Quatorze Juillet

Chapitre 46 : - Partie III ~ Feux d’artifice - - Chapitre XLIV -

6742 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 07/06/2019 14:11

- Chapitre XLIV -

Si la porte qui menait à la salle emplie de lave était richement gardée, celle qui permettait d'entrer dans la pièce du générateur n'en était pas pour autant plus sobre. Le matériau qui la constituait était peu commun –à vrai dire comme toutes les constructions métalliques des Babyloniens– et avait été finement travaillé à en voir les nombreux détails. Autour de l'emplacement des poignées de la porte, deux serpents se roulaient, et leurs têtes se rejoignaient au niveau de la fermeture. Au point le plus haut, on pouvait identifier quelques divinités, dont Raphaël ignorait aussi bien le nom que le rôle, taillées en relief et inspirant un sentiment de mal-être assez particulier.

L'angoisse commençait à le gagner. Et si rien ne se passait comme l'an passé, et qu'il échouait ? Il n'avait pas droit à une seconde chance en cas d'échec, et c'était douloureux à concevoir. Mais comment Bonar saurait-il qu'il allait le vaincre grâce à l'épée qu'il lui aura tendue ? Personne n'avait connaissance des événements en détail, à part Hélène et lui. Il était donc à l'abri d'une telle éventualité.

Il serra la poignée dans sa main, et après avoir pris une grande inspiration, il la poussa. Elle s'ouvrit dans un long grincement, semblable à une plainte interminable. La lumière de la pièce l'éblouit quelques secondes, avant qu'il ne s'accoutumât à ces lueurs tantôt bleues, tantôt vertes, lorsque ça n'était pas de la lumière blanche. Un vrombissement incessant, bien que faible, lui agressa les tympans, il avait oublié combien cette salle était dérangeante, de plusieurs manières.

Il redécouvrit sans surprise la plate-forme centrale à laquelle il pouvait accéder grâce au pont qui s'étendait devant lui, ainsi que les deux demi-couronnes lévitant autour d'eux. Enfin, le grand cristal de couleur émeraude luisait innocemment, comme s'il continuait de faire fonctionner cette machine tout en ayant connaissance des conséquences que cela engendrait sur la ville et ses habitants. Mais une pierre, quand bien même d'une forte valeur, restait une pierre ; il ne fallait pas s'imaginer que ces choses eussent une âme.

« Tiens donc. Je t'attendais, Fantôme R. »

Il releva la tête en direction de l'homme qui se dressait devant lui, et lui jeta un regard mauvais. À cause de lui, tous avaient souffert, lui le premier. Il allait lui faire payer, c'était décidé.

« Je me demande tout de même comment tu as pu ressortir de ta cellule, fit-il dans un grincement de dents, ni comment tu as pu venir ici sans te faire arrêter par les chevaliers.

– Je ne suis pas seul. Et je ne suis pas celui que tu crois.

– Tiens donc ? Le petit voleur a pris de l'assurance ? Tu ressembles bien à ton père, tout dans les mots mais rien dans les faits.

– Laisse mon père en-dehors de tout ça ! »

Leurs voix résonnaient, se heurtant contre les murs arrondis, et se propageant à travers l'immense colonne qui servait de pièce. Il fallait dire que leur échange se faisait à bout de voix presque, chacun étant relativement loin de l'autre.

« Tu devrais nous rejoindre, tu sais. Tu ferais un meilleur boulot qu'Hélène, et tu serais avec ton père.

– Je n'ai pas besoin de mon père ni de cette organisation pour savoir quoi faire ! »

Il serra un peu plus le poing ; pourquoi s'emportait-il aussi facilement ? Bonar devait avoir senti dans sa voix qu'il hésitait, et se cachait derrière une réaction rapide et peu réfléchie. Ça sentait mauvais pour lui, d'autant plus qu'il s'était mis à rire, sa voix imposante résonnant jusqu'en Raphaël.

« Je te proposais une alternative. Tu sais tout comme moi que l'un de nous ne ressortira pas vivant de cette pièce. Et je peux t'assurer que je ne compte pas être cette personne. »

Cela sonnait comme un défi aux oreilles du rouquin. Bien entendu que lui non plus ne comptait pas être cette personne. Mais tant qu'il ne lui envoyait pas l'épée avec laquelle il se battrait, il était incapable de faire quoi que ce fût pour mettre fin à ces événements atroces.

Et il semblait qu'il ne voulait pas la lui envoyer.

« Tu m'as l'air d'attendre quelque chose... Serait-ce ça ? »

Il le vit dégainer une première épée et la lever vers le plafond, sa pointe reflétant la lumière verdâtre du cristal. Il rit une nouvelle fois, bien plus amusé qu'à la précédente, en voyant le visage décomposé de Raphaël qui réalisait qu'il savait comment les choses auraient dû se passer.

« Tu remercieras une fois de plus Hélène. Lorsqu'elle m'a appris que tu serais à l'origine de ma chute, je ne comprenais pas la manière dont tu t'y prendrais. À présent j'y vois clair, je t'aurais à nouveau provoqué en duel et tu m'aurais vaincu. Mais tu n'en auras jamais l'occasion puisque tu n'iras pas plus loin. »

Il remarqua à ce moment-là que Bonar avait plongé sa main gauche gantée dans sa veste, pour en sortir son revolver fétiche, qu'il tenait à présent dans sa main, en direction du rouquin. Et dans la seconde qui suivit, il y eut une détonation.

Dans un réflexe pur et simple, Raphaël avait croisé ses avant-bras devant sa visage, en rentrant quelque peu la tête dans les épaules, dans un mouvement de recul de son corps entier. Le temps parut se stopper. Comprenant que la balle ne l'avait pas atteint, il rouvrit ses yeux qu'il avait fermés dans la continuité de ce réflexe, et constata qu'une intense lumière émanait de son poignet, ou plutôt, du bracelet de Tiamat enroulé autour de son poignet.

Lorsque la lumière se dissipa, il entendit le cliquetis de la balle qui heurta les pierres du sol. Il poussa un soupir de soulagement, satisfait par la réactivité ainsi que la réaction de ce bijou, qui l'aidait une fois de plus.

Il afficha un sourire en réalisant ce qui venait de se produire. Il en devait tant à ce bracelet...!

Il sembla cependant que Bonar ne souhaitait pas être vaincu par un simple bracelet. Aussi épuisa-t-il son chargeur en quelques secondes, chaque tir se retrouvant stoppé en cours de trajectoire d'un simple mouvement de poignet que Raphaël exécutait.

« Je crois qu'on sait tous deux comment tout ça va finir, Napoléon, fit Raphaël, arborant un air de défi. Abandonne et accepte ton sort.

– Jamais je ne laisserai un gamin m'atteindre, moi, Napoléon Bonaparte ! »

Le sourire espiègle du rouquin s'élargit sur ses lèvres. Il fit quelques pas sur le pont, le regard planté sur l'homme qui commençait à perdre ses moyens devant lui.

« Ça tombe bien, dit-il, ce n'est pas Napoléon que je veux faire tomber. Mais Léon Bonar. »

Il y eut un silence entre eux, entrecoupé par le vrombissement ambiant de la pièce. Bonar resta figé, sidéré qu'il sût son véritable nom.

« Ce n'est pas Napoléon qui mourra ici mais Bonar ! » cria-t-il en tendant la main dans sa direction d'un geste accusateur.

L'homme eut un mouvement de recul, comme s'il refusait de croire ce qu'il venait d'entendre. Il lâcha son épée, qui tinta au sol dans un vacarme assourdissant, comparé au silence de plomb qui régnait entre les deux individus.

Un râle naquit dans sa gorge, et se mua rapidement en un hurlement qu'il vociféra en se ruant vers lui, tout en dégainant sa seconde épée qu'il tenait à deux mains, et qu'il abattit d'un coup sec sur Raphaël. Ce dernier fit rebondir la lame sur le bracelet, déstabilisant son assaillant, et fit un bond en arrière pour prendre ses distances afin de réfléchir.

Il ne pouvait se battre à mains nues. Il lui fallait récupérer cette seconde épée et la retourner contre lui. Mais le pont était trop étroit, et son adversaire trop imposant, il devait trouver un autre chemin. Les couronnes flottant autour d'eux lui apparurent comme son salut ; il n'hésita pas et prit l'élan nécessaire afin de bondir jusqu'à l'une d'elles. De là, il n'eut qu'à courir pour se rapprocher de sa destination, et d'un saut dans lequel il avait mis toute sa puissance, atteignit la plate-forme centrale, les commandes des Jardins. Il se précipita dans un dernier effort pour récupérer l'épée, et l'empoigna de toutes ses forces. Il put se retourner à temps pour contrer l'attaque de Bonar, qui s'était rué vers lui alors qu'il lui tournait le dos. Le vacarme des deux lames qui s'entrechoquaient le fit grimacer.

Ses appuis étaient incertains, il ne pouvait tenir longtemps dans la position qu'il avait prise, et il était plutôt sûr de lui s'il affirmait que son adversaire le savait. Ce dernier faisait pression sur lui, et appuyait de toutes ses forces –à moins qu'il ne se retînt encore, il était difficile de le déterminer– sur son épée. Raphaël ne tint plus, et après avoir relevé celle qu'il serrait dans ses mains pour désarçonner son assaillant, fit un bond en arrière afin de trouver de meilleurs appuis, mais aussi de se reposer avant l'attaque suivante.

« Je vois que tu manies le sabre, mais pas assez bien pour pouvoir gagner, se moqua l'homme dans un sourire qui dévoilait ses dents blanches.

– Pour qui tu me prends ? Je t'ai déjà battu à ce jeu-là ! » répliqua Raphaël, ignorant la fatigue qui commençait à gagner ses bras et jambes.

Il reprit position ; jambe droite en arrière, la gauche fléchie devant lui, sa main droite empoignant le haut du manche de l'épée et la gauche la suivant, il la maintenait dressée, la lame droit devant ses yeux.

En face de lui, Bonar la gardait tournée vers le sol. Il semblait vouloir discuter plutôt que se battre.

« Ne penses-tu pas que tout cela nous mènera à rien ? Tu sais très bien qu'Isaac possède sa machine, nous pouvons dominer ce monde à tout moment, sans toi ni Hélène. »

Où voulait-il en venir ? Était-ce là une triste manière de tenter de le faire abandonner ?

« Nous avons toutes les clés en main pour mettre un terme à ton existence, ainsi que celle de Marie ou même d’Élisabeth. Tu en as conscience de ça, j'imagine ?

– Vous n'êtes rien sans Hélène, cracha Raphaël, son corps entier reculant quelque peu dans un réflexe de défense.

– Hélène n'est rien sans nous. »

Le rouquin secoua la tête. Il ne devait pas l'écouter. Il savait que tout ce qu'il disait avait pour seul but de le rendre vulnérable afin de le tuer, tout simplement.

« Et puis, tu sais combien nous sommes nombreux. Notre organisation est tant étendue à travers Paris et la France, ce n'est pas une simple défaite ici qui nous stopperait. Sais-tu depuis combien de temps elle existe ?

– Je me moque de savoir tout ça ! » cria Raphaël et s'avançant à toute allure vers lui, avant d'asséner un coup verticalement.

Il avait prévu qu'il le contrât à temps ; tout ce qu'il recherchait dans ces actes était qu'il se tût. Il ne voulait pas en savoir plus. Une voix intérieure lui répétait qu'il ne devait pas savoir.

« Bien essayé, mais tu ne pourras me faire taire, grommela-t-il. Vois-tu, cette organisation est l’œuvre de ma vie. Sais-tu ce que cela fait de grandir en étant le dernier d'une immense fratrie, toute courant après le pouvoir que toi seul ne pourra jamais posséder ?

– Tais-toi ! »

Un nouveau sourire, bien plus amusé et vicieux que les précédents. Il fit un mouvement de bas en haut de sa tête.

« Tu as raison. Je devrais attendre qu'Hélène nous rejoigne, cela la concerne aussi.

– Je suis déjà là, depuis un moment » annonça une voix sur un air de défi.

Elle avança sur le pont, pas après pas, les poings serrés et un air déterminé sur le visage. Quelques traces de sang tâchaient sa peau ; était-ce le sien ? Raphaël n'aurait su dire.

En l'entendant, le sourire de Bonar s'élargit bien plus. Il se dégagea du poids que donnait Raphaël sur son épée, et s'éloigna un peu plus de lui. Il se trouvait près des commandes des Jardins. Le rouquin, lui, se tenait près du pont, duquel Hélène le rejoignit. Tous deux fixèrent l'homme du regard. Ce dernier se délectait de voir toute l'attention portée sur lui.

« Ma chère Hélène, tu as pu te souvenir de tes parents, enfin, non ?

– Je ne vois pas en quoi cela concerne notre situation.

– Saurais-tu dire si tu as de la famille dans notre organisation ? »

Les yeux d'Hélène s'écarquillèrent. Puis elle tourna son visage vers le sol. Son silence ressemblait tristement à une affirmation.

« Peux-tu me dire qui sont ces personnes ? »

Hélène regarda Raphaël, d'un air parfaitement désolé dont il ne pouvait comprendre la raison. Puis elle répondit à la question de son ancien chef.

« Jean-François, mes deux grands-pères et ma grand-mère, même si elle l'a quittée il y a bien longtemps...

– Tu sais bien que personne ne quitte réellement l'organisation, Hélène. »

Raphaël la dévisagea avec sidération. Lui qui pensait que seul Jean-François –plus tard suivi par sa propre fille– était lié à cette maudite organisation... Il avait été stupide de croire que tout était si simple.

« Si Élisabeth nous a rejoints, c'était pour ses propres raisons. »

Élisabeth !? C'était inconcevable, il devait se tromper, il n'avait pas d'autre choix.

« Elle souhaitait redorer le nom de sa famille, et retrouver leur fortune, tu sais.

– Tu mens ! Élisabeth n'aurait jamais fait ça ! »

C'en était trop pour Raphaël, qui ne voulait plus en entendre un mot de plus. Tous ces mensonges le mettaient hors de lui, il ne tolérait pas d'entendre de telles choses sur Élisabeth.

Il empoigna l'épée de sa main gauche, alors qu'il tendait la droite en direction de Bonar. Le bracelet se mit à briller intensément, et des rayons de lumière qui en émanaient s'étirèrent à travers toute la salle, rivalisant avec celle émise par le cristal. En un battement de cil, Bonar se retrouva à plusieurs centimètres au-dessus du sol. Voyant que c'était là tout ce dont il souhaitait faire preuve, l'homme ricana, se moquant ouvertement de lui.

« J'aurais espéré que le bracelet ait des effets plus impressionnants. Je suis déçu. Peut-être en ferait-on un meilleur usage entre d'autres mains.

– Je te mets au défi de répéter ça. »

Comme s'il avait voulu le suivre dans son jeu puéril, Bonar avait entrouvert les lèvres afin de réitérer. Mais aucun son ne sortit de sa gorge, qu'il sentit compressée, comme si des mains l'entouraient et la serraient de plus en plus fort. Il ne fallait pas être un génie pour faire le parallèle entre ce qui lui arrivait et le fait que le rouquin avait crispé ses doigts et tourné quelque peu la main sur le côté. La lumière du bracelet avait commencé à prendre une teinte rougeâtre, comme en réaction avec la nature de l'acte qu'il lui demandait, ou bien en guise de réponse à son humeur.

« Je vois que tu en perds tes mots. Tu me déçois, Bonar !! »

Sa voix tonna, résonnant dans la pièce. La fureur l'animait, bien qu'il ne se souvînt plus réellement de la raison d'une telle colère. Il resserra encore plus ses doigts ; le bracelet répondait si bien à ses mouvements, cela l'étonnait presque. Il entendait quelques gémissements qui lui parvenaient faiblement.

« Arrête ! »

Un cri de désespoir le fit revenir à la raison. La lumière du bracelet se dissipa, faisant tomber Bonar au sol, qui tenta de reprendre rapidement sa respiration ainsi qu'un teint plus naturel. Il jeta un rapide coup d’œil dans leur direction ; Hélène s'était accrochée au dos du rouquin, ses bras entourant ses épaules pour l'empêcher d'agir. Il tourna immédiatement la tête dans sa direction, cherchant à comprendre pourquoi elle avait agi ainsi. Il n'eut aucune réponse de sa part ; ce fut à nouveau à son adversaire de parler.

« Je suis fier de toi, Hélène. À vrai-dire, tu aurais difficilement pu me satisfaire plus que ça.

– Pourquoi tu as fait ça !? » s'écria Raphaël, un mélange de surprise, d'incompréhension et de colère dans la voix.

Hélène baissa les yeux vers le sol, lui demandant d'une voix faible de l'excuser. Sa main glissa le long du bras du rouquin, jusqu'à sa main gauche dont la chaleur la surprit, et qu'elle serra dans sa paume quelques instants. Puis elle la quitta pour saisir le manche de l'épée, et la lui prendre. Raphaël lâcha prise, sans comprendre ce qui se passait, et la laissa faire. Elle recula quelque peu dans son dos, après lui avoir murmuré à nouveau qu'elle était désolée de faire ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle passa à sa droite, et vint se placer aux côtés de Napoléon, le regard triste, et quelque peu absent. Il posa une main satisfaite sur son épaule ; on pouvait difficilement être plus fier de quelqu'un que ce qu'il n'était à cet instant-là.

« Hélène, bon sang, c'est notre ennemi, c'est Bonar !

– Justement... je ne peux pas...

Hélène !! »

Face à ce spectacle, le dirigeant de l'organisation ne put retenir un instant de plus son hilarité, et laissa éclater ce rire qu'il gardait pour lui. Un frisson parcourut Raphaël. Que savaient-ils que lui ignorait !? Ne pas le savoir le terrifiait. Allait-il encore une fois devoir se retrouver dans un combat contre Hélène ? Il ne pouvait pas lutter contre elle...

« Ton ignorance n'a cesse de m'impressionner mon cher ami. Si tu m'avais laissé poursuivre tout à l'heure, tu aurais compris depuis bien longtemps. Mais comme je suis d'humeur magnanime, je vais m'expliquer. »

Il fit quelques pas vers l'une des deux consoles de commandes. Il poussa un levier, et en tira un autre.

« J'avais douze frères, tous souhaitant accéder à la place de notre père à sa mort. Bien entendu, cette place devait revenir à l'aîné, et s'il décédait, à son frère dans l'éventualité où il n'aurait pas de fils. J'étais donc certain de ne jamais pouvoir faire partie de la branche principale de notre famille. Voilà comment j'ai commencé à réfléchir à une manière de prendre le pouvoir de force. Quelques années plus tard, l'organisation était née. J'avais rassemblé quelques amis qui partageaient mes idéaux, ensemble nous avons étudié les légendes de notre pays ; nous avions ainsi découvert des preuves de l'existence des Jardins Suspendus de Babylone.

« Notre plus grande surprise fut de découvrir qu'ils se trouvaient en France ; nous ignorions que l'empire babylonien s'était autant étendu, comparé à ce qu'affirmaient les livres d'histoires que nous étudions. Rapidement, notre petit groupe emménagea ici, à Paris, et notre organisation grandit de jours en jours. Les aristocrates parisiens souhaitaient obtenir plus de pouvoir, aveuglés par ça, ils nous rejoignaient sans problème, et devenaient nos chevaliers diaboliques. C'est à cette époque que j'ai rencontré Jean-François.

« Lui aussi étudiait l'histoire, et avait un penchant pour ces grandes civilisations disparues. Nous nous sommes immédiatement entendus, mais je refusais qu'il rejoigne notre organisation. Je voulais juger de son utilité avant de décider. Et lors d'une de nos rencontres habituelles, il me présenta sa cousine, la duchesse Élisabeth. »

Raphaël vit Hélène frémir puis secouer la tête, comme pour chasser un mauvais souvenir de ses pensées. Bonar n'en tint pas compte, et mania encore quelques autres leviers.

« Ce que j'ignorais à l'époque était que sa famille avait perdu toute sa fortune ainsi que le respect que suscitait leur nom. Ils n'étaient plus personne. Je lui ai alors proposé de nous rejoindre afin de retrouver leur position sociale ainsi que leur fortune, ce qu'elle n'a pas hésité à faire. En moins de deux ans, le nom des de France était sur toutes les lèvres de la ville comme du pays, et ils retrouvèrent le pouvoir qu'ils avaient perdu. À l'époque, c'était encore les parents d’Élisabeth qui dirigeaient la famille. Et ils voulaient qu'elle trouve rapidement un époux pour assurer leur succession.

« Ce qui se faisait dans cette famille –et qui se fait encore– est que l'époux de la fille héritière prenne le nom de France afin de le faire perdurer. Cela n'a pas échappé, mais peu de temps après, alors qu'elle attendait un enfant, elle s'est séparée du père, et de l'organisation, convaincue que nous aurions une mauvaise influence sur l'enfant. Ce qu'elle ignorait était que cet enfant était la clé de tout, l'être réunissant les deux lignées, celle de Babylone et celle de France. Vois-tu où cela nous mène ? »

Raphaël fronça les sourcils, secoua la tête en tremblant. Une nausée le prit, il ne pouvait pas croire ce qu'on lui disait là.

« Le père de Marie, et grand-père d'Hélène, appartient à cette organisation. Tu l'auras compris, Fantôme R...

Impossible...

Je suis le père de Marie. »

Le savoir était déjà dur à encaisser, mais l'entendre le dire de vive voix était bien plus douloureux que ce qu'il aurait pu imaginer.

« Impossible !! hurla-t-il à plein poumons.

– J'ignorais que c'était lui derrière l'identité de Napoléon, murmura Hélène, complètement abattue. Je ne pouvais pas te laisser le tuer, pas mon...

– Hélène, regarde un peu la réalité en face ! Tu sais qui est ce type, non !? Tu sais ce qu'il t'a fait ?!

– Il fait partie de ma famille...

– Jean-François aussi ! Myrjam aussi ! Et pourtant eux, tu les détestes ! Ils t'ont détruite eux aussi, et Alexandre aussi !

– Je ne peux pas... Il est le seul que j'aie vraiment connu... »

Les larmes remplirent les yeux d'Hélène, qui ne savait plus vers qui se tourner. Lorsqu'elle croisait le regard de Raphaël, ce dernier lui répondait d'un air mauvais, et avec rancune. Si elle regardait en direction de Bonar, il lui souriait et hochait de la tête.

« Tu as fait le bon choix, Hélène, dit-il en s'approchant d'elle. Tu peux être fière de toi, tu nous as plus qu'aidés.

– Est-ce que tu es fier de moi ? Est-ce que tu vas me féliciter ? »

Elle lui faisait face, et l'implorait de sa voix qui commençait à être secouée par des sanglots.

« Est-ce que je suis... une bonne fille ? » demanda-t-elle en pleurant, sa main droite essuyant les larmes qui coulaient à flots le long de ses joues.

Il s'approcha d'elle, et lui caressa la tête, de sa main gantée. Puis il ouvrit grand les bras pour qu'elle s'y réfugiât, ce qu'elle fit sans hésiter, répondant à son étreinte sans l'ombre d'une hésitation.

Puis il y eut ce bruit.

Bonar écarquilla les yeux, et entrouvrit les lèvres. Un mince filet de sang en coula, se mêlant aux cheveux de la rouquine, qui ne réagit pas. Elle recula finalement, d'un pas ou deux, le repoussant d'un air nonchalant afin qu'il se séparât d'elle.

Il fit quant à lui un pas ou deux en arrière avant de retrouver un semblant d'équilibre. Son visage avait pâli et une expression hagarde s'y était gravée. Du sang glissait de ses lèvres et venait se mêler à sa barbe blonde qui devenait grisonnante avec l'âge, et sa main, plaquée au niveau de son estomac, prenait peu à peu une mince teinte bordeaux.

Hélène lâcha l'épée, qui tinta en heurtant la pierre, et répandit quelques gouttes écarlates sur les dalles.

« Tu croyais vraiment que je pouvais te pardonner ça ? Va crever. »

Ses yeux s'étaient assombris, et observaient sans la moindre émotion la victime qui s'affaiblissait devant eux.

« Tu m'étonneras toujours, Hélène, à ne jamais pouvoir choisir ton camp. Finalement, tu nous auras causé plus de problèmes qu'autre chose » fit-il en tentant quelques pas sur le côté.

Raphaël n'attendit pas plus longtemps pour rattraper la rouquine, et courut sur le pont jusqu'à elle. Il lui prit le visage entre les mains la forçant à le regarder dans les yeux. Il ne pouvait trouver de mots à lui dire tant il avait eu peur, et tant il s'en voulait d'avoir douté d'elle.

« Ne me refais plus jamais ça sans me prévenir, implora-t-il.

– Excuse-moi, ça n'aurait pas marché si tu n'y avais pas cru... »

Un vrombissement étrange se fit entendre ; toutes les lumières de la salle s'éteignirent tour à tour, formant une spirale lumineuse devenant peu à peu sombre. Leur seul éclairage devint le cristal central. Il ne leur fallut pas longtemps pour comprendre que Bonar avait activé et verrouillé la folie destructrice des Jardins, comme l'an précédent. Il leur faisait fièrement face, satisfait de son œuvre.

« Si je ne peux gagner, alors personne ne gagnera. Je leur laisse la suite. Anselme pourra s'en charger...

– Non ! »

Raphaël se précipita vers lui et l'empoigna par le col, le secouant d'avant en arrière.

« Pourquoi t'as fait ça !?

– Je n'allais pas vous offrir la victoire, non ? »

Le sourire qu'affichait Bonar contrastait avec le filet de sang qui s'épaississait et coulait du coin de ses lèvres, ainsi que les cernes autour de ses yeux qui noircissaient. Son teint devenait effroyablement pâle. Son heure était proche, et il le savait.

« Si tu veux me rejoindre dans la mort, alors ça sera avec plaisir ! »

Il puisa dans ses dernières forces pour basculer en arrière et entraîner Raphaël avec lui. Ce dernier trébucha et se sentit tomber avec lui. Il allait mourir. Pour de bon. Ici. Sans lui avoir dit au revoir...

Une voix l'appela. Celle de Marie.

Tout sembla se jouer au ralenti. Il vit Hélène s'interposer, frapper de toutes ses forces les mains de Bonar afin qu'il lâchât Raphaël, ce qui se produisit, et qu'il chutât seul vers sa mort. Mais la vitesse avec laquelle elle était venue à eux joua contre elle, et la fit pencher dangereusement en arrière. Elle tendit la main vers Raphaël, qui fit de même. Leurs phalanges se touchèrent légèrement, avant qu'Hélène ne tombât en arrière à son tour.

Le bracelet brilla quelques secondes, avant que la lumière ne s'éteignît d'elle-même, devenant progressivement sombre.

Il hurla son prénom.

Il hurla à s'en vider les poumons, qui devenaient douloureux à présent.

Il s'effondra à genoux, se moquant éperdument de cette douleur. Pourquoi ?

« Hélène... »

Il ne contrôla pas les larmes qui coulaient. Il enfouit son visage dans ses mains. Bon Dieu, pourquoi Hélène ?

Comment était-il censé finir leur travail sans elle à présent ? C'était inconcevable. Il ne pouvait rien faire seul.

Ils avaient encore tant de choses à se dire, lui et elle...

Pourquoi avait-il fallu qu'elle tombât à sa place...?

« J'avais encore tant de choses à te dire... Ne me laisse plus seul, Hélène... J'ai besoin de toi... »

J'ai tellement besoin de toi...

Il ne parvenait plus à prononcer le moindre mot. Tout ce qu'il pouvait faire était pleurer.

« Excuse-moi... »

La voix de la rouquine le hantait. Pourquoi n'avait-il pas compris ce qu'elle avait essayé de faire ? Pourquoi avait-il été aussi stupide face à Napoléon ?

Aurait-il été possible qu'elle survécût à sa chute ? Le collier et le bracelet pouvaient l'aider, non ? Mais tolérerait-elle une telle douleur lorsqu'elle heurterait le sol, s'il y en avait un ? Il en doutait fort, peut-être les aurait-elle ôtés afin de s'épargner cela...

Il enfouit sa tête dans ses mains, complètement désemparé. Il était à nouveau seul, sans elle, et sans la moindre chance de la retrouver...

« Aide-moi... »

Il releva soudainement le visage, cherchant l'origine de cette voix dont il ne reconnaissait pas le timbre. Puis il remarqua une main, crispée, au bord de la plate-forme. Il ne réfléchit pas une seule seconde et se précipita vers elle pour la saisir ; il tira vers lui afin de l'aider à remonter. Lorsqu'elle fut à nouveau debout devant lui, il ne retint pas les larmes de joie qui montèrent, et la serra de toutes ses forces dans ses bras.

« Désolée, murmura-t-elle en se laissant quelque peu tomber dans son étreinte.

– Comment tu as fait ? Tu ne pouvais pas te raccrocher, c'est tout lisse... »

En plus d'avoir une matière purement lisse, la plate-forme sur laquelle ils se trouvaient avaient une forme de champignon ; le pilier qui la maintenait en hauteur était au niveau de son centre, il aurait fallu à Hélène de pouvoir se déplacer dans les airs pour pouvoir s'en rapprocher et grimper jusqu'à son sommet...

« Je n'avais pas beaucoup de temps pour prendre une décision. J'ai réagi au plus vite, et ai pivoté, un petit salto arrière en chute libre, qui m'a permis de me raccrocher aux pierres du pilier. Je ne sentais plus mes mains, ni mes bras, mais j'étais vivante. Remonter, après, c'était un jeu d'enfant. »

Elle laissa s'échapper un petit rire nerveux alors qu'elle enfonçait son visage dans le cou de Raphaël, et l'entourait de ses bras, répondant à son embrassade.

« Et puis, je crois que pendant quelques secondes, le bracelet m'a fait léviter. Je dois dire que sans ça, je n'aurais jamais pu revenir. Merci. »

Raphaël resserra ses bras autour d'elle. Il se moquait bien de ce qui s'était passé. Elle était là, à nouveau avec lui...

« J'ai tellement espéré que tu entendes ma voix... Je t'entendais et je ne pouvais pas te faire savoir que j'étais là... Je suis désolée...

– C'est moi qui suis désolé. C'est à cause de moi. Excuse-moi d'avoir été stupide.

– Excuses acceptées » fit-elle en esquissant un léger sourire.

Elle se libéra de son étreinte, et lui adressa un petit sourire qui contrastait avec l'expression attristée de son regard

« Il nous reste encore une dernière chose à faire ici.

– Comment est-ce que je peux faire ? Je n'ai jamais compris ce qui s'était passé l'an dernier... »

Marie l'avait encouragé en jouant le refrain de la Princesse de la lune, et grâce à ça il avait pu rassembler les sentiments de chaque personne à Paris, si ce n'était pas de la Terre entière, et faire en sorte de briser le cristal grâce à l'intense lumière qui avait émané du bracelet à ce moment-là...

Il s'avança au centre de la pièce, sous l'immense cristal. Il observa longuement le bracelet, avant de fermer les yeux.

« Si j'ai eu ce bracelet en un premier lieu, ce n'était pas par pure coïncidence. J'aurais pu le perdre. Et pourtant, il est là. »

Hélène se rapprocha de lui. Elle posa sa main droite sur son épaule gauche, comme pour l'encourager.

« Et je ne suis pas seul. Je n'ai jamais été seul. Tu as toujours été là Hélène. Ensemble, on peut réussir. On peut stopper ces Jardins ! »

Il leva le poignet dans les airs, en direction du cristal.

« On va stopper ces Jardins !! »

Sa voix résonna autour d'eux. Mais ce fut tout.

Il ne se produisit rien.

Pas la moindre lumière, pas le moindre bruit du cristal qui se brise.

Absolument rien.

Raphaël resta pétrifié à cette constatation. Qu'avait-il fait de différent ? Sa volonté était la même, il voulait stopper ces Jardins, et il était toujours aussi sûr de lui qu'il ne se trompait pas en pensant que chaque habitant de Paris souhaitait la même chose, d'autant plus que les Jardins commençaient sûrement déjà à s'affoler et à tirer des éclairs dans tous les sens.

Alors pourquoi cela n'avait pas marché ?

« Le bracelet... » murmura-t-il.

Le bracelet n'avait pas brillé. Quelques instants auparavant la lumière s'était évanouie d'elle-même. N'avait-il plus la force de le faire fonctionner ? Y avait-il une dissonance entre lui et l'objet ?

Il ne comprenait pas. Rien n'avait de sens, rien n'était logique !

« Pourquoi ça ne marche pas !? » hurla-t-il en serrant de sa main gauche le bracelet, qui gravait quelques marques dans la peau de son poignet droit.

Il entendit, derrière lui, la voix d'Hélène murmurer tendrement.

« Je cherchais de l'aide, j'ai trouvé ton sourire... »

Puis une mélodie commença à résonner dans l'immense pièce. Un son de cordes frottées et pincées, un son mélodieux qu'il reconnaissait mieux que quiconque.

Un violon.

Hélène jouait du violon.

Une mélodie qui avait commencé avec un peu d'hésitation, dont la justesse des notes n'était peut-être pas parfaite, mais qui l'emplit d'une chaleur agréable tant l'émotion qui s'en dégageait était pure. On pouvait ressentir à travers ces notes qu'elle désirait ardemment que cela mît fin à la folie des Jardins.

Il se retourna, lui fit face pour l'observer. Elle avait fermé les yeux, et se concentrait sur les notes qui se succédaient les unes après les autres. Son corps basculait, se berçait au fil des coups d'archet qu'elle donnait, tirant et poussant tour à tour. Ses cheveux ondulaient en suivant les mouvements de sa tête ; elle avait les mêmes gestes que Marie lorsqu'elle jouait. C'était la première fois que leur ressemblance lui apparaissait d'une manière aussi évidente.

Ce fut en voyant une puissante lumière se propager depuis le bracelet qu'il comprit que c'était le violon de Marie qu'elle tenait entre les mains. Sa marque s'était mise à briller à son tour, suivie du pendentif d'Hélène ainsi que de son bracelet. Comme entrés en résonance, les Jardins suivirent, et Raphaël put deviner que cette lueur dorée et étrange ne s'en tenait pas qu'à eux.

« Merci Hélène » souffla-t-il dans un sourire empli de gratitude.

Il posa une dernière fois les yeux sur le bracelet luisant enroulé autour de son poignet alors qu'elle achevait sa mélodie en maintenant la note finale, son index faisant de courts va-et-viens à son emplacement sur la corde pour créer l'effet de vibrato.

« Sans toi je n'aurais jamais pu en arriver à là. »

Elle lui fit un signe de tête, quelques larmes emplissant ses yeux. Puis elle reprit de plus belle, la même mélodie, mais sur une autre tonalité, cette fois en mineur.

« Toutes nos émotions, dans ce bracelet... »

Il leva le poignet, la détermination n'était plus que la seule chose qui l'animait.

« Arrête-toi !! » cria-t-il alors que la lumière qui débordait du bracelet se changea en un large rayon qui transperça de part en part le cristal.

La lumière ne s'évapora que lorsque Hélène eut pour de bon achevé son morceau. La réaction qui suivit fut celle de ce cristal verdâtre, qui se brisa en un grand nombre de morceaux. L'effet direct fut un gigantesque tremblement du sol, ainsi que la destruction progressive du plafond, dont des blocs de pierre commencèrent à tomber. Il ne fallut que peu de temps à Raphaël et Hélène pour réagir ; il lui saisit la main et l'emmena avec lui hors de cette pièce qui s'effondrait sur elle-même. Elle n'avait pas lâché le violon ni l'archet, et les gardait serrés entre ses doigts, même s'ils la gênaient dans sa course. Elle tenait visiblement à les rendre à leur propriétaire.

Tout se répétait comme l'an passé. Les Jardins qui s'effondraient, les sorties bouchées. La seule exception fut qu'ils n'eurent pas à sauter au-dessus d'un trou béant. Par chance, les Jardins avaient dérivé jusqu'à frôler la Tour Eiffel ; ils purent s'y réfugier en un petit bond qui ne leur demanda pas trop d'efforts.

Ils y retrouvèrent Élisabeth, Marie et le passé de Raphaël, qui s'y étaient réfugiés à temps. Les seules personnes restées dans les Jardins étaient les Chevaliers et Jean-François, si toutefois ce dernier était toujours vivant. Raphaël et Hélène restèrent figés devant le spectacle qui s'offrait à eux. Les Jardins retombèrent dans un vacarme grondant, et bientôt, ce fut la fin de ces horribles événements.

Raphaël posa sa main sur l'épaule d'Hélène alors que tous deux gardaient leurs yeux rivés au sol. Elle se retourna et, sans prêter la moindre attention à son geste amical, alla rendre son violon à Marie. Elle la remercia avec gêne, ne sachant pas vraiment quels mots lui dire. Elle opta finalement pour un simple hochement de tête en silence, ce qui parut suffire à la rouquine.

« Merci, Raphaël, murmura-t-elle finalement en revenant à ses côtés. Tu nous as sauvés de ma folie...

– Dis pas des choses comme ça, sourit-il. Je n'étais pas seul, tu étais avec moi. Toi aussi, tu as sauvé la ville. »

Elle baissa les yeux, gênée. Elle ne savait plus quoi dire, si ce n'était se confondre en excuses qu'il jugerait inutiles.

« Tu m'as surpris quand même, je ne pensais pas que tu savais jouer du violon.

– C'est grâce à ma mère... Elle me fascinait, j'ai toujours voulu essayer... Il semblerait que certaines de mes vies m'aient permis de réaliser ce rêve... »

Elle esquissa un sourire triste. Il remarqua que ses yeux étaient embués de larmes, mais elle les essuya en silence d'un geste rapide de la main.

« J'ai l'impression que tout est fini, fit-il en levant les yeux au ciel, duquel les nuages disparaissaient progressivement, désormais libre du commandement des Jardins. Je me sens juste quelque peu mal pour tous ceux qui ont perdu la vie... Vergier, les policiers... Charlie devait sûrement être avec eux en plus...

– Il n'est jamais trop tard pour remonter le temps et effacer nos marques ici... Ce sera une aventure dont nous seuls nous souviendrons. Ce ne serait peut-être pas plus mal...

– Je ne sais pas trop, répondit Raphaël en faisant la moue. Je me sens un peu mal à l'idée d'effacer tout ça...

– Les événements se rejoueraient comme ce qui aurait dû avoir lieu. Les gentils gagneront, les méchants perdront, personne ne mourra...

– Sauf Bonar.

– Son destin est inévitable. »

Hélène avait coupé court à cette discussion. Elle ne souhaitait pas parler plus que ça de lui. Et à vrai dire, c'était plutôt compréhensible. Mais une autre question taraudait Raphaël.

« Quant tu as dit que tu avais tes deux grands-pères et ta grand-mère dans l'organisation... Tu faisais référence à lui et Élisabeth, mais qui est la dernière personne ? »

La jeune femme rentra un peu plus la tête dans les épaules, comme pour s'enfermer dans une carapace. La réponse à cette question ne semblait pas si agréable que ça.

« Je ne peux pas te le dire, souffla-t-elle tristement. Je... »

Elle releva son visage dans sa direction, posant tristement ses yeux azurés fatigués dans ceux de Raphaël.

« Je vais t'emmener voir quelqu'un qui pourra te répondre. Puis ce sera la fin de tout ça, je te le promets. »


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