Entre infini et au-delà

Chapitre 31 : Tant qu'on rêve encore

2708 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 12:47

- Ah ! Que j'ai hâte de découvrir Sinnoh ! s'exclama Léa qui bondissait sur place à la proue du bateau, excitée, en voyant le port de Joliberges se profiler à l'horizon. Je suis certaine que cette région est magnifique.

- On va simplement dire qu'elle est juste... pleine de surprises.

Le regard blasé, Cassy vint s'accouder au garde-fou et se pencha au-dessus de la surface de l'eau. Elle était de retour. Fuir l'île sur laquelle elle était née ne l'avait finalement menée nulle part : les rares découvertes qu'elle avait faites, c'était ici. Malgré cela, elle ne regrettait pas pour autant son passage à Kanto, qui était tout sauf une perte de temps à ses yeux.

- Je me demande quand même pourquoi mon poignet à cette étrange cicatrice. Tu crois que ça pourrait être à cause de l'attaque Fouet-Lianes de Bulbizarre ?

- Quoi ? Je... Évidemment. Il n'est jamais bon qu'un humain se fasse blesser par un pokémon. J'imagine que tu risques de garder cette marque un moment, si toutefois elle se résorbe même un jour. Attends, j'ai une idée.

Cassy serra les dents tandis qu'elle fouillait dans le sac à dos que la fillette avait déposé sur le sol. Elle avait été bien sotte de croire que son amie ne s'interrogerait pas sur le dessin qui souillait sa peau. Le seul espoir qu'elle avait était que Léa se contente de cette explication, ce qu'elle parut faire. L'adolescente finit par sortir une paire de mitaines roulées en boule de l'un des compartiments en toile.

- Voilà ! s'exclama-t-elle d'un ton faussement enjoué en les lui passant aux mains. Ni vu ni connu. Personne ne pourra soupçonner que tu as reçu une attaque si tu ne les enlèves pas en public.

Léa lui adressa un sourire reconnaissant pendant que le bateau pénétrait dans le port, prêt à accoster. Deux marins jetèrent une ancre gigantesque au fond de l'eau et deux autres déployèrent la passerelle qui relia le pont au quai. Cassy remarqua une grande femme entièrement vêtue de noir qui patientait à l'écart afin de ne pas attirer la foule. Elle sourit, tout en songeant qu'elle allait devoir expliquer la présence de Cynthia à celle qui l'accompagnait.

- Dis-moi, tu as déjà entendu parler de la Championne de Sinnoh ? badina-t-elle innocemment.

- Bien sûr, nous avons étudié les Ligues et leur Maître peu de temps après ton départ. Et puis, tout le monde connait Cynthia : elle est trop belle et trop forte.

- Oui... Tu te souviens, quand je t'ai dit que ma famille était originaire d'ici ? Eh bien  j'ai déjà eu l'occasion de la rencontrer personnellement. Regarde.

Léa ouvrit des yeux ronds en apercevant la jeune femme sur le quai, à qui Cassy adressa de grands signes. Elle lui répondit par un sourire éclatant, tandis qu'elles débarquaient enfin, leur sac à dos à la main.

- Régis m'a appelée pour m'avertir que vous accosteriez à Joliberges plutôt qu'à Rivamar.

- J'ai songé qu'un rapide passage à la bibliothèque nous permettrait peut-être de découvrir quelques informations intéressantes, murmura l'adolescente, avant de recommencer à s'exprimer à voix haute. Cynthia, je vous présente Léa, l'une de mes anciennes camarades de classe. Elle veut devenir coordinatrice pokémon. Ça m'a semblé être une bonne idée de lui proposer de m'accompagner à Sinnoh lorsqu'on sait que les Concours les plus prestigieux se déroulent à Unionpolis.

- Une excellente idée, même. Que diriez-vous de boire un bon chocolat chaud pour vous remettre du voyage ? proposa la Championne. Je connais un excellent café, à deux pas des quais, où ils servent en plus de succulentes brioches. Après ça, si vous le souhaitez, je vous ferai visiter la ville.

Cynthia adressa une œillade complice à Cassy, pendant que Léa approuvait ce programme. Ses réactions n'étaient plus aussi vives qu'à bord du ferry, car elle se sentait très intimidée face au célèbre Maître de Sinnoh. Lorsqu'elle s'exprimait, c'était d'une toute petite voix et en détournant timidement les yeux.

L'établissement où la jeune femme les conduisit était accueillant. Comme ils faisaient encore trop frais pour songer à s'installer en terrasse, elles prirent une table à l'intérieur. Les lieux étaient chaleureux, avec leurs murs aux tons pastels et leur parquet encaustiqué. Des bouquets de fleurs des champs étaient élégamment disposés sur des nappes en dentelle. Quant à la porcelaine dans laquelle on les servit, elle était ravissante.

Quand Léa eut achevé son chocolat chaud, elle s'excusa précipitamment pour se rendre aux toilettes. Pendant que Cynthia prenait une nouvelle brioche dans la corbeille qu'un serveur leur avait apportée, Cassy en profita pour lui décrire dans les moindres détails les esquisses trouvées au dos des notes d'Éric, et restées en sécurité au Bourg-Palette.

- Est-ce que ça vous évoque quelque chose ? interrogea l'adolescente.

- J'ai déjà entendu quelques légendes à propos des Gijinkas, en effet. Ils portent des noms spécifiques, en fonction des espèces avec lesquelles ils sont croisés. Les femmes-Rapasdepic, par exemple, sont des Harpies. Les hybrides Nosféralto des vampires. Les êtres mi-humain mi-Galopa sont des Centaures et ceux qui ont des gènes de Grahyéna sont tout simplement des Grahyéna-Garou, ou Lycanthrope.

Cassy n'eut pas le temps de relever, car Léa revenait déjà des toilettes, imposant le silence entre elles. Elles achevèrent en silence de manger les quelques brioches restantes, puis Cynthia déposa un billet au centre de la table, afin de régler leur petite collation.

La bruine commençait à tomber lorsqu'elles sortirent du café. Joliberges était réputée pour son humidité et ne manquait pas à sa réputation. Feignant un parfait naturel, le Maître de Sinnoh leur proposa de se rendre à la bibliothèque, le temps que le soleil revienne. D'après elle, les averses qui tombaient ici ne duraient jamais trop longtemps.

Le bâtiment était situé sur la rive gauche de l'estuaire. Grand et majestueux, il semblait dominer la ville de toute sa splendeur. Le trio se présenta à l'entrée, encadrée par deux élégantes colonnes, et elles essuyèrent leurs semelles mouillées sur le paillasson pour ne pas salir l'intérieur.

Cassy comprenait que, pour une personne aussi cultivée que Cynthia, cet endroit puisse s'apparentait à un véritable petit paradis. Des centaines de rayonnages s'étendaient à perte de vue, tapissant les murs et s'érigeant entre les allées. Des tables et des petits salons moins formels attendaient que les visiteurs viennent s'y installer pour savourer un bon livre.

- Waouh... murmura Léa, admirative. Vous croyez qu'ils ont des livres sur les Concours pokémon ?

- Hélas, je dirais pas plus de cent cinquante, répondit Cynthia avec un sourire amusé. Est-ce que tu veux en feuilleter quelques-uns ?

- Oh oui, alors !

La Championne lui indiqua dans quel secteur elle pourrait trouver ce qu'elle souhaite et la fillette s'éloigna d'un pas bondissant. Elle entraîna ensuite Cassy vers la zone consacrée aux mythes et légendes. Ce furent les bras chargés de livres qu'elles revinrent prendre place à une table.

- S'il n'y a pas au moins deux ou trois petites indications là-dedans, je n'aurai plus foi en cet endroit, qui m'a jusqu'à présent toujours apporté des réponses à tout, décréta Cynthia, dont le visage était presque entièrement dissimulé par les ouvrages empilés devant elle.

Cassy avait déjà feuilleté des centaines de pages lorsqu'elle croisa des représentations d'hybrides, semblables aux esquisses de son frère. Elle vit un buste d'homme posé sur le flanc d'un Tauros, qu'une légende nommait Minautore. Elle aperçut ensuite trois schémas représentant des femmes mi-Grolem, mi-Jungko ou encore mi-Akwakwak. Il s'agissait respectivement d'oréades, de dryades et de naïades.

En revanche, à l'exception de ces illustrations, il n'y avait quasiment aucune information concernant les Gijinkas. Le peu qu'elle trouva à leur sujet était ce dont Régis lui avait déjà parlé. Elle apprit tout de même qu'ils étaient d'une cruauté sans pareille et possédaient un redoutable appétit sexuel, autrement dit rien qui ne lui soit d'une grande utilité.

- Si autant de créatures de ce genre étaient réelles, quelqu'un les aurait forcément vues, non ? chuchota Cassy pour ne pas déranger les autres lecteurs. Je veux dire... Elles ne peuvent pas toutes être parfaitement cachées pour échapper au regard des humains, surtout si elles sont nombreuses.

- Je ne sais pas du tout. Je suppose que c'est comme les pokémon légendaires. Personne n'est en mesure d'attester de leur réalité, pourtant d'aucuns prétendre en avoir déjà aperçu, voire même les avoir approchés.

- Je continue à m'interroger sur les motivations d'Éric. Comment a-t-il pu s'intéresser aux Gijinkas alors qu'il me répétait souvent qu'il n'accepterait de croire en la Pokible que lorsqu'il aurait des preuves évidentes de sa véracité. Tout comme Régis, il s'agissait d'un agnostique confirmé. C'est du moins l'impression que j'en avais. Plus le temps passe et plus je me demande si je connaissais réellement mon frère.

Cynthia lui adressa un regard compatissant, puis étendit son bras par-dessus la table pour venir placer par-dessus la sienne, qu'elle tapota de manière réconfortante. Ce geste arracha à Cassy un sourire mélancolique.

- Tout sera plus clair lorsque nous aurons réussi à comprendre quel était l'objectif d'Éric.

- À condition d'y parvenir un jour...

- Il n'y a pas de raison pour que nous échouions. Qui est mieux placé qu'une équipe composée d'un scientifique spécialisé en pokémonologie, une fervente arcésienne et une passionnée de mythologie pour venir à bout d'une telle énigme ?

La jeune fille esquissa un sourire, choisissant de se laisser convaincre par un tel argument, avant de refermer le livre qu'elle avait sous les yeux. Cynthia l'imita, puis demanda :

- Puis-je profiter de l'absence de Léa pour jeter un coup d'œil à ta marque ?

Cassy acquiesça et, après avoir soigneusement vérifié que personne ne leur prêtait la moindre attention, elle retroussa sa manche pour dévoiler son bras bandé. Elle retira le pansement réalisé par Régis, puis offrit son avant-bras à la Championne afin qu'elle puisse l'observer.

De ses doigts longs et fins, Cynthia effleura le symbole apparu à même sa peau. Elle l'étudia quelques secondes, et en arriva finalement au même diagnostique que Régis. Même si les traits à la couleur bleu violacé n'étaient pas constitués d'encre, cela ressemblait davantage à un tatouage qu'à une cicatrice.

- Aucun doute, c'est rigoureusement identique au glyphe dragon. J'aimerais également voir celle de Léa, si ça ne te dérange pas.

- Pour le moment, si, répondit Cassy. Je ne veux pas éveiller ces soupçons. J'ai réussi à lui faire croire qu'une telle réaction était fréquente lorsqu'un être humain subissait une attaque pokémon, mais si vous vous intéressez à ça, elle soupçonnera peut-être qu'on lui cache quelque chose. Il vous faudra patienter un peu. En revanche, Régis a volontairement subi une Morsure de Noctali, et rien ne s'est produit. Nous n'avons su qu'en déduire.

- Quant à moi, je n'ai pas la moindre hypothèse. Tu n'as pas mal ? Tu ne ressens rien ?

- Non, c'est exactement comme avant. J'ai même frotté mon bras contre le Dracolosse du professeur Chen, sans aucun résultat. Régis pense que je devrais dresser des dragons, mais pour l'instant, je ne m'en sens pas capable, d'autant que j'ai laissé mon seul pokémon chez eux.

- Si je peux me permettre une suggestion, je crois plutôt qu'il faudrait remonter à la source.  Un petit pèlerinage, par exemple.

- Qu'entendez-vous par là ? interrogea Cassy.

- Il y a un Concours qui aura lieu très prochainement à Charbourg. Je suis certaine que notre jeune coordinatrice en herbe se fera une joie d'y participer.

- Et ?

- Et le suivant se tiendra à Unionpolis, révéla Cynthia. Elle ne voudra manquer pour rien au monde une compétition dans la capitale mondiale de la discipline.

- J'avoue que j'ai un peu de mal à vous suivre.

- Pour rejoindre Unionpolis depuis Charbourg, le moyen le plus simple est d'emprunter l'un des nombreux tunnels qui traversent le Mont Couronné. Certains relient les deux cotés de la montagne, mais quelques autres, beaucoup plus escarpés, mènent au sommet. Et qu'y a-t-il, là-haut ?

- Les Colonnes Lances... murmura l'adolescente, la voix rendue vibrante par l'émerveillement.

La Championne lui proposait de se rendre dans ce lieu mythique où Arceus aurait, selon la Pokible, donné naissance à l'univers, mais surtout où se trouvait la gravure de ses plaques, chacune ornée d'un glyphe représentant les dix-sept types pokémon, exactement comme son avant-bras ou le poignet de Léa.

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