John au pays des merveilles

Chapitre 2

3162 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 18:20

John tourna à trois cent quatre-vingts degrés sur lui-même pour embrasser l’ensemble du lieu notant au passage que la porte avait disparu, qu’il était minuscule au milieu de cette vaste nature aux proportions démesurées et c’était avec les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte qu’il réalisa la situation dans laquelle il se trouvait.

« Bon sang, mais où suis-je tombé ?! »

***

La situation n’était pas encore désespérée, enfin l’espérait-il. Comme il ne pouvait plus faire machine arrière, la première chose qu’il songea, était tout simplement de partir explorer les lieux. S’il y avait bien une chose qu’il avait apprise au côté de Sherlock, c’était de ne jamais se laisser surprendre et toujours chercher la réponse à tout mystère qu’il croiserait sur son chemin. Seulement, contrairement à d’habitude, il était seul et aucun moyen de prévenir le détective pour l’aider.

Il inspira profondément et relâcha son souffle, puis se tapota les joues pour se donner du courage.

« Allez, John ! Montre-leur à tous que tu es courageux et que tu peux mettre en pratique tous les conseils de ton meilleur ami. »

C’était avec cette franche résolution qu’il avança sur le chemin.

Tout en marchant, il ne pouvait pas s’empêcher de regarder, à côté de lui, les petites pierres qui roulaient sur elles-mêmes, avançant à un rythme de tortue.

Il s’arrêta et se baissa pour observer de plus près cette étrange procession. À première vue, il ne voyait rien de particulier mis à part qu’il y en avait de plusieurs tailles.

John posa sa main à la verticale sur le sol, faisant rempart aux pierres. Petit à petit, elles se bousculaient toutes les unes après les autres, bloquées devant sa main.

— Qu’est-ce qui s'passe devant ? Pourquoi ça n’avance p'us ? Cria une pierre au loin.

— J’sais pas, répondit une autre. P't-être ben qu’on est bloqué.

— J'vois bien qu’on est bloqué, mais pourquoi on avance p'us ?

— On n’avance p'us parce qu’on est bloqué, conclut-il avec certitude.

Les sourcils de John s’étaient surélevés aux premières paroles qu’il avait entendues.

— Monsieur, auriez-vous l’amabilité d’enlever votre main, je vous prie ? Dit la pierre contre sa main.

— Oh ! Oui, bien sûr ! Dit John en la retirant précipitamment.

— Je vous remercie, le gratifia la pierre.

Et la procession reprit sa route sans plus se soucier de la présence de John.

Celui-ci se releva et observait cette file indienne jusqu’à ce qu’elle ait disparu au loin.

Il réfléchit un moment, cherchant une explication plausible à ce qu’il avait vu et entendu, mais aucune idée ne lui vint à l’esprit.

« Ça commence bien ! Soupira John. 1-0 pour l’inexplicable. »

Il reprit sa route. Il avançait le long du sentier quand il entendit plusieurs coups de sifflet admirateurs. Il s’arrêta net et se retourna de tous côtés pour voir qui l’avait interpellé avec de telles manières.

John n’était pas habitué à ce genre de traitement à son encontre, bien qu’il ait lui-même sifflé quelques filles particulièrement jolies à la faculté de médecine.

Ne voyant personne, il reprit son chemin quand il entendit des voix féminines.

— Et en plus, il nous ignore, quel impoli ! Râla l’une d’elles.

— Qui plus est, ignorées par un si bel homme, quel dommage, s’attrista une seconde.

John se retourna et regarda du côté où les voix avaient surgi. Il vit un très grand massif de fleurs qui mesurait quelques centimètres de plus que lui.

— Vous… C’est à moi que vous parlez ? Tenta-t-il timidement.

Le silence lui répondit.

Il secoua la tête, fermant les yeux et se massa les tempes.

« Reprends-toi, John. Tout va bien. Tu n’es pas en train de devenir fou. Tu n’iras pas à Bethlem Royal Hospital*. »

— Bien sûr que vous êtes fou, il faut l’être pour ignorer de superbes créatures telles que nous, répondit une voix hautaine, au monologue de John.

John sursauta à cette voix. Il plissa les yeux et s’avança vers une fleur immobile quand, arrivé à quelques centimètres, celle-ci lui dit avec un clin d’œil :

— Hello, beau gosse !

— Aaah ! Cria John, basculant en arrière et tombant sur ses fesses.

— Oh, regardez les filles. Il s’est évanoui à la vue de ma beauté.

— Quelle chance, ma chère, vous lui avez fait un bel effet.

— Attendez, attendez ! Je ne me suis pas évanoui à cause de votre… beauté, au contraire ! Vous m’avez fait peur, répliqua un John quelque peu bouleversé et se redressant avec peine.

— Ne dites pas de bêtises, mon cher Monsieur, je sais que vous aimez les fleurs.

— Je ne dis pas le contraire, mais je ne m’attendais pas à ce que vous parliez, rétorqua-t-il en se relevant. Je n’avais jamais rencontré de fleurs parlantes. D’ailleurs, ça n’existe pas des fleurs qui parlent !

— Allons bon, c’est bien une affirmation d’homme, s’offensa-t-elle. Les femmes, elles, nous parlent, nous chantent des chansons, prennent soin de nous.

— J’offre des fleurs aux femmes que j’aime, mais je n’en ai jamais reçu.

— Et c’est un tort ! Si vous aviez reçu des fleurs, vous ne seriez pas si triste. Nous savons mettre du baume dans les cœurs.

— Je ne suis pas triste ! Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

— Vous devriez vous regarder plus souvent dans une glace, vous découvririez ce qui manque dans votre vie.

— Ma vie va très bien. J’espère me trouver bientôt une charmante femme, avoir des enfants et vivre dans une belle maison.

— Et vous pensez que vous serez heureux ?

— Eh bien, j’imagine que oui… (préférant changer de sujet) Dites-moi, pouvez-vous me dire où nous sommes ?

— Vous vous trouvez au pays des merveilles, mon cher.

— Pardon ? Vous me faites une blague ? Se moqua John.

Les fleurs se mirent à parler en même temps dans un brouhaha incessant.

— Mesdames, s’il vous plaît ! Tenta-t-il de les calmer.

— Vous nous offensez ! Sachez que nous, les fleurs, ne mentons jamais ! Se fâcha-t-elle.

(Nouveau brouhaha)

— D’accord ! D’ACCORD ! Je vous crois, cria-t-il pour se faire entendre. (Grand silence) J’aimerais rentrer chez moi, auriez-vous l’amabilité de me dire comment quitter cet endroit, dit-il avec le plus grand respect pour s’éviter une nouvelle crise.

— Partir ? Vous n’aimez pas notre compagnie ? S’indignèrent les fleurs.

— Si bien sûr, vous êtes charmantes ! Répondit précipitamment John. Vous êtes tellement belles que cela me fend le cœur de vous abandonner, mais le devoir m’appelle.

— Quel adorable garçon ! Si poli et si charmant. Très bien, nous vous montrerons la direction. Ce chemin n’en est pas vraiment un, il vous oblige à tourner en rond pendant des jours. La véritable route se trouve de l’autre côté, dit-elle, en montrant un passage qui s’ouvrit entre les fleurs qui se reculaient pour révéler une autre route à l’extrémité.

John s’avança parmi elles. Elles gloussèrent lorsqu’il effleura leurs feuilles à son passage, émettant un doux parfum.

« J’ai l’impression d’être au milieu d’un attroupement de femmes. Ces fleurs réagissent de la même façon. Heureusement que j’ai l’habitude de les aborder, sinon, je serais resté coincé ici pour encore longtemps », pensa-t-il.

Il était à mi-chemin quand il l’aperçut. Un éclair blanc courant au bout du passage et fonçant vers la forêt qu’il vit un peu plus loin.

John se mit à courir pour rattraper le lapin, lançant un merci aux fleurs avant de partir.

— Reviens-nous vite, beau garçon ! Roucoulèrent les fleurs.

John grimaça et préféra se concentrer sur plus important.

« Toi mon lapin, tu ne vas pas m’échapper ! »

Il courait sans parvenir à réduire la distance qui le séparait du lapin, puis il entra dans la forêt.

Il s’arrêta. Le lapin avait de nouveau disparu. Son environnement s’assombrit brutalement, comme si le soleil s’était caché derrière un nuage. Il se retourna et, stupéfaction ! À la place du jardin, il était entouré d’arbres.

« Mais comment suis-je arrivé là ? Comment ai-je atterri si loin dans la forêt alors que je venais juste d’y pénétrer ? Il y a quelque chose de pas normal. »

Il leva les yeux au ciel. La masse des feuilles lui couvrait l’accès au ciel. Le chemin était partiellement caché parmi de hautes herbes. Il se fraya un passage au travers des longues tiges qui lui cinglaient le visage.

« Que donnerais-je pour retrouver ma taille normale ? » Soupira John après avoir reçu une claque d’une feuille particulièrement dure.

Il atterrit dans une zone moins encombrée au pied d’un arbre où trônait un gros champignon – parmi une forêt de champignons – sur lequel une grosse chenille bleue, assise les bras croisés, fumait tranquillement un narguilé.

« Avec de la chance, elle va parler aussi. Essayons de ne pas la brusquer. »

— Excusez-moi ! Je cherche la direction qui me permettrait de quitter la forêt, demanda-t-il.

« C’est bizarre, elle a un petit air de Molly Hooper, mais ça doit être mon imagination », sourit-il.

Il attendit un long moment. La chenille le regarda curieusement tout en envoyant des ronds de fumée en direction de John qui se mit à tousser. Puis elle se décida à lui répondre.

— Dans une conversation polie, il est de rigueur de se présenter.

— Oh ! Désolé. Je m’appelle John Watson et vous ?

— Mon nom est Absolem. Que cherchez-vous exactement dans nos contrées, John ?

— Je veux juste rentrer chez moi. Je suis arrivé ici par accident.

— Ah oui ? En êtes-vous bien sûr ?

— Je ne comprends pas où vous voulez en venir. J’ai suivi un lapin et je ne m’attendais pas à me retrouver ici.

— Ça explique tout, en effet. Donc que voulez-vous précisément : quitter le pays des merveilles ou retrouver ce lapin ?

John ouvrit la bouche et la referma, puis la rouvrit, mais aucun son n’en sortit. Tout d’un coup, il ne savait plus trop ce qu’il voulait. Finalement, il avait envie d’en découvrir plus.

— Je cherche le lapin.

— Prenez ce chemin, dit-il en lui montrant la vague étendue d’herbes. Et vous arriverez à sa demeure.

— C’est loin d’ici, demanda John.

— Il faut bien deux heures à vol de papillons.

— Tant que ça ! Se découragea John. Avec ma taille, j’en aurai pour des jours.

— Que reprochez-vous à votre taille, elle me semble satisfaisante.

— Au contraire, j’ai dû rapetisser pour venir ici. J’aimerais bien retrouver ma taille normale.

— Alors, prenez deux morceaux de ce champignon. Un côté vous fera grandir, l’autre côté vous fera rapetisser.

Puis, sans plus de cérémonie, la chenille descendit de son promontoire et disparut parmi les herbes.

— Et c’est lequel qui fait grandir ? S’écria-t-il.

« O-K, vachement sympa celle-là. Et après on me reproche mon impolitesse », siffla John.

Il détacha deux morceaux et choisit de manger celui du dessus. Il grandit enfin.

« Bon, je pense que j’ai la bonne taille. »

Il mit les deux morceaux dans ses poches.

« Voilà une première preuve à donner à Sherlock. »

Et il prit la direction du terrier du lapin – parce qu’un lapin ne pouvait vivre que dans un terrier dans l’esprit de John.

Il marchait depuis une bonne demi-heure lorsqu’il arriva à une intersection qui indiquait deux directions : « Le lièvre de mars » et « le chapelier fou ».

« Qu’est-ce que c’est que ça ? Ça devient n’importe quoi ! La chenille s’est foutue de moi » grogna-t-il.

— Que vous arrive-t-il, mon cher Monsieur ? Dit une voix.

John leva la tête et vit un chat, ou plutôt une sorte de chat rayé, arborant un large sourire et qui tenait un parapluie dans sa patte.

— Laissez-moi deviner : vous vous appelez le chat Potté ! Lança John d’un ton de défi.

— Pas du tout ! Mon nom est Microsoft, le chat de Cheshire.

— Qui est Cheshire, demanda naïvement John.

— Vous ne me semblez pas très intelligent, Monsieur. Cheshire est mon nom », lui indiqua-t-il de sa voix hautaine, mais ne tarissant pas son sourire. Et le vôtre ?

« Il n’est pas mieux placé avec son sourire idiot », pensa John.

— Je m’appelle John et je cherche le terrier du lapin. Si vous pouviez m’indiquer la direction, je vous en serais extrêmement reconnaissant, demanda John.

— Je vous trouve bien présomptueux à penser que les lapins vivent dans des terriers. Vivez-vous également dans un terrier ?

— Non, bien sûr que non, s’offusqua John, qui aimait de moins en moins ce chat qui lui donnait l’illusion d’avoir un certain Holmes en face de lui.

— Puis-je vous demander ce que vous lui voulez ?

— Ça ne vous regarde pas ! Gronda-t-il.

— Alors savoir où il habite ne vous regarde pas non plus.

Le chat commença à disparaître sous les yeux éberlués de John et lorsqu’il ne lui resta plus que son sourire, il l’appela.

— Ne partez pas, je vous en prie !… Se désespéra-t-il.

Le chat réapparut, toujours affublé de son sourire qui parut moqueur aux yeux de John.

-… Aidez-moi, je suis perdu.

— D’accord, dit simplement le chat qui descendit de son perchoir. Suivez-moi.

John le suivit dans la direction du lièvre de mars. Après tout, peut-être qu’ici le lapin blanc était appelé un lièvre.

Il marcha un bon moment, suivant difficilement le chat qui disparaissait par moments, réapparaissant bien plus loin. Il dut parfois courir pour le rejoindre.

John vit au loin de la lumière ce qui signifiait qu’il atteignait la limite de la forêt. Une maison apparut et devant celle-ci, une longue table s’étendait dans la cour pouvant réunir une quinzaine de convives. À la table étaient installés trois personnes qui semblaient prendre le thé.

Quand John s’approcha d’eux, ses yeux s’agrandirent et il lança avec étonnement et joie :

— Sherlock !

À SUIVRE…

* Nom d’un hôpital psychiatrique reconnu de Londres

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