L'apprentissage de la Force

Chapitre 31 : Chapitre 30 : Je suis son père

9562 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/09/2020 18:49

Chapitre 30

Je suis son père



Ajan Kloss,



Parce que je suis son père.

Les mots restèrent suspendus entre Luke et Rey pendant de longues minutes. Sous le choc, la jeune femme ne savait plus quoi penser. Les yeux dans ceux de son ancien Maitre, Rey le sonda, cherchant à juger de sa sincérité. Luke, des larmes roulant sur ses joues avant de se perdre dans sa barbe, soutint son regard sans ciller.

En dépit de la colère qu’elle ressentait envers lui, Rey comprit qu’il ne mentait pas : Luke était le père de Ben. Lentement, la jeune femme écarta les sabres laser de la gorge du Jedi avant de les éteindre.

« Je ne comprends pas, si Ben est votre fils, pourquoi l’avoir confié à Leia et Han ? A cause des règles de l’Ordre ? Ou, alors, vous ne vous sentiez pas capable de l’élever ? Et qui est sa mère ? Où est-elle ? »

Luke se redressa légèrement et détourna le visage.

« Répondez ! le pressa Rey. Pourquoi la mère de Ben ne s’est pas occupée de lui ? Est-ce qu’elle est… est-ce qu’elle morte ?»

Le Jedi prit une brutale inspiration et le fixa droit dans les yeux.

« La mère de Ben n’est pas morte et elle a assumé son rôle. C’est Leia. Ben est notre fils. »

Rey recula instinctivement, horrifiée. Elle avait du mal entendre, mal comprendre.

« Mais c’est votre sœur… votre jumelle…

— Tu crois que je ne le sais pas ? rétorqua Luke avec ironie. Merci de me le dire, mais j’ai pris connaissance de ce petit détail depuis un moment maintenant. Dommage que personne n’ait jugé bon de nous en informer quand Leia et moi nous sommes rencontrés. »

La jeune femme évitait de le regarder mais elle ne put empêcher son esprit de lui représenter une étreinte brûlante entre Luke et Leia, semblable à celle qu’elle avait eue avec Ben… Rien qu’à la pensée de la bouche de Luke sur celle de la mère de Ben, elle…

« Je crois que je vais vomir », marmonna Rey avant de se précipiter vers le buisson le plus proche.

Lorsqu’elle revint, le visage blême, Luke n’avait pas bougé. Elle sentit son regard résigné posé sur elle et soupira, évitant de le regarder.

« Excusez-moi, c’est juste que ça fait beaucoup, j’avais surtout besoin de m’éloigner un peu pour assimiler tout ça. »

Il ne répondit pas, toujours au sol, et Rey se laissa tomber à côté de lui. Le désespoir et l’amertume que Luke exhalait dans la Force étaient tels, que même si elle avait voulu les ignorer, cela lui aurait été impossible.

« Comment une telle chose a pu arriver ? » demanda-t-elle simplement.

Le regard perdu dans le lointain, Luke exhala un profond soupir, cherchant par où commencer :

« Je… Il faut reprendre les choses depuis le début, pour que tu puisses comprendre qui j’étais alors. Comme tu le sais peut-être, j’ai grandi sur Tatooine, auprès de mon oncle et de sa famille. Si tu ne connais pas Tatooine, sache qu’elle a beaucoup de points communs avec Jakku… La vie là-bas n’est pas facile mais j’étais heureux, enfin, je crois… Mon oncle et sa femme ne m’ont jamais donné beaucoup de détails sur mes parents, hormis que ma mère était morte en couches et que mon père, un navigateur quelconque, avait disparu. Ils ne m’en ont pas dit plus et je t’avoue que je n’ai pas vraiment insisté. Pour moi, mes parents c’étaient Owen et Beru, ils m’avaient accueilli, nourri, élevé… Je les aimais comme s’ils étaient réellement mon père et ma mère et j’appréciais ma vie avec eux. A l’époque où tout a commencé, je rêvais d’intégrer l’académie de pilotage mais mon oncle avait besoin de moi à la ferme alors, je repoussais sans cesse mon départ. Cela me frustrait, certes, mais je ne pouvais pas les laisser tomber, pas après tout ce qu’ils avaient fait pour moi. Finalement, ma vie était simple alors… Mais, en l’espace d’une journée à peine, tout a changé. J’étais un peu plus jeune que toi quand mon oncle a acheté un droïde sur un marché, en fait deux droïdes : 6-PO, enfin C3-PO et R2-D2. C’est étrange, murmura le Jedi, cela faisait des années que je n’avais pas pensé à tout ça… A ma vie, avant, au destin que je croyais alors être le mien. »

Consciente de la difficulté que représentait ce récit pour lui, Rey s’abstint de commentaires. Le visage de Luke s’adoucit alors qu’il se plongeait dans ses souvenirs.

« Bref. J’étais doué pour la mécanique, je l’ai toujours été… Donc, en essayant de donner un coup de neuf à R2, j’ai involontairement déclenché un message holographique. C’était un appel de détresse de la plus belle jeune fille que j’avais jamais vue. Dès l’instant où j’ai découvert son visage, je me suis senti comme attiré vers elle. Elle était si touchante, si désemparée… »

Un profond soupir échappa au Jedi à ce souvenir.

« Elle implorait l’aide d’un certain Obi Wan Kenobi, elle disait qu’il était son seul espoir… J’ai passé son message des dizaines de fois, puis je me suis rappelé du vieux Ben Kenobi, un ermite qui vivait dans les montages depuis des années… Pensant qu’il connaissait celui à qui s’adressait le message, je suis parti en cachette à sa recherche. Quand je l’ai trouvé, j’ai compris que c’était lui que la jeune fille appelait à l’aide… Ben m’a appris qu’il avait été jadis un Jedi et qu’on le nommait alors Obi-Wan. Puis, il m’a parlé de mon père, un de ses amis, Jedi lui aussi. Il m’a dit que Vador l’avait assassiné. C’est ce qu’il m’a dit, répéta-t-il, que Vador avait tué mon père. Il m’a aussi parlé de la Force et de son usage. Jusqu’alors, je croyais que ce n’était qu’un mythe mais il m’a prouvé le contraire et m’a révélé que j’y étais sensible… Il voulait que je l’accompagne, que je l’aide à sauver la jeune fille. Mais, j’ai refusé. Je ne pouvais pas tout laisser tomber pour courir après une chimère ! Qu’est-ce que j’aurais fait, moi, un simple petit fermier contre l’Empire ? Voilà ce que je me suis dit à ce moment-là : que je n’avais aucune place dans toute cette histoire. Ben a bien essayé de me convaincre, mais je n’avais jamais quitté Tatooine avant et mon oncle avait besoin de mon aide alors… Nous n’étions pas très riches, tu sais. »

Rey hocha la tête, comprenant parfaitement ce que Luke voulait dire par là.

 « Mais, quand je suis revenu chez moi, après avoir quitté Obi-Wan, il ne restait plus rien d’autre que des cendres. Mon oncle et ma tante étaient morts, les hommes de Vador les avaient tués. »

Captivée par son récit, la jeune femme ne put retenir un hoquet de sympathie à cette mention. Luke déglutit avec difficulté, le visage tendu par la souffrance, puis baissa les yeux sur la blessure qu’elle lui avait infligée un peu plus tôt et Rey se sentit honteuse. Elle avança la main vers lui mais il la repoussa d’une chiquenaude avant de reprendre son récit, le regard toujours perdu dans ses souvenirs.

           « Après un long voyage, durant lequel j’ai rencontré Han, nous avons trouvé la fille de l’hologramme : Leia Organa, Princesse d’Alderaan. Elle était encore plus belle, plus fascinante, en vrai. C’est moi qui l’ai délivrée de la prison dans laquelle Vador l’avait jetée… Ses premiers mots en me voyant ont été : Ils recrutent des nains maintenant dans les commandos ? Je ne les oublierais jamais… »

           Rey détourna les yeux, mal à l’aise devant les sentiments que trahissait la voix de Luke.

           « Elle avait beau être enfermée, elle n’avait rien d’une jeune fille en détresse, sourit Luke. Au final, c’est elle qui nous a sauvé… Elle était si courageuse, elle l’est toujours, d’ailleurs. Et puis, elle m’a embrassé, un simple baiser sur la joue et… tout a changé pour moi. Je n’ai plus vu qu’elle. Elle ne ressemblait à nulle autre : elle était intelligente, magnifique et elle savait se battre… Elle m’intimidait beaucoup, mais pourtant une part de moi se sentait à l’aise, proche d’elle. »

           Tu m’étonnes, songea Rey en se mordant la langue pour conserver le silence.

           « Han aussi est tombé sous son charme ce jour-là. Forcément, il était toujours si flamboyant, si sûr de lui. Exactement comme elle. Alors que je peinais parfois à aligner deux mots devant Leia, il n’hésitait pas à la contredire et je sentais bien que le courant passait entre eux. J’en crevais intérieurement mais j’étais trop gauche, trop timide, pour oser essayer de la séduire. Pourtant, chaque fois que je posais les yeux sur elle, c’était comme si un feu enflammait mes veines. Je me repassais sans fin le moindre mot qu’elle m’adressait, la moindre petite occasion que j’avais eue de la toucher… A quelques reprises, j’avais pu sentir que, peut-être, je lui plaisais moi aussi mais, il y avait Han et c’était mon ami. Et, bien sûr, je ne pouvais pas ignorer l’attirance qu’elle avait pour lui. »

           Toujours suspendue aux lèvres du Jedi, Rey ne réagit pas, attendant la suite de son histoire avec une avidité dont elle avait un peu honte.

           « J’avais résolu de rester dans l’ombre, de taire mes sentiments. Elle tombait peu à peu amoureuse de Han et je ne voulais pas m’immiscer entre eux. Et puis… elle m’a embrassé… » soupira-t-il. 


           Rey changea délicatement de position pour se rapprocher afin de mieux entendre, désireuse de ne surtout pas interrompre le flot des confidences du Jedi. Un sourire lointain se forma sur les lèvres de Luke.

           « A l’instant où j’ai senti ses lèvres sur les miennes, j’ai su que je n’aimerais jamais personne d’autre qu’elle. Si Han n’avait pas été là ce jour-là, je… Mais, elle ne m’avait embrassé que pour le rendre jaloux. »

           Le dépit était visible dans la voix de Luke, même après autant d’années. Rey songea fugacement que les Skywalker avaient d’étranges réflexes quand il s’agissait de résoudre un conflit ou une situation inextricable. Si Leia voulait être avec Han, pourquoi embrasser Luke ?

           « Je n’en pouvais plus de l’admirer de loin, poursuivit Luke, plus je restais à ses côtés, plus elle m’attirait. Je ne supportais pas l’idée de la voir succomber peu à peu à Han alors que je la désirais de toutes mes forces. »


           Cette fois, Rey ne put retenir une légère exclamation devant cet exposé aussi franc que cru. Luke posa brièvement un regard las sur elle avant de se détourner de nouveau.

           « Oui, je sais ce que tu penses… Mais, j’avais dix-neuf ans, je n’avais jamais connu de fille, et Leia était d’une beauté à couper le souffle avec ses longs cheveux bruns et ses grands yeux sombres… »

           Un nouveau soupir lui échappa et Rey ne put s’empêcher d’éprouver une pointe de compassion à son égard. Il était vrai qu’il pouvait difficilement se douter que la fille sur laquelle il fantasmait était sa sœur.


           Luke toussota et balaya les souvenirs d’un geste.

           « Bref. Après que nous ayons une fois de plus échappé à Vador, je suis parti à la recherche du dernier Jedi, Maitre Yoda, qui vivait alors sur Dagobah, comme Obi-Wan me l’avait demandé dans une vision. Je voulais découvrir si j’étais fait pour devenir Jedi. Et aussi montrer à Leia que Han n’était pas le seul à pouvoir se montrer fort et courageux… »

           Luke grimaça.

           « Tu n’aurais pas aimé Dagobah, c’était humide, froid et visqueux. Cependant, j’y ai appris beaucoup de choses sur la nature de la Force et sur l’usage qu’il convenait d’en faire. Mais, même alors, je ne pouvais m’ôter Leia de la tête… Je n’arrêtais pas de penser à elle : à la manière dont elle inclinait légèrement la tête pour sourire, à la détermination avec laquelle elle se dressait devant l’Empire, à la sensation de ses lèvres sur les miennes… Aussi, quand Maitre Yoda a laissé entendre que mes pressentiments étaient justes et qu’elle était en danger, je suis parti. Je devais la retrouver. »


           Il leva les yeux vers le ciel et resta silencieux si longtemps que Rey réfléchit à une manière de lui demander de poursuivre son récit.

           « C’est comme ça que j’ai perdu ma main, soupira Luke en secouant son appendice métallique. En allant chercher Leia sur la Cité des Nuages, je me suis retrouvé face à Vador. Nous nous sommes affrontés. Il voulait me persuader d’unir mes forces aux siennes. C’est aussi durant ce duel que j’ai découvert qu’il était mon père. Ce père que, tous, à commencer par Ben Kenobi et Maitre Yoda, prétendaient mort. Je n’ai pas pu poursuivre le combat, c’était trop pour moi… J’avais imaginé mon père toute ma vie et voilà qu’au lieu du héros que je m’étais représenté grâce à Ben, je me retrouvais face à un monstre qui n’avait pas hésité à me trancher la main pour l’emporter. J’étais désemparé… Je me suis jeté dans le vide et Leia a réussi à me retrouver. Elle aussi était anéantie… Elle avait perdu Han. Vador l’avait fait cryogéniser et enfermer dans de la carbonite. »


           Pour la première fois depuis le début de son histoire, Luke se tourna vers Rey et la regarda franchement dans les yeux.

           « Nous étions jeunes et aussi perdus l’un que l’autre. Cette nuit-là nous nous sommes revus après de longs mois de séparation. Nous avions changé. Nous avions grandi et mûri. Nous n’étions plus aussi insouciants et optimistes qu’à notre rencontre : nous avions subi des pertes et pansions nos blessures. Leia devait désormais vivre avec le poids de la disparition de Han et moi, avec l’image brisée de mon père. Nous nous sentions très seuls et nous venions tous les deux de frôler la mort. Mais malgré tout, nous avions envie de vivre… Besoin de vivre ! Nous nous sommes enlacés pour tirer du réconfort de la présence de l’autre, pour avoir quelqu’un avec qui partager la peine qui nous rongeait de l’intérieur, mais, bien vite, c’est devenu autre chose… Un geste en a entrainé un autre, et encore un autre… Nous n’avons pas cherché à lutter. Je l’avais désirée à la minute où j’avais découvert son hologramme et elle… une partie d’elle s’était toujours sentie attirée par moi. A présent, que Han n’était plus là… »

           Il n’y avait plus d’obstacle, songea Rey sans oser le dire à haute voix. Luke déglutit de nouveau et, cette fois encore, il détourna les yeux.

           « Nous avons fait l’amour ce soir-là. C’était la première fois pour nous deux. Nous étions aussi inexpérimentés et maladroits l’un que l’autre mais cela restera le plus beau moment de ma vie. Quoi qu’il se soit passé ensuite, quoi que nous ayons appris sur notre véritable lien, je ne pourrais jamais regretter cette nuit passée ensemble. Je sais que je devrais prétendre que cela me dégoute et me fait honte, mais la vérité, c’est que j’aurais préféré ne jamais savoir.

           — Vous l’aimiez », murmura Rey.


           Il ne nia pas. C’était inutile. Elle lisait la vérité dans la façon dont son regard s’était adouci, dans le demi-sourire rêveur qu’il avait encore aux lèvres.


           « Mais, même après cette nuit, il y avait toujours Han entre nous… Il n’était pas mort, il y avait encore un espoir de le sauver… Malgré ce que nous avions vécu, j’étais conscient que Leia tenait à lui. Moi aussi, d’ailleurs. En dépit de mes sentiments pour Leia, Han était mon ami et je ne voulais pas le trahir en profitant de son absence pour séduire la fille de nos rêves. Tu ne le croiras peut-être pas, mais j’avais le sens de l’honneur, à l’époque, ironisa Luke avant de reprendre son récit. Lando a fini par localiser l’endroit où son corps cryogénisé avait été emmené.  Une fois Han libre, je me suis écarté. Je voulais laisser à Leia le temps de découvrir les sentiments qu’elle avait pour chacun de nous et ne pas m’imposer à elle. Je trouvais cela plus juste pour Leia, pour Han et aussi pour moi, soupira-t-il. Han méritait d’avoir sa chance, comme j’avais eu la mienne. Je redoutais qu’elle finisse par le choisir, mais j’étais prêt à l’accepter s’il la rendait heureuse. Alors, je suis parti terminer mon apprentissage sur Dagobah, je voulais prouver à Leia que j’étais digne de son amour, qu’elle pouvait compter sur moi, quel que soit son choix.  Finalement, elle n’a pas eu beaucoup à hésiter, lâcha-t-il avec amertume. Une fois sur Dagobah, Maitre Yoda m’a appris que j’avais une sœur jumelle, dont j’avais été séparé dès la naissance afin de nous protéger. Etrangement, j’ai su tout de suite qu’il parlait de Leia, nous étions si proches, nous nous comprenions si bien… Je croyais que nous étions faits l’un pour l’autre mais en fait, nous étions juste frère et sœur… »

           Une fois de plus, la mélancolie du Jedi était palpable et Rey ne put retenir une nouvelle bouffée de compassion.

« Le moment où j’ai dû l’apprendre à Leia fut l’un des plus difficiles de mon existence, parce que je savais que ce qu’il y avait eu entre nous ne pouvait, ne devait plus exister. Son choix n’avait plus d’importance. Quoi que nous ressentions l’un pour l’autre, c’était impossible, immoral et condamnable. Nous avons décidé de ne jamais en parler à qui que ce soit. Je ne sais pas, peut-être que nous pensions qu’en gardant cela secret, cela effacerait notre faute… Que cela nous aiderait à ne plus penser aux sentiments que nous éprouvions. Nous n’avions pas prévu que notre histoire aurait des conséquences. Nous n’avions même jamais imaginé que la chose soit possible, souffla-t-il avec amertume. Comme je te l’ai dit, nous étions jeunes, inexpérimentés et terriblement naïfs. Seulement…

           — Elle en a eu », murmura Rey.

           

           Une boule dans la gorge, Luke hocha la tête avant de reprendre son récit d’une voix éraillée par l’émotion.

           « Deux mois après la bataille d’Endor et la mort de notre père, et alors qu’elle venait d’épouser Han, Leia a découvert qu’elle était enceinte. Sa grossesse était trop avancée pour permettre le moindre doute. C’était mon enfant. Mon Ben », souffla-t-il.

           Rey refoula les larmes qui montaient irrépressiblement en elle. En cet instant, elle ne ressentait plus la moindre haine pour le Jedi, juste de la pitié.

           « Il a fallu avouer la vérité à Han. Il était en droit de savoir, poursuivit Luke. Il aimait Leia et je pense qu’il m’aimait aussi. Il est resté et il a pris soin de Ben comme s’il était son fils. Nous avons décidé tous les trois de ne jamais révéler ce secret à quiconque et j’ai enterré au fond de moi tout ce que je ressentais pour Leia et pour Ben. C’était mieux pour eux, pour nous tous. Han, Leia et Ben formaient une famille et moi, eh bien, j’étais l’Oncle Luke, le Jedi… Pour oublier ma peine, je me suis dévoué corps et âme à la renaissance de l’Ordre et j’ai fondé mon temple. Je me disais que, si je ne pouvais pas être le père de Ben, je serais au moins son Maitre dans la Force, qu’ainsi nous aurions un lien unique. Le gâchis que j’ai accompli par la suite, tu le connais… Je n’ai pas été à la hauteur avec Ben, je n’ai pas su comment gérer l’Obscurité que je sentais grandir dans son cœur. Je craignais qu’à cause de ce que Leia et moi avions fait, il ait trop de Vador en lui. Que c’était la manière dont la Force nous punissait, en poussant notre fils du Côté Obscur et en exigeant de moi que je le sacrifie pour gagner ma rédemption et enfin retrouver la paix. Mais, je ne pouvais pas… Rey, je n’aurais jamais pu aller au bout. C’est mon fils. »

           

           Le souffle coupé, Rey resta un long moment silencieuse. Le récit de Luke lui avait brisé le cœur. Ce dernier émit un nouveau soupir amer.

           « Pas très reluisant hein ? J’imagine qu’après ça, tu me trouve encore plus indigne qu’avant.

           — Je trouve cela tellement tragique, si triste, murmura Rey. Pour vous tous. Pour Ben… »

           A ces mots, l’affolement sembla gagner Luke.

           « Rey, tu ne dois parler de cela à personne, surtout pas à Ben ! Je ne te le demande pas pour moi ou pour Leia, je te le demande pour lui. S’il apprenait la vérité… cela le détruirait pour de bon ! Et, j’ai beau haïr ce qu’il est devenu, je ne peux l’accepter. »


           Rey ne répondit pas. Bouleversée, elle songea à tout ce qu’elle avait lu en Ben et à tout ce qu’il s’efforçait de dissimuler. La mort de Han et cette chose que Ben avait senti qu’il savait. La manière dont il lui avait affirmé que Ben était encore plus monstrueux que Kylo Ren. Sa fureur lorsqu’il l’avait crue amoureuse de Luke : il faut que toi aussi, tu le veuilles… L’amour qu’il refusait de reconnaitre, mais qu’il avait pourtant encore pour sa mère, sa haine dévorante pour Luke. Son refus d’avoir le moindre attachement. Je n’en ai pas le droit, avait-il dit le matin de son départ…


           Son silence persistant attisa l’angoisse de Luke et il la saisit par le bras avec une vigueur retrouvée.

           « Rey, je t’en prie ! Je sais que tu me hais de t’avoir manipulée et que ton but en venant ici était de te venger, et, je ne t’en blâme pas. Mais, si tu ressens de l’affection pour Ben, n’utilise pas ce que je viens de te révéler. Tu me blesserais ainsi que Leia, mais c’est à lui que tu ferais le plus de mal. Il n’a pas à porter ce poids, laisse-le continuer à croire qu’il est le fils de Han. »

           Blême, Rey se tourna vers lui.

           « Si je parlais, je ne lui apprendrais rien. Ben sait que vous êtes son père, j’en suis sûre. »

           Luke se décomposa.

           « Impossible. Seuls Han, Leia et moi sommes au courant et aucun de nous n’aurait divulgué ce secret. Nous avons juré de tout faire pour le protéger de la vérité avant même sa naissance. Leia y tenait absolument et, même s’ils avaient des désaccords, Han n’aurait jamais…

           — Ce n’est pas Han qui lui a dit, murmura Rey. C’est la voix que nous entendons dans l’Obscurité, » comprit-elle alors que les mots prononcés par l’inconnu sur Castilon remontaient dans sa mémoire. Je suis satisfait de toi, jeune Skywalker… Pas Solo. Il l’avait appelé Skywalker, du nom de son véritable père.


           Avec un sentiment d’urgence, elle se pencha vers Luke.

           « J’en suis certaine, je le sens, je le sais. Cette présence dans la Force semble tout connaitre de Ben et de moi. Il rode du Côté Obscur, il attend quelque chose de nous mais nous ignorons ce que c’est. Je ne suis pas venue ici pour me venger de vous, enfin, pas uniquement, reconnut-elle. Si je suis ici, c’est parce que lorsque nous nous sommes vus sur Corellia, avant que les choses ne dérapent, il m’a semblé, ou plutôt, j’ai senti que vous aviez des informations à ce sujet. Je vous en prie, Maitre Luke, si vous aimez Ben autant que vous l’affirmez, dites-moi ce que vous savez ! »

           Anéanti, il secoua la tête.

           « Je ne peux croire pas que Ben sache… C’est impossible. Tu dois te tromper.

           — Il pense qu’il ne devrait pas exister, lui asséna Rey. Il prétend que Ben est encore plus monstrueux que Kylo Ren et se refuse à toute relation parce que, selon ses propres mots, il n’a en a pas le droit. A votre avis, qu’est-ce qui peut lui faire honte à ce point ? »

           La pâleur du Jedi augmenta et Rey, pressante, reprit :

« Luke, qui se cache derrière tout ça ? Vous le savez, j’en suis certaine. »

— Je ne peux pas prendre cette décision seul. Leia a son mot à dire et elle doit être mise au courant de ce que tu viens de m’apprendre. Il, il faut que nous rentrions au camp… »


           Sur ces mots il tenta de se relever avant de chanceler, la main crispée sur son torse.

           « Tu n’y es pas allée de main morte avec les Eclairs, souffla-t-il.

           — Je vais vous aider », offrit Rey d’un ton piteux.

           Il la repoussa avec agacement.

           « Non, c’est bon, ça va aller, petite. C’est juste que je ne m’attendais pas à ce que tu acquières une telle maitrise aussi vite.

           — J’ai un excellent Maitre », ne put s’empêcher de rétorquer Rey.

           Luke lui adressa un regard de biais.

           « Il faudra que nous parlions de ça aussi pendant que tu es ici. De ton apprentissage et de ce qu’il se passe entre Ben et toi. »


           Alors qu’ils reprenaient lentement le chemin de la base, eu égard aux blessures de Luke, il sembla à ce dernier entendre le murmure satisfait de la voix de son père.

           « C’est bien Luke, tu as fait ce que la Force attendait de toi… Ce ne sont pas les erreurs qui sont impardonnables et conduisent au Côté Obscur, ce sont les mensonges et les secrets. »

           Rasséréné et la conscience apaisée pour la première fois depuis bien longtemps, Luke reprit sa route d’un pas plus léger.

           

           

Hôtel Superfrica,

Aargau



           Trois jours, neuf heures et dix-huit minutes depuis qu’elle était partie.

           

           Le Suprême Leader serra les poings alors que la pensée lui venait au beau milieu de la réunion visant à rallier Aargau, l’un des plus grands centres bancaires du Noyau et de la Galaxie, au Premier Ordre. L’un des représentants du Conseil du Directoire Exécutif, entièrement vêtu de vert ainsi que le voulait l’usage, venait de lui poser une question mais Kylo n’avait foutrement aucune idée de ce qu’il lui avait demandé. En plus, il étouffait sous son nouveau masque, ces imbéciles de techniciens avaient du mal régler le filtre à oxygène.

           « Suprême Leader ? Que pensez-vous de la proposition du Conseiller Muun ? » le rappela subtilement à l’ordre le Général Hux à qui la distraction de Ren n’avait pas échappée.


           Kylo prit une profonde inspiration. Qu’est-ce que l’autre avait bien pu offrir ? Connaissant les dirigeants d’Aargau, des miettes sans aucun doute.

           « Insuffisant, lâcha-t-il d’un ton négligent. Comparé à vos ressources, ce que vous proposez est dérisoire. Si j’étais plus susceptible, je penserais que vous cherchez délibérément à nous insulter. »

           Le visage de Muun devint aussi vert que son uniforme et il se tourna vers ses acolytes.


           Trois jours, neuf heures et vingt-quatre minutes.


           Un soupir agacé échappa à Ren et les représentants du Conseil l’interprétèrent comme leur étant destiné. Fermant les yeux sous son casque, le jeune homme s’obligea à se calmer. Il devait absolument reprendre le contrôle de lui-même et se concentrer.

           « J’ai conscience des difficultés que vous avez eues par le passé avec l’Empire et les Républiques, ancienne ou nouvelle, reprit Kylo. Votre réserve est compréhensible, cependant, nous ne sommes plus dans le même contexte économique. La Nouvelle République n’existe plus que de nom et l’influence du Premier Ordre grandit de jour en jour. De nombreux systèmes et peuples nous ont d’ores et déjà accordé leur confiance.

           — Vous nous demandez d’investir massivement dans le Premier Ordre, Leader Ren. Cependant, vous ne disposez pour l’instant d’aucun pouvoir réel, excepté celui dont vous vous êtes auto-proclamé. Par ailleurs, il nous semble avoir entendu qu’une autre organisation, nommée la Résistance, se targue d’abriter plusieurs figures politiques de choix. A commencer par l’ancienne Sénatrice Leia Organa Solo et la Sénatrice de Naboo, Thadlé Berenko, qui a miraculeusement échappé à la destruction d’Hosnian Prime. Une destruction à laquelle le Premier Ordre ne serait pas étranger, selon nos informations. »


           Kylo Ren serra les poings sous la table avant de les lever pour les poser bien à plat, dans une posture détendue.

           « Leia Organa n’a plus le moindre poids politique depuis plusieurs années. Le temps où vous lui rachetiez les joyaux de la couronne d’Alderaan à l’insu de l’Empire et lui permettiez ainsi de financer en partie l’Alliance Rebelle est révolu. Tout comme celui où vous revendiez en douce les mêmes bijoux à l’envoyé de l’Empereur Palpatine. »

           Il savoura le mouvement de surprise que deux ou trois conseillers n’avaient pu réprimer.

           « Notre planète s’est toujours efforcée de ne prendre part à aucun conflit et à faire preuve de neutralité en toute occasion, déclara Muun, vaguement mal à l’aise.

           — Evidemment, et il ne me viendrait jamais à l’esprit de vous reprocher votre sens opportun des affaires, approuva Kylo Ren. Cependant, ainsi que je vous le disais à l’instant, les choses ont changées. »

           Il fit une pause volontaire dans son discours avant de reprendre.

           « Vous évoquez également la Sénatrice Berenko, sachez qu’elle ne l’est plus. La planète Naboo s’est officiellement placée sous mon autorité et ma protection il y a quelques jours. Je m’étonne que la nouvelle ne vous soit pas encore parvenue. »

           Les Conseillers hochèrent la tête et Muun répondit pour eux tous :

           « Nous avions entendu la rumeur mais nous pensions… Enfin, Naboo a toujours défendu farouchement son indépendance, surtout depuis…

           — Les méfaits du Chancelier Palpatine, compléta Kylo Ren. Encore une fois, du passé… Cependant, grâce à son histoire chaotique, Naboo a appris de ses erreurs et ses représentants ont rapidement pris conscience des avantages d’une collaboration étroite avec le Premier Ordre.

           — A vous entendre, on dirait plus une prise de pouvoir ! » s’exclama un autre homme en vert dont Ren avait oublié le nom.


           Kylo secoua la tête. Il avait vraiment chaud sous ce masque, qu’est-ce qui lui avait pris de mettre ce truc ? Il savait pourtant qu’il faisait toujours une chaleur à crever dans ces foutus hôtels de luxe.

           « Une coopération plutôt, corrigea le Leader. Naboo bénéficie du réseau et de l’appui du Premier Ordre afin de se développer. En échange, ils envoient une partie de leurs ressources naturelles, telles que de la nourriture ou de l’eau pure vers d’autres planètes moins favorisées qui, à leur tour, nous récompensent de notre aide par l’envoi de minerai, de main d’œuvre ou de toute autre chose faisant leur richesse.

           — Et combien prenez-vous au passage ? l’interpella une petite femme nerveuse.

           — Cela dépend, répondit évasivement Ren. Du reste, vous n’espérez tout de même pas que je vous révèle les détails des contrats que je négocie. La seule chose que vous devez savoir est que le Premier Ordre se soucie autant de la prospérité des peuples placés sous sa protection que de la sienne.

           — Vous faites dans la philanthropie ? releva Muun. Nous avons entendu parler de votre position sur l’esclavage par nos amis de Cantonica. »


           Le Général Hux ne put retenir un grincement de dents. Dès qu’il en avait eu connaissance, il avait su que cette malheureuse décision allait leur porter préjudice. Certes, cela faisait un merveilleux effet sur la populace mais ça n’avait rien pour rassurer les banquiers d’Aargau.

           

           Trois jours, dix heures et trois minutes.


           « Nous faisons du commerce, entre autres choses, rétorqua Kylo Ren. Et nous nous assurons également que les planètes placées sous notre protection continuent à prospérer. Cela passe par le contrôle et l’évitement des insurrections locales.

           — Pourquoi ne pas utiliser la force pour réprimer les mécontents ? releva la petite femme en vert. La guerre rapporte, Leader Ren, beaucoup plus que la paix.

           — En effet, à court terme, c’est une manne financière qui profite aux armateurs et aux spéculateurs, dès lors que ces derniers parient sur le bon camp. Un fait que vous n’ignorez d’ailleurs pas. Il me semble qu’Aargau a connu quelques difficultés lorsque l’Empire s’est écroulé, ironisa-t-il. Mais, à long terme, la paix et son maintien rapportent beaucoup plus et permettent à chaque peuple d’augmenter ses richesses, et ainsi d’avoir plus de fonds à placer dans les banques et à investir… Pour être tout à fait franc, il n’entre nullement dans mes intentions de supprimer les armées planétaires ou de faire preuve d’ingérence dans les affaires des peuples galactiques. Ce que je veux, c’est que la Galaxie retrouve son âge d’or et étende ses routes commerciales avec les mondes qui nous sont actuellement fermés. Cela passe par une charte d’entente entre les systèmes mais aussi par l’établissement de quelques lois auxquelles chacun devra se conformer, pour le bien de tous. »


           Mais qu’est-ce qu’il faisait chaud ! Il avait l’impression d’être en train de cuire sous son uniforme. Les regards furieux que Hux lui lançaient n’arrangeaient pas les choses et Kylo Ren songea qu’il attendait avec impatience l’instant où il pourrait enfin se débarrasser du roux. Cependant, il n’était pas prudent de le faire dès maintenant, au moins, ainsi, il pouvait surveiller ses agissements.

           

           « Votre position nous surprend, finit par déclarer Muun, leur porte-parole auto désigné. A vous entendre, on pourrait croire que vous souhaitez retrouver une époque semblable à celle de la Haute République, alors même que cette dernière a vu l’apogée de l’Ordre Jedi. Or, il nous semble à tous évident que vous ne vous réclamez pas de leur doctrine. »

           Kylo laissa échapper un rire bref.

           « Vous êtes perspicace, Muun. En effet, les Jedi ont fait leur temps. Leur disparition était inévitable, ils ont été corrompus par leurs succès et ont tenté d’imposer leur vision au peuple. Sans leur outrecuidance, il aurait été impossible à l’Empire de s’imposer. 

           — Dans ce cas, que prônez-vous ? L’allégeance aux Sith ? »

           Du coin de l’œilleton de son masque, Kylo Ren vit Hux se pencher en avant, le visage du Général trahissant son intérêt pour la réponse qu’il allait fournir. Il savait l’instant délicat : nul doute que ses moindres propos seraient dûment rapportés aux autres membres du Conseil Obscur. Ce qui pourrait poser un problème s’il ne dosait pas suffisamment son discours.

           « Une utilisation de la Force sous toutes ses formes, libérée des clivages Jedi et Sith. Chaque être sensible à la Force devrait avoir l’opportunité de développer sa maitrise, y compris du Côté Obscur. Depuis trop longtemps, la Force et sa puissance ont été laissées aux mains de quelques dogmes religieux. Il serait temps que nous apprenions à nous réapproprier les capacités qu’elle nous offre. 

           — Donc, vous reconnaissez avoir des accointances avec les idéaux Siths et user du Côté Obscur ?

           — Quand cela s’avère nécessaire », admit Kylo Ren.


           Un murmure salua sa déclaration et Hux ne put dissimuler sa satisfaction. Certes, débloquer des fonds bancaires provenant d’Aargau était d’une haute importance stratégique mais il ne pouvait résister au plaisir de voir Kylo Ren échouer. S’il manquait cette négociation, et c’était bien parti pour, l’Empereur serait sans aucun doute plus disposé à se débarrasser de cet usurpateur.

           « Vous nous avez donné matière à réfléchir, Seigneur Ren et, avant de vous rendre notre décision, nous devons en débattre. Accepteriez-vous notre hospitalité le temps que dureront nos délibérations ? »

           Rester coincé dans cet hôtel étouffant pendant plusieurs heures était loin de faire partie de ses désirs, mais Kylo accepta l’invitation.


Trois jours, douze heures et trente-sept minutes.

Son premier mouvement en pénétrant dans la suite luxueuse préparée pour lui avait été d’ôter son casque et de prendre une profonde bouffée d’air. Puis, il avait repassé la réunion dans sa tête avant de grimacer. Il n’avait pas été bon. Trop distrait, trop utopiste. Il avait commis plusieurs erreurs qui risquaient de lui couter cher. On sonna à sa porte, et il eut à peine le temps de remettre son casque, puis une jeune femme vêtue d’une longue robe de tulle verte qui dévoilait subtilement ses charmes pénétra dans la pièce.

« Les membres du Directoire Exécutif m’envoient afin d’égayer votre séjour, avec leurs compliments, Leader Ren. »

Une prostituée de luxe… Il fallait s’y attendre. Kylo Ren la détailla sans sourire. Petite, pulpeuse et d’une blondeur éclatante qui accentuait encore la pâleur extrême de sa peau, la fille était jolie. Mais pas assez pour le tenter.

« Approche, » lui ordonna-t-il pourtant.

La fille, un sourire aguicheur aux lèvres, obéit et il lui désigna le siège qui lui faisait face.

« Parle-moi un peu de ta vie, ici », susurra Ren.

Le visage de la blonde accusa sa surprise. Il était inhabituel que les riches clients auprès desquels on l’envoyait s’intéressent à elle. En fait, cela était sans doute la première fois que cela arrivait. D’ordinaire, ils prenaient ce qui les intéressait sous sa robe puis la congédiaient. Il n’était pas rare que seuls quelques mots, qui étaient plus des grognements, soient échangés. Elle ouvrit la bouche ne sachant par où commencer puis les mots s’écoulèrent en un flot continu, encouragé par le silence attentif du client masqué.

Trois jours, seize heures et cinquante-quatre minutes.

Enfin ! Il les tenait ! Grâce au bavardage de la fille, il avait pu se faire une meilleure idée de ce qu’était réellement la vie sur Aargau et surtout, de ce dont ils avaient désespérément besoin. Une chose qu’il pouvait leur offrir. Il avait prévu une autre utilisation pour le gisement de Bene qu’il s’était approprié mais, les fonds qu’il obtiendrait en échange lui seraient plus utiles dans l’immédiat.

« Tu peux partir, maintenant, » déclara Kylo à la fille.

Les yeux de cette dernière s’agrandirent de surprise. Quel était ce client sans visage et imposant qui la congédiait sans même avoir profité de ses charmes ?

« Tu seras payée pour tes services, ne t’en fais pas, lui lança Kylo Ren. Tu n’auras qu’à prétendre que tout s’est passé comme d’habitude, je ne te contredirais pas. »

Elle hésita. Elle risquait gros s’il déclarait à ses employeurs qu’au lieu de lui donner du plaisir, elle avait bavardé sans discontinuer pendant des heures.

« Cela restera entre nous, promit Kylo en accompagnant ses paroles d’une légère poussée de conviction dans la Force. Tu as bien accompli ta tâche et tu es maintenant épuisée. Tu n’es pas en état de travailler ce soir, ajouta-t-il désireux d’accorder un répit à la jeune femme.

— Je ne suis pas en état de travailler ce soir, répéta-t-elle.

— C’est bien, maintenant, sors et porte ceci au Conseil », déclara-t-il en lui tendant un fragment de minerai.

Les yeux agrandis par la surprise, elle baissa les yeux sur le morceau grisâtre ressemblant à un petit caillou qu’il lui tendait. Il renforça son ordre à l’aide de la Force et elle sorti d’un pas pressé, obnubilée par sa nouvelle mission.

Trois jours, dix-sept heures et trente-deux minutes.

Le Conseil du Directoire se leva comme un seul homme à l’entrée de Kylo Ren et du Général Hux. Ce dernier perçut un changement notable dans l’atmosphère et fronça les sourcils devant l’empressement avec lequel ils étaient cette fois accueillis. Lorsqu’ils avaient été conduits à leurs chambres plus tôt, il était certain que Ren avait entièrement foiré ce marché. Mais quelque chose avait changé.

« Combien ? interrogea Muun avec une expression avide.

— Un gisement entier, répondit Kylo Ren d’une voix calme. Mais, vous comprendrez qu’au vu de la rareté de la chose, il va me falloir un peu plus que ce j’avais initialement demandé.

— Votre prix ? 

— Quinze pourcents de plus que la somme que vous proposiez ce matin. Et un siège au sein de votre Conseil. »

Hux s’étrangla à demi. Ren était complètement fou, jamais ils n’accepteraient un tel marché alors que rien ne le justifiait. Il allait faire tout capoter.

« Vingt-cinq pourcents et on oublie le siège, tenta Muun sans même se retourner vers ses collègues.

— Vingt pourcents et le siège », rétorqua Kylo Ren d’un ton tranchant.

Trois jours, dix-huit heures et une minute.

« Nous ne pouvons accepter que le Premier Ordre fasse preuve d’ingérence dans nos affaires, nous tenons à notre autonomie. Nous refusons d’avoir un de vos sous-fifres à demeure ! s’exclama l’un des hommes en vert.

— Ce ne sera pas le cas, l’unique chose que j’exige c’est d’être consulté à l’occasion des transactions les plus importantes et informé des mouvements financiers. Pour le reste je ne compte pas m’impliquer dans la gestion d’Aargau, sauf si, bien entendu, vous me le demandez, affirma Kylo Ren. Je serais le seul à bénéficier de cette disposition particulière. Vous ne traiterez pas avec l’un de mes agents, uniquement avec moi, en direct et de manière sécurisée. Cela apaise-t-il vos craintes ? Ne tardez pas à vous décider, je connais des systèmes prêts à offrir beaucoup plus en échange de ce que je vous propose. »

Hux se crispa. Une fois de plus, Kylo Ren tentait de s’arroger un privilège personnel. Ce n’était pas la première fois qu’il agissait ainsi à l’occasion d’une transaction. Comment l’Empereur pouvait-il ignorer le danger grandissant que Ren représentait pour leurs plans ?

Les membres du Conseil Directoire Exécutif palabrèrent quelques minutes à voix basse. La discussion était visiblement houleuse, mais Kylo se contenta de rester assis avec nonchalance, visiblement sûr de lui.

« D’accord, souffla finalement Muun, le visage empourpré. La somme plus quinze pourcents et votre siège.

— Nous avions dit vingt, se contenta de lâcher Kylo Ren avec froideur.

— Quand pouvez-vous commencer l’importation ?

— Moins d’un mois, si j’obtiens vingt pourcents, deux si …

— D’accord ! s’agaça Muun après avoir consulté du regard ses partenaires. Nous allons établir les contrats. Sachez toutefois que vos méthodes de négociation nous déplaisent souverainement.

— Allons, plaisanta Ren sans la moindre chaleur. Vous ne direz plus la même chose lorsque j’en userai au sein de votre Conseil. »

()()

Les contrats dûment signés, Hux suivit Kylo Ren jusqu’à la navette qui devait les ramener au Destroyer. Le roux hésita longuement puis, il ne put retenir la question qui lui brûlait les lèvres.

« Comment avez-vous fait ? Comment avez-vous su quoi leur proposer ? Et quelle est cette chose ?

— Elle ne concerne en rien nos opérations militaires, Général Hux, répliqua Kylo Ren. Je n’ai donc pas à vous donner cette information. Il vous suffit de savoir que nous avons obtenu beaucoup plus que ce que nous étions venus chercher. A présent, le Premier Ordre est en mesure de contrôler une partie des ressources bancaires du Noyau. De quoi satisfaire nos amis, vous ne croyez pas ? »

Le Général s’abstint de répondre, conscient que ce n’était pas le Premier Ordre qui avait obtenu ce précieux pouvoir. C’était Ren.

Destroyer Supremacy,

De retour dans ses appartements après avoir laissé Hux aux affaires courantes, Kylo Ren se débarrassa de son casque puis de sa lourde cape avant de se laisser tomber devant son comlink. Là, il utilisa sa ligne privée et contacta Lanzora Garan.

« Changement de plan. Nous devons hâter les opérations d’extraction, le premier chargement doit être livré à Aargau dans moins d’un mois, vous avez assez d’hommes pour ça ? »

L’officier poussa un léger soupir avant de confirmer. Satisfait, Kylo Ren mit fin à la communication. Inutile qu’il rappelle à Lanzora qu’il était le seul à qui elle devait en référer concernant cette opération. Contrairement à ce que Hux, Phasma ou les autres pontes du commandement pensaient, ils ne maitrisaient pas tout. Il y avait de nombreux officiers dits « mineurs » qui prenaient désormais directement leurs ordres auprès de lui.

Satisfait, il se tourna vers le casque de Vador.

« Je serais bientôt prêt, Grand-Père, murmura-t-il. Je ne vous décevrai plus. »

Puis, son regard tomba sur l’holodule et il soupira.

Cela faisait trois jours, vingt-une heure et onze minutes que Rey était partie et il commençait à regretter de n’avoir demandé aucune information sur sa destination. Il prit une profonde inspiration et repoussa son envie de plus en plus pressante de la chercher dans la Force. Elle n’avait pas de rôle à jouer dans son projet, qu’elle revienne ou non, il réussirait. Mais, il devait s’avouer que, sans elle et les questions naïves qu’elle n’aurait pas manqué de poser, le succès manquait un peu de saveur. 


Note : Je serais en déplacement pro la semaine prochaine... Si je n'ai pas le wifi à l'hotel, il faudra attendre Jeudi pour le prochain épisode ^^

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