Ranger à Alola

Chapitre 4 : Alola, des Enjeux entre Traditions et Modernité

2526 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/08/2022 02:44

Alola, des Enjeux entre Traditions et Modernité

 

« Drindibou aime les endroits sombres et utilise ses plumes comme des rasoirs. »

« Pokémon de nature solitaire, Flamiaou a besoin de temps pour être apprivoiser. »

« Ses gros ballons d’eau font la réputation d’Otaquin qui base ses attaques dessus. »

Pokédex d’Alola.

 

Au centre du village trônait une large estrade de bois décorée en son centre d’un grand symbole blanc que je pensais figuratif d’un oiseau. Je l’avais aperçue quand j’étais rentré au village tout à l’heure mais je n’avais pas fait attention, maintenant je remarquais la foule de villageois qui commençait à s’en rapprocher.

— Dites un peu Catherine, n’avez jamais entendu parler du Tour des Îles, hein ? Bah vous allez voir la cérémonie de départ, c’est un peu notre tour des arènes Alolien. Par malheur on est le dernier bourg de la région à l’organiser. Ailleurs, les mômes ils partent sans mot dire à personne. Les parents ils les envoient faire les défis des Capitaines sans respecter le rite de leurs ancêtres, si ce n’est pas désespérant pardi ! Bah, maintenant, vous m’excusez, le devoir m’appelle mais je vous laisse en bonne compagnie, yohoho !

Il me désigna un grand homme se dirigeant vers nous, assez jeune, à l’allure dynamique (et ridicule) garantie par sa casquette portée de soir, ses cheveux tressés en arrière, ses drôles de lunettes de chimiste et sa longue blouse ouverte sur sa poitrine musclée. Malgré la lueur faiblissante du jour, je devinais une peau halée caractéristique des natifs d’Alola. Pectorius m’avait déjà abandonné, je fis alors de mon mieux pour être sociable et bien élevé en discutant avec cette personne que je ne connaissais pas. Je mesurais alors les énormes progrès que j’avais fait depuis quelques années, quand j’avais commencé à exercer comme Ranger à Hoenn je ne faisais que de la surveillance des populations et timide comme j’étais étant encore ado, il était impossible que j’aille parler à des personnes que je ne connaissais pas sans une très bonne raison. Entre-temps il y avait eu l’incident avec les deux Pokémon ancestraux, le climat et les enfants de Seko et Norman…

— Bonsoir, Catherine pas vrai ? Je suis Euphorbe.

Subitement tiré de ma rêverie, je tentais un sourire, chose pour laquelle je n’étais pas très doué.

— Enchanté, mais qui êtes-vous ?

— Ha ! Alors comme ça l’ancêtre ne t’a pas parlé de moi ? Quel méchant ! Je suis le professeur Euphorbe, appelle-moi… Prof Euphorbe ! Toi c’est Catherine pas vrai, le Ranger venu spécialement de Hoenn ?

Il me déstabilisait, alors comme ça il y avait un professeur Pokémon ici aussi ? Il ne ressemblait en rien au prof Seko ou au vieux Chen de Kantô, mais après tout, un professeur jeune et dynamique ça me changeait des grands-pères avec qui j’avais dû travailler jusqu’ici. Il semblait un plus âgé que moi, mais bien plus jeune que Pectorius, j’en profitais donc pour le questionner sans me sentir trop mal à l’aise.

— Ah, oui, c’est bien moi. Tu peux m’expliquer ce qu’il se passe ici ? Pectorius m’a parlé d’un rite de passage et de Tour des Îles mais je n’en sais pas plus.

— Un peu perdu ? Laisse-moi t’expliquer l’histoire d’Alola. Ce ne sera pas long, ne t’en fais pas.

Il n’avait pas relevé mon tutoiement, après tout il faisait de même. Parfait, ça rendrait les échanges plus faciles.

— Notre région s’est ouverte très récemment au contact et à l’échange avec les autres régions. Pendant des siècles alors que dans les régions de Kantô ou à Hoenn la Ligue Pokémon mettait en place un ordre et des lois sous la surveillance locale des champions d’arènes, à Alola, on vivait en petites communautés, et les gens sortaient peu de leur île natale, parfois même jamais. Alors pour prouver leur valeur et leur courage, de jeunes dresseurs et dresseuses se sont mis à voyager, à arpenter les îles et relever des défis toujours plus durs. Les trois jeunes gens que tu vois monter sur l’estrade pour faire face au Doyen ont eu 11 ans cette année, ils ont maintenant l’âge de partir en voyage à leur tour, comme leurs ancêtres. Cette cérémonie est non seulement la dernière fois qu’ils voient leur famille avant de quitter le village mais c’est aussi le moment où ils vont choisir leur Pokémon de départ. Trois Pokémon parmi les plus rares de la région, élevés spécialement pour être offerts aux jeunes entamant leur tour des îles : Brindibou, Flamiaou et Otaquin !

La lumière dansante des torches avait remplacé celle du soleil depuis déjà plusieurs minutes et le crépitement de celles-ci, ajouté aux quelques coups de tambour frappés de façon rythmique et solennelle dans le silence de la foule, donnait toute l’importance du moment. Les enfants portaient des tenues traditionnelles toutes décorées d’empennages et de grandes feuilles aux couleurs vives, à l’image du maquillage qui décorait leurs visages ou des diadèmes formés de feuillages et de plumes tissées ensemble ornant leur tête. Ils étaient d’un calme absolu et montaient doucement les quelques marches menant au Doyen, Pectorius. Je réalisais que je retenais mon souffle devant l’émotion de la scène. Euphorbe se rapprocha de moi et continua à voix basse sans quitter l’estrade des yeux.

— Bien sûr les jeunes aujourd’hui ne vont pas partir à l’aveugle dans des zones hostiles pour prouver leur valeur. Il faut voir qu’avec le temps les échanges entre les îles ont augmentés, les lieux les plus prisés par les aventuriers sont devenus toujours plus accessibles et les premiers à être partis ont commencé à mettre en place des épreuves pour les générations suivantes. Ils sont devenus les premiers Capitaines d’épreuves, garants de l’exploit et du mérite de celui qui a su accomplir un tour des quatre îles d’Alola. C’est ce même Tour des Îles, que s’apprêtent à entamer les enfants, une succession d’épreuves héritées de nos ancêtres dans les lieux les plus sauvages et emblématiques de chaque île, pour conclure par un affrontement contre le Doyen correspondant. Depuis quelques années notre rite de passage ancestral est à nouveau prisé alors qu’il a failli tomber dans l’oubli.

Au centre de la place, les trois futurs aventuriers avaient écouté l’air grave et solennel la déclaration de vieux Doyen et se mettaient maintenant à genoux devant le Pokémon qu’ils souhaitaient recevoir.

« C’est au Pokémon de décider si vous êtes digne d’être son dresseur, soyez humbles en lui demandant de vous accompagner. »

Chacune des trois petites créatures sautillaient devant chaque enfant qui le prit dans ses bras. Flamiaou témoigna son accord ainsi que son affection d’un ronronnement et d’une léchouille à la jeune fille, tandis que les deux garçons reçurent respectivement une gerbe d’écume avec un petit chant de la petite sirène-otarie et un petit coup de bec sur le nez de la part de Brindibou agitant ses courtes ailes.

J’en déduisis qu’ils étaient tous admis et allaient pouvoir entamer leur voyage. Quelle belle tradition, j’étais très ému par la cérémonie, et par cette ambiance imposante, grave et majestueuse. L’effort et la joie que les villageois investissaient dans la transmission de leur culture aux plus jeunes était remarquable.

 

J’étais allé féliciter les enfants et leur souhaiter bon courage quand me vint soudain une question.

—Tu en sais beaucoup pour un professeur Pokémon, pourquoi tu t’investis autant dans ce rite de passage ? demandais-je à Euphorbe, curieux de voir un prof ultra moderne aussi intéressé par les traditions.

— J’ai dit que le Tour des Îles avait gagné en popularité ces dernières années, cela on le doit à la nouvelle Ligue Pokémon créée il y a quelques années. Comme j’en suis l’instigateur et le responsable, je me dois de voir partir nos futurs champions… Eh oui, en l’absence d’arènes dans la région, c’est avoir compléter son Tour des Îles qui donne droit de défier la Ligue pour le titre de Maître Pokémon d’Alola.

Ça faisait sens, c’était une bonne idée et je comprenais mieux cet essor soudain de l’archipel.

Euphorbe m’entraîna tout à coup à l’écart des villageois, là où les torches n’éclairaient presque plus.

— La Ligue Pokémon est primordiale pour notre région, elle nous assure d’être reconnus par les autres régions et d’avoir notre mot à dire sur les questions politiques, elle permet de créer des emplois et dynamiser toute la région. Le plus important cela dit reste la vitrine touristique qu’elle offre sur notre région. Alola a désespérément besoin du tourisme, l’archipel était en train de mourir à petit feu : on avait de moins en moins de naissances et toujours plus d’émigration. Seulement le tourisme n’est pas une bénédiction divine et apporte son lot de problèmes avec lui, vous devez en savoir quelque chose à Hoenn, pas vrai ? La pollution menace, Catherine. Les nouvelles vont vite et les gens parlent : la décharge que vous avez trouvé dans la grotte est un échantillon de ce que nous subissons de plus en plus souvent, et ce n’est pas près de s’arrêter.

La fête derrière nous battait son plein et des cris euphoriques des enfants qui jouaient contrastaient avec l’air grave et désespéré du prof.

— C’est pour ça que vous avez besoin de moi ? Pour vous aider à préserver l’environnement et les Pokémon de la pollution ? Mais je ne suis qu’un Ranger et je suis seul. J’ai bien peur de ne pas avoir assez de pouvoir pour ça.

— Non, ce n’est pas pour ça. Je sais bien que tu ne peux pas régler la question de la pollution, c’est la raison pour laquelle j’avais contacté plusieurs régions afin de constituer une équipe, une brigade qui pourraient se charger de former les autorités localement… Nous n’avons jamais eu de réponse. Nous avons essayé de recruter des dresseurs, d’augmenter le nombre de policiers pour maintenir le calme et la propreté, mais tout cela n’était pas suffisant. Eh oui, l’argent, comme toujours, ces mesures ne seraient efficaces que si nous recrutions massivement, et en investissant dans de nouvelles technologies pour aider nos agents… Et puis, entre temps il y a eu les ennuis avec Necrozma et la fondation Æther, je pensais pouvoir compter sur ses membres mais cette Elsa Mina, elle n’a conduit qu’à la quasi-destruction de la région !

Là j’étais un peu perdu, je ne connaissais rien à l’histoire récente de la région apparemment mouvementée. Je repris le seul terme que j’avais retenu :

— Pardon mais, qu’est-ce que cette fondation Æther ?

— Oh, je t’épargnerai une longue histoire, mais pour faire court, c’est une organisation indépendante qui souhaitait protéger les Pokémon sauvages et recueillir ceux blessés pour les soigner, mais en réalité leur dirigeante était une folle à lier qui n’a amené que des calamités à Alola. Ma femme te fera un topo à l’occasion si tu veux. Heureusement cette Elsa Mina se fait maintenant soigner dans un établissement spécialisé, c’est sa fille qui a repris la direction avec l’aide occasionnelle de Moon, la première Maître de la Ligue d’Alola. Enfin, depuis les ennuis n’ont cessé de se multiplier. Officiellement on nous a envoyé un Ranger pour lutter contre le braconnage des Pokémon Dominants. C’est vrai, c’est toujours un problème mais ça va, on gère. Non, la véritable raison pour laquelle on a demandé à avoir un Ranger d’exception et qu’on t’a fait venir ici, c’est qu’en plus de ces régions et habitats subitement délaissés par la faune, de plus en plus d’accidents avec les Pokémon sauvages ont lieu lors du Tour des Îles.

— Quoi, des Pokémon qui attaquent les enfants ? Ils devraient pouvoir se défendre, leur équipe est là pour ça, non ?

Une soudaine bourrasque froide fit voler mes cheveux longs exceptionnellement détachés pour venir me glacer la nuque.

— Il n’y a pas que des enfants qui participent au Tour des Îles, mais aussi des dresseurs étrangers, déjà expérimentés, venus pour défier la Ligue, et tous nous rapportent des comportements étranges de la part de certaines créatures. Par exemple des raids en groupe par des Pokémon normalement solitaires, ou pire des espèces placides, amicales, comme les Chelours ou les Draïeul qui s’attaquent spécifiquement aux humains qui passent sur leur territoire, sans raisons apparentes. Rien ne distingue ces individus déviants de leurs congénères pacifiques et on commence à avoir du mal à cacher ça aux populations, sans parler de l’impact touristique et donc économique que ça va impliquer. Il y a un risque de perdre certains sponsors ou financements de la part des grandes entreprises qui investissent dans notre région depuis peu.

Une grosse voix s’éleva brusquement dans mon dos.

— La situation est pire que vous ne le croyez Prof, dit Pectorius arrivé en douce derrière moi. V’là que hier j’ai dû envoyer mes Makuhita pour donner une leçon à deux Leveinard qui avaient effrayé un groupe d’enfants qui se sont aventurés trop loin sur l’île de Poni.

— Des Leveinard ? beuglai-je, abasourdi. Mais ceux sont les Pokémon les plus inoffensifs qu’il soit ! Ce n’est pas pour rien qu’on utilise leurs talents de soin dans les centres Pokémon à travers le monde, comment pourraient-ils attaquer qui que ce soit ? Ce serait encore cette Team Skull qui les perturberait, mais comment ?

— C’est tout ce qu’il va falloir comprendre mon petit Catherine, sinon ces petits que j’ai lancés dans leur Tour des Îles seront les derniers et ce sera alors la fin des jours flamboyants d’Alola.


 

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