Dix fragments de vie

Chapitre 1 : Dix fragments de vie

1228 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 06/04/2020 23:18

Jeu d'écriture: dix mots sont donnés, pour dix drabbles de cent mots, à +/- dix mots, selon LibreOffice.


Acupuncture


Sourcils plissés, Zane fixa avec une incompréhension évidente l’écran du petit appareil servant habituellement à lancer ses attaques kaïru, pour le moment reconverti en mini-téléviseur grâce à la magie de la wifi terrienne. Zair s’appuya sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel il se trouvait installé, tordant le cou pour apercevoir l’émission.

– Qu’est-ce que c’est que ça, fit-elle en désignant le type allongé sur une table, une bonne tripotée d’aiguilles plantée au travers de son corps.

– Un documentaire. Sur l’acupuncture.

Le pied de table sur l’écran se tordit brusquement, entraînant le client face contre terre.

– Mais c’est horrible comme documentaire ! Ça s’appelle comment ?

– Destination finale 5.


Étudiants


– Bon, cette fois, j’ai vérifié, c’est bien un documentaire sur les civilisations anciennes ! clama Zane avec assurance.

– Pourquoi tu tiens tant à étudier les habitudes des humains ? soupira sa comparse, pressentant les ennuis.

– Quitte à dominer le monde, autant en savoir un peu plus sur eux pour les manipuler aisément !

– Je vois, allons-y…

Tout sourire, l’adolescent lança la lecture, plus concentré qu’il ne l’avait jamais été depuis son premier projet de conquête.

– Hum, pourquoi le type est en train de lui ouvrir la cage thoracique ? fit Zair.

– Décidément, ces humains ont des pratiques intéressantes, murmura l’autre, son sourire calculateur la faisant frissonner.


Dame


Trouvant son coéquipier en train de ruminer allègrement, Tekris alla le trouver, intrigué.

– Qu’est-ce qui t’arrive ?

– Zair se prend encore pour la chef de l’équipe, soi-disant qu’il faut que j’arrête de regarder des séries stupides ! J’en ai marre qu’elle fasse sa grande dame je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde !

Tournant la tête, Zane vit l’expression d’une intense concentration sur les traits de l’adolescent, sans parler de l’étrange regard qu’il lui lançait.

– Ben quoi, t’as le cubitus droit qui te démange ?

– Hum, ça ne te rappelle personne ? fit Tekris, appuyant fortement visuellement sa question.

– Absolument pas ! rétorqua Zane, d’une parfaite mauvaise foi.


Mouchoir


Concentré comme jamais dans sa vie, Tekris cliqua frénétiquement sur le bouton gauche de sa souris, serrant si fort les dents qu’il en avait mal à la mâchoire.

Enfin, après des centaines et des centaines d’essais infructueux, il se trouvait sur le point de finir la dernière des nuit nightmare de « Five’s night at Freddy’s », pulvérisant le précédent record de Zane !

Alors qu’il s’apprêtait à courir au placard, un soufflement atroce digne des pires films d’horreur retentit, le faisant violemment sursauter.

– Désolé, fit Zane, un petit rhume. Mais continue, je t’en prie.

Le mouchoir ne suffit pas à cacher son sourire satisfait quand le screamer retentit.


Fuite


Descendant les escaliers interminables menant à la salle d’entraînement, Zair tendit l’oreille, certaine d’entendre résonner des imprécations à l’autre bout du couloir. Cela ne l’étonnait guère en soi-même, mais la voix ne correspondait guère à celle de son frère, pourtant habitué des crises de colère.

Voyant l’intéressé passer en trombe sous son nez, daignant à peine lui accorder un regard, elle le héla au vol.

– Pourquoi tu cours comme ça, tu as les Stax aux trousses ?

– Parce que tu crois que je fuirais devant ces humains ? s’indigna-t-il.

– Alors quoi ? fit-elle, ne comprenant pas.

– Tekris est mauvais perdant !


Bâtiment


Jamais Zane n’aurait cru que la forteresse, jusque là synonyme de longs couloirs labyrinthiques uniquement crées dans le but d’égarer les honnêtes (ou pas) visiteurs dans les quelques pièges mortels concoctés par Lokar quand l’ennui le prenait, serait si petite quand il s’agissait d’échapper à un poursuivant.

Jetant un regard prudent au croisement suivant, il s’y engagea finalement, les oreilles aux aguets. Piquant un sprint d’enfer, il avala les derniers mètres le séparant de la porte d’entrée, franchissant le sol presque en volant. Enfin, il était sorti de ce bâtiment sous le nez de Tekris !

Un claquement sec l’informa du verrouillage manuel.

Un horrible doute l’assaillit soudainement.


Rural


Jamais Tekris ne s’était senti si en colère – et peu importait que ce soit totalement puéril – envers son coéquipier. Et ce ne fut pas le sol boueux du petit village dans lequel il pataugeait depuis des heures, lieu de villégiature d’une relique kaïru, qui allait arranger son humeur maussade.

Raide comme la justice. Glapissant quand le glacé d’une flaque lui sauta à la figure.

La voiture responsable de cette infamie s’arrêta trois mètres plus loin, laissant descendre la plus belle femme humaine qu’il eut rencontré.

– Pardonnez-moi, je ne vous avais pas vu, s’exclama-t-elle en accourant.

– N’y pense même pas, menaça Zane.

Il lui dédia son sourire le plus insolent.


Parasol


La tête de Zane quand il avait planté là l’équipe pour proposer un verre à l’adorable inconnue valait le détour, songea joyeusement Tekris. Une vengeance certes mesquine, mais comme ça son chef d’équipe apprendrait peut-être à se tenir. Dommage que Monika, aussi charmante fut-elle, se révèle totalement opposée à ses propres idées.

Écoutant distraitement ses affirmations sur l’importance de la pureté de l’âme, il tourna avec ennui le petit parasol rouge de son cocktail. En plus, il n’avait pas l’âge de boire de l’alcool…

Cette constatation le déprima plus encore, mais il devait admettre préférer mille fois la compagnie de Zane.


Impie


– Le plus important restant le dévouement à une haute cause, ne trouves-tu pas ?

Sursautant, Tekris tenta de se replonger dans la conversation en cours. De quoi parlait-elle, cette Monika ?

– Je vois que tu passe du bon temps, grinça une voix aigre derrière lui.

Il se retourna, pour faire face à un Zane contenant à grand-peine sa fureur.

– Oh oui, répondit pour lui sa compagne. Nous avons les mêmes goûts !

– Pour ou contre la Manif pour Tous ? fit soudainement Zane.

– Comment ? Pour, évidemment !

– Parfait !

Saisissant Tekris par le col, il plaqua ses lèvres contre les siennes, sous le regard médusé des passants.


Enveloppe


– Je peux savoir ce qui t’as pris ? siffla Tekris.

– Tu comprends avoir été stupide, j’espère, rétorqua Zane.

Marmonnant, le colosse ne répondit pas. Que c’était vexant d’avoir tort !

– Est-ce que c’est vrai ?

– Quoi donc ?

– Tu partages son avis ?

– Et puis quoi encore ? Je me suis trompé, t’es content ?

L’autre le fixa un instant. Plongeant enfin la main dans la poche de son pantalon, il en tira une enveloppe froissée, qu’il lissa soigneusement. Presque tendrement. Puis il la lui tendit.

– Ça fait un moment que je veux te la donner. J’ai été peut-être un peu… jaloux, quand tu es parti avec elle.

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