L'Arche du Péché

Chapitre 5 : Perte de conscience

7525 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/02/2021 13:28

Perte de conscience


Se tordant nerveusement les mains, mâchoires serrées à s’en faire mal, Tekris, n’y tenant plus devant le silence de Zair, finit par demander à voix basse, entre l’agacement et une légère inquiétude :

– Alors, qu’est-ce que ça donne ? C’est vraiment aussi horrible ?

– Mais non, grand idiot, pouffa la jeune femme. Tu t’es pris une attaque kaïru, il n’y a pas de gerbe de sang ou de marque de griffe qui feront d’horribles cicatrices !

– Ouais, bah c’est quand même douloureux, kaïru ou pas. T’es sûr qu’il n’y a pas de traces ?

– Oh, tu as bien un gros hématome, mais rien de bien grave, fit Zair en appliquant un baume à l’odeur puissante sur son omoplate.

– Et c’est maintenant que tu me le dis !?

– Chut, moins fort, le réprimanda-t-elle, Zane est parti se reposer un peu, il a mal dormi cette nuit.

– Ou sinon quoi, tu m’écorches avec les lames que tu caches un peu partout sur toi ? plaisanta Tekris, sachant que sa coéquipière, qui adorait les dagues, en avait toujours une ou deux sur elle.

En guise de réponse, Zair appuya brusquement là où trônait ledit gros hématome. Fermant sa bouche en pleine protestation (et en couinant un « aïe » peu viril), Tekris se contenta de grommeler, grimaçant quand Zair passait trop fort la main.

Elle avait beau se moquer, ça faisait quand même un mal de chien, kaïru ou pas ! S’il devait être honnête, c’était l’attaque la plus douloureuse subie par l’adolescent. Habituellement, les ecchymoses récoltées durant un combat étaient le résultat de tel ou tel X-Drive (l’atterrissage consécutif à une « tornade plasma » par exemple), les attaques kaïru ne laissant que très rarement de véritables traces physiques sur les corps, si l’on exceptait les courbatures inhérentes aux activités sportives. Cependant, avec l’offensive de Teos, Tekris avait l’impression de s’être fait labourer l’épaule par une véritable griffe. Petit, un jour où il traînait dans les rues, il avait voulu caresser un petit chien errant passant par là. L’animal, maigre et famélique, n’avait pas été de cet avis, se débattant pour échapper à sa poigne, lui léguant de profondes marques pleines de saleté sur les bras. Eh bien, les sensations étaient les mêmes, et ce n’était guère agréable !

D’ailleurs, cela faisait déjà plusieurs jours que leur mission s’était terminée, mais bouger son épaule ou faire des mouvements brusques était encore proscrit pour lui pendant encore quelques temps, lui avait dit Zair en dépit de ses sarcasmes. Et sûrement aussi les missions kaïru, avait-elle ajouté après un petit silence hésitant, craignant, il fallait bien se l’avouer, la réaction de Zane. Heureusement, ce dernier n’avait pas entendu. Sitôt ses propres blessures soignées et s’être assuré de ne pas être suivi, il avait déclaré mériter un repos de quelques minutes. Résultat, il s’était écroulé sitôt ses paupières baissées, sans même s’en rendre compte.

Lorsque les Radikors avaient enfin rejoint la forteresse particulièrement épuisés (à dire vrai, s’il n’y avait pas eu la source kaïru pour remonter un peu leur niveau d’énergie, aucun d’entre eux ne savait s’ils auraient pu faire tout le chemin…), ils n’en menaient pas large.

S’organiser dans ces conditions avait été quelque peu laborieux. Une fois passés rapidement sous la douche histoire d’enlever la poussière les recouvrant, Zair fut la première à se faire soigner sous les directives de Zane, aidée par un Tekris prétendant, comme tous les mâles de cet âge, que ce n’était que de petits bobos de rien du tout. Zane en avait profité pour commencer à se soigner seul, pensif. Ses deux compagnons avaient craint que son humeur ne soit revenue à l’orage, mais il n’y avait eu aucune démonstration de colère. S’occuper de sa blessure à la tête avait déjà été difficile, même si le chef des Radikors avait tout fait pour le cacher. Le simple fait de lever les bras ravivait sa brûlure, et il s’était dépêché d’en finir. Puis Zair était venu l’aider, toujours accompagnée de Tekris qui ne voulait pas qu’elle se fatigue trop. Sa blessure étant sur le point de se rouvrir, et, peu patient, il avait lancé quantité de « aïe » et de « je leur ferai payer ». Puis, il avait demandé si Zair voulait qu’il s’occupe de Tekris pour la reposer ; ce dernier, connaissant la douceur légendaire de son chef, en avait eu des sueurs froides. Mais voyant son visage se décomposer, Zair eut pitié de lui. Dissimulant son sourire sous sa main, elle avait affirmé que ce n’était pas la peine, et qu’il pouvait se reposer. Zane, sa susceptibilité un peu froissée, n’avait rien ajouté. Si pour une fois qu’il voulait aider, ils refusaient, eh bien tant pis, qu’ils ne se plaignent pas après ! Puis, s’asseyant dans un coin de la pièce en vérifiant que personne n’était en vue, c’était là qu’il s’était endormi comme une masse. Et Tekris avait d’abord eu bien du mal à garder sa façade d’impassibilité durant les soins, avant de la laisser tomber en faisant le dos rond pour soulager ses douleurs.

Et à présent, Zair vérifiait l’avancée de la guérison de Tekris, qui ne supportait pas la vue du sang – sa grande hantise, mais hors de question que les deux autres l’apprennent, sinon il ne manquerait pas de se faire charrier jusqu’à la fin de ses jours ! –, d’où son agitation actuelle. Encore vexé d’avoir été presque impuissant face à l’équipe de Teos, Zane avait refusé de se faire soigner par Zair le matin même, déclarant qu’il en était parfaitement capable seul. Tekris avait craint d’avoir à regarder un mouchoir taché de sang (voir le filet le long de la tempe de Zane lui avait déjà donné des frissons), mais s’il n’avait qu’un bleu, comme les remarques du style « mais qu’est-ce que t’es douillet, c’est pas possible » venaient juste de défiler, ça devrait aller… C’était juste embêtant en somme, mais encore quelques jours et il serait suffisamment en forme pour repartir au combat contre les Stax, et peut-être bien se venger de cette équipe franchement étrange. Du moins, il s’en persuadait avec une ténacité admirable pour se motiver et s’empêcher de ruminer à longueur de journée.

– C’est bon, j’ai terminé, tu peux aller chercher ton doudou, fit Zair en se rinçant les mains.

– Ha ha, vraiment très drôle…

Bon, il se doutait bien qu’en se tortillant sur sa chaise, sur laquelle il s’était assis à califourchon, Zair n’allait pas manquer de le taquiner. Mais ça faisait partie du personnage, comme les colères violentes ne pouvaient être dissociées de Zane. Observant du coin de l’œil sa coéquipière, Tekris se demanda pourquoi, envers et contre toutes les démonstrations de son caractère, disons, particulier, Zane ne baissait jamais dans l’estime de la jeune femme. Pourtant, avec ses caprices et ses désirs de domination du monde, Tekris avait déjà du mal à le supporter alors que cela ne faisait que cinq ans qu’ils cohabitaient. Zair, elle, s’il avait bien interprété les sous-entendus, vivait près de lui depuis leur enfance. Néanmoins, il ne pouvait qu’avoir des soupçons, surtout avec la façon dont Zair regardait leur chef quand ce dernier se préoccupait de tout autre chose. C’était un sujet tabou, et Tekris n’en savait guère beaucoup plus. Il ne cherchait pas non plus à les interroger, de toutes façons, avec la quête du kaïru, ce n’était pas du tout le sujet principal de préoccupation. Zane et Zair ne l’avaient pas non plus interrogé sur sa propre famille.

Il ne s’en plaignait pas, tout comme il s’en fichait royalement en temps normal. Mais depuis qu’il avait vu les retrouvailles entre Ky et Connor, il y repensait régulièrement, presque malgré lui. Il n’avait pas connu son père, parti peu après sa naissance pour une raison obscure, mais se souvenait un peu de sa mère. Elle était morte alors qu’il n’avait que quatre ans, mais durant ces quelques années, elle lui avait donné tout l’amour qu’il aurait pu rêver avoir, jouant sans difficulté les rôles des deux parents. Vivre avec son souvenir était à peu près la seule chose qui lui avait permis de tenir tout ce temps, entre son arrivée sur Terre, les familles d’accueil qu’il détestait, les soucis de la vie. Cela avait été son but, se rappeler son visage, de sa tendresse quand elle le réveillait le matin avant de partir travailler, le confiant à d’autres femmes de l’établissement qu’elle sélectionnait avec soin.

Et puis, comme pour toute personne ayant perdu ses parents jeune, les contours étaient devenus flous, les couleurs moins précises en dépit de ses efforts, jusqu’à un beau jour où il ne se rappelait plus que du général, sans pouvoir se souvenir de tel ou tel détail lui ayant paru inoubliable. C’était peu de temps après cette triste découverte que Lokar l’avait recruté, lui donnant un nouveau but dans sa vie, devenir plus fort grâce au kaïru. Mais le retour de Connor avait ravivé ces pénibles souvenirs, et il regrettait de n’avoir aucune image, pas même une photo, pour se rappeler le doux visage de sa mère. Il n’en avait gardé que son alliance et celle de son géniteur, qu’elle avait conservé avec un faible espoir, pendues à une chaînette autour de son cou, et son nom de famille, Emmett, qu’il portait fièrement. Espérant malgré tout sans se l’avouer que ce nom lui permettrait de rencontrer un jour son père. Juste une heure, le temps nécessaire pour lui demander pourquoi, et lui cracher à la figure toute sa colère et son mépris. En attendant, il restait auprès de ses équipiers, écartant toute question qui pourrait remettre en cause ses choix et ses décisions, même – surtout – venant de sa conscience. Il détestait les humains ne lui ayant jamais rien apporté de bon, alors le kaïru était un excellent moyen d’en tabasser quelques-uns dans les règles.

Le voyant voûter un peu plus le dos, restant silencieux, Zair se trompa sur ses préoccupations réelles. Jusque-là, elle l’avait vu adopter cette attitude uniquement quand il cherchait à sentir le moins possible les douleurs de son corps, trop fier pour le montrer ouvertement. Croyant qu’il s’agissait une nouvelle fois de cela.

Elle eut un instant d’hésitation, puis revint jusqu’à lui. Ne s’en apercevant pas immédiatement, il manqua de sursauter en sentant une main fraîche sur son épaule douloureuse. Tordant le cou pour dévisager sa partenaire, elle lui intima de se tourner de nouveau d’une pichenette sur le crâne. Du bout des doigts, elle suivit le tracé de trois marques noirâtres, rigoureusement parallèles, gravées dans la chair de son ami. Mordillant sa lèvre inférieure, effroyablement nerveuse, elle appuya crescendo ses mains, bien à plat sur les balafres dont elle avait caché l’existence. Durant toutes ces années, elle n’avait pu s’exercer, dans le but tacite de ne pas attirer l’attention. Zane en personne avait décrété, six ans auparavant, nécessaire de rester les plus discrets possible. Aussi, s’il apprenait ce qu’elle s’apprêtait à faire, il y avait de grandes chances de le lui faire payer d’une manière ou d’une autre. Ou peut-être pas, qui savait ? Zane était probablement moins radical, elle ne savait plus vraiment quoi penser à son sujet. La seule chose lui important, était l’importance de se trouver en état de combattre, si l’équipe de la falaise réapparaissait. Or, Tekris ne pourrait pas se défendre correctement en l’état actuel des choses, si les Radikors devaient essuyer une offensive dans les prochains jours. Il s’agissait uniquement de logique, implacable. Et puis, pour l’objectif visé, elle n’aurait besoin que d’une toute petite quantité d’énergie kaïru, à peine décelable, et encore.

Avant de pouvoir marmonner à la dictature, Tekris eut le souffle coupé par une brusque brûlure dans son dos. Serrant le bois de sa chaise au point de la faire craquer, il posa le front sur le dossier, se demandant quelle ânerie était sortie de sa bouche méritant pareil traitement. Cependant, la sensation ne dura pas, et à peine quelques secondes plus tard, un froid à la limite du supportable s’installa, décroissant rapidement, laissant son dos engourdi. Cela lui rappela la seule fois de sa vie où il était allé chez le dentiste pour se faire arracher une dent : c’était la même impression que celle de l’anesthésie, la joue de hamster en moins. Mais excepté cela, la douleur l’ayant tiraillé ces derniers jours semblait endormie définitivement. Se redressant, il fit jouer prudemment les muscles de son épaule, surpris de ne sentir qu’un léger pincement.

Bouche bée, il suivit des yeux sa coéquipière reboucher le tube de pommade, comme si rien ne s’était passé. Quand il reporta son attention sur elle, elle demanda d’un ton neutre :

– C’est mieux comme ça ?

– Mais… Ce que tu viens de faire, c’était… Enfin, je veux dire, c’est de la magie !

– Pas du tout, j’ai juste tenté une autre manière de mettre la pommade, tout simplement. Contente de voir un résultat positif.

Tekris fronça les sourcils, loin d’être convaincu. Un doute s’invita dans son esprit. Cette étrange guérison ressemblait à s’y méprendre à une autre manipulation de sa coéquipière, vue dans un contexte bien différent. Il faillit lui poser la question directement, mais se ravisa au dernier moment. Cependant, Zair, le voyant ouvrir la bouche, attendait patiemment le suite, sur la défensive. Ne souhaitant pas la braquer, l’adolescent dit la première chose lui passant par la tête.

– Je m’interroge sur cette nouvelle équipe.

Bon, il aurait mieux fait d’être moins concis… Heureusement, Zair sauta sur cette occasion de changer de sujet, se permettant un léger sourire taquin.

– Laquelle ? Les novices ou les cinglés ?

– Deuxième réponse, rit Tekris. La première m’amuse plus qu’autre chose !

– Moi aussi. Je me demande surtout pourquoi ils voulaient tellement nous éliminer.

– Surtout pour des novices !

– Tekris, tu pourrais rester sérieux deux minutes ?

– Impossible, sinon j’ai trop de questions flippantes qui me viennent à l’esprit. Par exemple, si ces extraterrestres, parce qu’ils en sont, sauf si les humains ont muté vachement vite dans certains coins de la planète, tenaient tant à garder leur présence secrète, pourquoi les Stax les connaissaient déjà ?

– Ce n’est pas très correcte comme phrase, ça.

– Je veux dire, les trois zozos nous ont dit que c’était dans notre intérêt de nous taire. Mais les Stax ont dû les rencontrer auparavant, d’après ce qu’ils ont dit. Pourquoi, dans ce cas, lancer cet avertissement de fait inutile.

– Bonne question. Un oubli peut-être ?

– J’pense pas que c’est aussi simple, grommela Zane en entrant dans la pièce.

Tiré de son sommeil par le rire de son équipier, il venait simplement aux nouvelles, désireux de connaître la raison du dérangement brutal de son opération sieste avancée. Il ne se tenait pas derrière la porte en attendant de pouvoir soigner son entrée, du tout.

Maussade, il attrapa la première chose mangeable à portée de main, à savoir un bâtonnet de réglisse à demi mangé. Mâchonnant la friandise sous le regard dégoûté de Tekris (il détestait la réglisse. À dire vrai, il l’avait en horreur), Zane se vautra fort peu élégamment sur un petit tabouret en ébène qui avait connu des jours meilleurs. Pensif, il se gratta machinalement le côté de l’oreille, avant de darder un regard mal aimable sur ses deux camarades.

– Vous en faites du bruit, j’avais enfin réussi à m’endormir, et voilà que vous me réveillez au saut du lit.

– Tu sais, il est presque deux heures de l’après-midi…

– Hein ? Mais pourquoi vous m’avez pas réveillé ?!

– T’avais l’air d’en avoir besoin, et puis quand on te réveille, tu cries à l’injustice.

– Raah mais vous êtes idiots ? Enfin bref, ils voulaient vous garder en vie, j’en suis certain. Leur but était surtout de nous mettre hors d’état de lutter pour que vous obéissiez sans rechigner à leurs ordres. Je crois qu’ils veulent quelque chose de précis, et sont prêts à tout pour ça.

– Mais pourquoi ? protesta Tekris. On les connaît même pas ! Pourquoi manipuler du kaïru comme ils le font, pour ne pas récolter une importante source juste à côté ?

– Je viens de le dire, c’était nous leur cible. Pas le kaïru.

– Et si c’était une diversion ? Effrayer les autres équipes de combattants pour pouvoir récolter l’énergie à leur guise, tenta Zair, la voix soudain faible.

Si Tekris s’en inquiéta intérieurement, Zane ne dévia pas d’un iota de son affirmation.

– Absolument pas. Ces trois-là ne cherchaient pas de reliques, il voulaient des proies. Et pas toute l’équipe, si vous voyez ce que je veux dire. Le type là, Teos, il a essayé de me planter en plein défi. Je l’ai vu sortir une arme. Discrètement, mais bien réelle.

– Il y a autre chose qui me turlupine, ajouta Tekris. Comment tu as su qu’ils allaient attaquer ? Pas que je m’en plaigne, ça nous a sûrement sauvé les fesses. Mais quand même, c’était providentiel.

– Hum, marmonna Zane, pris de court. Une intuition.

Zair, ayant repris une posture plus assurée, fronça les sourcils. Un effet tendant à devenir une mode, ironisa-t-elle. Bientôt, les Radikors finiraient ridés comme des papis !

– Aussi, renchérit le colosse, vous avez vu cet espèce d’oiseau gigantesque, sur lequel ils sont partis?

– Absolument pas, je me suis fait crever les yeux récemment, ricana Zane, moqueur.

Mais malgré sa pique, il échangea un regard gêné avec Zair. Les deux Radikors, soudain tendus, ne prêtèrent qu’une oreille discrète au bavardage de Tekris.

– C’étaient le même que celui représenté sur les brassards du chef, enfin je crois. Vous avez vu ?

– On essayait plutôt de ne pas se faire écraser, marmonna Zane.

– Des oiseaux géants, si on peut appeler ça des oiseaux, sûrement pas terriens. Pourtant, je suis certain d’avoir déjà vu un truc de ce genre quelque part. Mais où ?

– Ça, ça m’étonnerait beaucoup, murmura Zair, le regard perdu dans le vide.

– Pardon ?

– Rien, je pensais à voix haute. Je peux te parler d’un truc, Zane ?

– Tu n’as pas plus précis ?

– Si, mais ça ne va pas te plaire.

– Dis toujours, ça sera peut-être utile.

Prenant le bout de ses cheveux qu’elle avait détaché lors de sa toilette, n’ayant pas eu le courage de se faire son chignon habituel à cause de ses côtes encore sensibles, Zair lança un rapide regard sans équivoque vers Tekris. Zane, comprenant le message, écarquilla les yeux, avant de la prendre par le bras et de l’emmener à grandes enjambées un peu à l’écart, la collant sur le mur pour que leur coéquipier ne les entendent pas.

– Hé ! Fais attention à elle, elle est blessée ! intervint ce dernier à l’attention de Zane, préférant ne pas insister sur sa mise à l’écart sans explications.

Il se doutait que les deux autres avaient leurs secrets, c’était même logique s’ils avaient grandis au moins en partie ensemble. Mais savoir qu’ils n’avaient probablement pas le choix ne rendait pas cette situation plus agréable. Il mourait d’envie d’écouter leur conversation, seulement, s’ils s’en rendait compte, ils risquaient de lui en vouloir, et pas pour deux minutes.

Se tournant vers la fenêtre, presque blessé, il ne vit pas Zair lui jeter un regard d’excuse.

– Vas-y, balance, grogna Zane. À quoi te font penser ces drôles d’oiseaux, que je sache si j’en suis un de mauvais augure ?

– Tu sais ce que je vais dire. Cet animal, c’était sans aucun doute un de la race des arsank.

– Ceux que tu utilisais pour aller t’entraîner au Dôme ?

Zair hocha affirmativement la tête. La lâchant, Zane se passa la main sur les yeux, cherchant à comprendre. Tout allait si bien depuis plusieurs années – il occulta volontairement son renvoi du monastère de sa mémoire –, alors pourquoi leur passé se manifestait aussi brutalement tout à coup ? Car il ne croyait pas aux coïncidences ; l’éclair qui le frappait, ses visions, puis cette nouvelle équipe, ça ne pouvait pas être un pur hasard.

– Ne nous emballons pas. Que voulais-tu me dire ?

– Tu crois qu’ils venaient pour nous Zane ?

– C’est fort probable en tout cas.

– Mais qu’est-ce qu’ils nous voudraient précisément s’ils ne veulent pas tous nous envoyer six pieds sous terre ? Je ne comprends pas.

– Moi, ce que je me demande, c’est comment ils auraient pu retrouver notre trace. Nous avons été plus que discrets, on a choisi une planète qu’ils méprisaient, et surtout, nous n’avons pas utilisé réellement notre kaïru intérieur pour ne pas les alerter. À quoi ça servait alors d’être aussi prudent !

Zair lui fit signe de baisser d’un ton, Tekris s’étant retourné pour leur lancer un regard interrogateur.

Alors qu’il commençait à se demander si la façon dont il avait trouvé le coffret de Lokar avait joué un rôle dans l’intervention subite de Teos et ses sbires, il remarqua que sa vis-à-vis avait l’air mal à l’aise, se grattant nerveusement les bras. Un tic nerveux quand elle cachait quelque chose.

– Dis-moi, tu es certaine de tout me dire ? l’interpella-t-il en fronçant les sourcils.

Sursautant, Zair fit un sourire forcé, cherchant une bonne excuse expresse et crédible.

– Mais oui, je pensais, c’est tout. (Devant l’air peu convaincu de Zane, elle se dépêcha d’ajouter :) En fait, je me disais… pour Tekris, est-ce que ça ne serais pas mieux de lui expliquer un peu la situation ? En restant vague bien sûr, mais il ne sait rien, et l’équipe que nous avons croisée n’a pas l’air de faire grand cas des dommages collatéraux. S’ils essaient de le capturer, ce serait mieux qu’il sache à quoi s’attendre.

– Mais on ne sait même pas ce qu’ils nous veulent exactement ! Ne le mêlons pas à ça.

– Enfin, Zane, on peut juste lui dire…

– Tu es sourde ou quoi ? Je t’ai dit non, alors n’insiste pas !

– J’aimerais que tu me parles autrement, je ne suis pas une Imperiaz que je sache !

– Ah oui ? Eh bien eux, au moins, ils obéissent quand je commande ! Pas comme certains !

– Attention à ce que tu vas dire, Zane !

– Je tremble de peur ! Que vas-tu faire sinon ?

Zair le regarda, outrée. La colère monta rapidement en elle, sans qu’elle ne puisse l’en empêcher. Serrant les poings, elle fit ce dont elle ne se serait jamais cru capable.

Levant la main bien haut, elle gifla avec force le vert, avec l’idée de lui remettre les idées en place, si forte que sa tête en tourna. Le bruit de la claque surprit tout le monde, la jeune femme y compris. Zane mit quelques secondes à réaliser, puis porta la main à sa joue. Bouche bée, Tekris résistait à l’envie de prendre ses jambes à son cou pour ne pas subir l’ouragan qu’il sentait venir à grande vitesse, malgré le silence pesant.

– Ça. Celle-là, tu l’as pas volée, siffla Zair, prête à détaler, le cœur menaçant de sortir de sa poitrine.

Sonné, son vis-à-vis mis un temps à réagir. L’air s’épaissit, empli d’une tension à couper au couteau. Puis, en une fraction de seconde, elle vit le visage de Zane se parer d’une telle fureur, d’une telle violence, qu’elle regretta sur-le-champ son geste de rébellion, surtout en n’étant pas dans des conditions de défense optimales. Le corps entier de l’adolescent se mit à trembler, tandis qu’il gardait le visage tourné, dans la position où l’avait mis la claque.

Des souvenirs heurtaient son esprit, si violemment qu’il ne parvenait à penser correctement. Enfant, dans une salle d’entraînement, en face-à-face avec lui. Il n’avait même pas dix ans. Une première gifle s’abattant sur sa joue, le projetant au sol dans un bruit sourd.

Recommence.

Cette voix maudite, haïe ! Et pourtant il obéit, échoue encore. Une nouvelle gifle.

Recommence !

Encore une fois, il se remet en position, réessaie. Échoue de nouveau, comme à chaque fois.

Tu n’essaies même pas. Tu es pathétique. Ta sœur, elle, est déjà si prometteuse. Recommence !

Lui, l’enfant, proteste avec véhémence. Il n’y arrive pas ! Il a tout essayé, travaillé des heures et des heures, sans obtenir de résultats. Il n’y arrive pas !

Sale petit menteur. Lâche. Tu as peur, avoue.

L’homme ne crie pas, il n’en a pas besoin. Il lui fait peur, l’enfant nie. Mais la vérité se lit dans ses yeux. Oui, il le sait, l’autre en face aussi. Il est mort de trouille, effrayé de ce pouvoir qui l’habite. Il ne veut pas essayer de nouveau, il veut juste avoir la paix ! Et l’autre ricane, méprisant.

Tellement pathétique. J’aurais pourtant pu être si fier de toi.

L’enfant relève le nez. Bien vrai, ça ? Juste un peu ? Mais son espoir est impitoyablement broyé.

Mais tu es si misérable que tu me donnes envie de vomir.

Une gifle encore. L’enfant ne bouge pas, se contentant de se protéger le visage.

Puisque tu es si faible, je m’en vais. Je ne veux pas perdre mon temps. Mieux vaut s’occuper de ta sœur, elle, elle obéit. Si je reviens un jour, peut-être seras-tu bon à cirer mes chaussures.

Et l’homme ricane, ravi de sa propre plaisanterie.

Des gifles, une gifle… Pourquoi ?

– Pourquoi, siffla l’adolescent, relevant lentement les yeux.

Avant qu’elle n’ait pu réagir, il fondit sur elle, lui agrippa brutalement les bras, si fort que Zair craignit futilement qu’il ne les brise. Il la secouait violemment, criant de plus en plus fort.

– Pourquoi tu as fait ça hein ? Pourquoi ? POURQUOI ?!

– Lâche-moi, tu me fais mal ! se débattit l’E-Teens en réponse.

– Pourquoi Zair, pourquoi m’as-tu fait ça ? hurla-t-il en levant le poing.

– Ça suffit !

Lâchée brusquement, elle tomba à la renverse, incapable de comprendre dans un premier temps qu’elle gisait les fesses par terre, libérée de cette emprise mauvaise. Le cœur battant la chamade, elle releva les yeux, terrifiée à l’idée de devoir se battre contre son propre chef. Zane lui faisait face, maintenu par la taille par Tekris. Interloqué, il fixa ses mains, les yeux vides. Puis il en leva une, la passa comme machinalement sur sa joue, fixant l’horizon droit devant lui. Ce geste finit par le reconnecter à la réalité ; regardant sans comprendre la jeune femme lui faisant face, il réalisa ce qu’il s’apprêtait à faire une seconde plus tôt. Il allait lever physiquement la main sur Zair, la frapper, comme si c’était normal, ça lui était venu impulsivement, sans qu’il ne saisisse tout de suite.

Il bredouilla, paraissant ne pas y croire lui-même.

– Ne refais plus jamais ça. Jamais.

Se défaisant de l’emprise de son coéquipier, il recula lentement. Prudemment, le colosse s’interposa entre les deux combattants, mains sur les hanches et regard peu amène.

– Est-ce que, bordel de bonsoir, vous vous rendez compte de l’énormité de vos réactions !? beugla-t-il, le langage de son enfance lui revenant naturellement en bouche. Vous n’avez pas l’impression que c’est plus que disproportionné non ?

Aucune réponse ne suivit cette déclaration, par ailleurs rhétorique. Zair ne parvenait pas à articuler le moindre mot, les yeux fixés sur les deux hommes devant elle. Puis Zane se retourna, repartant vers sa chambre, sans un mot.

Quelques secondes pesantes et silencieuses passèrent, puis Tekris alla jusqu’à Zair, l’aidant à se relever. Encore choquée, elle bougea les lèvres sans rien dire, avant de laisser échapper :

– Ce n’était pas… En face de moi, quand j’ai relevé les yeux en lui criant de me lâcher, ce n’était pas Zane que j’ai vu dans ces yeux qui me faisait face. Zane avait disparu, ce n’était pas lui que je voyais. Mon Zane n’aurait jamais levé la main sur moi, quoi qu’il puisse se passer. Mais moi aussi, je l’ai frappé, alors que jamais je ne… Petits, il me protégeait dès qu’il le pouvait, quitte à fuir ensemble se cacher en attendant que ça passe. Il a mauvais caractère, il aime se battre, mais n’aurait jamais osé la secouer, surtout si je suis blessée. Mais depuis quelques temps, les bons souvenirs se font plus rares, moins forts. Et même moi, je n’arrive pas à faire la part des choses… Je l’ai frappé Tekris ! Et j’ai peur, peur de ce qu’il contient en lui !

– Shh, calmes-toi, murmura l’intéressé, passant sa main dans son dos dans un geste apaisant.

Franchement largué par la tirade précipitée de sa coéquipière, il pesa soigneusement ses mots avant de reprendre la parole, plus lentement qu’à son habitude. Et d’où provenait ce pincement au cœur quand elle avait dit « mon Zane », complètement incongru ?

– C’est allé beaucoup trop loin. Je ne comprends pas vos réactions, à tous les deux. Mais il n’aurait pas dû te provoquer. Tout comme tu n’aurais pas dû réagir à sa provocation.

– Je sais, mais ç’a été plus fort que moi. Il ressemblait tellement à… quelqu’un que je ne tiens pas en haute estime.

Un ange passa, durant lequel Tekris maudit son incapacité à trouver les bons mots. Puis Zair murmura, plus pour elle-même qu’à son attention :

– C’est peut-être un peu plus compliqué. Mais comme Zane est un garçon, j’ai toujours eu peur qu’un jour, il ne devienne pas seulement d’un caractère exécrable, mais aussi violent… comme ça. (Elle respira un grand coup, prenant conscience de ne pas être seule.) Il va falloir qu’on en parle, je crois.

– C’est nécessaire, oui, confirma Tekris, résistant péniblement à l’envie de demander des précisions. Mais je ne te laisses pas seule avec lui avant d’être certain que ça ne se reproduira plus.

Zair réarrangea ses vêtements, un petit sourire sur les lèvres, comme pour rassurer un naïf.

– Tu sais, j’ai juste été déstabilisée. Je suis capable de me défendre seule sinon.

– Ça je sais, tu l’as déjà prouvé plein de fois. Tu es la fille la plus courageuse que je connaisse.

– Tu sais quoi ? Je te préfère depuis quelques jours. J’ai l’impression qu’avec Lokar, tu n’étais qu’une machine à combattre, alors que depuis qu’il a disparu, on voit plus ta personnalité. Tu t’affirmes.

– Ah ? Oh, ben merci. Tu veux que j’aille chercher Zane ?

– Ça ira, je peux m’en charger si tu veux. Je sais que tu n’aimes pas trop te confronter à lui quand il est en rogne, et là, c’est pas mal.

– Non, j’y vais, il faut bien que je m’affirme, hé hé !

Ignorant sa remarque, la jeune femme se contenta de lever les yeux au ciel, le regardant partir vers la chambre de Zane. Elle n’était pas douée pour la discussion, mais au fond, elle voulait savoir si Zane devenait réellement dangereux, ou s’il s’était juste s’agit d’une circonstance exceptionnelle. Quand il avait fondu sur elle, elle avait nettement vu la rougeur de ses iris habituellement noirs. Il avait perdu le contrôle, et elle se demandait à quel point. Zair était habile à maîtriser ses émotions, et les débordements étaient rares. Seulement elle savait qu’il n’en était pas de même pour Zane, qui devait, bien qu’il n’en dise rien, se battre chaque jour contre sa nature plus qu’impulsive. Mais jamais il n’y avait eu semblable situation.

Et si cela empirait au point que Zane ne disparaisse complètement, ou trop, elle ne devrait pas hésiter à prendre les choix qui s’imposeront.


µµµ


Zane claqua la porte de sa chambre, puis saisit la chaise pour la coincer sous la poignée. Une fois sûr que personne ne pourrait ouvrir la porte facilement, il recula jusqu’au mur, se laissant glisser au sol, les jambes en coton. Sa poitrine lui faisait mal, et pas seulement à cause de sa blessure. Il était abasourdi : qu’est-ce qui lui arrivait ? Depuis son face-à-face avec Teos, il perdait totalement les pédales ; et encore, cela ne datait pas non plus de la fin des âges, comme si le démon à la peau noire avait réveillé quelque chose en lui, quelque chose qu’il voulait oublier. Il se trouvait tellement ridicule, à avoir l’impression de perdre pied, de se perdre. Un mauvais caractère n’était pas ça ! Ce n’était pas lui ! Ou… et si c’était son vrai lui, s’il n’y avait rien à faire pour contrer la malédiction du sang ?

Alors je me battrai encore et encore, jusqu’à réussir ou sombrer définitivement.

Quoique, en y réfléchissant, il agissait bizarrement depuis sa chute de l’arbre. Portant la main à sa poitrine machinalement – cela commençait à devenir un réflexe chaque fois que ça le tirait désagréablement –, il ferma les yeux, convoquant à lui le maximum de souvenirs. D’ailleurs, n’avait-il pas rêvé tout à l’heure, quand il s’était endormi ? Il ne s’en souvenait plus non plus.

Revenant à la fameuse mission à l’origine de tout, ses yeux se fermèrent, l’aidant à se concentrer. Quelque chose avait changé, mais il n’arrivait pas à déterminer quoi. Il se souvenait de Maya qui l’interpellait, avoir vu l’attaque « pointes de glace » se précipiter vers lui. Et à partir de là, tout devenait flou. Il se souvenait de la lumière aveuglante, de la douleur, puis d’avoir sombré dans le noir complet, avant de rêver.

Il se concentra sur ce qui c’était passé juste avant qu’il ne chute, une manière comme une autre de ne pas penser à Zair et à ce qu’il avait fait, même s’il savait pertinemment qu’il devrait affronter son geste tôt ou tard. L’attaque, la lumière, la douleur, la chute. La glace, le blanc aveuglant, la brûlure, ne plus pouvoir se raccrocher. Le rouge de l’attaque…

Une réminiscence soudaine l’arrêta. Il se rappelait d’autre chose, d’une sensation ; il n’avait pas souffert au torse conjointement avec l’attaque de Maya ou l’éclair. Juste avant, il sentit comme une autre douleur, distincte, aux yeux. La lumière de l’éclair, trop forte, lui avait brûlé une demi-seconde avant la rétine, y imprimant une image qu’il n’arrivait pas à visualiser, il s’en souvenait maintenant.

Levant une main jusqu’à son visage, il se cacha l’œil droit, fixant le mur sombre de brique, sans succès. Il changea ensuite de côté. Il vit tout de suite qu’il avait l’impression de voir les contours plus flous et plus sombres, bien que ce ne soit que léger. Fronçant les sourcils, il essaya de se concentrer sur l’image qui avait été formée si rapidement, pour savoir ce que cela pouvait bien être.

Au bout de quelques minutes il laissa tomber, incapable de vraiment se concentrer et agacé.

Ruminant avec irritation ces deux minutes ayant changé son existence, son X-Reader se mit à biper légèrement, indiquant une nouvelle source kaïru. Et une sacrée relique, constata-t-il en voyant l’appareil survolté. Il devait y avoir une quantité énorme d’énergie pour dégager un tel signal.

Presque aussitôt, une deuxième source de kaïru obscur se manifesta. Il allait devoir envoyer les Imperiaz sur l’une d’elles, c’était certain, car les Stax ne tarderaient pas à les détecter eux aussi, si ce n’était pas déjà fait. Mais il fallait savoir sur quelle relique les Stax allait partir pour ne pas faire d’erreur stratégique. Traçant de nouveau un cercle-miroir dans le vide, il pensa à Mookee, non pas que ça l’enchantait, mais la petite mascotte alien restait tout le temps dans le X-Scaper pendant les missions. Si les Stax avaient décollé, Mookee devait regarder le tableau de bord avec la destination de l’équipe de Baoddaï, ou n’en était pas loin. Comme ça Zane saurait où ils se rendaient en priorité, puisque les deux sources étaient de kaïru obscur.

Les marais hein ? Eh bien, j’avais pensé envoyer les Imperiaz à la rencontre des Stax, mais j’ai une meilleure idée, qui va me permettre de réfléchir correctement en m’amusant un peu.

Et comme pour se moquer des coïncidences, un coup sec frappé à sa porte lui fit tourner la tête, puis la voix de Tekris, plus ou moins bien maîtrisée :

– Zane, il faut qu’on parle tous les trois, et tout de suite.

– Pas maintenant Tekris, fit Zane d’une voix forte, pour qu’il n’entende pas le bruit de la chaise qu’il remettait à sa place. Tu peux entrer (ce que fit Tekris sans se gêner, le visage fermé). Deux sources kaïru ont été détectées. Les Imperiaz se chargeront d’une, tandis que je m’occuperai de l’autre choisie par les Stax. Je ne veux pas vous exclure, mais (il chercha comment le formuler sans que Tekris ne le prenne pour du je-m’en-foutisme, au vu de ce qui venait de se passer)… Zair et toi, vous ne pouvez pas combattre du tout, alors que de mon côté, je peux lancer quelques attaques.

– Tu ne vas pas combattre maintenant ? Fais plutôt l’inverse, tes blessures sont loin d’être guéries.

Une attention charmante, mais à l’effet gâché par le ton peu concerné de Tekris.

– Face aux Stax, en ce moment, je ne suis pas certain qu’ils soient capables de gagner. Je vais bien, et je prends mes précautions. Je sais exactement ce que je vais faire. Peux-tu te charger de les prévenir ? Ton X-Reader devrait avoir les coordonnées de la relique, c’est celle qui n’est pas dans un marais.

– Je crois surtout que tu veux éviter une discussion qui doit avoir lieu. Et je maintiens que te transformer maintenant est prématuré. Tu ne peux pas tout fuir comme ça.

– Tu veux jouer les donneurs de leçons ?

– Je suis très loin de jouer.

– Je ne fuis pas, Tekris ! C’est juste que deux reliques ont été détectées, et je vais bien…

– Si tu ne fuis pas, pourquoi tu ne me regarde pas en face ?

Un silence suivit sa question, pendant lequel Zane, le corps tendu comme un arc, prenait une autre cape dans son armoire, tentant de paraître naturel et assuré. Mais il sentait le regard peu convaincu de Tekris le marquer comme au fer rouge entre les omoplates. Il lissa le tissu du plat de la main – cette cape-ci était comme la première, à l’exception qu’il n’y avait pas de col montant, juste une encolure épousant la base de son cou, et pas d’excroissances sur la partie lui recouvrant les épaules. Cela ferait l’affaire pour l’instant. Enfin, d’une voix peu assurée, il finit par avouer, tout en enfilant son vêtement d’un geste rapide :

– Cela ne te regarde pas.

Je suppose que c’est ça, éprouver de la culpabilité.

– Et tu crois que te jeter tête baissée dans la bataille t’aidera ?

– Non, admit Zane, mais…

– Mais ?

Le chef des Radikors forma les mots avec sa bouche, silencieusement, sans parvenir à les prononcer. Il l’avait mérité. Zair ne se vengerait jamais de la même manière que celle dont il l’avait traitée. Alors sentir un peu de douleur, voir même éprouver cette sensation de déchirement quand sa blessure n’était pas cicatrisée, c’était ce qu’il recherchait au fond. Se punir, s’infliger lui-même de la douleur, au moins savait-il ce qu’il faisait. Cela pouvait paraître kamikaze, mais Zane avait parfois une fâcheuse tendance à l’autodestruction, qu’il cachait si bien que personne ne s’en rendait compte. Alors cela pouvait paraître égoïste, mais il allait volontairement se transformer, autant pour gagner le combat – ce qui était nécessaire –, que pour avoir mal. Néanmoins Tekris semblait avoir deviné, tout sinon une partie de ses intentions profondes. Enfin, peu lui importait, tant qu’il le laissait y aller.

Finalement, il répondit, sans confirmer ni infirmer son affirmation précédente :

– Écoute, nous parlerons autant que vous voudrez à mon retour, et quelle que soit mon humeur, d’accord ?

– J’y compte bien, mais n’essaie pas de te défiler.

– Bien sûr que non. Tu préviens les Imperiaz ? Et… est-ce qu’elle va bien ?

– Je m’occupe des pourris-gâtés. Mais si c’est ce que tu veux vraiment savoir, par rapport à la deuxième question, elle ne m’a rien dit de plus sur vous. Sinon, tu peux le lui demander toi-même.

Hochant la tête sans vraiment y penser, Zane ouvrit la fenêtre, puis s’envola, laissant Tekris se charger de prévenir les Imperiaz.


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Bonjour, ou bonsoir !


J’espère que ce chapitre vous aura plu, ou du moins aura donné envie de connaître la suite ! Encore une fois, un grand merci à BakApple qui prend le temps de corriger cette histoire au fur et à mesure !


Sur ce, bonne journée, ou soirée !


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