Nouvelles d'Overwatch

Chapitre 39 : Un Homme de Parole (6 sur 6)

2013 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/02/2020 22:46

La larme coula doucement le long de la joue de Jack, avant de tomber sur le manche de sa veste de patient.


- Vous avez perdu quelqu’un, capitaine ? lui demanda un autre soldat, un vétéran dont la moitié de la tête était recouvert de bandage et l’autre moitié de cicatrices.


Jack rabattit la feuille du rapport de perte pour voir son voisin.


- J’ai perdu quarante-sept de mes soldats, répondit-il, la voix chargée d’émotion.


- Oh…d’accord.


Le vétéran semblait étonné. Sans doute avait-il trop vu d’officier qui acceptait sans ciller la perte de leurs troupes. Ou alors, moins émotivement que Jack. Il était toujours extrêmement peiné par la perte d’un de ses subordonnés.

Ces derniers avaient évacué Jack vers l’arrière, après que leur capitaine ait été gravement blessé par le tir du titan. Aujourd’hui, il se trouvait dans une ancienne ferme, reconvertie à la hâte en hôpital de campagne. Le vieux bâtiment en bois rappelait un peu à Jack sa maison.

Un des lieutenants de Jack avait pris la tête de la compagnie et continué le combat. Malgré les pertes, le titan avait détruit la moitié des chars les accompagnant, ils avaient tenu la ligne, des heures durant.

Et tout cela, en vain. L’Army avait été forcé d’abandonner Boston, incapable d’abattre le titan avant qu’il n’atteigne leurs lignes. La compagnie de Jack avait dû se replier avec le reste des troupes. Un quart des soldats étaient mort, la moitié blessée, dont beaucoup gravement.

A la fin, Boston était tombée. L’Army n’avait tenu la ville qu’une seule journée. C’est comme si les omnics avaient tout planifié. De les laisser s’épuiser à retirer leurs pièges, puis de reprendre la ville, avant que les américains ne puissent s’y fortifier. Tout ça pour leur infliger le plus de perte possible.

Saletés de machines.


Quoi qu’il en soit, la compagnie de Jack n’existait plus. Le peu de soldat encore en état de combattre avait été dispersé dans de nouvelles unités, pour que les nouvelles recrues puissent profiter de leur expérience. Jack était pour le moment sans affectation. Tant mieux d’une certaine manière. Cela rendrait son départ plus facile.


- Eh les gars, dit une des patientes, une femme d’âge moyen aux court cheveux roux et blessé à la jambe. La présidente va faire un discours sur la bataille de Boston. Les journalistes présentent de grosses annonces. Je le diffuse ?


Jack acquiesça, comme la plupart des patients. La militaire prit alors son téléphone, l’accrocha à une petite enceinte portative et tapota un peu dessus. Une voix féminine, celle d’une oratrice expérimentée, ce fit alors attendre.


- …malgré le courage de nos forces, la ville de Boston a été reprise par l’ennemi. Nos services de renseignement assurent que des forces considérables convergent vers la côte est, tandis qu’une nouvelle offensive a été lancé contre Portland.


Jack soupira. Il pensait tellement que la guerre serait bientôt terminée. Ou qu’au moins, sons sens avait tourné.


- Suite à ces nouvelles, et en concertation avec le chef de l'opposition, le gouvernement a décidé d'annuler la démobilisation de la première vague d'appelé.


Ainsi, l’affaire était décidée. Il ne retournerait pas auprès de son père dans un mois. On lui avait retiré cette possibilité.

Jack se dit qu'il aurait dû sentir quelque chose. De la colère, de se voir privé de son choix. De la tristesse, pour son père et ce qu'il allait subir.

Mais il était encore trop dans le deuil de ses soldats, trop abrutie par les médicaments, trop sous le choc de la défaite.


- Nous avons conscience que cette mesure est injuste, poursuivit la présidente. Que les premiers tirés au sort auront à combattre plus longtemps, à prendre plus de risque. C'est le danger auquel nous faisons face qui nous contraint à de telles extrémités. L'état-major nous a informé que, en cas de démobilisation, davantage de notre territoire sera exposé à l'ennemi. Nous savons les crimes que les omnics commettent dans les zones qu'ils envahissent. Nous ne pouvons y exposer davantage de nos citoyens.


Et puis...d'un certain côté, pensa Jack, qui n'écoutait plus que d'une oreille, cela l'arrangeait. De pouvoir juste suivre les ordres, sans se préoccuper d'assumer les conséquences.

En vérité, il ressentait bien quelque chose. Du soulagement.


- Notre gouvernement réfléchit à des mesures de compensations pour les appelés qui ont été mobilisés le plus longuement, ainsi que pour leur famille. Moi et le chef de l'opposition promettons d'émettre plusieurs propositions d'ici la semaine prochaine.


Le discours s'arrêta là. La soldate stoppa la diffusion, tandis que des commentateurs prenaient la parole.


- Il était temps que cette mesure arrive, dit un des patients.


Plusieurs soldats émirent des bruits d'approbation à cette remarque.


- Démobiliser au milieu de ce merdier...c'était vraiment une promesse stupide, ajouta une autre.


- Franchement, ces types-là croyaient vraiment qu'ils allaient pouvoir retourner tranquillement chez eux, alors que Dallas est envahi par les craztoast ?


Aucun d'eux n'est un conscrit, comprit Jack. Il devait être le seul dans la pièce.

Non que ça n'ait plus d'importance.


- Excusez-moi, dit-il à un infirmier, un vieil homme au visage très doux, qui apportait des médicaments à un autre patient. J'ai un coup de fils à passer. Pouvez-vous m'aider à aller dans un endroit plus isolé ?


- Bien sûr, capitaine.


L’infirmier l'aida à se redresser, puis à quitter ce dortoir. Cela faisait bizarre pour Jack de s'appuyer sur un homme plus âgé et, normalement, plus faible que lui. Mais ma foi...il était blessé après tout.


Ils se dirigèrent vers un petit banc en bois, situé un peu à l'écart des autres bâtiments.


- Je suis désolé, capitaine, dit l'infirmier, tout en aidant Jack à s'asseoir. Tous les bâtiments sont remplis de blessés ou de matériels. Mais vous serez tranquille ici.


- Cela ira très bien, le rassura Jack. Merci à vous.


- Je reviens vous chercher dans une demi-heure. Cela vous convient ?


- Oui, cela suffira.


Le vieil homme lui sourit, avant de partir.

Jack regarda les environ. Les champs de la ferme étaient visiblement abandonnés depuis plusieurs années. Des mauvaises herbes recouvraient les sillons des champs tandis que les pâturages ressemblaient maintenant à des terrains vagues. Seuls les vergers paraissaient s'en être bien sortie, même si la végétation entre les pommiers rendrait toute récolte difficile.

Est-ce à ça que ressemblera sa maison d'ici quelques années ? Peut-être.


Puis, Jack porta son regard sur Boston. De nombreuses colonnes de fumées, blanches et noirs, s'échappaient de la ville. Même à cette distance, il était possible d’apercevoir les dégâts aux gratte-ciels, notamment ceux renversés. Le titan, en revanche, avait disparu.

Étais-ce à cela que le reste du pays ressemblerait d'ici quelques années ? Non. Pas si Jack pouvait l'empêcher.


Il prit son téléphone et appela son père. La sonnerie ne dura que quelques secondes, puis l'image de ses deux parents apparut sur l'écran.


- Jack ! S'exclama sa mère. Est-ce que tu vas bien ?! Nous avons eu si peur pour toi !


- Je...je suis juste blessé, maman. Mon nom n'est pas apparu dans la liste des morts au combat, non ?


- Non, répondit son père, plus calme. Mais tu sais que ces listes ne sont pas totalement fiables. C'est plus rassurant d'avoir un appel de ta part.


- Blessé gravement ? demanda sa mère.


- Assez, répondit honnêtement Jack. Je vais être hors combat pour deux semaines au minimum. Mais on m’a assuré qu'il n'y aura pas de séquelle.


Un peu rassuré, sa mère hocha la tête.


- Papa, reprit Jack. Je...je suis désolé. Je ne vais pas pouvoir tenir ma promesse.


- Je sais, fiston, répondit Morrison Senior.


Il paraissait...apaisé. Un peu triste tout de même. Mais bien moi qu'avant.

Comme pour moi, il n'a plus à faire un choix et à en assumer les conséquences, comprit Jack. La présidente a choisi à sa place. A notre place.


- Enfin, ce n'est que reporté, reprit son père. Ton service est prolongé mais il prendra sûrement fin un jour.


Son ton paraissait presque convaincu.


- Sans doute, ajouta Jack.


- Nous verrons alors ce qu'il en est à ce moment-là, ajouta sa mère, d'une voix très prudente.


- Oui, dit Morrison Senior. Oui…


Ils discutèrent ensuite de chose plus badine pendant une dizaine de minute. Puis, ils durent s'arrêter. Les parents de Jack avait du travail.

Le jeune capitaine resta donc assis, à regarder le paysage en attendant que l'infirmier revienne.


Jack fut un peu surpris en entendant des bruits de pas. Cela faisait un peu tôt. Mais ce n'était pas l'infirmier.

C'était le général Walls.


Son uniforme portait quelques traces de poussières, de suie et de sang. Le général lui-même abordait quelques bandages aux bras et aux épaules.


- Général, salua Jack. Pardonnez-moi de ne pouvoir me lever.


- Bha, nous pouvons passer sur les formalités à ce stade.


Il s'assit à côté de Jack et sortie un flacon.


- Je ne vous en propose pas. Vous me répondriez que ce n'est pas bon pour votre traitement.


- En effet, approuva Jack.


Walls rigola, avant de boire une gorgée.


- Est-ce que vous avez combattu à Boston ? demanda Jack.


- Oui. Je n'aime pas me retrouver à rien faire alors qu'il y a de l'action à côté.


- Mais si vous aviez été tué...débuta Jack. Le programme…


- Allons ! Vous ne m'avez pas écouté la dernière fois ? Personne n'est irremplaçable. Si j'avais été tué, le gouvernement aurait confié le programme à un autre vieux renard des forces spéciales. Ils n'en manquent pas.


- Si vous le dites.


Un court silence passa.


- Désolé pour la décision présidentielle, reprit Walls.


- C'est ce qu'il y a de mieux pour le pays, répondit Jack.


- Hu. Tant mieux si vous le prenez comme ça. Je suppose.


- Vous êtes venu me voir juste pour me dire ça ? s’étonna le jeune capitaine.


- Bigre, vous n'avez vraiment pas une bonne opinion de moi, répondit Walls en rigolant.


- Je...désolé...répondit Jack, gêné.


- Ah. Ce n'est pas grave.


- J'imagine que je vais bientôt beaucoup mieux vous connaître. Si mes blessures…


- Elles n’empêcherons pas le transfert. Ni ne le retarderons en fait.


Jack acquiesça.


- Dites-moi, reprit Walls. S'il n'y avait pas eu le discours de la présidente, quelle aurait été votre décision ?


- Je serai retourné auprès de mon père, répondit Jack, sans hésiter.


A sa surprise, Walls ne parut pas étonné. Il prit juste un air plus sérieux.


- Je vois, réagit le général. Homme de parole jusqu’au bout, hein ?


- Oui.


- Hum. Ma foi, c'est une bonne chose qu'il y ait quelqu'un comme vous dans le programme. Il ne faudrait pas transformer en super-humain n'importe qui.


Il se tapota amicalement l'épaule de Jack, tout en se levant.


- Nous nous reverrons bientôt, capitaine Morrison.


Jack reporta son regard sur Boston. Le berceau de l’indépendance. En flamme et occupé par l’ennemi.

Un jour, il retournerait là-bas. Pour délivrer cette ville, définitivement.

C’était une promesse.


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