La Kirkissée : Le Cyclope

Chapitre 2 : Chasseurs cueilleurs

2054 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/04/2019 21:49

Le petit carillon subtil accompagnant la téléportation les déposa d'un jet lumineux scintillant sur la planète Trenzel. Modeste petite sphère pâle possédant deux lunes, quelques anneaux, et orbitant hors de la zone d'écliptique de son étoile jaune clair, sa surface n'était que peu éclairée par son astre très brillant, à peine quelques heures par jour. Le reste du temps, elle était plongée dans une pénombre similaire à celle qui existait aux pôles de la Terre. Mais apparemment, ça suffisait bien.

A part McCoy et le capitaine, l'équipe d'exploration était composée de deux botanistes auxquels Sulu s'était joint, de Chekov, ainsi que d'un petit détachement de trois membres de la sécurité. Trop heureux de rester quelques temps hors de portée des vociférations du docteur, Spock avait décliné avec son couplet habituel sur l'urgence des réparations à accomplir à bord. Prendre un peu l'air lui aurait pourtant fait du bien.

Mais en contemplant le paysage où ils venaient d'arriver, Kirk ne put s'empêcher d'oublier sa contrariété et d'avoir un instant le souffle coupé devant la beauté du panorama qui s'offrait sans honte à ses yeux avides de tout embrasser. Son cœur tressaillit un bref instant face à la splendeur des monts enneigés, reflétés dans l'eau cristalline violemment bleutée d'un grand lac qui baignait leur pied. Sur les berges encombrées de rochers bruts, des conifères épais dressaient fièrement leur éternelle verdure à l'assaut d'un ciel pur où quelques nuages peu nombreux flottaient dans un azur limpide et vertigineux… La lumière vive mais un peu froide durcissait les contrastes, mais qui aurait songé à s'en plaindre ? Pas lui !

— Que c'est beau ! laissa-t-il échapper malgré lui. On dirait un peu… le Canada !

Kirk inspira à fond plusieurs profondes bouffées d'un air si peu pollué qu'il lui paraissait entêtant. Il se serait trouvé seul, il aurait volontiers tombé l'uniforme et piqué une tête dans l'eau du lac.

— M'oui, bof, ça ne vaut pas la Sibérie, commenta Chekov blasé, levant à peine le nez de son tricordeur. Faites attention, koptiyne, la concentration en oxygène est légèrement plus élevée que la normale…

— Des formes de vies ?

— Peu nombreuses et très disséminées. Les plus proches semblent se trouver actuellement de l'autre côté de ce grand lac, nous ne devrions pas les rencontrer si nous faisons vite.

— Tant mieux, car vu leur faible niveau d'industrialisation, la Directive Première nous aurait contraints à quelques efforts vestimentaires pour passer inaperçus… Oh, regardez par ici c'est... un sanglier !?

Un membre d'équipage dégaina son phaseur et envoya une petite décharge vers l'animal qui s'effondra le groin le premier dans un tapis d'aiguilles et de pommes de pin. L'animal ayant disparu depuis longtemps de la Terre, tous accoururent et McCoy passa son scanner au-dessus du petit corps tout chaud.

— Comestible et en bonne santé, ce marcassin est très gros mais sans danger, maugréa-t-il. Vous pouvez l'emporter...

McCoy s'attendait à moitié aux commentaires implicitement moralisateurs de Spock-le-végétarien sur la pratique barbare consistant à ingurgiter des animaux morts. Mais évidemment rien ne se passa puisque le Vulcain boudait sur le vaisseau...

Leonard ne savait pas trop pourquoi il en voulait à Spock.

Sur 892-IV, surnommée non sans une certaine amertume "la Rome Éternelle", Leonard avait tout de même réussi à balancer de but en blanc au collègue qui venait de lui sauver la vie dans l'arène des gladiateurs, qu'il n'avait pas peur de mourir parce qu'au fond il avait bien plus peur de vivre. Rien que ça. Maintenant que cette épiphanie était passée, et après avoir été content d'avoir enfin percé à jour le mystère spockien, le médecin se sentait irrité et agacé par l'attitude élusive du commandeur.

Avec le recul, McCoy voulait bien admettre qu'il avait considérablement manqué de tact en l'accusant d'être incapable de savoir quoi faire du moindre sentiment sincère et désintéressé… Sur le moment, Spock s'était abstenu de rien répondre, se réfugiant dans une sorte de catatonie zygomatique plus hébétée encore que la normale, qui avait donné envie au bon docteur... de le frapper. Oh, il se l'était amèrement reproché, en se disant qu'il était bien temps de s'en prendre à ses oreilles en pointe, quand il aurait plutôt fallu déclencher cette agressivité contre le gladiateur qui essayait de lui faire la peau juste avant...

Mais depuis, le Vulcain se comportait presque honteusement, comme si le simple fait de le regarder était devenu intolérable. Comme si c'était lui-même qui s'était comporté comme un crétin et n'arrivait pas à l'assumer. Ce qui n'avait pas de sens. Leonard n'avait toujours pas réussi à trouver le bon moment pour s'excuser platement parce que l'autre officier le fuyait, ce qui l'irritait encore davantage en l'obligeant à ressasser. Et ça c'était tout Spock. Insupportable quand il était là, et chiant quand il ne l'était pas !...

— Hé, capitaine ! Venez-voir un peu ça ! appela une tunique rouge accroupie un peu plus loin du groupe.

Bien décidé à suivre Jim comme son ombre, ce qui lui offrait un dérivatif à ses ruminations, le docteur lui emboîta le pas, un hypo d'antihistaminiques à large spectre déjà paré au creux de la paume. L'enseigne de sécurité désigna par terre ce qui avait attiré son attention et qui ressemblait quand même à une très grosse empreinte de pied nu de soixante-dix centimètres, parfaitement moulée dans tous les détails par la glaise. Le capitaine eut un léger sourire en coin pour commenter :

— Et quoi ? Serions-nous encore tombés sur la demeure d'un dieu ? Très honnêtement, Apollon m'a bien suffi...

— Allons, ça ne devrait pas vous impressionner, c'est à peine plus grand que les péniches de Spock… Ne nous dispersons pas, nous avons peu de temps. Avançons dans cette direction pour aller puiser de l'eau ! les pressa McCoy.

Mais l'air de rien, après avoir reconsidéré l'empreinte et jeté un petit coup d'œil à Bones, le capitaine donna l'ordre à tout le monde de régler les phaseurs sur "Assommer".

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Par équipe de deux, la petite troupe s'égailla pour commencer son exploration du terrain, en appariant autant que possible un enseigne de sécurité et un botaniste. Assez vite, Sulu, toujours à portée de voix, s'écria qu'il venait de trouver du raisin sur des ceps particulièrement impressionnants et vigoureux. C'était assez étrange car les conditions climatiques fraîches ne lui paraissaient pas très propices à faire pousser quelque chose d'aussi propre aux pays chauds...

Climat continental ou pas, le docteur eut toutes les peines du monde à les empêcher de s'empiffrer jusqu'aux yeux avant qu'il n'ait vérifié les grappes. Fort heureusement pour eux, il ne trouva rien d'inquiétant ‒ si ce n'était des fruits indécemment gros, sucrés et quasiment déjà alcoolisés. Dommage que l'ordinateur de bord n'ait pas pu fournir tout de suite une analyse plus détaillée de la zone pour répondre à ce qu'il percevait comme des incohérences, même à son niveau de non spécialiste.

C'est en s'approchant pour cueillir plus de raisin que l'équipe d'exploration entendit ensuite distinctement retentir ce qui ressemblait à s'y méprendre à des bêlements, confirmant si besoin que les habitants devaient être des fermiers et des cultivateurs… C'était tout de même une veine de pendu d'être tombés sur une planète de cette sorte, alors que le vaisseau avait justement un petit problème de ravitaillement...

En se dirigeant à l'oreille pour trouver la ou les bêtes qui s'étaient peut-être égarées, ils arrivèrent vite à l'entrée d'une grande ouverture rocheuse dont ils s'approchèrent avec prudence en formation resserrée.

— A part des animaux, je ne détecte rien, assura Chekov, le sourcil froncé.

— Pourquoi ne les avez-vous pas signalés tout à l'heure quand j'ai demandé s'il y avait des formes de vie ? questionna Kirk.

— C'est ça qui est bizarre… J'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui perturbe toujours les instruments… Regardez, un coup les bêtes sont là… et un instant après, elles n'y sont plus…

Il secoua l'appareil et refit un tour sur lui-même pour scanner les alentours. Kirk lui adressa un sourire rassurant avec une tape sur l'épaule, avant de les conduire à l'intérieur.

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Passant du clair au sombre, il leur fallut un instant pour ajuster leur vision avant de constater que des brebis étaient bien là, parquées dans un petit enclos fait de branchages mal taillés à l'intérieur de cette caverne où l'on n'y voyait guère.

— Prenez-en juste une ou deux, on a déjà le sanglier, recommanda Kirk.

Une petite brebis bicolore toute bouclée et apeurée s'échappa de l'enclos. Jim la rattrapa après une petite course autour de la caverne et la porta dans ses bras pour la remettre auprès de sa mère. McCoy l'épiait du coin de l'œil. Il savait vaguement qu'il avait vécu dans une ferme étant enfant. C'était pourtant la chose la moins attendue et la plus adorable du monde de le voir transporter cette petite agnelle contre lui et la caresser pour la calmer avec des gestes doux. Soudain assailli par l'incommodant souvenir de sa propre fille, et par la presque certitude que Jim n'aurait probablement jamais d'enfant s'il ne changeait pas de vie, le médecin de bord grommela intérieurement en maudissant les associations d'idées.

Il fut, Dieu merci, interrompu par un homme qui lui amena un large panier où caillait une matière blanchâtre. Impulsivement, Kirk plongea le doigt dans la mixture épaisse et gloussa de plaisir en la goûtant, ce qui lui valut une autre œillade courroucée.

— Allons Bones, c'est du fromage frais ! protesta-t-il. Je ne suis pas allergique à ça !

Toutefois, il jugea bon de battre momentanément en retraite. S'approchant d'un membre d'équipage qui avait trouvé une jatte énorme, manifestement pleine de lait, Kirk commença à considérer l'intérieur de l'habitation troglodyte, et surtout la taille des objets manufacturés qui lui sauta soudain aux yeux. Cette jatte, les paniers tressés... Il s'approcha d'un pilier contre lequel il s'appuya un instant avant de réaliser que c'était le manche d'une hache en silex, une fois et demie plus grande que lui ! Avec la trace de pied de tout à l'heure, son esprit sautait vite aux conclusions...

Sulu s'approcha de lui, les bras chargés d'une grande tomme de fromage.

— Capitaine, nous avons ce qu'il faut au niveau des protéines, mais si on veut trouver des plantes intéressantes pour d'éventuels remèdes, il vaut mieux y aller maintenant. Je ne sais pas pourquoi, j'ai un mauvais pressentiment ici.

— Très bien, M. Sulu, organisez la remontée de ces vivres à bord pendant que nous occupons de l'eau et des plantes…

— Entendu, capitaine.

— McCoy, Riley, Ross, avec moi. On ressort pour la collecte médicinale...

Le jeune enseigne navigateur les rattrapa en courant, soulevant son tricordeur à bout de bras comme pour le sauver des eaux.

— Koptiyne ! Avant que vous partiez... Ces relevés sont anormaux, vraiment. J'ai l'impression qu'il y a une forme de vie qui s'approche…

— Quoi ? Mais vous avez dit que les premières étaient à une heure d'ici…

— Je suis aussi surpris que vous…

Jim se saisit de son intercom portable accroché à sa hanche, pour en ouvrir le clapet grillagé.

— Kirk à Enterprise, répondez.

Ici Enterprise, fit la voix grave et posée de Spock.

— M. Spock, préparez-vous à faire remonter la moitié de l'équipe au sol en verrouillant sur les coordonnées de M. Sulu à son signal. Nous restons pour collecter quelques plantes médicinales et suffisamment d'eau… Par ailleurs, je voulais vous demander, est-ce que les senseurs sont en mesure d'effectuer un balayage de la planète ?

Affirmatif, capitaine.

— Faites-le, s'il vous plaît. Le tricordeur de M. Chekov semble défectueux et affiche des résultats d'analyse aberrants. Faites-moi un rapport quand ce sera prêt. Kirk, terminé.

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