Nous voulions simplement être des héros...

Chapitre 12 : Dans les égouts

1889 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 08/12/2016 22:14

Raphaël ouvrait la voie, courant à perdre haleine. Boulard, dans son sillage, soutenait Duncan, ce qui n'arrangeait en rien sa lenteur naturelle. Dans les rues adjacentes, les aboiements se rapprochaient. La police et ses Caninos dressés étaient sur leur piste. Bientôt, grâce à leur flair infaillible, ils les auraient rattrapés.

- Plus vite ! encouragea le Carabaffe.

- Je ne... peux pas.

Boulard haletait bruyamment. Il était épuisé et, surtout, il avait faim. En lui jetant un regard par-dessus son épaule, Raphaël comprit que, sauf si un miracle venait à se produire, ils seraient sous peu entre les crocs des chiens de feu. Alors qu'il ramenait son attention devant lui, il trébucha et tomba sur l'asphalte, les bras tendus pour amortir sa chute.

Sa patte avait heurté le pourtour inégal d'une bouche d'égout. De mauvaise humeur, ce qui était fréquent chez lui, le Carabaffe l'insulta violemment, le poing serré, avant de s'interrompre. Il la fixa quelques instants, sans même cligner des yeux. Il venait d'avoir une idée.

- Par ici, Boulard ! s'exclama-t-il.

Il s'agenouilla et souleva le couvercle, dévoilant un trou béant qui donnait sur un boyau vertical, dont le fond se perdait dans les ténèbres. Une odeur nauséabonde s'en dégageait. Même Raphaël, qui n'était pas d'une nature aussi délicate qu'Ashton, se pinça le nez de dégoût.

- Quoi ? Tu veux que nous descendions là-dedans ? C'est le repaire des pokémon poison, et c'est sûrement très dangereux.

- Toujours moins que de se laisser reprendre par la police. Cette puanteur masquera notre odeur et les Caninos seront incapables de nous flairer, même s'ils ont l'idée de nous suivre là-dessous.

Boulard, qui avait désormais rejoint son ami, observa l'ouverture sombre avec méfiance, puis se tourna vers Duncan, attendant son avis. Bien que le jeune homme n'ait plus son oreillette en sa possession pour traduire les paroles de ses partenaires, il comprit presque aussitôt le plan de Raphaël.

- Le monde sous-terrain, ça nous connaît, non ? Allons-y.

Il était pressé de fuir la surface et d'échapper à leurs poursuivants. Même s'il commençait à recouvrer toutes ses facultés, il ne sentirait réellement mieux que lorsqu'il serait en sécurité, loin de tout contact humain. Il préférait encore rencontrer des hordes de pokémon plutôt que de rester une seconde de plus ici.

Boulard, minoritaire, capitula à contrecœur. Sur ordre de son compagnon Carabaffe, il fut le premier à s'enfoncer dans le boyau, tremblant de peur à la pensée des créatures hostiles qui pourraient le guetter en bas. Tandis qu'il s'accrochait aux barreaux rouillés pour s'enfoncer dans les ténèbres, il songeait à des baies fraive, dont le souvenir lui permettait presque d'amoindrir la répugnante senteur environnante.

Duncan le suivit, et Raphaël vint ensuite. Il repositionna soigneusement la bouche égout à sa suite, ce qui les plongea dans le noir le plus complet. Le seul moyen qu'ils avaient de se repérer était le toucher. Ils surent qu'ils avaient atteint le sol lorsqu'ils le sentirent sous leurs pattes, et se déplacèrent en prenant appui contre une paroi humide, couverte de moisissures.

- Qu'est-ce que c'est que ce bruit ? s'enquit soudain Boulard, inquiet. Vous entendez ?

- Non, rien du tout. Est-ce que tu peux lâcher ma carapace, à présent, avant que je ne te balance un Hydrocanon ?

- Je te jure que j'entends quelque chose, Raph ! On dirait... de l'eau.

Un bruit sourd retentit, comme si quelque chose venait de heurter le sol en béton. Sentant une masse venir choir juste devant ses pieds, Duncan, persuadé que le Goinfrex s'était évanoui, comme chaque fois que la peur l'habitait, appela :

- Boulard ?

- Ashton a toujours dit qu'il faudrait le jeter dans une piscine et lui interdire d'en sortir tant qu'il ne saurait pas nager... soupira le pokémon gourmand.

Contre toute attente, c'était Raphaël qui avait perdu connaissance, tétanisé à l'idée d'être confronté avec son ennemi juré : l'élément aquatique. Puisqu'il ne savait pas nager, malgré son type, il se figeait dès lors qu'il se trouvait à proximité d'un bassin, d'un cours d'eau, ou n'importe quoi d'assez profond pour lui laisser courir le risque de se noyer.

- Raph ! s'écria Boulard en le saisissant par les épaules pour le secouer. Raph, debout ! Tu m'as assez houspillé tout au long du chemin, maintenant c'est à mon tour. Un peu de courage, mon vieux !

- Faisons plutôt demi-tour, d'accord ? proposa la tortue lorsqu'elle fut revenue à elle. Cherchons un autre chemin. Un chemin où il n'y aurait pas d'eau, par exemple.

- Nous sommes dans les égouts. Quel que soit le souterrain que nous empruntons, nous en croiserons forcément tôt ou tard. Avec un peu de chance, nous n'aurons pas à la traverser. Il y aura peut-être un rebord sur lequel nous pourrons continuer à avancer.

- Et s'il n'y en a pas ?

Boulard ouvrit la bouche pour répondre, mais il la referma aussitôt. Il savait que Raphaël n'accepterait jamais de traverser la moindre zone d'eau, quelle que soit sa profondeur. Ce serait comme demander au Goinfrex de passer devant une pâtisserie sans contempler la vitrine avec un filet de bave.

Tandis qu'il cherchait les mots pour tenter de convaincre son partenaire d'avancer tant que cela était possible, un raclement se fit entendre au-dessus d'eux. Le son se répercuta en écho et un fin rai de lumière, de forme arrondie, se découpa. Ils étaient juste sous une bouche d'égout, que quelqu'un était en train d'ouvrir.

- Ils nous ont retrouvés ! s'égosilla Boulard. Filons !

À la simple pensée que leurs poursuivants aient pu les rattraper, Duncan s'était figé. Raphaël ne fut pas plus réactif que lui, paralysé à l'idée de tomber dans un cours d'eau s'il poursuivait sa route. De toutes ses forces, le Goinfrex se mit en devoir de les tirer dans son sillage, afin de ne pas les abandonner.

***

Dexylo acheva de pousser le cercle métallique qui recouvrait un trou béant et ténébreux, puis s'écarta pour permettre à Zaiyad, Vanille, Ashton et Willy de pencher la tête à l'intérieur. Ils ne distinguaient strictement rien, à l'exception de l'obscurité. Des cris, en revanche, leur parvenaient du souterrain.

- Mon instinct de pokémon psy ne m'a pas trompée ! constata la Gardevoir avec orgueil. Ils sont bel et bien en bas.

- Pas question que je descende là-dedans, indiqua Willy. Les Rattata qui vivent dans les égouts sont pour la majeure partie d'entre eux porteurs de la rage.

- Je me serais volontiers porté volontaire, mais utiliser une échelle quand on se déplace sur quatre pattes n'est pas recommandé, souligna Zaiyad.

Ses yeux, ainsi que ceux du Chimpenfeu, se tournèrent vers Ashton, qui secoua la tête en signe de dénégation. Elle était déjà répugnante, couverte de suie et d'acétone. Il était exclu qu'en plus de cela, elle se résolve à pénétrer dans un souterrain aussi nauséabond.

- Bon, Vanille... soupira le chef de la bande. Je crains qu'il ne reste plus que toi.

L'Hélédelle se déplaça en sautillant autour de la bouche d'égout, évaluant le meilleur angle pour sauter dans le vide et déployer ses ailes avant de s'écraser en bas. Elle était en train d'y réfléchir lorsqu'un bruit d'éclaboussures leur parvint, suivi de près par deux hurlements assourdissants :

- Raphaël !

C'était la voix de Boulard, qui se confondait avec celle de Duncan. Les quatre amis échangèrent un regard, puis Ashton, malgré son dégoût, se rua vers l'échelle, qu'elle dévala en négligeant la moitié des barreaux. Une poignée de secondes plus tard, elle sautait avec grâce sur le sol crasseux.

- Zaiyad ! Éclaire-moi !

Depuis la surface, le Luxray envoya un Flash puissant qui illumina les alentours. Elle repéra rapidement le Goinfrex qui se tenait aux côtés de son humain, sur la rive d'un ruisseau d'eau putride. Raphaël s'y débattait, peinant à se maintenir à la surface.

- Écartez-vous ! ordonna Ashton.

Avant que son maître et Boulard n'aient eu le temps de réagir, elle plongeait, ignorant son haut-le-cœur. En deux brasses, elle rejoignit le Carabaffe, qui était sur le point d'être englouti, et le ramena jusqu'au rivage, sous l'œil ébahi des deux autres.

- Mais... Mais... bredouilla le Goinfrex. Ashton ?

- Ne reste pas planté là, imbécile ! Viens plutôt m'aider !

Elle était accoudée à la bordure bétonnée et calait de son bras libre Raphaël contre son flanc. Boulard secoua la tête afin de chasser sa surprise, puis s'accroupit pour tendre une patte à son amie, pendant que Duncan en faisait de même. Joignant leurs forces, ils la tirèrent sur la terre ferme.

Ashton s'empressa de se mettre debout, pour observer son corps d'un air révulsé. À ses pieds, le Carabaffe toussait à s'en brûler les poumons. Il n'avait pas fini de crachoter lorsqu'elle lui infligea un coup violent à l'arrière de la nuque, qui le fit chanceler vers l'avant.

- Espèce d'abruti ! Tu as vu dans quel état je suis à cause de toi ? le tança-t-elle.

- Je ne t'ai pas demandé de me sauver la vie, il me semble, répliqua-t-il, la voix irritée. Entre t'être redevable et me noyer, la noyade me paraissait plus douce. La seule satisfaction que je retire de cette situation, c'est de voir Princesse Ashton couverte d'excréments.

L'intéressée l'empoigna par la carapace et lui aurait enfoncé la tête sous l'eau hors de laquelle elle l'avait pourtant tiré si Duncan, anticipant son geste, ne s'était pas interposé. Il avait beau ne pas comprendre leurs propos avec exactitude, il savait qu'ils étaient en train de se disputer, comme à l'accoutumée.

- Ashton ! appela Zaiyad. Boulard, Raph, Duncan ! Remontez, maintenant ! Je vous rappelle que le temps nous est compté. La police est à nos trousses et nous devons encore renvoyer Dexylo sur sa planète.

- Nous nous sommes cachés ici justement pour échapper aux officiers, indiqua Boulard en prenant la direction de l'échelle. Vous n'avez vu personne ?

- Non. En même temps, avec cette puanteur, même le flair d'un Arcanin n'aurait pas pu vous localiser ici, grommela Ashton.

Elle se sentait sale, collante, et elle avait envie de se nettoyer au plus vite. Elle songea à la baignoire du repaire, et aux huiles de bain qu'elle rangeait dans le petit placard situé juste à côté, avant de déchanter. À présent qu'ils étaient des fugitifs, elle ne risquait pas de retrouver son petit confort de sitôt.

Le cœur serré, elle emboîta le pas à Boulard, et posa sa patte sur le premier barreau. Elle les escalada les uns après les autres, tout en essayant de chasser ses sombres pensées. C'était cependant aussi difficile que d'ignorer l'odeur pestilentielle qui se dégageait d'elle, et qui lui provoquait des nausées à chaque inspiration.

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