Weechu Ehda Ehda!

Chapitre 1 : Weechu Ehda Ehda!

Chapitre final

2007 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/10/2025 14:46

Weechu Ehda Ehda!



Le vent avait tourné, emportant avec lui la piste olfactive que suivait le chasseur.

La pression atmosphérique avait chutée, annonçant la pluie qui effacerait les traces déjà bien sporadiques de sa proie.


Quelques jours plus tôt un oiseau d'acier avait tranquillement traversé le ciel. Un oiseau différent de ceux qui déposaient régulièrement les géants en armures blanches. Le chasseur le savait, il s'agissait d'une menace différente.

Si les géants blancs arrachaient les arbres à l'aide de machines, le nouveau venu pouvait éventuellement avoir un dessein tout autre que de s'en prendre a la forêt.

Chukha-Trok savait que les tempêtes malmenaient les arbres avant d'éclater en orage. Si le destin s'en prenait à la forêt, alors sa foudre allait bientôt suivre, et le guerrier comptait l'affronter avant qu'elle ne frappe.


Le pétrichor lui fit presser le pas, mais il pesta dès les premières gouttes en ajustant son capuchon de cuir...

La traque allait devoir attendre. Le chasseur savait que si la pluie imbibée sa fourrure, alors, il pouvait dire adieu à l'effet de surprise au premier vent contraire.

À l'aide des lianes et d'autres plantes grimpantes, et après avoir repassé sa lance dans son dos, l'ewok se hissa puis se blottit dans le creux d'une vaste branche. Abrité de la pluie par l'auvent que lui faisait un large enchevêtrements de rameau feuillu, Chukha-Trok ne mit pas longtemps à s'endormir.


Le jour ne s'était pas encore levé lorsqu'il ouvrit les yeux. Il renifla l'air constatant que la pluie avait effacée la piste qu'il suivait.

En guise de petit déjeuner, il tira une poignée de baie de l'un des petits pochons qui pendaient à sa ceinture. Il en était intimement convaincu, quelque chose de plus dangereux que les géants blancs était descendu du ciel, son instinct de chasseur ne pouvait pas le tromper.


Sa quête le mena à proximité du chantier de l'armée blanche.

Les constructions des soldats casqués étaient achevée et consistaient en un bâtiment de béton ainsi que d'une plateforme surmontée d'une gigantesque parabole.

La petite taille de Chukha-Trok était un atout, et son pelage sombre lui permettait de se fondre dans les ombres des buissons.

Mais le site semblait abandonné. Ce qui n'avait aucun sens au vu du temps et de l'effort investi.


Après des jours de traque, le pisteur eut finalement confirmation que son instinct était juste. Quelque chose de désagréable dans l'air. Une odeur métallique qu'il connaissait bien.

Celle du sang.

Ce n'est qu'après avoir identifié ce qui lui avait retroussé le nez qu'il vit le massacre.

Derrière l'angle du bâtiment de béton, des membres tranchés gisaient : torse, bras, jambes... Dans leurs restants d'armures brillantes sous le soleil, taillées avec une précision qui n'avait rien d'animal, les chaires suintaient d'une épaisse hémoglobine. Au-dessus de l'amas de corps en morceau voletaient un nuage noir de mouche que Chukha-Trok chassa vivement de la patte.

Avec un certain dégoût, il se résigna à glisser la main entre l'armure et la peau d'un avant-bras.


La créature à l'origine de ce massacre ne devait pas être partie loin : les restes de corps n'avaient pas encore refroidi.


Le chasseur Ewok se figurait finalement l'ampleur de la perversité de sa proie : Les casques, qui contenaient les têtes des soldats de l'Empire, avaient été emportés.

Se relevant le chasseur constata que le béton avait été taillé en plusieurs endroits. Dans les rainures brillait faiblement un restant de métal, indiquant l'utilisation d'une arme blanche extrêmement tranchante.

Il n'osait pas imaginer ce monstre atteindre le village, atteindre son village, atteindre les siens…


De retour à la clairière, le pisteur poilu repéra une empreinte dans la boue que le soleil faisait lentement durcir : une trace de pied étrangement palmé, se terminant par une rangée de griffes. Plus important, l'empreinte était profonde.

Ce qui indiquait une créature massive, certainement grande, possiblement musclée et discrète au vu du nombre de soldats qu'elle avait tailladé.


L'investigation scrupuleuse de Chukha-Trok l'emmena ensuite jusqu'à l'antenne.

Il y trouva le corps d'un homme en uniforme gris qui avait subi plusieurs fois le feu d'armes à énergie. Il était tiède lui aussi.

L'armée de l'Empire n'avait accordé que peu d'intérêt aux habitants de la lune forestière Endor, considérant les Ewoks comme de simples peluches sauvages.


Un frisson lui parcourut le pelage, incitant le traqueur à un regard circulaire sur la forêt qui entourait l'installation. La faune s'était tue.

Le souffle du matin donnait un léger mouvement de balancier aux branches, faisant mollement craquer les arbres.


Quelque chose dans les branchages l'observait, une force invisible. Chukha-Trok la devinait. Si sa proie ne se révélait pas à lui, un plan se dessinait dans le crâne de la pugnace peluche.


De nouveau face au bâtiment de béton, l'ewok observa le ciel.

Gravure mouvante dans le marbre du ciel, la planète Endor continuait sa course en direction de l'astre du jour.

Le chasseur savait qu'il devait mettre à profit les quelques heures qui lui restaient avant la nuit.


L'un des Troopers qu'il pensait mort roula sur le côté, l'arme au poing. Chukha-Trok fit tomber son arc de son épaule à la paume de sa main. À peine armée que la flèche fut propulsée. Elle se planta dans le casque blanc du soldat. La tête éclata, mais pas sous l'effet de la flèche. Un tir d'énergie avait frappé la cible au même moment.

Le corps du Trooper s'affala mollement, souillé par les morceaux de chair de son crâne explosé.


À quelques mètres au-delà du cadavre s'élevaient dans l'air de discrètes ondulations de lumière, similaire à ces mirages de chaleur que produisent parfois les fortes journées d'été.

Chukha-Trok plissa les yeux. Il faisait humide, froid, et surtout, les vagues dessinaient une silhouette à bien y regarder. Sa traque venait d'aboutir. Un réflexe musculaire plus tard, sa flèche fila en direction de la créature. Le projectile fut tranché net en plein vol.

Il pivota sur lui-même, évitant de justesse le tir d'une arme à énergie, dont la rafale lui avait roussi les poils de l'épaule.

-Na goo! Den! Pesta-t-il, les dents serrées.

Le courageux petit Ewoks venait de devenir la proie.


Il se lança dans une fuite en zigzag, évitant dans la manœuvre une nouvelle série de tirs, avant de disparaitre en roulade sous un buisson.

Chukha-Trok dévala une pente raide, roulant, glissant. Son petit corps rembourré fut frappé par plusieurs branchages, éraflé par le tranchant de rochers qui émergeait de-ci de-là.

Lorsqu'il se releva, sa cape en peau était déchirée, son arc brisé, et l'épaule qu'il tenait de sa main douloureuse était très certainement démise. Un long râle guttural s'éleva dans les cieux grisâtres de la lune d'Endor. L'ennemi annonçait ses intentions.


Le guerrier velu entama une course désespérée dans la direction opposée. Il ne fuyait pas. Il comptait bien passer de proie à appât. Le plan qui venait de germer entre ses oreilles rondes ne fonctionnerait peut-être pas, mais éloigner, ne serait-ce que provisoirement, ce prédateur de son village valait de prendre tous les risques.


Sa course était désespérée, certe, mais résignée. Chukha-Trok savais parfaitement où diriger son ennemi. A moins que cet étranger sache voler, la chute volontaire de l'ewoks lui avait fait gagner quelques kilomètres d'avance.

Il dénoua la masse de bois et de pierre qui dansait sur ses côtes, puis l'enserra d'une poigne ferme, tout en évitant les branches basses de la forêt.


Les oiseaux s'envolaient dans la canopée, les raclements gutturaux se firent de nouveaux entendre.

Chukha-Trok en était maintenant persuadé, il avait affaire a un démon.

De nouvelles rafales firent voler éclats une antique souche non loin du guerrier. Peu importe, il avait atteint son objectif.

Il se lança sur un pente douce, glissa, moins violemment cette fois-ci, puis atterrit sur les abords d'un étang où dormait une eau peu profonde. Le point d'eau était était encaissé, entouré de falaises surmontées d'arbres.


Une explosion éclata la surface de l'eau, sous l'impact d'une lourde masse qui venait d'atterrir en son centre. Les effets de transparence de la créature furent parcouru d'interférences bleutés, puis s'estompèrent.


C'était un géant aux yeux de Chukha-Trok.


D'aspect reptilien, visiblement essoufflé et énervé, le predateur avait le visage dissimulé par un masque plat de métal aux yeux écarlates lumineux. Son crâne eut un mouvement nerveux, faisant danser ses lourdes tresses.

Sa peau verte tendu par une musculature ciselée, le torse couvert d'un filet a large mailles, il n'était vêtu que d'un pagne sombre ainsi que de quelques pièces d'armures usée sur les avant-bras et les jambes.

Il portait, en revanche, de larges et étranges épaulières qui semblaient maintenir dans son dos une haute lance. Le reste de son équipement pendait, accroché a ses hanches. De sa main gauche, la créature y décrocha une lame circulaire


Chukha-Trok en avait fait tomber de plus grand et de plus moche.


La créature tendit son corps pour s'élancer, mais resta sur place, les chevilles contraintes par la vase.

Le chasseur Ewoks eut un rire nerveux, triomphant, alors qu'il s'élançait vers son ennemi. Celui-ci leva le bras, un canon émergea de son épais gantelet brillant.

Un coup de massue eut raison de l'arme, ainsi que de quelques doigts au passage.

Chukha-Trok glissa sur la vase entre les jambes de la créature qui lui lacéra le dos de son disque.

Du tranchant de son couteau de pierre, la peluche trancha les ligaments du Predator au niveau des genoux, déversant par la même occasion des giclées d'hémoglobine vert fluorescent dans l'eau brune.

Il contourna l'ennemi désormais à genou, mais celui-ci empoigna la gorge de Chukha-Trok de sa main meurtrie.

Le sang coulait, épais, au travers le pelage du guerrier Ewok, le long de son dos, s'échappant de sa blessure. L'air commencé à lui manquer.

Son ennemi leva sa lame circulaire, émettant un cliquetis guttural triomphant.


Dans un ultime effort, Chukha-Trok abattit son marteau sur le disque, brisant quelques doigts supplémentaires au prédateur qui relâcha sa prise.

L'ewoks tomba lourdement dans l'eau. Il ramassa précipitamment le disque, qu'il remonta d'un geste puissant vers le haut, ouvrant le torse de la créature.

Le monstre poussait des hurlements de rage, une main sur la plaie, alors que son adversaire regagnait le bord de l'étendue d'eau.

De son autre main, le Predator retira lentement son masque, dévoilant des crocs, cadrés de mandibules pointues. Ses yeux étaient emplis d'une fureur incontrôlable.

Il venait d'échouer face aux plus improbables des adversaires.

-Weechu Ehda Ehda*! Constata Chukha-Trok, se redressant douloureusement.


Il enfonça la patte dans l'un des buissons, saisi la corde tendue qui le traversait puis tira d'un coup sec.

Des hauteurs autour de l'étang déroulèrent alors des avalanches successives de roches et de pierres de toutes tailles, massives et impressionnantes. Des vagues ininterrompues d'éboulis frappèrent l'ennemi, cassèrent son corps, brisèrent ses os dans un vacarme digne du pire des tonnerres.

La tribu avait prévu ce piège en espérant capturer un Gorax, ces géants dévoreurs d'Ewoks, le prédateur n'avait aucune chance.

Se laissant tomber, assis au bord de l'eau, Chukha-Trok regardait le bras vert inerte qui émergeait de l'amas de roches.


Il se demandait quel goût cette nouvelle viande pouvait bien avoir.








*One Ugly Motherfucker. (Pour citer le philosophe Arnold Schwarzenegger)

Laisser un commentaire ?