Amiral. M
Chapitre 15 : Tentative d'intimidation
3267 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 14/05/2020 13:05
Meinhard regardait par l'écran relié aux capteurs du débarcadère sa navette Lambda entrer vers la piste d’atterrissage du Brunhilde. Le petit engin, qui se déplaçait avec précision dans le vide brillamment illuminé du hangar d'appontage, déposa sans heurt ses quatre-vingt-quinze tonnes sur le sol. Le signal vert d'égalisation des pressions s'alluma et Meinhard prit une inspiration discrète lorsque le panneau s'ouvrit.
Cassian Tagge en sortit tel un monarque. Il était plus petit que le commandant ne l'imaginait, mais solide, et il affichait ses spectaculaires rouflaquettes blanches qu'il soupçonnait depuis toujours d'être artificielles. Son visage carré, sa mâchoire puissante étaient sûrement le résultat d'interventions esthétiques — personne ne possédait des traits aussi réguliers —, mais l'architecture fondamentale avait été préservée. Il y avait de la force dans ce visage, une assurance sans compromission bien au-delà de la pure morgue, de la simple pugnacité, et ses yeux étaient durs.
« Commandant Musel... » La voix grave était bien modulée, cultivée, et ne laissait paraître nulle animosité. Il tendit la main.
Ce dernier la prit et dissimula un sourire en sentant ses doigts se mouvoir imperceptiblement pour trouver la meilleure prise afin de lui broyer les phalanges. Meinhard n'avait jamais envisagé qu'il fût adepte de ce petit jeu; cela paraissait un peu mesquin chez un personnage de son poids, mais peut-être avait-il besoin d'affirmer sa domination en toutes matières.
Et peut-être avait-il oublié qu'il était Brentaalien, se dit-il en le laissant serrer tout son soûl. La main de Meinhard était grande, trop pour que Tagge trouve les prises qu'il cherchait ; il attendit qu'il y ait mis toute sa force, puis Musel serra à son tour avec une vigoureuse aisance. Il avait conservé son sourire aimable qui ne laissait rien paraître de la lutte muette, mais il vit le regard de son visiteur vaciller sous l'effet inattendu de sa poigne d'acier.
« Bienvenue à bord du Brunhilde, monsieur Tagge », dit-il, et il sourit un peu plus largement lorsque Tagge abandonna le combat et lâcha sa main. Meinhard fit signe à Zorn, qui vint se placer à ses côtés. « Mon officier en second, le capitaine de corvette Zorn,
— Capitaine Zorn. » L'homme salua de la tête mais ne tendit pas sa main une deuxième fois. Musel l'observa qui ouvrait et refermait ses doigts, et espéra qu'il avait mal.
« Aimeriez-vous visiter le bâtiment, monsieur ? demanda-t-il d'un ton courtois. Une grande partie est interdite d'accès aux civils, mais je suis sûre que le capitaine Zorn se ferait un plaisir de vous montrer les zones autorisées.
— Je vous remercie, mais non. » Tagge sourit à Zorn, sans quitter Meinhard des yeux toutefois. « Mon temps risque d'être limité, commandant. J'ai appris que le courrier retourne à Bastion aussitôt terminées ses affaires avec le gouverneur Nuruodo, et, si je ne repars pas avec lui, je devrais prendre des dispositions spéciales pour rentrer.
— Dans ce cas, puis-je vous proposer l'hospitalité du mess des officiers ?
— Là encore, non. » Tagge sourit à nouveau, d'un sourire d'où n'était peut-être pas absente une certaine tension cette fois. « Ce que j'apprécierais vraiment, commandant Musel, ce serait quelques minutes de votre temps.
— Je vous en prie. Si vous voulez bien m'accompagner dans ma salle de briefing... »
Il s'écarta poliment en faisant signe à Tagge de le précéder dans l'ascenseur, et Zorn y pénétra à la suite de Meinhard. Tous trois demeurèrent silencieux pendant que la cabine les emportait jusqu'à la passerelle, mais ce silence-là n'avait rien de serein. Sous sa surface, Meinhard voyait des crocs qui se dénudaient et des griffes qui sortaient de leur fourreau, et il ordonna à son cœur de ne pas battre la chamade. Il était sur son bâtiment et le fait que le cartel Tagge avait certainement les moyens de se l'acheter sur sa petite monnaie n'y changeait rien.
L'ascenseur s'arrêta au niveau de la passerelle. C'était le lieutenant Jaggers qui était de garde et l'astrogateur en charge quitta le fauteuil de commandement en voyant son supérieur sortir de la cabine.
« Continuez, lieutenant », dit le commandant en conduisant son hôte vers la salle de briefing, et Jaggers se rassit. Personne d'autre sur la passerelle ne quitta sa tâche des yeux ; c'était un refus étudié de reconnaître la présence de Tagge, et Meinhard réprima un sourire torve en constatant l'aversion tacite de son équipage envers l'homme devant qui s'ouvrait la porte de la salle. Naturellement, tous avaient leur idée sur les motifs de sa visite et leur soutien muet était d'autant plus précieux après l'indifférence apathique et l'hostilité voilée qu'eux-mêmes avaient autrefois manifestées à leur commandant.
La porte se referma et Meinhard désigna un fauteuil à Tagge. Le magnat des affaires s'en approcha, mais, sans y prendre place, jeta un coup d'œil à Zorn.
« Si cela ne vous dérange pas, commandant Musel, je préférerais discuter avec vous seul à seul, dit-il.
— Le capitaine Zorn est mon second, monsieur, répondit-il avec une courtoisie affable.
— Je sais, mais j'aurais aimé parler de certaines... questions confidentielles avec vous. Avec tout le respect dû au capitaine Zorn et à mon grand regret, je dois insister pour les aborder en privé.
— Je suis navrée, mais c'est impossible, monsieur Tagge. » Meinhard conservait un masque serein ; personne n'avait besoin de savoir le mal qu'il se donnait pour empêcher sa voix de trembler. Il tira son propre fauteuil et s'y assit en faisant signe à Zorn de s'installer à sa droite; puis il sourit à Tagge.
Pour la première fois, le vrai visage de son hôte apparut brièvement – une légère rougeur des pommettes puissantes et un frémissement imperceptible des narines – lorsque le commandant eut rejeté ses exigences. Visiblement, Cassian Tagge n'avait pas l'habitude que l'on contrarie sa volonté. C'était bien dommage, mais mieux valait qu'il s'y fasse tout de suite.
Je vois. » Avec un sourire pincé, il s'assit dans son fauteuil, s'adossa et croisa les jambes avec élégance et naturel, comme s'il prenait possession de la salle de briefing. Meinhard attendait la suite sans bouger, la tête légèrement inclinée, un sourire attentif aux lèvres ; le visage de Zorn était moins ouvert : elle affichait le masque guindé que Meinhard connaissait bien et qu'il en était venue à détester. Mais cette fois il ne lui était pas destiné.
« Très bien, commandant Musel, dit-il enfin, j'irai droit au but. Pour des raisons qui vous sont propres, vous vous croyez obligée de vous acharner sur les affaires que je possède dans le système de Praxlis. Je veux que ça cesse.
— Je regrette que vous preniez cela pour de l'acharnement contre vous, monsieur Tagge, répondit Meinhard avec calme. Malheureusement, le serment que j'ai prêté à la Marine Impériale me contraint à faire appliquer les règlements établis par le traité de Caamas.
— Votre serment ne vous contraint pas à les appliquer au seul cartel Tagge, commandant. » Tagge n'avait pas haussé le ton, mais on sentait du mordant sous la courtoisie.
« Monsieur Tagge (Meinhard le regarda bien en face, les mains crispées l'une sur l'autre sous la table), nous inspectons tous les bâtiments sans exception qui ont des contacts avec la surface de Praxlis ou les entrepôts orbitaux, et pas seulement ceux qui appartiennent à vos entreprises.
— Ridicule ! cracha Tagge. Aucun des autres officiers commandants de ce poste ne s'est jamais autant mêlé du commerce légitime autour de Praxlis. Et, pour en revenir au problème, de nombreux rapports envoyés par mes agents indiquent que vos soi-disant équipes de douane passent beaucoup plus de temps à "inspecter" mes cargaisons que celles de quiconque. Si ça, ce n'est pas du harcèlement, j'aimerais bien savoir ce que vous considérez comme tel, commandant !
— Ce qu'ont fait ou n'ont pas fait les précédents officiers en charge ne change rien à mes responsabilités ni â mes devoirs, monsieur Tagge, répondit Meinhard d'un ton amène en choisissant ses termes. Et si, de fait, mes équipes d'inspection passent plus de temps sur les cargaisons du cartel Tagge, c'est uniquement parce que notre expérience démontre que nous avons plus de chances d'y découvrir des marchandises illégales qu'ailleurs. »
Le visage de Tagge s'assombrit de façon inquiétante, mais Meinhard continuait de le regarder sans être impressionné.
« M'accusez-vous de contrebande, commandant Musel ? » La voix de baryton était encore descendue dans les graves et avait pris un ton presque doucereux.
Meinhard sourit et secoua la tête à la fois amusé et intrigué.
« Mais non, monsieur Tagge, il se trouve seulement que nos dossiers démontrent une présence de matériel de contrebande dans les cargaisons inscrites au nom de votre firme supérieure de trente-cinq pour cent aux autres compagnies qui traitent avec la planète. Que vous soyez ou non personnellement impliqué dans ces activités illégales, je n'en sais naturellement rien. J'aurais tendance à en douter. Néanmoins, tant que nous n'aurons pas la certitude qu'aucun produit frauduleux ne passe plus sous couvert des manifestes du cartel Tagge, mes officiers d'accostage porteront, sur mon ordre, une attention particulière à vos transports. » Le visage de Tagge n'avait cessé de s'assombrir et Meinhard s'interrompit en le regardant avec calme. Si vous désirez mettre un terme à ce que vous considérez comme du harcèlement, monsieur, je vous suggère d'exiger de vos directeurs qu'ils fassent le ménage chez eux.
— Comment osez-vous ? » éclata Tagge en se dressant à demi. « Je ne sais pas pour qui vous vous prenez, mais je refuse de me laisser insulter de cette façon ! Je vous conseille d'être prudent quand vous proférez des allégations sans fondement !
— J'ai exposé des faits et non des "allégations sans fondement", monsieur Tagge, répondit-il, imperturbable. Si vous refusez de les écouter, je suggère que vous vous en alliez.
— Que je m'en aille ? Que je m'en aille ? » Tagge était à présent debout, appuyé de tout son poids sur la table, tandis que sa voix emplissait la salle de briefing comme le tonnerre. « Je suis venu vous donner la possibilité de corriger la façon affligeante dont vous traitez la situation ! Mais, si vous préférez, je peux soumettre l'affaire à l'Amirauté – ou au gouvernement – au lieu de négocier avec un petit commandant arriviste qui veut se faire aussi gros que le bœuf et qui m'insulte en m'accusant d'activités illégales !
— Je ne doute pas que vous en ayez les moyens, dit Meinhard sans abandonner son sourire. Mais sachez ceci : je ne suis pas un petit commandant arriviste qu’on peut aisément intimider, et toutefois, vous êtes l'hôte de mon bâtiment, monsieur Tagge, et je vous conseille d'y observer un ton poli ou je vous fais jeter dehors.
Son ton glaciale laissa Tagge bouche bée ; il en profita pour continuer.
— Je ne vous ai jamais accusé personnellement d'activités illicites. J'ai affirmé, et nos dossiers le confirment amplement, que des gens de votre société s'y livrent. Vos menaces d'en référer à une autorité supérieure ne modifient en rien ce fait, et elles ne changent pas non plus les obligations qu'il me faut remplir.
Tagge se rassit, les muscles des mâchoires saillants. Un ange passa dans la salle de briefing, puis le magnat sourit. Ce n'était pas joli à voir.
— Si vous croyez que votre uniforme peut vous protéger, vous faites erreur, commandant. Je ne demande que les marques de courtoisie et d'égard dues à un particulier respectueux des lois. Si vous décidez de vous servir de votre position d'officier de l’Empire pour engager une vendetta personnelle contre moi, je n'aurai d'autre choix que d'y répondre en employant mes propres ressources.
— Oh ? dit Meinhard intrigué, et de quelle façon ?
— Je crois que votre grand père est associé principal de la Corporation médicale Athakam MedTech, n'est-ce pas ?
Le coq-à-l'âne prit Meinhard au dépourvu et il tressaillit involontairement; puis plissa les yeux et inclina la tête de côté avec un calme inquiétant.
« Eh bien, commandant ? » C'est tout juste si Tagge ne ronronnait pas. « Est-ce exact ?
— C'est exact, répondit-il d'une voix sans inflexion.
— Alors, si vous persistez à vouloir faire de la présente situation une affaire personnelle entre vous et moi, vous devriez réfléchir aux répercussions qu'elle risque d'avoir sur votre propre famille, monsieur, parce que le cartel Tagge détient soixante-dix pour cent des actions publiques de cette organisation. Suis-je assez clair, commandant ? »
Meinhard s'était raidie sur son fauteuil, pâle comme la mort, et l'acier de son regard n'était plus du tout glacial : il flamboyait et un tic agitait violemment le coin de sa bouche. Se méprenant sur la signification de ce spasme musculaire, Tagge se radossa, les yeux brillants, le sourire aux lèvres, triomphant.
« À vous de décider, commandant. Je ne suis qu'un honnête marchand qui s'efforce de protéger ses intérêts et ceux de ses actionnaires dans ce système. Si vous continuez à contrecarrer ces intérêts légitimes, vous ne me laissez d'autre solution que de me défendre par tous les moyens possibles, aussi déplaisantes soient les mesures auxquelles vous m'acculez... et aussi regrettables en soient les conséquences pour votre famille. »
Les muscles de Meinhard tremblaient de haine, ses doigts s'enfonçaient comme des serres dans ses cuisses et il sentit ses lèvres se retrousser pour cracher au visage de Tagge le mépris que lui inspiraient ses propos; mais à cet instant une voix froide et monocorde se fit entendre.
« Je pense que vous devriez reconsidérer cette menace, monsieur Tagge », dit Sheva Zorn.
Son intervention était si totalement inattendue que Meinhard se tourna vers elle, stupéfait. Le visage de son officier en second n'avait plus rien d'un masque : la colère tendait ses traits, ses yeux gris étincelaient, et Tagge la regarda comme s'elle s'agissait d'un meuble dont il aurait oublié la présence.
« Je n'ai pas pour habitude d'accepter les conseils de larbins en uniforme, fit-il, hautain.
— Dans ce cas, vous feriez bien de la prendre, rétorqua Zorn, la voix métallique. Depuis votre entrée dans cette salle, vous cherchez à présenter le moindre geste du commandant Musel comme une attaque personnelle contre vous et, ce faisant, vous l'avez insulté, ainsi que la Flotte Impériale et l'accomplissement de nos devoirs envers l’Empire. De fait, vous avez abondamment démontré que ni la loi ni les obligations qu'il vous impose n'ont autant d'importance à vos yeux que votre précieuse réputation. Malgré votre insolence délibérée, le commandant a conservé un ton courtois et respectueux, ce qui ne vous a pas empêché, lorsqu'il a refusé de négliger son devoir d'officier ou de s'en écarter pour accéder à vos exigences, de proférer des menaces non seulement contre sa personne mais aussi contre les moyens de subsistance de sa famille. » Le mépris flamboyait dans les yeux du capitaine Zorn. « En conséquence, je vous préviens, monsieur, que je suis prête à en porter témoignage devant n'importe quel tribunal.
— Tribunal ? » Stupéfait, Tagge se rejeta en arrière, et Meinhard éprouva une surprise presque identique en dépit de sa rage. Qu'est-ce que Zorn...
« Oui, monsieur, au tribunal, où vos tentatives renouvelées d'obliger la flotte impériale à renoncer à ses responsabilités seront sans nul doute considérées comme une preuve de complicité de trahison et de meurtre.
— Vous êtes malade ! Vous avez perdu l'esprit! Il n'y a aucune... »
Zorn interrompit le magnat bredouillant d'une voix cassante. « Monsieur Tagge, il y a quarante-sept heures, soixante et un policiers du FSI se sont fait tuer ou blesser en accomplissant leur devoir. Ils ont été assassinés par des individus extraplanétaires qui vendent des drogues illégales aux Praxiliens. Le laboratoire qui fabriquait ces drogues recevait son énergie d'une dérivation illicite installée dans le collecteur orbital secondaire de l'enclave praxilienne du gouvernement impérial. Cette dérivation, monsieur Tagge, que des membres de la Flotte ont découverte et identifiée sans risque d'erreur il y a huit heures à peine, n'a pas été installée après la mise en orbite du collecteur autour de Praxlis ; elle a été installée lors de la fabrication du collecteur... par le cartel Tagge ! »
Tagge ne pouvait que dévisager Zorn bouche bée, trop sidéré pour l'interrompre, et le capitaine poursuivit de la même voix grinçante.
« Étant donné que cette dérivation constitue une preuve physique irrécusable liant votre cartel ou des personnes qui y sont employées à l'opération de distribution de drogue et, par conséquent, au meurtre des officiers précités, vos efforts flagrants pour détourner l'attention officielle de vos activités dans le système ne peuvent être perçus que comme une tentative de dissimulation de culpabilité – la vôtre ou celle de vos employés. Cela, monsieur, s'appelle de la collusion et vous place personnellement en position de complicité de meurtre a posteriori, à tout le moins. Et je vous rappelle que l'emploi de la propriété de l’Empire pour commettre un crime capital – surtout s'il en résulte la mort d'officiers impériaux – constitue une trahison selon les termes de la loi de notre gouvernement. Je vous avise donc respectueusement (malgré son effarement, Meinhard songea qu'elle n'avait nullement l'air respectueuse) qu'il est de votre intérêt et de celui de la future réputation commerciale de votre cartel de coopérer pleinement avec le commandant Musel pour découvrir les véritables coupables plutôt que de risquer d'attirer sur vous de graves soupçons en faisant obstruction à l'enquête officielle des agents de l’Empire dans ce système.
— Vous êtes malade, répéta Tagge, mais cette fois dans un murmure. Trahison ? Meurtre ? Vous savez bien que Tagge n'a jamais... que je n'ai jamais...
— Monsieur, je ne connais que les faits que je viens d'exposer. Étant donné les circonstances, et en supposant que vous poursuiviez votre vendetta contre le commandant – la vôtre, monsieur, et non la sienne –, je pense qu'il serait de mon devoir d'officier de l’Empire de présenter ces faits devant un tribunal. »
Sheva Zorn fixa sur le magnat incrédule un regard gris et froid, et Cassian Tagge blêmit.
« Vous n'oseriez pas, dit-il à mi-voix.
— Si, monsieur. » La voix de Zorn était dure comme un éclat de silex, et Tagge se radossa dans son fauteuil en regardant alternativement d'un œil noir le capitaine et Meinhard.
« D'accord, finit-il par grincer. Je vois que vous êtes couvert, commandant Musel. Alors, allez-y, jouez les despotes au petit pied dans votre coin, je me lave les mains de cette histoire. Inspectez tout ce qui vous fera plaisir, mais ne vous imaginez surtout pas que l'affaire est close !
Zorn s'apprêtait à se remettre en selle, mais Meinhard posa la main sur son bras en secouant la tête. Il se dressa sans un mot et, quand la seconde fit mine de l'imiter, il lui fit signe de rester assise. Il s'inclina d'un air glacial vers Tagge puis indiqua de la main la porte, et le magnat sortit à grands pas, bouillant de rage.