Please notice me, Dedenne-sempaï!

Chapitre 9 : Chapitre 9 ou comment se retrouver à nouveau sous les spotlight

6772 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:09

« Cher Dedenne tout-puissant,

Plus le temps passes, plus je suis proche des pokémons que tu m'as envoyés, et plus je m'éloigne des hommes et des femmes qui m'accompagnent. Pourquoi les humains sont-ils tous aussi noirs ? Est-ce que tu souhaites me faire passer un message ?

J'ai honte d'être humaine. »

Après une nuit plutôt agréable, malgré les profonds ronflements de quelques compères que je ne citerais pas, nous avons atteint la ville de Port tempères en moins d'une heure. Facile, j'ai volé un Cabriolaine du ranch pour aller plus vite. S'il n'est pas trop bête, il s’enfuira avant que son maître ne le retrouves.

La ville en elle-même était ridiculement petite. Une dizaine de bateaux, un marché composé de DEUX stands dont l'un sans propriétaire où j'ai pu me servir en baies, et quelques maisons. Ce n'est qu'après un rire un peu gras que j'ai compris qu'un funiculaire reliait les deux parties de la ville. Mais déjà, le train train de la célébrité reprenait : mon holokit sonnait.

C'était Serena.

« Oh, bonjour blondie.

-Joël, que dirais-tu d'un petit combat dans la partie nord de la ville ? J'ai à te parler. »

Bah elle en oublie la politesse la Lumosienne.

« Je sais pas Serena, j'ai un badge à obtenir et j'ai bien l'intention d'atteindre la ville suivante dans la journée. »

Elle prit instantanément un air très sévère.

« Tu viendras. » Crachat-elle avant de raccrocher. Je soupirais, les yeux au ciel. Les femmes… Épuisantes.

J'arrivais à la gare du funiculaire, et apercevais le professeur Platane qui discutait dans l'entrée avec une jeune femme me rappelant vaguement quelqu'un. Ils avaient l'air occupés, préoccupés même, dans le cas de Platane. Je ne l'imaginais pas comme ça. Comme si pour moi, cet homme ne pouvait pas avoir un faciès inquiet comme en cet instant. Sans aucune volonté de les espionner, je ne me montrais pas et attendais à côté de la porte.

« … oui, c'était une belle époque. Dianthéa, je suis vraiment désolé que les choses se soient passés ainsi. Comprends bien que jamais je ne t'en voudrais pour les choix que tu as pu faire. »

Dianthéa. C'était l'actrice que j'avais rencontrée à Illumis, avec cet allumé… Lysandre je crois. Elle a l'air intime avec de nombreux hommes influents du pays… Plus facile de comprendre son succès d'actrice dans ces conditions. Cette dernière répondit dans une grande humilité :

« C'est bon, Platane, je suis une grande fille, tu n'as plus besoin de t'inquiéter pour moi. »

Elle annonça aussi, un peu plus fort.

« Joël, tu peux entrer maintenant. »

Oups.

Platane effaça toute inquiétude sur son visage pour revenir à son habituel sourire de façade.

« Bien le bonjour, Joël ! Pourquoi te cachais-tu ici ? Je t’attendais !

-Pourquoi ? »

Il ria assez fort. J'étais assez désappointé, incapable de savoir si c'était sincère. Je ne verrais sûrement plus jamais le professeur de la même manière.

« J'ai entendu dire que tu avais été choisi pour obtenir le méga-anneau, alors raconte-moi ! As-tu réussi à faire méga évoluer un pokémon ?

-Ah euh, non, ça n'a pas pu se faire. Les… Conditions n'étaient pas favorables. »

Comprends ce que tu veux vieux schnock.

Il ne répondit que par un sourire, un peu déçu.

« Bon… J'espère que ça se fera à un autre moment alors. Ce n'est pas grave de ne pas réussir du premier coup. »

Si tu savais combien je m'en tape.

« En tout cas, prends cette CS. Je vais rester ici pour attendre tes petits camarades, mais tu peux prendre le prochain funiculaire si tu préfères jouer solo.

-OK, merci. »

Il leva haut les sourcils. Je mis quelques secondes à réaliser pourquoi était-il surpris. Est-ce que je remerciais les gens si rarement ?

Sans les saluer, je partais prendre le funiculaire, mais Dianthéa qui ne m'avait pas pipé mot me retint un instant.

« Tu sais, Joël, si je peux te donner un conseil… d'amie. La carrière d'un dresseur de pokémon n'est pas plus difficile que celle des autres. Tout est question d'imposture et de jeu d'acteur. Et retiens bien que je suis bien meilleure que toi à ce jeu-là. »

Les portes se fermèrent, le funiculaire démarra.

J'étais seule derrière les vitres, à regarder assez stupéfaite mon reflet. Libre de passer le voyage à penser au sens de ces mots. Avait-elle compris ?

 

* * *

Port tempères Nord était un peu plus animée, mais j'étais déçue de ne pas trouver de magasins de vêtements. La civilisation me manquait. En même temps comment ne pas en avoir marre, de ces villages paumés au milieu de nulle part, avec quelques pâtés de maisons, une auberge et des cailloux pour seule compagnie. Je viens de Céladopole moi !

Mais au moins, il y avait l'arène, et c'était pour ça que je venais. S'il n'y eut pas, encore une fois, quelqu'un pour me stopper.Quand Serena me stoppa devant l'entrée de l'arène, essoufflée, je venais de me rappeler qu'elle voulait me voir.

« Qu'y a-t-il Serena ?

-Quel toupet ! Tu pourrais me dire bonjour quand même ! »

C'est toi qui as oublié de me saluer à l'holokit, débile. C'est dingue ce que les Lumosiens sont agaçants.

« Blondie, j'ai une arène à faire.

-Attends ! J'ai fait le chemin le plus vite que je le pouvais, écoute-moi je t'en prie ! Je veux juste…

-Quoi ?!

-Voir une méga-évolution ! »

Ah.

« Pourquoi tu y tiens autant ? »

La jeune fille sentait que ça ne serait pas possible. Elle se mit à parler très vite en bégayant, de plus en plus rouge de honte, de colère ou que sais-je d'autres sentiments compliqués que peuvent ressentir les filles de la ville. Moi ? J'en suis une aussi, mais j'ai des valeurs plus importantes, enfin. Comme mon Dieu par exemple.

Je ne t'oublies pas, Dedenne le grand.

« Oh, tu m'écoutes ?! »

Blondie avait encore des larmes au coin de l’œil. Pauvre petite.

« Non. Je te l'ai dit, j'ai à faire. Oh, et tu sais quoi ? Je l'ai même pas pris, le méga-anneau, banane. C'est qu'un jouet. Qu'est-ce que vous avez tous avec la méga-évolution ? C'est des trucs de scientifiques ça, c'est totalement déconnecté de la réalité ! »

Elle s'est figée sur place, visiblement très, très choquée. Elle le voulait ce méga-bracelet. Mais je ne disais que la vérité, c'est que du vent ces conneries. Un bracelet ne lui donnera pas le pouvoir de devenir quelqu'un de spécial, de différent des autres. Mais j'étais déjà allé assez loin. Elle a bégayé, encore, et a préférer partir avant de se ridiculiser davantage. A peine me crachat-elle avant de partir :

« Tu me paieras cette humiliation, Joël. »

Je haussais les épaules. Que pouvait-elle bien faire ? En parler à Tierno ? Comme si j'en avais quelque chose à faire de ce musicos obèse. Je n'ai d'yeux que pour Dedenne.

* * *

L'arène était, comme à son habitude dans ce pays, impressionnante. Une grande tour garnie de verdure, abritant une véritable jungle et s'étendant sur une vingtaine de mètres de hauteur. Je n'étais même pas sûr que le bâtiment soit aussi grand à l'extérieur ! Et bien sûr, qui va devoir se taper toute la grimpette sur des cordes et des lianes branlantes ? C'est Bibi...

Mais j'ai eu le temps de me reposer entre deux séances de grimpettes. Il y avait bien une dizaine de dresseurs dans cette arène, m'attendant au tournant du moindre tronc, de la moindre liane. Mes pokémons tenaient bien le coup. C'est Nono qui se chargea de tout cette fois. Il avait une bonne défense, une bonne esquive des attaques ennemies, et en plus de ça, ses attaques faisaient mouche. Après avoir vaincu le vieux papi sans histoire qu'était le champion, la différence de niveau commençait enfin à se rééquilibrer entre nous et nos adversaires. La nouvelle équipe était enfin au niveau de l'ancienne. Pour une fois, je ressentais un profond sentiment de fierté pour quelqu'un d'autres que moi-même. J'étais fière de mes pokémons, et il serait bien bas de m'accaparer leur entraînement, quand je me tourne les pouces pendant les combats.

Le vieux m'a passé le badge végétal, je l'ai à peine remercié, pour respecter mes résolutions, avant de m'éclipser par le toboggan. Et encore une fois j'étais assaillie de questions. Serena et tout le monde parle souvent de cette différence qu'il y a entre nous, entre moi et les autres dresseurs. Mais puisque je ne suis pas si exceptionnelle, qu'y a-t-il vraiment de diffèrent entre eux et moi dans nos façons d'entraîner nos pokémons ?

Je quittais la ville à petits pas. C'est vrai, techniquement je suis sûrement le pire des dresseurs de ce pays. On parle souvent dans les contes pour les gosses de la persévérance et de l'amour que l'on donne à nos créatures. Mais je sais bien que ne sont pas des bestioles de compagnies, ou mes amis, même si je m'attache à eux. Je ne sais même pas m'occuper d'eux, ce qu'ils mangent ou comment fonctionne une pokéball. Mon entraînement se base uniquement sur la survie : ils ne doivent pas crever, quand ceux des autres tombent sûrement K.O une dizaine de fois par jour : ça fait partie de leur entraînement. En plus je ne choisis pas les meilleurs ! Restreinte par le règlement de la Pokémon World Fondation avec laquelle je ne veux pas résilier mon adhésion hors de prix, je ne peux pas avoir plus de six pokémons, et un seul par zone. Alors bordel, pourquoi ça marche quand même ?

La sonnerie de l'holokit me coupa de mes pensées. Encore une fois, l’hologramme d'un quasi-inconnu apparut devant moi sans que je ne fasse rien. Il faut vraiment que je pense à désactiver l'acceptation automatique des appels.

« Bonjour Joël, c'est moi, Lysandre. »

Roux et influent. C'est à peu près tout ce que j'ai retenu.

Un grand sourire illumina mon visage.

« Oh bonjour monsieur Lysandre !

-Le professeur Platane m'a dit que tu maîtrisais les mégas-évolutions. Tu es bien un élu jeune homme, un dresseur d'exception ! »

Mon sourire se figea. Encore quelqu'un qui me prenait pour ce que je n'étais pas. Il continua, sans remarquer ma réaction. Et puisque le holokit était resté dans ma poche, il ne devait pas me voir.

« N'oublie pas Joël, tu dois te servir de ton don pour construire un monde meilleur. Tu as compris ? Bonne chance pour le reste de ton aventure, on se retrouvera bientôt. »

Fin de l'appel. Je soupirais dans le vide et repartais vers le désert de la route 113. Mine de rien, cette brève conversation fit taire mes questions, et je pouvais enfin me reconcentrer sur le but de mon aventure. Je n'étais pas un dresseur d'exception, pas du tout. J'étais comme tout le monde, voire médiocre. Mais ce sont tous les autres qui me voient comme le héros que je ne suis pas. Vivre à Kalos doit être bien ennuyant. Mais c'est bon, je leur apporterais ce dont ils ont besoin.

* * *

Beaucoup de vent dans le désert. Du sable partout qui me fouettait le dos. Mais ça va. C'est supportable, et j'étais déterminé. Je n'ai pas sorti tous mes pokémons cette fois, je ne voulais pas qu'ils aient à supporter ça, surtout les plus petits. Mais Alexandra est sortie d'elle-même, je ne savais même pas que c'était possible.

« Alexandra, tu vas te blesser, restes dans ta pokéball. »

Elle ne m'écouta pas, et je finissais par comprendre ce que le pokédex voulait dire par Pokémon malpoli. Quoi qu'il en était, la grande Alexandra resta bien droite, debout à mes côtés. Je ne comprenais pas pourquoi, puis je remarquais que le sable ne me touchait plus, que le vent était moins fort. Elle avait décidé de faire barrière entre moi et le danger. Je la remerciais d'un sourire compatissant.

Nous progressions lentement dans le désert, elle n'était pas très rapide, mais je pouvais marcher la tête droite. J'en jubilais quand je croisais un sbire de la team flare, accroupi par terre, sa veste recouvrant sa tête et ses épaules. Quand il me vit arriver, droite et fière, protégée par mon Hariyama, il essaya de se relever mais ne parvint qu'à tousser à en cracher ses poumons.

« Keuh, keuh ! Qu'est-ce que tu fiches ici ?! 

-Te botter le cul, à toi et tous tes semblables, si tu ne me laisses pas passer. »

Il sortit ses deux pokémon, fébrilement, et ils étaient tous deux aussi sensibles à la tempête de sable. Je riais de manière un peu machiavélique en observant Louane leur régler leur compte, toujours bien protéger par l'ombre de Alexandra. Le jeune homme, les yeux rougis par le sable lui rentrant dans les paupières, sortit quelques billets de sa poche et dans la précipitation, fit tomber une carte par terre. Il me tendit l'argent et tout de suite après, chercha dans ses poches quelque chose qu'il avait perdu. Il partit à quatre pattes chercher par terre, en se frottant les yeux :

« Merde, le passe centrale ! Où est-ce qu'il est parti ?! »

Je le laissais s'éloigner et attrapais la carte discrètement. C'était bien le passe magnétique qu'il semblait avoir perdu. Plus loin, une petite cabane avait une ouverture de ce type.

La team flare piquait ma curiosité. J'avais dû les croiser deux ou trois fois depuis le départ, et à chaque fois ils trempaient dans des affaires louches. J'imaginais que c'était une sorte de partie politique, ou de secte, mais personne ne m'avait vraiment expliqué leurs objectifs jusque-là. Ils avaient des uniformes, des pokémons, tout un tas de matériel et peut-être même des locaux, cette organisation devait bien être financée par quelqu'un.

Il y a quelques années, un gamin avait découvert à Kanto qu'un champion d'arène ainsi qu'une partie des organisations scientifiques du pays étaient complices des actions de la team rocket. Il avait pu gagner un gros pécule et s'attirer une grande renommée. Peut-être était-ce le même genre de trucs qui se passait avec cette organisation. Et puis Serena semblait avoir une dent contre eux, il devait bien y avoir une raison.

Je me suis infiltré dans le petit bâtiment, par curiosité, et parce que de toute façon ce désert était grand, je ne savais pas où aller, et le chemin que je suivais menait ici. J'ai rentré Alexandra dans sa pokéball pour gagner en discrétion.

Le bâtiment était sombre et relativement silencieux. C'était étrange. L'entrée ne donnait que sur un escalier sous-terrain. J'ai avancé dans le bâtiment en rasant les murs, prenant garde à ne pas me faire remarquer par un autre membre de leur équipe. Au bout d'un moment, j'ai entendu des pas. Furtivement, j'ai accéléré la cadence jusqu'à enfin tomber sur une porte fermée que j'ai pu ouvrir avec le passe.

À l'intérieur, une dizaine de paires d'yeux me fixaient, stupéfaits. Visiblement, des ouvriers et des techniciens étaient ligotés et enfermés ici. Bon Dieu mais dans quelle Miasmiasme je me suis foutu.

 

* * *

 

Je suis vite sorti de la pièce. Les gens parlaient trop fort et de manière trop confuse pour que je comprenne vraiment ce qu'il se passe, mais ça avait l'air grave. Si j'étais arrivé plus discrètement, j'aurais pu m'éclipser sans faire d'histoire, mais maintenant que les otages m'avaient vu, et certains m'avaient reconnu, je ne pouvais plus m'échapper sans faire de moi un nouveau jouet médiatique dévalorisant tous les dresseurs du pays et m'attirant les foudres des champions d'arènes. Pour le moment, la team Flare ne m'avait pas vu entrer et avec un peu de chance je pourrais les libérer sans…

« Toi ! Là-bas ! Que fais-tu ici ?! »

Et meeeeeerde…

* * *

Évidemment, j'ai dû battre le sbire qui m'avait remarqué, puis celui qu'il avait prévenu par holokit, puis celui qui avait vu la scène sur les caméras de surveillance… Puis tous les autres quand l'alarme anti-intrusion a sonné. Au début ça allait, mais ils étaient plus d'une dizaine, et je commençais à craindre sérieusement pour mes pokémons. Pas moyen de fuir le moindre combat, et je n'avais que peu de potions sur moi. Un technicien m'avait passé quelques bouteilles d'eau pour servir d'appoint, mais c'était bien moins efficace que les produits pharmaceutiques que l'on trouve dans les centres pokémons. Tout le monde y est passé, et s'est alterné. Entre Quetzalcoatl, Nono, Louane, Alexandra, Abel qui servait de bouclier et enfin Millie, qui était largement mieux entraîné que les autres.

Enfin, j'ai réussi à venir à bout de tous les sbires fulminant de rages, et c'est une responsable de l'action qui vint me voir. Elle avait un uniforme très différent de celui des autres, et était accompagnée d'une sorte de garde du corps que je dus vaincre avant elle. J'entendis un type l'appeler Chef, et Ancolie. Une sueur froide coula le long de ma tempe. Elle avait l'air forte, et seule Millie avait assez de marge dans ses points de vie pour continuer de combattre. Mon adversaire jubila d'avance en voyant mon tout petit Dedenne arriver sur le terrain. Mais elle n'avait qu'une pokéball à la ceinture, c'était jouable. Je m'apprêtais à donner un ordre à Millie, mais elle détala vers le Grahyèna ennemi avant que je ne dises quoi que ce soit. Un éclair gigantesque s’abattit sur lui, et il tomba a terre en poussant un jappement grotesque. Toute la salle resta suspendue pendant un instant, je regardais tour à tour le pokémon à terre, et Millie qui revint vers moi, sautillant de joie. C'était un petit Dedenne, avec son tout petit museau et son cri trop mignon, mais ça ne l'a pas empêchée de devenir un monstre de combat. Presque effrayant.

Ancolie est partie en tirant la tronche, rétorquant que de toute façon ils avaient atteint leurs objectifs. Les sbires se dispersèrent, le garde du corps m'insulta. Je me dirigeais tout naturellement vers la sortie et remarquais l'absence des techniciens qui ont dû profiter du barouf causé par l'arrivée de la chef Ancolie pour détaler. J'avais fait mon job, ils ne pourraient pas m'en vouloir ou m'embêter avec ça, je pouvais continuer tranquillement mon voyage. Dehors, la tempête de sable avait cessé, il faisait beau. Je ne devais plus être très loin de la ville. Avec toute cette agitation, je n'avais même pas réalisé que ma prochaine destination serait… Illumis. Enfin de retour dans la seule ville digne d'intérêt du pays.

J'ai marché au hasard dans le désert, escorté par Alexandra et Quetzalcoatl qui avaient tenu à rester près de moi malgré tout, pour me protéger d'éventuelles attaques. Finalement, la route 13 prenait fin sur la douane présente à chaque sortie de ville. Là, au bord de la route, un homme gigantesque était assis. Il avait l'air d'un clochard des plus standard, portant un bonnet râpé, un pull et un pantalon crasseux, trop larges pour lui. La vue de ses cheveux épars sur son crâne, nu à certains endroits, et si sales qu'ils commençaient à se former en dreadlocks, m'inspira un profond dégoût. Je m'attendais à y trouver les restes de ses derniers repas, si ce pauvre homme mangeait seulement un repas par jour, ce qui était loin d'être assuré. Malgré tout ça, il dégageait une aura irréelle… Il faisait peut-être trois mètres ! Est-ce seulement possible ? Est-ce que ce ne serait pas un pokémon ?

Il marmonnait, mais si bas que je ne pouvais l'entendre et du bout des doigts et il dessinait quelque chose dans le sol sablonneux. Puis soudain, j'entendis une sorte de cliquetis. Je ne l'avais pas remarqué jusque-là mais la porte menant à Illumis était fermée, et ils étaient en train de la rouvrir, avec des cris de joie venant de l'autre côté. Le vieil homme tourna lentement la tête vers la porte, se souleva avec difficulté, prit son sac posé au sol dans un geste d'une extrême lenteur, et se dirigea vers l'entrée. Tout le monde s'écarta sur son passage, quelque peu effrayés. Moi, j'avais pris garde de prendre mes distances, mais maintenant qu'il s'éloignait, j'étais curieuse de savoir ce qu'il avait bien pu dessiner dans le sable.

C'était un tout petit dessin, un peu maladroit, d'un pokémon. Il tenait dans ses mains une fleur que je ne connaissais pas. Mais le pokémon, ma gorge se serra en le reconnaissant.C'était un Flabébé. Comme feu ma petite Fabulette.

J'ai moi aussi posé mon sac dans la trace qu'à laisser celui du géant, me suis assise là où lui fut assis, et cacha ma tête dans mes bras, pour prier un instant. Une minute, tout au plus, pour garder une pensée pour Fabulette et toute la joie qu'elle a pu m'apporter.

* * *

Quand un gamin m'interrompit dans ma prière, j'étais naturellement de mauvaise humeur. Pour autant, je ne m'attendais pas à voir une dizaine de caméras braquées sur moi. Je me suis relevée précipitamment, j'ai pris mon sac, déterminée à fuir, mais c'était trop tard. J'avais encore du faire une bêtise monumentale et foutre ma carrière en l'air, ils ont dû dire que j'avais blessé le vieux ou…

« Monsieur le dresseur! Est-ce vrai que vous avez mis la team Flare en déroute dans la centrale et rétablie l’électricité dans la ville comme nous l'on dit les techniciens auxquels vous avez sauvé la vie ??? »

Je n'aurais pu demander plus de détails. Je fixais la journaliste en faisant de grands yeux, totalement immobile et silencieux, comme un Sapereau dans le champ de vision d'un Léopardus. Sait-on jamais, ils vont peut-être partir. Puis face à ma réaction, ils ont commencées à hésiter. J'entendis l'un d'eux questionner la journaliste :

« Dis, je crois que tu t'es trompée, ça se voit que c'est une fille, tu as dû la vexer. »

Oh non. Tous les journalistes sont en train de se questionner sur mon sexe. Purée, mais en quoi ça les regarde. Quelle importance !

Là, j'ai préféré m'enfuir à toute vitesse et me suis dirigée au plus vite vers la ville, avant de me faire stopper par deux personnes qui m'attendaient là.

« C'est bien lui qui l'a fait ! Et il s'appelle Joël ! »

Je relevais la tête, sans comprendre. C'était deux étranges personnages masqués et habillés en blanc.

« Mais vous êtes qui ? »

L'un d'eux souleva son masque et me décocha un sourire. C'était la dernière personne que j'imaginais dessous. Déxio, et probablement Sina. Ceux à l'origine de tout le scandale de l'autre fois. J'y comprenais plus rien. Sina, la petite aux cheveux violets, m'attrapa par l'épaule.

« On devait s'en occuper mais tu as été plus rapide que nous. C'est à toi que ça revient. Et je te conseille de répondre correctement si tu veux garder une bonne image. Tu veux être champion de la ligue ? C'est une fonction publique, tu ne pas t'esquiver de ce genre d'obligations. Et si les gens gardent de toi l'image d'un gamin qui se dispute avec ses pairs, tu es mal barré.

-Attends mais… »

Déxio répondit à la question en suspens :

« Je ne sais pas si tu en avais fait exprès ou pas, mais je sais que tu es pas un mauvais gars. On te doit bien ça. »

Sur ces mots, il me jeta en pâture aux journalistes. C'était dur à admettre, mais ils avaient raisons. Je devais faire bonne figure. J'ai saisi le premier micro qu'on me tendait et ait fait une tentative de sourire, avant de me décider à lancer un regard de défi à la caméra. Après tout, JE SUIS le prochain champion de la ligue pokémon.

« C'est bien moi. Je m'appelle Joël, je suis un dresseur en quête d'obtenir le titre de champion de la ligue pokémon. J'ai vaincu la team Flare en train d'exercer des activités terroristes dans la centrale et ait par la même occasion libéré la dizaine d'employés qui avaient été pris en otage. Mais je pense que c'est mon rôle en tant que dresseur de venir en aide à la population. Je n'ai fait qu'accomplir mon devoir. »

* * *

Quand je pus ENFIN rentrer dans l'enceinte de Illumis et revoir ses lumières, ses rues bétonnées, ses habitants insupportables et ses merdes de Couafarel, il faisait nuit. Les journalistes m'avaient occupé pendant plus de deux heures et à peine étais-je débarrassé d'eux que je devais me charger de quelqu'un d'autre : Sannah, qui m'attendait patiemment dans un coin de la douane. Je ne pouvais à nouveau pas me soustraire à son innocent sourire de jeune fille ne demandant qu'un peu d'amour. J'ai soupiré un coup et ait arboré de nouveau mon sourire de façade. Elle en fut ravie.

« Oh Joël ! Je t'ai vu à la télé ! Tu étais diffusé en direct sur les grands écrans de Illumis, c'était incroyable ! Tu as vraiment fait tout ça tout seul ? Je n'en reviens pas ! »

Je lui souriais en répondant à demi-mot. Sannah était une jeune fille attendrissante, bien plus que ne pouvais l'être Serena par exemple. Et je savais qu'elle était, quelque part, représentative d'un conditionnement social global des Kalosiens : la recherche d'un modèle, un tel manque culturel que le moindre phénomène médiatique devient globale. Ou alors, je me trompe quand j'ai l'impression que le monde tourne autour de moi.

La petite brune m'a pris par le bras, bien décidée à ce que je l'accompagne pour aller voir les illuminations de la tour d'Illumis, symbole de la ville, mais aussi de tout le continent. C'est le genre d'images que l'on retrouve systématiquement en photo dans les magazines de mode, faisant la réputation d'Illumis comme celle de la ville du luxe et du bon goût. D'ailleurs, toutes mes amies n'y avaient pas crus quand je leur avais dit que je m'y rendais. Enfin, mes amies… Je n'en avais pas énormément, en dehors des infirmières Joëlle de ma famille.

Nous n'allions pas à l'école des dresseurs comme tous les autres enfants, nous avions notre propre formation par les aînées de la famille, dans le centre pokémon central de la région. Pour le centre de Kanto, c'était chez moi, à Céladopole. Du coup, certaines étaient hébergées dans le centre pokémon où j'habitais, dont une particulière avec qui j'ai fait chambre commune, qui venait de Lavandia. On passait beaucoup de temps à faire des bêtises ensemble, elle a été l'actrice principale de mes drames d'adolescentes. On savait qu'on n’en avait pas le droit, mais dans le noir, on se donnait des surnoms. J'étais Cynthia, comme la belle championne de la ligue de Sinnoh que l'on voyait partout. Elle, c'était Jessica, comme Jessie, la criminelle la plus recherchée du pays. C'était une tête brûlée, toujours prête à fuguer par une fenêtre, ou a cherché des embrouilles avec les dresseurs qui nous insultaient.

Même si cette situation évolue avec les années, les infirmières Joëlle, nous ne sommes pas des humains comme les autres. Aujourd'hui c'est devenu un peu tabou et insultant de parler de nous ainsi, mais nous sommes des êtres avec une évolution différente, nous sommes plus proches des pokémons. Nous avons quelque chose de différent, biologiquement. Tout d'abord, pourquoi ne sommes-nous que des filles toutes semblables ? C'est simple et on nous le fait comprendre toutes jeunes : Nous sommes des clones.

Notre corps n'est pas fait de la même manière. Nous pouvons nous féconder seules, comme certaines espèces de pokémon, sous le simple fait de l'excitation. Alors, il nous est interdit de fréquenter les autres et à nos dix-huit ans, à la fin de notre formation, une collègue nous est assignée par les aînées et nous devons gérer un centre pokémon ensemble, en plus d'élever nos enfants, avec les autres couples présents en fonction de la taille du centre pokémon. C'est notre unique devoir, c'est pour cela que nous existons alors les sentiments amoureux nous ont étés interdits. C'est tout naturellement que Jessica m'a été désignée comme partenaire.

« Lem ! Clem ! Quel plaisir de vous revoir ! Je vous présente mon petit ami, Joël. »

Sannah me tira de mes pensées. Son petit ami ?

Nous étions devant l'entrée de la tour d'Illumis, elle était partie rejoindre de jeunes amis à elle, qui s’avéraient être le champion de l'arène que j'allais affronter demain et sa petite sœur. Elle s’esclaffa de joie à l'idée de voir les illuminations, demandait des nouvelles et je la regardais faire, en réfléchissant à un stratagème pour qu'elle cesse de se faire des idées. Je ne pouvais pas répondre à ses attentes, je ne pourrais jamais aimer une fille comme un homme. Définitivement.

* * *

Nous nous sommes mis au bord de la rivière pour voir les illuminations. Des exclamations se firent entendre dans toute la ville quand la dame de fer s'habilla de lumière, Sannah en poussa un cri de joie. Moi, je ne pouvais m'empêcher de regarder par terre, mais je pouvais regarder dans le reflet de la rivière. C'était joli.

« Sannah, il faut que je te dise quelque chose. »

Je n'ai même pas oser la regarder.

« Oui ? 

-Je ne suis pas ton petit ami. »

Je jetais un œil timide vers elle. Une lueur d'inquiétude apparut dans son regard.

« Oh, tu étais gentil avec moi, je pensais que... »

J'ai tout fait pour ne PAS être gentille avec toi. Comment tu peux penser ça ?

Elle s'est accroupie au bord du quai et je vis quelques larmes embrasser son reflet.

« Je ne suis pas comme il faut, c'est ça ? Je fais de mon mieux tu sais, c'est la première fois que je tombe amoureuse de quelqu'un. Je me doute que je ne suis pas aussi jolie que Serena ou les filles que tu as pu rencontrer pendant ton voyage, mais je pensais vraiment qu'avec toi, ça pourrait marcher…

-Sannah, ce n'est pas ta faute, pas du tout, crois-moi.

-Mais alors pourquoi ça ne peut pas marcher ? »

Je me suis accroupi près d'elle, ai posé ma main sur la sienne, dans un geste qui se veut rassurant.

« S'il-te-plaît Sannah ne pleures pas. Écoutes, tu vas rire mais… Je suis gay. »

Elle eut un sursaut de surprise et me regarda avec des yeux tout ronds, rouges et bouffis.

« Oh ! »

On s'est regardé dans le blanc des yeux pendant quelques secondes. J'ai esquissé un sourire. Et nous avons éclaté de rire en même temps.

* * *

Je suis rentrée assez tard et fatiguée au centre pokémon, bien décidé à me coucher dans la minute pour être prête à obtenir le cinquième badge de mon aventure. Je fis juste rapidement un tour, comme tous les soirs, sur ma boite mail avec la fonction internet du holokit. Et pour la première fois, j'avais reçu un mail qui n'était pas une publicité. Mais j'aurais peut-être préféré que cela en soit une.

Jessica.

Objet : Tu ne pourras pas t'échapper comme ça.

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