Grandir, au fil du temps
Quelques jours avant l’œuvre principale, dans le Monde Primaire.
- « A... Alors, Jules ? »
Le rouge aux joues, Meryll se demande ce que pense le garçon en face d'elle. Acceptera-t-il d'aller avec elle à la fête foraine cette année ?
Il lui fait un sourire, un de ses sourires un peu charmeur qui l'a séduite. Il passe sa main droite dans ses cheveux blonds, prend un air contrit et répond, de ses mots qui font passer des jours tristes.
- « Merci, mais j'y vais déjà avec d'autres personnes. »
- « Ah oui... d'accord... »
Les larmes aux yeux, l'adolescente éconduite ne sait plus où se mettre.
- « Bon, je vais profiter de la pause pour aller les voir ! »
Et sans plus de douceur, il s'éloigne.
Il accélère le pas, pour aller retrouver ses amis pendant la pause.
Il va les rejoindre, comme d'habitude, dans la salle de musique numéro trois.
Déjà quelques mètres avant d'arriver, il reconnait la musique jouée au violon.
Il s'arrête quelques instants dans l'entrebâillement de la porte. Il reconnait la mélodie, nommée Spontaneus me, qu'elle adore. La musique est dynamique et envoutante, à son image. Avec son caractère borné et son éternel bandeau rouge dans les cheveux, elle sera toujours un peu mystérieuse pour lui.
Après quelques dizaines de seconde, elle est rejointe par le pianiste. La mélodie s'en trouve modifiée, plus douce et posée.
Une fois la musique terminée, les deux musiciens se demandent quoi jouer maintenant. C'est le moment qu'il choisit pour entrer dans la salle.
- « Yo ! Vous vous êtes encore améliorés. »
Bien qu'il n'y connaisse pas grand-chose en musique, il sait que le duo s'entraînent tous les jours d'école, ou presque.
- « Salut Jules, merci. »
Pierre, bien plus discret que l'adolescent blond, incline la tête. Jules a été surpris que Pierre devienne l'ami de Lyn, devant son caractère très introverti.
- « Oui, mais on a encore des progrès à faire ! »
Lyn.
Elle l'a salué d'un geste rapide avec son archer, et se penche de nouveau sur ses partitions. Elle n'est jamais satisfaite, et travaille toujours plus.
- « Du temps que vous ne vous défilez pas demain ! »
S'il le dit en riant, une crainte le prend aux tripes.
Lyn et lui on fait les quatre cent coup depuis qu'ils se sont rencontrés, en maternelle. Mais ça fait maintenant quelques mois qu'elle est moins disponible. Il a d'abord incriminé Pierre. Mais il a fini par comprendre que c'est le futur départ de son amie, vers un monde inaccessible pour lui, qui a instauré cette distance.
- « Je ne manquerai pas cette dernière sortie ! Maintenant, laisse-nous travailler, Jules. Tu finis toujours par nous distraire. »
Qu'elle peut être cruelle malgré elle, de lui rappeler ainsi les choses. Mais la sortie du lendemain est maintenue, c'est ce qui compte.
*****
Une bonne odeur de churros et de poulet grillé flotte dans l'air. Il y a du monde, pour profiter de la dernière soirée de la fête foraine cette année.
Impatient, il cherche Lyn du regard. Il n'aura plus à la chercher l'année prochaine, quand la fête foraine sera revenue... Une angoisse étreint l'adolescent.
Ah, là-bas ! Il aperçoit son bandeau rouge. Il soupire de soulagement et la rejoint.
- « Lyn ! »
- « Salut. Y'a un de ces mondes ! »
Sans plus de cérémonie, elle marche à côté de lui, et regarde immédiatement les stands de nourriture. " Mmmh, je vais sans doute prendre quelque chose à manger.
- « Quelle surprise, miss estomac sans fond ! »
- « Ahhh Tu sais que je déteste ce surnom. »
Elle prend une moue contrite, qui ne lui déplait pas.
- « Haha, Allez je t'offre quelque chose ! »
- « Merci, je peux payer mes churros. »
Elle n'a jamais voulu d'aide. Sans doute parce qu'elle tient à tout prix à s'émanciper du foyer où elle se trouve.
« Au fait, tu as vu Pierre ? »
- « Non, il ne devrait pas tarder. »
Un tout petit mensonge. Jules s'est arrangé pour décaler l'arrivée de leur ami. Même s'il s'entend bien avec lui, il fallait qu'il soit un peu seul avec Lyn.
Alors qu'elle grignote ses churros, regardant distraitement les attractions autour d'eux, il met les mains dans ses poches. Avec son habituel air décontracté, il parle des attractions déjà testées.
Il sent avec sa main droite le petit paquet. Il le met dans sa main, prêt à le sortir de sa poche. Son cœur s'accélère imperceptiblement. Quand lui donner ?
- « Lyn… »
- « Oh, regarde ! Une pétanque version Pokémon ! Viens, que je te mette la pâté ! »
Comme toujours quand il s'agit de Pokémon, son regard s'est allumé.
Un peu refroidi, il lâche le paquet. Ne vit-elle vraiment que pour aller là-bas ? Pour partir dans ce monde Pokémon, sans être sûre de pouvoir revenir ?
Satané portail, qui va l'entraîner loin de lui.
Et pourquoi lui a-t-il fallu tant de temps pour comprendre ?
Il ne veut pas qu'elle parte. Mais il sait qu'elle ne changera pas d'avis.
Foutu portail, qui ne s'est jamais montré pour lui !
- « Tu rêves ou quoi ? »
Il se reprend et la rejoint pour une partie. Comme souvent, elle lui met un raclée.
« Haha, je t'ai encore eu ! »
Que ne donnerait-il pas pour qu'elle reste.
Lui, si sûr de lui avec les filles, n'arrive pas à engager normalement la conversation avec elle, depuis quelques semaines. Et encore moins à lui donner son cadeau ce soir.
Ils poursuivent un peu leur marche dans les travées. Ils arrivent prêt des attractions à sensations fortes, la musique se fit plus puissante et résonne dans sa poitrine.
- « .... »
Lyn lui a parlé, mais avec le bruit il n'a pas compris.
- « QUOI ? »
- « PIERRE dit qu'il arrive dans DIX MINUTES ! »
Jules ressent un électrochoc. C'est maintenant ou jamais ! Il saisit la main de son amie et l'entraîne vers un endroit plus calme.
Instant fugace de proximité.
- « Tu as raison, on s'entendra mieux ici. » Elle retire sa main. « Je vais appeler Pierre. »
- « Attends ! » Elle s'interrompt, surprise pour le ton employé. Il se trouve bien bête maintenant.
Allez, un peu de courage !
« Tient. Pour tes 16 ans.... et ton départ. »
Avec un air qu'il veut nonchalant, il sort de sa poche le petit paquet et lui jette presque dans les mains.
- « Ah, mais tu n'avais pas besoin de faire ça. »
Sincèrement surprise, elle attrape le cadeau.
- « Ce n'est pas vraiment la réponse adaptée ... »
- « Merci. »
Elle l'ouvre et découvre un ipod dernier cri. Rouge comme son bandeau.
« Mais, il est génial ! C'est celui qu'on a vu dans le magazine ! »
Elle aime, super. C'est le moment.
- « Lyn.. Je tiens beaucoup à toi. »
Il a pris son air le plus sérieux possible et la regarde retourner l'ipod dans tous les sens. Son cœur manque un battement.
- « On n'avait dit pas de drama, Jules ! Cet ipod a dû te coûter cher ! »
Abasourdi, il ne sait pas quoi répondre, pour une fois.
« Tu sais que j'ai un objectif précis. Mais, moi aussi je t'aime bien. »
Elle le regarde dans les yeux, de son air si déterminé mais aussi terriblement naïf parfois. « T'en fais trop quand tu t'y mets. »
Elle se retourne et prend son téléphone.
Il se sent vidé... Que peut-il bien faire de plus ?
Dans un état un peu second, il la suit pour retrouver Pierre.
Alors qu'elle fait la queue pour un paquet de confiserie, Pierre et lui attendent un peu à l'écart.
- « Tu lui as dit ? »
Pierre regarde Lyn, mais Jules sent l'attention que son ami porte sur lui.
- « ... Haha, mais de quoi tu p... »
- « Que tu l'aimes. »
Comme souvent, Pierre n'y va pas par quatre chemin. Il parle rarement pour ne rien dire.
- « Si on veut. Mais comme tu vois, ça n'a pas eu l'effet recherché. Elle part dans quelques jours. »
Pierre donne une tape amicale dans le dos du grand blond, geste assez rare chez ce garçon renfermé.
« Et toi ? Tu vas lui dire ? »
- « Je ne l'aime pas. Enfin pas comme toi. »
Un vague sentiment de soulagement submerge Jules, après le vide. Mais un sentiment bien inutile.
- « Tenez les garçons ! »
Lyn les a rejoint, il n'avait pas vu. Dans un de ses bandeaux rouges, elle a mis la moitié de ses confiseries pour ses amis, qu'elle tend à Jules. Elle semble heureuse d'être là.
Il doit profiter à fond de cette soirée, et arrêtez de réfléchir. Il attrape ses deux amis par les épaules et les entraîne vers son attraction préférée.
Sa main droite tient fermement le bandeau rouge contenant les confiseries.