Comme une espionne dans une morgue

Chapitre 1 : Prologue

2525 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/01/2018 11:54

           La famille Ai-Chang était très proche de l’empereur. Certains de ses membres étaient même espions pour le compte de l’empereur. Le patriarche comme beaucoup de ses concitoyens exigeait de ses enfants la perfection et le dévouement.

           Kim était l’ainée. Elle savait que sa naissance avait été une déception pour son père. Il s’était donc empressé de faire un autre enfant, un garçon cette fois. Kim et Kei n’avaient donc que quelques mois d’écart.

           Le père leur faisait suivre un entrainement intensif pendant que la mère s’appliquait à leur donner une éducation digne des meilleures écoles du pays.

           L'entraînement consistait en une grande majorité d'épreuves pratiques, parfois en dojo parfois en ville.

           Quand Kim fut majeure et prête à endosser la responsabilité de ses actes, son père la chargea de sa première vraie mission.

-Un enlèvement. L'empereur a des soupçons sur ce ministre. (il lui montra la photo et lui donna son adresse) Tu l'attendras chez lui et tu l'amèneras ici. Nous le questionnerons.

-D'accord. Au service de l'Empereur…

           Elle s'inclina et partit pour sa mission. Elle ne s'attendait pas à ce qu'elle soit facile. Sa cible avait sans doute ses propres espions prêts à la tuer. Il fallait être plus rapide.

           Elle ne tarda pas à arriver à proximité de la maison. Elle aperçut un espion sur le toit. Dès qu'elle approcherait, il l'empêcherait d'aller plus loin. Elle n'aurait pas le choix… Elle approcha, respira lentement, concentrée sur le geste à accomplir. Il n'était peut-être pas nécessaire de tuer. Son père lui avait donné une dose de M-99 un anesthésiant habituellement utilisé pour les chevaux. Elle se jeta sur l'espion et lui administra la dose d'un geste vif et habile; il tomba en quelques secondes. Kim s'introduisit dans la maison silencieusement.

-Vous, suivez-moi, dit-elle au ministre en le menaçant de son arme.

-Pour quoi ?

-Pas de discussion.

           Elle vit qu'elle avait toujours le M-99 mais pas le poison. Elle avait tué l'espion, ce qui était plutôt commode, en fait.

-En voiture.

           Elle lui passa un collier étrangleur autour du cou. Au moindre faux pas, elle tirait sur la laisse et l'homme s'étranglait, il avait tout intérêt à coopérer.

-Arrêtez-vous là.

           L'homme coupa le moteur. Elle l'emmena dans la salle prévue pour l'interrogatoire.

-Assis, ordonna son père au prisonnier.

           Comme son père ne lui donnait aucune consigne, Kim supposa qu'elle devait rester. Kei attacha solidement le ministre.

-Qui vous envoie ?

-Je dirais bien qu'il est de moindre importance mais ce serait mentir. Avez-vous menti à l'Empereur, Monsieur le ministre ?

           L'interrogatoire dura longtemps, sans doute plusieurs heures. Le ministre avoua tout sous la torture.

-Ramène-le chez lui.

           Kim s'exécuta. Bien que choquée, elle devait continuer sur cette voie. Rester stoïque face à la violence car c'était pour le bien…

-va dormir, lui ordonna son père à peine fut-elle rentrée.

           Deux ans passèrent ainsi, les missions étaient chaque fois plus dangereuses. Pourtant Kim s'en sortait avec brio. Un soir de juin, elle en eut assez que son père ne lui adresse pas le moindre compliment. Elle prépara ses affaires, qui incluaient des vêtements en textile ultra-résistant et des armes de toutes sortes. A mesure qu'elle les préparait au voyage, elle pensait à la difficulté d'entrer sur le territoire américain aussi lourdement armé et se mit à chercher des papiers le lui permettant.

-C'est ça que tu cherches ? lui demanda son père qui avait le papier dans la main.

-Oui, père. Etes-vous fâché ?

-Je me doutais que ce moment arriverait, celui où tu voudrais partir. Je le comprends et je t'y encourage. Je sais que tu n'oublieras jamais d'où tu viens.

           Il lui tendit le papier.

-Bonne chance et sois prudente.

-Merci, Père.

           Et Kim partit vers l'aéroport de Tokyo direction les Etats-Unis.

           L'avion atterrit à l'aéroport Kennedy, à New York city. Une ville que Kim avait toujours voulu découvrir. Après les quelques huit heures qu'avait duré le voyage, elle se sentait libre. Sa mère lui avait enseigné l'anglais jusqu'à ce que son accent ne s'entende pas. Trouver un appartement ne lui prit pas plus d'une heure.

           Le plus dur fut de convaincre le propriétaire de lui céder l'appartement.

-Vous n'avez pas de garant en cas de non-paiement des loyers…

-C'est l'Etat du Japon mon garant.

           Elle lui montra le document.

-Ca vous dépasse, Monsieur. Ma situation n'est pas commune et j'ai besoin de cet appartement. Vous serez payé tous les mois comme convenu. Au Japon, nous mettons un point d'honneur à remplir nos obligations.

-… (Le propriétaire restait sceptique).

-Laissez-moi le temps de trouver un travail et je vous enverrais les papiers le plus rapidement possible. S'il vous plait… Je viens tout juste d'arriver aux Etats-Unis…

-C'est ce qui m'inquiète.

-Les documents que je vous ai montrés sont authentiques, délivrés par l'Empereur lui-même. Faites-moi confiance.

-… D'accord. Mais au moindre problème…

-Il n'y en aura pas, monsieur, je vous en donne ma parole.

           Une fois qu’elle eut posé ses bagages dans le petit appartement, Kim alla à l’épicerie la plus proche pour se ravitailler. Elle s’apprêtait à rejoindre la caisse quand un braqueur arriva. Elle se cacha dans un rayon et observa.

-Donne la caisse, grouille, ou je te flingue ! dit l’homme masqué en menaçant l’épicier d’un pistolet.

           Elle ne pouvait pas rester là, sans intervenir. Elle tenta la première chose qui lui vint à l’esprit.

-Police de New York ! Lâche ton arme !

           Le braqueur tira plusieurs coups de feu dans sa direction. Kim répliqua d’un seul, qui désarma le voleur. Elle l’immobilisa.

           L’échange de coups de feu avait alerté une patrouille de police.

-Qu’est-ce qui se passe ici ?

-Il a voulu me voler. Elle m’a sauvé la vie…

-Qui êtes-vous ?

-Kim Butler.

-Vous êtes de la police ? du FBI ? de la CIA ?

-Non.

-… C’est du bon boulot. Votre père est flic ?

-En quelque sorte…

-Vous devriez passer les concours pour devenir agent, vous semblez très compétente.

-Je vais y réfléchir.

-Merci encore. Bonne journée.

           Kim remonta à son appartement avec les courses que l'épicier lui avait offertes en remerciement. Mais elle était troublée : pourquoi ne s'était-elle pas contentée de tuer le braqueur ? Elle l'aurait fait sans hésitation au Japon… Elle avait eu des réflexes de flic, son père aurait qualifié ça de pathétique. Un message apparut sur son écran d'ordinateur "James Dependexe", sa prochaine cible.

           La nuit tombée, elle monta sur le toit de l'immeuble. Rien pendant plusieurs minutes puis… Trois hommes la dépassèrent. Elle les suivit : le premier était sa cible et les deux autres des agents. Elle les maitrisa sans effort.

-On ne bouge plus, Dependexe !

-On a été présenté ?

-Peu importe. Pourquoi ils voulaient te tuer ?

-Les raisons m'échappent parfois. Et vous, qu'est-ce que vous allez faire ?

-Ca dépend de vous.

-A voir votre tenue, vous ne valez pas mieux qu'eux.

-Exact, fit-elle.

-Vous êtes une espionne ? ou une tueuse ? Je ne suis pas sûr qu'ils se relèveront… Pourquoi vous faites ça ?

-C'est la seule chose que je sais faire.

-Faux, aujourd'hui vous avez sauvé des vies. Vous devriez être dans la police et pas tueuse, si vous faites ça par souci de la justice.

           Il parlait beaucoup trop, mais il avait raison. Kim le sentait en son fort intérieur.

-… Filez.

-Comment ?

-Je vous laisse partir.

-Qui dois-je remercier ?

-Kim Butler.

 

           Elle passa les tests pour entrer dans la police dès le lendemain. Le capitaine la convoqua dans son bureau une heure plus tard.

-Au vu des résultats, je dois vous poser quelques questions si vous le permettez.

-Bien sûr.

-D'où venez-vous ?

-Du Japon. C'est mon premier jour ici.

-Que faisiez-vous ? Le lieutenant Miller m'a parlé de votre intervention, il n'en avait jamais vu de telles pour quelqu'un de votre âge.

-J'ai ici un document attestant de mes activités signé de la main de l'Empereur.

           Elle lui tendit.

-Impressionnant. Je vais en référer au gouvernement que vous ne soyez pas embêtée par les formalités.

-Je vous remercie.

-Avez-vous déjà été contrainte de tuer quelqu'un ?

-Oui.

-… Je vous affecte à la brigade criminelle comme lieutenant.

 

           Très vite, Kim s'aperçut que le plus barbant de ce travail était la paperasse. C'est pourquoi elle compensait cet aspect par son travail d'espionne pour son propre compte quand elle en avait le temps. Elle resta plus de trois ans à son poste mais voyagea dans d'autres villes, sans pour autant évoluer car certaines compétences faisaient défaut : l'esprit d'équipe et la gestion des heures supplémentaires.

-Vous devriez voir comment ça se passe à la morgue, lui dit un jour son capitaine à Las Vegas. Ca vous mettrait dans la tête que le travail en équipe est primordial.

           Kim passa une semaine entière aux côtés de l’équipe de médecins légistes et de criminologues. Bien qu’elle aimait beaucoup le fait d’enquêter, elle trouvait cela très satisfaisant de voir un criminel mort. Ce petit stage lui permit de renouer avec ses bases de science et son don d'observation. Elle se mit à tuer des malfaiteurs ou du moins à les neutraliser jusqu'à ce que la police arrive.

           Kim était rentrée chez elle depuis une heure environ quand des fumées apparurent sous la porte. Elle se protégea le visage, suspectant un gaz toxique. Un instant plus tard, des agents spéciaux enfoncèrent la porte et surgirent à l’intérieur. Deux hommes attrapèrent Kim et la sortirent de l’appartement.

           Elle se retrouva dans un camion entourée par les agents spéciaux du FBI à en juger par leurs uniformes.

-Un coup de fil aurait suffi, dit-elle.

-Nous ne nous connaissons pas encore, dit l’agent face à elle.

           Ils arrivèrent au QG où Kim fut longuement interrogée.

-Trois ans que je vis aux Etats-Unis et je n’ai jamais eu le droit à ça.

-Vous avez acquis de l’expérience depuis trois ans, même si vous travailliez dans la police.

-En quoi ça vous intéresse ?

-C’est un recrutement.

-C’est une « procédure standard de recrutement » ?

-Dans votre cas, oui.

-Je ne veux être affiliée à aucune agence quelle qu’elle soit.

-Vous perdrez votre port d’armes dans ce cas et votre immunité.

-C’est du chantage.

-Exactement. Mais voyez ça comme un moyen d’acquérir plus d’expérience et de liberté.

-Vous savez déjà ce que je fais, vous croyez que j'ai besoin de plus de liberté ?

-Comme je le disais, vous serez également protégée.

 

           Mais la protection ne suffit pas. Kim ne se limitait pas aux cibles qu'on lui donnait et le gouvernement s'en aperçut. Une poignée de gorilles en costumes trois-pièces débarqua dans son appartement.

-Kim Butler ?

           Elle acquiesça.

-Qui êtes-vous ?

-Asseyez-vous et ne bougez pas.

           Elle eut un moment d'hésitation et s'exécuta.

           Une femme aux cheveux blonds fit son apparition.

-C'est bien elle, Madame.

-Bien. Puis-je ?

           Kim n'avait pas trop le choix…

-Vos exploits me sont parvenus, Kim.

-Qui êtes-vous ?

-Ils sont également parvenus au président. Mais je voulais avoir une entrevue avec vous. Pour vous connaitre. J'ai l'habitude travailler avec des meurtriers.

-Le président va vous recevoir.

 

-Kim Butler, je présume ?

-Oui, Monsieur le président.

-Vous savez pourquoi vous êtes ici, n'est-ce pas ?

-vous avez une mission pour moi ?

-Non, pas exactement. On m'a beaucoup parlé de vous, d'où vous venez, ce que vous savez faire, ce que vous avez fait en venant ici… Non, en fait, je vous propose une solution. Je vous propose une sorte de thérapie. On m'a rapporté que la morgue de Boston manquait de personnel, peut-être serait-ce l'endroit idéal pour vous. Vos compétences leur seraient utiles et vous ne feriez rien de mal.

           Kim n'eut d'autre choix que d'accepter. Cependant, personne ne vint récupérer son équipement, elle l'emmena donc avec elle à Boston.


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