À quelques dixièmes près

Chapitre 1 : À quelques dixièmes près

Chapitre final

4110 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/11/2021 22:15

Cette fanfiction participe aux Défis d’écriture du forum Fanfictions .fr : Coupez ! On la refait - (novembre décembre 2021).


La lumière du jour se permettait de pénétrer dans ce grand salon aux allures rustiques. S’agissait-t-il d’ailleurs plus d’une pièce à vivre, ou d’un bureau qui se prolongeait sur chaque parcelle d’espace semblant inoccupée ? C’était une question qui ne devait pas être posée. Çà et là, parcourant les murs, de multiples notes étaient accrochées à l’aide de petites épingles colorées. Parmi elles était fièrement étalé un large planisphère aux couleurs vieillissantes ainsi que quelques peintures d’éléments botaniques et sylvestres, quelques fougères, champignons et autres fleurs des champs. Le bureau placé sous la fenêtre, offrant une vision sur le jardin, était garni d’ouvrages tous plus denses les uns que les autres. Ils s’empilaient là où ils le pouvaient encore, réalisant parfois des pyramides d’un équilibre à toute épreuve, bien qu’au premier regard, il eût été possible d’en préjuger l’inverse. La petite lampe qui s’était fait une place tant bien que mal parmi tous ces amas de pages se révélait indispensable malgré sa discrète présence, afin de scruter les moindres détails des divers reliques et vestiges jonchant le parquet de cette pièce aux teintes chaudes. Sans aucun doute, cela représentait bien là un des meilleurs endroits pour étudier, des heures durant, avec passion, tant de pans de l’histoire immuable, gravée et conservée à travers ces mystérieuses ruines.


À la petite table en bois située au centre de la pièce étaient accolées deux chaises d’aspect confortable. Celles-ci accueillaient volontiers les bavardages enthousiastes de leurs occupants. 


« Tiens, c’est pour toi ! »


Cette phrase au ton guilleret venait d’être prononcée par une jeune femme au doux regard et à la longue chevelure châtain. Elle était habillée d’une chemise et d’un pantalon vert foncé, accompagnés d’une jolie cravate rose. Ses grands yeux d’un franc marron fixaient tendrement, à travers ses lunettes arrondies, l’homme assis près d’elle alors qu’elle venait de déposer sur le bois clair de la table un volumineux paquet vert, enrubanné d’un cordon rouge. Elle attendait avec impatience que la nature de ce présent soit enfin révélée.


« Mais Claire, qu’est-ce donc ?

– Ah, Hershel, ouvre-le, tout simplement ! Tu verras bien. »


Le jeune homme d’une trentaine d’années s’exécuta alors. Le paquet étant d’une hauteur considérable, il se leva pour parvenir à mieux défaire les nœuds des rubans, qui se laissèrent choir.


« Un chapeau… ? »


Un très large sourire s’inscrit alors sur le visage rayonnant de Claire.


« Oui ! Il me tenait à cœur que nous célébrions comme il se doit ta nouvelle carrière de professeur d’archéologie. Félicitations, Hershel !

– Merci beaucoup. »


Le professeur n’eut pas le temps de poursuivre sa phrase que sa chère et tendre le rassit doucement pour ajouter :


« Je tiens à ce que tu sois élégant, pour tes débuts, c’est important ne penses-tu pas ? »


Tout en lui adressant ces mots, elle avait ôté le couvre-chef du nouveau professeur, consistant en une gavroche rouge accordée à son veston de la même couleur. Elle lui avait, à la place, posé son nouveau chapeau. Il s’agissait d’un haut de forme, d’un brun rehaussé par, ici aussi, un ruban rouge.

Alors que la jeune femme s’extasiait, déclarant que son haut de forme lui seyait si bien, Hershel demeurait quant à lui plus dubitatif. Il s’apprêtait à le déposer sur la table quand Claire se précipita vers lui.


« Non ! Non, garde-le je t’en prie… Il te va très bien, sincèrement. Ça te métamorphose, on dirait un vrai gentleman ! »


Lorsque que son regard se posa sur leur imposante horloge, elle bondit sur ses pieds et sa panique se fit perceptible.


« Oh, zut alors !

– Que se passe-t-il, Claire ? Qu’est ce qui ne va pas ?

– Je ne m’en étais pas aperçue, mais il est déjà midi passé. Le temps file quand je le passe avec toi, Hershel, mais il nous faudra poursuivre cette petite fête quand je rentrerai cette nuit, je suis attendue très bientôt au labo ! »


En effet, Claire Foley était physicienne au laboratoire où travaillaient deux scientifiques de renom, Dimitri Allen et Bill Hawks. Tous trois, très impliqués dans leurs recherches, étaient sur le point de réaliser un des plus grands projets de l’humanité, du moins en avaient-ils l’ambition. Une machine à voyager dans le temps. Et Claire en serait la première expérimentatrice. Les trois collègues avaient passé de longues heures dans ce laboratoire afin de voir éclore le fruit de leur labeur.


« C’est déjà le grand jour ?

– Déjà, oui, mais tout de même, nous avons travaillé dessus depuis tant de temps déjà.

– Comment te sens-tu ? Nous parlons tout de même d’un voyage temporel, ce n’est pas une expérience anodine…

– Je vais bien Hershel, c’est aimable de t’en préoccuper, mais tu sais que mon excitation prend le pas sur n’importe quelle forme d’anxiété qui puisse m’atteindre !, répondit Claire en rassemblant sa blouse et quelques affaires.

– Je te connais, je le sais mais… »


Mais il était angoissé, lui. Et ce n’était pas dans ses habitudes, d’ordinaire bien plus calme et posé. Toutefois, il s’agissait là de Claire. Pour lui, cette expérience prenait une tout autre dimension, dont il percevait clairement les risques.


« À ce soir, Hershel ! Oh, et promets-moi que tu garderas ton chapeau, j’ai conscience que tu ne portes pas ce genre d’accessoires en temps normal, mais essaie de garder l’esprit ouvert. Comme le gentleman que tu es ! »


Il suffit d’un malicieux clin d’œil pour que la jeune physicienne se glisse aussitôt hors de la maison. Après avoir tourné la poignée, comme pour rattraper son retard, elle se mit à trottiner en direction de son arrêt de bus. Avec un petit peu de chance, si celle-ci voulait bien être de son côté, elle aurait peut-être le bus passant après celui qu’elle n’avait pu atteindre à l’heure. Elle n’aurait donc pas un retard trop important.


De son côté, Layton était tiraillé par de multiples émotions, qui n’apparaissaient pourtant pas sur son visage, seulement teinté de la béatitude des compliments de sa douce. Il remit son haut de forme en place, l’apprivoisant peu à peu, comme une nouvelle partie de lui-même.

Ce n’était pas évident pour lui de se remettre de telles paroles amoureuses ! Claire, avec les années, était parvenue à lui ouvrir son cœur afin de lui offrir, sans détour et sans faux-semblant, la pureté de ses réels sentiments. Mais au fond de lui, il se retrouvait toujours aussi bouleversé à chacune de ses preuves d’affection. Un vrai gentleman… Oui, c’est ce qu’il souhaitait être.

La physicienne avait réussi à troubler cet homme pourtant si calme et si serein au quotidien par sa simple existence. C’est aussi pourquoi le professeur demeurait intimement inquiet depuis le départ de sa jeune amie pour le laboratoire. Assis à son bureau, les yeux rivés sur une statuette aux traits incas, ces derniers ne bougeaient pour autant nullement, s’immobilisant en un point fixe de la relique. Il ne la regardait pas, ne parvenait en aucun cas à se concentrer sur ses tâches. Il le fallait bien pourtant, en tant que nouveau professeur d’université. Mais rien n’y faisait.


Il tendit alors la main vers le deuxième tiroir, situé sur la droite de son bureau, en poussant un long soupir ainsi que les feuilles de papier le gênant dans sa recherche. Layton était organisé, là n’était pas le problème, seulement il avait tendance à accumuler de nombreux documents de travail qui s’amoncelaient au fil des mois s’écoulant. Il finit par mettre la main sur ce qu’il cherchait : les documents à propos de l’expérience de Bill, Dimitri et Claire.

S’il était effectivement coutumier pour le couple de centrer leurs discussions sur d’autres sujets que ceux à propos de leurs professions, leurs esprits d’une curiosité insatiable ne pouvaient parfois guère s’en empêcher. Pris d’une passion indéniable et mordante pour l’archéologie, le professeur ne se montrait pour autant pas imperméable à tout autre sujet intriguant sa réflexion. Ainsi, il lui était arrivé à plusieurs reprises de se pencher avec sa jeune amie sur l’étude de son colossal projet.

Il traîna son regard, comme pour se rassurer, comme pour passer le temps, sur les feuilles tâchées ici et là de quelques gouttes de thé. Il s’agissait de ses propres copies des documents, ayant laissé à Claire, bien sûr, la version originale de ceux-ci. Posséder sa version lui permettait d’échanger avec la physicienne à même le papier, d’après ce qu’il était capable d’apporter aux travaux des trois collègues. Cela pouvait sembler futile, mais un esprit aiguisé de plus n’était pas de trop pour des objectifs démesurés comme celui-ci.


Soudain, Layton retint sa respiration. Il avait dû se tromper quelque part, alors il recommença sa lecture. Mais malheureusement, même après de multiples vérifications, il dut se rendre à l’évidence : un des calculs était inexact.


Il ne pouvait le concevoir. L’équipe était pourtant expérimentée, bien plus que lui-même ! Comment avaient-ils pu passer à côté de ça ?


Il avala sa salive avec difficulté.


Claire.


C’était elle qui devait être la première usagère de cette machine. Et c’était donc elle qui risquait le plus grand danger, même si ce n’était pas la seule. Au fond de lui, il maudissait de tout son être Dimitri et Bill. Il se maudissait lui-même, également. Ce n’était pas son genre, néanmoins, lorsqu’il s’agissait de Claire, Layton peinait à conserver son sang-froid.

Il se hâta d’ôter l’écharpe blanche nouée autour de son cou qui semblait se resserrer au fil des secondes qui s’égrainaient. Il n’en avait pas une de plus à perdre, il fallait à tout prix qu’il parvienne à temps au laboratoire, qu’il arrête tout, qu’il empêche Claire d’utiliser cette damnée machine. Il entama le geste de retirer son chapeau mais … Non, une promesse est une promesse. Il était heureux de ce présent spécial.


Le professeur connaissait Bill et son caractère… Si Dimitri et Claire ne s’apercevaient pas de la présente erreur, il foncerait sans réfléchir afin de tester l’engin dès que possible. Le temps était compté. Il avait toujours été compté.


Layton se rua hors de chez lui. Désemparé, son esprit s’embrumait. Comment rejoindre le laboratoire ? Comme s’il pouvait se permettre d’attendre que passe le bus !


Il se mit alors à courir, la face blême, le cœur lourd d’inquiétude, les mains moites d’anxiété. À peine eût-il entrepris sa course effrénée que son chapeau se retrouva enfoncé sur sa tête, l’aveuglant alors ! Des châtaignes lui étaient tombées dessus ! Des châtaignes ou bien des marrons ? Qu’importe, il n’avait pas le temps de se préoccuper de la question, ni la possibilité, privé de sa vision. Dans le même instant, sa chaussure glissa sur quelques feuilles mortes collées au trottoir à la suite de l’humidité nocturne.


La malchance qui le poursuivait aujourd’hui n’en démordait pas, elle ne voulait pas que Layton parvienne à ce qu’il désirait. De nouveau sur pied, démuni, il prit un moment pour observer les solutions qui s’offraient à lui.


Il interpella alors une de ses voisines, qui rentrait chez elle à bicyclette, l’implorant alors de la lui prêter, promettant de lui ramener en état dès qu’il le pourrait. Devant tant de détresse perceptible sur le visage du professeur, qui l’avait plutôt habituée à son apparence souriante et apaisée de gentleman, la jolie dame, d’entre deux âges, lui permit immédiatement d’emprunter son vélo.

Fidèle à lui-même, Layton la remercia chaleureusement et enfourcha immédiatement sa nouvelle fusée. Il pédalait de toutes ses forces à travers les rues londoniennes tant fréquentées, de jour comme de nuit. Vigilant et prudent sur la route, il prenait en considération chaque passant, chaque automobiliste. Le laboratoire était vraiment éloigné, il aurait pu arriver bien plus vite avec un véhicule motorisé, seulement il n’en avait aucun à disposition.

Tandis qu’il progressait, qu’il ressentait le fort espoir de pouvoir encore arriver à temps, son champ de vision se heurta à un élément inattendu.


Dimitri. Dimitri Allen. Là, dehors, déboulant en direction du laboratoire. Les petites billes noires de Layton ne purent en revenir. Pourtant c’était bien lui, revêtu de sa longue blouse blanche recouvrant sa chemise orange agrémentée d’une longue cravate vert sapin. Sa coupe de cheveux ne laissait également aucun doute quant à son identité, une grande mèche grise recouvrant son œil droit à l'air si fatigué, ça ne pouvait qu’être lui. Mais que faisait-il là, n’était-il pas censé arriver au laboratoire en même temps que les autres ? Si Claire était partie avec un peu de retard, lui était au-delà de cela.


« Dimitri ! »


Layton accéléra sur sa bicyclette pour ensuite exécuter un virage important. Le vélo ayant atteint le trottoir, il entrava la route du scientifique, ce dernier pestant alors contre l’archéologue.


« Rrrrah Layton, qu’est-ce qui vous prend ? Que venez-vous faire ici, à me déranger ? Ne comprenez-vous pas que je suis pressé ?!

– Je le sais Dimitri, mais je sais aussi que puisque vous êtes ici présentement, Claire et Bill sont donc seuls au laboratoire au moment où nous parlons !

– Oui comme chaque jour puisque j’arrive toujours une demi-heure après eux une fois le laboratoire préparé, et part également une demi-heure après pour ranger, et quel est le problème avec notre fonctionnement ? Laissez-moi donc passer !

– Ils sont en danger. Un de vos calculs est incorrect, et je suis au courant qu’aujourd’hui doit se dérouler l’expérimentation de votre machine par Claire. Et connaissant Bill, je ne suis pas certain qu’il vous attende aujourd’hui, même pour ça.

– Claire… Claire est en danger ? Comment avons-nous pu commettre une telle erreur triviale ? Où ça ? Depuis le temps que nous travaillons dessus…

– J’entends votre désarroi Dimitri mais cessez de vous lamenter, et grimpez ! Il n’est peut-être pas encore trop tard, j’ose garder espoir ! »


Layton pouvait en effet pleinement concevoir l’abattement de Dimitri : il était au courant des sentiments du physicien pour sa petite-amie. Ceux-ci n’étaient pas réciproques, la scientifique étant uniquement éprise du professeur Layton. N’étant pas sanguin, ne doutant pas de la sincérité des liens le rattachant à Claire, ce dernier n’avait jamais éprouvé de ressentiment envers Dimitri. Finalement, ce qu’ils ressentaient tous deux les conduisaient au même profond désir de savoir Claire en sécurité.

Dimitri ne protesta pas, ne chercha pas à ergoter et s’élança sur la bicyclette du gentleman. Il se plaça comme il le put sur le porte-bagage en s’accrochant au professeur qui ne tarda aucunement à repartir prestement. Tout en pédalant, Layton fixait très régulièrement son haut de forme sur sa tête, ayant manqué à plusieurs reprises de se faire emporter.

Le laboratoire était désormais visible par les deux cyclistes, surgissant du bout de la rue. Le calme et le silence régnant dans les alentours témoignaient avec une bonne assurance de l’état du lieu. En chœur, Dimitri et le professeur poussèrent un demi-soupir de soulagement, car si aucune catastrophe ne s’était encore produite, ce n’était peut-être qu’une question de minutes, de secondes.


Dimitri glissa du porte-bagage en un éclair et Layton sauta de la selle. L’archéologue décida de prévenir les passants et voisins susceptibles de l’entendre quant au danger qu’ils encouraient potentiellement.


« Ne restez pas ici ! Une explosion peut avoir lieu à tout moment à cet endroit, je vous en prie essayez de vous mettre à l’abri ! »

Tandis qu’il grimpait les marches du perron du laboratoire, Dimitri, l’esprit vif, entreprit alors de frapper à la porte des autres voisins pour les évacuer, si le professeur ne parvenait pas à déjouer le malin destin. Dans la rue étaient déjà descendues plusieurs familles qui s’étaient éloignées de leur habitation, alors que Dimitri évacuait une famille de trois personnes, dont un petit garçon d’une dizaine d’années.


Layton se rua à l’intérieur du laboratoire.


« ARRÊTEZ TOUT ! Arrêtez, ne lancez pas cette machine !! »


Sur lui se posèrent deux paires d’yeux stupéfaits.


« Layton ?! Que diable venez-vous faire ici ? »


C’était la voix de Bill qui tonnait entre les quatre murs de la pièce. Le professeur essoufflé, les jambes tremblantes, ne voyait pourtant que Claire au cœur de cette salle. Elle était là, elle allait bien, c’était bien réel, il était arrivé à temps. Il s’expliqua alors :


« J’ai relu les documents, et j’ai décelé une erreur dans un des calculs de prédiction de la machine. Je l’ai vérifié, revérifié encore et encore mais j’en suis persuadé, il y en a bien une ! Il faut annuler l’essai, ne rentre pas dedans Claire ! »


Bill serra les poings, fulminait mais ne disait rien. La face grossière de ce personnage, qui l'était tout autant, petit et large, était alors rubiconde. Ce fut à Claire de s’exprimer. Un léger sourire attendri éclaira le visage de la jeune femme visiblement affectée par l’état de son compagnon qu’elle n’avait jamais connu si ébranlé.


« Oh Hershel, je ne vais pas rentrer dedans bien sûr, nous étions justement en plein désaccord avec Bill à ce sujet. »


Ses joues prirent une légère teinte rosée. Elle remonta ses lunettes et remis sa mèche en place avant de poser le regarder sur Layton.


« Je me suis également aperçue qu’il y avait une erreur dans ce calcul, lors de mon trajet dans le bus. Je relisais les documents quand je me suis fait la réflexion qu’il y avait un sérieux problème à propos de ce calcul. Alors en arrivant ici, j’en ai fait part à Bill. »


Sa voix et ses traits se durcirent.


« Il n’a rien voulu entendre et désirait tout de même poursuivre l’expérience, en disant que nous n’avions plus le temps. Je ne sais pas quelle est la véritable raison de son entêtement, seulement, je suis convaincue qu’il dissimule quelque chose. »


Il était arrivé à temps, mais finalement, Claire n’avait absolument pas eu besoin de lui.

Tandis que la scientifique achevait son accusation, Dimitri fit irruption au sein du laboratoire à son tour.


« Claire… Me voilà soulagé, tu vas bien… »


Elle lui sourit, puis le regard du physicien se posa sur Bill.


« Cet air sournois que tu revêts… Qu’est-ce que tu caches ?

– Je n’ai plus rien à cacher maintenant que vous avez tout gâché. On m’avait offert une immense somme d’argent, bien plus que tous les misérables financements que nous n’avions jamais reçus, pour tester la machine le plus rapidement possible.

– Et avide de pouvoir et de richesse, vous étiez prêt à mettre la vie de Claire en péril alors qu’elle vous avait prévenu de l’existence d’une erreur dans le processus, intervint Layton.

– Peu m’importait, et peu m’importe toujours, ce qui comptait à mes yeux était simplement de tester cette machine de malheur… Et ce, de gré ou de force. »


À la suite de ses dernières paroles, Bill se jeta sur Claire pour la saisir par le poignet afin de l’entraîner vers la machine sous les yeux du professeur Layton. Mais ce fut sans compter sur l’inspecteur Chelmey, un célèbre inspecteur de police de Londres, prévenu par les habitants évacués. Vouté, moustachu et grincheux, peu auraient pu deviner que tant de force et de furtivité pouvaient être enfouies dans un tel personnage. Il immobilisa Bill au sol.


« De gré ou de force, n’est-ce-pas ? Ce seront d’intéressants propos à expliquer lors de votre interrogatoire. En route. »


Bill, envahi par la frustration et la rage de voir ses espoirs de démesure partir en fumée, se terra dans un profond silence, transperçant le gentleman au haut de forme du regard. Mais les yeux rivés sur Claire, Layton n’y prêta aucunement attention.


« Je crois que pour cette fois-ci je dois vous remercier, Layton, » fit sobrement Chelmey à l’attention du professeur.


L’entente entre les deux hommes n’avait jamais été bonne, mais leur relation semblait s’être améliorée durant les dernières enquêtes auxquelles ils avaient eu affaire, les ayant parfois menés à se côtoyer.

Tandis que Bill était conduit au poste de police par l’inspecteur Chelmey, Dimitri retournait dans la rue, afin de rassurer la population des habitations aux alentours. Lui aussi n’était finalement qu’une victime dans cette histoire.


Dans cette intimité retrouvée, Layton se rapprocha de Claire. À travers sa voix, sa douce pouvait ressentir sans difficulté aucune la peine du professeur, associée à son soulagement.


« Je suis si heureux de te voir ainsi, saine et sauve… Pardonne-moi d’être entré dans le laboratoire de cette façon peu convenable pour un gentleman. J’ai croisé Dimitri en chemin, j’imagine que tu comprends mieux le déroulement des évènements et pourquoi nous sommes arrivés ensemble… Mon inquiétude ne faisait que croître à mesure que nous approchions d’ici...

– Ne t’inquiète pas Hershel, je comprends, tu auras tout le temps de m’expliquer quand nous serons rentrés et reposés.

– Claire, tu es fabuleuse, j’aurais dû me douter que tu allais toi aussi relever l’inexactitude, mais comment s’en assurer, je… »


Le gentleman s’était interrompu face au contact de la main de Claire sur sa joue. Ses yeux se fermèrent un instant tandis qu’il pouvait sentir qu’elle redressait le chapeau un peu bancal sur sa tête. Leurs mains se rejoignirent, naturellement.


« Tu l’as gardé…

– Je sais que tu y tenais… C’est une promesse, non ? »


Elle lui sourit. D’un de ces sourires qui lui réchauffaient le cœur.


« Merci d’être venu, Hershel, merci de t’être inquiété pour moi. Bill ne voulait rien entendre, mais jamais je ne serais rentrée dans la machine en ayant pleinement conscience de l’existence d’une erreur.

– Heureusement… Je n’aurais jamais supporté de te perdre.

– … Tu aurais supporté cette épreuve, je te connais.

– Non…, »murmura le professeur. 


La jeune femme serra la main de Layton.


« Nous avons tellement de projets pour l’avenir… Tu le sais tout comme moi, oui c’est vrai… Mais le destin dont nous rêvons… Jamais je ne lui aurais permis de nous le dérober, Hershel. »

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