SPARROW - Le Monocle de Clairvoyance

-       Une fois… deux fois…trois fois… Adjugé, vendu !

   La vente aux enchères bat son plein. Pedro Noriega est plus que satisfait par les sommes qu’atteignent ses lots. Les nobles s’arrachent de merveilleux objets à des sommes mirobolantes, c’est une vrai guerre d’égo qui vient de débuter. Greger est heureux, car il a facilement remporté l’enchère pour l’achat de plusieurs tonnes de teck, une bûche authentique de ce bois précieux en guise de preuve. Les membres de la marine, eux, restent discrets pour l’instant. Seul Wyatt a tenté d’obtenir la pipe en jade de Gengis Khan, frappé par sa beauté, mais en vain, il s’est fait écraser par le prix démentiel qu’en a offert un richissime marchand de tissu. Suleyman a quant à lui réussi à acquérir un vieux scutum en parfait état, fait de cuir de vache, et de bronze. A la surprise générale, et pour le bonheur de tous, Catarina s’est endormie, ivre morte.

-       Mes amis, je suis ravi que tout se passe au mieux ! Que de sublimes lots déjà partis ! Et si nous passions à l’attraction majeure de la soirée ? Il est l’heure de mettre en jeu ce que vous attendez tous, la cause de votre déplacement, et des risques pris pour rejoindre mon île bien aimée, le Monocle de Clairvoyance ! Clame Pedro Noriega, avec une immense fierté.

   Toute le monde est très attentif en le voyant sortir et présenter le monocle. Tout le monde, sauf un homme, qui remet en doute la véracité de l’objet. Il s’agit de Cristobal Bourbon, un haut noble Espagnol. L’ensemble de la salle semble être d’accord avec lui, et commence à s’agiter. Mais Pedro Noriega est confiant, il s’y attendait.

-       Monsieur Bourbon ! Vous faites bien de nous faire part de vos doutes. Votre père va bien ? Sachez que je lui souhaite le trône du royaume d’Espagne de tout cœur ! Vous a-t-il déjà fait part d’une déception, après avoir fait affaire avec moi, à tout hasard ? Demande-t-il.

-       Oui, il se porte au mieux, et vous transmet ses amitiés, merci. Il ne m’a dit que du bien de vous. Mais sachez, monsieur Noriega, que je ne suis pas lui. Je ne souhaite pas me mettre à sec pour une babiole, et votre réputation n’est pas suffisante pour gagner mon absolue confiance.

-       Et je le répète, vous avez raison ! Si vous voulez savoir…

   Pedro part alors dans un monologue où il raconte avoir acheté le monocle à un officier de la marine espagnole, venu lui proposer un prix après la défaite de sa flotte contre celle de l’amiral Stuart Owen, deux mois auparavant. Cette mention provoque un déluge d’applaudissements envers Stuart. Tout le monde sait que l’amiral espagnol Andres Miramar, vaincu par Stuart, portait constamment un monocle. Pedro interroge alors Stuart, qui confirme que, quand l’amiral Miramar s’est rendu à lui, il n’avait pas le monocle, ni lui, ni aucun de ses hommes.

-       Ce n’est pas suffisant ! Votre histoire semble cohérente, mais qui nous dit que ce bonhomme ne vous a pas berné ? J’exige une démonstration ! Intervient un noble Français.

-       Personne ne me berne, monsieur Labriffe, personne. Quelqu’un est-il volontaire pour que j’essaye de le faire fonctionner sur lui ?

   Silence funéraire. Personne n’ose servir de cobaye. Pourquoi ? Car le pouvoir renfermé par l’objet est relativement effrayant, et des plus intimiste. Selon une vieille légende, le Monocle de Clairvoyance permet à celui qui le porte, en un seul regard à travers son verre, de savoir ce que la personne qu’il regarde dans les yeux, désire le plus en ce monde. On raconte qu’un juge Anglais se servait du monocle pour connaitre le fond de la pensé des accusés de son tribunal, avant de sombrer dans la folie. Il utilisait le monocle dans n’importe quelle circonstances, et même pour lire en certaines personnes de son entourage. Il aurait fini par absolument tout perdre, en gagnant la haine de tout ceux qu’il aimait. Retrouvé suicidé dans son bureau, le monocle a été déclaré perdu, avant de réapparaitre dans plusieurs histoires, toutes plus douteuses les unes que les autres.

    La dernière personne connue comme son détenteur est le fameux amiral Miramar. Personne ne peut assurer de la véracité de cela, mais le fait qu’il porte constamment un monocle, ainsi que son ascension fulgurante au sein de la marine espagnole, et des hautes sphères de la royauté, ont attiré tous les soupçons vers lui. Se croyant tout puissant, il s’est cru capable d’affronter la flotte anglaise de l’amiral Stuart Owen. Il a essuyé une défaite écrasante, et personne n’a retrouvé son monocle…

-       Alors ? Personne ? S’impatiente Pedro.

    Il est sûr qu’aucun des participants ne voudra risquer que l’on lise en lui. Jusqu’à ce que, contre toute attente, l’homme le plus sombre, mystérieux, et fermé de cette salle, ne décide de se lever, pour rejoindre Pedro sur son estrade.

-       Amiral Owen ! Je salue votre courage, et vous promet que peu importe les découvertes que je ferais en vous, je les garderais fermées à double tour au fin fond de moi-même.

-       Abrège et enfile-le, dit Stuart sur un ton autoritaire.

   Pedro s’exécute. Il dispose le monocle entre son arcade et le haut de sa pommette. Stuart le fixe sans la moindre émotion. Toute l’audience retient son souffle, et observe la scène avec attention. Pedro ouvre son œil sous le verre, et plonge dans le regard de Stuart. Ils se reluque yeux dans yeux pendant dix secondes, qui paraissent durer une éternité. Des regards perplexes et douteux commencent à se dessiner sur de nombreux visages, impatients de savoir si la magie a opéré. Sans un mot, Pedro retire le monocle, et le remet en place sur son couffin de velours bleu roi. Il s’approche de Stuart, et chuchote quelque chose à son oreille. Il a l’air gêné et, au vue de la manière dont il le regarde en s’éloignant de lui, appréhende la réaction de l’amiral. Stuart a un rictus nerveux, il semble sourire (ce qui choque Wyatt, en plusieurs années de service à ses côtés, il n’a jamais vu Stuart sourire une seule fois), il tape sur l’épaule de Pedro, et se retourne vers l’assemblée.

-       Le monocle est authentique, il fonctionne, déclare Stuart avec calme.

    Il retourne s’assoir tranquillement. Pedro attend une quelconque contestation, et semble pensif, surement à cause de ce qu’il a appris sur les désirs de l’homme qu’on appelle « la tombe ». Personne n’ose remettre en cause la parole de l’amiral Owen.

-       Alors c’est parti, j’annonce sous serment, mettre en vente le Monocle de Clairvoyance, avec un enchère de base à mille pièces de huit. Qui dit mieux ?!

   La lutte est endiablée. Monté à mille deux-cents, puis à mille quatre-cents, l’amiral Owen a dès le début doublé la mise en en offrant deux mille. Dans la confusion d’une montée si rapide, il a failli l’obtenir, mais son frère d’arme, Wyatt, en offre deux mille deux-cents. Sentant une tension naitre entre ses deux supérieur, c’est le commodore Henry, qui décide de s’imposer en proposant deux mille cinq-cents pièces. Pedro salive déjà au vu de la tournure que prennent les évènements. Amusé par la petite guéguerre entre les membres de la marine, Cristobal Bourbon se mouille, et monte l’enchère d’un coup à trois mille pièces. Greger est passionné par ce qu’il se passe, car il sait que le prix atteint semble être pour tous ces bourgeois, le prix de référence. Il est grand temps de jouer petit, et de mettre la pression sur les autres. Nourri de petits coups, le prix grimpe à trois mille cinq-cents, et c’est Vladimir Andreïev, un boyard russe, qui semble en pole position pour l’obtenir. Dans un élan d’espoir, Cristobal continue désespérément de jouer petit, mais se fait progressivement écraser. Pendant ce temps, déçu, Wyatt chuchote quelque chose à Stuart.

-       Les trois mille ont bien été dépassé, ça devient démentiel, et démesuré pour nous malheureusement… pas trop frustré ?

   Stuart ne lui répond pas. Il suit attentivement ce qu’il se passe. Il semble attendre quelque chose de spécial. Cristobal quant à lui, fait une dernière tentative, trois mille huit-cents. Il semble déjà regretter d’avoir posé une telle somme, mais c’est comme ça, il est pris dans l’engrenage du jeu. Pour la première fois, Vladimir semble hésitant, ce qui fait sourciller Stuart.

-       Trois mille huit-cents une fois… trois mille huit-cents deu…

-       Quatre mille ! Crie Vladimir de tout son cœur.

    Il en est persuadé, cette fois c’est la bonne. Cristobal fait signe à Pedro pour dire qu’il ne surenchérira pas. Vladimir commence déjà à se frotter les mains, le prix est gargantuesque mais l’objet en vaut la peine.

-       Quatre mille une fois… quatre mille deux fois… quatre mille troi…

-       Cinq mille !

   Personne ne semble être sûr d’avoir bien entendu. Tout le monde se retourne vers l’homme qui vient d’annoncer ce prix, c’est l’amiral Stuart Owen. Il a sereinement annoncé un prix démesuré. Il dévisage Pedro, qui ne réagit pas,  il semble douter que la bourse de Stuart ne contienne assez de pièces. D’ailleurs, personne ne croit qu’un soldat, peu importe son grade, ne puisse se permettre d’allonger une telle somme, le premier surpris étant Wyatt.

-       Enfin Stuart cinq mille ?! Tu délir…

-       Tais-toi, lui répond-il sèchement.

    Il a l’air habité, et impatient d’être annoncé propriétaire du monocle, ce qui rend perplexe Liam et Wyatt, ils n’ont jamais vu leur camarade dans un tel état. En même temps, Pedro jette un œil en direction de son huissier. Ludwig comprend vite ce que ce regard signifie, et il lui confirme d’un geste de la tête que oui, la bourse de l’amiral Stuart Owen contient bel et bien assez d’argent. Il a d’ailleurs été surpris en faisant les comptes, de voir qu’il était l’homme ayant apporté le plus de sous à la vente. Pedro reprend alors avec une voix hésitante.

-       Cinq mille une fois…

-       Stuart, enfin, je sais que tu as eu une prime récemment, mais on parle d’une somme folle la ! Insiste Wyatt

-       Je t’ai dit de la fermer Windsor, répond-il avec toujours autant d’agressivité, devant le regard dépassé de son collègue.

-       Cinq mille deux fois…

   Le riche boyard Vladimir entre dans une colère noir, il se croyait déjà grand gagnant du prix, et se retrouve impuissant, contraint de regarder le monocle lui échapper…

-       Cinq mille trois fois… Adjugé vendu ! Le Monocle de Clairvoyance revient à l’amiral Stuart Owen, pour la somme de trente mille pièces de huit !

   Un grand silence s’empare de la salle. Ce qui vient de se passer est historique. Stuart, qui a pour habitude d’être dépourvue de tout types d’émotions, peine à cacher son excitation, il est comme… métamorphosé. Liam Henry est le premier à applaudir, suivie par toute la salle, à l’exception de Catarina Avispa (endormie), Greger Berg (occupé à essayer de la réveiller), ainsi que Vladimir Andreïev (tout simplement jaloux). Tout le monde est un peu bouleversé par la bataille épique qui vient d’avoir lieu. La salle replonge dans le silence, où seul de légers murmures se font entendre. Pedro reprend doucement ses esprits, et se prépare à relancer la vente pour les quelques objets restant. Cependant, alors qu’il réfléchit à la suite des événements, des cris lointains viennent titiller ses tympans. Très aigues, et nombreux, ces cris semblent se rapprocher, et viennent petit à petit fendre l’air de la salle des ventes…

***

Cinq minutes plus tôt…

   Cachés derrière la porte de la salle, Jack et Bellamy suivent les événements comme s’ils assistaient à une pièce de théâtre.

-       Ils sont vraiment prêts à mettre autant d’argent pour ce bidule ?

-       Ce bidule magique, bouuuuh, ironise Jack en faisant les grands yeux à son ami.

-       Arrête tu vas me faire rire ! Chuchote Bellamy, à deux doigt d’exploser.

    Les nerfs sont à vifs, ils sont au point de non-retour. À l’autre bout du couloir, tous les enfants sont entassés, et attendent que les chefs de l’opération leur donnent le signal. Soucieux de mieux entendre, Bellamy demande à Jack d’entrouvrir la porte, trop peureux pour le faire lui-même. Jack s’exécute, il entrouvre la porte très lentement, laissant échapper un petit grincement. Les deux voleurs font un bond en arrière, ils pensent avoir été entendus. Jack pousse Bellamy vers la porte, et lui ordonne de jeter un coup d’œil en premier. Bellamy ne veut pas, mais il est trop tard, il est planté devant la fente, qui donne une vue sur la salle. Il approche son œil, le corps parcourut de tremblements.

-       Ouf, personne ne nous a remarqué. Ils sont tous à cran, un gars vient de proposer cinq mille pièces ! Chuchote-t-il.

    Il continue d’observer ce qui se passe quand tout à coup, un homme qui semblait occupé à réveiller une dame lève se retourne, et plonge son regard droit dans l’œil du blond. Ceci a l’effet d’un coup de fusil, le jeune homme sursaute, et recule si fort qu’il emporte Jack dans sa chute. Les enfants ont du mal à contenir leurs rires face à cette scène, et les décibels commencent à monter.

-       Tu as vu la vierge ? Ou peut-être sommes-nous repérés, et je dois donc commencer mon éloge funèbre… moi, le capitaine Jack Sparrow, aurait été un hom…

-       Chut ! Dit Bellamy en recouvrant la bouche de Jack avec sa main.

    Il la retire lentement, et susurre quelque chose qui tend instantanément Jack.

-       Il m’a vu Jack. Un homme, avec un regard terrifiant, il m’a vu, il… il m’a souri, il m’a souri… Merde, merde, merde…

   Ils fixent alors la porte entrouverte, allongés, s’attendant à ce qu’elle s’ouvre, et que l’aventure ne se finisse avant même d’avoir commencé. Il n’en est rien. Ils laissent passer une dizaine de secondes, pétrifiés par la peur.

-       Jack, c’est toi le capitaine, qu’est-ce qu’on fait ?

-       Capitaine quand ça t’arrange ! Je croyais qu’on devait te suivre, que c’était ton plan, et que tu étais le maitre des opérations !

-       Je retire tout ce que tu as pu entendre de ma bouche t’ayant déplu depuis qu’on se connait, qu’est-ce qu’on fait la maintenant, capitaine Jack Sparrow ?!

-       Comment tu m’as appelé ... ?

-       Capitaine Jack Sparrow !

   Jack jubile intérieurement, et se met à sourire comme un psychopathe. Il se relève fièrement, se retourne vers les enfants, et leur fait un signe de la main en direction de la porte. Il regarde Robin et ses amis, et leurs dis d’un ton tonitruant…

-       Extinction des feux !

   Sans se faire prier, les enfant commencent alors à hurler. Cris d’animaux, ou simples chants, chacun de ces petits diables y va de sa touche personnelle. Ils enfoncent la porte sauvagement, et se précipitent comme des chiens affamés dans la salle des vente. Cela va si vite que certains des nobles mettent bien du temps à réaliser que ces bruits insupportables viennent d’une horde d’enfants qui pullulent un peu partout.

-       Qu’est-ce que c’est que ce merdier… dit Pedro dans sa barbe, en ne sachant plus où poser l’œil.

-       Le monocle sera à moi bande de petite bites ! Crie Catarina, réveillée en sursaut par les enfants.

    Greger rigole à la vue des gamins, tandis que Stuart fait une drole de mine. Il se tourne vers Wyatt, et les deux amiraux se comprennent au premier coup d’œil. Mais avant d’avoir pu se concerter, ils sont interrompus par un grand jet d’eau qui leur est jeté dessus, un des enfants n’a visiblement pas compris ce qu’il devait faire… Voir les deux amiraux trempés jusqu’aux os fait définitivement plonger Greger dans un fou rire incontrôlable. Ils n’ont pas le temps de se remettre de cette petite douche que dans une synchronisation presque parfaite, les enfants vident simultanément leurs sceaux d’eau sur les grands chandeliers aux quatre coins de la pièce, la plongeant brutalement dans le noir total. Liam essaye de communiquer avec ses supérieurs, mais le brouhaha épouvantable, ainsi que la perte soudaine de la vue l’en empêche. En prime, les autres participants de la vente n’ont pas la même vivacité d’esprit qu’eux, et la panique s’empare petit à petit des lieux

-       Bellamy maintenant !

   Jack et Bellamy pénètrent dans la salle à toute allure, ils tracent tout droit vers l’estrade, sans réfléchir.

-       Que quelqu’un rallume ces foutus chandeliers ! Crie désespérément Pedro, d’une voix qui se perd dans les hurlements juvéniles.

   Arrivés sur l’estrade, les deux pirates en herbe commencent eux aussi à perdre leurs repères. La panique s’empare petit à petit de Bellamy, qui n’arrive plus à prendre connaissance de son espace. Fort heureusement, Jack est bien futé, et se rappelle à quel point l’huissier de son ancien patron est un homme naïf. Ne sachant pas ou se trouvent les bourses il chuchote doucement…

-       Monsieur Van Botman, s’il vous plait, je crains pour mon argent, que se passe-t-il ? En prenant la voix la plus grave possible.

-       Ne vous inquiétez pas, je les ai avec moi !

   Bingo. L’huissier a mordu à l’hameçon, et Jack connait désormais sa position. Il se rapproche de lui, et le contourne. D’ordinaire incapable de blesser physiquement une personne, il se mord les lèvres de toute ses forces, serre le poing gauche, et d’un coup sec de la tranche de sa main droite, assomme le malheureux Ludwig. Le bruit du corps qui s’écrase sur le sol détonne des cris, et Pedro le remarque instantanément. Il se tourne en direction d’où il pense que se situe Ludwig, et lui demande si tout va bien. C’est Bellamy, ayant entendu Ludwig répondre à Jack, qui semble bien inspiré. Il essaye d’imiter la voix efféminé de l’huissier, en espérant que cela puisse duper Pedro dans une telle cacophonie.

-       Oui ! Oui ça va, je n’y vois rien, j’ai trébuché, improvise le blond d’une manière plutôt convaincante.

    En tout cas, elle l’est assez car Pedro, trop distrait et paniqué, n’y voit que du feu, il continue à chercher désespérément la mâle ou il a rangé ses torches imbibées d’huile. Jack fait un clin d’œil à Bellamy, avant de se rappeler qu’il ne peut pas le voir. Il se met à tâter autour du corps de Ludwig et trouve le sac, atrocement lourd, contenant toutes les bourses. Il le soulève difficilement, mais parvient à le caler sur son épaule.

-       Banana ?

-       Banana Bread !

   C’est le signal que ce sont donnés Jack et Bellamy pour se dire que l’opération est réussie, et qu’il faut maintenant prendre la fuite. Ils se mettent aussi à imiter des cris de loups, ce qui fais office de signal pour dire aux orphelins qu’il est temps de fuir à leur tour. Ils se ruent alors dans le sens inverse, en direction de la porte. Dans la fuite, Jack bouscule violement un homme, et s’écroule par terre, laissant tomber quelques bourses. L’homme s’excuse, et lui tend la main à l’aveugle pour l’aider à le relever. Jack réussi à la saisir et remercie chaleureusement sans le savoir Liam Henry, le jeune commodore à qui il a vendu plusieurs porcs, plus tôt dans la journée. Celui-ci met quelques secondes avant de se rendre compte qu’il connait cette voix. Le bruit que fait le sac de Jack quand il reprend sa course fait instantanément tilter Liam, c’est un bruit de pièces ! Il décide de le poursuivre, sentant que quelque chose cloche. Jack et Bellamy pénètrent enfin dans le couloir, et se ruent à toute vitesse vers les escaliers menant à la sortie. Liam les a pris en filature mais il n’y voit rien, et il est gêné par la horde de gamins surexcités qui grouillent autour de lui. À chaque fois qu’il en dégage un, deux autres lui rentrent dedans, et les plus perspicaces du groupe tentent de le ralentir en lui écrasant les pieds, ou en le mordant. Malgré l’urgence, le commodore ne peut se résigner à recourir à la violence envers des enfants. Quand il arrive enfin à pénétrer dans le couloir, il sent qu’il s’est fait distancer. Il essaye malgré tout de gravir les escalier, et d’attraper le dernier enfant qui le précède, mais ces petits diables sont bien trop vifs, et le manque de lumière joue en sa défaveur. Une fois que tous les enfants ont enfin rejoints le hall du fort, Jack et Bellamy claquent de toute leurs forces la grande porte de fer au nez et à la barbe du commodore Henry qui, freiné dans son ascension par ce coup sec, manque de se la prendre de plein fouet. Enragé, il la martèle de coups, et essaye de la forcer, mais c’est inutile car une fois fermée, la porte ne peut s’ouvrir qu’avec une clef, une clefs qui se trouve en bas de l’escalier, au fond du couloir, derrière la deuxième porte, à l’autre bout de la salle, dans la poche de Pedro Noriega, qui vient à peine de réussir à allumer une torche.  

-       On bouge !

   Les deux garçons continuent leur course en direction de la jungle. Ils acclament les enfants en leur ordonnant de courir le plus rapidement possible en direction du centre de Nassau. Au poids du sac, Jack estime qu’il n’a égaré que deux ou trois bourses, c’est une réussite totale. Il en fait part à Bellamy qui, soulagé que ce soit enfin fini, hurle de bonheur. Leurs jambes sont lourdes, leurs cœurs battent la chamade, et leurs yeux se plissent, mais ils continuent de courir. Ils pourraient courir encore des kilomètres car ils savent que demain,  à l’aube, ils seront deux pirates, qui n’auront plus qu’à se soucier de ce qu’il y a à l’horizon, libres comme l’air…

***

   La lumière est enfin revenue grâce à quelques torches, et Pedro Noriega essaye de comprendre ce qu’il s’est passé dans ce court laps de temps. Il pointe sa torche en direction de son huissier, qu’il trouve affalé sur le sol de l’estrade, inconscient. Il comprend tout de suite. Il se retourne, et remarque que tous les lots sont encore dans l’armoire, ce qui lui provoque un éphémère sentiment de soulagement. C’est en se penchant sur Ludwig, qu’il se rend compte que le sac contenant toute les bourses a disparu ! La panique s’empare de lui, il se met à genoux, et commence à molester Ludwig de claques, pour le réveiller.

   Dans la salle, la confusion est totale. Catarina et Greger semblent se foutre allégrement de la situation, ils s’embrassent comme des bêtes. Stuart et Wyatt peuvent enfin communiquer, ils se rendent immédiatement compte de l’absence de Liam. Ils remarquent que la porte de la salle est ouverte, et vont voir ce qu’il y a derrière. Ils tombent nez à nez sur Liam, fou de rage, qui leur hurle d’aller chercher la clef de l’autre porte auprès de monsieur Noriega, celle qui mène au hall. Wyatt y va au pas de course. Stuart se retrouve seul devant son ancien matelot.

-       Qu’est-ce qu’il s’est passé, Henry ?

-       On s’est fait rouler, je me suis fait humilier, Amiral Owen, c’est indigne de mon rang, je ne mérite pa…

-       La ferme ! Intime Stuart.

    Il attrape Liam par l’épaule en lui demandant de respirer lentement, et de lui expliquer ce qu’il vient de vivre… Wyatt quant à lui, parvient à rejoindre Pedro sur l’estrade, il le trouve tremblotant, en train de se ronger les ongles.

-       Monsieur Noriega qu’est-ce qu’il vous arrive à la fin ? Et pourquoi il dort celui-là ?

-       Il ne dort pas, il est dans les pommes… amiral Windsor, c’est horrible… ils ont tout pris, tout !

    Pedro semble tomber dans la folie, et il est malencontreusement entendu par toute la salle. Chacun à son rythme, les participants commencent à comprendre qu’ils ont subi un pillage. Le tumulte s’empare de la salle, ils commencent à demander des comptes à Pedro.

-       Du calme, du calme ! Je suis en train d’évaluer l’ampleur du sinistre, et je ne pourrais réfléchir dans un tel vacarme. Prenez un peu votre mal en patience, messieurs !

   Un des nobles remarque trois bourses à ses pieds, à l’endroit où Jack et Liam se sont percutés. Il les ramène à Pedro, qui les met de côté. Alors que Ludwig émerge à peine, et que Wyatt tente de calmer la foule, un bruit fracassant se fait entendre, suivi de hurlements accusateurs.

-       Sombre incompétent, salopard ! Je vous ai surestimé Henry, je vous ai surestimé bordel de merde ! Noriega ! S’époumonne Stuart dans une colère noire. Il revient dans la salle, suivi par Liam, tête baissé, torturé par la honte. Noriega ! Insiste-il en hurlant encore plus fort.

   Le visage de l’amiral est rouge sang, ses veines se dilatent sur son visage. Il est dans un état second, incapable de se remettre du fait d’avoir été impuissant. Pedro essaye de le calmer, en précisant qu’il assumera les conséquences de ce vol, quitte à en payer le prix de sa vie.

-       Je n’en ai rien à foutre de ta tête de gambas, Noriega. Le monocle, où est-il ?! S’impatiente le nouveau détenteur de l’objet.

-       Aucun souci là-dessus, les pertes sont seulement monétaires, les voleurs ne semblaient pas s’intéresser aux objets ! Répond Pedro, avec un ton de soulagement.

    Il pointe du doigt son armoire encore pleine de tous ses lots.

-       Alors montre le moi ! Donne-le-moi immédiatement !

   Stuart semble aboyer. Ses lèvres sont humectées, et il peine à articuler. Tout le monde a l’air d’avoir oublié ce qu’il vient de se passer, tous les regards sont tournés sur l’amiral, et sont emplis d’un terrible sentiment de malaise. Wyatt est perplexe de le voir dans un tel état. Confiant, Pedro tente de se saisir du monocle, mais tout ce qu’il attrape, c’est le couffin sur lequel il était exposé. Il se rend lentement compte de l’évidence, il a disparu aussi ! Il lance un regard désespéré à Wyatt, qui comprend directement ce qu’il doit faire. Il attrape le trousseau de clefs accroché à la ceinture de Pedro, saute de l’estrade, et se saisi de son collègue enragé. Il le traine par la force, et non sans mal, en dehors de la salle, pendant que celui-ci envoie tout un tas d’injures incompréhensibles, et particulièrement virulentes.

    Il parvient finalement à l’emmener à l’extérieur du fort, ou une trombe de pluie très épaisse s’abat sur eux.

-       Stuart Owen ! Explique-toi sur le champ, qu’est-ce que c’est que ce cirque ! Crie Wyatt, avec autorité.

-       Ecoute moi bien Windsor, ce monocle m’appartient, il est à moi, et je compte bien le récupérer ! Alors va plutôt t’occuper de te faire rembourser ton argent, et ne reste pas dans mes pattes.

-       Tu t’es donné en spectacle devant une assemblée de nobles, et même devant certains de nos ennemis, pour une putain de lunette ! Tu es un amiral de la marine, Stuart ! Tu as un code d’honneur à respe…

-       J’enmerde ton code d’honneur à la con ! Tu disais bien que nous n’étions personne sur cette île, quand mon canon caressait le fond de la gorge du boy, non ?

-       Ne sois pas borné par pitié, et reprends tes esprits, qu’est-ce que tu veux en faire de si spécifique de ce monocle ? Dis-le-moi, Stuart, est-ce que ça à un rapport avec…

   Le tonnerre se réveille, et gronde de toute sa force au-dessus du vieux fort de Nassau. La pluie torrentielle continue de s’abattre sur le sol boueux, et une brume épaisse se répand dans l’atmosphère. La tempête est si féroce, qu’on l’entend, et la ressent jusque dans la salle des ventes, pourtant située quelques pieds sous terre. Ces conditions rendent vaine une éventuelle traque des malfaiteurs. Dans la dite-salle, les choses semblent être revenues doucement à l’ordre. Greger a pris les choses en mains, en exigeant que les prix gagnés doivent quand même être remis à leurs acheteurs. Pedro, impuissant, a accepté cette requête, et a aussi décidé, à contre-cœur, de rembourser tout le contenu des bourses volées, passées sous sa responsabilité une fois remise à Ludwig. Cette soirée, qui se voulait glorieux pour l’antiquaire, commence petit à petit à prendre un amer goût de faillite…

-       Mais qui ? Comment ? Pourquoi… je n’avais parlé de cette vente à personne, je n’ai jamais aussi bien organisé un évènement de ma vie, qu’est ce qui a bien pu clocher… Barbote Pedro.

    Il est assis seul sur son estrade, pendant que Ludwig tente d’organiser, et d’évaluer les remboursements, seul contre la foule. Le commodore Henry, remis de ses esprits, le rejoint.

-       Eh bien, quelle journée, monsieur Noriega…

-       Ne m’en parlez pas, j’ai déjà subi un vol ce matin en plus ! Le canaillou qui bossait pour moi m’a volé un sac de bijoux, ce fumier m’a fait courir dans toute la ville… Et maintenant, me voilà obligé de rembourser une somme gargantuesque, et de céder certains de mes objets les plus précieux, sans rien en contrepartie. Et le pire, ce qui m’angoisse le plus dans tout ça, c’est bien la colère de votre amiral…

     Les mots de l’antiquaire font tiquer Liam.

-       Dites, ce gamin dont vous parlez, il ne s’appellerait pas Jack Sparrow, par hasard… ?

-       Non, il s’appelle Jack Teague. Sparrow est un nom que les clients de Blanco lui ont attribué pour se moquer de lui, mais il l’a gardé. Il s’imagine devenir le plus puissant d’entre eux, cet abruti ! Comment le connaissez-vous ?

-       J’ai croisé sa route à deux reprises, aujourd’hui.

-       Ah je sais ! Vous êtes allé chercher des bêtes chez monsieur Blanco, j’imagine ? Et c’est Jack qui les a chargés sur votre navire ?

-       Bingo ! Je l’ai trouvé très... atypique.

-       Ahah, c’est un mot bien trop standard pour qualifier Jack ! C’est un bon gamin dans le fond, son paternel l’a abandonné sur cette île très jeune, et Javier lui a juste donné à manger, et un « toit », il ne l’a jamais élevé comme l’aurait fait un père. Je suis sûr qu’il reviendra demain matin avec mes bijoux, une bonne claque derrière la nuque, et ce sera oublié, il y tient à son boulot chez moi, j’en suis persuadé !

    Ces mots font sourire Liam, d’un sourire jaune.

-       Où l’avez-vous donc re vu ?

-       Là, dans cette salle, il y a une vingtaine de minutes.

   Pedro met quelques secondes à comprendre. Son souffle est coupé, il ne réagit pas, et laisse Liam poursuivre, se préparant à encaisser ce qu’il va entendre.

-       Il portait un sac, remplie à craquer de nos bourses, et il n’était pas seul d’ailleurs.

-       Mais… mais enfin comment pouvez-vous être sûr que c’était lui ? Il serait incapable de réussir un tel coup, c’est impossible, vous vous trompez, monsieur Henry ! Et puis, comment aurait-il pu vous échapper enfin ! C’est ridicule !

-       J’ai été pris dans le flux de mômes qui me trainaient dans les pattes, et j’ai peiné à progresser dans la pénombre, tout bêtement…  

-       Mais vous avez pu le reconnaitre, dans cette pénombre ?!

-       Non, j’ai reconnu sa voix, malgré la situation, il a pris la peine de s’excuser de m’avoir bousculé, quelle ironie…

   Pedro manque de s’étouffer, il peine à croire qu’il a pu se faire avoir de la sorte par son jeune assistant. Il est fou de rage, mais cette nouvelle semble lui redonner espoir. Il ne pense pas Jack capable de quitter l’île dans la nuit, ni de se cacher bien longtemps. Il fonce hors du fort pour trouver l’amiral Owen.

   Arrivé dehors, il trouve Stuart et Wyatt. Les deux amiraux sont pris dans une discussion qui parait plus solennelle qu’houleuse, ils ne remarquent même pas la présence de Pedro. Celui-ci leur crie de venir se mettre à l’abri. Ils le suivent jusque dans le hall du fort.

-       Monsieur Owen, sachez que je suis couvert de vergogne face à cet incident… cependant, le commodore Henry a pu identifier l’un des deux malfrats, et croyez-moi, j’en connais un rayon sur lui. Je jure que je vais le retrouver, je parcourrai toutes les mers de ce monde, et bien au-delà pour ramener sa tête, je vous donne ma parole !

-       Epargnez-vous ce mal Noriega. Je suis mis au repos pour encore quelques semaines. Vous allez me donner toute les informations que vous avez sur lui. Demain à l’aube, j’entamerais ma propre chasse à l’homme, répond calmement Stuart.

-       Mais enfin, vous êtes un amiral de la Compagnie des Indes ! Entamer une telle chasse à l’homme est un abandon de poste, et pourrait même être considéré comme une trahison… Il est de mon devoir de me rattraper, suggère Pedro.

-       Et vous n’êtes qu’un antiquaire en surpoids. Je n’ai aucune confiance en vous, et je peux vous jurer qu’une semaine me suffira largement pour attraper le salaud qui a fait ça. Tout ce qui sera récupéré vous sera rendu, et vous pourrez rembourser tous ces hommes. Ce que je ne retrouverais pas devra être remboursé par vos propres moyens.

-       C’est une offre intéressante mais bon, je ne veux pas vous déranger…

-       Ce n’est pas une offre. Allez avertir le reste de vos convives que leur remboursement arrive. Je m’occupe du reste.

-       Dans ce cas-là, je couvrirai vos arrières, mon amiral, intervient Liam avec bravoure. Dès lors que j’aurais rejoint Port Royal, je brouillerai toute piste, et falsifierai tout document pouvant faire écho de vos actes aux grandes instances. J’ai failli à mon devoir, et perdu toute dignité face à ce gosse, c’est une bien minime manière de me racheter, j’en suis conscient, mais j’y tiens.

-       Merci mon commodore, merci… répond Stuart en tapotant l’épaule de Liam, de manière amicale.

   Wyatt a l’air dépassé par la décision de Stuart mais, depuis leur discussion sous la pluie, il semble avoir compris quelque chose de fondamental, faisant qu’il le regarde agir de manière totalement irréfléchie, et impulsive, sans intervenir…

   Alors que Wyatt et Liam comptent accompagner Pedro dans la salle pour éviter tout débordements, la porte du couloir s’ouvre. Greger et Catarina étaient en train d’écouter la discussion à la porte comme deux enfants, ils ont l’air euphoriques.

-       Alors comme ça, le grand Amiral Owen part à la poursuite d’un blondinet d’à peine quinze ans ! C’est donc là le summum du divertissement, messieurs de la marine, vous êtes fantastiques, FANTASTIQUES ! Raille Greger en se moquant de Stuart.

    Il semble pris dans ses pensées, et ignore totalement cette provocation. Un détail pique Liam dans les dires du Mad Beaver.

-       Greger Berg… le principal suspect dans cette affaire se nomme Jack Sparrow, et il est tout sauf blond. J’ai aperçu une silhouette un peu plus grande que les autres avec lui, mais je n’ai pas pu voir son apparence. Comment pouvez-vous être au courant d’un tel détail ?

   Stuart se retourne d’un coup, et lance un regard noir à Greger, tout comme Wyatt. Pedro semble avoir compris quelque chose, mais il ne peut couper la parole à Greger.

-       Eh bien j’ai entendu un bruit bizarre venant de derrière moi et j’ai aperçu une petite touffe dorée derrière la porte ! J’ai cru que c’était un petit renard, je suis surpris que ce soit enfaite un vilain malfaiteur prépubère ! J’ai fait une drole d’erreur, hein Cat’ ?

-       T’es vraiment un mauvais pirate Beav’, un piètre loubard !

-       Espèce d’enfant de catin !

   Pourtant calme jusque-là, Stuart cerne l’ironie des dires de Greger, et se précipite sur lui. Il vient coller son front à quelque centimètres de celui du charpentier. Une forte pulsion meurtrière prend possession de lui.

-       Fais bien attention à ce que tu vas faire Owen, je ne suis pas l’autre négro, je ne suis pas docile, ce n’est pas dans ma nature. Lève la main, et je te désosse comme une poule à viande.

-       Un renard ? Sur Nassau ? De qui oses tu te moquer au juste, piètre pirate ?

   Malgré la menace de Greger, Stuart sort un poignard qu’il a dissimulé sur un porte-dague en cuir, attaché à sa cuisse. Les deux hommes semblent sur le point de s’entretuer, Catarina encourage Greger, elle crie d’une voix stridente « Tue-le ! Tue-le ! ». Wyatt et Liam ne bougent pas, fatigué par les états d’âmes de Stuart. Contre toute attente, c’est Pedro Noriega qui vient malgré lui, s’interposer entre les deux hommes.

-       Messieurs ! Assez pour aujourd’hui, je commence à être excédé par tout ce qu’il se passe ici ! Stop. Greger, sache que je suis bien déçu de toi, tu savais que l’on nous observait, et tu n’as rien dis. Tu aurais pu éviter tout ça en signalant ce que tu venais de voir… ton teck tu seras bien remis, ainsi que ce qu’il y avait en plus dans le contenue de ta bourse. Je ne traiterai plus jamais avec toi après ça...

-       Tu sais quoi ? Si ce vieux frustré réussi à revenir avec la tête de ces gamins, et l’argent, alors tu pourras garder ma bourse, et le bois. S’il échoue, alors mon teck me sera remis, ainsi que la totalité de ma bourse. Je ne pairai pas un centime pour mon due, en plus d’un remboursement en bonne et due forme… marché conclu ?

-       Je ne traiterais pas avec toi Greg…

-       LA FERME ! Tu décides de rompre nos relations commerciales ? Alors toi, grand joueur que tu es, accepte un dernier pari avec moi.

   Pedro hésite. Il a toujours eu de bons rapports avec Greger, et cette situation l’embarrasse en tout point. Dans ce monde, il existe un code d’honneur entre les hommes, et Pedro ne peut se permettre de pardonner cette trahison, même au Mad Beaver. La pression qu’il ressent face à lui est écrasante, son regard est fuyant. Il cherche du réconfort en scrutant des yeux l’amiral Owen. Il voit sa rage et sa détermination déborder de son corps, il est certain que cet homme ne peut échouer à attraper Jack. De plus, sachant ce qu’il a vu de ses désirs enfouies, grâce au monocle, il ne peut que lui accorder sa pleine confiance… sa main se tend en face de lui, et attrape avec entrain celle de Greger, il le regarde droit dans les yeux, et lui dit…

-       Marché conclu, j’accepte ce dernier jeu.

-       Comme tu voudras, Noriega ! A bientôt, grave une des buches avec la forme de ton cul, histoire que je me rappelle bien ta petitesse ! POUAHAHAHA ! Je connais ces mers mieux que personne. Sans ton petit uniforme, et ton grand navire, tu ne seras pas capable de les affronter, la fougue de la jeunesse est de leur côté ! Tu n’es plus qu’un petit chien enragé sur un bateau de pêche, ces gamins la vont te surprendre, Owen !

   Personne ne réagit à cette énième provocation du Beaver. Catarina et lui s’en vont rejoindre la ville, ivres, et hilares, sous une pluie de cordes. Stuart explique qu’il entamera sa chasse à l’aube, la météo rendant toute opération impossible durant la nuit. Avant de rejoindre la salle, Pedro précise aux trois hommes qu’il pense savoir à qui appartient cette « tignasse blonde » dont parlait Greger, et qu’il irait vérifier ça dès le lendemain. Il rejoindra Stuart pour lui donner le go, avec les informations qu’il aura récolté.

   Ils se séparent donc ici, l’objectif est maintenant d’aller gérer les derniers détails administratifs avec l’ensemble des victimes. La soirée fut éprouvante pour tout le monde, la nuit le sera encore plus… en rejoignant la salle aux enchères, Pedro explique que tout est pris en charge par l’amiral Owen, dires confirmés par l’amiral Windsor à ses côtés, ce qui calme instantanément tous les nobles, jusque-là dans tous leurs états. En rejoignant son pupitre pour entamer le travail avec Ludwig, Pedro a une vue d’ensemble sur la salle. Il remarque très vite qu’il manque une personne. En croisant le regard de Wyatt, il comprend qu’il n’est pas le seul à avoir repéré cette absence. Les deux hommes sont alors pris d’un mauvais pressentiment…