Voyage au Mont Argenté

Chapitre 1 : Voyage au Mont Argenté

Chapitre final

5157 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 20/02/2023 00:13

Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Mais qui êtes-vous ? Et qu’avez-vous fait de… ? - (janvier-février 2023).


La petite bourgade de Bourg Geon n’était pas plus agitée que d’habitude. La brise sifflait paisiblement entre les quelques maisons, ramenant l’embrun léger des canaux qui faisaient la jonction entre le village et la célèbre route Victoire. Alors que l’aube se levait, l’un des habitants voyait son sommeil troublé par la pale bruyante de l’éolienne longeant sa maison. Il ne fallut pas longtemps pour que le garçon ouvre les yeux et entame une nouvelle vie : une vie d’aventure et d’exploration au Panthéon des dresseurs, suite à sa récente proclamation en tant que maître de la ligue Pokémon. Il s’étira avant de visser fermement sur sa tête sa précieuse casquette d’or et de noir.

 

               « Johto, me voilà ! »

 

Sortant de son lit bazardé, le dresseur dévala les escaliers puis passa la porte, surprenant sa mère qui regarda en soupirant le battant se refermer. Quel énergumène ! Elle aperçut son rejeton exaspérant traverser devant la fenêtre de la cuisine, pour rejoindre sans aucun doute le laboratoire du Professeur Orme, l’un des chercheurs les plus réputés du monde. 

 

               « Professeur, me voilà !

 

Il entra dans le bâtiment à la pointe de la technologie, en arborant un air insatisfait dû à l’absence du propriétaire.

 

               « Vous n’auriez pas vu le prof’, Hervé ? interrogea-t-il impatiemment l’un des assistants.

 

               — Ah ! Monsieur Orme est occupé du côté de sa bicoque au-delà Ville Griotte. Cela me fait penser qu’il avait… »

 

Il était parti. Le garnement enfourcha le vélo posé contre le mur de chez lui puis traversa la route 29 à toute vitesse équipé de ses fidèles Max Repousse. Pas de temps à perdre ! Des Pokémon bien plus puissants l’attendaient dans les recoins du monde que son statut honorifique lui permettait désormais d’explorer. L’allure toute identique à laquelle il fila dans la ville Griotte laissait d’ailleurs penser que ni le centre Pokémon ni la boutique ne l’arrêteraient. Quelques emplettes auraient pourtant pu lui être utiles… A peine le temps de le dire que le jeune maître plantait déjà fourche à terre, plus au nord, devant une habitation à mi-chemin entre la cabane et la maison : de la taille de l’une et de la solidité de l’autre. Le garçon poussa la porte sans avertissement.

 

               « Professeur !

 

               — Oh… G-Gold ?

               

               — Ce n’est pas le moment de dormir ! Je pars explorer le mont Argenté, professeur. Aujourd’hui, je compte bien attraper un Ursaring !

 

               — Oh… Un enthousiasme enivrant, précisa le scientifique en remettant ses lunettes. Mais tu dois comprendre que le mont Argenté est un endroit dangereux et en général interdit d’accès.

 

               — Oui, bien sûr…

 

               — … Cela dit, je t’accompagnerais bien pour mes recherches. On raconte que dans les plus hauts sommets se cachent des Pokémon dont les œufs sont extrêmement solides... Cela pourrait nous en apprendre beaucoup sur leurs processus d’éclosions.

 

               — C’est une bonne idée, professeur.

 

               — O... Oui, c’est vrai. Nous devons d’abord rejoindre l’entrée par Kanto, le voyage ne sera donc pas de tout repos.

 

               — Je peux vous y emmener grâce à mon Rapasdepic !

 

               — Alors, en avant ! »

 

Gold ne démordait pas de sa motivation, mais son enthousiasme maladif s’était quelque peu calmé. Nul doute que le professeur saurait le restreindre lorsque cela s’avérerait nécessaire. D’un clin d’œil, le Pokémon Bec-Oiseau tout juste sorti de sa Pokéball accueillit, avec une grande patience pour les spécimens de son espèce, les deux aventuriers sur son dos. Ils disparurent presque aussitôt au milieu des nuages, portés par un vent favorable fort agréable au Rapasdepic, qui se plaisait à voler ainsi sur une longue distance. La montagne imposante qu’ils contournèrent semblait cacher bien des secrets, ses flancs abrupts renfermant une vallée d’ores et déjà très haute, dans laquelle les espèces les plus rares pouvaient prospérer à l’abri des braconniers et autres personnages malveillants. C’était donc l’endroit idéal pour mettre la main sur l’objet de leur candide convoitise…

 

Posant pied à terre, le dresseur rappela le Rapasdepic à sa Pokeball. Le cri d’un Pokémon sauvage fit soudain écho dans le mont Argenté, répercutant jusqu’à leurs oreilles la délicate mélodie de l’aventure.

 

               « Gold… Cela ne ressemblait pas à un Ursaring.

 

               — Si, professeur…

 

               — Mais enfin… Ce cri ne me disait rien qui vaille, il n’avait pas parfaitement la bonne tonalité. Je ne veux pas remettre en doute tes compétences de dresseur, mais je t’assure que…

 

               — Faites-moi confiance, professeur.

 

Le visage impassible du jeune homme n’offrait aucune place au doute.

               

               — Très bien, si tu es sûr de toi, alors allons-y ! »

 

Le duo s’engouffra dans les hautes herbes au pied de la célèbre montagne, cherchant à rejoindre ses entrailles. Le chemin se devinait difficilement, caché entre les broussailles, les trous et les roches. Et si le maître à la casquette avait l’habitude des routes escarpées, il n’en était pas de même pour le Prof. Orme qui suivait son compère à la trace, dans la peur constante de se perdre. Son récent enthousiasme se transformait méthodiquement en une impression de mauvaise idée… Mais dans l’intervalle, l’intellectuel froussard avait réalisé qu’il fallait au moins ce grain de folie pour se jeter dans la gueule du Mont Argenté qui se profilait sur leurs pas. Ils s’arrêtèrent.

 

               « Professeur. Faisons attention en pénétrant à l’intérieur…

 

Le regard interloqué du concerné se posa sur son acolyte.

 

               — Ou… Oui, bien entendu. Les Pokémon d’ici ne sont pas du genre à… »

 

Gold poussa brusquement Orme à terre. Un torrent de flammes le frôla puis s’écrasa sur les parois rocheuses, non sans en faire fondre la première couche. Il finit par se relever, avec l’énergie confuse qui lui était propre.

 

               « J’ai… J’ai bien failli y passer ! Heureusement que tu étais là !

 

Un Galopa de presque deux mètres se dressait désormais face à eux. Le spécimen incroyablement grand leur jetait un regard féroce et brûlant. Revenant à lui, le professeur raisonnable proposa la fuite dans les profondeurs de la grotte qui s’étendait dans leur dos.

 

               — Non…

 

               — Non ?! Comment ça, non ?!

 

La crinière rougeoyante du Galopa s’élançait vers les cieux tandis que son sabot frottait la terre. Le garçon dégagea ses yeux en détournant sa casquette puis projeta sa main vers sa ceinture.

 

               — Reculez, professeur.

 

               — Bien sûr, bien sûr !... acquiesça-t-il en courant se réfugier à l’intérieur.

 

               — Pokéball, go ! »

 

Le jeune dresseur détacha la quatrième balle de son attirail et l’envoya valser dans les airs. Une lumière blanche laissa place à un monstre bipède, l’estomac blanc et la fourrure jaune tachetée de noir.

 

Pharamp, utilise Spore Coton. Je n’avais pas besoin de le dire. Il me connaissait autant que je le connaissais. Les spores chutant petit à petit sur l’herbe diminuaient grandement la visibilité du Galopa et, en s’écrasant, constituaient un duvet terrestre de premier choix. Notre adversaire, vexé par notre faible offensive, sauta si haut que son ombre nous recouvrit. Il exécuta un Lance-Flammes dévastateur que nous esquivâmes d’un bond, chacun dans une direction différente. Je fixai alors Pharamp, qui utilisa sa capacité Chargeur pour se remplir d’électricité en un instant. Percevant son immobilité suspecte, le cheval de feu lui fonça dessus à vive allure. Un Empal’Korne ! Une attaque fatale, mais hasardeuse… Encore plus lorsque le lanceur s’embourbait dans un nuage de coton qui le ralentissait considérablement. Mais il s’agissait d’un Galopa du mont Argenté : cela ne suffirait pas à l’arrêter. Je fis un pas latéral pour montrer l’exemple à mon Pokémon, qui m’imita. Ce faisant, il évita de justesse la corne aiguisée lancée à cinquante kilomètres heure, ce qui représentait tout juste un trot pour une telle espèce.

 

               « Pharamp ! »

 

Répondant à mon appel, l’électricité trop importante qui s’extirpait indépendamment de son corps se rassembla en un point unique et produisit une décharge si stupéfiante que le Galopa qui venait d’arrêter sa course dans les spores, à quelques mètres, fut happé par le courant avant qu’il ne nous apparaisse. La seconde d’après, une attaque Tonnerre aveuglante vint le frapper de plein fouet, le grillant sur place.

 

               « Gold, c’est le moment de l’attraper !

 

               — Non…

 

               — Comment ça, non ?! 

 

               — C’est Ursaring que je veux attraper… »

 

Le jeune scientifique observait l’enfant rappeler son compagnon à lui puis s’en retourner vers la grotte. Simultanément, un nouveau cri rauque fendit les airs, trahissant la force d’un être qui se terrait dans les profondeurs de la montagne. Orme emboîta le pas, malgré son appréhension, et les deux humains pénétrèrent ainsi sur le territoire du Ursaring. Les tunnels n’avaient rien de très labyrinthiques : au contraire, le mont Argenté était constitué de grandes cavernes ouvertes dans lesquelles il paraissait facile de se repérer. Les aventuriers comprirent vite que cette facilité n’était qu’une illusion, car les dénivelés internes importants brouillaient les sens et compliquaient l’exploration. Seul un Nostenfer aurait pu parfaitement se repérer dans cet ensemble de grottes, mais le Pokémon n’avait pas été intégré à l’équipe de Gold. Il ne leur restait donc plus que leur intuition…

 

 

A ce compte-là, la mélodie guerrière qu’émettait à intervalles réguliers la cause de leur aventure les aidait grandement à savoir s’ils suivaient le bon chemin ou non. Et au détour d’un énième cri, ils réussirent finalement à atteindre l’un des flancs extérieurs menant au pic. La neige qui tapissait ce pourtour rocheux renforçait la protection du lieu : non contente de protéger l’herbe du givre, elle ralentissait la progression des invités, souvent mal intentionnés. Or, pour la neige, rien ne distinguait les braconniers de nos deux voyageurs…

 

               « On… On peut faire une pause, « maître » ? demanda le néophyte à la respiration saccadée.

 

               — C’est vous qui souhaitiez venir…

 

               — Je sais, je sais ! Je peux être plein d’énergie, mais je n’ai pas ta constitution ! Cela ne nous ferait pas de mal.

               

               — Au contraire, nous risquerions de nous embourber dans le froid.

 

               — Allez, si tu me laisses faire une pause, je t’offre un œuf une fois rentré !

 

               — Tsss… Je savais que vous me ralentiriez…

               

               — Gold, enfin !

 

               — Nous n’avons pas de temps à perdre. Vous ne comprenez pas…

 

Le professeur s’inquiétait du visage grave de son interlocuteur.

 

               — Cet Ursaring, il m’appelle… Je ne sais pas pourquoi, mais je dois le rejoindre. Avec vous… ou sans vous. Je passerai vous chercher au retour.

 

Voyant le garçon s’avancer vers la prochaine caverne, Orme défit ses pieds du manteau neigeux et s’empressa de le rejoindre.

 

               — Attends ! Attends-moi ! »

 

La volonté obsessionnelle de son comparse lui donna un regain d’énergie suffisant pour continuer. S’arrêter si près du but… Ç’aurait été une erreur. Pénétrant dans les cavernes suivantes, le professeur remarqua immédiatement des inscriptions étranges sur les murs. Elles s’incrustaient dans les bords par trois séries, frappées dans la roche point par point, littéralement. Il les nota dans son carnet tout en essayant de suivre le rythme rapide de Gold, absorbé dans sa quête. Le souffle court et les idées brumeuses, il vacilla un instant, retrouvant sa route grâce à la veste rouge qui se tenait toujours devant lui. Seulement, à son prochain clignement, ou à son prochain virage — il n’en était plus certain —, un grand sentier se dessina, montant droit vers le sommet. Il percuta alors un obstacle, ce qui l’extirpa de sa relative torpeur. C’était Gold qui, malgré ses complaintes, venait de s’immobiliser une seconde.

 

               « Droit devant… »

 

La parole prophétique échue, un cri retentit de plus belle. Il venait de la lumière qui pénétrait la grotte, au bout du sentier. Le dresseur reprit sa route sans fléchir, suivi par un prof. Orme incrédule. L’étrange appel fit courir un frisson dans son échine malmenée. Il poursuivit d’un mouvement lent et d’un pas lourd pour enfin comprendre ce que le Pokémon qui les attendait avait de si spécial.

 

               « Ah ! »

 

Gold ?! Rassemblant ses dernières forces, le laborantin alla aussi vite que possible jusqu’à la sortie. La luminosité extérieure l’aveugla un instant. Sa vision accommodée, le spectacle qui se jouait au sommet du Mont Argenté lui devint clair.

 

               « Mais… Ce n’est pas un Ursaring !

 

               — Non, professeur… Je… J’ai mal au crâne. Je crois que je me suis fait avoir…

 

               — Un… Un Lokhlass ! »

 

L’adulte malhabile perdit l’équilibre, désorienté par la fatigue et la découverte inopinée qu’il venait de faire. Son corps flancha, mais son esprit, toujours aussi aiguisé, comprit vite que les cris à répétition venaient du Pokémon marin. Il avait tant développé son pouvoir psychique, pourtant rare chez les spécimens de son espèce, que la puissance de ses ondes sonores avait suffi à tromper le duo d’aventuriers, en imitant le cri d’un Ursaring. Pire encore : malgré la distance, il avait réussi à hypnotiser Gold, prouesse qui n’était autorisée qu’aux Lokhlass les plus forts. Mais quel était son objectif ? Comment une espèce autarcique d’ordinaire si pacifique avait-elle eu une telle idée ?

 

               « Restez en arrière…

 

               — Ou… Oui, bien sûr ! »

 

Créant un air de déjà-vu facilement expliqué par son caractère froussard, l’homme retourna se cacher aux abords de la sortie rocheuse, épiant la scène carnet en mains. Un sentiment indescriptible l’envahissait tandis que Gold se préparait au combat, comme s’il savait que les événements à venir ne se produiraient pas deux fois. Son âme de scientifique frémissait à l’écho de cette pensée particulièrement alléchante, se noyant dans un tourbillon d’excitation et de peur. Gold, lui, savait qu’il devait combattre.

 

Je me tenais droit face à l’adversaire, même si le tour qu’il venait de me jouer me pesait encore lourdement sur le crâne. En arrivant au Mont Argenté, je me croyais chasseur, décidé à m’accaparer l’amitié de l’un des spécimens y ayant trouvé refuge ; pourtant, c’était Lokhlass qui me fixait d’un regard déterminé, prêt à en découdre, sans que je sache s’il s’agissait d’une haine féroce ou d’une obsession inexpliquée. En tant que dresseur, je ne pouvais pas rester de marbre face à l’attention saisissante qu’il me portait. Je réfléchis un instant, portant ma main à ma ceinture, puis engagea une marche incontrôlée vers le plus haut belvédère du mont Argenté.

 

Cette fois, je ne pouvais plus reculer. Je jetai la Pokéball à peine attrapée en l’air, moment que choisit le Pokémon Transport pour faire vibrer frénétiquement ses nageoires qui finirent par produire un épais filet de Brume. L’attaque enveloppa l’intégralité des lieux dans un nuage opaque qui ne désemplirait pas de sitôt. J’avais bien compris que mon intuition ne suffirait pas à sortir victorieux de ce duel.

 

               « Cotovol, utilise Poudre-Toxik ! »

 

Mon Pokémon, expérimenté, éparpilla sa Poudre-Toxik à peine sorti de sa Ball. La capacité Brume du Lokhlass importait peu : la poudre se répandait à une vitesse incroyable entre les fines gouttes d’eau constituant le brouillard. Le poison se mélangerait pour mieux retomber sur la peau hydrofuge du monstre marin, se déposant peu à peu sur ses pores en laissant le reste du liquide glisser sur sa surface. Je connaissais parfaitement les propriétés du poison… et je ne pouvais pas me permettre de perdre. Mais j’avais sous-estimé la vivacité de l’adversaire, qui s’empressa de pousser un cri presque imperceptible. Le son voyagea lentement, ce qui ne l’empêcha pas de percer le nuage impur centimètre par centimètre. Profitant de cette action inconséquente, j’ordonnai à mon Cotovol de jeter ses Vampigraines afin qu’elles s’agrippent au Lokhlass : une attaque de zone qui profitait encore une fois de la brume. Il poussa un léger cri, strident, me révélant que ma stratégie avait fonctionné. Privé de sa vue, empoisonné et l’énergie drainée par la Vampigraine pour être redistribuée à Cotovol, il était désormais pris au piège. Je me félicitais d’un sourire narquois dans l’attente de son épuisement.

 

Un laser glace perça le brouillard, frappant mon Pokémon volant de plein fouet tout en le propulsant à terre. Malgré les mouvements continus et inconsistants de mon allié, ce laser glace surpuissant avait touché juste du premier coup, non-content de dissiper ce qui restait de poison et de gouttelettes ! Je me figeai dans une déconcertante incompréhension, me remémorant les dernières secondes de l’affrontement. Comment avait-il fait ?! J’aurais sûrement répondu à cette question si le prestidigitateur m’en avait laissé l’occasion.

 

Se targuant d’un second laser glace, le Lokhlass me visa cette fois directement. Je bondis sur le côté pour esquiver tout en rappelant mon Cotovol K.O.. Je ne pouvais pas sous-estimer une deuxième fois le Pokémon aquatique : je devais l’affronter minutieusement et sans retenue. Ma main se porta à une autre Ball dont sortit Pharamp, encore en pleine forme. Face à l’eau, l’électricité coulait de source. Il esquivait sans une once d’effort les Laser Glace qui continuaient d’affluer dans notre direction, ce qui contraint rapidement le spécimen enragé à revoir sa stratégie. Cependant, du haut de ses deux-cents kilos, il se retrouvait vulnérable aux attaques directes.

 

               « Pharamp, attaque Tonnerre ! »

 

La lumière fendit l’air aussitôt, se dirigeant vers la cible immobile comme un Tauros vers un bébé. Le Tonnerre tintant fut arrêté net lorsque le receveur ouvrit sa gueule dans un bruit plus assourdissant encore. Un gigantesque rayon d’énergie en sortit, balayant l’électricité d’un revers pour lui subtiliser sa place, retournant la position de faiblesse à son envoyeur. C’était un Ultralaser, beaucoup trop puissant pour être appris par un Pokémon sauvage… Cela ne m’empêcherait pas de gagner.

 

               « Pharamp, Mur Lumière ! »

 

En dépit de la dangerosité de l’attaque qui le visait, je savais qu’il m’écouterait. Après tout, j’avais confiance en lui et il avait confiance en moi. Il dressa un mur magique qui bloqua un instant l’énergie avant de se briser sous son effet. Mon compagnon encaissa l’attaque qui s’évapora progressivement dans son dos.

 

               « Chargeur ! »

 

Blessé sans être K.O., il déclencha sa charge comme demandé. Je venais de gagner le combat. L’électricité produite s’infiltra dans les flaques parsemant le terrain, filant comme un assassin jusqu’au Lokhlass pour venir le surprendre et le paralyser du même coup. Désormais figé, il ne put échapper à l’attaque Tonnerre qui seconda le Chargeur et le grilla sur place. Il venait d’être mis K.O. L’eau répandue par ses multiples Laser Glace, liquéfiée sous la chaleur de son Ultralaser, avait eu raison de lui. Sans une once d’hésitation, j’attrapai mon sac et en sortis une Hyper Ball spécialisée pour la capture des Pokémon puissants. Je la jetai sur le monstre, difficile à louper de par sa taille, en anticipant anxieusement l’issue malencontreuse qu’aurait cette action. De fait, ma prédiction se réalisa : la balle rebondit à terre, repoussée. C’était le signe que sa cible avait déjà un dresseur.

 

Je me retournai vers les grottes du Mont Argenté, cherchant le professeur des yeux. Il me dévisagea avant d’accourir.

 

               « Go… Gold ! C’était tout bonnement stupéfiant ! Fabuleux ! Tes talents de dresseur sont inégalés !

 

               — J’ai bien peur que non, professeur… soulignai-je en levant la tête vers le bord du belvédère naturel. »

 

Il suivit mon mouvement, levant les yeux haut vers Johto qui s’étendait tout entier au pied du Mont Argenté et au-delà. Face à nous se tenait un dresseur affublé d’une veste rouge et d’un jean bleu, rappelant son Lokhlass à sa simple Pokéball.

 

               « Ce… Ce n’était pas un Pokémon sauvage ?! Mais pourquoi nous a-t-il attaqués ?! Et toi, malandrin, descends donc que je te dénonce aux autorités ! Oh, je bous !

 

               — Les autorités ne viendront pas, professeur… Elles ne vous sauveront pas…

 

               — Go… Gold ? Qu’as-tu dit ?

 

Il divaguait ?

 

               — Je n’ai rien dit, professeur Orme ?...

 

               — Je vois, je crois que le voyage commence sérieusement à m’épuiser…

 

               — Je vais combattre, professeur. »

 

L’homme se tenait là, comme attendant depuis une éternité le défi qui le ferait se mouvoir, qui l’extirperait irrémédiablement de sa torpeur inamovible. Pourtant, une force invisible semblait vouloir le garder dans cet état de puissante immobilité. Avait-il seulement l’envie d’en sortir ? Etait-ce réellement le dresseur originel, ou une pâle copie ? Cette force invisible, qui lui serrait le cœur, embrumait en réalité le Mont Argenté tout entier.

 

               « Oh bien, bien ! Je ne vais pas rester dans les parages, alors ! Bats-toi tout ton soûl !

 

               — Professeur… soupira le jeune maître. 

 

Me retournant dès que la voix anormale de Gold me parvint, je vis se pencher sur moi les deux yeux rouges du dresseur le plus éloigné.

 

                — Je n’ai pas dit que j’allais l’affronter lui…

 

               — Go… Gold ? Tu me fais peur !

 

Ces deux yeux, marqués de la même couleur rouge, me dévisageaient craintivement.

 

               — Je ne peux pas supporter votre existence ! »

 

D’un revers de la main, il jeta son Rapasdepic à ma poursuite, un Pikachu filant à ses côtés. Je trébuchai de stupeur, ouvrant à la vue du Pokémon au bec aiguisé mon estomac en guise de repas. D’anticipation, je ne pus retenir en mon antre un hurlement de terreur.

 

               « Aaaaaaaaaah ! »

 

La transpiration abondante et la respiration coupée, je sursautai. Je vis alors s’échapper de la fenêtre grande ouverte une brise obscure, d’un noir opaque, qui venait de déposer sur mon lit chamboulé une plume courbée aux couleurs peu distinctives, identique à un croissant de lune.

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