Abi dans le Pokéworld

Chapitre 1 : Le commencement

3398 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/07/2020 20:32

Je cours… ça fait un certain temps. Ils ne me lâchent pas. Pas moyen de les semer. Mes poumons me brûlent. Il m'est de plus en plus difficile de reprendre ma respiration. Les muscles de mes jambes commencent à donner des signes de faiblesse. Chaque foulée engendre des sensations de tiraillement dans mes mollets comme s’ils allaient se détacher du reste de mon corps. Pour couronner le tout, il pleut à grosses gouttes. Mes vêtements me collent à la peau. Ma vieille veste de cuir élimé pèse lourd sur mes épaules. Je sens mon sac à dos rebondir contre mon dos. Ils ne sont pas loin derrière. Surtout ne pas ralentir. Comment ai-je pu me mettre dans un tel pétrin ? Quelle imbécile ! Je savais que le quartier était contrôlé par le gang des Dark Lion. Je ne pensais pas qu'ils me prendraient en grippe pour quelques tours de passe-passe… Enfin, peut-être que prélever l'argent dans leur caisse n'était pas la chose la plus maligne à faire. J'ai surestimé mes capacités de dissimulation sur ce coup. Résultat, me voilà à courir à en perdre haleine à travers les rues de New York. Il faut vraiment que j'arrive à les semer. Je jette un coup d’œil par-dessus mon épaule et je les aperçois. Quatre loubards en jeans troués qui me coursent armés de battes de base-ball et de barres de fer. C'est classique mais je ne doute pas de leurs efficacités quand ils me roueront de coups. Comment me débarrasser d'eux ? Je zigzague entre les passants renversant les étals présentant divers produits dans l'espoir de gagner un peu d'avance. Heureusement, je suis agile. Je me faufile entre les gens, j’escalade les présentoirs, je passe dans une glissade sous une fenêtre que deux livreurs transportent. Malgré tout, je commence à perdre espoir, l'écart entre eux et moi s'est un peu creusé mais c'est encore insuffisant et je sens bien que mon rythme est moins soutenu. Il me faut une solution, une issue. Allez ! Je n’ai pas survécu tout ce temps pour crever sous les coups de quatre gorilles décérébrés. Je regarde de tous les côtés mais je ne vois rien qui pourrait me permettre de disparaître. Quand j’y réfléchis, et c’est dingue ce qu’on a comme temps pour réfléchir quand on essaye d’échapper à la mort, et bien, je me dis que l’idéal, ce ne serait pas d’arriver à m’échapper là maintenant pour quelques jours mais de disparaître de ce monde-ci. Franchement, à quoi ça rime ? Les gouvernements véreux, les guerres, la primauté de la finance, et surtout ma vie à la rue. Ce ne serait pas cool que les gens soient tranquilles, détendus, qu’ils fassent des choses qui les rendent heureux, au lieu de se crever toute leur vie au boulot pour des patrons qui ne les remercieront jamais ? C’est que j’en deviendrai presque philosophe sous adrénaline… Je cours toujours comme une dératée. Personne ne viendra me sauver, personne ne se rendra compte que j’ai disparu. Si j’ai de la chance, j’aurai droit à deux lignes dans le journal local quand une bande de gamins retrouvera mon corps dans un terrain vague. Je serre dans ma main gauche mon couteau à lame rétractable. J’espérais ne pas avoir à m’en servir. Mais quand ils me rattraperont, il est hors de question que je me laisse faire. Une larme de rage coule le long de ma joue et vient se mêler à la pluie qui ruisselle sur mon visage. Je… Le cours de mes pensées s’interrompt. Je crois avoir vu un scintillement sur la droite à quelques mètres devant moi derrière un étal de petits pains. Il n’y a plus rien maintenant mais je remarque une étroite ruelle que je n’avais pas vue. Sans réfléchir, je m’y engouffre. Une fois dedans, je ne m’arrête pas, je m’enfonce plus avant dans l’ombre. Il faut mettre le plus de distance possible entre eux et moi. La ruelle serpente, des files à linges la traversent se courbant sous le poids des vêtements les recouvrant. Je me baisse, esquive une poubelle, relève la tête. La ruelle se divise à plusieurs reprises en différentes branches. Je tourne à gauche, à droite… Lancée à toute allure, je n’ai aucune idée de là où je vais, ni même d’où je viens. Il me semble à chaque fois discerner un scintillement à la périphérie de mon champ de vision que je suis sans hésiter. Je tourne à pleine vitesse à angle droit et là ! Face à moi, un mur de brique. Je n’ai pas le temps de m’arrêter. Entraînée par l’élan, je vais me le prendre de plein fouet. Je vais vraiment finir défigurée ce soir. J’ai à peine le temps de lever les bras devant moi dans un geste désespéré et futile pour amortir le choc. Je ferme les yeux comme si ça pouvait effacer l’impact à venir.

             

             Mais le choc ne vient pas. Je m’arrête au bout de quelques pas. Derrière mes paupières closes, il me semble qu’il ne fait plus si sombre. Est-ce que je serai morte sur le coup ? Est-ce qu’on peut mourir en fonçant en courant sur un mur ? Est-ce que si j’ouvre les yeux, je serai dans un long tunnel avec une lumière au bout ? Je prends une profonde inspiration, j’expire et j’ouvre les yeux. Je reste immobile, debout, les bras écartés avec mon couteau toujours en main, mes vêtements trempés et les cheveux collés à ma peau. Le décor a complétement changé. Je ne suis plus dans la ruelle sombre à l’odeur nauséabonde de New York en automne. Mais face à une rue animée bordée d’arbres. Je suis éblouie par les rayons du soleil comme si nous étions au début des beaux jours du printemps. Je me retourne. Derrière moi, je ne vois qu’un mur de brique. Je tends la main et effleure la pierre. J’appuie ma main dessus. C’est solide et froid. Aucune trace d’un passage. Je ne comprends pas.

Je me retourne de nouveau face à la nouvelle rue. Mais devant moi, à cinquante centimètres de mon visage, je me trouve nez à nez avec une étrange créature au corps en forme d’œuf taché de rouge et de bleu et au long cou, voletant grâce à de petites ailes blanches. Poussant un cri de surprise, je fais un bond en arrière et me heurte au mur derrière moi.


La créature tourne sur elle-même et elle semble dégager un éclat lumineux. Soudain, je reconnais ce scintillement.


« C’est toi qui m’as guidé jusqu’ici ? » je demande.

-      Togétiiic ! » s’écrit la créature en voletant de haut en bas.

-      Je te remercie. » Dis-je interloquée.

-      Togé, togétic ! » s’exclame-t-elle d’un air enjoué.


Après de nouveaux quelques cabrioles aériennes, elle s’envole dans le ciel et je la perds de vue. La situation est complétement incongrue, à tel point que je ne me sens même pas si effrayée que ça. Je dois être dans le coma. C’est ça ou alors mon vœu de « partir ailleurs » a été miraculeusement exaucé et je suis dans un monde alternatif. Bon, de toute façon, si c’est un rêve autant explorer un peu les environs. Ce n’est pas comme si je pouvais faire demi-tour. Je n’en ai d’ailleurs aucune envie ! Je rejoins ce qui semble être la rue principale. Les maisons ne sont pas très hautes et elles prennent des allures de maisons françaises du dix huitième siècle. Des arbres bordent la route à intervalles réguliers et sont couverts de grosses baies de diverses formes et couleurs. Les gens sont souriants et vaquent tranquillement à leurs occupations. Je me rends rapidement compte que la créature étrange que j’ai croisée, n’est pas une exception. Les rues et le ciel sont remplies de bêtes bizarres. Certaines ressemblent à des chats, des oiseaux ou des chiens mais toutes ont des allures qui me font pensées aux bestioles d’un dessin animé qui passe à la télévision pour les enfants dans « mon monde ». J’erre dans les rues, longent des magasins et des salons de thé. Face à une vitrine, j’aperçois mon reflet. J’ai vraiment l’air complétement décalé dans ce décor estival avec mes vêtements trempés. Mes cheveux châtains retombent de part et d’autre de mon visage jusqu’à mes épaules et mon mascara cernent mes yeux verts. Je suis assez grande et élancée pour mes seize ans. Mon corps s’est affuté au cours des derniers mois passés dans la rue. Certaines personnes m’adressent des signes de main. D’abord méfiante, je referme systématiquement mon poing sur mon couteau dans ma poche. Mais je suis bien forcée de me rendre compte que toutes ces personnes semblent inoffensives. Je passe devant un jardin public. Je me promène dans les allées, observant les gens. Certains parlent en groupe, d’autres brossent la créature les accompagnants, tandis que d’autres encore encouragent deux des bêtes à se battre entre elles. Je suis fascinée par ce spectacle. Les bestioles ne se jettent pas juste l’une sur l’autre. Elles semblent posséder des pouvoirs magiques. Un gros chien lance des boules de feu, alors qu’une espèce de grosse souris jaune décharge des éclairs dans tous les sens. Assise dans l’herbe à les observer, je cherche dans mes souvenirs d’enfant. Ça fait plusieurs années que je n’ai pas regardé la télévision. Quand j’étais encore chez mes vieux, je n’avais pas le droit de la regarder. Il fallait alors que j’attende qu’il n’y ait personne à la maison pour me faufiler dans le salon et mettre la chaîne des dessins animés. Cette souris me dit vraiment quelque chose… Alors qu’elle lance une décharge plus puissante que la précédente, je l’entends dire « Pikachuuuuuu ». Ce mot agit comme un déclic ! C’est Pokémon le nom du dessin animé auquel je pensais. Ce sont exactement les mêmes créatures que j’observe maintenant en chair et en os ! Je n’en crois pas mes yeux ! Je suis dans le monde Pokémon ! J’éclate de rire et m’allonge dans l’herbe fraiche.

 

Dans le ciel, je vois passer différents types de Pokémons ailés. Mes souvenirs sont trop anciens pour que je retrouve leurs noms. Je me sens apaisée. Si c’est comme dans le dessin animé, je ne risque rien. Les gens sont bien attentionnés pour la plupart et en ville il y a peu de chance de se faire attaquer par un Pokémon sauvage. Je ferme les yeux et respire profondément, emplissant mes poumons de l’odeur des fleurs parsemant le parterre où je me suis installée… Je perds la notion du temps. Tout est si calme. Soudain, je sens de petits coups de canne sur mon épaule gauche. Je me réveille en sursaut, ma main s’empare du couteau dans ma poche que j’ouvre en me mettant immédiatement en position de défense accroupie. Il fait plus sombre que tout à l’heure. La nuit commence à tomber, j’ai dû m’assoupir. Les promeneurs ont quitté le parc. Devant moi, se tient une vieille dame de toute petite taille. Ses cheveux gris sont ramenés en chignon au sommet de son crâne. Elle esquisse un pas de recul à la vue de mon couteau et me sourit :


« Bonsoir jeune fille. Je ne voulais pas vous effrayer. Mais le parc ne va pas tarder à fermer et vous ne sembliez pas prête de vous éveiller. »

-      Oh ! Euh… Merci Madame. » Dis-je en refermant mon couteau.

-      Vous allez bien ? » demande-t-elle en observant mon visage toujours barbouillé de noir et mes vêtements défraichis.

-      Euh… on fait aller. » Je réponds. « Je… me suis perdue. »

-      Où souhaitez-vous aller ? »

-      Eh bien… Nulle part. Je… comment dire… Ne suis pas d’ici. »

-      D’où venez-vous ? »

-      Je crois que je viens d’un autre monde… » dis-je hésitante. (Mais qu’est-ce qu’il me prend de parler comme ça à une vieille dame que je ne connais pas, elle va me faire interner)

-      Oh ! Vous avez un endroit où dormir ? »

-      A part ce parterre, non. »

-      Ha ! Ha ! Ha ! Voici une jeune fille pleine d’esprit ! Venez avec moi, je peux vous héberger pour la nuit si vous le souhaiter. Vous pourrez vous reposer et prendre un bon bain. » Sourit-elle.

-      Je ne veux pas vous déranger. Ça va aller. Ne vous en faites pas. »

-      Allons, allons ! vous n’allez pas dormir dehors. »

-      Juste pour cette nuit alors. Et vous me laissez porter votre sac. » Dis-je en remarquant qu’elle porte à bout de bras un gros sac en toile.

-      Marché conclu. Vous me parlerez un peu de votre monde. Les vieilles dames aiment bien qu’on leurs raconte des histoires. Je m’appelle Julie Bell. »

-      Abigaelle, mais Abi ce sera très bien. »

-      Enchantée Abi. »

 

Je me relève, bascule mon sac à dos sur mes épaules et empoigne le sac de la vieille dame. Nous nous mettons en route. Je la suis jusqu’à la sortie du parc puis sur quelques pâtés de maisons. Je prends soins de mémoriser le chemin que nous empruntons. Je garde mes sens en éveil. Après tout, je ne la connais pas cette vieille. Nous arrivons à une petite maison à la porte bleu turquoise. Madame Bell m’invite à entrer. Elle referme la porte derrière nous mais dépose les clés en évidence dans le vide poche sur le meuble de l’entrée en m’adressant un clin d’œil. Elle me guide jusqu’à la cuisine où je dépose ses courses pendant qu’elle met de l’eau à chauffer. En attendant que l’eau commence à bouillir, elle me fait faire un tour de sa propriété. Il s’agit d’une maison modeste avec une chambre d’ami.


« Tu peux t’installer ici pour la nuit. Monsieur Mime va te sortir des draps. »

-      Qui est Monsieur Mime ? Votre mari ? »

-      Ha ! ha ! ha ! Non. Monsieur Mime est mon Pokémon. Il m’aide à entretenir la maison. N’est-ce pas Sweety ? »


Faisant irruption dans la pièce, un sorte d’étrange clown entre en agitant ses grandes mains. Il se précipite sur la commode, en sort un assortiment de draps et de taies d’oreiller qu’il s’empresse d’installer sur le lit. Puis il sort une serviette et un gant de toilette qu’il dépose sur une chaise.


« Merci Sweety. » Le salue Madame Bell.

-      Monsieur Miiiime. » Répond-il en souriant.

-      Merci. » dis-je.


Monsieur Mime quitte la pièce, tout aussi précipité qu’il était entré. « C’est un grand timide. » M’explique Madame Bell d’un air attendri. « Tu peux prendre un bain, je vais préparer à manger avec Monsieur Mime… Oh ! Tu peux utiliser les vêtements qui se trouvent dans l’armoire. Ils appartenaient à ma fille, elle est partie parcourir les routes depuis de nombreuses années maintenant. Ça lui ferait sûrement plaisir que ces affaires servent à quelqu’un. » me dit-elle avant de sortir de la chambre. Je me retrouve seule dans la pièce. En fouillant dans l’armoire, je trouve un jean et un débardeur qui devraient m’aller. J’entre dans la salle de bain, j’ouvre l’eau pour remplir la baignoire. Je me débarrasse de mes vêtements et me glisse dans l’eau chaude. Je profite de ce moment pour me détendre. Je suis incapable de me souvenir de quand date la dernière fois où je me suis trouvée dans une maison propre et bien rangée. Cette journée est incroyable. Il y a encore quelques heures, j’étais à New York à essayer d’échapper à des dealers et autres personnes peu recommandables. Ça me semble tellement loin. Quelle chance j’ai eu de tomber sur Madame Bell. Je reste jusqu’à ce que la peau de mes mains soit toute gondolée et que l’eau se refroidisse. Je me savonne puis sort du bain. La serviette est douce et moelleuse. Je me croirai dans un nuage. Je revêts les habits de la fille de Madame Bell. Le débardeur est un peu grand mais le jean tombe parfaitement. Je trouve un peigne et un sèche-cheveux. C’est vraiment le luxe pour moi ! Une fois apprêtée, je rejoins Madame Bell dans la cuisine. Je l’aide avec Monsieur Mime a préparé la table. Nous nous installons tous les trois et dégustons ce que Madame Bell a préparé. Tagliatelles aux petits légumes. Par rapport à ce que je trouve habituellement dans la rue, c’est de la haute gastronomie ce soir. J’en reprends deux fois ce qui fait rire Madame Bell. Pour finir le repas, Monsieur Mime nous sert des tisanes. Madame Bell me pose alors quelques questions sur mon monde et me parle un peu du sien. Ce monde est peuplé de Pokémons d’aussi loin que les gens se souviennent. Ils seraient même apparus avant les humains. Pokémons et humains vivent en harmonie. Certains Pokémons acceptent même de renoncer à leur liberté pour voyager, travailler ou tout simplement vivre avec l’homme. Ils se dotent de capacités au fur et à mesure qu’ils deviennent puissants, en combattant par exemple. Tout le monde ne fait pas de combats, ajoute-elle. Certains font des concours de beauté, ou de capacités sans adversaires avec leurs Pokémons, d’autres passent leurs vies à les étudier… Elle m’apprend que je me trouve à ZEMTON, une ville relativement grande pour ce monde qui est majoritairement rural. Voyant mes yeux se fermer malgré moi, Madame Bell m’incite à aller me coucher. Nous nous souhaitons bonne nuit. De retour dans la chambre d’amis, j’ai à peine le temps de me glisser dans un pyjama que je m’écroule sur le lit, endormie.


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