Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 12 : Slow down

2370 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/11/2018 18:20

Branche droite ou branche gauche ? Manon observa avec attention les yeux du Parecool glisser lentement vers la droite, puis vers la gauche, puis encore à droite, et encore à gauche, lentement, infiniment lentement. Puis, au terme d'un suspense insoutenable, le Pokémon paresseux amorça un mouvement de bras. Il effectua tout d'abord un lent, très lent geste d'abduction, pour ensuite déplier son coude à mi-hauteur et tendre sa patte poilue et griffue au ralenti. C'était maintenant que tout allait se jouer. La jeune fille ne pouvait plus détacher le regard du membre mollasse du Pokémon qui s'étendait avec une lenteur captivante. Ce n'est que trente seconde plus tard que le Parecool parut se décider pour l'un des deux côtés en décalant légèrement son bras dans l'une des directions. Droite ! Il avait choisi la branche de droite ! Manon ne se réjouit pas trop vite car elle s'attendait encore à ce qu'il change d'avis, mais il n'en fut rien. L'extrémité d'une première griffe finit par atteindre l'écorce de l'Acacia Koa et la dresseuse retint son souffle tandis que la main du paresseux s'enroulait autour d'une étroite feuille allongée. Le geste futile et anodin de l'arrachage semblait prendre des allures de lutte sans merci et Manon ne put retenir un cri de victoire lorsqu'enfin le membre endormi s'éleva, tenant fermement (autant qu'il était possible de parler de fermeté dans ce cas précis) le précieux met à cinq centimètre de la branche. Mais son enthousiasme s'évapora bien vite lorsque le Parecool entama le mouvement en sens inverse, exactement à la même allure qu'à l'aller. La jeune fille perdit patience et se désintéressa de ce spectacle à la fois hypnotisant et ô combien frustrant. Marisson bâilla à côté d'elle et elle descendit de la barrière. La rouquine regarda autour d'elle une énième fois à la recherche d'un autre être humain, certainement l'espèce la plus rare ici en ce moment, mais sans succès. Quoique, ce n'était peut-être pas plus mal que personne n'ait assisté à sa contemplation de l'activité passionnante que constituait le repas d'un Parecool et surtout à son expression la plus gracieuse : les yeux vides et la bouche ouverte, qui lui donnait l'air d'un Qwilfish. À défaut de la moindre once d'amusement, elle préservait au moins sa dignité... Elle soupira et se remit en marche. Après avoir fait quatre fois entièrement le tour de la réserve, elle pouvait plus ou moins citer de tête toutes les espèces de Pokémon qui y habitaient ainsi que toutes les sortes de plantes et d'arbres qui y poussaient.

Et la voilà partie pour un cinquième tour... Youpi...

Au début, elle avait pu croiser quelques employés qui avaient été ravis d'accepter son aide et qui lui avaient donné un peu de travail. Elle les avaient aidé à accomplir certaines tâches faciles, comme tenir et occuper des Corayon en leur donnant des baies pendant que l'un ou l'autre membre du personnel de la fondation mesurait la taille de leurs cornes, brosser le pelage blanc d'un Goupix d'Alola en pleine mue ou encore arroser un petit groupe de Mystherbe, mais au bout d'un moment, elle avait bien vu qu'ils ne savaient plus vraiment quoi lui donner à faire et elle s'était retirée d'elle-même pour ne pas les ennuyer.

Elle avait tout de même préféré rester ici en attendant Alain plutôt que de remonter déprimer dans sa chambre. Car oui, on peut dire que son moral n'était pas au beau fixe, et ce pour plusieurs raisons :

Tout d'abord, il y avait eu cette journée de perdue qu'elle avait passée à l'infirmerie après sa rencontre avec l'Ultra-Chimère (ils avaient préféré procéder à quelques tests et l'avaient gardée en observation au cas où des symptômes provoqués par la violente neurotoxine que produisait la créature se seraient manifestés, ce qui n'avait heureusement pas été le cas). Et lorsque Manon avait abordé le sujet de sa paralysie, les causes en avaient été attribuées à une crise d'angoisse ( même si la doctoresse s'était montrée quelque peu étonnée lorsqu'elle avait mentionné sa violente migraine ; ce qui avait eu pour seul effet de prolonger son séjour dans la confortable petite chambre aux murs blancs tristement vides au délicieux parfum de désinfectant...).

Ensuite, il y avait ces insomnies motivées par la crainte de retrouver la grotte oppressante de ses cauchemars dans laquelle elle ne manquait jamais d'atterrir lorsque son corps la trahissait et que le sommeil finissait par l'emporter, puis les réveils en nage le matin après avoir passé une nuit de plus à arpenter seule le dédale infernal, l'inqualifiable bête sur ses talons. Enfin seule, ce n'était plus vraiment le cas depuis la nuit dernière, car elle avait cru apercevoir trois silhouettes au loin, juste avant d'être rattrapée par la lumière bleue et enfin ouvrir les yeux. Lui était-ce d'un quelconque réconfort ? Peut-être. Elle ne le savait pas vraiment... Elle n'avait parlé de ses songes à personne pour le moment, même si Marisson se doutait bien que quelque chose n'allait pas. Elle le voyait à l'expression inquiète qu'il arborait au réveil lorsqu'il croyait qu'elle ne le regardait pas. Il devait attendre qu'elle se décide à lui en parler d'elle-même car il ne voulait pas la brusquer. Il était juste là pour elle et faisait tout son possible pour la faire sourire. Il était comme ça son Marisson. Alors oui, peut-être qu'avoir des alliés, même virtuels, lui permettrait de surmonter ce cauchemar et de mettre un terme aux inquiétudes de son précieux partenaire ? Elle l'espérait de tout cœur.

Enfin, il y avait Alain.

Après l'incident de Malié, les choses étaient à peu près revenues à la normale entre eux. Manon n'avait pas réabordé le sujet de leur dispute et le dresseur s'était montré à nouveau plus prévenant envers elle (toujours dans un style très « Alain » bien sûr). À vrai dire, elle avait même été presque prête à effacer de sa mémoire ses doutes le concernant.

Puis il y avait eu l'employé croisé au détour d'un couloir, presque gêné de leur annoncer qu'Alain allait être convoqué. Lui... mais elle non.

Un nœud s'était à nouveau formé dans son estomac, mais elle avait pris sur elle. Elle avait serré les dent et n'avait rien dit, luttant contre le milliard de questions qui lui brûlaient les lèvres.

Et voilà comment elle s'était retrouvée coincée ici en attendant que le jeune homme daigne réapparaître.

- À ce rythme on pourra bientôt proposer nos services comme guides officiels de la réserve... fit Manon d'un air las en dépassant « le rocher au Miaouss » et une haie de Dwarf Pittosporum.

- Maa... soupira Marisson qui avançait en traînant des pieds.

La jeune fille s'éclaircit la voix et déclama à reculons :

- Oyez, oyez, mesdames et messieurs ! Sous vos yeux ébahis, un Manglouton s'apprête à se désaltérer dans la rivière ! Ne manquez surtout pas sur votre gauche, l'unique, l'inimitable, Palmier d'Alola ! s'exclama-t-elle en désignant l'arbre. Nous avons ensuite ici un incroyable spécimen de Papilusion en train de butiner un Anthurium digitatum , et juste derrière, un Picassaut caché derrière les Hibiscus fragilis nous honore de sa présence !

- Ma rima ! s'écria joyeusement Marisson en montrant les fleurs allongées oranges et bleues un peu plus loin.

- Tout à fait Monsieur, acquiesça la jeune fille en conservant un air très sérieux, les Strelitzia reginae sont particulièrement belles cette a... Oups ! s'exclama-t-elle en heurtant quelque chose.

Manon vit l'expression de son Pokémon se transformer et lorsqu'elle se retourna pour découvrir sur quel obstacle elle avait buté, elle se retrouva face à deux yeux perçants qui la toisaient avec sévérité.

Elle poussa un cri et s'écarta vivement des deux iris flamboyants.

- Dé... désolée ! s'excusa-t-elle précipitamment en s'inclinant.

Lorsqu'elle releva la tête, la jeune fille découvrit que leur propriétaire n'était autre qu'un grand Pokémon hibou au plumage blanc et beige et à la tête enveloppée par une capuche verte, dont les ombres accentuaient encore davantage l'expression de mécontentement.

- Rou ouh ! hulula le hibou d'un air contrarié.

- Je m'excuse, vraiment ! Je ne faisais pas attention et... !

- Eh du calme l'ami ! intervint une voix.

Un jeune garçon à la peau mate, vêtu d'un bermuda orange qui devait avoir son âge à une ou deux années près, apparut de derrière le volatile et posa la main sur l'une de ses ailes.

- Alola ! s'exclama-t-il en se tournant vers la Kalosienne. Excuse-le, il n'est pas aussi grognon d'habitude, dit-il en désignant le Pokémon oiseau de la tête. Je crois que rester immobile aussi longtemps au milieu d'une salle pleine de gens a dû lui mettre les nerfs en pelote...

- Non, aucun problème, rétorqua la jeune fille, c'est de ma faute, j'aurais mieux fait de...

- Allez, on oublie tout ! fit le garçon en lui tendant la main. Je m'appelle Tili, dit-il en souriant, et toi ?

- Manon, répondit-elle en lui rendant son sourire, et voici mon ami Marisson !

Les deux jeune gens se serrèrent la main.

- Enchanté ! Et lui, reprit Tili, c'est mon bon vieux partenaire, Archéduc.

Le hibou hocha la tête d'un air boudeur.

- Oh là là, sourit nerveusement le garçon en se passant un bras derrière la nuque, quand il est comme ça il n'y qu'une seule chose qui puisse lui remonter le moral...

- Ah oui ? Laquelle ? l'interrogea Manon.

- Une délicieuse Malasada Maxi ! s'exclama Tili en tapotant l'aile de son Pokémon.

- Oh, je le comprends ! rit la dresseuse.

- Rima rima ! renchérit Marisson à côté d'elle.

- Oh vous connaissez ? demanda le garçon, les yeux brillants. Vous êtes de la région alors ?

- Pas vraiment.

Manon lui expliqua qu'ils avaient été envoyés ici par le professeur Platane en pseudo « vacances », même si son ami s'entêtait à ne pas considérer leur séjour comme tel et qu'ils avaient découvert les « meilleurs beignets de tous les temps » à leur arrivée sur l'archipel. S'étant découvert un amour commun pour la pâtisserie locale, Tili leur proposa de les accompagner au Malasa'délice.

- Et après, on pourrait même aller surfer ! Vous avez déjà essayé ?

- Non, pas encore, rétorqua la dresseuse, mais disons que cette activité figurait sur ma liste de « non-vacances » !

- Génial alors ! s'écria Tili en sautant de joie. Ça va être trooooop bien !

- Ouais ! répondit Manon sur le même ton, ravie de retrouver les vacances qu'elle n'attendait plus.

- Alors on y va ? dit le dresseur d'Alola en prenant le chemin de l'ascenseur.

- Ah... Tu voulais dire maintenant... ? demanda la jeune fille quelque peu embêtée.

- Bah ouais... Pourquoi ? se retourna-t-il en lui lançant un regard interrogateur. Tu as déjà quelque chose de prévu ?

- Oui, enfin pas tout à fait... J'attends quelqu'un...

- Ah... fit le garçon en marquant une pause. C'est pas grave ! reprit-il avec son éternel sourire, on n'a qu'à attendre ici avec vous ! Rien ne presse !

- C'est très gentil, le remercia Manon, mais même moi je ne sais pas du tout dans combien de temps il...

Soudain, quelques notes retentirent et Alain apparut sur la plateforme.

- Alain ! le héla la jeune fille en lui faisant signe.

Manon accourut à sa rencontre, suivie de près par Tili et les deux Pokémon.

- Tu as terminé ? l'interrogea-t-elle pleine d'espoir.

- Oui, acquiesça le jeune homme en examinant l'autre dresseur et son Pokémon.

- Parfait ! s'exclama Manon aux anges. Je te présente Tili et Archéduc !

- Alola, le salua Tili à la manière traditionnelle, je ne savais pas que son ami c'était toi !

- Comment ça ? s'étonna la jeune fille. Vous vous connaissez ?

- Oui, confirma le garçon avec enthousiasme, enfin on s'est vu juste avant à...

Il croisa le regard glacial du noiraud et se ravisa.

- Oui, juste avant... dans les... couloirs, balbutia-t-il, c'est ça, dans les couloirs ! déclara-t-il avec un sourire nerveux.

- Oh... lâcha la rouquine un peu désorientée. Tant mieux alors ! reprit-elle avec entrain.

Elle se tourna à nouveau vers son compagnon de voyage et se mit à débiter sans interruption :

- On les a rencontrés juste avant, pendant notre cinquième tour de la réserve ! Je ne regardais pas où j'allais et j'ai foncé dans Archéduc sans faire exprès... Il était plutôt fâché sur le moment mais les choses se sont à peu près arrangées... En gros on va se réconcilier autour d'une Malasada, pas une normale, mais une Maxi parce que ce sont ses préférées, et on voulait partir maintenant mais je ne savais pas du tout quand t'allais être de retour et tu es arrivé pile au bon moment ! Ah oui, et on voulait aussi aller surfer après ! Tu veux venir avec nous ?

Alain cligna des yeux, déconcerté.

- Euh... ouais... là, maintenant, tout de suite ?

- Oui ! Allez viens ça va être génial ! insista-t-elle en le tirant par le bras.

- Je suppose que je n'ai rien d'autre à faire pour le moment donc...

- Alors ça veut dire oui ? demanda Manon les yeux brillants.

- Pourquoi pas, acquiesça le jeune homme.

- Youpiii !!! s'écria la dresseuse en courant presser sur le bouton du premier étage . Surf Démanta nous voilà ! s'exclama-t-elle plus que ravie de dire adieu aux Gardenia brighamii, aux Aechmea biflora et autres Pentas lanceolata


Laisser un commentaire ?