Le coeur du probleme.

Chapitre 6 : Le Royal Palace.

13801 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 17/08/2015 14:44

Extrait du blog de John H. Watson :

 

Dimanche 03 décembre

 

Durant toute la journée du dimanche je tentai de vaquer tant bien que mal à mes occupations habituelles. Je dus passer prendre un dossier urgent à l’Hôpital St Barthélémy et faire deux courses. Je me demandais et me re-demandais ce que Sherlock prévoyait de faire ce soir et qui nécessitait la présence de Mary, donc de mon enfant à naître. J'espérai que ce n'était pas dangereux. Mary avait accepté, ce devais donc être sans danger. Oui, mais Mary est, je l'oublie trop souvent, par trop téméraire. D'après Sherlock, la partie venait de commencer :en trouvant Ser Hunter, il avait découvert le premier barreau de l'échelle qui lui permettrait de remonter jusqu'à Moriarty. Il allait chercher le commanditaire du meurtre de Mona O'Conell qui le mènerait tout droit jusqu'à son ennemi mortel. Je savais qu'il n'allait rien lâcher avant de le retrouver même si cela devait mettre ma famille en danger. Non, Sherlock n'était pas comme ça. Plus maintenant. Il faisait attention à moi et à Mary et sûrement aussi à notre enfant. Les mots de mon ami me revinrent « elle savait que j'avais un cœur ». Je le savais aussi et je devais lui faire confiance.

Dans les couloirs de l'hôpital, je croisais Molly Hooper qui semblait fort affairée.

_ Bonsoir John, dit-elle en me voyant.

_ Bonsoir Molly. Que ce passe-t-il ?

_ Sherlock vient de passer une demi-heure ici à étudier le cadavre de Miss O'Conell. Je lui ai demandé si il avait besoin de quelque chose comme toujours et il m'a envoyé chercher deux costumes au pressing. Bien sur, il s'agissait du pressing le plus loin d'ici possible et j'ai pris beaucoup de retard dans mon travail.

_ Sherlock est-il toujours ici ?

_ Non, il est parti il y a vingt minutes. Il était pressé mais il n'a pas dit pourquoi. Que manigance-t-il encore ?

_ Je ne sais pas malheureusement. Il n'a fait allusion à rien de spécial ?

_ Non, rien. Maintenant, je suis navrée mais je dois y aller.

_ Au revoir Molly, et merci quand même.

 

Quand j’eus régler toutes mes affaires, il était 18h30 et je reçus un message de Mary me disant :

«  Je suis à Baker St, rejoins nous quand tu aura terminé. »

Au 221 B Baker Street, je retrouvai en effet ma femme en compagnie de mon meilleur ami.

_ Te voilà enfin John ! s'exclama ce dernier sans même lever les yeux quand j'arrivai dans la pièce.

Un joyeux désordre y régnait. Comme à son habitude, Sherlock avait accroché au mur tout un tas d'indices lui permettant de régler l'affaire. Le sol était jonché d'articles de journaux tous traitant de meurtres, de délits et de faits divers. Mary et lui était assis en tailleur au milieu du bazar et semblait occuper à classer les papiers.

_ Que cherchez vous ? Demandai-je.

_ Ce que nous n'avons pas encore trouvé, répondit Sherlock.

_ Des informations sur Ser Hunter, traduisit Mary.

_ Qu'avez vous trouvé pour le moment ?

Sherlock leva les yeux sur moi et dit :

_ Pourquoi es-tu allé à l'hôpital ?

_ Je suis allé à l'hôpital pour chercher un dossier mais je ne te demanderai pas comment tu l'as su.

_ Molly est-elle toujours autant débordée ?

Renonçant à ma résolution, je m'exclamais.

_ Comment peux-tu savoir que j'ai vu Molly ? La boue sur mes chaussures ? Le revers de mon pantalon ? Une tache d'encre sur mes doigts ?

Il me regarda étonné pendant un instant et finit par dire :

_ Rien de tout cela. Tu regardes fréquemment les housses posées sur le siège et tu sais ce qu'il y a à l'intérieur. Si cela n'avait pas été le cas tu ne les auraient même pas remarqué. Les gens normaux ne voient que ce qu'ils veulent voir. Cela veut dire que quelqu'un t'as parlé de ces costumes et la seule personne qui connaisse leur existence, en dehors de moi, est Molly Hooper. Tu a donc vu Molly avant de venir ici, et, où aurais tu pus la rencontrer si ce n'est à l'hôpital ?

Je m’apprêtais à dire quelque chose quand Mary s'exclama.

_ En voilà un autre !

Elle tenait la une d'un journal que Sherlock lui arracha brutalement. Il le parcouru des yeux et se jeta sur son ordinateur.

_ Ser Hunter s'appelle en vérité Liam Bloom. Il a reçu son diplôme de médecine en 1995 à l'âge de vingt-huit ans. Il est né dans le Derbyshire en 1967 de parents médecins également. Il semble que le métier de praticien ne lui ai pas suffit et il a semé un tas de cadavres sur son passage. Il n'a jamais été poursuivi ni suspecté car jamais une seule preuve n'a permis de l'accuser. Les gens ne peuvent se douter que leur médecin si bon et si généreux puisse être un tueur en série. Cependant en 2005 avec l'affaire Duncan, il commet une première erreur en changeant de mode opératoire. Il est arrêté pour meurtre mais il parvint à se faire disculper avec un gros paquet de billet et un homme riche et puissant le prend sous son aile. Depuis, nous n'avons plus trace de lui, il s'est installé Milner Street en 2011 et il semble n'être, depuis lors, qu'un médecin généraliste tout ce qu'il y a de plus banal. D'après Lestrade il a reçu des appels fréquents d'un numéro qui est un standard du MI6, on a retrouvé chez lui tout un tas de micros et beaucoup d'argent en liquide.

_ Il est l'employé de quelqu'un de haut placé, tu l'as déjà dit. Mais qui ?

_ Je ne sais pas encore, mais nous allons le découvrir ce soir.

_ Comment allons nous faire ?

_ Le Royal Palace, il y sera ce soir et nous allons le rejoindre là bas.

_ Comment veux tu nous faire entrer au Royal Palace ? C'est réservé à un cercle très privé et très...riche.

Sherlock sortit de l'une des ses poches un carton rouge et or orné du lion debout, emblème de ce très chic et onéreux hôtel particulier.

_ Cela a parfois du bon d'avoir un grand frère généreux, dit-il avec un sourire mielleux.

_ Tu lui a volé, dit Mary.

_ En effet, répondit Sherlock l'air plus satisfait que coupable. Il en a tout un tas des comme ça, cela ne lui manquera pas. De plus, je ne suis pas sur qu'il soit amateur des galas de charité. Attrapes ça, John !

Il me lança une des housses et je trouvai dedans un costume trois pièce bleu nuit. M'isolant dans la salle de bain, je me changeai. Le costume était très élégant et m'allait parfaitement. En regardant le reçu, je vis qu'il s'agissait d'un modèle de haute couture française. Comment Sherlock avait-il peut dénicher une telle merveille ?

_ C'est du sur mesure ? demandais-je en retournant dans le salon.

_ Oui, répondis mon ami, je t'ai jaugé au premier regard. Il fallait que tu sois élégant.

_ J'avais déjà un costume.

_ Il y a costume et costume. Ceci est une pièce française de premier choix. La couleur est parfaite, elle te mincit.

Je me sentis soudain très mal à l'aise. Si le costume me faisait comme une seconde peau grâce à sa coupe parfaite, j'avais l'impression d'êtres un parfait imposteur. Comment un simple médecin pouvait-il s'offrir un tel habit ? Je me regardais dans le miroir en me disant que j'allais faire tache au milieu de tous ces gens distingués.

Si j'avais l'impression de ressembler à un guignol dans ces habits de marque, Sherlock, lui, illustrait parfaitement l'adjectif « élégant ». Ah, ça oui, il l'était. Le pantalon noir tombait parfaitement sur ses chaussure vernies et se chemise immaculée soulignait son extrême minceur. Il ajusta son nœud papillon en soie noir et quand il eut finit, j'avais en face de moi un parfait gentleman.

_ Ai-je aussi droit à un nœud pap' ?

_ Dans ta poche gauche.

Mary arriva alors. Elle portait une magnifique robe mauve légèrement échancrée et dont a coupe ne permettait même pas de soupçonner qu'elle puisse être enceinte. Je laissais échapper un sifflement admiratif et elle vint m'embrasser, ravie.

_ Vous êtes très élégant tous les deux, dit-elle. Sherlock, où as tu donc trouvé de telles merveilles ?

_ J'ai résolu une affaire compliquée pour un styliste français il y a quelques temps, je lui ai donc demandé de payer sa dette.

_ Quel styliste français ? demandai-je naïvement.

_ Hem...Jean Paul Gautier.

Je failli m'étouffer. Je portais du Jean Paul Gautier !

_ Empêche moi de me faire des taches de vin ce soir, dis-je à Mary.

Elle sourit et m'aidait à faire mon nœud papillon quand Mme Hudson arriva dans l'appartement en disant :

_ Votre voiture est là, Sherlock. Mais ne croyez vous pas que c'est un petit peu clinquant ?

_ Mrs Hudson, ce soir, rien n'est trop clinquant !

Sur le trottoir nous attendait une Rolls Royce noire avec chauffeur. Les passants s’arrêtaient, ébahis de voir une telle voiture dans ce quartier de Londres.

_ Clinquant n'est ce pas, dis-je en montant à l'arrière.

_ Tu ne voulais tout de même pas arriver au Royal Palace en métro ? répondit-il d'un ton sec.

Je le trouvai nerveux et il semblait ne pas pouvoir tenir en place.

_ As tu retrouvé tes patchs de nicotine ?

_ Non, j'ai trouvé.. une alternative.

Je me demandais toujours ce que pouvais être cette « alternative » quand la voiture s’arrêta devant une grande grille. L'entrée du Royal Palace pouvait être définie en un mot : grandiose. Un tapis rouge se laissait piétiner par des dizaines de chaussures vernies et d'escarpins à talon et l'air était emplit des bruissements léger des longues robes de soirée de ces dames. Je proposais mon bras à Mary et dans une posture qui faisait très gentleman, je suivis Sherlock qui montait déjà les marches de l'imposant perron. L'intérieur de l’hôtel ne me laissa pas sur ma faim : partout des dorures, du marbre, du velours pourpres. Les autres invités ne détonnaient pas dans cet ensemble chic et luxueux. A chaque poignet je vis des Rolex dorées et des parures de pierre précieuses. Les cous des dames étaient tous ornées d'or et de diamant. Finalement, le costume français était nécessaire pour passer inaperçu et je pus même avoir la satisfaction de porter un smoking plus cher que celui d'autres de ces messieurs.

Un majordome étriqué dans un costume queue de pie vint à nous.

_ Je vous souhaite le bonsoir Madame, Messieurs. Puis je vous demander votre invitation ?

Sherlock sorti de sa poche le carton et le majordome nous pria de le suivre dans la pièce principale. Il nous débarrassa de nos manteaux et nous conduisis à une table. La pièce dans laquelle nous nous trouvions devait avoir les proportions de la Galerie de Glace du Château de Versailles que nous avions visiter l'année précédente avec Mary. Le sol et les colonnes étaient de marbre blanc et le tout était éclairé par le plus grand lustre que je n'avais jamais vu.

_ Voulez vous un table pour trois ? demanda le majordome.

_ Nous serrons quatre en vérité, corrigea Sherlock.

_ Quatre ? demandai-je.

_ J'ai invité quelqu'un, répondit-il sans me regarder.

Le majordome nous laissa après nous avoir conseillé le millésime de la maison.

_ Tu as invité quelqu'un ?

_ Je n'allais pas vous tenir la chandelle. Nous sommes à un gala de charité et il y aura un bal. J'entends avoir une cavalière.

Je dus avouer que j'étais étonné. Je pensais tout de suite à Molly : voilà pourquoi elle semblait si nerveuse dans la journée. Elle se mettait toujours dans tous ses états pour Sherlock et il ne faisait en retour, que la décevoir et la dénigrer. Je me promis de faire attention à ce qu'il soit courtois avec elle toute la soirée.

Un grand buffet s’étalait le long des murs de la salle et Sherlock se leva pour aller chercher le fameux millésime. Je l'accompagnait pour prendre des coupes et ne pas narguer Mary avec de l'alcool qu'elle ne pouvait pas boire.

_ Qui cherchons nous ? demandai-je en scrutant la foule qui affluait vers les buffets ou les tables.

_ Quelqu'un de riche ou d'influent. Sûrement les deux.

_ Nous somme à un gala de charité, je ne vois que des hommes riches et influents.

_ Tu regardes mais tu ne vois pas.

_ Qu'est ce que tu vois, toi ?

_ Je vois deux ministres, trois banquiers, un membre de la famille royale et ….

_ Quels ministre ? demandai-je.

_ Je ne sais pas, ce sont les deux homme là bas.

En suivant son regard, je reconnus le Premier Ministre et le Ministre de la Justice.

_ Tu ne sais vraiment pas qui ils sont ?

_ Je te l'ai dit. Des ministres.

_ Cet homme est notre Premier Ministre.

_ Soit.

_ Tu ne sais pas le reconnaître ? Franchement Sherlock... le Premier Ministre !

Même si je savais qu'il était Sherlock Holmes et que Sherlock Holmes avait une mémoire très exhaustive, je n'en revenais pas.

_ Il doit passer tout les deux jours à la télévision.

_ Sans doute.

_ C'est le supérieur direct de ton frère.

_ Pffff... Mycroft a plus de relations que lui.

_ C'est notre Premier Ministre ! m'écriai-je.

_ Je m'en contre fou ! cria-t-il encore plus fort.

Plusieurs personnes se tournèrent vers nous avec des mines réprobatrices.

_ Parles moins fort, me dis Sherlock.

_ C'est toi qui a crié.

Il voulut répondre quelque chose mais je lui écrasait le pieds pour le faire taire.

_ Bon...reprit-il, plus calme, que disions nous ? Je vois deux ministre, dont le Premier Ministre si tu y tiens, trois banquiers, un membre de la famille royale, un homme des services secrets, la maîtresse du Président allemand, deux riches russes,...

Il s’arrêta net et fixa un point au fond de la salle, près de la porte. Je cru mal voir. Kate Lestrade arrivait vers nous, flanqué d'un majordome aussi impassible que ses congénères.

_ Tu as invité Kate Lestrade ? soufflai-je, abasourdi.

_ Oui.

Son expression était interdite, son ton neutre mais j'aurais pu jurer qu'il avait rougit.

_ Bonsoir messieurs, dit-elle en arrivant près de nous.

_ Bonsoir Kate, dis-je en lui faisant la bise.

Sherlock se contenta d'un modeste signe de tête. Personne ne dit rien pendant un instant qui me sembla une éternité. Finalement,je pris la jeune femme par le bras et la mena à notre table.

_ Venez vous asseoir, Sherlock nous as réservé une table. Je vous présente Mary, ma femme. Mary, je te présente Kate Lestrade dont nous t'avons parler hier.

Ma femme réserva un accueil chaleureux à la jeune femme .

_ On m'a dit que sans vous, Sherlock ne serait plus de ce monde, dit-elle, je vous en remercie parce que même si cet un être parfaitement odieux, nous tenons beaucoup à lui.

_ Avec plaisir, dit Kate en rougissant, Sherlock ne méritait pas de mourir comme ça.

Le concerné avait conservé un silence buté depuis que nous avions retrouvé la jeune femme. C'était plutôt gênant mais Mary s'employait à mettre Kate à l'aise.

_ Cet endroit est magnifique, dit cette dernière en montrant le lustre. Je me sens toute petite et pas du tout à ma place.

_ Vous l’êtes parfaitement, la rassura Mary, vous êtes avec des amis et parfaitement ravissante.

Cela ne faisait aucun doute. Elle portait une longue robe du même bleu profond que ses yeux. Elle s'ouvrait sur un joli décolleté et s'évasait dans un large dos nu. Ses cheveux étaient simplement retenus par une couronnes de tresse qui lui faisait le tour de la tête et qui laissait le reste de ses mèches flotter dans son dos. Autour de son cou, se trouvait un pendentif retenu par une fine chaîne argentée. Il s'agissait d'un petit cœur en cristal dont les multiples facettes reflétaient follement la lumière.

_ Je dois dire quelque chose, n'est ce pas ? me dit Sherlock, discrètement.

_ Ce serait bien, en effet.

_ Qu'est ce que je dois dire ?

_ Fais un commentaire sur la robe.

Mary m'aida un peu en s'exclamant :

_ Alors Sherlock ? Qu'en penses tu ?

Les yeux gris de mon ami se posèrent sur la jeune femme et il dit :

_ C'est une ancienne robe de demoiselle d'honneur, vous la portiez au remariage de votre mère. Vous aimiez le tissu alors vous l'avez faire retoucher par une couturière qui l'a transformée en robe de soirée. Elle a été rallongée deux fois. Vous l'avez déjà porter pour une occasion telle que celle ci mais le dos nu ne vous met pas à l'aise, vous vous sentez à la merci de tout les regards. Vous avez également fait refaire le col pour qu'il vous mette plus à votre avantage. L'ancien ne vous allait pas mais quoi de plus normal : les robes de demoiselle d'honneur visent à ne pas mettre celle qui la porte trop en valeur afin de ne pas faire d'ombre à la mariée. Ainsi cette robe a une valeur sentimentale et est symbole pour vous de renouveau.

Quant il eut fini, nous le regardions tout les trois avec étonnement. Ce n'était certes pas ce que je voulais dire par « commentaire sur la robe ». Kate ne sembla s'en formaliser et dit avec une sourire espiègle :

_ Vous avez presque tout dit, Sherlock.

_ Qu'ai-je oublié ?

_ Comment la trouvez-vous ?

Je retins ma respiration, attendant la réponse qui tardait à venir. Le détective à l'esprit si acéré était pris au dépourvu par une jeune femme qui jouait avec lui. Après quelques instants de silence, il finit par dire :

_ Elle me plaît.

Mary et moi échangeâmes un regard ébahi. Voilà qui n'était pas banal. Kate semblait charmée et le remercia d'un grand sourire.

_ Sommes nous « un jour » ? demanda-t-elle.

_ Je suppose, répondit Sherlock, ne sachant pas où elle voulait en venir.

_ Vous m'avez dit hier que vous m'apprendriez à entretenir mon don.

Cela pouvait vraiment s'être passer seulement hier ? Il s'était passé tellement de chose depuis, que je ne me souvenais de l'entretien chez Lestrade qu'à travers un voile. Sherlock joignit ses mains sous son menton et dit :

_ Bien. Dites moi tout ce que vous savez sur cet homme là bas, près de la colonne.

Kate suivit son regard et retint un petit rire :

_ Il s'agit du Premier Ministre.

_ Oui, ça John me l'a déjà dit. Mais que pouvez vous savoir de lui en le regardant.

Elle se concentra, le fixa pendant toute une minute et finit par dire d'un ton hésitant :

_ Marié depuis quinze ans et cocu. Il a trois enfants : deux garçons de dix et douze ans et une fille de sept ans. Il a également un chien vu les poils blond au niveau de ses genoux, de la taille d'un golden retriever, je dirai. Il porte sa montre au poignet gauche et c'est sa main droite qui se retrouve sur le dessus quand il croise les bras, il est donc droitier. Il s'est coupé les cheveux récemment et est juste de retour de vacances au soleil. Non, plutôt d'un voyage d'affaire : son bronzage s’arrête au niveau de ses poignets. Il est malade, enrhumé et est shooté aux vitamines.

Elle s'arrêta pour reprendre son souffle :

_ Qu'ai-je manqué ?

_ Il n'est pas enrhumé mais atteint d'une bronchite. Son voyage d'affaire avait lieu à Sydney et sinon vous avez bon.

J'étais très impressionné. Venant de Sherlock j'avais déjà du mal à y croire mais sortant de la bouche de cette jeune femme, cela paraissait complètement surréaliste. Mon ami semblait trouver cela parfaitement normal et continua à lui demander des information sur chaque personnes de la salle.

_ Avez-vous un frère, Sherlock ? demanda soudain Kate.

_ Oui, en effet. Pourquoi cette question ?

_ Je crois que votre frère vient d'arriver.

Je tournai la tête en même temps que Sherlock et nous vîmes arriver Mycroft Holmes dans la salle. Il était en grande conversation avec un homme d'affaire dans un élégant costume gris et alla s’asseoir à la table qu'on lui présenta sans même nous remarquer. Il se trouvait à présent à l'autre bout de la salle et une colonne de marbre nous cachait à sa vue.

_ Va-t-il se rendre compte que nous sommes là ? demanda Mary.

_ Probablement, répondis-je amusé par la situation. Il faut juste éviter que les responsables de l’hôtel ne remarquent qu'il y a deux réservations au nom de Mycroft Holmes.

_ Il ne s'en rendront même pas compte, dit Sherlock. Ils sont trop simples d'esprit pour cela.

_ Sherlock ! m'exclamai-je.

_ Ce ne sont pas eux qui sont simples d'esprit c'est vous qui êtes complexe, intervint Kate. Les gens sont comme ça. Arrêtez de les rabaisser, de les juger et de les dénigrer. Si vous chercher à les comprendre ou à admettre que ce qui est différent de vous n'est pas forcement mal votre vie sera beaucoup plus agréable.

_ Je suis un sociopathe de haut niveau. Les relations avec les petites gens ne m'intéressent pas. Je n'ai pas besoin d'eux.

_ Vous vous trompez. Vous avez autant besoin d'eux qu'ils ont besoin de vous.

Je crus que Sherlock allait la frapper. Il s'était figé et la fixait d'un air indéchiffrable.

_ Qu'avez vous dit ?

_ J'ai dit que vous vous trompiez.

_ Non, après cela.

Elle me lança un regard inquiet et répondit :

_ Vous avez autant besoin d'eux qu'ils ont besoin de vous.

Contre toutes attentes, Sherlock sourit jusqu'aux oreilles et se laissa aller sur le dossier de sa chaise, joignant ses longues mains sous son menton.

_ Vous êtes formidable. Vous venez de mettre le doigt sur quelque chose qui me tracassait depuis que nous sommes arrivés.

_ Je ne suis pas sure de comprendre.

_ Quand vous avez énoncé cette phrase, votre regard a englobé toutes les personnes présentes ici. Par deux fois. Vous vouliez certainement dire que les personnes en général avaient besoin de moi mais votre attitude corporelle a désigné les invités. Votre subconscient comme le mien avait enregistré une information que vous n'avez pas analysées. Ce ne sont pas les personnes en général qui ont besoin de moi mais bien celle présentes ici. Cela signifie que....

_ Quelque chose va se passer ici, ce soir, continua Kate.

Je m'agitait nerveusement sur ma chaise. Dans quoi Sherlock nous avait-il encore embarqué ? Il ne comprenait donc pas qu'il ne mettait pas simplement sa vie et la mienne en danger mais aussi celle de Kate, Mary et de notre enfants à naître ? Ma femme porta vivement sa main à son ventre.

_ Que va-t-il se passer ? demanda-t-elle.

_ Je ne sais pas encore, répondit Sherlock. Mais cela va se produire ce soir.

_ Est ce dangereux ? demanda Kate, plus excitée qu'anxieuse.

_ Cela se pourrait. C'est pourquoi Mary, tu resteras toujours près de John et Kate, surtout ne me lâchez pas d'une semelle, je risque d'avoir besoin de vous.

_ Besoin de moi ?

_ Besoin d'elle ?

Kate et moi nous étions exclamé de concert.

_ Vois cela sans jalousie John, elle est mon alternative.

Je le fixai sans comprendre. L’intéressée demanda :

_ Votre alternative ? Dois-je prendre cela comme un compliment ?

_ Vous le saurez en temps utile.

Le comportement de Sherlock vis à vis de Kate me déroutait au plus haut point. L'idée qu'il puisse en être tombé amoureux m'avait évidement traversé l'esprit mais que mon ami puisse ressentir ce genre de sentiment frôlait le fantasme. C'était avec La Femme qu'il avait un temps soit peu goûté à l'amour mais elle était morte et avec elle toute la sensibilité que Sherlock pouvait concevoir à l'endroit des femmes. Sherlock Holmes, le stoïque détective consultant, le scientifique et le technicien le plus froid que je n'ai jamais rencontré, l'homme dont la capacité émotionnelle ne dépassait pas celle d'une tasse de thé ne pouvait être amoureux. Il savait feindre ce sentiment à la perfection, il l'avait prouvé avec Jeanine, l'amie de Mary mais éprouver ce genre d'émotions laissaient place à plus de subjectivité que son esprit implacable et impitoyable pouvait supporter. L’intérêt qu'il portait à Kate devait être d'ordre intellectuel. Peut-être était-il étonné de rencontrer quelqu'un doté du même don que lui. Peut-être était-il heureux d'avoir rencontré un interlocuteur capable de lui tenir tête. Cette dernière hypothèse me rendit jaloux. Sherlock était-il en train de m remplacer ? Il avait mal pris le fait que je m'écarte un peu de lui pour avoir une vie de famille mais envisageait-il sérieusement de faire de Kate son nouveau compagnon ?

L'arrivée d'un majordome me tira de ma rêverie. Il amenait la carte des menus.

_ De la gastronomie française, annonça-t-il dans la langue de Molière.

_ Je vous remercie, répondit Kate en français.

_ Excusez moi, dit Mary, pouvez vous me dire quelles sont les dimensions de ce lustre ?

Le majordome bomba le torse et récita plein de fierté :

_Ce lustre que vous voyez Madame, constitue la plus grande fierté de notre hôtel. Il date de l'époque victorienne et avait été commandé par un cousin de la Reine. Il fait exactement quatre mètres cinquante de hauteur et trois mètres d'envergure. Il contenait à l'origine deux cent bougies mais elles furent remplacées par cent cinquante ampoules électrique qui n'enlève rien au charme de...

_ Cent quarante cinq, rectifia Sherlock.

_ Je vous demande pardon ? dit le majordome visiblement outré d'avoir été coupé.

_ Il n'y a que cent quarante cinq ampoules, insista mon ami.

_ Monsieur doit se tromper, il y a bien...

_ Cinq ampoules ne sont pas sur leur socle, interrompit Kate à son tour.

Le majordome rougit de colère et s'éloigna d'un pas raide après nous avoir souhaiter bon appétit. Je ne pus contenir un gloussement.

_ Sherlock ! Tentait de le sermonner Mary qui avait autant de peine à garder son sérieux que moi. Kate ! Vous êtes rudes. N'aviez vous pas vu que ce gentleman tenait ce lustre dans son cœur.

_ Trois mètre de diamètre ne doit pas tenir das le cœur de cet homme.

Kate éclata de rire.

Le dîner se passa très agréablement. Je pus goûter pour la première fois à du faisan et même si je trouvait que cela ressemblait beaucoup à de la dinde, Mary m'assura que c'était ce que l'on pouvait trouver de meilleur. Il y eut trois entrées, deux plats et je cru que mon ventre allait exploser quand on nous annonça que le dessert serait servi plus tard dans la soirée. Les tables du buffet furent poussées contre les murs, une estrade fut installée et un orchestre y prit place. Le propriétaire de l'hôtel, un homme allant sur la soixantaine et d'un influence financière conséquente commença un petit discours.

_ La moitié du Derbyshire lui appartient, me chuchota Mary.

J'allais lui demander comment elle le savait mais je me souviens du passé d'agent secret de ma femme, petit détail que j'oubliais souvent.

_ Chers invités, c'est avec beaucoup de joie et de fierté que je vous accueillir dans mon humble demeure ( je vis Kate sourire très ironiquement). En espérant que le dîner vous a plut, je vous incite à présent à goûter au plaisirs de la danse . Mr et Mrs Wilson ouvrent le bal sur un sublime concerto de notre ami Jean Sébastien Bach.

L'assemblée applaudit et le couple entra sur la piste.

_ C'est son fils, n'est-ce pas ? demanda Kate à Sherlock.

Celui ci confirma et se penchant vers la jeune fille, il lui chuchota quelque chose à l'oreille.

_ En êtes vous sur ? dit-elle visiblement étonnée.

_ Parfaitement sur.

_ Dans ce cas, je ferais ce que vous direz.

J'aurais jurer avoir vu Sherlock lui faire un clin d’œil.

La piste de danse comptait de plus en plus de couples. Je contemplait avec fascination tout ces costumes et robes de soirées qui tournoyaient autour de moi. Ils appartenaient vraiment à un monde dont je ne faisais pas partie et cela ne me dérangeait pas vraiment. Tant de luxe devait vous monter à la tête. Sherlock se leva et se fendant d'une révérence, il dit à Kate :

_ Puis-je avoir l'honneur que vous m'accordiez cette danse ?

_ Si vous y tenez, mais mes talents de danseuse risquent de vous décevoir.

_ Pour la valse, tout est dans le cavalier, vous n'aurez qu'a vous laisser guider. Je suis un excellent danseur.

_ Nous vous accompagnons, décida Mary en se levant. J'ai très envie de danser. Dans quelques semaines, le bébé limitera vraiment mes mouvements alors autant en profiter.

C'est ainsi que nous rejoignîmes les couples dans la salle. Ayant appris la valse pour notre mariage, Mary et moi n'étions pas ridicules et nous nous amusâmes beaucoup. Sherlock n'avait pas menti en disant qu'il était un excellent danseur. Il virevoltait avec grâce et aisance en menant Kate d'une main experte. La jeune femme se débrouillait bien malgré ses dires et riait, aux anges. Mon ami souriait aussi et semblait amusé par sa cavalière et pour la première fois depuis longtemps je lui vis un visage serein. Il avait le même air rêveur et apaisé que lorsqu'il jouait du violon.

_ Qu'est ce que nous allons faire ? demandai-je alors que nos pas rapprochaient nos deux couples.

_ Il faut attendre un signal. Notre homme est dans la place et a sûrement des complices. Un signal va leur faire comprendre qu'il faut agir. Je déteste ne pas savoir ! Cependant notre position actuelle nous est utile : en dansant nous pouvons nous rapprocher des autres couples sans qu'ils aient l'impression que nous les écoutions. Il se trouve que la danse délit les langues. Séparons nous et tentons de savoir ce que nous devons savoir.

Obéissant, Mary et moi nous éloignâmes mais nous ne pûmes entendre quoi que ce soit d'intéressant. Nous croisâmes à plusieurs reprises Kate et Sherlock et je pus entendre ce qu'ils se disaient.

_ Ce collier vous viens de votre grand mère, n'est ce pas ? dit Sherlock en faisant référence au pendentif de Kate.

_ En effet, elle me l'a offert pour mes sept ans. Elle me disait toujours que j'avais le don de voir le bon chez les gens et que mon cœur décelait les facettes de celui des autres.

_ Quelle grand mère ne dirait pas la même chose pour sa petite fille ? Ce sont des sottises.

_ Je l'aimais beaucoup. Elle est décédée l'année dernière.

Les yeux de Kate avaient flamboyé, elle s'était raidie et elle fixait Sherlock avec colère. J'allais intervenir quand mon ami fit une des chose les plus rares chez lui. Il s'excusa.

_ Je suis désolé. Je n'aurais pas du dire cela.

_ En effet.

_ Pardon.

Kate plongea ses yeux dans ceux de mon ami et il se pinça les lèvres. Un sourire triste finit par éclairer le visage de la jeune femme qui dit :

_ Je ne vous en veux pas. Vous êtes pardonné.

_ Vraiment ?

_ Puisque je vous le dis !

_ C'est étrange. John ne m'aurait pas pardonné aussi vite. Pourquoi êtes vous si compréhensive ?

_ Êtes vous en train de chercher à déduire ces choses de moi ?

_ Oui.

_ Ce n'est pas très sexy.

Je crus que Sherlock allait s'étrangler. Il fixa le visage plein d'insolence de Kate en cherchant à savoir si la remarque était sérieuse. Je m'approchais d'eux, adressai une petite tape affectueuse à mon ami et accompagnai ma femme à une chaise. Le temps que je me retourne, que je me serve un verre de champagne, Sherlock avait disparu et Kate était seule près d'une table du buffet. Elle faisait face au danseurs et scrutait chaque visage avec concentration. Sherlock avait dut lui faire faux bond et lui donner une mission. Je m'apprêtais à aller la rejoindre quand je vis Mycroft Holmes s'approcher d'elle et engager la conversation. Je ne pouvais entendre ce qu'ils disaient mais Kate me raconta l’échange plus tard.

Elle avait vu Mycroft Holmes s'approcher d'elle et l'avait reconnu sur le champ. Elle fit semblant de ne pas le connaître et l'ignora. Sherlock lui avait décrit comme un homme antipathique qui évitait tout contact avec les autres. Il n'avait ni femme ni enfant et était, d'après lui, un pilier central du gouvernement. Quelle ne fut pas sa surprise quand il s'approcha d'elle et lui dit :

_ C'est une belle soirée n'est ce pas ?

_ Je... oui, certes, tout est très bien organisé.

_ Il s'agit de votre premier gala n'est ce pas ?

Il s'agissait d'une affirmation et non pas d'une question. Mycroft avait-il les mêmes dons que son frère ? Une chose était sure, il ne se doutait même pas de la présence de son cadet.

_ C'est exact, Mr...

_ Holmes, je m'appelle Mycroft Holmes. Je peux vous servir de guide si vous le désirez.

L'étonnement de Kate atteignit un plafond. Est ce que le frère de Sherlock était en train.. de la courtiser ? Le sourire mièvre qu'elle voyait sur ses lèvres et sa gentillesse étonnante tendaient à lui donner raison. Elle ne savais que faire, Sherlock lui avait dit de ne pas bouger et elle commençait à se demander ce qu 'elle ferait si Mycroft l'invitait à danser. D'où je me trouvais, je pouvais voir l'expression de Mycroft et ce que je déchiffrai sur son visage, d'ordinaire dédaigneux, me stupéfiait : il semblait porter grand intérêt à la jeune femme. Je n'y comprenait plus rien : Kate allait-elle faire tourner la tête des deux frères Holmes ? Si c'était le cas, leurs rivalités n'allaient jamais se terminer.

Je fis part de mes réflexions à Mary.

_ Pour Sherlock je ne suis pas sure, mais pour Mycroft cela me semble presque évident, répondit-elle.

Assis l'un à côté de l'autre nous continuâmes à observer la scène, de plus en plus amusés.

Mycroft dut vois l’étonnement sur le visage de Kate car il se reprit et dit :

_ Excusez moi, je n'étais pas à ma place. Je ne suis pas très doué pour tout cela, les relations avec autrui et le reste...

La jeune fille le gratifia d'un joli sourire et lui dit :

_ Ne vous inquiétez pas, j'avais compris.

_ Vraiment ?

_ Cela faisait dix minutes que vous m'observiez. Vous trituriez votre bouton de manchette et vous ne me regardez pas dans les yeux. Je pourrais penser que c'est moi qui vous fait cet effet là mais vous semblez mal à l'aise et vous regardez l'assemblée comme s'il s'agissait de... poissons rouges particulièrement stupides. J'en conclus donc que vous ne vous trouvez pas où vous aimeriez être. Vous êtes célibataire. Votre nœud de cravate est tordu, vous l'avez donc fait vous même et une femme vous aurait fait remarquer ce petit détail.

Elle s'interrompt brusquement et dit d'un air faussement désolé :

_ Pardonnez-moi, je n'aurai pas du dire cela.

Elle en avait en réalité parfaitement l'intention car elle avait remarqué que ses facultés avaient tendance à faire fuir les gens. Cependant, cela eut l'effet inverse sur Mycroft qui avait l'air de plus en plus intéressée par la jeune femme.

_ Ne vous excusez pas. Ce que vous avez fait est extraordinaire. Puis-je vous offrir un verre ?

_ Volontiers.

_ Du vin de Bourgogne, c'est français. Vous devez connaître après avoir passé trois ans dans ce beau pays.

_ En effet, vous êtes doué Mr Holmes.

_ Je vous en pris, appelez moi Mycroft.

Kate eut du mal à retenir une grimace et fit un grand effort pour paraître enchantée.

_ Avec plaisir. Je m'appelle Katherin.

_ Pourrais-je avoir l'honneur d'être votre cavalier pour la prochaine danse ? Si vous n'êtes pas déjà engagée bien sur.

Kate rougit violemment. Il fallait absolument que Sherlock revienne vite.

_ Vous dansez Mycroft ? demanda-t-elle, éludant la question.

_ J'ai pris des cours étant plus jeune. Je n'affectionne pas particulièrement les bals, mais quand la compagnie est bonne, j'aime me dégourdir les jambes. M'accordez vous cette danse ?

_ Heu...et bien...je...

Enfin, la voix qu'elle espérait le plus entendre retentit derrière elle.

_ Bonsoir Mycroft.

_ Sherlock ? Mais que fait tu ici ? Comment est tu entré ? Oh ! Suis-je bête, tu as toujours un double de la clé de mon appartement.

_ Tu entres à Baker Street comme dans un moulin, je devais bien te rendre la pareil.

_ N'as tu pas honte de faire ainsi l'enfant devant une étrangère ? dit Mycroft en désignant Kate.

Son visage se figea quand Sherlock tendit son bras à la jeune femme qui s'y accrocha en souriant.

_ Pardon, j'ai oublié les présentations, dit-il très fier de lui. Kate, je vous présente Mycroft, mon frère. Mycroft, je te présente Kate, ma cavalière.

_ Vous vous connaissez ?

_ Bien sur. C'est moi qui l'ai invité ce soir. Nous avons passé la journée d'hier ensemble et ce fut très agréable.

Mycroft était estomaqué et ne dit plus rien pendant quelques instants. Mary et moi rejoignîmes le petit groupe.

_ Je vois que toute ta clique « d'amis » est là, Sherlock, dit-il enfin.

_ Bonsoir Mycroft. Heureux de te voir également, répliquai-je, ayant du mal à l'encadrer.

_ Mais j'y suis Sherlock ! dit-il. Mary prend trop de temps à John alors tu cherches à le remplacer.

_ Je ne remplacerait jamais John dans le cœur de Sherlock, s'exclama Kate.

Mycroft lança un regard dédaigneux à la jeune femme et dit :

_ Mon frère vous a fait croire qu'il avait un cœur. Il n'en est rien, les frères Holmes sont des coquilles vides, sans âmes et sans cœur. Sherlock n'est jamais tombé amoureux et ne le fera jamais. C'est un fait.

_ Mycroft, tais toi ! s'exclama Sherlock.

Mais il continua :

_ Vous pensez qu'il vous a invité car il vous aime bien. C'est faux, il ne voulait simplement pas paraître stupide à côté du si beau et si heureux couple Watson. Il voulait se convaincre qu'il pouvait être heureux et il voulait vous convaincre qu'il pouvait vous accorder un peu d’intérêt pour pouvoir ensuite se servir de vous. Ne tombez pas dans le piège, Katherin, éloignez vous de lui, il n'a pas de cœur.

Je crus que Sherlock allait frapper son frère. Une veine palpitait le long de sa tempe et ses poings étaient tellement serrés que ses jointures blanchissaient à vue d’œil. Il allait ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais Kate le devança. Elle effleura son bras et le serrant plus fort elle s'adressa à Mycroft :

_ Pensez vous vraiment ce que vous dites ?

_ Personne n'a connu Sherlock aussi longtemps que moi.

_ Personne ne le connaît aussi mal, dis-je.

_ Vous êtes son propre frère. Vous êtes un monstre. Vous dîtes parler en connaissance de cause ? Mais vous êtes à des miles de la vérités, mon pauvre ami ( Mycroft grimaça violemment). Quand Sherlock vous a dit que nous avions passer la journée ensemble, ce n'était pas un pic nique dans un parc. Nous avons été mêlé à une enquêtes policière tout les deux et nous failli être tués tout les deux. Aucune raison d'être jaloux. Car c'est ce que vous êtes, vous êtes jaloux de votre frère car il a des amis et car une femme semble lui porter de l’intérêt. Il ne se passe rien entre nous, je lui ai plus ou moins sauvé la vie et cette soirée était un moyen de me remercier. Je connais votre frère depuis seulement deux jours, Mr Holmes, mais il semblerait que je le comprenne mieux que vous ne pourriez jamais le faire. Allez donc persifler ailleurs.

Mycroft devint aussi livide que Sherlock. Il ne devait pas avoir l'habitude de se faire entendre parler de cette manière.

_ Je crois que tu as des excuses à présenter à quelqu'un, dit Sherlock d'un ton neutre.

Son frère inspira profondément et lui tendit la main.

_ Je te présente mes excuses.

_ Je ne parlais pas de moi mais de Kate.

Mycroft se tourna alors vers Kate et après l'avoir scruter de haut en bas, il lâcha :

_ Il semblerait que je dois vous présenter mes excuses.

_ Il semblerait, en effet.

Il eut un silence tendu durant lequel les frères Holmes fixaient Kate. La jeune femme soutint leur regard, pas le moins du monde impressionnée. Au bout d'un moment, Mycroft finit par dire.

_ L'invitation à danser tient toujours, je tiens à me faire pardonner.

Elle ignora le regard de glace de Sherlock et répondit, très à l'aise :

_ Je crains devoir décliner l'invitation, Mr Holmes. Il se trouve que j'ai déjà un cavalier.

Un étincelle de colère passa dans les yeux de Mycroft et la trêve qui venait d'être établie vola en morceau.

_ Un autre Holmes moins haut placé dans le gouvernement que moi, fit-il remarquer.

_ Pour qui me prenez vous ?

_ D'ordinaire les jeunes femmes aiment les hommes de pouvoir.

J'étais estomaqué. Je savais que Mycroft était vicieux et désireux de mettre son frère mal à l'aise mais je ne savais pas qu'il pouvait se montrer aussi désobligeant envers quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Il semblait sincèrement tenir à sa danse et voulait à tout prix attirer l'attention de Kate. Kate qui restait parfaitement hermétique à ses avances, restant en ce sens loyale à Sherlock.

_ Je ne suis pas de ces femmes là, dit-elle. Et puis, que pouvez vous tirer comme leçon de vos expériences avec les femmes ?

Mycroft cilla.

_ Mes expériences furent sûrement plus nombreuses que celles de Sherlock. Il y a eut seulement trois femmes qui l'ont aimé. La première était une dangereuse terroriste qui détenait des informations compromettante pour la Couronne. Elle a été exilée aux États Unis. La seconde était éprise de lui mais pour Sherlock, elle n'était qu'un moyen d'accès à un autre terroriste. La pauvre eut le cœur brisé.

_ Qui était la troisième ? demanda Kate, intéressée malgré elle.

_ Notre mère.

Je ne pus retenir un sourire. Les yeux de la jeune femme pétillèrent et elle dit :

_ Je tacherai de ne pas tomber dans ses filets.

Pourtant, elle revint aux côtés de Sherlock qui exhibait une moue satisfaite. Il faut dire que voir Mycroft Holmes se faire tenir tête par ce petit bout de femme était très divertissant et très agréable.

_ Puisque la conversation est terminée, tu nous excusera Mycroft mais nous avons autre chose à faire.

Sherlock fit mine d’entraîner Kate vers la piste de danse mais son frère le retint par le bras.

_ Pas si vite petit frère, ne compte pas t'en tirer si facilement. Je suppose que tu es ici pour une raison particulière.

_ Oui pour dîner et prendre du bon temps. Au revoir.

_ Au Royal Palace ? Un peu onéreux pour un dîner entre amis. Est-ce un nouveau tour pour impressionner ta conquête ? Je sais que tu mens Sherlock, alors pour la dernière fois : que fais tu ici ?

_ Je suis sur une affaire.

_ Quelle affaire ?

_ Connais tu Liam Bloom ?

_ Un tueur en série inattaquable en justice qui vient d'être arrêté en flagrant délit.

_ Je n'y suis pas pour rien. Il se trouve que Liam Bloom travaillait aux ordres de quelqu'un de très riche et de très influent. Avant que je ne l'offre à Scotland Yard avec les honneurs, Bloom m'a confier que son patron serait ici ce soir. Kate était là, elle peut confirmer.

_ Que veux tu à cet homme ? La plupart des personnes que tu vois ici sont inattaquables en justice.

_ L'homme que je cherche a commandé le meurtre de Mona O'Conell car elle avait découvert quelque chose à son sujet qu'il ne voulait surtout pas voir s'ébruiter. Je veux trouver cet homme, découvrir ce qu'il a fait, est en train de faire et prévoit de faire pour sauver le pays une fois de plus.

Mycroft haussa les sourcils, peu impressionné et nous plantant là, il partit rejoindre l'homme avec qui il était arrivé en début de soirée. Ils engagèrent une conversation apparemment très sérieuse et il nous laissa en paix.

_ Où en étions nous avant d'être aussi grossièrement interrompus par mon frère ? demanda Sherlock d'un ton joyeux.

_ Vous m'avez dit de rester ici et d'attendre votre retour, répondit Kate. Où êtes-vous allé ?

_ Faire le tour de la salle pour repérer les systèmes de sécurité. Il y a seize caméras de surveillance juste dans cette salle, trois dans le hall, je n'ai pas pu voir les autres pièces mais je suppose qu'elles sont également équipées. Le poste de surveillance se situe au premier et trois vigiles y sont constamment. Les seules issues de la salle de bal sont la grande porte par laquelle nous sommes entrés et la petite porte derrière l'estrade qui mène aux cuisines. Celles ci sont sans issues. Les caméras situées au dessus des deux portes se filment l'une l'autre ainsi personne ne peut ni entrer ni sortir sans que cela soit enregistré. Les autres ont des champs de surveillance très étendus et sont situées de telle façon qu'aucun centimètre carré de cette pièce ne peut échapper à leur vision. Voilà pour les caméras. J'attire à présent votre attention sur la dîtes porte principale : le joli bois vernis qui la recouvre est un leurre, ce sont des portes coupe-feu et si solides qu'on pourrait presque dire qu'elle sont blindées. Elles ont été changées récemment, sans doute à la suite de la tentative de cambriolage qui y a eu lieu le mois dernier. Elle se ferme automatiquement quand l'alarme antivol retentit ou quand celle ci est désactivée par des mains non-officielles. Elles peuvent également être fermées de manière manuelle depuis le poste de surveillance dont j'ai parlé tout à l'heure. On ne peut les re-ouvrir qu'avec l'aide d'un code à six chiffres connus de très peu de personnes. Je sais aussi que tous ces majordomes, que vous voyez et qui nous servent, sont entraînés pour réagir sur n'importe quelle situation : ils maîtrisent les arts martiaux, ils savent désamorcer ne bombe et ce, en plus de faire un service impeccable.

Comment souvent lorsque Sherlock nous faisait part de ses découvertes et déductions, il avait parlé très vite et j'avais dut me concentrer pour ne laisser passer aucune information. Comme toujours j'étais sidéré par ce que mon ami était capable de faire et je n'étais apparemment pas le seul à en juger le regard plein d'admiration de Kate. Sherlock le remarque aussi, je le vis se redresser et j'aurai juré avoir vu la commissure de ses lèvres tressaillir.

_ Très impressionnant, dit Mary en le gratifiant d'une gentille tape sur le bras.

_ Je ne vous le fait pas dire, répliqua Kate.

Les deux femmes se sourirent, commençant déjà à se rapprocher.

_ Bien joué Sherlock, dis je. Pour certains éléments je veux bien concevoir que ta science de la déduction te les ais appris, mais comment as tu su pour le poste de surveillance et le nombre de vigiles ? Ou pour le système de fermeture de la porte ? Ce que tu fais d'habitude c'est du génie mais là cela relève de la magie !

Ses lèvres se rehaussèrent un peu plus et il se pencha vers moi pour me dire à l'oreille.

_ Je m'étais renseigné avant de venir. Je ne me serai pas tenu tranquille si je me trouvais dans la même pièce que notre homme sans savoir comment mon environnement pouvait se retourner en ma faveur... ou ma défaveur.

_ Qu'en conclus tu ?

_ Réfléchis John, je ne vais pas tout de dire tout de même.

Je grimaçais. J'avais horreur qu'il me parle comme si j'étais un enfant. Très franchement je ne crois pas être le plus immature de nous deux.

_ Tant que la porte est ouverte nous avons notre chance. Si elles se referment alors nous serons coincés. L'homme que nous cherchons tentera son coup alors que les portes seront fermées pour commettre un maximum de dégât.

_ Exactement. Maintenant il faut faire sortir Mary et Kate. Je ne veux pas qu'elles se retrouvent au milieu de tous ça.

Je fronçai les sourcils. Si Sherlock jugeai bon de faire évacuer les deux femmes c'est qu'il existait un danger réel. J'allais m'approcher de Mary pour lui dire de s'en aller quand les lumières s'éteignirent. Mon cœur eut un raté. C'était fini, nous allions tous mourir. Je sentis Sherlock se raidir à mes côtés et à taton j'attrapais la main de ma femme pour la serrer. Une rumeur secoua la salle, tous les convives murmuraient des questionnements. Soudain, des murmures d'admiration les remplacèrent et un crépitement ténu se fit entendre. Simplement éclairé par une bougie feu d'artifice, un énorme gâteau, posé sur un plateau porté par quatre hommes avançait vers nous. Quand la bougies se fut éteinte, les lumières se rallumèrent et je pus admirer la plus grande pièce montée que je n'avais jamais vu. Elle devait faire plus d'un mètre de haut pour deux d'envergure à la base. Je me rendis alors compte que mon cœur battait à tout rompre et que je serrai la main de Mary à lui faire mal. Un rire nerveux commença à naître dans ma gorge ? Rire qui s'éteignit aussitôt quand j'entendis Kate murmurer :

_ La porte est fermée.

Sherlock était en proie à une grande agitation.

_ Ils ont profiter du noir pour fermer les portes, s'écria t-il en jetant des regards convulsifs autour de lui. Nous sommes enfermés ici, il va se passer quelque chose ! Si seulement je savais quoi !

_ Les caméras sont éteintes, dit Kate, aux aguets, passant elle aussi la salle au crible de son regard. Réfléchissez Sherlock, des gens vont mourir.

Mais il ne l'entendait plus. Il s'était retranché dans son palais mental.

_ Combien de temps va-t-il rester inactif comme ça ? demanda Kate qui trépignait d'impatience.

_ C'est très variable. Peut être cinq minutes, peut être une heure.

_ Nous n'avons vraiment pas le temps ! Bon...réfléchissons. Sherlock a dit que quelqu'un dont nous ignorons l'identité va tenter ici quelque chose dont nous ignorons la teneur.

_ C'est mince, fit remarquer Mary.

_ Appelons cette personne X. X doit sûrement viser quelqu'un en particulier ici ou plutôt un grand groupe de personne. Quel est le meilleur moyen pour tuer un grand groupe de personne dans un milieu fermé ?

_ Une bombe ? proposai-je.

_ Peut être. Où peut-on cacher une bombe ici ? Quelque chose de grand, près duquel les gens peuvent s'approcher sans se méfier.

Elle tourna sur elle même pour avoir une vue d'ensemble de la pièce. Je suivis son regard et nous nous arrêtâmes ensemble sur l'attroupement autour de la pièce montée. Un mètre de haut, deux d'envergure. Les invités s'en approche sans se douter de rien.

_ Le gâteau !

Kate et moi nous étions exclamés de concert.

Un des majordomes sortit un énorme couteau et commençait à découper la pièce montée. Nous allions nous précipiter pour l’arrêter mais il était trop tard. Le couteau avait atteint le plateau et je grimaçais. Mais rien ne se produisit. Je me détendis d'un coup : la pièce montée n'était qu'une pièce montée, énorme certes, mais sans danger.

_ Si elle n'est pas là, où est cette bombe ? demanda Mary, une main crispée sur son ventre.

De nouveau, Kate observa la pièce.

_ Je ne sais pas, finit-elle par dire en soupirant.

_ Sherlock, tu fois te réveiller maintenant ! dis-je en le secouant.

Il n'eut aucune réaction. Cependant, il sursauta quand Kate lui attrapa une main.

_ Sherlock ! Allez-y, réfléchissez, vite. La vie de dizaines de personnes, dont la notre, dépend de vous.

Il planta son froid regard gros dans la profondeur du bleu de ceux de Kate et resta muet. Il finit par murmurer quelque chose que je ne compris pas mais que Kate saisi à en juger pas ses yeux écarquillés.

_ Que voulez vous que je fasse ?

_ Touchez moi.

Mary et moi le regardions en nous demandant si il avait perdu la tête.

_ C'est vous qui m'avez permis de comprendre pour Ser Hunter, hier. Vous êtes ma dose de nicotine, mon alternative au patch. Vous me stimulez.

Il avait dit cela sans la lâcher du regard. Une petite rougeur apparut sur le joues de Kate mais elle se reprit et saisi son autre main.

_ Vous allez réussir. Nous cherchons quelque chose qui peut tuer certaines personnes dans cette salle.

Sherlock serra les mains de la jeune femme et dit :

_ Les majordomes ont tous disparus. Il n'en reste aucun. Quoi qu'il arrive chaque personne présente ici va être touchée. Ils se sont mis à l'abri.

_ Où est la bombe ?

_ Ce n'est pas une bombe.

_ Qu'est ce alors ?

_ Je n'en sais rien ! Cela ne ressemble à rien que j'ai déjà fait.

Il avait presque crié ces dernières phrases. Il avait lâché Kate d'un geste rageur. Mais elle ne se laissa pas démonter et pris son visage en coupe. Elle s'approcha de lui et tout en le regardant, sa main droite caressa sa joue, descendit le long de sa nuque et se posa à plat sur son cœur. Leur fronts se touchaient presque, la respiration de Sherlock se fit plus lourde et la rougeur s'intensifia sur les joues de Kate. Une des mains du détective vint se poser sur la hanches de la jeune femme.

_ J'ai confiance en vous, Sherlock, murmura-t-elle.

Il sursauta et s'écarta vivement d'elle. Ma connaissance aiguë de ses expressions me fit comprendre qu'il avait trouvé la solution.

_ Le lustre, dit-il.

_ Le lustre ?

_ Ne vois tu pas que la pièce montée autour de laquelle tout le monde s'est attroupé est située juste au dessous du lustre. Grandiose et dangereux. J'ai fait remarquer, de manière parfaitement innocente je le jure, que cinq ampoules manquaient. Cela aurait pu passer inaperçu pour n'importe quelle personne sauf pour moi. Le majordome auquel je me suis adressé à eu une réaction démesurée quand il a entendu ma remarque. Nous pensions qu'il s'agissait d'un orgueil guindé froissé mais non. Les majordomes sont tous de mèches avec notre meurtrier, d'où leur absence à l'heure du drame. Il a été surpris que je remarque l’absence des ampoules car j'avais à ce moment là mis le doigts sur le point central de leur stratagème. Étais je au courant ? Me doutai-je de quelque chose ou était-ce un pure coïncidence ? Pendant toute la soirée je me suis sentie observé, j'étais surveillé. Maintenant tout va se déclencher, maintenant que tout le monde à son attention rivée sur cette merveille gastronomique.

_ Tous le monde sauf nous, fis-je remarquer. Que va-t-il se passer Sherlock ?

_ Du gaz ! Du gaz va s'échapper des ampoules manquantes.

Mary, Kate et moi nous entre-regardions, terrifiés : nous allions mourir asphyxiés.

_ Mary, Kate, collez vous aux murs pour être le plus loin possible de la bouche de gaz. Mettez vous près d'une bouche d'aération, ordonnai-je.

_ Elles sont toutes condamnées, fit remarquer Kate.

_ Tant pis. Restez discrète, nous pourrions être descendu autrement si quelqu'un se rend compte que nous sommes au courant, dit Sherlock.

Une lueur apparut sur le visage de Mary et elle se plia en deux, une main crispée sur son ventre. J'allais m'avancer pour la soutenir, inquiet, quand Sherlock me retint par le bras. Il échangea un regard entendu avec Kate. Cette dernière emmena ma femme à l'écart.

_ Qu'est ce que tu fais Sherlock ?

_ Que fais tu, toi ? Mary vient de trouver un moyen discret pour s'éloigner. Reste calme.

_ Reste calme John, reste calme ! Tu ne va pas finir gazé comme un juif pendant la Seconde Guerre Mondiale. Reste calme. Comment veux tu que je reste calme ?

Sherlock leva les yeux au ciel. Soudain, à ma droite, une vieille femme attrapa le bras de son mari et se plaignit de maux de tête. Un à un, tous les invités commencèrent à flancher.

_ Ça commence, dit mon ami. Protège ton nez et ta bouche. Écartons nous de sous le lustre. Écartez vous de sous le lustre ! cria-t-il à l'assemblée.

Ils le regardèrent tous sans comprendre. Les plus faibles commençaient à s'affaisser. J'allais m'approcher pour les aider mais Sherlock m'en empêcha.

_ Que fais tu ? Je suis médecin je peux les aider !

_ En te faisant tuer avec eux ? Non John, rend toi plutôt utile en appelant la police.

Alors que je sortais mon téléphone, il sortit un revolver et tira sur le lustre. Des ampoules éclatèrent, des invités hurlèrent. La moitié d'entre eux étaient déjà étendus sur le sol, certain avait même déjà perdu connaissance. Ma propre tête tournait et j'étais pris de nausées. Je me rendis alors compte, désespéré que je n'avais pas de réseau.

_ Les lignes sont coupées ! dis-je d'une voix pâteuse que je ne me reconnaissais pas.

L'inquiétude commençait à percer dans les yeux gris de mon ami. Sa respiration était rauque et il m'emmena près de Kate et Mary. Assises contre un mur, la tête entre les genoux, elles n'étaient pas non plus au meilleur de leur forme. Kate avait nouer une serviette trempée autour du visage de Mary pour la protéger au mieux de ce gaz mortel.

_ Nous ne pouvons joindre la police, toutes les lignes sont coupées.

_ Je peux joindre mon père, dit Kate d'une voix rauque. Il a équipé mon téléphone d'un signal spécial à utiliser en cas d'urgence. Il pourra me localiser et saura que quelque chose ne va pas.

_ Allez-y, dit Sherlock. Combien de temps lui faudra-t-il pour arriver ?

_ Je ne sais pas, encore faudra t-il qu'il parvienne à ouvrir les portes.

Elle s’efforçait à garder son calme alors que la panique menaçait de lui faire perdre ses moyens. Me rappelant mes années en Afghanistan, je lançai à Sherlock :

_ Cachons nous sous les tables, les nappes nous protégerons un peu. Il faudrait les mouiller avec de l'eau.

Alors que je mettait Kate et Mary à l'abri, il renversa toutes les carafes d'eau sur la nappe et vint nous rejoindre sous la table. Nous étions serrés et l'air était lourd mais nous étions ainsi mieux protégés du gaz que les autres invités.

Soudain Kate s'exclama :

_ Votre frère Sherlock !

_ Quoi mon frère ?

_ Nous ne pouvons pas le laisser comme ça, il est en danger.

_ Comme nous tous, je ne risquerai pas ma vie et la votre pour lui.

J'étais écœuré de l'attitude de mon ami même si une petite parcelle de ma conscience l'approuvait.

_ Vous ne pouvez condamner votre frère à une mort certaine !

Il sembla hésiter mais Kate, exaspérée, pris une grande bouffée d'air, retint sa respiration et jaillit de sous la nappe.

_ Kate ! Revenez ! s'écria Sherlock avant d'imiter son manège et de la suivre.

_ Va les aider, me poussa Mary d'une voix mal assurée.

Je quittais notre refuge à mon tour en retenant ma respiration. Tous les invités gisaient sur le sol. Très peu d'entre eux étaient encore conscients. Je repérais Kate et Sherlock qui tirait un Mycroft inanimé par les pieds. J'allais les aider mais je manquais d'air et fut forcer à reprendre ma respiration. Ma tête fut instantanément prise dans un étau et les grimaces de mes compagnons me firent comprendre qu'ils souffraient autant que moi. Arrêtant à nouveau de respirer nous arrivâmes à glisser Mycroft sous la table et nous rejoignîmes notre atmosphère confinée mais moins dangereuse. Mary ne semblait pourtant pas aller mieux, j'eus juste la force de prendre le pouls de Mycroft avant de m'affaisser à ses côtés. Il était vivant, je ne savais pas pour combien de temps encore, mais il était vivant.

C'est ainsi que nous attendîmes, collés les uns contre les autres, surveillant la respiration faible de Mycroft. Les nôtres étaient de plus en plus difficiles et ne pas fermer les yeux relevait d'un effort surhumain. J’assénais un coup de pied à Sherlock quand je le vis piquer du nez. Il sursauta et secoua énergiquement Kate dont la tête était posée sur son épaule. La jeune femme rouvrit difficilement les yeux. Elle attrapa la main de Mary qui se trouvait à côté d'elle et son autre main trouva celle de Sherlock. Elle les serra l'une après l'autre d'une manière incessante, attendant leur réponse. Je joignis mes mains à celle de ma femme et de mon meilleur ami. Je répondais méthodiquement à leur pression et nous pouvions ainsi nous assurer mutuellement de l'état de conscience des autres.

Je ne saurais dire combien de temps nous sommes restés là. Dix minutes ? Une heure ? Une journée ? J'avais complètement perdu la notion du temps. Soudain, dans le silence de mort qui régnait dans la salle, des bruits se firent entendre. Quelqu'un frappait la porte à coup de poings. La salle des machines, pensais-je. Finalement, les bruits cessèrent. Je regardais Sherlock. Nous échangeâmes des regards entendus : la police était là, nous allions être sauvés.

Je finis pas entendre un bruit de portes qui s'ouvrent et des éclats de voix diffus me parvinrent, comme altérés par un épais brouillard. Sherlock redressa vivement la tête et rampa péniblement pour sortir de sous la table. Des pas s’approchèrent et j'entendis une voix familière. La nappe fut soudain relevée et le visage inquiet de Lestrade apparut derrière un masque à oxygène. Il grimaça quand il vit sa fille et lui tendit immédiatement son masque. Elle le saisit et le posa sur le visage de Mary. Je m'occupais d'équiper Mycroft avec le matériel que nous tenait le policier et en pris un à mon tour. Mes idées redevinrent claires et, aidé de Sherlock nous fîmes sortirent son frère de sous la table. Lestrade nous fit signe de sortir et nous quittâmes la salle, nous soutenant plus ou moins les uns les autres. Des dizaines d'urgentistes courraient dans tous les sens, les sirènes des camions hurlaient et me vrillaient les tympans. Nous nous dirigeâmes vers une ambulance où l'on s'assura de notre état de santé. Comparé aux autres invités, nous étions de véritables miraculés. Au bout d'une demi-heure d'examen, les médecins nous annoncèrent que nous allions bien et que nous pouvions rentrer chez nous pour nous reposer et sans reprendre le travail avant trois jours. Mary devait aller dès le lendemain à l'hôpital afin de passer quelques derniers tests qui nous assureraient que le bébé était en bonne santé.

Greg Lestrade arriva alors, un masque à oxygène toujours posé sur le visage. Il l’ôta quand il fut à notre niveau.

_ Maintenant je voudrais bien savoir ce qu'il s'est passé ici. Comment vous êtes vous retrouvés là et surtout toi, Kate, que fais tu ici ?

En nous relayant, nous expliquâmes à l'officier de Scotland Yard comment Sherlock avait découvert le commanditaire du meurtre de Mona O'Conell allait se trouver ce soir au Royal Palace, comment nous nous somme infiltrés dans le gala, comment nous avons découvert qu'un attentat allait être perpétré, et enfin comment du gaz s'était échappé du lustre et avait asphyxié tout le monde. Enfin, Mary parla de notre stratagème pour nous tenir à l'écart du gaz.

Lestrade semblait déboussolé.

_ Cela n'explique pas comment Kate s'est retrouvée embarquée dans toute cette horreur.

La jeune femme regarda son père avec gène et pour la première fois je vis à quel point elle était jeune. Tout juste sortie de l'adolescence, innocente et pure.

_ C'est moi qui l'ai invité, dit Sherlock. Pour la remercier de m'avoir sauver la vie hier matin.

_ Tu la remercie en l'emmenant dans un endroit où elle aurait put mourir ?

_ J'avoue que cela n'a pas été très réussi.

_ Tu es complètement fou, Sherlock !

_ Je ne savais pas que quelque chose allait se passer ce soir, je comptais juste identifier notre homme.

_ Tu as mis la vie de ma fille en danger et je ne le pardonnerai pas.

_ Si tu veux m'entendre dire que je suis désolée de l'avoir impliquée tu peux toujours courir. C'est en partie grâce à elle que nous sommes toujours vivants.

Mary et moi confirmions d'un signe de tête et Greg se passa la main sur le visage, dépassé.

_ Je vais bien Papa, je le jure. Je voulais en être de toute façon. Cela aurait put être pire,j'ai juste un peu mal à la tête, et puis rien n'aurait pus m'arriver, j'étais avec Sherlock Holmes.

_ C'est bien cela qui m'inquiète.

Je m’apprêtais à prendre congé quand Sherlock se tourna vers Kate et lui dis :

_ Je vous présente mes excuses pour cette soirée désastreuse.

_ Ne vous en faites pas, j'ai connu d'autres rendez-vous raté. La prochaine fois sera sans doute meilleure.

_ Il n'y aura pas de prochaine fois ! s'écria Lestrade. Kate chérie je voudrais que tu cesse de voir cet homme au moins jusqu'à ce que l'affaire soit résolue. Tu as déjà été beaucoup trop impliquée et c'est beaucoup trop dangereux. Tu as déjà failli mourir deux fois.

Kate ouvrait la bouche pour répondre mais son père lui attrapa les mains et lui dit d'un ton suppliant :

_ Fais ça pour moi s'il te plaît. J'ai eu très peur aujourd'hui et je veux pas que cela recommence. C'est d'accord ?

Après une hésitation, la jeune femme céda :

_ C'est d'accord.

_ Viens là.

Greg pris sa fille dans es bras et la serra contre lui.

Les laissant famille, j'enveloppai une épaule de Mary avec un bras et la serra contre moi.

_ Rentrons, dit-elle. J'en ai assez vu pour aujourd'hui.

_ Tu as raison ma chérie, nous avons vécu assez d'émotions pour toute une vie.

_ Moins d'une semaine, vous connaissant, me reprit-elle en désignant Sherlock.

Elle avait sans doute raison.

_ Tu vois John, ce n'est pas si mal d'avoir une femme avec le cœur bien accroché, me dit mon meilleur ami en faisant référence au passé douteux de Mary. Je ne connais pas beaucoup d'autres femmes qui auraient tenu le coup comme elle.

_ Il y a Kate Lestrade, dit Mary.

_ Kate Lestrade, oui, reprit Sherlock avec une pointe de nostalgie dans la voix.

_ Tu as entendu Greg ? Tu dois la laisser tranquille à présent.

_ Elle ne le veut pas.

_ Peut être mais je te conseille de faire profil bas car si Greg te vois encore près de sa fille tu risque de te retrouver avec beaucoup plus de trou dans le corps qu'à l'origine.

 

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