Star Wars : Reconstruction

Chapitre 1 : Reconstruction

Chapitre final

4588 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/07/2022 18:13

Cette fanfiction participe au Défi d’écriture du forum Fanfictions .fr : Mots et maux estivaux - (juillet août 2022).



Le vide.

Le néant.

L'esprit artificiellement en sommeil du jeune homme, immergé dans une cuve de bacta, est complètement muet. Ses sens sont éteints et rien ne trouble sa torpeur surnaturelle, sinon ces sensations si oppressantes et si lointaines en même temps : toute la surface de sa peau l'irrite, deux de ses membres sont rongés par une douleur lancinante et tous ses muscles sont engourdis et tiraillés - comme si une armée d'épingles tiraient dessus.

Tout autour de lui, des médecins et droïdes surveillent les signes vitaux, prennent des mesures et s'affairent à préparer l'individu meurtris à sortir de ce grand tube, remplit de ce liquide bleuâtre et légèrement visqueux qui accélère la cicatrisation et la régénération des tissus.

Un premier signe d'éveil survient, des minutes ou des heures plus tard, lorsqu'il entrouvre faiblement les yeux mais n'aperçoit que des lumières éblouissantes qui défilent à toute vitesse au-dessus de lui, des lucioles qui dansent à lui en donner le tournis...

Un clin d’œil.

L'environnement est de nouveau différent.

Un long soupir gémissant alors qu'une vive douleur se réveille puis tambourine au niveau du côté droit de son crâne.

Dans un premier réflexe mécanique, il tente de bouger les articulations des extrémités de son corps mais... Quelque chose cloche, plusieurs choses clochent, même. Le jeune homme se sent soudainement confus voire complètement perdu, se demandant s'il est dans un mauvais rêve. Après tout, sa difficulté à se mouvoir, le flou qui l'entoure, la sensation de n'avoir aucun repère spatial ni temporel... Tout lui porte à croire que c'est l'un de ces rêves qui se mue en cauchemar.

Il a mal.

Tellement mal.

La douleur dans son bras gauche et dans sa jambe droite est virulente alors que, aussi fou cela puisse être, ces membres ne lui répondent pas, il ne les sent pas.

Une personne en blouse suivie de deux droïdes d'assistance médicale font irruption dans la pièce, détectés par le patient seulement quand ils s'arrêtent à sa hauteur, autour de son lit.

Un bourdonnement résonne dans son oreille gauche puis des sons synthétiques et insupportables dans l'oreille droite.

Des mots, ce sont des mots.

Machinalement, il ferme les yeux, maudissant ces choses qui s'activent bien trop vite autour de lui et parasitent le peu de pensées qui parviennent à se former dans son esprit engourdi.


— Monsieur Kieran..? prononce une voix féminine vaguement familière.

L'instant suivant le jeune homme sent que l'on force les paupières de son œil droit à s'ouvrir puis un faisceau aveuglant agresse sa rétine. Même chose avec l’œil gauche par la suite.

— Réflexes pupillaires normaux... Monsieur Kieran ? appelle encore son agresseur.


Le blessé fronce lorsque les choses commencent à lui revenir, quand il cligne plusieurs fois et reconnaît ce qui s'apparente à une chambre d'hôpital, quand cette voix familière l'appelle encore. Il comprend enfin où il est et pourquoi il s'y trouve.

Arienna.

Où est Arienna ?


— Do... eur... Est.. Na... prononce difficilement le jeune homme dont les lèvres semblent encore engourdies.

— Reposez-vous monsieur Kieran, étant donné le temps que vous avez passé dans le bacta, il faut attendre que les effets secondaires s'estompent. N'essayez pas de parler ni de bouger, votre corps a besoin de se réveiller et... Cela prendra plus de temps que votre esprit.


Le jeune homme fronce une nouvelle fois et se permet de redresser sa tête autant qu'il le peut. C'est un exercice ô combien difficile pour son corps qui ne lui répond quasiment pas, vidé de son énergie.

Lorsque son regard tombe sur son propre corps, son cœur rate un battement.

Qu'est-ce que c'est que ces choses..?

Son avant-bras gauche, posé sur une sorte de socle pour le surélever, est recouvert de métal noir et, surpris par le réalisme de la texture qui présente câbles et pistons, il détaille cet étrange bandage. Non... Son avant-bras n'est pas recouvert de métal, il est fait de métal...

Il en est de même pour sa jambe droite. Du pied jusqu'au genou, son membre a été remplacé par une prothèse en métal noir.

Sa tête retombe en arrière et s'enfonce dans son coussin : tout lui revient à présent.

L'ordre de traquer et détruire les restes des forces armées impériales, la poursuite jusqu'à sa planète natale où tout a commencé, la bataille et puis... Elle était là.

Sa chevelure rousse ondulait au rythme du vent qui s'était levé, son regard plein de haine et de reproches souillé par ces teintes caractéristiques du côté obscur, les tatouages siths qui barraient son magnifique visage, ses traits tendus en une expression de colère, la nervosité qui se lisait dans sa posture, l'armure noire qu'elle portait et cette lame rouge sang qui vibrait en un son rauque et inquiétant...

Cette vision était devenue familière et régulière au fil des années mais demeurait toujours aussi glaçante.


— Où... Est... Enna..? insiste Kieran.

— Prenez un peu de repos, nous irons la voir plus tard.


La poigne métallique du bras gauche du jeune homme agrippe la blouse du docteur.


— Dites-moi... Comment... Va-t-elle... Est-elle... Sauve..? répète-t-il presque avec un ton autoritaire, à cause de l'inquiétude grandissante à mesure que les évènements avant sa perte de connaissance lui reviennent.

La dame ayant en charge le blessé soupire longuement puis s'assoit sur le bord du lit avant de prendre la main de Kieran.

— Écoutez, je... Mh. Son état est critique mais stable.


Le regard de Kieran se soustrait à celui du docteur et vient fixer le plafond. Un puissant sentiment de culpabilité balaye tout le reste.

Des larmes commencent à perler dans les yeux du jedi et une boule douloureuse se forme dans sa gorge. Il lève sa main droite pour couvrir sa bouche avec son revers, afin d'étouffer un sanglot. Il ferme les yeux ensuite, faisant dévaler les larmes sur les flancs de son visage avant qu'elles ne se perdent dans ses cheveux en bataille.

Le docteur pince ses lèvres, mal à l'aise et hésitante quand au comportement qui serait approprié. Elle s'approche alors quelque peu et se redresse pour poser une main sur l'épaule du malheureux.


— Monsieur Kieran, vous n'avez pas à vous en vouloir pour ce qui est arrivé. Vous vous êtes battu jusqu'au bout. Je suis certaine que madame Arienna ne vous en voudra pas.

Un autre sanglot se fait entendre, plus sonore.

— Ce n'est... Ce n'est pas... J'ai... Échoué. J'ai totalement échoué. Putain...


La femme d'âge mûr retire sa main avec un brin de déception et d'amertume en constatant qu'elle ne trouvera définitivement pas les mots pour réconforter son patient à qui elle doit la vie. Elle baisse les yeux, fixe ses mains jointes sur ses cuisses.


— Vous avez tort. Autrement je ne serai pas ici à tout faire pour vous sauver tous les deux, parce que j'ai une dette envers vous, ajoute-t-elle.

— Quelle... Quelle dette..? C'est de ma faute si... Si vous vous êtes retrouvée sur... Sur Wobani.

— Alors, si ça ne vous plaît pas, considérez que j'ai une dette envers vous pour avoir ramené Arienna.


Ces mots ne convainquent pas le jedi qui sait pertinemment que, s'il avait réussi, elle serait revenue du côté clair et ils auraient ensemble lutté contre son maître. S'il avait réussi, elle ne serait pas dans cet "état critique mais stable".

Toutes ces années à s'entraîner dur pour devenir un jedi, toutes ces heures à affûter son corps et sa technique, tous ces moments à en apprendre plus sur la Force, tout ce temps à aspirer devenir un duelliste au sabre hors-pair, toutes ces fois où il s'est préparé mentalement à faire face à la femme qu'il aime qui a été corrompue par le côté obscur...

Tout ça pour échouer.

Tout ça pour perdre le contrôle.

Tout ça pour ne parvenir qu'à faire douter les certitudes basées sur du mensonge de son ancienne compagne.

Tout ça pour perdre son duel et finir en charpie.

Tout ça pour assister impuissant à la démonstration de force du sith sur Arienna qui s'est écrasée contre une parfois avec une violence inouïe...

Parce que son maître avait attisé la haine de chacun, au point que Arienna se déchaîna sur celui-ci après avoir mis hors combat son ancien amant.


— Tu vas aussi me voler mon maître, c'est ça ? Tu vas vraiment tout me voler, Kieran ? Pas aujourd'hui, prononça Arienna après que son maître ait demandé à Kieran de l'achever pour devenir son nouvel apprenti.


La soignante s'éclaircit la gorge, ce qui ramène Kieran dans le moment présent.


— Bon, ce bouton-ci vous permet de m'appeler si vous avez besoin de quelque chose, ajoute-t-elle.


Kieran acquiesce seulement, sans conviction, avant de se rendre compte que les deux droïdes qui accompagnaient la femme qui le prend en charge s'affairent sur ses prothèses mais... Comment aurait-il pu le sentir ?

Les automates peints aux couleurs de l'hôpital referment de petites trappes sur les membres métalliques et sortent à la suite du docteur.

Dans cette pièce où il est dorénavant seul, une ambiance pesante s'installe tout à coup.

Kieran lève son bras gauche en étouffant un gémissement de douleur derrière ses dents serrées pour regarder la paume de cette prothèse.

Tout le déroulé de son duel défile dans son esprit pensif jusqu'à ce moment où il a décidé d'utiliser le Vaapad selon les quelques fragments qu'il restait des enseignements de maître Windu que maître Skywalker lui légua.

Il se souvient de ce flot incontrôlable de sentiments négatifs qui l'ont submergé, la puissance de sa haine et de sa colère, toute la souffrance ressentie ces dernières années qui remontait soudainement à la surface, l'envie de détruire, de tuer... Il sentit soudainement une puissance aussi incroyable que terrifiante prendre possession de son corps et de son esprit.

C'est cette perte de contrôle qui le fit perdre, parce qu'il fut assez naïf pour croire qu'il serait assez puissant et sage pour contrôler ses émotions sous cette forme qui est la plus difficile à maîtriser, la plus dangereuse aussi...

Toute cette agression pour délaisser ses défenses contre une duelliste confirmée, grave erreur...

Maître Luke doit être tellement déçu...

Kieran tourne la tête vers la fenêtre qui donne sur un paysage qu'il connaissait par cœur, fut un temps. C'est sur cette planète qu'il vit le jour, c'est ici qu'il a grandit, c'est ici qu'il fut approché par son maître, Benson Novar. C'est ici qu'il rencontra Arienna, fille d'un homme riche et influent à l'époque. C'est ici qu'il s'initia aux arts Jedi et à la maîtrise de la Force.

Il était heureux à l'époque, insouciant aussi.

Il vivait une parfaite idylle avec Arienna, sa formation se passait bien... Tout cela lui avait fait oublier que la guerre faisait rage, que les rebelles étaient traqués par les forces impériales.

Un jour, la guerre les rattrapa, cette planète fut attaquée. Les rebelles fuirent et lui, alors avec son maître pour une énième leçon, fut assailli par des stormtroopers menés par un seigneur noir des Sith dont il n'appris le nom que bien plus tard : Darth Vader.


— Fuis Kieran, tu dois partir d'ici ! hurla son maître.


Pétrifié par la peur et l'incompréhension de ce qu'il se passait tout autour de lui, il ne sut que rester là, à fixer Benson avec des yeux écarquillés brillants de son incapacité à faire quoi que ce soit.

La porte vola en éclat et une respiration aussi sinistre que synthétique se fit entendre.


— Tu dois sauver ta vie ! s'écria encore maître Novar avant qu'il ne l'éjecte hors du bâtiment avec une poussée de force.


Soupir.

C'était il y a cinq ans déjà, peut-être même un peu plus...

Ce jour-là il avait dû fuir, il avait ordre de retrouver Jaren Abrams, un contrebandier qui devait un service à Benson Novar, pour fuir la planète.

Il voulu aller chercher Arienna, lui faire quitter les lieux mais les Stormtroopers avaient déjà arrêté tous les rebelles et leurs sympathisants... La capitale était bouclée. Il n'eut d'autre choix que de se rendre au spatioport au plus vite.

Plus d'un an plus tard, Jaren lui appris qu'il avait des informations sur Arienna dont Kieran n'avait pas eu de nouvelles depuis.

Elle était vivante.

Elle avait réussi à quitter cette planète.

Mais à quel prix...

Le contact de monsieur Abrams fixa un rendez-vous : c'était un agent impérial qui l'emmena dans un piège et c'est là que tout bascula.

Un Sith entra dans la pièce alors que le jeune jedi cherchait à obtenir les informations promises. La haine et la colère de cette personne vêtue de cette armure noire et de ce casque menaçant irradiait la pièce.

Le duel s'engagea et lorsque son sabre heurta le casque et le fit tomber, il la reconnu : Arienna était là, face à lui, ce sabre rouge en main, ses yeux teintés de jaune et de rouge aux vaisseaux dilatés.

Le vide.

Le néant.

C'est ce qu'il ressentit quand son sang ne fit qu'un tour.

Et si elle avait raison ? Et s'il avait vraiment gâché sa vie ?

Nouveau soupir.

D'un revers de sa main encore en chair et en os, il essuie les traces encore humides laissées par ses larmes puis se décide à sortir de cette chambre pour trouver celle de Arienna. Après tout, son corps est certes encore engourdi et il ne sera pas aisé de marcher avec cette prothèse à laquelle il n'a pas encore eu le temps de s'habituer, mais il doit la voir.

Il est loin d'être le meilleur utilisateur de la Force de la galaxie, parce qu'il n'a fait qu'effleurer toutes les connaissances sur le sujet, mais il a appris à parfaire sa maîtrise d'un aspect de son utilisation. Fervent utilisateur de l'Ataru - la forme de combat acrobatique et très physique qui vise à submerger son adversaire d'attaques rapides et précises, il est parvenu à maîtriser la Force d'une telle façon qu'elle renforce son corps afin de courir plus vite, sauter plus haut et plus loin, pour gagner en force et affûter son esprit, pour gagner en endurance.

C'est comme cela qu'il parvient à se redresser dans son lit, sans serrer les dents à cause de la douleur qui résonne jusque dans sa tête.

Il arrache sa perfusion et les électrodes placées sur son torse, il retire sans ménagement ce machin qu'il a dans le nez puis se lève.

Son environnement n'est pas stable et il se sent nauséeux mais il lui suffit de se concentrer sur la Force qui le parcourt, sur le flot de cette énergie qui afflue en lui pour mettre en sourdine toutes les alarmes que déclenchent son corps, que ce soit les alertes physiologiques ou les électroniques venant des appareils médicaux qui s'affolent.

Il sort de la pièce et s'engage dans ce long couloir parsemé de portes surmontées d'un numéro. Nul besoin de demander dans quelle chambre se trouve celle qu'il cherche, il sent sa présence. Il ne sent qu'elle.

C'est quelques chambres plus loin qu'il trouve celle qu'il cherche et il s'arrête devant la porte.

Kieran fixe le numéro, figé sur le palier.

Nombre d'émotions s'affrontent en lui et un trac s'installe, une nervosité palpable que tout être sensible à la Force devrait pouvoir ressentir à des kilomètres à la ronde...

Il redoute de la voir, de constater son état.

Énième soupir.

Le jeune homme pousse la porte et la referme derrière lui, avant de jeter un coup d’œil vers l'intérieur de la chambre.

Quand son regard tombe sur elle, c'est un véritable choc.

La jeune femme est là, étendue et immobile. Ses mains sont elles aussi posées sur ces socles alors qu'aucune prothèse ne semble avoir été posée. Son visage, tourné vers la fenêtre, est marqué et livide, boursouflé à plusieurs endroits. Son crâne est entouré d'un impressionnant bandage qui maintient à plusieurs endroits des compresses assez imbibées de sang pour que ce liquide soit visible sous forme de tâches.

Il n'ose plus bouger. Il manque un battement, son sang de glace.

Le vide.

Le néant.

Tout à coup ses pensées se taisent, maintenant confronté à l'ampleur des dégâts.

La présence de toutes ces machines auxquelles Arienna est branchée pour respirer artificiellement ou pour injecter toutes sortes de produits ayant pour fonction de la maintenir en vie, tous ces bips sonores et réguliers, le bruit des pompes de la respiration assistée, le son de ses inspirations et expirations amplifié par l'appareil, cette courbe d'activité cardiaque, tous les branchements et tubes qui relient la rousse à tout cet attirail...

Rien de tout cela n'intimide le jeune homme, ces choses passent en second plan.

Non, ce qui l'impressionne le plus c'est comme elle semble misérable dans ce lit bien trop grand pour elle et où elle semble minuscule. Sa position ne semble pas vraiment naturelle et accentue cette sensation de faiblesse, de vulnérabilité, de...

Kieran s'avance, pas à pas, jusqu'à rejoindre ce petit tabouret qui trône juste à côté du lit.

Il s'y laisse lentement tomber et observe une nouvelle fois le corps étendu là qui semblerait sans vie s'il n'y avait pas cette respiration et tous ces appareils dont la cacophonie n'est déjà plus qu'un bruit blanc.

Ses yeux tombent enfin sur son visage et, malgré le fait qu'il soit tuméfié et présente encore ces tatouages immondes, il la trouve magnifique.

Aussi étrange que cela puisse être, ce n'est pas un sentiment d'une beauté physique mais... C'est la sensation que le fait qu'elle soit encore en vie, qu'elle respire, illumine sa personne.

Prenant son courage à deux mains, Kieran se saisit délicatement de la main d'Arienna qu'il se met à caresser timidement.


— Ari, c'est moi... prononce-t-il sur un timbre presque assez bas pour être un murmure.


Là, la rousse est saisie d'un spasme qui pétrifie le jedi qui n'ose plus bouger ni parler, même pas respirer. Le visage de la jeune femme se tourne vers lui et sa main libre s'agite dans les airs avec des mouvements étranges alors que l'autre côté de son corps ne bouge pas, ses muscles ne se tendent même pas.

L'expression de son visage change, elle semble froncer, seulement du côté droit.

Est-ce la douleur ou bien sa présence ?


— Ari, je... Je suis désolé.

A ces mots, le rythme cardiaque de la sith s'accélère. Kieran fixe le graphique pendant une longue seconde, pas certain de lui rendre service en présentant ses excuses mais décide de continuer.

— J'ai échoué... J'ai échoué à te sauver.

Le chiffre représentant le nombre de battements par minute grimpe encore.

— Je n'étais pas assez fort pour te sauver... Mais je sais que tu vas t'en sortir et... Je te promets que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te ramener, pour t'aider, pour t'épauler, pour me racheter.

Le silence retombe pendant quelques secondes, un moment pendant lequel Kieran constate - impuissant - que le rythme cardiaque continue de grimper.

— Ari, je t'aime, tu le sais ?

Cette fois, le graphique fait un bond un peu plus prononcé puis commence à retomber.

— Je t'aime tellement...

A ces mots, Kieran tire délicatement cette main qu'il tient précieusement dans la sienne pour y déposer un baiser.

— J'avais oublié comme tes mains sont douces...


L'envie de pleurer s'invite à nouveau et s'intensifie de concert avec le sentiment d'impuissance qu'il ressent.


— Traumatisme crânien et hémorragie interne... Mais je suis certaine qu'elle va s'en sortir, prononce une voix féminine, la même qui était là à son réveil, celle du docteur Riegel.

Kieran s'efforce de ne pas fondre en larmes et cela réveille sa migraine avant de rendre sa gorge plus douloureuse encore. Ses doigts se crispent sur la main de la rousse.

— Votre présence semble apaiser son agitation mais elle semble en même temps nerveuse, c'est étrange...


Kieran ferme les yeux et sonde la Force pour percevoir les émotions de la jeune femme dans le coma.

Colère, haine, frustration, nervosité... Tout ce qu'il ressentait pendant leur duel mais il y a, de plus, de l'incompréhension et de la peur... Puis quelque chose de nouveau.

Là, derrière ces sentiments puissants qui irradient dans l'énergie, une petite lueur faible parvient à maintenir sa flamme. De l'espoir ?

Oui, c'est de l'espoir.


— Tous les deux on y arrivera, tous les deux nous sommes plus forts que tout... murmure-t-il.


Lorsqu'il termine sa phrase, cette petite flamme semble s'intensifier quelque peu, enhardie au point que le rythme cardiaque redevienne calme et stable.


— Venez avec moi monsieur Kieran, puisqu'elle peut nous entendre, j'ai certaines choses à vous dire.


Le Jedi renifle bruyamment, repose doucement la main puis suit le docteur dans le couloir.


— Bon... L'hématome cérébral est assez impressionnant et je doute qu'il puisse se résorber sans laisser de séquelles, annonce la soignante.

— Des séquelles..?

— Oui. Vous l'avez peut-être remarqué mais elle est paralysée du côté gauche.

Aucune réponse.

— Il est difficile de savoir si c'est temporaire ou si elle gardera ce handicap mais étant donné la gravité de son état, si elle se réveille, il se pourrait qu'elle ait des difficultés de compréhension, qu'elle perde l'usage de la parole ou encore ait l'impossibilité de se mouvoir seule.

Toujours aucune réponse de la part de Kieran qui ne bouge pas, le regard écarquillé posé sur le docteur.

— Maintenant, nous devons attendre que l'hématome se résorbe. Nous verrons par la suite. Cela pourrait prendre seulement quelques jours comme plusieurs semaines. En espérant qu'elle se réveillera et là nous pourrons voir à quel point le cerveau se sera remis.

Un soupir se fait entendre.

— Merci, docteur...

— Je ne fais que mon travail.

— Certes... lâche Kieran dans un souffle, abattu.

— Allez vous reposer. Je ne comprends déjà pas comment vous pouvez tenir debout alors faites-moi le plaisir de prendre du repos avant de passer votre temps à son chevet.

Il acquiesce seulement, sans conviction.

Il fait si froid, tout à coup...

Un droïde approche, poussant un fauteuil roulant dans lequel le docteur fait assoir le jedi.

Une fois de retour dans sa chambre et installé dans son lit, un deuxième droïde entre dans la pièce avec un plateau repas.

Kieran ne s'attarde pas trop à détailler les différentes barquettes disposées là sauf sur un petit emballage qui laisse deviner un dessert à base de pâte sablée.

A la vue de la nourriture, il sent son estomac se serrer et une sorte de dégoût s'inviter à l'ensemble d'émotions qui mettent le boxon dans son esprit. Est-ce que ses blessures auraient déréglé quelque chose chez lui ? Comme perte d'appétit et mauvais transit ?

Le dégoût s'intensifie lorsqu'il passe sa langue sur des dents sales, en témoigne le contact rêche.


— Coquillettes et papillote d'anguille Mon Calamari, annonce le droïde.

— Mh, pas le mieux pour un pique-nique... se plaint le patient.

Le docteur sourit à sa plaisanterie.

— Nous sommes pourtant dans la saison idéale.

— Alors, j'ai le droit à une glace..? demande Kieran qui n'est pas très emballé par le gâteau de pâte sablée dans son emballage qui devrait le rendre un peu mou.

Madame Riegel rit cette fois, heureuse qu'il semble reprendre du poil de la bête.

— Reposez-vous, d'abord.


Sur ce, elle s'en va, suivie des droïdes, laissant le jeune homme encore une fois seul dans cette pièce déprimante.

Un nouveau coup d’œil à son repas... Sans même avoir ouvert les emballages ni senti il sait que ce sera insipide. Lui qui cuisinait beaucoup quand Arienna et lui vivaient ensemble, un petit plat aurait aidé pour le moral mais ces machins sous vide...

En y repensant, c'est vrai que Arienna a beaucoup de talent mais la cuisine n'en a jamais fait partie. Même s'il s'est efforcé de lui apprendre les bases, elle s'est toujours débrouillé pour faire foirer quelque chose à un moment donné...

Il en sourit.

Un sourire qui s'intensifie lorsque le mot "pique-nique" qu'il a employé plus tôt lui revient et qu'il se souvient d'une soirée mémorable qu'il avait préparé à sa belle pour son anniversaire, il y a cinq ans. Il avait cuisiné son plat préféré l'après-midi, pendant qu'elle bossait à la boutique de son père, puis avait préparé un pique-nique sur les hauteurs de la région montagneuse qui borde la capitale, un endroit qui était particulier dans leur relation.

Là, entre les montagnes, un lac magnifique dont les plantes aquatiques sont phosphorescentes trône, un endroit magique qui, encore aujourd'hui après des années à parcourir la galaxie, fait partie des plus beaux qu'il n'ait jamais vu.

Il lui avait seulement demandé de le rejoindre là, au coucher du soleil.

Elle l'avait rejoint pile à l'heure et il se souvient encore comme elle était magnifique ce soir-là. Arienna avait opté pour un bikini blanc qu'elle avait très bien choisi, comme d'habitude, pour mettre en valeur ses formes. A sa taille elle avait noué un voile légèrement transparent aux couleurs pastel parsemé de motifs floraux qui ne dissimulait que partiellement ses longues jambes. Il faisait tellement chaud ce jour-là, une température étouffante comme c'est souvent le cas en période estivale sur cette planète, qui justifiait sa tenue choisie avec goût et qu'elle pouvait se permettre de porter tant elle était sûre d'elle.

La jeune femme était resplendissante.

Kieran soupire.

Tout ça est tellement loin derrière eux maintenant... Depuis, la guerre les a rattrapés, ils se sont tous deux retrouvés dans un camp et, aujourd'hui, ils doivent panser leurs blessures.

Il doit la ramener.

La Nouvelle République, le Nouvel Ordre Jedi, la Force, les responsabilités... Au diable tout ça. Il veut retrouver Arienna, il veut partager de nouveau sa vie avec elle.

Qu'importe si elle est infirme, rien ne pourra plus jamais s'interposer entre eux.

S'il le faut, il se tournera vers le savoir sith. S'il le faut, il détruira des étoiles. S'il le faut il partira en croisade contre tout ce qu'il a défendu ces dernières années.

Elle s'en remettra et reviendra du côté clair, quoi qu'il en coûte.

Mais d'abord, pour le courage, il lui faudrait un verre de whisky coréllien.




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