Leadynadd

Les premiers rayons de soleil apparaissent derrière la Falaise aux Morts. Ils illuminent la terre orange et infertile de Leadynadd d'une lumière douce et chaude. C'est là l'unique beauté de la région. Cette apparence de carte postale au lever du jour cache la désolation, la famine et une eau imbuvable. Je ne sais pas comment nous faisons pour survivre... Juste, nous faisons, c'est tout. Je me levai, réveillai Pyroli et, après avoir prié, nous partîmes chasser les serpents qui menaçaient nos récoltes. Ils étaient de plus en plus nombreux ces temps-ci.

Lorsque le soleil était au plus haut, je retournai au bercail. Ma mère m'y attendait. Elle avait passé la matinée à filer de la laine. En réalité, elle passait ses journées à filer de la laine. Depuis la mort de Papa en tous cas. Je lui posai les quelques serpents que Pyroli et moi avions trouvés. Elle les regarda à peine et grommela. Nous en mangeâmes un. Puis nous repartîmes à nos activités jusqu'à la fin de la journée.

Et le lendemain on recommence. On crève ici, à Leadynadd. On crève de chaud, on crève de faim, on crève d'ennui et de fatigue.

Un jour, j'allai chasser plus près de la Falaise aux Morts. On l'appelle ainsi parce qu'on croit que, quand on meurt, notre âme est remise à Azkhod. C'est lui qui décide si elle va se loger dans les creux de la roche de la falaise pour que le vent les fasse résonner pour l'éternité, ou si elle devra se perdre dans le néant. Plus on approche de la Falaise, mieux on entend les morts.

Donc un jour, je chassai dans ce coin de la région. J'entendis une voix qui m'appelait. "Koshey..." murmurait-elle. Je sursautai. J'étais seule, je m'en étais assurée. Que me voulaient les morts ? "Koshey..." murmura la voix plus fort. J'appelai Pyroli et nous nous aventurâmes vers la Falaise aux Morts. Il y avait, dedans, une grotte, creusée par les ancêtres des cinq tribus de Leadynadd. Celle-ci renfermait quelque chose de précieux selon les uns, dangereux selon d'autres ou bénéfique suivant des versions. La seule chose que l'on sait, c'est que personne n'est jamais ressorti de la grotte.

C'est ainsi que Pyroli et moi y pénétrâmes.

Le Pokémon me fournissait la lumière nécessaire pour me guider. Des voix résonnaient dans cette grotte, et des visages étaient peints sur les murs. Des visages semblables à des masques, les visages des morts peut-être ? Mais qui les avaient peints ? En réalité, je n'avais pas le temps de me poser tant de questions. Je réfléchissais à peine, laissais mon instinct me guider sans vraiment y faire attention et j'étais déjà incapable de retrouver la sortie.

Finalement, je vis au bout d'un couloir une pièce, éclairée d'une lumière violette. Pyroli et moi y avançâmes. Mais au moment où nous y étions tous deux rentrés, le mur s'abattit derrière nous, empêchant toute fuite. Et descendit du plafond de la grotte... Quelque chose... C'était vague, indescriptible... A première vue, ça ressemblait à une sorte d'araignée. La chose possédait six pattes qui lui servaient à se déplacer, un corps fin avec deux bras, et d'une tête trop grande et large pour le reste du corps, tête constamment cachée par un masque.

Je commençai à comprendre et à avoir peur. Azkhod. Son masque changeait rapidement, je ne sais pas si cela signifiait quelque chose, mais ça me semblait intéressant comme détail. Au bout d'un silence qui m'a paru trop long. Azkhod prononça mon nom. Je restai fixe, collé au mur, Pyroli "caché" derrière mes jambes. Le dieu me proposa un marché, pour me féliciter d'être arrivé jusqu'à lui : le défier. Pyroli bondit devant moi comme pour me protéger. Je sentais qu'il avait la rage au ventre et qu'il donnerait le meilleur de lui-même.

J'acceptai le défi.

La pièce semblait s'être agrandie pour l'occasion, mais demeurait toutefois toujours aussi sombre et violette. Azkhod recula, essaya de paralyser Pyroli avec ses toiles d'araignées mais le petit Pokémon était trop petit et trop rapide, donc trop dur à viser... Pyroli avançait vers lui avec courage en esquivant toutes ses attaques, une fois arrivé devant la grosse bête, il bondit sur son masque et le lui arracha.

Ce fut la grande erreur de ma stratégie.

Car Azkhod ne possédait pas qu'un masque, mais des centaines, et il emprisonna Pyroli dans une prison de masques avant de le détruire.

J'étais dévastée.

Seule, contre un dieu maléfique qui n'avait plus que moi à se mettre sous le masque...

Alors je tentai le tout pour le tout : je lui offris ma vie en échange d'un souhait. A ma grande surprise, Azkhod accepta. Je choisis de me sacrifier pour sauver ma région, pour reverdir les champs et offrir aux tribus de quoi vivre sereinement.

Alors Azkhod s'approcha de moi et me transforma en masque.