Pisseuse, s'écria mon maître. Ce n'est pas moi que tu vas combattre aujourd'hui, mais mon disciple. 

 

Le boss du gang se releva lentement, et attrapa de ses deux mains sa hache et son fouet serties de piques. Je vis alors sur sa joue la blessure infligée il y a un an, minuscule cicatrice, de l'envergure de ma force à l'époque. Cette fois, c'est plus qu'une simple trace rouge qui lui resterait sur son hideux visage... ! 

 

— Putain, t'es revenu enfoiré ! Toi et ton "Gaston" ! L'enfant Tenzin est de retour à la maison les gars ! 

 

Il y eut de faibles acclamations pour suivre poliment l'invitation du boss à s'exalter, même si la plupart d'entre eux avaient plutôt envie de détaler à la vue de mon maître. La Pisseuse essuya cet échec et reporta son attention sur moi.  

 

— Alors "exterminateur" ? Avec quoi es-tu venu te faire battre cette fois ?  

 

Pour simple réponse, je sortis un bâton de ma ceinture. Cette fois, les éclats de rire partirent avec entrain, comme prévu. Par contre, la Pisseuse ne rigolait pas du tout. Au contraire, il regardait d'un air ahuri mon arme, croyant à une farce. 

 

— Quel est cette mascarade... ? 

— Ce n'est pas une mascarade, répondis-je en élevant la voix. Avec cela, je vais te battre, et à la fin, tu me supplieras de te laisser en paix.  

— Comment ça ?! 

 

Honnêtement, je n'y croyais pas à 100% non plus. La veille de la confrontation, alors que mon maître et moi dînions dans une enseigne de restauration rapide, il m'avait annoncé que je me battrai contre la Pisseuse avec un bâton, et rien d'autre.  

"— Je vais battre la Pisseuse avec mon bâton... avais-je dit, sidéré. Tiens, pourquoi j'y vois un double sens ? 

— Je suis sérieux. Tu en es capable. Ne lui fais pas l'honneur de sortir son sabre de ton fourreau pour un ennemi de son acabit." 

 

— Bah, aucune importance, finit par dire le boss du gang en haussant les épaules. C'est entre toi et moi alors, hein ? Pas de "Gaston" pour te sauver la mise ? 

— C'est cela, Jack. Toi et moi, en duel. 

— Alors comme ça tu connais mon nom... ! 

 

Ça aussi, c'est mon maître qui me l'avait dit. Je me mis en garde. Immédiatement, tous les sbires de Jack s'écartèrent, formant une arène de combat suffisamment large pour nous deux. Puis, je m'approchai lentement de mon adversaire, prêt à n'importe qu'elle attaque. Je me délectai à nouveau du silence environnant, couplé aux brises légères de vent.  

 

— Soit, dit ce dernier. Que le combat commence.  

 

Et avec une rapidité qui me surprit, bien que j'eus à l'expérimenter un an plutôt, il fit claquer son fouet vers moi. Mon cerveau mit une fraction de seconde à s'enclencher : j'avais la parade contre ça. Je tournai sur moi-même pour me donner de l'élan, puis jeta de toute la force dont j'étais capable de bâton se cogner contre le fouet. Ce dernier s'enroula autour de lui et tomba mollement sur le sol.  

 

— Hein ? Souffla Jack, trop court d'esprit pour analyser ce qui s'était passé. 

 

Mais j'enclenchais déjà une seconde offensive. Lorsqu'il s'en rendit compte, j'étais déjà juste devant lui. Je dégainai mon bâton et le frappa violemment au visage.  

 

— Aaaaaaargh !!! 

 

Je reculai de quelque pas, insensible à la douleur du colosse qui tomba à genou, la main sur le visage. J'avais profité des courbes pointues du bâton pour percer l'œil de mon adversaire. Cela s'était passé en un éclair dans mon esprit. Au moment où je dégainai, j'avais dû remarquer un endroit adéquat sur le bâton, puis frapper en conséquence. Je tournai la tête pour voir mon maître. D'après son sourire, il était fier de moi. 

 

— Ne te déconcentre pas, petit ! S'exclama-t-il sans se départir de son sourire. 

 

C'est alors que je sentis un sentiment de rage incommensurable derrière moi, ainsi qu'une violente envie de tuer : grâce à mon Haki de l'observation, je pus sentir la hache, impulsé par la colère de Jack, empreint de sa puissance et de sa rage, se diriger dangereusement vers moi. Sans me retourner, j'arrivai à me baisser juste à temps pour éviter un coup qui m'aurait scié en deux. Je fis une roulade en avant et lui fit face de nouveau, un genou à terre. Cependant, la Pisseuse revint avec un coup de pied dans mon ventre qui me propulsa loin derrière.  

Quand je me fus relevé, il avait déchire un pagne et l'avait enroulé autour de sa tête pour protéger son œil. Il grognait, les dents serrés et découvertes, fou de rage à mon égard.  

Mon cœur commença à s'emballer, mais immédiatement, je me mis à respirer profondément pour le calmer. Un bâton dans la main droite, je ramassai le premier de ma main gauche, l'extirpant du fouet. La Pisseuse respirait comme un buffle, déjà épuisé. Ce n'était pas le moment pour moi de me reposer sur mes lauriers. Immédiatement, je repartis à l'attaque. Je le vis prendre son élan pour donner un autre coup de hache qui arrivait sur ma gauche. Immédiatement, je m'arrêtai juste devant lui et encaissai le coup avec mon bâton, stoppant la course de la hache toute en douceur : j'avais d'abord suivi son mouvement rapide avant de rapidement le freiner. Je savais que si j'avais gardé mon bâton immobile, il l'aurait découpé lui et moi avec.  

 

Toutes ses astuces m'avaient été appris par mon maître, de la même façon que le rapport de force entre un caillou et la surface de l'eau, ou encore un bâton et un sac. Je gardais en tête une phrase que j'emporterai dans la tombe de sa part : "Les rapports de forces, c'est toi qui les conçoit." 

 

— Mais... comment !? Mugit-il. Ma hache était censée découper ton bout de bois ! 

— Les rapports de forces, c'est moi qui les conçoit, souriais-je.  

 

Puis de ma main gauche, je lui infligeai un nouveau coup de bâton au visage. Il se reprit rapidement, laissa tomber sa hache et me donna un coup de poing avec sa main bionique. Son poing était plus gros que mon visage. En un instant je dus concentrer toute ma force vers mes bras. Je croisai ces derniers devant mon visage et les enduit du Haki de l'armement. Avec mes jambes légèrement pliés et plantés dans le sol, rien ne pouvait me faire bouger dans cette position. 

Lorsque le poing me heurta, c'est ce dernier qui fut touché, comme avec le bâton et le sac de sable. Son poing s'écrasa contre moi comme une voiture contre un mur, et le métal se tordit violemment dans un grincement distordant. J'aurais pu jubiler intérieurement de cette victoire, mais cela aurait troublé mon apaisement intérieur.  

Je reculai d'un pas, me mettant en garde alors qu'il prenait sa hache de sa main droite, l'autre étant désormais inutilisable. S'ensuivit une mêlée de coups qui ressemblerait plus à un feu d'artifices de l'extérieur. Les coups fusaient de partout à toute vitesse, si bien qu'un spectateur novice suivrait sans rien comprendre, la bouche entrouverte, émerveillé par une maîtrise qu'il ne concevait même pas. Le hic, c'est que j'étais le seul à maîtriser la situation.  

 

Sans peine, j'esquivais les coups de hache et de poing, ripostant avec des coups de bâtons dans lequel je ne mettais pas ma pleine puissance. Au lieu de le frapper violemment comme je l'avais fait au visage, je lui infligeai désormais de multiples petits coups. Cela le dérangeait, comme un essaim de mouches qui ne veut pas vous lâcher. 

J'esquivai ensuite un coup de hache en me retournant sur moi-même, puis abattit mon talon sur sa cuisse. Ce coup était semblable à une béquille. Il devrait boiter pour les minutes qui suivaient, mais il ne m'était de toute façon pas nécessaire que sa mobilité soit réduite : Le combat était déjà fini. 

 

Du coin de l'œil, j'avais aperçu le fouet par terre sur ma gauche.  

 

Je vis aussi la touffe de cheveux de Jack qui me donna une idée.  

 

Sa garde n'était pas bonne. J'allais donc user d'un point de pression non négligeable, car j'avais besoin qu'il soit sonné pour le battre. 

 

Un point de pression suffirait...  

 

Non, trois. J'avais fini de réfléchir et d'observer. Désormais, il me fallait agir. 

 

J'enfonçai le bâton de ma main gauche derrière l'os de sa clavicule dans un premier temps. Immédiatement, il se pencha de son côté droit, voulant mettre fin à cette souffrance. En même temps, il lâcha sa hache. Au moment où cette dernière toucha le sol, je frappai avec mon bâton sa tempe gauche légèrement : si je frappais trop fort, je pourrais causer une hémorragie, voire la mort. Je venais d'utiliser deux points de pressions, et ces deux-là occupaient tout l'esprit de Jack : son front était à découvert.  

 

Je lâchai mon bâton gauche, et vint de ma paume frapper son front. Pas trop fort non plus. En faisant cela, il était obligé de pencher la tête en arrière. J'avais bousculé son cerveau vers l'arrière et sa boîte crânienne était obligée de suivre. Troisième point de pression utilisé. 

Il essaya alors de me frapper avec son poing opérationnel. Il me facilitait la tâche. Je n'eus qu'à l'attraper de la main gauche. Ensuite, je le frappai sèchement d'un coup de pied dans le plexus pour le faire se courber en avant. Enfin, j'agrippais sa touffe de cheveux, puis je le fis basculer au-dessus de moi. Il tomba sur le dos, pile à l'endroit où son fouet reposait. Le combat était fini. Si les pointes du fouet avaient déplacé sa colonne vertébrale, il ne pouvait plus marcher dans l'immédiat. Dans tous les cas, je pouvais sentir son esprit combatif s'en aller grâce à mon Haki. Il capitulait, même s'il était beaucoup plus occupé à crier plutôt qu'à me le dire. 

Sans un regard pour lui, je me retournai vers ses sbires. 

 

— Prenez Jack avec vous, et foutez le camp de cette île à tout jamais. J'en serais désormais le gardien. Si je vous revois dans cette zone, à Belliqua ou aux îles alentours, je ne vous ferais plus de cadeau... ! 

 

Je ramassai mes deux bâtons et me dirigeai vers mon maître, les yeux fermés pour me remettre en phase avec ma paix intérieure.  

 

— Bravo petit, murmura mon maître avec un sourire, en me donnant une tape sur l'épaule. Tu es enfin digne de pouvoir utiliser un sabre.  

 

Il partit le jour d'après, alors que l'île toute entière fêtaient ma victoire. Mon maître leur avait tout dit avant la confrontation, et toute la population me voyait en héros. Nous avions réquisitionné un endroit dans la forêt pour organiser un gigantesque feu de camp. Nous avons chanté, dansé, mangé, rigolé. 

Tout le monde voulait danser avec moi, entendre le récit de mon combat, savoir d'où venait mes cicatrices, demandaient mon autographe. Je devais entendre les histoires tristes des uns et des autres. Ma mère n'était pas la seule à avoir souffert. Beaucoup de femmes avaient subi son supplice, tandis que les hommes étaient envoyés en mission, tués ou torturés pour le plaisir, aux ordres de la perversité de Jack.  

 

C'est cette nuit que je sus qui était mon maître. Toute la soirée, entre deux danses, il avait réservé sa souche d'arbres sur laquelle il mangeait ou buvait. Après ses adieux, j'étais retourné à cette souche, déjà nostalgique. J'y vis une bouteille de bière fraîche et non ouverte, une bourse remplie de pièces d'or, une carte, une lettre et enfin, un avis de recherche planté dans la souche à l'aide d'un couteau. 

Dans la lettre, j'appris que ma mère était en fait consentante. Elle avait cautionné les actes du gang. C'est elle qui avait proposé cela. Voilà pourquoi elle était troublée cette année, alors qu'elle n'avait plus les visites des Alpagos. Finalement, je n'en étais pas choqué. Sûrement parce que je l'avais toujours su, mais que par sécurité pour ma santé mentale, mon cerveau avait opéré une amnésie tactique. Après tout, je l'avais déjà vu trompé mon père avec plusieurs de mes voisins, alors que ce dernier était parti en mer. C'est la deuxième partie de la lettre qui me choqua le plus. 

 

Ma mère n'était en fait pas ma mère. C'était un autre membre du gang des Alpagos, qui avait tué ma vraie mère juste après le détail de mon père. Sidéré, je me laissai tomber sur le sol. Il me fallu respirer à grands coups plusieurs fois pour essayer de me calmer, mais ce en vain. Ma vraie mère était morte et je ne l'avais pas su... Certes je n'avais même pas l'âge de parler le jour où mon père est parti, mais quand même... 

 

J'ouvris la bouteille de bière et en but une bonne partie pour me rafraîchir la boîte crânienne. 

 

Je vis aussi que mon père était toujours vivant, mais emprisonné quelque part. La carte me donnait son emplacement, à lui et à mon maître, au cas où je voulais le retrouver (bien sûr que je le voulais !). Il m'invitait donc à partir à l'aventure pour sauver mon père, d'où le sac de bourse plein d'argent. 

 

Quant à l'affiche, je la regardai de plus près. S'y trouvait un homme qui était l'exact identique de mon maître plus jeune. Je sus qui il était au moment où je posais mon regard sur son nom. Sa prime était absolument dantesque, de l'ordre de plusieurs milliards de Berrys. Il fut un pirate dont le capitaine a trouvé le fameux One Piece il y a bien des années. S'en est ensuivit une guerre qui a provoqué l'ère de paix que le monde vit en ce moment. C'était, et c'est toujours, le plus grand sabreur de ce monde.  

Je compris pourquoi il m'avait entraîné autant de temps. Peut-être savait-il depuis le début la véritable identité de ma fausse mère, sachant, du coup, que cette pile n'avait en fait rien à m'offrir. Il m'avait donc pris en charge non seulement pour accomplir mes objectifs à court terme, mais aussi parce qu'il savait qu'une fois la vérité dévoilée, je voudrais partir à l'aventure. C'était décidément quelqu'un d'énigmatique. Moi qui voyait les pirates comme des brutes écervelés dans le genre "Pisseuse", je m'étais lourdement trompé.  

 

D'une traite, je finis ma bière, accrocha la bourse à la ceinture de mon kimono, et prit l'avis de recherche, la carte et la lettre. Je me dirigeai ensuite vers chez moi pour y faire mon sac. Je ne tuerais pas ma fausse mère. Je n'avais plus de raisons d'être en colère désormais, il y avait prescription. Mais la maison était mienne et je lui ordonnerais de la quitter.  

 

J'engouffrai une grande bouffée d'air dans mes poumons. Je m'apprêtai à partir à l'aventure, demain, peut-être avec des amis, qui sait ? En tout cas, ma nouvelle vie commençait maintenant. 

 

 

 

 

[1] Les fruits du démon dont des fruits qui confèrent un pouvoir à celui qui le mange. Ici, c'est celui de la lave.

[2] Les armes antiques portent bien leur nom. Ce sont, en effet, des armes très anciennes (plus de 800 ans d'âge) qui sont des bombes atomiques-like puissance 1000 dans le monde de One Piece. Leur puissance est tellement destructrice que le pays qui en détient est officiellement le capitaine à bord.


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