Silent Hill : Return to Paradise

Chapitre 10 : Chapitre 11121#2 - (Walter Sullivan) Dialusis

Chapitre final

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 22:55

21 février 1994... Commissariat de Pleasant River, zone de détention… 20H00...

    La femme policier poussait devant elle un chariot sur lequel il y avait des plateaux repas. Il n'y avait que quelques prévenus dans les cellules du commissariat, mais il fallait bien les nourrir. C'étaient pour la plupart de petits délinquants, ou des saoûlards en train de cuver. Et puis, il y avait l'autre aussi... le tueur en série qu'on avait arrêté ce matin. Elle l'avait aperçu un peu plus tôt, par l'oeilleton de sa cellule ; il était drogué et restait prostré sur sa chaise roulante sans bouger. Elle avait presque de la pitié pour lui, mais en repensant aux victimes, surtout les deux petits enfants, ce sentiment s'effaça vite. Elle avait entendu dire qu'il était fou... Tout de même, cela n'excusait rien...

    Elle ouvrit la porte de la cellule de Walter Sullivan et tira le chariot à l'intérieur. Allons bon, celui-ci n'allait pas pouvoir se débrouiller tout seul. Après tout, elle avait une petite formation d'infirmière et elle en avait vu d'autres... Le garçon était tellement atteint par la drogue qu'il n'était même pas utile de le surveiller...

    Elle dû le faire manger elle-même ; l'expression figée du jeune criminel ne laissait rien présager du combat intérieur qui se jouait en lui en ce moment même. Un conflit qui dépassait l'imagination, et dont l'issue pouvait décider du sort de certaines personnes... Se rendait-il compte des efforts que la femme faisait pour qu'il ne meure pas de faim ? Sûrement pas... Le peu qui lui restait de volonté était tendue vers un unique but, un seul objectif...

    Le duel mental se termina. La femme sortit de la cellule avec le chariot et les plateaux repas vides. Mais elle ne se rendit pas compte, tellement persuadée de l'impuissance du prisonnier, qu'il manquait sur un plateau une cuillère à soupe en métal... Fatal oubli... et que sur le visage de Walter Sullivan, un sourire était apparu...

§

21 février 1994... Silent Hill, Carroll Street… 22H11...

    Aidan ouvrit les yeux, presque avec crainte. La sensation de quelque chose d'humide l'avait réveillé. Une pluie fine tombait sur lui. Il était affalé sur des marches devant un bâtiment délabré. Il tenta de faire le point : Silent Hill... Carroll Street... hôpital... Walter Sullivan... le Dieu Jaune... Mon Dieu ! Il ne se souvenait pas de tout dans le détail, mais il lui revenait assez clairement en mémoire la sensation d'une main tâtonnante agrippant sa nuque... Puis plus rien...

    Il se redressa difficilement, et tenta vainement de pénétrer de nouveau dans le bâtiment : en vain. Comment avait-il atterri ici ? Que s'était-il passé dans l'hôpital ? Avait-il réellement vu Walter Sullivan ? Avait-il réellement vécu toutes ces choses ignobles que sa raison refusait d'admettre ? Il regarda sa montre : 22H15... Bon Dieu, combien de temps s'était-il écoulé ? Avait-il passé tout ce temps dans ce monde étrange et terrifiant ou étendu là sous la pluie ?

    Il se détourna du bâtiment et chercha sa voiture dans la brume qui se levait. Il eut la surprise de découvrir à côté de son véhicule une femme, plutôt jeune mais habillée de façon austère, aux cheveux blonds sales. Elle semblait l'attendre, les bras croisés et le regard sévère.

- "Vous avez trouvé ce que vous étiez venu chercher ?" lui demanda-t-elle sans préambule. Son ton était froid et étrangement atone.

- "Qui êtes-vous ?" interrogea Bearchan encore secoué par ce qu'il venait de vivre.

- "Quelle importance ? Je sais qui vous êtes et ce que vous avez vu là-dedans..."

    Aidan se rapprocha d'elle mais elle s'écarta de lui, pas par peur mais plutôt par dégoût.

- "Son petit paradis vous a-t-il plu ? Ce gamin ne sait que penser à sa mère, c'est désolant...", soupira-t-elle, écoeurée.

- "Vous parlez de Sullivan ? Vous savez ce qui se passe là-dedans ? Qu'est-ce que c'est au juste ?" demanda Aidan en tentant de calmer les battements de son coeur.

- "Ce n'est que le début. Il pourrait bien réussir, cet idiot... Son but, notre but à tous, est de ramener Dieu sur cette terre, quel que soit le moyen..."

    Aidan commençait à comprendre ce qui se passait dans cette ville.

- "Il doit tuer des gens pour accomplir un rituel, c'est ça ?"

- "Oui ! Pas des gens, des pécheurs ! Mais cet imbécile fait ça surtout pour retrouver sa mère, le pauvre chéri... Il n'a pas compris que c'était le cadet des soucis de l'Ordre...", se moqua la jeune femme, sans joie.

- "Des pécheurs ? Et les enfants ? Ils étaient des pécheurs eux aussi ?" s'insurgea Aidan. "Vous êtes tous cinglés !!"

    Elle ne sembla pas réagir à l'insulte.

- "Ceux qui habitaient cette terre avant la considérait comme sacrée", raconta-t-elle. "Elle était vénérée et utilisée pour de nombreux rites avant que les colons ne s'y installent. Les indiens Pawnees l'appelaient le "Refuge des âmes muettes" ; mais aujourd'hui, les âmes se sont réveillées et elles parlent : elles parlent de la naissance et du retour de Dieu... Les pécheurs doivent mourir afin qu'Elle puisse revenir dans un monde pur de toute corruption ; alors seulement, Elle nous rendra le Paradis..."

    La femme commençait à s'éloigner.

- "Vous n'avez encore rien vu. Son pouvoir est immense, bien que cela me coûte de l'admettre. Le rituel n'est pas terminé. Il va venir finir le travail. Il a pris le dessus..."

- "Qui ? Walter est en prison !"

- "On lui donne de nombreux noms : Valtiel, Lobsel Vith, le Dieu Jaune, le Surveillant, le Bourreau... et il se fiche pas mal de vos entraves mortelles..."

    D'une voix monocorde, elle récita ces mots, tout en s'éloignant :

Le Deuxième Signe
Et Dieu a dit,
Donne le Sang des dix Pécheurs et l'Huile Blanche en offrande.
Tu seras libéré du carcan de ton enveloppe terrestre et jouira du Pouvoir des Cieux. De la Nuit et du Néant, fais rejaillir les Ténèbres et ceins-toi de Désespoir au nom de l'Elu.


    La femme disparut dans la brume. Pourquoi lui avait-elle dit tout cela ? Parce que tu as vu son monde... C'est un privilège... Ces mots avaient résonné dans sa tête. Les battements de son coeur s'accélérèrent à nouveau : quelque chose approchait, quelque chose que rien ne pouvait arrêter... Si, il fallait qu'il le tente. Il prit son portable et composa le numéro de Casey : des parasites crachotèrent. Impossible de prévenir le commissariat de ce qu'il craignait. Il fallait qu'il rentre le plus vite possible, afin d'empêcher ce qu'il subodorait...

    Il claqua la portière de sa voiture et démarra en trombe.

§

21 février 1994... Commissariat de Pleasant River… 22H52...

    Le téléphone de Casey sonna. Il le sortit de sa poche de poitrine et "décrocha". Il n'entendit que des crachotements et des parasites. Sûrement un gamin qui faisait une blague. Il "raccrocha" ; il avait encore pas mal de choses à régler...

§

Il tendit tous ses muscles dans l'espoir de parvenir à se lever ; les drogues agissaient encore et l'effort était quasi-surhumain. S'arcboutant des mains sur les accoudoirs de sa chaise, il souleva encore une fois son corps ankylosé. Il parvint à se détacher de la chaise roulante et tomba comme une masse sur le lit. Il resta quelques instants dans cette position, reprenant son souffle. Ils avaient été bien stupides de penser que leurs petits tours de magie chimique suffiraient à l'arrêter. Le rituel devait continuer et il devait se préparer pour la prochaine étape. L'heure tournait...

    Avec lenteur, il fit glisser de sa manche la cuillère qu'il avait subtilisé sur le plateau repas. Cette idiote n'avait rien vu du tout. Une chance pour lui. La chance ? Non, c'était Dieu qui le guidait...

§

21 février 1994... Quelque part entre Silent Hill et Pleasant River… 23H03...

    Aidan Bearchan mit en marche les essuie-glaces car la pluie avait redoublé. Après ce qu'il avait vécu, il n'était pas loin de penser que ce temps n'était pas naturel. Comme si les éléments eux-mêmes avaient décidé de l'empêcher d'avancer. Il ne distinguait que partiellement la ligne blanche, mais il fit tout son possible pour ne pas perdre de vue ce fil d'Ariane.

    Il lui semblait distinguer dans le brouillard humide comme des formes étranges qui se tortillaient...

§

21 février 1994... Commissariat de Pleasant River… 23H13...

    Il se mit à la tâche quand il sentit que les effets de la drogue se dissipaient. Il se sentait toujours un peu somnolent. Se mettant à genoux sur le sol de la cellule, il prit la cuillère bien en main et commença à tracer sur le sol de la pièce des symboles compliqués, mais qui lui étaient familiers à lui : ils dispensaient une lumière, une force, une vigueur nouvelles à ses membres tremblants ; plus ils les traçaient, plus sa puissance lui revenait. Ils n'étaient qu'à peine visibles sur le revêtement de la cellule, mais lui les voyait parfaitement, avec les yeux de son esprit. C'étaient des symboles très anciens, plein de pouvoir et de sagesse, que bien d'autres avaient tracés avant lui... Ils étaient pleins d'une signification secrète, d'une promesse vénérée... Tout cela se communiquait à lui, et il n'avait plus peur... Il n'aurait plus jamais peur... Toutes les émotions, les sensations, les troubles, les insuffisances de l'homme n'étaient déjà plus siens...

§

Le policier de garde posa sa lime à ongle et admira sa manucure à la lumière d'une lampe. Il ne restait plus que lui, Casey et un autre collègue à quelques mètres de lui dans le commissariat.
   
    Pendant une minute, il eu l'idée d'aller voir Walter Sullivan, juste par précaution ; mais il savait que le type était sous sédatif et reluquer un mec immobile qui ne représentait pas la moindre menace ne lui sembla pas si exaltant... Il pouvait bien attendre jusqu'à demain matin.

§

21 février 1994... Quelque part entre Silent Hill et Pleasant River… 23H24...

    Il venait de dépasser un panneau, mais il ne vit pas ce qu'il y était écrit. En fait, il ne savait pas trop où il se trouvait ni depuis combien de temps il roulait. La pluie brouillait tout devant lui et battait les vitres au point de les faire exploser. Mais quelque chose lui disait qu'il était sur le bon chemin ; il voyait toujours la ligne blanche, il n'avait donc pas quitté la route.

    Il se mit à penser à Walter Sullivan, qu'il avait abandonné en arrière dans ce monde infernal... Non, il est devant, mon vieux. Ne flanche pas, pas maintenant...

§

21 février 1994... Commissariat de Pleasant River… 23H35...

    Casey se demanda tout à coup où pouvait bien se trouver Aidan. Il était parti toute la journée à Silent Hill, il avait bien dû trouver quelque chose d'intéressant. Il prit son téléphone et composa son numéro. Il entendait la tonalité mais personne ne répondit. Peut-être était-il dans un endroit qui captait mal les toutes nouvelles lignes de téléphone portables... De toute façon, tout foutait le camp à Silent Hill...

§

21 février 1994... Quelque part dans une église de Silent Hill… 23H46...

    Il avait rassemblé quelque fidèles ce soir, sacré entre tous. Toby Archbolt avait eu fort à faire après la mort de Jimmy Stone ; il avait dû reprendre le culte de Valtiel en main. Cette nuit était une grande nuit et l'heure était proche. Il demanda aux fidèles rassemblés de se lever et de scander en coeur :

Le Deuxième Signe
Et Dieu a dit,
Donne le Sang des dix Pécheurs et l'Huile Blanche en offrande.
Tu seras libéré du carcan de ton enveloppe terrestre et jouira du Pouvoir des Cieux. De la Nuit et du Néant, fais rejaillir les Ténèbres et ceins toi de Désespoir au nom de l'Elu.


    La foi de tous ces gens était palpable. Ils chantaient en levant les mains au ciel ou en les joignant, chacun ici était conscient que quelque chose d'extraordinaire était en train de se passer sans savoir quoi exactement. Toby lui-même l'ignorait : il savait seulement que cela se passait et qu'ils devaient prier, aider, soutenir... Il lui semblait que l'église était toute entière baignée d'une lumière rouge...

§

21 février 1994... Commissariat de Pleasant River… 23H55...

    Il avait terminé. Le Nimbe Solaire était achevé dans son intégralité. Les genoux douloureux d'être resté si longtemps dans cette position, il se leva lentement, avec précaution. Sa vision se brouilla un peu, mais il se retint au mur. Passant sa main sur son visage, il attendit quelques secondes... Il venait... Il le sentait... Comme une sensation glacée, puis chaude, là, au creux de sa poitrine qui irradia ensuite son corps tout entier... Une sensation si familière... Il n'avait plus besoin des pilules que l'Ordre lui avait donné en lui disant que cela faciliterait ses transes... Il Le sentait partout, et surtout, il La sentait Elle, sa Mère... Sa libération n'était déjà plus si éloignée... Elle le prendrait dans ses bras et plus rien n'aurait d'importance...

    Lentement, comme s'il répétait des gestes rituels, il se déshabilla ; nu comme comme au premier jour de sa naissance, grelottant un peu, il se laissa presque tomber au sol et embrassa avec ferveur le Nimbe Solaire, puis il saisit la cuillère ébréchée et, la brandissant comme un objet sacré, il murmura :

- "Telle une fleur dans un sous-sol attendant un mort solitaire, ma résistance est inébranlable..."

    Il sourit au vide devant lui et amorça le geste fatal...

§

21 février 1994... Pleasant River… 00H00...

    Il avait réussi. Bizarrement, la pluie avait cessé peu avant qu'il n'entre dans la ville. Il y avait peu de voitures à cette heure-ci et il accéléra un peu. Un sombre pressentiment le pris. Il regarda l'horloge digitale sur la tableau de bord : 00H00. L'heure du crime. Quelque chose lui dit qu'il était trop tard... Trop tard pour quoi ? Il ne savait pas lui-même...

    Il arrivait devant le commissariat. Des lumières y étaient encore allumées. Casey devait être de garde. Il se gara un peu de travers, mais ne pris pas la peine de corriger sa position : il sortit en courant de sa voiture, gravit les quelques marches du perron en quatrième vitesse et poussa la porte. Casey vint immédiatement à sa rencontre.

- "Tu ne réponds jamais au téléphone ou quoi ?!" hurla Bearchan.

- "Tu as appelé ? Quand ?"

- "On s'en fout ! Et Sullivan ?" demanda Bearchan en se dirigea vers la zone des cellules.

- "Toujours dans sa cellule, rien à signaler..." répondit Casey un peu déboussolé.

- "Tu es sûr ?" Bearchan s'était remis à courir, avec le secret espoir que rien de fâcheux ne s'était produit.

- "Attends un peu ! Tu as trouvé quoi à Silent Hill ?" cria Casey en tentant de suivre son rythme.

    Ils passèrent devant les deux policiers de garde.

- "Tout va bien ? Pas d'incident ? Vous êtes allé surveiller Walter Sullivan récemment ?" demanda Bearchan d'un ton cassant.

- "C'est qu'un légume, alors bon..." répondit le policier, nonchalant.

    Le coeur de Bearchan fit un nouveau bond. Il sentit une colère fulgurante le traverser, tournée vers ce type incompétent. Il se précipita vers la cellule de Walter Sullivan, fit coulisser l'oeilleton de la porte. Au bord de la syncope, il déverrouilla la cellule.

- "Bon dieu !! Mais pourquoi on vous paie ?!!" hurla-t-il de nouveau.

    Il traversa la cellule et se jeta à terre. Casey le suivit et il eut un instant d'arrêt bien compréhensible à la vue du spectacle qui s'offrait à ses yeux.

    Walter Sullivan était allongé à terre, nu, la tête baignant dans une mare de sang ; un curieux symbole était gravé sous sa tête, là où le sang avait coulé ; ce qui ressemblait au manche d'une cuillère dépassait de son cou ; il était dans une position foetale, une main devant son visage, que ses cheveux cachaient. Aidan Bearchan avait pris cette main dans la sienne et semblait murmurer tout bas des choses que Casey n'entendit pas. La main sembla se resserrer autour de celle du vieux commissaire. Casey sortit de sa stupeur :

- "Qu'est-ce que vous attendez !! Appelez une ambulance !" ordonna-t-il au flic derrière lui.

    Casey s'approcha un peu, mais il eut l'impression que sa présence était indécente. Bearchan avait écarté les cheveux poisseux de sang du visage de Sullivan et Casey vit distinctement la raison d'une telle hémorragie : une cuillère à soupe était enfoncée profondément dans la carotide de Sullivan, et le sang continuait de se répandre. On ne pouvait pas faire grand chose : si on essayait de retirer la cuillère, cela tuerai Sullivan sur le coup. Il vit aussi, gravé profondément sur les pieds du mourant, des chiffres : 11 et 21. Mais comment avait-il réussi à faire ça malgré la dose de cheval qu'il avait reçu ? Et sans que personne ne s'en aperçoive ?

    Les yeux du jeune homme étaient vitreux, et Bearchan se mit à regarder tout autour de lui dans la pièce, comme s'il cherchait quelque chose. Casey l'entendit vaguement murmurer : "Je sais que tu es là, salaud..." Mais il n'y avait personne dans la pièce. Bearchan devenait-il fou à son tour ?

    La main de Sullivan se serra convulsivement une dernière fois. La sirène d'une ambulance se fit entendre à l'extérieur, mais Casey savait que c'était trop tard : Sullivan avait perdu trop de sang... Bearchan poussa comme un espèce de petit gémissement que son jeune confrère n'aurait jamais imaginé l'entendre produire un jour. Il lâcha la main du jeune criminel mort et lui ferma les yeux. Avant de se détourner, il prononça, de façon intelligible cette fois :

- "Bon anniversaire, Walter... et bon voyage..."

§

Extrait du journal local de Pleasant River

La police vient d'annoncer que Walter Sullivan, arrêté le 20 de ce mois-ci suite à l'assassinat de Billy Locaine et de sa sœur Miriam, s'est suicidé dans sa cellule le matin du 22.
Selon la police, Sullivan aurait mis fin à ses jours en se sectionnant la carotide avec une cuillère à soupe. Quand le gardien est arrivé, Sullivan avait déjà perdu trop de sang, la cuillère plantée à une profondeur de quatre centimètres dans le cou.
Un vieux copain de l'école de Pleasant River a déclaré
"A le voir, on l'aurait jamais cru capable de tuer des mômes. Et pourtant, juste avant son arrestation, il baragouinait un tas de trucs bizarres dans le genre "il essaye de me tuer, de me punir. Le monstre...le diable rouge. Pardonnez-moi, je suis coupable mais c'était pas moi !"."
Son vieux copain a ajouté "A bien réfléchir, il devait être un peu zinzin."

§

25 février 1994... Appartement d'Aidan Bearchan, Pleasant River... 10H17...

    C'était fini... Après l'enterrement, dans un petit cimetière de Silent Hill, il avait donné sa démission. Errol Casey était maintenant de plein droit le commissaire de police de Pleasant River. Bearchan était bien décidé à laisser tout cela derrière lui, à quitter carrément la ville. Il irait peut-être à Portland...

    Il cessa de fourrer ses affaires dans sa valise deux minutes ; il ne put s'empêcher de repenser à ce que Walter lui avait dit juste avant de mourir : "Merci..." Il serra les paupières : il avait échoué à le sauver... de cette secte abominable, de ces préceptes ridicules... de lui-même... De plus, les proches des victimes ne sauraient jamais ce qui s'était passé puisqu'il était mort avant d'avoir été jugé... Tant de questions sans réponse...

    Mais c'était terminé : Walter ne souffrirait plus là où il était. Peut-être était-il en ce moment même dans les bras de sa chère maman, cajolé et bercé comme un enfant heureux... Mais, il ne savait pourquoi, Aidan n'y croyait pas : comment un esprit capable de tels prodiges, comme ceux qu'il avait constaté, pouvait-il trouver le repos ? Non, il est tranquille maintenant, ne l'importune pas avec tes idées noires...

    Il ferma sa valise et se prépara à quitter l'appartement ; une agence de déménagement viendrait prendre le reste. Il ne voulait rien laisser dans cet endroit... mais une partie de lui y resterait quand même... Jamais il ne pourrait oublier Walter Sullivan... et la vision de cauchemar qui avait été la sienne le poursuivrait jusqu'à la mort... Il avait peur de s'endormir à présent, certain que quelque chose rôdait autour de lui dès qu'il avait les yeux fermés... Cette chose qu'il avait sentie en entrant dans la cellule... Au moment où il s'était jeté sur le corps de Sullivan, il avait entendu un bruit étrange, comme quelqu'un qui s'éloignait, qui se rencognait, qui se cachait... Des bruits de reptation derrière les murs... des créatures aux yeux blancs et exorbitées se tortillant dans le noir... du sang coulant sur un drap blanc... des cris torturés venant de nulle part... Telles seraient ses nuits dorénavant... hantées... par le souvenir d'un dieu ancien qui ne pouvait pas mourir...

§

Extrait d'un article du magazine "Concord"

Désespoir pédagogique : "Wish House"
"Wish House" est un orphelinat situé sur la périphérie de Silent Hill. Mais sa fausse image cache un lieu où les enfants sont kidnappés et endoctrinés.
Wish House est sous la gestion de la "Silent Hill Smile Support Society", œuvre caritative aussi appelée "4S." Certes, 4S est une œuvre respectée qui "accueille les enfants sans foyer et les élève dans l'espoir." Mais elle abrite en son sein un organisme barbare qui enseigne son propre dogme tordu au lieu de bonnes valeurs religieuses.
M. Smith (temp), qui habite près de "Wish House" a accepté de témoigner :
"Parfois, la nuit, j'entends des prières bizarres et des pleurs [d'enfants]. Je suis allé me plaindre une fois, mais on m'a mis dehors sans cérémonie. Depuis, ça continue comme avant."
En fait, ce reporter s'est vu refuser l'autorisation de prendre des photos dans l'établissement. Mais que peuvent bien cacher les responsables de "Wish House" ?
Pendant mon enquête, j'ai pu découvrir une tour de béton à l'air douteux qui fait apparemment partie des installations. Malheureusement, personne ne voulait en parler. En tout cas, je doute qu'elle ait quoi que ce soit à voir avec la mission d'un orphelinat. Il s'agirait plutôt d'une prison, ou d'un lieu de culte secret.
Les résidents du coin ont baptisé le culte qui dirige "Wish House" "L'Ordre". Cette religion a des rapports étroits avec le passé de Silent Hill. Mais la croyance fervente de ses adeptes selon laquelle ils feraient partie d'une élite d'"Elus" a un côté lugubre et dangereux.
J'entends poursuivre mon enquête sur "Wish House" et le culte en question. J'ai toujours cru que "dire toute la vérité" et montrer aux enfants la vraie voie est notre devoir le plus important.
Joseph Schreiber

§

22 février 1996... Extrait du journal local d'Ashfield Heights...

La police a retrouvé ce matin le cadavre de Peter Walls, un jeune homme habitant dans un hôtel de South Ashfield Heights. Apparemment battu à mort, on aurait remarqué sur son corps de bizarres contusions ressemblant à des chiffres.
La police a immédiatement pensé à l'Affaire Walter Sullivan qui avait defrayé la chronique il y a deux ans ; Sullivan étant mort en prison, ils sont sur la piste d'un éventuel imitateur ou d'un fan obsessionnel. Toute nouvelle information vous sera bien évidemment communiquée...

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