Les sides-stories d'Etoiles et chaos

TITRE : Étoiles & Chaos - Side-story vingt

AUTEUR : Ardell

DISCLAIMER : Les personnages et l'univers de Saint Seiya appartiennent à Masami Kurumada. Seul le personnage de Cinnamon est à moi.

Side-story vingt : Plume d'argent

Mardi 7 octobre 1986

Palais du Grand Pope

Cela faisait seize jours que l'entraînement de Cinnamon avait commencé. Au début, par crainte de lui, elle faisait de son mieux pour éviter le Cancer. Pour cela, il lui suffisait de se trouver chez l'un des Chevaliers d'Or. Avec messire Camus, par exemple, elle se savait en sécurité. Seulement elle ne pouvait décemment pas être fourrée chez lui ad vitam æternam.

Heureusement, au fur et à mesure que les séances avec DeathMask se succédaient, force était à la jeune fille de constater que cela lui faisait le plus grand bien. Bien sûr, après avoir fait appel à son pouvoir, elle se retrouvait toujours avec un étau lui enserrant la tête et des nausées violentes qui lui donnaient l'impression qu'elle allait rendre ses tripes et boyaux. Mais après les exercices physiques que le Saint d'Or lui dictait, elle se sentait, et bien oui, fière d'elle. Enfin elle pouvait se défouler, se dépenser physiquement, et c'était très agréable. Ainsi, au bout de deux semaines, Cinnamon avait peu à peu accepté l'idée d'être une apprentie de l'ombre. Si le Cancer la tétanisait toujours, elle en était venue à accepter sa présence comme coach sportif. Peu à peu, la reconnaissance se mêlait à la peur qu'elle avait de lui.

Le dernier entraînement avait eu lieu la veille. Pour l'heure, l'adolescente était accoudée à une croisée ouverte qui donnait sur l'arène, au loin. Son regard fut alors attiré par une chose noire qui tournoyait dans le ciel bleu. L'objet finit par se poser sur le rebord de la fenêtre et la jeune fille la saisit entre ses doigts. Une... plume ? Surprise, elle releva la tête et scruta l'extérieur. Elle le vit alors, un jeune homme qui marchait, un corbeau perché sur l'épaule.

— Oh ! fit Cinnamon avant de se lancer dans le couloir.

Elle courut, dévala l'escalier du palais et fut dehors. Au bout d'un petit moment elle retrouva l'inconnu. Elle vit celui-ci donner une miette de pain à son oiseau.

— Bonjour... commença-t-elle poliment.

Le Chevalier la regarda puis demanda :

— Tu es la demoiselle Cinnamon, n'est-ce pas ? Ça fait quoi de côtoyer des demi-dieux ?

La jeune fille hésita, ne sachant pas s'il se moquait d'elle. Elle préféra éluder la question.

— Comment s'appelle-t-il ? voulut-elle savoir en désignant le volatile.

— Il n'a pas de nom, c'est un être libre, lui en donner un serait une façon de se l'approprier, répondit-il.

— D'accord... pouvez-vous au moins me dire votre nom ? A moins que vous n'en ayez pas vous non plus...

Cette fois le jeune homme sourit :

— Je suis Jamian, Saint d'Argent, dit-il. Du corbeau, comme tu l'auras deviné.

— Enchantée. J'ignorais que l'on pouvait apprivoiser ces animaux.

— On peut les apprivoiser parce qu'ils sont très intelligents, sans doute les plus intelligents oiseaux du règne animal.

— C'est vrai ? fit l'adolescente.

Jamian acquiesça.

— J'ai vu des corbeaux lâcher des noix sur une route pour que les voitures écrasent les coques. Petit détail, ils attendaient que le feu des autos vire au rouge avant d'aller récupérer leurs biens.

— Je ne savais pas...

— Et bien tu te coucheras moins bête ce soir.

De nouveau, Cinnamon ne sut si elle devait s'insurger. Plaisantait-il, oui ou non ?

Brusquement elle poussa un cri étouffé. Quelque chose venait de se poser juste sur sa tête ! Jamian éclata de rire. Cette fois c'était sûr, il se gaussait d'elle !

— Qu'est-ce que...

— Du calme, ne vas pas les effrayer.

Le Chevalier parlait de deux corbeaux, celui sur son épaule, qui battait des ailes avec une certaine impatience, et celui perché sur le crâne de Cinnamon. Celle-ci n'osait plus faire un geste. L'oiseau pesait son poids et de plus, ses griffes lui tiraient les cheveux. Soudain elle sut d'où venait la plume qu'elle avait vue tout à l'heure. D'un corbeau qui se trouvait en hauteur et qui avait tout à coup décidé que la tête de la jeune fille ferait une bonne piste atterrissage...

— Heu, comment... comment on l'enlève ?

Aussitôt Jamian tendit le bras et l'animal alla se poser dessus. L'adolescente soupira de soulagement. Néanmoins, elle avait encore mal aux cheveux. D'ici à ce que ce corbeau lui ait entaillé le cuir chevelu... Pour s'en assurer, elle leva les mains et se tâta la tête. Bon, apparemment tout était normal.

— Merci, dit-elle.

— Je t'en prie demoiselle.

Et il lui fit un clin d'œil. Cinnamon lui sourit en retour. Ce Jamian lui plaisait finalement. La relation étroite qu'il semblait partager avec ses corbeaux le rendait très intéressant aux yeux de la jeune fille. Tiens c'était étrange, elle n'avait pas remarqué qu'il faisait si sombre...

— Et donc... vous combattez avec eux ?

— Ils ne me quittent pas, ils sont toujours là, tous.

— Tous ?

Un bruit d'ailes froissées répondit à l'adolescente qui se retourna... et faillit s'étouffer de surprise. Elle comprenait à présent l'obscurité ambiante...

Le ciel n'était plus bleu, il était... noir. Un noir vivant, vibrant. Et sonore. Projetés par des centaines de becs, les croassements de tous ces corbeaux emplissaient l'espace. Ils étaient si nombreux...

— Ferme la bouche, ou tu vas avaler des plumes, conseilla le Saint.

Cinnamon obtempéra. Ce spectacle, il fallait bien le dire, majestueux, l'impressionnait vraiment. En fait, elle ignorait si elle devait en avoir peur ou s'en émerveiller.

— On m'a confié une mission, lui apprit Jamian. Je pars de ce pas au Japon, ramener cette gamine qui se prend pour une déesse.

La jeune fille rouvrit la bouche mais la referma aussitôt. Évidemment, le Chevalier ne savait pas qu'Athéna ne résidait pas sur le Domaine Sacré... Et l'adolescente s'était promis de garder ce secret. Aussi se tut-elle. Avec, dans le cœur, un soupçon de culpabilité. Pauvres Saints qui croyaient en toute bonne foi protéger leur chère déesse ! Puis elle se demanda ce que le Grand Pope ferait de cette fille une fois qu'elle serait arrivée au Sanctuaire... Pas besoin d'additionner deux et deux pour deviner que la cible du Corbeau était la vraie réincarnation d'Athéna. Peut-être se battrait-elle contre le Pope lui-même, après tout, une déesse... En tout cas, le maître absolu de cette terre consacrée n'avait sûrement pas l'intention de lui offrir une tasse de thé.

Et puis, tiens, cette véritable Athéna, à quoi ressemblait-elle ? Cette curiosité pénétra soudain tout son esprit, lui donnant envie de la voir, cette fameuse menace. Parce que, oui, cette fille était une menace. Si elle arrivait à vaincre le Pope... Sans doute changerait-elle les lois du Domaine Sacré, mettant tout sens dessus-dessous. Apportant le chaos.

Allons donc, qu'allait-elle chercher là ? Jamais celui qui était en réalité messire Saga ne perdrait face à une gamine de treize ans ! C'était impossible. Le fait que cette dernière fut une déesse n'entama pas la conviction de Cinnamon. Elle avait une telle foi en son Chevalier préféré ! N'importe comment, elle encouragerait la victoire du Pope, et se sentait même prête si besoin a lui prêter main forte. Quoi qu'elle n'imaginait pas qu'il puisse avoir réellement besoin de son assistance. Assurément cette Athéna passerait un sale quart d'heure à son arrivée ici...

— Bonne chance, Jamian, dit-elle.

— Ne t'en fais pas, répondit-il. Avec mes amis, c'est dans la poche !

La jeune fille sourit. Oui il accomplirait certainement sa mission et reviendrait vainqueur au Sanctuaire. C'était une question d'heures.

Elle le salua de la main alors qu'il s'éloignait. Dans le ciel, les oiseaux accompagnèrent leur maître vers les confins du Domaine Sacré. Peu à peu, la lumière du soleil revint.

Mercredi 8 octobre 1986

Ce fut les larmes aux yeux que Cinnamon apprit le décès de Jamian. Le Corbeau avait été fauché par de misérables Saints de Bronze. Athéna qui représentait une menace pour l'ordre établi au Sanctuaire, et maintenant ses Chevaliers qui assassinaient un noble combattant... Car aux yeux de la jeune fille, Jamian était bel et bien noble. Un homme qui aimait autant les animaux, les corbeaux en l'occurrence, ne pouvait pas être mauvais. De plus, c'était un Saint d'Argent ! Sa défaite laissait l'adolescente muette de stupeur, le cœur écrasé de tristesse. Comme elle aurait aimé qu'il lui parle encore de ses oiseaux !

Maudite Athéna, tout était de sa faute !

— Décidément, celle-là, je ne l'aime pas du tout, maugréa la jeune fille avec acrimonie.