Life of a Hero

Chapitre 0 : Prologue

2204 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 02/10/2018 18:56

Prologue

Six septembre 1986,

Maternité de Westport,

Connecticut,

19h45.

Les visites étaient terminées depuis un quart d'heure quand Hermès pénétra dans le hall de la maternité. Pâle, plus nerveux qu'il ne l'avait jamais été, il jeta un coup d'oeil désespéré à sa montre avant de s'approcher à pas lents de la secrétaire.


D'ordinaire, lorsqu'il devait se rendre dans ce genre d'endroit, le dieu des Messagers n'avait que faire des horaires ; un petit coup de brume et la personne en charge de contrôler les allers et retours des patients ou des familles secouait la tête d'un air endormi, regardait l'heure indiquée par l'ordinateur, qui avait miraculeusement reculée de trois heures, et donnait son accord d'un hochement de tête avant de vaquer à quelque occupation. Mais aujourd'hui était différent. Obligé de surveiller Apollon durant son séjour chez les mortels, Hermès n'était pas censé se trouver là. Mais en Arizona, dans une chambre d'hôtel de Phoenix*. Utiliser ses pouvoirs était donc proscrit. Sauf s'il souhaitait s'attirer les foudres de son père.


« Excusez-moi … », murmura-t-il à l'adresse de la secrétaire, une fois accoudé au comptoir.


L'angoisse de se faire prendre associée au stress et à l'excitation qu'il ressentait à l'idée de voir son fils, rendait son estomac extrêmement douloureux. Esquissant une grimace, il se passa une main dans ses cheveux bouclés et essuya son front dégoulinant de sueur, les yeux rivés sur son interlocutrice.

Celle-ci, une blonde vraisemblablement âgée d'une trentaine d'années, était occupée à remplir un formulaire et, au grand dam du dieu, prit le temps de finir sa tâche avant de lever les yeux vers lui.


« Les visites sont terminées, monsieur. »


Sa voix était douce et bienveillante mais sans appel. D'ailleurs, elle avait détourné son attention d'Hermès et était désormais en train de trier des dizaines de papiers, comme si la conversation était belle et bien terminée. Mais, incapable de se décoller du comptoir et de tourner les talons, Hermès ouvrit et ferma la bouche à plusieurs reprises, l'air totalement désemparé.


« Mais … », finit-il par bredouiller, d'une voix faible.


Si les émotions n'avaient pas eu autant d'emprise sur lui, Hermès aurait paru plus irrité qu'attristé – comment une mortelle osait-elle refuser la demande d'un dieu ? - et aurait certainement pulvérisé la jeune femme avant de se diriger vers l'ascenseur. Mais ce soir-là, tout était différent.

Ce soir-là, George et Martha n'étaient pas présents pour se mettre en mode laser. Ce soir-là, l'un de ses plus grands amours avait donné naissance à leur premier enfant. Ce soir-là, il n'avait rien du dieu olympien : il était plus humain. Beaucoup plus. Il était un homme qui venait d'avoir un enfant. Un homme qui mourrait d'envie de pouvoir prendre son petit bout dans les bras et de crier son bonheur au monde entier. Il était un homme empli de joie, d'impatience, d'excitation et d'anxiété. Il était empli d'émotions puissantes et contradictoires, qui le paralysait et le rendait incapable de la moindre violence.


« Vous allez bien, Monsieur ? »


Le ton préoccupé de la secrétaire sortit Hermès de ses pensées. Le dieu acquiesça d'un hochement de tête et esquissa un léger sourire qui se voulait rassurant. Mais cela ne sembla pas convaincre la femme qui farfouillait déjà dans diverses dossiers.


« Comment s'appelle votre compagne ? »


Le terme compagne finit d'achever Hermès qui s'appuya de tout son poids sur le comptoir pour ne pas tomber, pris dans un tourbillon d'émotions. Une larme s'échappa même de son œil gauche avant qu'il ne réponde, d'une voix dont il essaya tant bien que mal de maîtriser le tremblement :


« May … May Castellan »


OoOoOoO


Six janvier 1987,

Chez May Castellan,

Quelque part dans le Connecticut,

16h52.


« C'est moi, May ! », s'exclama Hermès, un grand sourire aux lèvres.


D'un geste plein d'enthousiasme, le dieu des Messagers ferma la porte d'entrée et huma avec délice l'appétissante odeur de cookie qui s'élevait du four.

May n'était pas dans la cuisine, ni dans le séjour, ce dont il profita pour observer avec bonheur ce qui l'entourait.

Depuis le premier jour où il avait foulé le sol de cette petite maison bâtie loin de toute activité humaine, Hermès l'avait adoré. Basse de plafond, plus petite que la plupart des bâtisses américaines, la maison de May avait cependant le don de faire naître en chaque visiteur une sensation de bien-être et de confort absolu ; dès que l'on en franchissait le seuil, on était happés par l'incroyable luminosité qui régnait dans la pièce. Une luminosité qui vous réchauffait le coeur et l'esprit, tout comme les couleurs claires, les nombreux coussins et la cheminée qui régnaient dans le salon. Un salon toujours en désordre, ce qui ne faisait que nous faire sentir d'avantage chez nous. Car qui n'avait jamais laissé traîner un livre ou des magasines sur la table basse ? Et qui s'amusait à replier les couvertures à chaque fois qu'il quittait le canapé ?

D'un geste lent, le regard tendre, Hermès se baissa pour attraper un petit objet laissé en plein milieu de la pièce. C'était un petit hochet bleu clair, le préféré de Luke. Enfin, celui que le petit garçon adorait encore la semaine dernière ; les choses avaient peut-être évoluées depuis.


« Il est comme moi, il adore s'intéresser à des centaines de choses à la fois. »


« Hermès. »


Son sourire encore plus éclatant, le concerné se retourna brusquement vers l'escalier, le coeur battant la chamade. Elle se tenait bien là, sur la dernière marche, la main droite posée délicatement sur la rampe. La femme qui faisait battre son coeur et l'une des plus grandes sources de son bonheur. May Castellan.


« May. »


Aussi vif que le serait l'un des éclairs de son père, Hermès s'avança vers la jeune femme et la prit dans ses bras. Avec un soupir qui mêlait soulagement et plaisir, le dieu embrassa le front de May avant de respirer la formidable odeur de ses cheveux blonds. Qu'est-ce qu'il était bon de la retrouver ! De la serrer dans ses bras ! D'être de nouveau chez soi !


« C'est bien que tu sois là. J'avais justement à te parler. »


La voix de May était douce, son ton sans aucune trace de colère ou d'inquiétude. Et pourtant, Hermès se figea légèrement à l'entente de ces mots. Son coeur accéléra un peu plus ses battements et d'étranges frissons lui parcoururent la nuque.


« … Luke ? », fit-il d'une voix plus faible qu'il ne l'aurait voulu.


Serait-il arrivé malheur à son jeune fils ? Était-il malade ? Avait-il besoin d'un lourd traitement ? May en avait-elle marre de sa présence ? Voulait-elle qu'il la laisse en paix ?


« Luke va bien, Hermès. », lui répondit May, interrompant la course folle de ses pensées.


La jeune femme se retira de l'étreinte du dieu et lui posa une main rassurante sur l'épaule, un léger sourire aux lèvres. Le voir s'inquiéter ainsi pour leur garçon lui faisait chaud au coeur et lui rappelait pourquoi elle était tombée amoureuse de lui. Sa prévenance, sa bienveillance, sa gentillesse, son empathie. Son coeur était fait d'or pur.


« … J'ai bien réfléchi à ce dont nous avons parlé il y a quelques semaines., continua la jeune mortelle en effleurant la joue d'Hermès. Tu sais, l'Oracle de Delphes., ajouta-t-elle, lorsqu'elle vit qu'Hermès fronçait les sourcils d'incompréhension. Je veux essayer, Hermy. »


« … essayer … essayer quoi ? »


Une vague de frayeur soudaine, encore plus puissante que celle qu'il avait ressenti quelques instants auparavant, retourna l'estomac d'Hermès. Ses mains commencèrent à trembler tandis qu'il jetait un coup d'oeil des plus effrayés à son amour. Non. Non. Non ! Elle ne pouvait pas penser à ça !


« L'Oracle de Delphes, Hermès., le ton de May s'était adouci, comme si la jeune femme savait qu'elle s'engageait dans un terrain des plus glissants. Je voudrais essayer de prendre sa place. »


« Non. »


A peine May avait-elle fini sa phrase que ce simple et unique mot avait franchi les lèvres d'Hermès. Il les avait franchi avec une telle force et une telle violence que May ne put s'empêcher de faire un pas en arrière, légèrement effrayée par l'expression des plus sombres qu'affichait désormais le visage de son compagnon.

De toute son existence, le dieu des messagers ne se souvenait d'avoir jamais ressenti une telle colère. Une telle peur. Une telle tristesse. Comment May osait-elle ? Comment pouvait-elle être prête à prendre de tels risques ? N'avait-elle pas encore compris jusqu'où une telle entreprise pouvait la conduire ? Ce que cela pourrait signifier pour Luke ? Pour elle ? … Pour eux ?


« … Hermès … »


Une lueur où se mêlait crainte et tristesse dans le regard, May Castellan s'approcha d'Hermès et leva une main. Mais le dieu se déroba avant qu'elle eut le temps de la poser sur son épaule. Le visage emprunt de colère avait laissé place à un regard totalement désemparé, où se mêlaient tristesse, peur et anxiété. Son teint était blême et tout son corps tremblait. Jamais, ô grand jamais il n'avait vécu telle sensation, tel désarroi.


OoOoOoO


Six septembre 1987,

Chez May Castellan,

Quelque part dans le Connecticut,

10h13.


D'un geste tremblant, Hermès chassa les nombreuses larmes qui coulaient le long de ses joues.

Sept mois. Sept mois que May avait tenté d'être le nouvel oracle. Sept mois qu'elle avait échoué. Sept mois qu'elle plongeait peu à peu dans la folie. Sept mois qu'il ne savait quoi faire pour la soulager. Sept mois qu'il plongeait peu à peu dans le désespoir le plus complet.

Toujours secoué de sanglots, le Dieu serra un peu plus son fils endormi dans ses bras et regarda autour de lui, l'air plus défait que jamais. Aujourd'hui était censé être le premier anniversaire de Luke. Aujourd'hui était censé être un jour de fête. Aujourd'hui était censé être un jour des plus joyeux. Pourtant, c'était un réel cauchemar qu'Hermès vivait depuis l'aube.


Car, jamais encore il n'avait vu May dans un tel état. Jamais il ne l'avait vu faire autant de crises en si peu de temps. Il était à peine dix heures du matin et elle en avait déjà fait cinq.

Par cinq fois, ses yeux étaient devenus verts et par cinq fois elle avait hurlé de douleur à la découverte du destin de son fils. Par cinq fois, elle avait vu les horreurs que Luke devrait endurer et par cinq fois lui aussi les avait vu, terrible torture que son coeur supportait un peu plus difficilement à chaque fois. Par cinq fois elle s'était écroulée au sol et par cinq fois, Luke avait pleuré à s'en déchirer les cordes vocales.


« Par le Tartare, mais qu'est-ce que j'ai fait ? … Qu'est-ce que j'ai fait ? … »


Pire que la peur, c'était la culpabilité qui rongeait le coeur du dieu. Une culpabilité terrible, insupportable, qui le hantait jour et nuit, et l'empêchait de mener à bien son travail. Elle le poursuivait partout, tout le temps, ne lui laissait aucun répit. Une culpabilité exténuante qui le faisait incroyablement souffrir et qui le chasserait pour l'éternité, il en était sûr.


« … Mais qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que j'ai fait … pourquoi est-ce que j'ai accepté … pourquoi … »


La respiration difficile, le dieu se balançait désormais d'avant en arrière, l'air complètement perdu.


« L'amour », sembla lui souffler une voix.


Mais Hermès rejeta cette pensée avec dégoût. S'il avait un jour jamais aimé May, il n'aurait pas accepté. Il avait été irresponsable. Un vrai connard. L'autoriser à prendre un tel risque avait été complètement irresponsable de sa part. En tant qu'amoureux, il se devait de prendre soin de la jeune femme. Il avait malheureusement lamentablement échoué dans sa mission. Il méritait la mort. Et avant cela, une torture des plus cruelles, des plus douloureuses.


« Je suis désolé, mon fils. Tellement désolé … »


D'un geste maladroit, Hermès embrassa le front de son fils avant de reprendre ses balancements, la tête basse, les joues striées de larmes salées.

Brisé, il était brisé. Et ce pour l'éternité.

OoOoOoO


Nous connaissons tous ce qu'il est advenu de Luke Castellan à la fin de la guerre contre Cronos. Ce que nous connaissons moins, c'est le terrible chemin qui l'a conduit à ce funeste destin. C'est son enfance, sa fuite, ses jours à la colonie.

En ce mois d'Août 2018, les dieux m'ont demandé d'écrire son histoire. De vous la dévoiler en intégralité. Alors, attrapez vos mouchoirs et plongez avec moi au sein des aventures du plus courageux héros qu'ait connu la colonie.


OoOoOoO


* : allusion à l'une de mes fanfictions, « Par Zeus » qui se déroule la même année. Il se peut que des personnages de cette fanfic ainsi que de à On the Other Side fassent quelques apparitions dans le récit.

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