Please notice me, Dedenne-sempaï!

Chapitre 11 : Chapitre 11, ou comment celle qui t'es semblable peut tout gâcher

5878 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 13:57

Cher Dedenne tout-puissant,

Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de tes nouvelles. Mais ça n'est pas plus mal. Quand tu apparaîtras à moi, je serais sur le toit du monde, prête à faire allégeance à ta toute-puissance et à te rendre la gloire que tu m'as prêtée.Et enfin, je pourrais régner sur ce royaume. Avec le roi que j'aurais choisi.Je ne serais plus jamais le vilain petit couaneton.

Je me suis réveillée baignée de lumière, dans la clairière où je m'étais endormie. Le feu s'était éteint et Tierno était parti, ne laissant de lui que la pierre qu'il m'avait tantôt offerte, comme un engagement, autour de mon cou. J'étais d'humeur tendre, joyeuse, calme et surexcitée à la fois. J'avais l'impression de redécouvrir le chant du vent dans les feuillages, l'odeur de la forêt, le lit de feuillage sous mes pieds, la couleur de ses yeux. C'était un tout nouveau monde qui s'offrait à moi. Alors c'était ça, l'amour ?Rien n'aurait pu gâcher cette belle journée. Ni le ciel légèrement sombre, ni la brise un peu fraîche, pas même la vue d’Abel faire ses besoins sans même avoir la pudeur de se cacher. Non, j'étais amoureuse et j'arrivais dans la ville la plus romantique qu'il m'a été donné de connaître : Romant-sous-bois.

Avant même d'avoir pu découvrir l'adorable petit village enfoncé dans la clairière, je croisais un visage familier, et je devinais déjà que j'allais au-devant de quelques problèmes : Cornélia m'attendait à l'entrée du village, assise sur un tronc d'arbre.

« Joël ! Je t'attendais. »

Exaspérée du manque de politesse, je vociférais :

« BONJOUR Cornélia. Tu voulais me voir.

-Oui. J'ai à te parler. Viens avec moi.

-Non, je suis très bien ici, et je n'ai pas de temps à perdre. Si tu veux me parler, ce sera ici, et fais vite, j'ai une arène qui m'attend. »

Et du shopping dans la charmante petite boutique que j'aperçois là-bas.

Visiblement, Cornélia était gênée de devoir me parler au milieu du passage. Je l'inspectais rapidement : elle était sale. Il manquait une roue à son roller droit. Est-ce qu'elle venait de faire tout le chemin jusqu'ici depuis Yantreizh en rollers ?

C'est son ventre qui me répondit en poussant un gargouillement effroyable. Je dut retenir un rire.

« Allez viens. On peut s’asseoir sur les deux souches là-bas, ça sera bien. Et j'ai des cookies dans mon sac. »

Elle me remercia d'un hochement de la tête.

* * *

 

Cornélia mit du temps à réfléchir à ce qu'elle voulait dire, tout en mâchonnant son troisième gâteau. Je la regardais patiemment en caressant le long cou de Nono, endormie à mes pieds. Qu'est-ce qui valait donc tant de précipitation, et qui ne pouvais pas être dit par holokit ?

Elle finit par se lancer, et planta fermement ses yeux dans les miens.

« Je suis là pour te confier le méga-bracelet.

-Quoi ? Non ! J'ai pourtant été clair, tu mérites bien plus que moi de l'avoir, toi ou un de tes potes…

-Mais on n'en veut pas ! 

-Hein ? »

Elle avait déjà perdu son calme, alors qu'elle avait probablement réfléchi à ses mots pendant tout le trajet.

« Je ne comprends pas. Vous êtes les descendants de machin là, il n'y a que vous qui puissiez avoir ce bracelet. On a déjà dû en parler.

-Je sais bien, on a tous été élevés dans ce but. Mais je n'en veux pas, et personne à la tour maîtrise non plus.

-Je ne comprends pas. »

Cornélia reprit sa respiration. Elle devait bien voir qu'il y avait un fossé entre nous.

« Moi… J'ai jamais voulu étudier les mégas-évolutions. J'aimais entraîner mes pokémons, alors je suis devenue la meilleure à la tour, mais je ne veux pas devenir l'héritière et parcourir la terre pour chercher des reliques et faire méga-évoluer des pokémons… J'aime Yantreizh, c'est la ville où je suis née, et avec tout ça, je n'ai jamais le temps de m'occuper de l'arène. Je… Enfin, je... »

Elle était au bord des larmes. Je ne voulais pas lui couper la parole, à elle qui en avait gros sur le coeur.

« Enfin, tout ça pour te dire que j'étais trop contente de savoir que Platane voulait qu'on confie le bracelet. J'ai mis du temps à en convaincre Cornélius, il se fait vieux, il n'a plus toute sa tête… Alors quand tu l'as refusé je... 

-C'est bon. Je vais le prendre. »

Le visage de Cornélia s'illumina. Je ne l'aimais pas particulièrement, et ce n'était pas non plus une envie de me faire bien voir qui m'avait poussé à faire ça. En fait, c'était tout bête, mais je comprenais cette pauvre gamine. Prise dans une histoire familiale, forcée à un destin tout tracé quand elle rêve de quelque chose qui est tout autre. Nous étions pareils, et j'avais la possibilité de répondre à cette demande emplie de sincérité, de quelqu'un qui avait choisi de se battre pour ses rêves.

« Merci Joël, merci infiniment. Je rentre immédiatement pour prévenir grand-père. Merci. »

 

* * *

 

J'étais prête pour l'arène de Romant-sous-bois. Bien habillée d'un nouveau chapeau, orné d'une plume, accompagnée par un collier reflétant ses couleurs sur les tentures face à moi, et au poignet, une relique de plus de 3000 ans. Un objet de prestige auquel je devrais m’accommoder, mais qui m'apportera sûrement de grands privilèges, et qui sait, de nouvelles possibilités pour mes pokémons, si l'on en croit la légende. Que je ne croyais pas. J'avais passé l'âge.Enfin c'est ce que j'ai cru jusqu'à ce que je pénètre dans l'arène. J'ai eu un peu de mal à la trouver, malgré les indications plutôt claires des panneaux. Au pied du plus grand arbre du village, ne se cachait pas un bâtiment impressionnant aux grands vitraux colorés, abritant à nouveau un édifice compliqué tout en hauteur. Entre les racines, en cherchant bien, j'ai juste trouvé une petite maison de poupées, d'à peine une trentaine de centimètres, comme oubliée par les gamins. Curieuse, j'ai ouvert la petite porte entre deux doigts, pour essayer d'observer à l'intérieur, et soudain, il y eut comme une puissante aspiration de l'intérieur, j'ai fermé les yeux, sans comprendre. Quand je les rouvris, j'étais dans la maison de poupée.Étonnée, je rouvrais la petite porte, observais les gens dans l'encadrement, devenus gigantesques, et ait tout de suite refermé quand un museau de Couafarel tenta de s'infiltrer. J'avais rapetissé pour rentrer dans l'arène. Par quelle magie cela était-il possible ?

J'ai passé une petite heure dans cette arène, à me promener de pièces en pièces, à observer tous les objets qui m'entouraient, bien que la plupart soient en plastique, faux et assez peu précis, j'aurais pu rester bien plus longtemps. C'est une arène comme celle-ci que j'aurais voulue construire à Bourg Croquis, c'était comme dans un rêve. Chaque pièce était une merveille, superbement décorée, d'un goût certain, et chaque apprentie étaient de toute beauté. Pas comme celles dans les magazines, c'était la beauté à l'état pur, sans retouche et sans maquillage, vêtue de tenues sophistiquées épousant leurs formes à merveille. J'en rougissais presque, même si j'étais une fille, j'avais un peu l'impression de passer pour un voyeur.Mais je n'avais encore rien vu. La championne m'attendait tout en haut, parée de son kimono de soie, parsemés d'ornements, de perles, de fleurs, de bracelets de tissus. Ses yeux violets, reflétant toute la féerie de son monde, me défièrent sans bruit.

J'étais dans un état second, j'ai eu du mal à réaliser que son Nymphali avait abattu Abel. Alexandra, folle de rage, termina le combat. Nous avions obtenu le sixième badge et perdu un ami qui nous étaient cher.

La championne, à nouveau, ne prononça pas un mot.

Elle posa sa main sur lui, et j'eus une lueur d'espoir qu'elle pourrait peut-être, avec ses pouvoirs, le ranimer. Mais rien à faire. La jeune fille se pencha cérémonieusement vers nous, en signe de deuil, et nous rendit notre taille normale.

 

* * *

 

J'ai pleuré seulement une fois dehors, quand je me suis retrouvé face au monde cruel qu'était le nôtre. Là où nous ne pouvions pas devenir une poupée pour vivre dans le confort d'une vie en miniature, en oubliant nos soucis. Là où sans raison, nous perdions un ami au combat, quand les autres pouvaient les faire combattre à mort et les sauver tout de même.

Alexandra m'aida à le porter dans la clairière bordant le village. J'ai fait sortir tout le monde et Alexandra, Nono, Millie, Louane, même Quetzalcoatl, m'aidèrent à creuser pour notre ami une tombe à sa taille, sous un grand arbre en fleur. J'en ai cueilli quelques-unes pour les poser sur la terre retournée, et Alexandra fit de même, alors qu'elle ne devait pas savoir ce que cela signifiait. Mais face à la mort, nous étions pourtant tous égaux, pokémon comme humains. Impuissants, et incroyablement tristes. C'était la huitième fois que je vivais pareille scène. Millie également. Et même si nous ne nous comprenions pas, je voyais dans ses yeux, et dans ceux de tous les autres, que les cicatrices se rouvraient, que nous avions tous plus ou moins perdu notre innocence, la première fois que nous avions vus un de nos camarade tomber.

Alexandra, qui était très proche de Abel le Ronflex, et qui vivait sûrement ce genre de choses pour la première fois, s’asseya auprès de lui, et je l'entendis gémir à voix basse. Louane la rejoint, posant son cou sur son épaule, et Nono s'allongea auprès d'eux deux. Moi aussi, je me suis assis en face à la tombe de mon pokémon défunt, et je fermais les yeux, pour demander à Dedenne-le-grand de prendre soin de lui, de veiller qu'il aurait toujours assez de lavacookie dans ce qui s'apparentait à son paradis.

« Eh bien Cynthia, ça n'a pas l'air joyeux tout ça. »

 

* * *

 

Je me suis figée en reconnaissant la voix qui venait de surgir devant moi. Instantanément prise dans un piège duquel je ne pourrais me sortir, je comprenais que mon imposture ne pourrait durer bien longtemps et que je suis, à partir de cet instant, dans une situation effroyable.

Je ne voulais pas me retourner. Lui faisant dos, je demandais à l'intrus :

« Jessica, vas-t'en. Tu n'as pas le droit de décider à ma place.

-Oh mais chérie, encore faudrait-il que tu aies quelqu'un avec toi. Ne serait-ce que la loi. »

Je me suis relevé avant de me tourner vers... elle. Je me retrouvais face à mon reflet, face à mon propre visage. Jessica était là, en habit civil, assez… Sexy... Un short minuscule sans collants et un petit haut qui laissait apparaître son nombril. Je reconnaissais ces vêtements, que je lui avais donné avant de partir. C'était peut-être la première fois qu'elle pouvait s'habiller ainsi en public, bien que nous ayons toutes deux une garde-robe pour la maison. Mais nous n’étions plus à la maison, et je ne ressentais aucune paix, aucune joie, à la voir s’habiller comme nous le souhaitions. J’avais la gorge serrée et les larmes au bord des yeux

« Pourquoi as-tu couper tes cheveux ?

-Je dois y aller.

-C'est ça. Tu te débarrasseras pas de moi cette fois. »

La peur me fit exploser :

« Lâche-moi ! Toi aussi tu as rêvée d'autres choses non ? J'ai une chance d'accomplir mon rêve, tu devrais me comprendre ! Même ma MÈRE a fini par me couvrir ! Il n'y a que toi qui ne s'y fais pas ! »

La jeune fille, nullement touchée par mes paroles, se mit à ricaner, visiblement amusée de ma colère :

« Mais tu ne te souviens pas, Cynthia ? C'est toi qui m'as fait renoncer à ces rêves-là. C'est toi qui m'as remis dans le bon chemin, avec tes belles promesses de roses et de paillettes. Et voilà que tu t'en vas sans un mot à ta petite amie. Que j'ai été niaise de croire à l'amour. »

Qu'elle était froide. Nos visages étaient les mêmes, mais plus rien ne serait jamais pareil, ça se voyait. J'avais devant moi une femme. Mon sentiment de peur s'est renforcé. Je connaissais Jessica, et elle ne reculerait devant rien si elle avait une idée en tête. Il n'y avait que moi qui ai pu la convaincre de ne pas s'engager dans la team Rocket pour fuir son destin. Et elle ne me croirait plus jamais.

Alexandra, Nono et les autres s'étaient relevés, sentant la menace, prêts à intervenir. Je ne savais plus quoi faire.

« Je suis sincèrement désolée, Jessica, mais là... »

Je n'eus même pas à trouver la fin de ma phrase que Sannah me fit sursauter, déboulant de nulle part, comme un miracle.

« Joël ! Je te trouve enfin ! La team Flare a investi l'usine à pokéball ! Viens avec moi, les autres sont déjà là-bas ! 

-La team Flare ?! Quelle horreur ! Il faut les arrêter ! » criais-je d’un air faussement choqué en la suivant, laissant Jessica derrière moi. Pour une fois, je les aimais bien, ces tarés en uniforme rouge, si ils pouvaient me tirer de situations pareilles.

 

* * *

 

Là-bas il y avait un sacré bazar. Des gens étaient pris en otage à l'intérieur, et pour une fois ce n’était pas passé inaperçu. Toute la presse entourait le bâtiment, mais me laissa passer à grands cris quand je fus reconnu.

« C'est Joël ! Laissez passer Joël, le dresseur de la télé ! 

-Ouais ouais, bah commences par te pousser toi déjà. »

Je comprenais rien à ce qu'il se passait en arrivant. J'avais perdu Sannah entre-temps, mais Serena et Tierno étaient devant la porte. J'eus un coup au coeur en voyant Titi, mais ce n'était pas le temps de minauder.

« Serena, c'est quoi le plan ? »

On s’est introduit dans le bâtiment après que l’on se soit mis d’accord pour que Titi monte la garde, la faute aux journaleux. On n’avait pas de temps à perdre. Très vite, des sbires ont rappliqué en masse dans le bâtiment sombre. Ça allait, ça entraînait mes pokémons, mes adversaires étaient assez faibles. J'ai perdu Serena à force de combattre à droite à gauche, on avait à faire.

Maintenant que je savais que tout ça, je ne pourrais peut-être plus le faire d'ici quelques heures, je trouvais enfin, pour la première fois, un intérêt aux combats. L'adrénaline et la sensation de combattre avec ses pokémons, de pouvoir découvrir ceux des autres, remplissaient mon crâne et venait y remplacer mes petits tracas. Je comprenais un peu mieux les progrès que j'avais pu faire en quelques semaines passées sur les routes, et ce que signifiait, pour un dresseur, de combattre. Même si je n'usais pas de mes poings directement, c'était tout comme. J'investissais toute ma personne, au travers de mes pokémons et je fusionnais avec eux dans le combat.Quand les sbires furent tous vaincus, et la voie libre jusqu'au bureau du PDG de l'usine où se cachaient les responsables de ce ramdam, j'en tirais un profond sentiment d'accomplissement. Tout en ayant au travers de la gorge la sensation que c'était peut-être… Sûrement la dernière fois.

Dans le bureau, il y avait effectivement trois responsables de la team Flare venus racketter le président, gérant, ou quelque gars important et blindé de thunes qui possédaient ce genre d'endroit. Grand Dedenne sait que je me passerais bien de devoir aider ce genre de vieillard et de me mêler à des affaires de politiciens, mais les circonstances m'amenaient toujours sur la route de ces bonnes dames en rouge.

« C'est toi le morveux qui a vaincu Ancolie à la centrale ? »

Bah oui, faut croire. Mais t'sais je m'en foutais total de ta copine, je ne sais même plus pourquoi je suis entré dans cette centrale. Et je comprends même pas ce que vous foutez ici, faut croire que le grand Joël est trop intelligent pour qu'on lui explique la politique de ce foutu pays.

Face à moi je ne trouvais pas de cruelles terroristes sans pitié, seulement une bande d'hystériques trépignant à chaque fois que l'un de leurs pokémon tombait au combat, chouinant sur un bout de terre, de boue ou de suie, qui s'était accroché à leur uniforme et se lançant des piques sans raison plutôt que de chercher à s'entraider. Est-ce que je ressemblais à ça il y a quelques semaines ? Est-ce qu'avant de partir, j'avais pour modèles des femmes aussi superficielles et fausses ? Jessica a-t-elle gardé les photos de Jessie trouvées dans les magazines à scandales qu'elle affichait sur les murs de sa chambre à Lavandia ? Est-ce que j'ai changé, au point de ne plus jamais pouvoir renouer quelque chose avec celle qui fut, autrefois, mon amie la plus chère ? Je ne savais plus qu’en penser, mais j'avais la possibilité d'oublier à nouveau toutes ces questions qui m'assaillent, en luttant, avec mes pokémons, pour la cause la plus juste qui soit. Guider les humains, les Joëlles et les pokémons vers un avenir meilleur, fait d'unité et en parfaite égalité.

Il restait deux responsables à combattre, et mon équipe commençait à faillir. Je n'avais plus si confiance en moi et craignait sincèrement pour leur vie, quand Serena arriva en ouvrant toute grande la porte.

« Me voilà ! Désolée du retard ! »

Je lui souriais. Son aide ne serait pas de trop. Et je pourrais faire avec ma rivale un dernier combat, dans le même camp. Je lui tendais une main ouverte, essayais de lui lancer ce regard franc, d'égal à égal, qui m'avait tant marqué chez Lino, le deuxième champion. Comme pour lui dire, sans oser le formuler :Pokémon, Joëlle et humaine, combattons ensemble, d'égal à égal

Elle répondit à mon regard, prit ma main, fit une révérence avec moi à nos adversaires, avant de lancer son Mystigrix sur le terrain, aux côtés d’Alexandra.

Et ce fut finalement avec son Absol que mon Hariyama mit fin au combat. Les deux en uniforme s'enfuirent sur les traces de leur manager qui était partie avant elles, en trépignant de jalousie. J'ai regardé Serena, ait faite une nouvelle révérence par taquinerie, ce qu'elle sembla plutôt bien prendre puisqu'elle répondit de la même manière.

Nous sommes sortis de l'usine, clamés par la foule, avec pour chacune de nous, une master ball et une maxi pépite, données en récompense par le président de l'usine, content d'avoir sauvé sa production de l'année. Bien que je n'aie aucune utilité d'aucun des deux cadeaux, ça ferait toujours un souvenir.

Sannah, Tierno et Trovato nous attendaient plus loin, et nous avons pu les rejoindre après avoir répondu à quelques interviews, nous ferons probablement la une des journaux. Je n'ai remarqué qu'au dernier moment que Jessica était avec eux. Mon cœur s'est serré à nouveau, les larmes sont montées à mes yeux.

Grand Dedenne, que faire ?

Serena et tous les autres ne comprenaient pas la raison de sa présence, et encore moins pourquoi ça me mettait aussi mal.

« Excusez-moi, vous êtes infirmière Joëlle ? »

Avec sa froideur habituelle, Jessica lui répondit, en faisant un geste dans ma direction pour que je la rejoigne.

« T'occupe, gamine. Viens Cynthia, j'ai pris une chambre au centre, on doit parler. »

Je suis restée immobile. Trovato se tourna vers moi, visiblement très choqué. Serena et Sannah ne comprenaient pas.Si je prononçais un mot, je ne pourrais plus retenir mes larmes. Je serrais la lanière de mon sac, contenant mes cinq pokéballs, mes amis.

« Cynthia, ne me force pas à faire un scandale devant tes petits potes. »

Je baissais la tête, fit un pas vers elle, prise au piège, mais un bras protecteur se posa autour de mes épaules. Surprise, je tournais la tête vers Tierno. Il me sourit.

« Mademoiselle, ce jeune homme s'appelle Joël. Et je crois qu'il ne souhaite pas vous suivre. »

Ce fut au tour de Jessica d'ouvrir de grands yeux. Pour finalement éclater de rire. Ce rire sonore mais qui n'en restait pas moins glacial, il alerta les quelques journalistes encore présents, qui commençaient à se rapprocher. Je n'entendais quasiment plus que ma respiration hâtive et les battements de mon cœur affolé.

« C'est ÇA que t'as fais croire à tes potes ?! Que t'es un mec ? Qui s'appelle Joël ! Et vous avez gobé ça, bande d'ahuris ? Je savais que les Kalosiens étaient attardés mais à ce point ça bat des records. »

Elle vit les journalistes arriver. J'ai vu son sourire, je me suis figé. J'ai lancé un regard empli d'inquiétude à Tierno. Non, ça n'allait pas aller, et tous les sourires du monde ne pourraient jamais rien y changer. Oh Tierno je suis tellement désolé.

« Oh les journaleux ! Approchez, vous voulez un scoop sur votre starlette ?!

-Arrête Jessica ! Tais-toi, je t'en prie. Je te suis. »

Triomphante, elle m'a tendu une main, que je pris à contre-coeur. Avant de partir, sûrement à jamais, je me tournais une dernière fois, pour faire face à ceux qui furent mes compagnons, malgré nos différends.Leurs visages, tristes, déçus, stupéfaits, inquiets et surtout, celui de Tierno. Celui de la compassion.

 

* * *

 

Alors Dedenne, c'est ça, l'aventure que tu m'as réservé. Des actes manqués, de la honte, des espoirs brisés. Je pensais que je pourrais faire changer les choses, que JE pourrais changer, devenir celle que j'ai toujours rêvée d'être. Ai-je fait une erreur ? Est-ce que je t'ai déçu ? Suis-je donc destinée à n'être rien d'autre que l'infirmière que j'étais destinée à être, coincée dans une condition qui ne me convient pas ?

Dans quelques jours, je réintégrerais un centre avec une femme qui désormais me fait peur, pour mentir à des enfants et faire comprendre à des adolescentes toutes semblables qu'elles ne sont et ne resteront que des sous humains.

Est-ce que tu penses que je serais plus heureuse comme ça ?

Jessica sortit de la salle de bain dans un nuage de vapeur, à moitié nue, une serviette autour de la taille, l'une enroulant ses longs cheveux roses. Je la regardais avec des yeux vitreux. J'étais restée parfaitement immobile depuis mon arrivée pour ne pas lui montrer que je tremblais de peur de partir, et d'abandonner ici, mes six badges, mes cinq pokémons et tous mes rêves avec.

« Tu veux te doucher ? L'avion part dans la campagne demain, on aura de la route à faire. Il faudra qu'on passe par Neuvartault pour informer ta mère en plus. »

Je faisais un signe de la tête pour lui faire comprendre que non, je ne voulais pas prendre une douche. Je ne voulais plus rien. J'entendis ma compagne monter sur le lit, se placer à côté de moi en silence. Elle sentait le savon et le shampoing. Elle s'est penchée vers moi, m'a retiré mon chapeau, passa sa main dans mes cheveux courts.

« Mais quelle horreur… Il y a des feuilles dedans, tu dormais dehors ou quoi ? Regarde-toi, une vraie folle... »

C'était toi, la folle qui dormais dans les arbres, quand nous étions enfants.

J'ai gardé mes pensées pour moi, je l'ai laissée me caresser les cheveux, me parler comme à une gamine. Je l'ai laissée me prendre dans ses bras nus, me susurrer à l'oreille ses mots doux qui se voulaient sûrement rassurants. Comme quoi tout irait bien, qu'on serait ensemble, à vivre dans un hôpital jusqu'à la fin de nos jours, mais ensemble. Qu'elle me pardonnait tout, qu'elle m'aimait, que j'étais la personne qui comptait le plus au monde, pour elle. Et je savais que c'était des mots bien plus lourds que ceux de la petite Sannah, ignorant encore tout du monde qui l'entoure. Les sentiments de Jessica n'étaient pas si purs, mais réels… Et j'y avais répondu.

 

Alors, c'est tout naturel que je la laisse m'embrasser, que je la laisse me renverser sur le lit, m'enlever mon t-shirt et découvrir cette poitrine bandée qui me faisait souffrir.

Ce soir là nous avions fait nos serments. Le serment d'appartenir chacune à l'autre, comme si appartenir à une société nous laissant mises pour compte n'était pas suffisant.

Mais puisque je lui appartenais, il est même de mon devoir de la laisser défaire mes bandages, caresser mes plaies, m'embrasser encore, défaire mon pantalon.

Ce soir-là j'avais la ferme intention de lui faire part de mes plans, de m'excuser, de partir, même de lui proposer de venir avec moi. Si elle, ne m'avait pas fait part de ses plans de s'enrôler dans la team rocket, je lui aurais dit.

Mais puisque je l'ai dissuadée de poursuivre ses rêves parce que j'avais peur qu'elle ne soit plus jamais la même, c'est normal que je ne dise rien quand nos sous-vêtements sont tombés à terre, quand elle m'a embrassé encore, quand sa serviette est tombée pour découvrir un corps, en tout point l'identique du mien.

J'aurais dû lui dire et j'aurais pu lui dire. J'aurais pu lui envoyer un message pour m'excuser, une carte, n'importe quoi de mieux que d'ignorer ses sentiments et tout ce que nous avions pu vivre ensemble.

Alors quoi de plus normal que je gémisse à ses caresses, que je les lui rendes pour la faire gémir à son tour.

Et puisque je lui avais dit ''je t'aime'' ce soir-là pour la garder, alors même que le lendemain j'étais partie, je lui ai répété dans la lumière de la nuit, une dizaine, une centaine de fois, durant nos ébats pour me convaincre d'un amour que je savais, ne pouvoir ressentir.

 

* * *

Jessica s'est endormie paisiblement dans mes bras et moi, je regardais dans la lumière lunaire son corps et ses longs cheveux le couvrant. Ça aurait été bien moins douloureux si j'avais pu m'endormir comme elle, sans cette peur immense au ventre, celle d'avoir trahi tous ceux que je commençais à aimer, moi y compris. Dans cette situation, c'était sûrement bien plus simple de vivre avec mon amie d'enfance dans un chemin qui était tout tracé, puisqu'elle acceptait de tourner la page sur mon erreur de jeunesse. Bien plus simple que de m'enfuir dans la nuit, partir en course-poursuite jusqu'à la ligue, en ne me fiant qu'à mes pokémons et un hypothétique dieu au-dessus de ma tête. Tellement plus facile que de devoir expliquer à Serena, Sannah, Trovato, Tierno et peut-être à Kalos tout entière que je leur ai mentit depuis le départ.

Cette pensée, elle continua de me hanter quand je me suis relevée, rhabillée à la hâte dans le plus grand silence, amassée mes affaires et quand, découvrant que la porte était verrouillée, j'ai décidé de sauter du haut des deux étages. Si Quetzalcoatl n'était pas sorti en urgence de sa pokéball pour me faire léviter avant de toucher le sol, je me serais sûrement cassé une jambe.

Je ne savais pas ce que je faisais, comment je le ferais, mais maintenant, je n'avais plus qu'un objectif : atteindre la ligue. Au plus vite. Et qui sait ce qu'il se passera après, je ne pouvais pas accepter de m'arrêter en cours de route.

Je devais y arriver.J'allais y arriver.

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