Mon Opium

Chapitre 1 : Le vide

798 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/06/2019 12:53

Sherlock était négligemment assis sur son canapé miteux, dans l'appartement 221B Baker Street. Il faisait nuit et la braise de sa pipe en bois illuminait son visage songeur. Les yeux fixés dans le vide, il crachait lentement la fumée opiacée, rendue bleutée par les rayons de la lune. Il avait fini sa dernière enquête depuis des jours... Et il n'était pas sorti depuis. Enfermé entre quatre murs, ses pensées complexes et tourmentées le gardait éveillé.

Le vide complet. C'est ce qu'il ressentait en ce moment. Un vide... angoissant. L'Ennui. C'est ce qu'il détestait par dessus tout. Même Moriarty, son ennemi juré, lui paraissait aimable en comparaison. Etalé sur le cuir noir et confortable du sofa, Sherlock parcouru de ses yeux sombres son appartement. Les multiples meubles, bibelots et objets disparates n'étaient que des ombres mais par terre... On n'y voyait guère que des journaux jonchant le sol, les uns déchirés, les autres découpés... Le chaos était un mot faible pour désigner l'état dans lequel était son logis. Un sourire en biais étira les lèvres du détective. Il imaginait ce que dirait Watson en entrant dans son ancien appartement. Watson... Ce cher Watson. Cela faisait des mois qu'il ne l'avait pas vu. Depuis sa lune de miel rocambolesque avec Mary à vrai dire... Il avait définitivement arrêté de le suivre dans ses enquêtes.

Sherlock cracha sa fumée et poussa un ricanement amer. Il était bien rangé à présent. Un parfait gentleman... Fini les escapades dangereuses, comme l'avait décrété son épouse. Depuis qu'il avait réchappé à sa chute de la falaise en Suisse et qu'il avait envoyé ce fameux colis à Watson... Ce dernier lui avait répondu, ils avaient vaguement prévus de se voir à un dîner mondain... Puis plus rien. Le vide. Le vide complet.

La lumière de la braise faiblit puis s'éteignit.

Sherlock décida enfin de se lever, dans l'obscurité la plus totale et quelque peu assommé par l'opium. Il se fraya un chemin sur le tapis persan poussiéreux et se dirigea en traînant du pied vers la salle de bain. Il devait prendre un bain. Mme Hudson lui avait déjà fait la remarque, cinglante, et il n'avait aucune envie de cette bonne femme revienne mettre son nez dans la pièce. Il avait beau lui en interdire l'accès, elle insistait toujours. C'était à devenir fou.

Il rempli la baignoire d'eau chaude et sa déshabilla dans le noir. Il ne supportait pas la lumière. Il avait besoin des ténèbres pour laisser épanouir ses pensées nébuleuses. Et il en avait tant, des pensées. A tel point que s'en était inhumain. Une fois la baignoire remplie, il pris une grande inspiration et se décida à entrer dans le bain brûlant. L'eau chaude éveilla tous ses sens endormis par la drogue. Il soupira en s'accoudant au rebord et ferma les yeux. La vapeur qui émanait de l'eau embaumait la grande pièce d'un subtil parfum de jasmin. L'Opium le mettait toujours dans un état de somnolence hypnotique dans lequel il était plus aisé de méditer. Rien d'autre ne parvenait à calmer son esprit tiraillé. Cette drogue était de loin la drogue la plus efficace. Il arrivait à percevoir des choses qu'il ne percevait que fragmentées jusqu'alors. Le visage de Watson... Son corps, sa voix, son regard... Jamais il ne formulerait cela à voix haute, mais cet homme lui manquait. Les mois étaient passés et il n'était jamais parvenu à ressentir cette motivation viscérale de s'investir corps et âme dans une enquête. Quelque chose lui manquait. Quelqu'un, pour être plus juste. Il essaya de se concentrer sur d'autres pensées qui fusaient dans sa tête brune. Celles qui concernaient son ancien colocataire le rendait morose.

Il ouvrit les yeux et se laissa glisser contre la parois de la baignoire pour plonger son visage sous l'eau. Il y voyait des formes étranges, oniriques... Il se concentra sur l'une d'elles et demeura fasciné par la complexité de sa structure.

Soudain, il entendit un bruit sourd qui le fit sursauter. Il émergea de l'eau, les cheveux trempés et épia la pièce, les pupilles dilatées, tous ses sens aigus aux aguets. La porte. C'était la porte d'entrée que l'on avait ouverte. Et des bruits de pas... Trop lourds pour être ceux de la bonne, trop légers pour être ceux de son frère Mycroft... Mais il n'avait pas besoin de se poser la question. Au fond de lui, il savait parfaitement à qui appartenait cette démarche déterminée et légèrement boiteuse.

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