L'Eclosion du Mal

Chapitre 2 : Chapitre Un

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:56

J'habitais dans les niveaux médians de Coruscant, dans une zone pas très éloignée des secteurs industriels. Ce n'était pas par choix que je m'étais installé ici : lorsque j'étais arrivé sur le monde capitale, cinq ans auparavant, je n'avais pas un crédit devant moi. On ne pouvait pas dire que la situation s'était améliorée avec le temps. Je vivais chichement, surveillant la moindre de mes dépenses. Je ne sortais presque jamais, l'essentiel de mon temps était consacré aux études. Et ces dernières venaient juste de s'achever. Cinq ans de travail acharné, allant jusqu'à mettre en péril ma santé et je terminais second. Quelle injustice !
Le taxi me déposa à quelques encablures de chez moi. Je payais la course et descendais du véhicule qui repartit aussitôt : le quartier n'avait pas bonne réputation. Sans atteindre le niveau de non-droit du Corridor Écarlate, il était recommandé aux touristes d'éviter cette zone de Coruscant. Pour ma part, je ne m'étais jamais habitué à ces longues avenues grisâtres et crasseuses qui charriaient une perpétuelle odeur d'égout et même le soleil couchant ne parvenait pas à insuffler la vie dans cette horreur visuelle. Ce n'était pas par choix que je m'étais installé ici, l'unique avantage que j'y trouvais était le bas loyer. Je m'étais promis de m'offrir un superbe appartement sitôt que je serais engagé par le cabinet Krane mais il fallait croire que cela aussi venait de me glisser entre les doigts.
Tout en marchant, je bloquais ma respiration pour ne pas trop être incommodé par l'odeur. Je vivais dans un véritable cloaque, voilà la vérité. Durant ces cinq dernières années, cela avait été supportable : je passais l'essentiel de mon temps à la faculté, ne rentrant chez moi qu'une ou deux fois dans la semaine. Mais désormais, les cours étaient terminés. Et je devrais fréquenter ce quartier pouilleux encore un long moment.
Je fis un écart pour éviter un toydarien à l'aspect misérable qui mendiait adossé contre un mur. Ses ailes qui voletaient à un rythme ridicule étaient incapables de le maintenir en suspension. Il racontait son histoire à qui voulait l'entendre : qu'il était une victime innocente de la Guerre des Clones, blessé par les séparatistes. Je détournais la tête alors qu'il m'apostrophait. Il avait du culot de remettre la guerre sur le devant de la scène : nous avions gagné depuis quatre ans.
Est-ce qu'il n'était pas temps de tourner la page et de passer à autre chose ? Et puis un toydarien pauvre, sans vouloir être xénophobe, cela sonnait curieusement à mes oreilles. Les toydariens étaient des êtres cupides, tout le monde le savait. Le moindre crédit qu'ils trouvaient, ils le mettaient de côté, ne le dépensaient jamais. Alors un toydarien suffisamment dans la misère pour demander l'aumône...non, je n'y croyais pas une seconde.
Je n'étais pas spéciste. Je comptais beaucoup d'amis non-humains. Ma propre petite amie n'était-elle pas une zabrak ? Simplement, je pense que j'étais en droit de me poser des questions, c'est tout.
Je gagnais rapidement le hall d'immeuble délabré où j'habitais. La tour avait été construite sans aucun goût esthétique, presque un monceau de parabéton pur. Oh bien sûr, à des kilomètres plus haut, la construction était bien plus belle, recouverte de transparacier avec des miroirs pour refléter le soleil. Mais pas à ce niveau là. Pour être tout à fait clair, on ne pouvait pas accéder aux étages supérieurs depuis ma zone de l'immeuble. Les turboélévateurs nous étaient inconnus et un amas de planches, barrait tout contact avec le monde du dessus. Mais je m'en moquais. Je ne me sentais pas faisant partie de ce quartier. Il aurait pu brûler, je n'aurais rien fait pour le sauver des flammes.
Je grimpais les escaliers quatre à quatre pendant de longues minutes pour enfin atteindre l'étage où je vivais. Trois appartements - quoique studios seraient un mot plus approprié - se partageaient le palier. Je connaissais un peu le voisin qui habitait en face de chez moi : c'était un homme d'une cinquantaine d'années, ancien employé de l'administration coruscanti qui était parti à la retraite voici une demi-dizaine d'années. Nous échangions quelques mots lorsque nous nous croisions, dînions chez l'autre environ une fois par an. C'était un homme calme et discret. Un parfait voisin.
Je ne pouvais pas en dire autant de l'autre : sorte de musicien de jizz au rabais, il passait le plus clair de son temps à souffler dans son bandfill et à en tirer des sons atroces. Lui et moi nous étions plusieurs fois disputé à ce sujet mais il n'avait jamais arrêté de jouer. Quant à mes plaintes auprès des Forces de Sécurité de Coruscant et bien...autant ne pas en parler.
Je glissais ma carte magnétique dans le lecteur prévu à cet effet et je poussais la porte de mon appartement. Lorsque elle se referma derrière moi, je fus englouti par le noir. L'espace d'un moment, je ne fis rien, comme si être dans cette noirceur m'aidait à faire le point sur la situation. Mais non, cela ne m'était d'aucun secours. Je tâtonnais à la recherche de l'interrupteur et je le pressais. La mauvaise lumière jaune des lampes me déchira les yeux. Elle se reflétait parfaitement sur les murs blanchâtres, leur donnant un aspect maladif. Je me hâtais d'ôter ma toge universitaire pour passer des vêtements plus commodes. J'arrivais dans la pièce principale, qui faisait à la fois office de chambre, de salon, de salle à manger et de cuisine pour me diriger vers ma penderie. J'ôtais de ma robe tous les papiers qu'elle contenait, diplôme y compris et j'en défis les boutons, l'arrachant presque à mon corps tant son contact me rappelait mon échec.
La simarre et le rebat furent eux aussi roulés en boule et jetés au sol sans ménagement. Je passais un pantalon de toile kaki et une chemise blanche, sans motif aucun. Je laissais les derniers boutons libres afin de pouvoir respirer un peu. Je refermais les portes de la penderie et pris sous le bras mes vêtements universitaires. J'allais jusqu'à la salle de bain, la deuxième pièce de mon studio pour y déposer les vêtements dans le sac de linge sale. Alors que je m'en allais, ayant terminé ma besogne, je croisais mon reflet dans le miroir. Je me vis, du haut de mon mètre soixante, avec mes cheveux blonds en bataille et mon physique ordinaire. Mais ce n'était pas cela qui me frappais. Je venais de terminer cinq ans d'études à la faculté de droit de Coruscant. Je faisais partie de ceux qui étaient allés jusqu'au bout. Mes yeux verts auraient dû resplendir de fierté. Mais aujourd'hui, on ne distinguait presque aucune couleur dans mes prunelles. Ils n'étaient pas émeraudes. Juste glauques.
Je repensais à la victoire de Kolba'ra et la nausée me saisit de nouveau. Mais cette fois-ci, je ne pus me retenir : je me précipitais au dessus de la cuvette des toilettes, m'y penchais et vomis. N'ayant rien mangé de la journée, je ne pus régurgiter que de la bile, au prix de douloureux maux de ventre. Enfin, au bout d'un temps interminable, les spasmes cessèrent. Je tirais la chasse et titubant à moitié, je m'adossais contre le carrelage craquelé des murs. La scène passait et repassait dans ma tête. Je voyais Kolba'ra et son petit sourire suffisant faire le beau devant nos camarades et nos professeurs.
Je restais à proximité des toilettes encore quelques minutes au cas-où jusqu'à ce que je trouve la force de me lever. J'étais horriblement fatigué et je grelottais. J'allais passer un pull en laine de gabal et ouvrit le frigo. J'avais toujours l'estomac noué mais j'avais besoin de manger pour récupérer de l'énergie. Je me saisis d'un nerfburger que j'avais laissé là la veille. J'allais m'affaler sur le canapé et mangeais sans plus attendre. Froide, la viande de nerf n'avait aucun goût mais c'était peut-être mieux ainsi. Mon estomac ne protesta pas. Alors que j'avalais ma dernière bouchée, je me rendis compte que je mourrais de soif : les muqueuses de ma bouche étaient complètement desséchées. Je retournais au frigidaire et y pris une brique de jus de fruit. Je bus directement à la bouteille, jusqu'à la vider. Puis, j'écrasais le carton avant de le jeter dans le bac qui irait à l'incinérateur de l'immeuble si ce dernier n'était pas encore une fois hors service.
Puis, j'allais me rassoir sur le canapé, n'osant rien faire. Je ne voulais pas allumer l'Holonet, de peur de tomber sur un reportage sur la remise des diplômes et je ne voyais rien à faire pour me changer les idées. Alors je me bornais à attendre, sans bouger. Au bout d'une demi-heure d'immobilité totale, je tournais la tête lorsque la porte du studio s'ouvrit et que ma petite amie, Dontika, pénétra dans l'appartement. Il devait s'être mis à pleuvoir dehors à en juger par l'eau qui gouttait de ses cornes et qui s'était fichée dans sa chevelure. Elle ôta son manteau et son sac et passa à la salle de bain prendre une serviette pour se sécher. Elle revint très peu de temps après auprès de moi, au salon.
_Je me suis faite surprendre par la pluie en sortant du travail, expliqua t-elle en souriant et en s'essuyant les cheveux. J'étais sûre qu'aujourd'hui avec le beau soleil qu'on avait, je n'aurais pas besoin de parapluie. Et bien sûr, j'ai eu tort, dit-elle en gloussant.
Entendre son rire me fit du bien. Je crois que c'était la chose la plus agréable que j'ai entendue aujourd'hui. Même si notre couple n'était pas toujours au meilleur de sa forme, j'étais vraiment content qu'elle soit là, avec moi.
Elle s'assit à mes côtés, séchant à présent ses cornes :
_Et toi ta journée ?
_Je suis allé à la remise des diplômes, dis-je d'un ton neutre.
Elle posa sa main sur mon bras :
_Écoute, je sais que j'aurais dû être là-bas avec toi, je suis désolée. Si j'avais pu manquer le travail aujourd'hui, je te jure que je l'aurais fait.
_C'est pas si grave, lui assurais-je.
_Si, insista t-elle. Je suis ta petite amie, nous vivons ensemble. J'estime qu'il est normal pour un couple de se soutenir.
_Sûrement, répondis-je d'un ton détaché.
_Qu'est-ce qui se passe ? demanda t-elle, soudain inquiète. Tu n'as pas eu ton diplôme ? Ils t'ont refusé ?
_Non, non, la détrompais-je. C'est bon, j'ai eu mon diplôme.
_Mais c'est génial ! s'exclama t-elle en se jetant dans mes bras. Ça y est, tu l'as ton diplôme pour lequel tu travailles depuis cinq ans !
_Oui. Mais ce n'était pas pour ça que j'avais tant travaillé.
Elle haussa un sourcil :
_Je ne te suis plus Alsh. Tu pourrais être plus clair ?
_Je voulais finir premier de ma promotion, pour travailler au cabinet Krane.
_Et c'est pas ce qui s'est passé, avança t-elle.
_Non, c'est Kolba'ra qui termine major. Moi, je ne suis que numéro deux.
_Hé ! Tu fais deuxième sur dix-mille. Moi, j'appelle ça un très bon score, m'assura t-elle.
_Un bon score de numéro deux, gémis-je en fixant mes pieds.
_Alsh, commenta t-elle en me prenant le visage entre ses mains et en me forçant à la regarder droit dans les yeux. Je vais être plus claire : je suis fière de toi. Tu es un garçon intelligent et doué. On s'en moque si Krane ne t'engage pas. C'est pas le seul cabinet de Coruscant, si ?
_C'est le meilleur, soulignais-je.
_Et alors ? renchérit-elle. Tu n'es pas obligé de travailler pour la meilleure boîte de la planète. Je suis certaine que les autres cabinets payent grassement leurs avocats eux-aussi.
_C'est pas l'argent que je veux, soufflais-je en retirant les mains de Dontika de mon visage. C'était prouver au monde que j'étais bon à quelque chose.
_Et tu vas le faire, dit-elle avec assurance. Tu trouveras du boulot dans un bon cabinet, ici ou ailleurs. On est pas obligés de rester sur Triple Zéro. Dans le Noyau aussi, ils ont besoin d'avocats. Et ils t'engageront. Ils le feront parce que tu es bon dans ce que tu fais. Tu sais plaider et tu t'en tireras bien.
J'allais objecter lorsque elle posa son index sur mes lèvres.
_Tu t'en tireras bien, reprit-elle. Et je veux que tu saches ceci : je t'aime. Je t'aime depuis le premier jour où on s'est rencontrés dans ce parc et je t'aimerais jusqu'au bout, quoique tu fasses. Quoique tu fasses, m'assura t-elle en me souriant.
Elle se pencha vers moi et me donna un long baiser. Elle continua à m'embrasser jusqu'à ce que je bascule contre une des extrémités du canapé. Elle jeta la serviette qui entourait ses cheveux sur le sol de l'appartement, m'ôta mon pull et se mit à défaire les boutons de ma chemise. Je me laissais faire avant de répondre moi aussi à ses caresses.
Nous nous endormîmes après l'amour et je m'assoupis blotti contre elle. Lorsque j'ouvris un oeil, je constatais qu'il était une heure du matin et que j'avais très faim. Dontika dormait toujours, serrée contre moi. Je m'écartais délicatement d'elle et quittais le canapé sans faire de bruit. Je me dirigeais jusqu'au frigo pour constater qu'il était vide.
Il fallait que j'aille faire les courses. Mais à cette heure-ci, rien n'était ouvert..à part la petite épicerie d'en bas de la rue, juste à côté de chez-moi. Elle restait ouverte toute la nuit. Je préférais éviter d'y aller le soir, à cause des bandes qui traînaient non loin. Mais je n'avais pas le choix, j'avais vraiment trop faim. J'enfilais mes habits, pris quelques crédits et mon passe. Avant de partir, je revint prêt du canapé, relevais la couverture de celui-ci pour que ma petite amie n'attrape pas froid, déposais un baiser sur son front et quittais notre studio.

Je courrais presque dans les escaliers et dans la rue. Je ne tenais pas à rester dehors une minute de plus que le temps nécessaire pour acheter de quoi caler ma faim. Je ferais vraiment les courses tout à l'heure, quand il ferait jour.
La nuit, mon quartier était encore plus sinistre. Il n'y avait pas un voorpak dans les rues. Les clochards étaient rentrés au chaud sous une porte cochère et seuls quelques petits groupes de marginaux se tenaient ça et là, à l'écart. J'eus un frisson et hâtais le pas. Je tournais dans une petite ruelle encore plus sombre que le reste de la rue pour rejoindre l'épicerie dont je voyais les néons briller au loin dans la nuit coruscanti. J'étais au milieu de l'allée quand une silhouette, suivie d'autres se dressèrent devant moi pour me faire obstacle. Malgré la pénombre, je reconnus le leader tout de suite : Dweik.
C'était un rodien qui se prenait pour le chef de la pègre du quartier. Lui et sa bande, également des rodiens n'étaient pas dangereux, pour peu qu'ils n'aient pas bu. Et à en juger par l'odeur infecte qui émanait d'eux, ce n'était pas le cas.
_Hé, ricana Dweik, regardez qui voilà. Notre ami l'avocat !
Depuis que Dweik avait découvert que je suivais des études de droit, il ne perdait pas une occasion de m'insulter ou de me mépriser sur ce terrain là.
_Laisse moi passer, dis-je avec force.
_J'crois pas, déclara t-il, provoquant l'hilarité de sa bande. Tu sais qu'on a entendu parler de toi sur l'Holonet ?
Un de ses doigts ventousés gratta son groin vert écailleux.
_Ouais, lança un de ses compagnons c'est vrai. Au résultats de l'université de droit. On savait pas que t'étais aussi bon, dis-nous !
Nouveaux éclats de rires chez les rodiens. J'essayais de passer mais ils me barraient le chemin.
_Pas si bon que ça, dit un troisième membre de la bande. Finir deuxième quand même...
Il ne finit pas sa phrase car ce fut le moment précis où je lui expédiais mon poing au beau milieu du visage. Je voulus me faire croire que c'était parce qu'il s'était montré agressif mais je connaissais la vérité : j'avais fais cela car il m'avait renvoyé mon échec en pleine figure. Le rodien resta interdit quelques secondes, comme s'il ne réalisait pas que je venais de lui expédier un coup de poing. Puis, la bande se mit à crier en rodien et se jeta sur moi.
J'essayais de me défendre mais ils étaient trop nombreux. Ils me rouèrent de coups et me firent trébucher.
Je m'étalais dans la crasse de la ruelle. Ils m'insultèrent et me bourrèrent de coups de pieds. L'un d'eux me cracha au visage. Dweik, lui, se borna à une seule attaque mais de taille : un coup monumental dans les parties génitales.
Je hurlais de douleur alors que les larmes me montaient aux yeux. Ils me frappèrent encore un peu et l'un d'eux me fouilla, me volant l'argent prévu pour les courses. Puis, Dweik se pencha près de moi :
_On te laisse la vie pour cette fois. Mais il y aura une punition pour avoir attaqué mon copain. Alors tu devras chaque semaine, nous apporter disons...trois cent creds. Et si un jour tu ne peux pas payer, on te brise quelque chose. Et dans le cas où t'irais voir les flics et je te signale au passage qu'ils ne viendront jamais, on le saura. Et on sait où tu habite.
On sait à quel étage et on sait que ta porte d'entrée c'est de la bouse de chien kath. Alors si tu vas voir les FSC, on débarque chez toi, on casse tout et on pourrait même se payer ta schutta de copine, t'en dis quoi ?
_Espèce d'enfoiré ! articulais-je entre deux gémissements de douleur. Si tu touches à un seul de ses cheveux, je...
_C'est pas à sa coiffure qu'on en veut, s'esclaffa un des rodiens. Pas celle du haut en tout cas.
Nouvel éclat de rire général qui me fila la nausée.
_Bon, dit Dweik en se relevant. J'espère que t'as pigé le message. J'attends les premiers creds demain ici, à vingt heures en guise de premier versement. D'ici là porte-toi bien, numéro deux !

Il s'éloigna dans la pénombre avec sa bande, me laissant meurtri dans l'allée. Je me relevais difficilement et clopinais jusqu'à mon immeuble. La montée des escaliers fut un calvaire. A l'intérieur de l'appartement, je verrouillais à double tour, bien conscient que cela ne servirait à rien si Dweik et sa bande décidaient d'entrer.
Mon regard se porta sur Dontika, toujours endormie sur le canapé. Je n'allais pas rester sans rien faire alors que la vie de ma petite amie était menacée par ces monstres ! J'allais jusqu'à l'amas de papiers que j'avais retiré de ma toge universitaire et en défis un filmplast en bien mauvais état. Je composais le numéro qui y était inscrit sur ma petite console de communication portable. Je n'eus pas à attendre très longtemps avant que mon interlocuteur ne décroche.
_Dakcen ? C'est Alsh. Désolé de t'appeler aussi tard mais c'est très important. Il faut absolument qu'on se voie dans la journée, tout à l'heure.
_D'accord répondit Risus d'une voix pâteuse. Disons onze heures du matin au café de l'Université ?
_Ça me va, répondis-je. Et encore pardon pour t'avoir réveille.
Je raccrochais et jetais un regard à ma petite amie qui venait de se retourner sur le canapé. Non. Je ne laisserais jamais Dweik et les siens la mettre en danger. J'étais prêt à tout pour la protéger.
Et les évènements ultérieurs, le prouveraient amplement, même si à cet instant précis, j'étais loin d'imaginer que cet appel, que je venais de passer à une heure et demie du matin allait autant chambouler ma vie, celle de ma petite amie et celle de milliards de personnes.

Je pénétrais dans le café de l'Université à onze heures précises. L'établissement n'était pas situé directement dans les bâtiments universitaires mais sur le parvis. Les propriétaires accordaient d'importantes réductions aux étudiants des différentes faculté, ce qui leur fournissait une clientèle très abondante. Pour ma part, je fréquentais ce café de temps en temps, lorsque poussé par mes camarades, je m'accordais un verre après une dure journée de cours.
Le bar était dominé par des couleurs chaudes, principalement du rouge et de l'orange. Les clients pouvaient consommer au comptoir ou bien prendre place autour des nombreuses tables garnies de banquettes en faux cuir. Je fus surpris de ne pas trouver tant de monde dans le café : quelques couples sirotaient un verre ici et là et un groupe de jeunes, dont les vêtements étaient frappés du sceau de l'équipe d'hoverball de l'Université qui devaient sans doute encore fêter la fin des cours. Je repérais rapidement Dakcen, attablé devant une tasse de thé. Il me fit signe et je vins le rejoindre.
Il avait abandonné lui aussi ses vêtements universitaires pour des habits plus civils : un simple jean bleu et un t-shirt beige. Je ne pus m'empêcher de remarquer que le sceau impérial était imprimé sur son haut, là où se situait le coeur.
Quand il me vit et découvrit l'état de mon visage, couvert de bleus et d'écorchures, il eut une expression inquiéte et me demanda sans attendre ce qu'il m'était arrivé. Je lui résumais rapidement la situation, mentionnant l'agression et le racket. Dakcen lâcha un juron et enchaîna sans attendre :
_Tu aurais dû me dire tout ça ce matin quand tu m'as appelé. J'aurais pu venir tout de suite.
_Non, objectais-je. Ma copine était dans la pièce, je ne voulais pas qu'elle découvre ce qui s'est passé.
_Attends, m'interrompra-il. Elle sait pas que tu t'es fait attaqué ? Et ton visage ?
_Je suis parti avant qu'elle ne se réveille et je lui ai laissé un mot, lui disant que je prenais une journée pour souffler après la fin des cours.
_Donc, conclut-il, elle ne sait pas qu'une bande de sales rodiens te fait chanter...et qu'ils menacent de la violer si tu ne payes pas.
_Non, admis-je. Je voulais pas l'inquiéter.
_Et qu'est-ce que tu comptes faire ?
_Je sais pas trop, dis-je en haussant les épaules. Voir les flics ?
Il secoua le tête négativement :
_Non, ils feront rien. Ils vont se borner à une enquête de routine, les rodiens se tiendront à carreau deux-trois jours et dès qu'ils le pourront, ils se vengeront.
_Alors je fais quoi ? Je paye ?
_Surtout pas ! cria t-il avec une force et une vigueur qui me fit sursauter. Si tu commences à baisser la tête devant ces animaux, tu es fini. Ils en voudront toujours plus, à te sucer la moelle comme des putains d'anzatis. Ce qu'il faut, c'est envoyer un message fort à ces minables. Un message qui dit que dès qu'ils te cherchent des ennuis, ils vont souffrir en réponse, c'est tout.
_Je sais pas, dis-je. Je suis pas très bon en combat : ils m'ont massacré ce matin...
_A cinq de nuit sur leur territoire ? Tu rigoles ou quoi, bien sûr qu'ils ont eu l'avantage. C'est des lâches. Je suis certain que ce Dweik aurait jamais osé te défier les yeux dans les yeux.
_Ouais...mais ça ne règle pas mon problème.
Dakcen but un peu de thé, tout en me proposant de commander quelque chose, qu'il m'offrirait. Je portais mon choix sur une bière d'Aldérande, que le droïde-serveur ne fut pas long à apporter. Risus vida sa tasse et la reposa avec force sur la coupelle.
_Je crois que j'ai la solution, dit-il en se grattant le menton. J'ai des amis, des costauds. Ils pourraient s'occuper de ces animaux en un rien de temps.
L'idée d'employer des gros-bras me fit frémir :
_Attends, je veux pas d'ennuis moi et j'aurais jamais l'argent pour les payer tes hommes et...
Il me coupa :
_Je ne te parle pas d'argent Alsh. Crois-moi si je te dis que mes amis, ils seront contents de casser du rodien, surtout si la vie d'un humain est en jeu. Et les ennuis, c'est ces pouilleux de Rodia qui vont les avoir, pas toi.
J'étais partagé. D'un côté, la solution proposé par mon nouvel ami me semblait quelque peu extrême mais de l'autre, elle me semblait la seule efficace.
_Et si après ça Dweik et ses hommes reviennent à la charge ?
Risus eut un rire :
_T'en fais pas. J'ai jamais vu un alien, aussi bête soit-il, ne pas comprendre un message de Redra.
_Redra ?
_Mon copain, celui dont je te parlais. Il est à la CompForce et...
Je le coupais :
_Pardon, à la quoi ?
Il me jeta un regard interloqué :
_Tu me fais marcher, là, hein ? La CompForce, la branche militaire du COMPORN.
Le signe éveilla un vague souvenir en moi, j'avais déjà entendu ce terme à quelques reprises sur l'Holonet.
_Attends, c'est pas cette organisation de soutien à l'Empire ?
_C'est bien plus que ça, dit-il en souriant. On aide l'Ordre Nouveau à se répandre et on le soutient partout où il est.
_"Nous" ?
_J'en fais partie, m'annonça t-il. Coalition pour l'Amélioration, au Développement Sectoriel, bureau Modification.
_Et c'est quoi ça ? demandais-je en haussant un sourcil.
_J'aide les sociétés et les organisation à y voir plus clair, leur faire comprendre qu'être pour l'Empire, c'est s'aider soi-même.
Je bus un peu de bière, cherchant à reprendre mes esprits. Les paroles de Dakcen me donnaient le tournis. Je le savais pro-impérial mais je n'aurais jamais imaginé qu'il fasse plus que simplement militer.
_Je connaissais pas du tout, admis-je en reposant mon verre sur la table. Et ça fait longtemps que l'organisation existe ?
_C'est né en même tant que l'Empire. Quatre ans, donc.
Je hochais la tête, ne sachant pas vraiment quoi répondre après ça. Je décidais d'en revenir au sujet principal :
_Et donc ton ami, là, ce Redra. Il pourrait m'aider ?
_Il en serait ravi ! m'assura Dakcen. Si tu veux, je peux l'appeler dès maintenant...il pourrait venir ici en moins d'une heure.
Je soupesais le pour et le contre, puis :
_Ouais, bredouillais-je. Ouais, bonne idée.
Pour dire la vérité, me lier avec quelqu'un comme ce Redra me semblait une très mauvaise idée. Pas tellement pour ses opinions sur l'Empire, j'étais moi-même totalement apolitique. Mais je répugnais à approcher les militaires. Je ne pouvais pas vraiment l'expliquer, c'était viscéral. Mais il était vrai que Dakcen avait fini par me convaincre : il fallait stopper Dweik et ses amis et le faire le plus vite possible. Pas seulement pour moi et Dontika mais pour tous ceux qui étaient menacés par ces rodiens.
Dakcen prit un comlink dans sa poche et contacta son ami. Je n'écoutais qu'à moité, ce qu'il me disait, distrait par la douleur de mes blessures qui venait brusquement de monter en puissance. J'avais eu de la chance : Dweik et ses amis ne m'avaient rien cassé. Ils s'étaient bornés à me pocher un œil et me couvrir le visage et le corps d'hématomes. Globalement sourde, la douleur ne me gênait pas tant que cela. Mais cela ne m'empêchait pas de m'inquiéter, surtout sur la façon dont j'allais expliquer la provenance de mes blessures à Dontika. Partir avant son réveil ne marcherait qu'une fois ou deux et je serais bien forcer de la croiser : nous vivions ensemble, après tout.
Risus m'arracha à mes pensées en s'adressant à moi :
_Il sera bientôt là avec quelques hommes. Et je lui ai demandé d'apporter de la pommade au bacta pour ton visage.
_C'est pas la peine, tentais-je d'argumenter, je m'en sortirais très bien.
_Tu plaisantes, j'espère ? Il est pas question que ta petite amie te voie comme ça. Si tu comptes lui cacher ton agression, il faut y aller jusqu'au bout. Tu fais ou tu ne fais pas. Les demi-mesures, essayer, ça n'existe pas.
Il marqua une pause puis :
_Et au fait, toi et elle, comment vous vous êtes connus ?
J'esquissais un petit sourire en me remémorant notre rencontre qui allait bientôt dater de trois ans.
_Tu vas être déçu, dis-je sur le ton de la plaisanterie, ça n'a rien d'extraordinaire. J'avais décidé de m'accorder une journée au calme après une grosse série d'examens. J'étais allé me promener au square Dhalbreth, flâner un peu sous les arbres, prendre le frais. Je me baladais depuis une petite demi-heure quand j'ai été abordé par une jolie zabrak, qui m'a demandé comment rejoindre la place Nicandra. Je l'ai renseignée, nous avons engagé la discussion et nous nous sommes plu. C'est aussi simple que ça, conclus-je.
_Elle est zabrak ?
_Oui, pourquoi ?
_Oh pour rien...juste que c'est rare de voir des humains en couple avec des aliens, c'est tout.
_Pas tant que ça, lui fis-je remarquer. T'as qu'à regarder derrière toi, dis-je en pointant un couple mixte - une humaine et un ryn - installé à quelques tables de nous.
Il ne répondit pas. Sentant un sujet sensible, je préférais ne pas insister et glisser sur un autre sujet. Nous parlâmes de choses et d'autres pendant environ trois-quart d'heure lorsque Dakcen arrêta brusquement de parler et je me retournais à moitié pour découvrir un humain à la peau cuivrée et aux cheveux rasés, dans des vêtements à la coupe stricte, qui se dirigeait vers notre table. Mon compagnon se leva pour le saluer. Les deux hommes se donnèrent une vigoureuse poignée de main. Dakcen m'invita à me lever et fit les présentations :
_Alsh, je te présente le lieutenant Redra Kraik, officier dans la section Assaut de la CompForce. Redra, voici Alsh Nexhrn, le meilleur élève de la faculté de droit de Coruscant.
Kraik me gratifia d'un respectueux signe de tête.
_Enchanté. Dakcen m'a parlé de votre problème. Et je pense être en mesure de le résoudre.
_Surtout je ne voudrais pas...
Il me coupa d'une façon un peu brusque mais franche :
_Les amis de mes amis sont mes amis. Moi et mes hommes allons nous charger de cette bande avec plaisir.
_Vos hommes ? demandais-je.
_Redra est chargé d'entraîner un petit groupe d'hommes qui veulent entrer dans la CompForce. Se charger de Dweik et ses amis sera une épreuve de plus.
_Ils sont dangereux, fis-je remarquer. Vos hommes pourraient prendre un mauvais coup.
_Nos entraînements sont si durs que quatre-vingt huit pourcent de nos recrues échouent à entrer dans la CompForce. Croyez moi si je vous affirme qu'ils sauront casser la tête de quelques animaux.
Kraik marqua une courte pause avant de me déposer un tube de pommade dans la main :
_Voilà le traitement au bacta pour votre visage. Vous devriez commencer tout de suite. Une application par heure. Vous retrouverez figure humaine avant le soir.
_T'es sûr que ça marchera aussi vite ? demanda Dakcen. Il faudrait qu'il n'y ait plus de traces avant vingt-heures. C'est le moment où sa petite amie rentre du travail.
_Ca marchera, m'assura Redra : nous utilisons la même à la caserne. Si ça soigne aussi bien les traces de blaster, ce ne sont pas quelques bleus qui vont lui résister.
_Bon. On y va ? demanda Dakcen, impatient.
Kreik hocha la tête et quitta le café avec nous, après avoir laissé Risus payer les consommations. Le militaire nous entraîna jusqu'à un speeder épuré, garé non loin des quartiers universitaires. Dans le véhicule, trois jeunes hommes d'une vingtaine d'années, patientaient sans dire un mot. Tous portaient le même ensemble de vêtements gris ainsi qu'un brassard rouge flanqué de l'étoile impériale. Ils ne posèrent aucune question lorsque nous prîmes place dans le speeder se bornant à changer de position pour nous faire de la place, à Dakcen et à moi.
Je donnais les coordonnées de mon quartier à Kreik qui y conduisit le véhicule sans attendre. Il vola à très haute vitesse et nous gagnâmes l'arrondissement où je vivais. Voir des lieux aussi familiers depuis un airspeeder inconnu, aux côtés d'une milice impériale avait quelque chose de particulier.
Kreik arrêta le véhicule à quelques encablures de la ruelle qui servait de quartier général à la bande de Dweik. Le militaire aboya un ordre et les trois jeunes hommes bondirent hors de l'airspeeder, brandissant des matraques électriques. Redra descendit du véhicule à son tour, attachant lui aussi un brassard à son bras. J'interrogeais du regard Risus sur cette curieuse manie et il m'expliqua qu'ainsi, les badauds reconnaissaient le signe impérial et se tenaient à l'écart. Dakcen m'invita à accompagner les militaires, pour les voir en action et les guider jusqu'à la bande de Dweik. Le coeur un peu serré, j'acceptais de mener la troupe.
Les quelques personnes que nous croisâmes en rejoignant la ruelle s'éloignèrent respectueusement en baissant les yeux. Ils sentaient qu'un évènement grave allait arriver et tentaient de se tenir le plus à l'écart possible.
Je retrouvais la ruelle où j'avais été massacré ce matin mais comme investi d'un pouvoir supérieur. La bande de Dweik surgit des ténèbres de la ruelle, pensant faire face à un groupe de badauds, facile à racketter. Mais l'inquiétude se lit clairement sur leur visage quand ils virent les militaires marcher sur eux, brandissant leurs matraques.
Dweik pour ne pas perdre la face, tenta d'injective Redra :
_Il y a un loyer pour passer ici : c'est chez nous. Alors sortez vos creds ou...
_Ou quoi ? lui demandant Kreik d'un air supérieur. Tu penses nous effrayer face de grenouille ? Ah c'est sûr, c'est moins évident de faire les fiers quand on attaque pas à cinq un seul homme dans le noir.
_Je...je...bredouilla Dweik. Écoutez, on cherche pas les ennuis.
_Et bien c'est perdu l'alien. ATTAQUEZ !
Aussitôt que l'ordre fut lâché, les trois jeunes hommes se jetèrent sur les rodiens. Les militaires n'étaient peut être que trois contre cinq mais ils frappaient avec une violence qui faisait rompre toute volonté à leurs ennemis. A bout de quelques minutes d'échauffourée, les rodiens paniquèrent et tentèrent de fuir. L'essentiel fut mis à terre avant d'avoir fait trois pas par les soldats mais un des rodiens parvint à s'échapper. Je remarquais que les militaires ne se lançaient pas à sa poursuite. J'en compris la raison lorsque Kreik dégaina un blaster et après avoir tranquillement visé le dos de l'alien qui fuyait, il tira. Le rodien poussa un cri informe et s'écroula sur le sol. Kreik esquissa un sourire qui me glaça le sang et m'invita à me rapprocher des rodiens maîtrisés. Il se tenait devant Dweik, recroquevillé contre un des murs de la ruelle.
_Tu reconnais ce garçon ? lui cracha le militaire en me désignant.
Le rodien hocha la tête en tremblant. Redra s'adressa à nouveau à lui :
_Alors tu dois comprendre pourquoi on te laisse la vie sauve. On fait ça pour que tu comprennes qu'essayer de racketter un humain, c'est une très mauvaise idée. Encore plus de menacer une personne à laquelle il tient. Alors imprimes bien : tu te tires de ce quartier, tu dégage ! N'adresse plus jamais la parole à ce garçon, ne cherche plus jamais à le voir.
Un des jeunes garçons m'apporta une petite pile de crédits : l'argent qu'ils m'avaient volé ce matin.
Redra continuait à parler avec le malfaiteur, le frappant à intervalles réguliers quand il mettait trop de temps à répondre à telle ou telle question. Puis, il décida de conclure :
_Bon. On va te laisser. Mais quand même, te laisser partir juste comme ça alors que t'as insulté à ce point son amie...non, ça ne se fait pas. Alsh, approchez.
Je me penchais sur le rodien qui tremblait de tout son corps. Kreik posa le canon de son arme sur l'entrejambe du rodien. Il m'invita à prendre la poignée de l'arme. Je commençais par refuser mais il insista tant que je me retrouvais à braquer le blaster sur les testicules de Dweik.
_Appuyez, insista Kreik. Pressez la détente, allez !
_Je...bredouillais-je. J'ai jamais fait ça et...
_C'est pas dur. Pressez simplement la détente avec votre index.
_Mais je ne veux pas aller jusque là...il a compris la leçon, non ?
_Ces animaux ne comprennent jamais rien ! Le seul moyen de bien leur faire comprendre, c'est la douleur. Et peut-être qu'il sera moins attiré par l'acte s'il ne peut plus rien faire.
L'image de Dontika s'imprima dans mon esprit. Je repensais à mon serment de la protéger à tout prix. Est-ce que j'étais prêt à aller jusqu'au bout ?
La réponse était évidente : Dweik était un danger. Si on laissait partir comme ça, il pourrait frapper à nouveau. Il n'y avait qu'une seule chose à faire.
J'appuyais et détournais la tête. Mon bras partit brusquement en arrière dans un éclair rouge auquel fit écho l'horrible cri de douleur de Dweik.
Kreik posa sa main sur mon épaule :
_Du bon travail mon ami. Vous êtes digne de votre race.
J'allais lui rendre le pistolaser mais il déclina :
_Gardez-le. Souvenir.
Il claqua des doigts et les autres militaires retournèrent au speeder en pas cadencé.
_Je dois y aller, affirma Kreik d'un air paisible. Passez une bonne journée.
Il me salua et alla rejoindre ses hommes, me laissant seul avec Dakcen dans la ruelle. Hormis nous et Dweik qui s'était évanoui, il n'y avait plus personne. Risus eut un rire :
_Tu vois que le problème pouvait se régler rapidement. Allez, viens, on s'en va.
Je le suivis jusque dans la rue où nous nous séparâmes. Avant de s'éloigner, il s'adressa à moi une dernière fois :
_Avant que j'oublie : demain, je vais à une petite réunion du COMPORN avec des amis. Ça te dirait de venir ?
J'hésitais : fréquenter cet organisme ne me plaisait pas tant que ça mais je me sentais redevable envers Dakcen.
_Ouais bien sûr, pourquoi pas ?
_Parfait ! Je passerais te chercher vers dix heures du soir. A demain !
Nous nous quittâmes pour de bon après une vigoureuse poignée de main. Je restais dans la rue de ce quartier misérable, comme je l'avais fais tant de fois ces cinq dernières années mais quelque chose avait changé : les personnes que je fixais, du simple passant ou dernier mendiant, baissaient le regard et courbaient la tête devant moi.
Je venais de faire connaissance avec quelque chose de nouveau, que j'avais peut-être cherché toute ma vie : le sentiment de puissance. Et j'avais la drôle d'impression que si je continuais à fréquenter Risus et ses amis, ce sentiment pourrait bien devenir quelque chose de familier.

Je passais le reste de la journée en ville, profitant de ce laps de temps pour essayer la pommade que m'avait confié Kreik. Le militaire ne s'était pas moqué de moi : il ne fallut que quelques heures pour que la quasi-totalité des bleus disparaissent, me laissant avec un visage pratiquement indemne. Il me restait encore quelques stigmates de l'aggression de ce matin mais elles étaient globalement invisibles. Si Dontika m'interrogeait sur leur provence, je pourrais toujours lui dire que j'avais trébuché et que je m'étais stupidement cogné le visage.
Le reste de la journée me permis aussi de faire le point sur ces nouveaux évènements. Assurément, j'étais satisfait de la leçon donnée à Dweik et à ses hommes : ils ne reviendraient plus menacer qui que ce soit, ils étaient hors d'état de nuire. Mais quand Dakcen avait mentionné ses amis, je m'étais figuré un rossage en règle, pas un massacre, une castration et un assassinat.
J'étais partagé. Cela n'avait beau être que des malfaiteurs, leur châtiment m'avait semblé excessif. Surtout celui qui avait été abattu par Kreik.
J'avais tout de même assisté un meurtre. Meurtre que j'avais moi-même provoqué, en lâchant Redra et ses hommes sur les rodiens. J'avais beau me persuader qu'il n'y avait pas eu d'autre choix à prendre, je sentais que je me mentais. Je décidais d'éluder ces sentiments pour quelques jours, le temps d'y voir plus clair. J'avais besoin de me changer les idées après cinq ans à étudier le droit et approcher un peu la politique, par le biais du COMPORN me semblait une bonne idée.
Je profitais d'une borne Holonet publique pour mieux me renseigner sur l'organisation.
De son nom complet Comité pour la Préservation de l'Ordre Nouveau, elle était effectivement née avec l'Empire, il y avait pratiquement quatre ans. Elle regroupait une foule de sections, chacune centrée sur un thème différent : il y avait une branche politique, une branche artistique, une branche éducative et ainsi de suite. Je découvris, à ma grande surprise, que le COMPORN s'occupait aussi de justice, en s'efforcant de rédiger un code juridique applicable au territoire impérial tout entier. Il était vrai que l'Ancienne République avait laissé un certain chaos dans le système législatif et juridique, chaque système préférant fonctionner selon ses propres lois que selon une loi unique. A la faculté de droit, deux écoles s'affrontaient : certains pensaient qu'il fallait laisser les choses en l'état pour empêcher la naissance d'inégalités que créeraient nécéssairement des lois générales et d'autres, au contraire, soutenaient qu'un régime politique devait avoir un code de référence qui soit valable sur tout son territoire. A l'Université, j'avais défendu la deuxième école, imitié en cela, chose rarissime, par Kolba'ra. La nécéssité d'écrire un grand code juridique nous semblait une telle évidence que c'était le seul point sur lequel nous travaillions en commun et non l'un contre l'autre.
Je flânais encore un peu dans Coruscant puis retournais dans mon studio à l'heure du dîner. J'y retrouvais ma petite-amie et nous mangeâmes tout en s'accordant sur le déroulement de la journée de demain : c'était notre anniversaire de rencontre et nous tenions à le fêter. Dontika avait posé sa journée en prévision et nous échangions sur le programe du lendemain. Après diverses propositions, nous décidâmes d'aller nous prommener au square Dhalbreth, lieu où notre histoire avait commencé. Comme l'idée d'aller au restaurant à midi nous déplaisait à tous les deux, nous optâmes pour la solution la plus simple, soit un pique-nique, directement dans le parc.
Et effectivement, le lendemain, nous marchions ensemble dans les allées du square Dhalbreth. Le square n'était pas le plus grand de Coruscant ni le plus varié. Il était d'une grande simplicité : de longues étendues d'herbe verte, de grands arbres sous lesquels les promeneurs pouvaient s'étendre à l'ombre et un plan d'eau artificiel assez important où barbotaient quelques canards. L'endroit nous plut et nous y déployâmes notre nappe. Il faisait un soleil radieux et de nombreux autres couples nous imitaient, profitant du cadre agréable du parc pour mettre de côté leurs soucis pendant quelques heures. Alors que nous en étions au plat de résistance - en fait, de simples morceaux de gornt coupés en dés -, je prévins Dontika, au détour d'une phrase, que j'avais rendez-vous avec un ami ce soir et que je rentrerais sûrement tard.
_Il devrait venir me chercher vers dix heures du soir. Je ne sais pas à quelle heure je rentrerais.
_Et qui vient te chercher ? demanda t-elle. Je ne te connais pas beaucoup d'amis avec qui tu sors faire la fête en pleine nuit.
_Tu le connais pas, c'est un type que j'ai connu à l'Université. Il était à la faculté de politique, je crois. Je suis tombé sur lui par hasard le jour de la remise des diplômes et on a sympathisé.
_Et te faire faire la tournée des bars à dix heures du soir, tu appelles ça sympathiser ? pouffa t-elle.
_Je pense pas qu'il soit très bar, dis-je en riant à mon tour. Il est assez...
Je cherchais mes mots un instant :
_...assez carré dans son genre, tu vois ? Enfin, il m'a rendu un service et j'estime qu'il est normal que je sorte avec lui ce soir. Je me sens un peu comme son débiteur.
Dontika but une gorgée d'eau à même la bouteille. Après l'avoir refermée, elle la reposa sur la nappe.
_Il t'a rendu service ?
Je me mordis les lèvres. J'avais essayer de passer l'information comme cela, au détour d'une phrase mais j'aurais sans doute dû me taire tout à fait. Qu'est-ce que je devais faire ? Lui dire la vérité, quelque chose du genre "oh rien chérie, juste envoyé une bande de copains à lui massacrer un gang de rodiens qui m'avait aggressé et qui voulait te violer...tu peux me passer le pain s'il te plaît ?" était totalement exclu. Je ne pouvais plus non plus passer l'information sous silence : Dontika détestait quand je lui cachais la moindre information. Alors j'optais pour la seule solution que je jugeais acceptable : un magnifique mensonge.
_Oh rien, dis-je en passant négligemment la main dans mes cheveux pour me donner l'air détendu. Il a récupéré quelques cours pour moi et me les a donnés. Tu vois, rien d'exceptionnel.
_Des cours alors que vous étiez en plein dans votre examen final ? Et tu me disais bien qu"il faisait politique, pas droit ? dit-elle en levant un sourcil.
_Heu...non, bredouillais-je, ça date de plusieurs mois. J'avais promis à Dakcen de lui revaudre ça dès que les cours seraient terminés et comme ils le sont, je...
Elle me fixa d'un air très sérieux avant de soudain éclater de rire :
_Ca va, je te fais marcher, gloussa t-elle. Tu as bien le droit de sortir t'amuser un peu après cinq ans d'études.
Je sentis une suée froide couler le long de mon dos. Pouh...je détestais quand elle me piégeait comme ça. Je me faisais avoir à chaque fois.
Dontika finit son repas, se leva, s'étira comme un chat avant de se laisser tomber sur l'herbe tendre. J'allais ranger les restes de notre repas et nettoyer un peu quand elle étendit le bras, me saisit au poignet et me força à m'allonger auprès d'elle. Je tombais plus que je ne m'installais au sol mais la pelouse amortit ma chute. J'allais me relever immédiatement quand ma petite amie posa sa main à plat sur ma poitrine, comme pour m'intimer l'ordre de ne pas bouger. Elle se déplaça pour se coller à moi :
_Bouge pas, dit-elle en passant ses bras autour de moi. Je voudrais te montrer quelque chose. Tu vois cette planète ? me questionna t-elle en pointant du doigt une minuscule sphère dans le ciel.
Je plissais les yeux comme si cette action permettait de zoomer sur la planète :
_Heu, oui, je crois.
_C'est Anaxes, expliqua t-elle. Une planète surtout militaire mais les habitants ont fait des efforts pour faire de Pols Anaxes, la capitale, un endroit tranquille avec de la verdure et de la vie.
_Oui, je connais un peu la planète, je veux dire, je l'ai un peu étudiée à l'école, en cours de géographie galactique comme d'autres mondes du Noyau mais j'avoue que je ne vois pas du tout où tu veux en venir.
_Alsh, dit-elle en se redressant sur un coude et en me fixant, ma boîte vient d'ouvrir une filière là-bas. Un petit nombre d'employés vont être mutés sur Anaxes et j'aimerais en être.
_Tu n'aimes plus Coruscant ?
_C'est pas que j'aime plus, soupira t-elle, c'est juste que j'en ai assez de voir des immeubles et encore des immeubles partout où je pose les yeux. J'aimerais habiter dans un monde plus calme, moins peuplé, moins pollué.
_T'as vingt-trois ans, dis-je avec un petit sourire. C'est un peu jeune pour faire ton retour à la terre, non ?
_Je suis sérieuse chéri, affirma t-elle en replaçant une de ses mèches de cheveux derrière l'oreille. Tu trouves que Triple Zéro est un endroit convenable pour élever un enfant ?
Je manquais de m'étrangler en entendant cela :
_Tu es enceinte ? questionnais-je, très nerveux.
Voyant mon état, elle pouffa :
_Non, je ne suis pas enceinte, ne t'inquiète pas. Mais mon argument tient. Si nous voulons avoir un avenir ensemble et une famille...
Je dressais la main pour l'arrêter :
_Je suis pas sûr de vouloir des enfants. Pas tout de suite en tout cas.
_Alsh, me reprit-elle, je te parle pas de tout de suite mais de dans quelques années. On est encore jeunes, c'est vrai mais si on a un enfant - et j'espère qu'on en aura - je ne veux pas l'élever dans cet environnement, déclara t-elle en pointant du doigt les immeubles situés autour du parc. Ce que je veux, c'est entendre un autre bruit que celui des speeders quand j'ouvre une fenêtre, ne pas voir des zones urbaines quand je suis dans un square. Je veux autre chose.
Ne sachant pas trop quoi répondre, je me mordillais la lèvre inférieure. Dontika avait souvent parlé de vouloir s'installer ailleurs une fois mon diplôme en poche mais je n'avais jamais songé qu'elle désirait à ce point déménager. Ni bâtir une famille avec moi. Certes, je l'aimais mais je ne me sentais pas encore prêt à devenir père : je n'avais que vingt-cinq ans par les canyons de cristal de Chandrila ! J'étais un peu jeune pour fonder une famille. Et surtout, je refusais d'avoir des enfants tant que je n'aurais pas une bonne situation. Je n'obligerais pas mon fils ou ma fille à vivre le même calvaire que moi. Mes enfants ne seraient jamais dans le besoin, je le jurais par les étoiles ! Cette réflexion amena naturellement une question dans ma bouche :
_Et si on va là-bas, dis-je d'une voix sérieuse, toi, tu travaillerais toujours pour ta compagnie d'assurance, c'est bien ça ?
Ma petite amie hocha la tête. J'enchaînais sans attendre :
_Et moi ? Qu'est-ce qu'un avocat tout nouvellement diplômé ferait sur Anaxes ?
_Je me suis déjà renseignée, affirma t-elle en jouant avec un brin d'herbe. La Citadelle, le grand complexe où toutes les sociétés importantes de la planète ont leur siège recherche justement des représentants, capables de plaider pour elle dans les tribunaux de la planète. D'après ce que j'ai trouvé sur l'Holonet, ils payent bien leurs avocats.
_Je sais pas trop, dis-je après un blanc. C'est un peu...précipité, tu vois ? Je viens d'avoir mon diplôme avant-hier, tu m'annonces aujourd'hui que tu veux déménager, bâtir une famille avec moi...
Je pris ses mains dans les miennes :
_Je t'aime, c'est pas la question, mais j'aimerais que tu me laisses un temps de réflexion, d'accord ? Disons quelques semaines, au moins le temps que je m'y retrouve. Tu veux bien ?
Elle hocha la tête. Je souris en réponse et l'embrassais. Nous restâmes encore allongés sur l'herbe quelques minutes puis, nous nous forçâmes à bouger. Je rangeai soigneusement les restes de notre pique-nique, de façon à ne rien laisser pour ne pas salir. Je gardai néanmoins quelques miettes de pain qui firent un grand plaisir aux canards du lac.
Puis, nous quittâmes le square Dhalbreth aux alentours de deux heures de l'après-midi. J'emmenai ensuite Dontika au Grand Théâtre de Coruscant, voir une pièce qu'elle réclamait depuis longtemps. Ma petite amie était une mordue de théâtre mais je ne pouvais pas en dire autant. Je préférais de loin, un bon petit holo à une représentation scénique mais c'était notre anniversaire après tout. Je me devais de faire bonne figure. Le thème de la pièce n'était pas des plus gais : elle s'intitulait Le Marchand d'Ando et relatait l'histoire d'un commerçant aquala, méprisé et rejeté par la bonne société quadra dans laquelle il essayait tant bien que mal d'évoluer. Une des tirades de l'acteur principal, où il insistait sur la similarité entre les deux races aqualish :
_Un aquala n'a-t-il pas des yeux ? déclamait alors l'acteur. Un aquala n'a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l'affection, de la passion ; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les quadra ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ?
Cette longue réplique me toucha et à en juger par les applaudissements nourris du public, je ne fus pas le seul. A la fin du spectacle, les acteurs eurent droit à une ovation debout et j'étais dans les premiers à me lever de mon siège.
Nous quittâmes ensuite le théâtre et trainâmes en ville jusqu'à l'heure du dîner. J'invitais Dontika à la Tour Indigo. Bien que modelé sur le célèbre Skysitter, le restaurant pratiquait des prix bien plus abordables que son illustre jumeau, à la grande satisfaction de mon porte-monnaie. Pendant le repas, j'évitais soigneusement de m'engager sur le terrain d'Anaxes ou des enfants. J'avais réussi à me sortir de ce bourbier plus tôt à grand peine, ce n'était pas pour y replonger derechef. Je me bornais à des sujets sans danger comme les évènements de la journée. Puis, la conversation tourna autour de la pièce de thâtre que nous avions vu plus tôt.
_Tu as eu l'air d'apprécier, dit Dontika en piochant dans son assiette, de la viande de shaak, délicatement braisée.
_C'était une très bonne pièce, répondis-je en buvant un peu de vin de chimbak. Je ne savais pas que les aquala et les quadra se haïssaient à ce point. Je trouve ça stupide. C'est un seul même peuple, ils devraient faire front commun au lieu de se chercher des poux.
_Si seulement ça pouvait être aussi simple que ça, soupira Dontika. Mais tu as raison, ce serait bien que le spécisme disparaisse. Une bonne fois pour toute.
Je sentis de la tension dans sa voix, ce qui n'était généralement pas le cas quand on abordait ce sujet. En temps que couple mixte, nous avions du faire face à un spécisme, parfois violent, venant d'humains et plus rarement de zabraks. Oh, ce n'était jamais rien d'autre que des mots ou des attitudes, la façon dont certaines personnes nous regardaient alors que nous marchions main dans la main dans la rue mais cela faisait tout de même bizarre. Dontika et moi avions appris à gérer et à laisser glisser les insultes sur nous, sans les relever.
_Qu'est-ce qui ne va pas ? demandais-je en lui prenant doucement la main.
_Rien, un abruti au boulot, c'est tout. Rien de bien grave.
Je secouai la tête :
_Non, je vois bien que ça te préoccupe. Vas-y, parle-moi, je t'écoute.
_Ca date depuis qu'on a ce nouveau chef de service, souffla t-elle, un léger tremblement dans sa voix trahissant son émotion. Un humain qui vient de Serenno, je crois, enfin bref. Il n'arrête pas de faire des remarques déplaisantes sur tous les employés non-humains, les rabaissant dès qu'il le peut, leur donnant des tâches impossibles à faire et leur criant dessus dès qu'ils ratent quelque chose.
_Il s'en est pris à toi ?
_Comme aux autres aliens de la boîte, dit-elle, le tremblement dans sa voix allant croissant. Il m'a confié un dossier véreux et comme bien entendu, je me suis plantée, il m'a traitée de sale bête à cornes, d'animal enfin...tu vois le genre.
_T'as pensé à te plaindre ?
Elle émit un rire désenchanté :
_Non, c'est pas la peine. Même si je portais plainte, ça n'aboutirait pas : c'est le fils d'un ami de mon patron, il est intouchable. Et si je me dresse contre lui, il deviendra encore plus infernal.
_C'est pour ça que tu veux quitter Coruscant, compris-je. Pour t'éloigner de lui.
_Entre autres, oui.
Je portais ses mains à mes lèvres et y déposai un baiser :
_Ca va aller, dis-je. Des connards comme ça, on en rencontre tous les jours. C'est toi même qui m'a appris à laisser glisser.
_C'est pas pareil, objecta t-elle. C'est pas un gars que je croise comme ça dans la rue, c'est mon chef de service, je le vois toute la semaine. Et puis il est de Serenno, là-bas, le spécisme, c'est un art de vivre. Mais ça va, m'assura t-elle avec un petit sourire, je peux gérer ça.
_T'en es sûre ? demandais-je, l'air grave.
Elle pouffa. Là, je retrouvais la Dontika que je connaissais :
_Je suis zabrak mon chéri. Le spécisme, je vis avec depuis vingt-trois ans et je crois bien que j'en souffrirais jusqu'à ma mort. Mais je m'en moque au fond. Tant que tu es là, me révéla t-elle en serrant la main plus fort, je pourrais tout encaisser.
Je souris et me penchant par dessus la table, l'embrassai. Nous finîmes notre repas, réglâmes l'addition et rentrâmes chez nous. Le taxi volent fut pris dans des embouteillages tant et si bien que nous arrivâmes un peu en retard à notre studio. Alors que j'avais tablé sur une heure d'attente, pour me préparer un peu avant ma sortie avec Dakcen, je voyais ce temps réduit de moitié. Je courus donc sous la douche sonique, sautai dans des vêtements propres et pris même quelques minutes pour tenter d'aplatir une mèche de cheveux récalcitrante mais abandonnais bien vite devant l'ampleur de la tache. A dix heures du soir précises, la console de communication bipa, signe d'un message entrant. Ce fut Dontika qui prit l'appel :
_Oui, j'écoute ?
_Bonsoir, répondit la voix de Dakcen, vous devez être la compagne d'Alsh. Pouvez-vous lui dire que je l'attends au pied de votre immeuble ?
_Il arrive tout de suite, répondit ma petite amie. Mais vous ne voulez pas monter ?
_Non merci, répliqua Dakcen, je préférerais que nous partions tout de suite. Il y a un peu de circulation en ville ce soir et je ne voudrais pas arriver trop tard.
Dontika répondit par l'affirmative et après quelques échanges de politesse, elle coupa la console. Pendant ce temps là, j'enfilai mon manteau et m'apprêtais à rejoindre Risus en bas. Ma petite amie marcha jusqu'à moi, me souhaita une bonne soirée et me donna un long baiser. Je partis immédiatement après.
Dakcen m'attendait effectivement juste en bas. Sa tenue me frappa : il arborait des vêtements dans le même ton que ceux de Redra et de ses hommes la veille, brassard impérial y compris. Alors que nous nous saluions une question me vint naturellement :
_Je t'avais donné mon adresse et mon numéro ?
Il eut un rire de gorge :
_Ton numéro, je l'ai eu quand tu m'as appelé hier matin. Et pour ton adresse disons que je me suis renseigné.
Silencieux, je hochais la tête. Il m'invita à le suivre et à grimper dans un airspeeder tout aussi démuni de décoration que l'était celui de Redra. En fait, il ne manquait que le militaire et ses hommes pour recréer l'équipe de la veille. Dakcen vola en direction des beaux quartiers de Coruscant. Je me perdis un instant dans les multiples enseignes lumineuses avant de remarquer qu'en réalité, la circulation n'était pas aussi dense que cela. Alors pourquoi est-ce que Dakcen avait menti à Dontika ? Pour ne pas monter ? Non, c'était stupide, je me faisais des idées.
En chemin, mon ami me donna quelques renseignements sur le COMPORN.
Ainsi j'appris que le Comité pour la Préservation de l'Ordre Nouveau était dominé par la Commission Sélective, le haut bureau directif. Venaient ensuite les cinq sections du COMPORN elles-mêmes divisées en sous-sections. Il y avait tout d'abord le Groupe des Subs-Adultes, qu'on contractait en GSA ou plus simplement SA pour ses membres. Le GSA était composé d'un nombre très important de jeunes hommes qui désiraient ardemment servir le régime impérial. Venait ensuite la Commission pour le Progrès ou plus simplement Progrès qui avait pour but de développer l'Ordre Nouveau par le biais de l'art, de la science ou du commerce. Dakcen m'apprit alors que c'était au sein de Progrès que se trouvait le département Justice, sur lequel je m'étais renseigné plus tôt. Risus lui, travaillait comme il me l'avait déclaré, pour de la Coalition pour l'Amélioration, l'organisme en charge de la politique au sein du COMPORN. Branche armée du Comitié, la CompForce était officiellement en charge de la sécurité des dirigeants du COMPORN et de hauts dignitaires impériaux. Mais Dakcen m'avoua à demi-mot que la CompForce ne se bornait pas à un simple rôle de garde du corps, étant souvent employée pour renforcer les troupes régulières par une armée parallèle à la loyauté inébranlable. Enfin, la dernière section était celle du Bureau de la Sécurité Impérial.
_Le BSI fait partie du COMPORN ? m'étonnais-je.
_Ouais, confirma Dakcen. Palpatine a eu quelques mauvaises expériences avec les Renseignements Impériaux. Ils avaient une certaine tendance à faire leurs rapports en premier lieu aux gradés qu'à l'Empreur lui-même. Le Directeur du Bureau rapporte directement au trône et c'est très bien comme ça.
Je hochais silencieusement la tête. J'avais entendu parler du BSI comme tout citoyen impérial bien entendu et il planait beaucoup de mystère autour du Bureau. Des rumeurs présentaient l'organisation comme une sorte de police politique de l'Ordre Nouveau, chargée de traquer et éradiquer les cellules de résistance. Je n'avais jamais imaginé que le légendaire BSi ne puisse n'être qu'une section du COMPORN. Avec tous ces organismes, le Comité pour la Préservation de l'Ordre Nouveau devait disposer d'une puissance gigantesque. Mais dans quoi est-ce que je m'engageais, moi ?
Risus posa sur speeder sur une esplanade déjà chargée en véhicules divers, non loin d'un grand bâtiment dont la forme me faisait penser à une sorte de gymnase. Nous nous dirigeâmes vers l'édifice et je fus stupéfait de voir autant de monde qui cherchait à y entrer : il y avait peut-être plusieurs centaines de personnes, à faire la queue dehors, patientant avant de se présenter à l'entrée où ils étaient examinés par des miliciens flanqués des couleurs impériales. Étonné, je me retournais vers Dakcen :
_Tu m'avais invité à une petite réunion.
_C'est une petite réunion, souligna Risus avec un franc sourire et m'entraînant avec lui, se dirigeant directement vers l'entrée, dépassant la file qui avançait aussi rapidement qu'une limace gorryl. Il n'y a que cinq-cent personnes qui peuvent entrer dans le bâtiment. C'est vraiment rien du tout, crois-moi.
Dakcen tendit aux gardes une petite carte d'identité sur laquelle j'aperçus son visage et diverses autres informations. Un tampon du COMORN recouvrait le tout. Les miliciens examinèrent la carte avec attention puis, lui firent signe d'avancer. Il expliqua aux hommes en faction que je l'accompagnai et que je n'avais en conséquence pas besoin d'être contrôlé. Les miliciens approuvèrent d'un sobre hochement de tête et me firent signe d'avancer.
Le gymnase faisait songer à une gigantesque rotonde, au centre de laquelle une scène avait été dressée. Le public prenait place tout autour. La décoration consistait en de grands étendards impériaux de couleur rouge ainsi qu'un immense portrait holographique de l'Empereur qui occupait quant à lui bien un pan de mur tout entier. Les spectateurs étaient assis dans des carrés bien définis avec des allées dans lesquelles des miliciens patrouillaient régulièrement. Risus m'expliqua qu'ainsi, en cas d'incident, tout problème pouvait-être maîtrisé très rapidement. Dakcen dépassa les carrés de spectateurs et s'avança jusqu'à toucher la scène. Là, je remarquais deux soldats qui semblaient attendre le début de la réunion dans une armure qui me rappellait celle des stormtroopers, le casque en moins. Je devais apprendre plus tard que c'étaient des membres de la CompForce, en charge de la protection des officiels. Risus alla s'assoir dans un carré où je le notais, il n'y avait pas un alien : que des humains. En fait, remarquais-je en embrassant la salle du regard, il y avait très peu de non-humains. Dakcen salua un nombre conséquent de personnes autour de lui et il me présenta. Je serrais quelques mains, étonné par la chaleur et l'amitié qui émanaient du groupe. Risus m'invita ensuite à m'assoir, expliquant que la réunion allait bientôt commencer. Et effectivement, à peine assis, les lumières décrurent et les spots se focalisèrent sur la scène. Un homme d'une trentaine d'années quitta alors le carré où je me trouvais pour grimper sur la scène. Aussitôt, les deux soldats de la CompForce se placèrent à un mètre de lui, respectivement à gauche et à droite, leurs armes bien en évidence. Alors, il se passa quelque chose de curieux : l'orateur se raidit, claqua des talons et lança son bras droit devant lui, parallèle au sol, le pouce formant un angle droit avec les autres doigts. Immédiatement, j'eus l'impression que la salle toute entière l'imitait. Les personnes présentes dans les carrés se levèrent et reproduisirent cet étrange salut à l'identique, Risus qui se trouvait juste à ma gauche y compris. Alors l'orateur se mit à déclamer, reprit la seconde d'après par toute la salle :
_Salut à l'Empereur, à l'Empire et au Nouvel Ordre ! Puisse sa droiture ne jamais vaciller !
Les bras retombèrent alors le long du corps en un rythme parfait et toute la salle se rassit. J'eus la nette impression d'être le seul à ne pas m'être levé. Risus se pencha dans ma direction et me glissa à l'oreille :
_C'est le salut officiel du Comité. Normalement, il n'y a que les SA qui prêtent serment en l'exécutant mais c'est devenu une habitude pour chaque membre du COMPORN.
J'opinais doucement du chef. C'était très étrange comme sensation, de voir ainsi une salle agir à l'unisson, comme si elle n'était qu'une seule entité. A la fois fascinant et quelque peu troublant. L'orateur reprit alors la parole, il semblait plus détendu :
_Messieurs, je vous remercie d'être venus à cette réunion exceptionnelle de notre Comité. Je suis sincèrement navré mais tant que les travaux de notre salle de réunion de seront pas achevés, nous devrons nous contenter de ce genre de petits ralliements. Mais soyez certains que dans quelques mois tout au plus, nos meetings pourront accueillir au bas mot dans une seule salle, près d'un trillion de personnes !
La salle rugit de plaisir. L'orateur se fendit d'un sourire.
_Mais tout ceci n'est pas pour tout de suite. Nous devons nous concentrer sur le problème majeur auquel doit faire face notre glorieux Empire Galactique. Je vieux bien entendu parler des non-humains.
Des sifflets et des cris de haine fusèrent ici et là. L'orateur, bien loin de chercher à apaiser la tension, cherchait à provoquer la foule :
_Oui, je parle de ces animaux dégénérés, qui vivent ici, sur notre planète et sur le sol de notre magnifique Empire ! Ils sont une menace pour nous, notre Ordre et la sécurité de nos enfants. Ne trouvez-vous pas étrange qu'au temps de la guerre, les aliens aient pris parti en masse pour la cause séparatiste ?
Clairement, l'orateur cherchait à exciter la haine de la foule contre les non-humains. J'aurais aimé quitter la salle sans plus attendre mais elle était plongée dans le noir et j'étais certain que Dakcen prendrait très mal ma défection. Je me tassais donc sur ma chaise, espérant qu'il en aurait bientôt terminé.
_Les séparatistes, insista l'orateur avec véhémence, les mêmes qui ont cherché durant trois années à nous broyer sous le duracier de leurs droïdes de combat. Souvenez-vous de leurs crimes de guerre, des massacres de Grievous ! Et qu'était Grievous ? Non ce n'était pas un biodroïde, c'était un kaleesh, un alien !
La foule hua. Même si je ne suivais pas l'orateur sur la relation entre alien et séparatiste, j'étais néanmoins d'accord pour accorder que Grievous était un monstre.
_Toute la CSI était dirigée par ces animaux puants ! cracha l'orateur. Gunray ? Un neimoidien ! Poogle le Bref ? Un géonosien ! Tambor ? Un skakoan !
Les arguments me paraissaient faibles mais je sentais que par moment, il y avait du vrai dans ce qu'il disait :
_Je vous mets au défi mes amis de trouver une seule personne, vous entendez, une seule personne humaine qui aurait eu à cœur de rejoindre cette organisation barbare. Allez-y, je vous écoute.
Le nom du Comte Dooku était sur toutes les lèvres mais personne n'osa prendre la parole. L'orateur s'en délecta :
_Vous voyez ? Vous voyez ? Pourquoi est-ce que vous ne trouvez aucun humain au sein de la CSI ? Parce que les humains ont encore et toujours pris parti pour le combat que leur race leur hurlait de faire : celui de la liberté, de la paix , de la sécurité et de la prospérité !
Tonnerre d'applaudissements dans la salle.
_Et c'est cela qu'est le COMPORN. Nous sommes des hommes engagés pour un meilleur futur, pour un avenir radieux, loin des guerres commandées en secret par ces aliens infects ! Nous sommes l'Ordre Nouveau lui-même. Nous sommes l'Empire !
Il tendit alors le bras, exécutant le salut du Comité :
_Vive Palpatine !
Toute la salle exécuta ses gestes, comme un miroir et répéta en écho :
_VIVE PALPATINE !
A ma grande stupéfaction, je m'étais joint à la masse, tendant le bras comme les autres, sans prononcer le salut toutefois. C'était incroyable, quand la salle s'était levée, je m'étais senti entraîné comme si je faisais partie d'elle depuis toujours.
Je me rassis, un peu nerveux et vis que les membres de mon carré m'observaient avec bienveillance.
La réunion dura encore deux heures où divers orateurs se succédèrent sur scène, assénant les pires accusations à l'encontre des non-humains et ponctuant chacune de leurs grandes déclarations par le salut du Comité. Lorsque le dernier orateur quitta la scène, une musique martiale retendit et je reconnus la Marche Impériale, l'hymne de l'Empire. A la fin de la musique, les spectateurs quittèrent lentement le gymnase mais ce n'était pas le cas des officiels du COMPORN qui restaient ici et là à discuter de choses et d'autres. Dakcen me présenta aux personnes que je n'avais pas encore vues. Je serrais la main du directeur du département Art qui échangea quelques mots avec Risus :
_Et donc, déclara Dakcen en riant, voilà le département le plus inutile de tout le COMPORN.
_C'est gentil pour moi, répondit le directeur du département Art en souriant légèrement. Laissez, jeune homme, me dit-il en me regardant, la Coalition pour l'Amélioration n'a jamais pu aimer Progrès dont nous dépendons. A croire que vous êtes jaloux Risus.
_Jaloux, moi ? s'esclaffa mon ami. Écoutez, je veux bien qu'il faille soutenir l'Ordre Nouveau partout et tout le temps mais tout de même, passer sa vie à étudier les différentes formes d'art de la galaxie, ce n'est pas un peu barbant ?
_On en découvre beaucoup sur les races en étudiant leurs œuvres d'art vous savez Risus.
_Je suis de l'avis de Dakcen, déclara soudain l'orateur qui avait pris la parole en tout premier lieu de la réunion. A moins que cela ne vous permette de découvrir comment ce peuple ce bat et je doute fort que se pencher sur leurs gribouillis informes vous aide à comprendre cela, ce n'est qu'une perte de temps et de moyens.
_Une section de notre département étudie justement cet aspect là, rétorqua le directeur d'Art.
_Alors transmettez vos résultats à la CompForce, je suis sûr qu'elle sera ravie de savoir que parce que vous avez décrypté une peinture rupestre, vous aurez découvert autant de choses que le BSI en un an.
Derrière le ton amical, on pouvait sentir des arguments froids et cassants. Clairement, la section Art était méprisée au sein de l'organisation. L'orateur me jugea un instant avant de me serrer la main :
_Shihuff Fams, porte parole de la Commission Sélective.
_Enchanté. Je suis Alsh Nexhrn.
_Je sais qui vous êtes, me répondit Shihuff. Dakcen et le lieutenant Kraik nous ont dit le plus grand bien de vous.
_Ah bon ?
_Oui, l'idée de faire appel à nous pour se défaire de ces animaux de rodiens était une idée excellente. J'espère que cette bande ne vous cause plus d'ennuis, ni à vous, ni à votre compagne.
Je me demandais fugacement s'il savait que je vivais avec une zabrak. Si c'était le cas, il ne laissait rien paraître. Il posa une main sur mon épaule et m'entraîna un peu à l'écart. Je remarquais toutefois que les gardes de la CompForce ne nous quittaient pas des yeux.
_Je me suis renseigné sur vous Alsh, déclara t-il. vos résultats scolaires sont brillants ! Quel dommage qu'une tête de ver utilise ses relations pour vous voler ce qui vous revenait de droit...
_Si je puis me permettre monsieur, Kolba'ra a largement mon niveau, il me semble donc logique que...
Il me coupa :
_Ce n'est pas la peine de lui trouver des excuses. Nous savons la vérité. Les aliens sont incapables d'atteindre notre niveau de perfection humaine alors ils trichent. C'est malheureusement comme ça depuis longtemps mais j'ai bon espoir que tout soit balayé par le vent furieux de l'Ordre Nouveau ! Avez-vous pensé à adhérer ?
_Et bien pour tout vous dire, bredouillais-je, je ne m'intéresse pas à la politique depuis très longtemps et...
_Il n'y a pas de problème, me répondit-il doucement. Vous venez de pénétrer dans un nouveau monde, il vous faut un peu de temps pour reprendre pied. Mais le simple fait que vous soyez là ce soir, j'y vois un signe du destin. Imaginez jusqu'où nous pourrions aller avec un homme tel que vous à nos côtés !
_C'est très flatteur mais...
_Voilà ce que je vous propose : je vais contacter le directeur du département Justice et vous recommander personnellement à lui. Ainsi, si vous décidez de rejoindre le COMPORN, vous pourrez travailler immédiatement pour l'Empire ! Qu'en pensez-vous ?
Mon absence de réponse dut l'inquiéter puisque il enchaîna sans attendre :
_Dans le cas où vous changeriez d'avis, prévenez Dakcen, il me contactera. Mais s'il vous plaît, ne refusez pas. L'Ordre Nouveau et votre race ont besoin de vous.
_Je vais y réfléchir.
Il me tappota l'épaule :
_C'est parfait alors. J'espère vous voir bientôt. Au revoir.
Il quitta alors la salle, accompagné par ses gardes du corps. Je restais un peu abasourdi, sans bouger quand Risus vint me chercher :
_T'es prêt à y aller ? Je te ramène chez toi ?
J'opinais du chef et nous quittâmes la rotonde pour l'airspeeder de Dakcen. Sur le chemin du retour, je lui posai de nombreuses questions sur le COMPORN auxquelles il répondit avec entrain. Enfin, il me déposa au pied de mon immeuble, me salua et repartit aussitôt. Moi, je restais un moment sur le pas de porte d'entrée, à observer mon quartier pouilleux. Ce soir, on venait de me proposer quelque chose que je voulais depuis longtemps : une chance de changer les choses. Certes, je n'étais pas en accord avec les théories spécistes du Comité mais enfin, quand on voyait une telle ferveur, un tel engouement chez des centaines de personnes pour une cause...j'y voyais une force virtuellement illimitée, capable de bâtir un avenir meilleur pour tous.
Un avenir meilleur pour moi, pour ma petite-amie et notre future famille...

Assis dans un fauteuil confortable, un verre de jus de juma à la main, les jambes légèrement croisées pour me donner un air détendu, j'étais en réalité très nerveux. J'avais repensé pendant des jours entiers à la proposition de travailler pour le COMPORN et une étude attentive de leur programme avait fini par me séduire. Bien sûr, je ne pouvais que désapprouver le spécisme outrancier dont ils faisaient preuve mais toutes leurs autres actions, comme chercher à apporter une éducation digne de ce nom à des mondes reculés ou aider économiquement des planètes en voie de développement, me semblait indubitablement bon. Un matin, j'avais pris mon courage à deux mains, passé un de mes plus beaux costumes et je m'étais rendu au siège du département Justice. L'immeuble était situé non loin du Sénat et je devais découvrir plus tard que les autres bâtiments des sections de la Coalition pour le Progrès ne se trouvaient qu'à quelques blocs d'ici. Ainsi, les différents acteurs de Progrès pouvaient se rencontrer rapidement si la situation l'exigeait. L'immeuble était une grande tour de parabéton sur laquelle flottait des fanions impériaux. Je me présentais à l'accueil et la réceptionniste m'invita à gagner les étages supérieurs à l'aide du turboélévateur. Une fois arrivé en haut, un secrétaire me conduisit dans une antichambre finement décorée avant de finalement m'introduire dans la pièce qui la jouxtait. Elle était lambrissée de bois précieux et le parquet grinçait d'une façon agréable sous mes pas.
A quelques mètres devant moi, je distinguais un bureau et derrière le meuble, un homme d'une soixantaine d'années à la chevelure blanche comme la neige qui m'invita à m'approcher et à m'assoir en face de lui. Un peu nerveux, j'obéis et me retrouvai bientôt sirotant un verre de jus de juma, tentant d'expliquer la raison de ma présence. L'homme derrière le bureau m'écouta un moment puis, prit la parole :
_Je sais pourquoi vous êtes là, Alsh. Vous permettez que vous appelle Alsh ?
J'acquiesçais. Il sourit, et reprit le fil de la conversation :
_Je suis le directeur de la section Justice de Progrès, Oberon Paesente.
Ce nom éveilla un souvenir en moi. J'étais sûr de l'avoir déjà entendu quelque part.
_Je suis satisfait de vous voir à nos côtés Alsh. S'il y a bien quelque chose qu'il manque toujours au département, ce sont des hommes de votre talent. J'ai un petit peu étudié votre parcours scolaire à la faculté de droit. Vous étiez un élève brillant, félicité à plusieurs reprises par vos professeurs. Le professeur Zionz en personne a cité votre nom à plusieurs reprises.
_Excusez-moi, l'interrompis-je, mais vous connaissez le professeur Zionz ?
_Il a été mon enseignant quand j'ai étudié le droit dans cette faculté. Nous sommes restés en contact quand j'ai obtenu mon diplôme et que je suis devenu juge.
Mais oui ! Je savais que je connaissais ce nom. Paesente était devenu célèbre peu de temps avant la crise séparatiste, quand il avait condamné un riche banquier muun à de la prison ferme pour une immense affaire de corruption, refusant la fortune qu'on lui proposait s'il graciait le banquier. Alors en plein essor, la carrière du juge s'était vue stoppée de plein fouet par le Clan Bancaire Intergalactique qui déploya d'importantes ressources à nuire au juge Paesente. Sa carrière s'était arrêtée net et il avait alors quitté son poste. Paesente était alors devenu une sorte de martyr et son nom restait célèbre dans le monde judiciaire. Je n'aurais jamais imaginé un jour rencontrer Paesente en personne, encore moins au sein du COMPORN. Mais ce n'était pas la seule chose surprenante : il parlait du professeur Zionz comme d'un ami. Se pourrait-il qu'il n'y ait pas que des spécistes dans le Comité ?
Paesente dut déceler l'étonnement dans mes yeux car il précisa sans attendre :
_N'allez pas croire que tous les membres du COMPORN haïssent les aliens. C'est vrai pour certains de nos membres qui confondent Haute Culture Humaine et spécisme radical mais nous ne sommes pas tous comme ça.
La Haute Culture Humaine était la ligne directrice du Comité, qui tendait à promouvoir l'humain sous toutes ses forces. La théorie voulait que l'être humain étant une des races les plus polyvalentes de la galaxie, il devait accéder à de plus hautes fonctions, au détriment des autres espèces. J'étais surpris de découvrir en Paesente un modéré.
_Vous venez donc travailler avec nous. C'est une excellente décision de votre part, me dit-il en souriant.
_Pour être tout à fait franc, dis-je en buvant une gorgée de jus de juma, je ne sais pas vraiment à quoi je pourrais vous servir. Vous travaillez à rédiger un code juridique et j'ai une formation d'avocat, pas de législateur.
Paesente rit doucement :
_Si nous nous bornions uniquement à l'écriture du texte, nous n'aurions aucune chance de le voir pleinement appliqué. Nous devons aussi expliquer à la planète concernée pour quelle raison sa loi archaïque n'a plus cours et c'est là que des hommes comme vous intervenez. Nous avons bien assez de rédacteurs pour au moins trois codes juridiques mais nous manquons cruellement de plaideurs.
_Et en admettant que j'accepte, quand est-ce que je commencerais ?
_Immédiatement, me répondit Paesente. En fait, dit-il en jetant un coup d'œil à une horloge murale, si vous êtes d'accord, vous m'accompagnez immédiatement au Sénat.
_Au Sénat ? répétais-je, incrédule.
L'ancien juge hocha la tête :
_La Commission Sélective et donc, l'Empereur lui-même, souhaitent voir aboutir la nationalisation de Scrye Industries, une entreprise qui a travaillé main dans la main avec les séparatistes pendant la guerre, m'affirma t-il en me tendant un databloc. Bien que certains dignitaires impériaux appréciaient de voir Scrye dissoute, le Trône a été clair : leurs usines sont vitales pour le régime. Mais comme nous ne pouvons pas les laisser s'en tirer juste comme cela après avoir collaboré avec l'ennemi, nous avons conclu qu'une nationalisation serait la chose la plus à propos. Nous prenons le contrôle de l'entreprise, en punition en quelque sorte mais nous gardons ces structures intactes.
_Je crois que je comprends, monsieur. Mais je n'arrive pas à voir quel est mon rôle là dedans...mon rôle est bien d'expliquer aux mondes concernés par le nouveau traité les raisons de cette nouvelle loi, non ?
Il eut un haussement d'épaules et une ébauche de sourire :
_Oui, l'essentiel de nos plaideurs s'attelle à cette tâche, c'est vrai. Mais croyez-moi, vous valez bien mieux que ça. Ce que je vous propose, Alsh, c'est de devenir le représentant officiel du département dans les affaires judiciaires. Vous plaiderez pour l'Empire devant le Sénat et dans d'autres situations.
Je me sentis pris de vertiges. Je venais simplement en pensant obtenir un petit poste et voilà qu'on m'offrait quelque chose de gigantesque.
_Monsieur, à vrai dire, je n'ai aucune expérience réelle. J'ai été formé à plaider, c'est vrai mais devant des tribunaux, dans des cabinets, pas au siège législatif de la galaxie !
_Tout se passera bien, m'assura Paesente en se levant et en m'invitant à le suivre hors de son bureau. Le Sénat n'est plus ce qu'il était avant l'Empire. Il acquiesce presque à chacune des décisions impériales et dans les rares cas où il s'oppose à nous, il nous suffit de le bousculer un peu pour que tout conflit disparaisse.
Paesente demanda à son secrétaire de faire préparer le speeder qui nous conduirait au Sénat. Je notais mentalement que même si je n'avais pas encore donné mon accord, le directeur du département Justice semblait s'en passer. Alors que le turboélévateur nous conduisait jusqu'au garage du bâtiment, il me précisa :
_Bien entendu, vous serez rémunéré et grassement, cela va de soi. Est-ce que quinze mille crédits par mois vous conviendrait-il ?
Éberlué, je regardais le directeur, cherchant à savoir s'il plaisantait. Quinze mille crédits par mois ? Mais c'était une somme phénoménale ! Je savais que certains avocats gagnaient quelquefois des sommes pareilles mais c'était après des années de métier, pas juste en sortant de l'école !
_Pour commencer, évidemment. Plus les primes.
Je manquais de m'étrangler. Paesente me proposait de gagner en quelques mois ce que ma famille avait obtenu en une vie. Si j'avais effectivement assez d'argent, je pourrais payer sans attendre le déménagement sur Anaxes dont rêvait tant Dontika. Quoique...elle m'avait affirmé que c'était l'aspect industriel de Coruscant qui la rebutait. Nous pourrions nous installer dans des quartiers plus chics, avec davantage de verdure.
Je me forçais à me reprendre. Rien de tout cela n'arriverait si j'échouais devant le Sénat. Je n'avais pas le droit de perdre cette fois !
Une fois au garage un chauffeur nous fit monter, Paesente et moi dans un airspeeder aux couleurs vives. L'appareil fonça en direction du Sénat que je voyais se rapprocher à une vitesse vertigineuse. Paesente ne cessa de m'assurer, pendant le trajet, que je ferais un travail formidable. Je n'étais pas aussi sûr que lui. Le stress me nouait les entrailles et mes mains tremblaient si fort que je n'arrivais pas à les contrôler. Le professeur Zionz avait un jour déclaré à toute la promotion que ressentir du stress avant une épreuve comme une plaidoirie était une chose normale et qu'il ne fallait pas paniquer. Selon lui, l'anxiété disparaissait au moment précis où nous commencions à parler. Je ne pouvais qu'être d'accord avec l'avis du professeur Zionz, ce qui ne m'empêchait pas de haïr l'horrible laps de temps qui existait entre l'apparition du stress et le début d'une plaidoirie. Je tentais de me calmer les nerfs en compulsant le databloc mais j'étais tellement stressé que je sautais des lignes et confondais les mots.
Le chauffeur gara le speeder à l'entrée du Sénat et Paesente se dirigea calmement à l'intérieur, m'entraînant à sa suite. Dans le hall, il salua quelques personnes et se pressa de rejoindre le bureau réservé au département Justice et de là, sa plate-forme sénatoriale. J'étais déjà venu visiter la Chambre du Sénat bien entendu mais il y avait une grande différence entre la découvrir en touriste et la voir depuis une des plate-formes, tout en sachant que dans une poignée de minutes, je devrais prendre la parole. J'avais l'impression d'être dans une sorte de gigantesque puits, où des centaines et des centaines de nacelles semblaient fixées aux parois, comme des pierres saillantes. En observant les sénateurs, je remarquais qu'ils étaient peu nombreux aujourd'hui. Je n'aurais à parler que devant une petite centaine de personnes, soit moins que lors de mon examen à la faculté de droit de Coruscant. Mais là, il ne s'agissait pas d'un examen : j'allais m'exprimer au Sénat, ce que je dirais allait-être enregistré et diffusé sur l'Holonet...pourvu que je ne me ridiculise pas !
Paesente observait du coin de l'œil le Grand Vizir de l'Empire, Sate Pestage qui présidait les débats. Le poste de Pestage, qui combinait les fonctions de vice-président du Sénat et d'aide personnel du Chancelier - quand la charge existait encore - avait été crée spécialement pour lui. En théorie, il n'était là que pour assister l'Empereur mais Palpatine siégeait de moins en moins à la Rotonde, laissant au Grand Vizir la tâche de représenter le officiellement lui et l'Empire lors des séances. Pestage prit la parole pour annoncer que le débat suivant porterait sur la nationalisation de Scrye Industries. Aussitôt, notre plate-forme se détacha et s'avança jusqu'à la tribune du Vizir, imitée presque aussitôt par celle laissée au représentant de Scrye. Paesente fut invité par Pestage à ouvrir la séance :
_Grand Vizir, messieurs et mesdames les sénateurs, monsieur le représentant de Scrye Industries. J'aimerais, si l'Assemblée le permet, laisser la parole sur cette affaire, au nouvel avocat général du département Justice, monsieur Alsh Nexhrn.
Paesente m'invita à me lever ce que je fis. Pestage supporta mon regard un instant avant de déclarer que j'étais autorisé à parler. Je me raclais la gorge, fis une dernière prière et me lançais dans le bain.
_Grand Vizir, messieurs et mesdames les sénateurs, monsieur le représentant de Scrye Industries. Je tiens à être honnête avec vous tous : je ne suis pas des plus habitués à prendre la parole. Néanmoins, je m'efforcerais de remplir ma tâche du mieux que je le pourrais.
Annoncer tout de go qu'on était pas des plus experts en début de plaidoirie était une de mes entrées en matière favorites. L'assemblée était persuadée que si j'avouais directement mon manque d'expérience, je ne pouvais qu'être sincère tout le reste de mon discours. En réalité, je savais parfaitement parler en public, cinq ans à la faculté m'y avaient parfaitement formé. J'étais encore un peu nerveux mais le stress s'amenuisait au fur et à mesure que je reprenais mes marques. J'étais en terrain connu, c'était comme à l'école de droit.
_L'affaire sur laquelle nous devons nous cristalliser notre attention aujourd'hui, c'est sur ces relations douteuses qui existaient entre Scrye Industries et la Confédération des Systèmes Indépendants. Un bref rappel des faits : deux mois après la bataille de Géonosis, le président-directeur général de Scrye Industries, monsieur Adni, s'est rendu sur Muunilinst, bastion du Clan Bancaire Intergalactique, organisation membre de la CSI.
En réalité, je ne faisais que lire les données du databloc que j'avais sous les yeux mais j'étais suffisamment habitué à parler pour donner l'impression d'une oration spontanée.
_Monsieur Adni savait pertinemment que le CBI était un membre actif de la Confédération, appuyant l'effort de guerre séparatiste du poids de ses capitaux et en lui fournissant les tristement célèbres tanks droïdes IG-227, plus connus sous le nom de droïdes Hailfire.
Je laissais volontairement un blanc, pour que l'image de ces terrifiants monstres de métal s'imprime dans la tête de chaque sénateur.
_Lors de cette visite sur Muunilinst, monsieur Adni a rencontré Shan Hill, président du Clan Bancaire. Les deux hommes ont alors signé un accord commercial important, garantissant qu'une part importante de la production des usines de Scrye Industries, serait transférée sur Muunilinst, contre la somme de quatre millions de crédits.
_Cet accord était parfaitement légal ! objecta le représentant de la compagnie. Tout a été fait selon les règles établies par le Ministère du Commerce.
Pestage interrompit l'orateur :
_Vous n'avez pas encore la parole monsieur Celtron. Veuillez-vous taire.
L'homme se rassit, sans ajouter un mot de plus. Le Vizir me fit signe de poursuivre :
_Merci Grand Vizir. Monsieur Celtron, c'est justement sur ce point que nous ne sommes pas d'accord. Votre traité avec le CBI aurait été parfaitement en règle si nous avions été en paix. Mais ce n'était pas le cas, puisque la Confédération nous avait déclaré la guerre depuis deux mois.
Il fallait aussi savoir comment présenter les choses. Quand on parlait d'un conflit armé, il fallait toujours rappeler que c'était l'autre camp l'agresseur, quand bien même ce n'était pas vrai.
_Ce faisant, Scrye Industries a sciemment collaboré avec la Confédération, lui fournissant du matériel pour son effort de guerre, nonobstant le serment de fidélité qu'elle avait prêtée auprès de la personne de Palpatine, de défendre le régime jusqu'à la mort !
Il fallait que j'évite au maximum de citer explicitement la République. Les temps avaient changés, nous étions sous l'Empire. Le nom de la République était encore mal considéré, rappelant à tous les souffrances de la guerre et la tentative de coup d'État Jedi. Je me ravis d'entendre quelques sénateurs crier leur approbation à mes propos. Mais je ne comptais pas en rester là :
_Bien sûr, deux mois plus tard quand nos troupes ont libéré Muunilinst, Scrye Industries a compris qu'elle avait fait une erreur. Mais il était trop tard, la signature de monsieur Adni jouxtait celle de San Hill sur le filmplast ! Scrye Industries était officiellement un soutien du Clan Bancaire et de la Confédération !
Des huées se firent entendre à l'égard des représentants de Scrye Industries. Je retins un sourire et repartis à l'assaut :
_Alors évidemment, il n'était plus question de livrer des ressources au CBI puisque les clones occupaient Harnaidan. Scrye Industries aurait alors dû faire la seule chose qu'aurait fait n'importe quelle entreprise pour prouver sa bonne foi : remettre les crédits aux autorités compétentes qui pourraient appuyer notre effort de guerre. Et qu'à fait Scrye Industries ? Rien. Pendant les trois années de guerre, ces millions de dataries sont restées dans les caisses de l'entreprise alors qu'elles auraient pu servir à sauver des vies. Je ne sais pas pas comment vous appelez ça mesdames et messieurs les sénateurs, mais moi, je nomme cela une trahison.
Indigné, le représentant de Scrye Industries tenta de prendre la parole, malgré le refus de Pestage et le raffut de l'assemblée qui me soutenait. J'élevais le bouton de puissance du son pour figurer le fait que je haussais la voix :
_Cette collaboration et cette trahison est indigne d'une entreprise comme Scrye Industries ! Cette affaire à hélas éclatée car il s'agissait d'une entreprise privée, sur laquelle nous n'avions aucun droit de regard. Il faut que cela change ! La République n'a jamais eu le courage de faire face à la réalité : il faut nationaliser ces entreprises privées qui mettent le profit avant le dévouement au régime. Voilà pourquoi mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande de voter pour la nationalisation de Scrye Industries, pour ce que la République n'a jamais osé faire, pour que l'Ordre Nouveau lui prene enfin le dragon krayt par les cornes !
La rotonde m'applaudit, m'emplissant de fierté. Je l'avais fait. J'avais parlé au Sénat pour la première fois de ma vie. Ce n'était pas mon meilleur discours mais j'avais fait bien pire. Je sentis la main de Paesente posée sur mon épaule alors qu'il me glissait un petit mot de félicitations à l'oreille.
Le représentant de Scrye Industries tenta vainement de convaincre la Rotonde, après qu'on lui ait accordé la parole, que l'affaire entre Scrye et le CBI était prévu depuis longtemps et qu'ils auraient signé l'accord, guerre ou pas guerre. Mais le Sénat refusa de le suivre et le hua à la fin de son discours. Dans ces conditions, le vote fut presque une formalité : la nationalisation de Scrye Industries fut approuvée à soixante-huit pourcent. La salle applaudit une nouvelle fois, au grand désespoir du représentant de Scrye et pour mon plus grand plaisir. Je crus même voir une lueur d'admiration dans les yeux de Pestage alors qu'il fermait le débat et ouvrait une autre affaire. Notre plate-forme retourna à sa place, dans le mur et Paesente et moi la quittâmes. A peine étions nous dans le bureau du département que l'ancien juge éclata de rire :
_Bien joué fiston ! Vous l'avez écrasé ce minable. C'était du grand art, bravo.
_Merci, bredouillais-je, un peu rouge.
_Ne soyez pas timide Alsh. Vous irez-loin si vous continuez comme ça, croyez-moi. Bien sûr, vous êtes engagé ! Il n'y a qu'un petit problème...
_Lequel ? demandais-je.
_Et bien, vous n'avez jamais adhéré au COMPORN. Il serait préférable que vous soyez membre du Comité pour pouvoir travailler avec nous.
_Est-ce obligatoire ?
_Pas du tout, répondit le directeur en secouant la tête. Mais cela serait plus simple : votre salaire arriverait plus vite, vous auriez moins de paperasse à remplir à chaque fois que vous plaideriez et surtout, vous vous dispenseriez d'une enquête du BSI.
_Le Bureau fait des enquêtes sur les membres du COMPORN ?
_Sur les éléments extérieurs qui travaillent pour nous. Oh, ce n'est rien d'autre qu'une enquête de routine, rassurez-vous mais cela éviterait à vous et à vos proches d'êtres embêtés par le BSI.
Mon rythme cardiaque s'affola. Si le BSI menait son enquête, ils sauraient que je vivais avec une zabrak. Il fallait éviter cela à tout prix.
_Je suis prêt à adhérer, répondis-je du tac au tac.
_A la bonne heure, me répondit Paesente en fouillant dans le tiroit d'un meuble et en me tendant une liasse de filmplast. Vous n'avez qu'à remplir ces documents et à les remettre au GSA Recrutement.
_Ce sont les Subs-Adultes qui s'occupent de l'admission de tous les membres du Comité ?
_Normalement, uniquement pour les jeunes qui veulent entrer dans les SA. Mais la Commission a préféré centraliser tout ce qui avait trait à l'adhésion chez eux, plutôt que d'avoir un mini-bureau dans chaque branche et chaque sous-branche. Mais ne vous inquiétez pas, une fois les papiers remis et en règle, vous serez immédiatement membre du COMPORN.
_C'est parfait alors, dis-je avec un sourire forcé.
_Vous deviez vous préparer pour l'interview Alsh, me dit l'ancien juge en pointant la porte qui conduisait aux couloirs du doigt. Les journalistes attendent sûrement une déclaration du jeune avocat qui a défendu avec tant de brio les couleurs de l'Empire aujourd'hui.
_Vous croyez ?
_C'est systématique, dit-il avec un petit sourire. Ils adorent nous parler après les débats. Je rêve de la création d'un GSA Relation Presse mais la Commission Sélective ne veut rien savoir, gloussa t-il. J'ai donné des ordres pour qu'un chauffeur vous attende à la sortie du bâtiment. J'ai encore un peu de travail à faire ici. Alors on se voit demain. Passez une bonne journée.
Il me serra la main et me raccompagna jusqu'à la porte du bureau. A peine l'avais-franchie que j'étais assailli d'une meute de journalistes organiques ou droïdes, mitraillé de flashs et de questions. Je pris le temps de répondre du mieux que je le pouvais à une dizaine de questions avant de m'en aller.
Sur le parvis, je retrouvais effectivement le chauffeur de Paesente qui me raccompagna chez moi. Durant la trajet, je sentis la fatigue me frapper de plein fouet. J'étais épuisé mais fier de moi.
Le speeder me laissa en bas de mon immeuble et je grimpais les marches de l'escalier quatre à quatre, tant j'étais pressé de m'affaler sur mon canapé. J'arrivais avant ma petite-amie qui ne sortirait de son travail que dans une heure. Je profitais de ce laps de temps pour faire une petite sieste et commençai à préparer le repas. Les œufs de geejaws finissaient de devenir une succulente omelette quand Dontika poussa la porte de l'appartement. Je l'embrassais rapidement avant de revenir à mon plat. Je ne lui dis rien de mon nouveau travail avant que nous soyons à table. Elle explosa de joie et se jeta dans mes bras. Oui, on pouvait dire que ma carrière au sein du Comité débutait bien. De l'argent, le respect de mes pairs, la célébrité,...j'allais gagner en quelques mois ce que j'aurais mis des années à conquérir, même au cabinet Krane. Une fulgurante ascension s'ouvrait à moi...même si à l'époque, j'étais encore à mille lieux d'imaginer à quel point.

Les mois qui suivirent mon entrée dans le COMPORN se déroulèrent comme dans un rêve. Je plaidais à de nombreuses reprises, représentant le département Justice dans plusieurs affaires, que je remportais toutes. Je fus bientôt considéré comme un des membres les plus utiles du département, ce qui ajouta encore à ma réputation et à ma paye. Avec l'argent que me rapportait mon nouveau travail, je fus rapidement en mesure d'acheter un petit appartement dans une zone résidentielle du monde capitale. Cela n'était pas du grand luxe mais c'était mille fois mieux que ce dans quoi j'habitais auparavant. Dontika se montra au moins aussi enthousiaste que moi à l'idée de quitter ce quartier délabré. Je ne lui dis jamais quel était exactement la nature de mon travail, restant évasif sur le sujet. Elle pensait que j'occupais un poste d'avocat général à la Cour de Justice et c'était très bien comme ça. Je ne sais pas comment j'aurais pu lui annoncer que je travaillais avec des spécistes au jour le jour. Cela dit, tous n'étaient pas aussi extrêmes que Shihuff ou Kraik. Mon supérieur, le directeur Paesente se montrait d'une ouverture d'esprit étonnante. Il m'avait un jour confié, à demi-mot, que la Haute Culture Humaine était si bancale que même un miraluka l'aurait vu. Je m'étais alors borné à un simple sourire et un hochement de tête. Mes idées entrant en contradictions avec celles du COMPORN sur plusieurs points, je m'étais décidé à ne jamais les exprimer en public.
Cela dit, hormis le spécisme, la plupart des idées du Comité me séduisaient. J'estimais qu'il était bon de développer l'industrie sur un monde arriéré ou d'apporter une éducation digne de ce nom à une planète illettrée. Les grandes entreprises et les grandes écoles étaient majoritairement concentrée dans le Noyau, ce n'était un secret pour personne. Je caressais l'espoir qu'en aidant le COMPORN, le moindre enfant né aux confins de la Bordure Extérieure aurait autant de chances de réussir dans la vie qu'un né au centre de la galaxie. De telles réformes auraient été impossibles sous la République : la corruption et le poids du Sénat auraient freiné tout progrès, fut-il sur une feuille de filmplast. Mais sous l'Ordre Nouveau, les choses étaient différentes. Paesente ne m'avait pas menti quand il avait affirmé que le Sénat n'était plus un opposant. Lorsque je montais à la barre, le plus souvent, je n'avais même pas à défendre réellement le projet de loi. La chambre suivait sans sourciller et les quelques fois où elle ne plia pas dès les premières minutes de ma tirade, je n'eus qu'à forcer un peu mon argumentation pour qu'elle cède.
Au sein du COMPORN, j'appris aussi à tirer parti des miliciens SA. En réalité, il s'agissait de jeunes hommes désireux de rejoindre la CompForce mais n'ayant pas encore complété la batterie drastique de tests pour y entrer. Ce faisant, ils devenaient une sorte de force paramilitaire, prête à exécuter les ordres du moindre officiel du Comité. Comme par sécurité, on leur refusait l'accès aux blasters, leur arme de prédilection était la matraque électrique. Au delà de cette tâche guerrière, les miliciens SA servaient aussi d'aides ou encore de chauffeurs à l'essentiel des cadres du COMPORN. En revanche, les membres les plus haut placés, eux, étaient servis par des soldats de la CompForce, qui combinaient ainsi le poste qu'on leur attribuait et celui de gardes du corps.
On m'avait affecté un jeune Sub-Adulte de seize ou dix-sept ans, qui répondait au nom de Rekkon. Il me servait de secrétaire et m'aidait quelquefois à préparer mes dossiers. Ce jour là, j'étais assis à mon bureau, corrigeant un texte qui me servirait de discours d'introduction dans une poignée de jours, lorsque la console de communication se mit à bipper furieusement, prévenant de l'imminence d'un message. J'allais me lever pour répondre quand je me rappelai soudain que j'avais un secrétaire chargé de cette tâche. Rekkon prit l'appel, dit quelques mots et se tourna vers moi :
_Monsieur l'avocat général, c'est le lieutenant Kraik au bout du comlink. Il demande si vous pouvez le rejoindre rapidement à l'Université de Coruscant, à la faculté de droit.
_Pourquoi ? dis-je en levant un sourcil.
_Il préférerait vous l'expliquer en personne, une fois sur place. Le lieutenant assure que ça ne prendra qu'un moment. Dois-je donner une réponse positive ?
J'hésitais un moment. Mon discours était loin d'être prêt mais d'un autre côté, sortir un peu des bureaux du département ne pouvait pas me faire de mal. Je me demandais tout de même pourquoi est-ce qu'il voulait me voir sur le lieu où j'avais décroché mon diplôme...
_Préparez le speeder, nous partons, ordonnais-je à Rekkon.
_A vos ordres monsieur l'avocat général, me répondit ce dernier avant de quitter la pièce.
J'aimais assez l'aspect militaire du COMPORN qui s'étendait bien au delà des sphères de la CompForce. Savoir que si je donnais des consignes, le les verrais suivies avait quelque chose de très plaisant. On s'adressait à moi en m'appelant "monsieur l'avocat général" et j'avais droit à un siège à la tribune d'honneur lors des réunions du Commité. Évidemment, le salaire mirobolant était un plus non négligeable.
Je quittais mon bureau et rejoignis le garage ou Rekkon s'apprêtait déjà à partir. Je m'installais à l'arrière de l'airspeeder de fonction et mon chauffeur le fit décoller. Il y avait un peu de circulation et je profitais des embouteillages pour prendre quelques notes sur mon datapad personnel, pour des prochains discours. Finalement, Rekkon posa le speeder devant l'Université. Je descendis du véhicule, lui ordonnant d'aller le garer au parking réservé aux visiteurs et de m'y attendre. Il opina du chef et obéit.
Je me retournais vers l'édifice et esquissais un sourire. Étrange de retrouver la faculté près de trois mois après mon départ de celle-ci. J'avais l'impression de ne pas l'avoir vue depuis des années. J'entrais à l'intérieur du bâtiment, pris la direction de la faculté de droit et notais un fourmillement impressionnant de miliciens SA qui allaient et venaient, les bras chargés d'hololivres et de datapads, sous le regard médusé des étudiants. Un soldat de la CompForce vint à ma rencontre, fit le salut du Comité et me demanda de le suivre jusqu'au lieutenant Kraik. Il me guida jusque dans le parc de la faculté, à l'endroit même où j'avais reçu mon diplôme. Je notais un nombre important d'élèves et de professeurs penchés au fenêtres de l'établissement, tournant leur attention vers le parc. Je vis alors Redra, en armure de combat, accompagné d'une escouade de la CompForce, en armes eux aussi. Le lieutenant tendit le bras pour me saluer et je lui répondis en levant la main droite à hauteur de l'épaule, les doigts arrondis en forme de coupe. C'était un salut un peu moins formel mais qu'on utilisait aussi au sein du COMPORN.
_Je suis content que vous ayez pu venir Alsh.
_Ca semblait être important et puis après tout, je n'avais rien d'autre de très important à faire. Alors, pourquoi vouliez-vous me voir ?
_Pour vous permettre d'assister au spectacle bien sûr, m'assura Redra avec un grand sourire.
_Le spectacle ?
Kraik m'indiqua alors en déployant le bras, la place centrale du parc où s'empilaient des centaines de datapads et d'hololivres. Le tas ne cessait de grandir au fur et à mesure que les miliciens SA ne s'en approchaient et y jetaient les objets qu'ils tenaient dans leurs bras. Devant mon air surpris, Kraik m'expliqua sans attendre :
_Le GSA Education et le département Education ont la lourde tâche d'uniformiser le savoir qui sera prodigué aux générations futures. Hélas, pour rebâtir sur des bases solides, il faut bien souvent démolir au préalable. C'est ce que nous allons faire.
_Vous allez détruire les hololivres ? demandais-je, horrifié.
_Exact. Ces datapads sont trop dangereux pour qu'on continue à les étudier.
Je restais sans voix, choqué à l'idée que le COMPORN allait ainsi effacer des ouvrages que moi et mes camarades avions compulsés pendant cinq années de nos vies. Voilà qui expliquait la présence des SA dans le bâtiment : ils rassemblaient les hololivres dissidents et les ajoutaient à la pile, pour l'autodafé. Un étudiant tenta d'arracher un hololivre des bras d'un milicien qui le réprimanda d'un puissant coup de matraque. Le pauvre jeune homme s'écroula aux pieds du Sub-Adulte en gémissant. Un mouvement d'humeur parcourut la foule vite contenu par quelques tir de semonce des soldats de la CompForce. Après s'être assuré du contrôle de la situation, les SA reprirent leur besogne.
Des cris sen firent entendre et la foule s'écarta pour laisser passer le professeur Zionz qui serpenta à toute vitesse vers Redra :
_Mais vous êtes complètement fou ! rugit le vénérable thisspiasien. Vous ne pouvez pas détruire nos ouvrages, c'est de la démence !
_J'ai ici un ordre écrit de la Commission Sélective, dit Kraik en exhibant un feuillet de filmplast. Vous reconnaîtrez la contre-signature du Haut Doyen de l'Université, qui nous autorise à, je cite "prendre toutes les mesures nécessaires pour purifier la faculté de droit de ses hololivres et datapads qui pourraient nuire à la sécurité de l'Empire et de ces citoyens."
_Jamais je n'ai été consulté à ce propos...ni moi ni aucun autre Doyen. Jamais le conseil n'aurait autorisé pareille folie !
_Le Haut Doyen peut prendre une décision sans consulter le conseil. C'est dans votre règlement. Nos actes sont en parfaite légalité.
_Mais est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous faîtes ? Ces textes de lois ont forgé notre civilisation et vous voulez les annihiler ?
_Ces textes de lois ont forgé la République, corrigea Redra. Un organisme corrompu et faible. Si nous laissons ces ouvrages en l'état, annonça le militaire avec une moue de dégout, ils conduiront aussi l'Empire au pourissement. Il nous faut nous défaire de tout ce qui menace l'Ordre Nouveau.
_Expliquez-moi en quoi des hololivres qui ont des centaines voire des millier d'années pourraient menacer votre soit disant Ordre Nouveau ?
Le regard que lui lança Kraik indiquait bien que le militaire n'avait pas de temps à discuter du bien fondé de son entreprise.
_J'obéis aux ordres. C'est tout.
_Et il vous arrive de ne serait-ce que penser avant d'obéir comme le plus servile des droïdes ?
Redra tendit un doigt rageur vers le professeur Zionz.
_Attention à ce que vous dites l'alien. J'ai été patient jusqu'à maintenant mais je pourrais vite perdre mon calme si vous continuez dans cette voie-là.
Mais Zionz ne semblait pas effrayé outre mesure. Il tenait bravement tête au militaire :
_Et qu'allez vous faire ? Me passer les menottes, me conduire en prison ? Ou me loger un tir de blaster en pleine tête ?
Le visage de Redra se ferma d'autant plus et je le vis s'empourprer. Il dégaina son blaster de poche et le braqua sur le visage du thisspiasien.
_Dis encore un mot sale serpent. Encore un mot, vas-y, fais-moi plaisir.
L'image de celui qui avait été cinq ans durant mon mentor préféré à la faculté de droit foudroyé par un tir de blaster me traversa l'esprit. Je posais alors ma main sur le bras tendu du militaire et l'invitai à le baisser. Zionz tourna son attention sur moi et ses yeux s'écarquillèrent :
_Nexhrn ? C'est bien vous ?
_Oui, professeur, bredouillais-je comme s'il m'avait surpris dans une situation gênante. C'est moi.
_Que faites vous avec ces brutes ? me demanda t-il, toujours éberlué.
_Je travaille pour eux. Au département Justice, comme avocat général.
Le thisspiasien lâcha un long soupir où le dépit était perceptible.
_Vous me décevez beaucoup monsieur Nexhrn. Vous aviez un si grand potentiel...
_Et il l'exploite parfaitement ! cria Redra en rengainant finalement son arme, pour le plus grand soulagement de tous. Alsh travaille à bâtir un monde meilleur, pas à courir le profit comme tous ceux qui sortiront de cette faculté !
Je sentis un petit sentiment de fierté poindre en moi alors que le militaire prononçait ces mots. Il n'avait pas tort d'un certain point de vue : l'essentiel de celles et ceux qui fréquentaient les lieux étaient attirés par les profits gargantuesques qu'ils pourraient obtenir après quelques années de travail. D'autres et c'était mon cas auparavant, cherchaient le prestige ou la gloire. Enfin, un nombre très réduit et j'osais croire que j'en faisais désormais partie, visaient l'avènement d'un monde nouveau, où les faibles seraient défendus aussi équitablement que les forts et où les plus riches ne sortiraient pas nécessairement blanchis des jugements. Oh, il y avait sans doute une part d'utopie dans cette vision, j'en étais conscient. Mais depuis que je travaillais pour le COMPORN, c'était la première fois que j'imaginais ce monde idéal possible, à force de labeur.
_Je suis désolé professeur, finis-je par lâcher.
Zionz me toisa d'un regard noir et nous tournant le dos, commença à partir. Il s'arrêta au bout d'un mètre et murmura, sans se retourner :
_Là où on brûle des hololivres, on finit aussi par brûler des êtres sensibles. Souvenez-vous de cette citation monsieur Nexhrn. Peut-être vous servira t-elle un jour pour réveiller votre conscience meurtrie.
Et il serpenta lentement vers les bâtiments de la faculté. Je fis un pas dans sa direction mais la poigne de Redra me retint :
_Laissez, dit-il d'un ton sans appel. Zionz représente ce contre quoi nous luttons dans toute sa splendeur : âgé et alien.
_C'était avant tout mon professeur ! objectais-je.
_Oui, "c'était", fit-il remarquer. C'est terminé Alsh vous n'êtes plus élève ici. Vous êtes avocat général pour le Comité. Vous n'êtes plus dans l'apprentissage mais dans l'action. La nationalisation votée il y a trois mois est de votre fait, entièrement de votre fait. Est-ce qu'un autre camarade de votre promotion aurait pu si vite en sortant de l'école, remporter si vite sa première affaire ?
Kraik voulait poser une question de rhétorique, c'était évident. Je notais au passage que Shihuff et son incroyable talent de conviction déteignait sur ses proches.
Redra n'avait pas tout à fait tort encore une fois. Quelques jours après ma remise de diplôme, je gagnais une affaire devant les holocaméras. Est-ce qu'un autre membre de ma classe aurait pu le faire ?
_Kolba'ra, dis-je du bout des lèvres, une boule acide se formant au creux de mon estomac lorsque je repensais au twi'lek. Il est aussi doué que moi.
_Mais si je ne m'abuse, il travaille pour un cabinet privé. Il chasse la commission, se bat pour l'argent. Pas vous. Vous luttez pour l'avenir et la justice.
Je n'ajoutais rien et avançais jusqu'au tas de datapads qui allaient être détruits. Je saisis le premier hololivre qui me tomba sous la main et blêmis en reconnaissant l'ouvrage sur lequel l'examen final avait en grande partie porté. Un hololivre extrêmement complexe, que j'avais eu un mal de chien à étudier. J'étais certain que si Kolba'ra m'avait battu, c'était sur ce point précis. C'était à cause de cet hololivre que j'avais terminé deuxième...
Je laissais retomber l'hololivre dans le tas avec fracas et jetais par dessus mon épaule à Kraik :
_Vous avez raison lieutenant. Ces holos sont dangereux. Qu'ils brûlent.
Redra hocha la tête en esquissant un sourire et fit un signe à un de ses soldats. Ce dernier s'approcha de la pile d'hololivres équipé d'une arme qui me faisait songer à un très long fusil. Il pressa la gâchette et une langue de flamme surgit de l'embout et vint lécher les hololivres. Le chaleur fit imploser les holos et je vis leurs écrans se craqueler. Puis, le feu prit pour de bon et les composants commencèrent à fondre. Une odeur de métal et de plastique brûlé se tarda pas à se répandre aux alentours de même qu'une épaisse fumée noire. Quelques miliciens ajoutaient de nouveaux datapads au bûcher tandis que le reste SA se rassemblaient autour de l'autodafé et firent le salut du Comité. Je me joignis à yeux, prononçant le serment avec une véritable foi. J'avais l'impression qu'en brûlant ces vieux hololivres, c'était mon échec qu'on effaçait ainsi. Lorsque les mots "vive Palpatine" sortirent de ma bouche, j'eus la sensation qu'ils lavaient mon affront et rendaient mon honneur aussi pur qu'un canyon de cristal de Chandrila.
Je restais encore quelques minutes avant de m'en aller. Je retrouvais Rekkon au parking des visiteurs qui me reconduisit au siège du département Justice. Je me remis au travail avec une ardeur insoupçonnée, motivée par le souvenir de l'autodafé.
Je quittais le bureau plus tard ce soir-là et rejoignis mon domicile presque à regret. Je me forçais toutefois à laisser mes dossiers au département : séparer vie privée et travail était devenu un véritable credo depuis mon entrée dans le COMPORN. J'estimais qu'il était important et nécessaire de tracer une ligne de démarcation. Je passais l'essentiel de mes journées à travailler d'arrache-pied pour l'Empire. Je pensais avoir le droit, une fois chez moi, de penser à autre chose. Mais ce soir, Dontika en avait décidé autrement. Je la trouvais assise dans le salon, une petite boîte de hfredium posée devant elle, sur la table. Je m'apprêtais à rejoindre ma petite amie pour l'embrasser quand je stoppais net en reconnaissant la boîte : c'était celle où j'avais dissimulé le blaster que m'avait "offert" Kraik. J'avais pris soin de bien la cacher pour que Dontika ne la trouve pas : elle avait une peur bleue des armes depuis la mort de son frère, lors d'un accident de chasse. A la réflexion, j'aurais dû me débarrasser de cette arme plutôt que de la cacher mais je n'avais pu m'y résoudre.
_Tu peux m'expliquer ça ? me demanda t-elle en désignant la boîte d'un petit coup de menton.
_Don, tentais-je en m'approchant doucement d'elle. Comment tu as trouvé cette boîte ?
_Ne m'appelle pas comme ça Alsh, siffla t-elle. Je ne suis plus une petite fille.
_D'accord, m'excusais-je, pardon. Dontika, est-ce que tu peux me dire comment tu es tombée là dessus ?
_J'étais énervée et j'avais besoin de me calmer les nerfs.
Elle n'avait pas besoin de détailler plus : quand ma petite amie voulait évacuer sa colère, elle se laissait posséder par une frénésie de rangement et briquait tout ce qui lui tombait sous la main. Voilà qui expliquait sa découverte.
_Tu étais en colère ? lui demandais-je en posant ma main sur la sienne qui se déroba aussitôt.
_Ne détournes pas la conversation, me dit-elle d'un ton froid. On est pas en audience, tu n'es pas en train de plaider et je ne me laisserais pas convaincre comme le premier sénateur venu.
Le mot "sénateur" me fit dresser l'oreille. Se pourrait-il que Dontika sache...
_Oui, je sais pour qui tu travailles Alsh. Tu me crois si idiote que j'ignore ce que fait l'homme dont je suis amoureuse ?
_Chérie, si je ne t'ai rien dit, c'est parce que...
_Explique-toi à propos de ce blaster Alsh !
Je lâchais un soupir. J'étais piégé. Autant dire la vérité...ou du moins, la présenter d'une certaine façon.
_C'est mon arme de service, dis-je après un blanc.
_Une arme de service ? répéta t-elle, incrédule. Explique-moi en quoi un avocat à besoin d'une arme de service ? Pour que sa plaidoirie soit plus percutante peut-être ?
_Le COMPORN est un organisme considéré comme militaire. Le moindre de ses membres est un soldat de réserve, du moins, sur le filmplast. Et on doit avoir une arme. C'est comme ça.
En réalité, seule la CompForce était réellement une organisation militaire. Les autres branches, si elles avaient indubitablement une atmosphère martiale, n'étaient pas pour autant, stricto sensu, militaires elles-même. Mais ça, Dontika l'ignorait...ou du moins, je l'espérais.
_Tu sais que je déteste les armes, dit-elle d'une voix plus douce.
_Oui, je sais, murmurais-je en tentant à nouveau de poser ma main sur la sienne.
Cette fois-ci, elle ne me repoussa pas.
_Excuse-moi, dit-elle dans un soupir. Je suis vraiment sur les nerfs en ce moment. J'en peux plus.
Je me rapprochais d'elle et ouvrit les bras. Elle se leva vint se blottir contre moi et colla son visage contre ma poitrine. Je tentais de l'étreindre du mieux possible, du mieux que je pouvais, car après tout, elle était plus grande que moi.
_C'est à cause de Vrei, mon chef de service, sanglota t-elle. Il est de pire en pire...je suis en train de craquer.
_Calme toi, dis-je en l'embrassant sur le front. Je vais m'occuper de ce salopard.
_Toi ? demanda t-elle en relevant la tête, surprise.
_Oui, l'assurais-je en l'embrassant une nouvelle fois. Ne t'en fais pas. Fais-toi un bon bain chaud avec des huiles parfumées, installe toi devant un petit holo. Essaie de de détendre.
_Et toi ?
_Je te l'ai dit, dis-je avec un demi-sourire. Je m'occupe de tout.
Je l'embrassais à nouveau, sur les lèvres cette fois. Elle me fit un sourire, un peu forcé mais un sourire néanmoins.
J'appelais Rekkon dès que j'avais passé le pas de la porte. Théoriquement, je ne pouvais pas bénéficier de l'airspeeder en dehors des heures de service mais le COMPORN était connu pour se défier des règles quand il le fallait.
Le SA fut en bas de chez moi en quelques minutes. Je lui donnais l'adresse de la compagnie qui employait Dontika. J'étais sûr d'y trouver son chef de service : ma petite amie m'avait plusieurs fois affirmé qu'il y passait des nuits entières.
Je ne savais pas exactement comment j'allais m'y prendre mais j'étais sûr d'une chose : après ma visite, ce chef de service éviterait de s'en prendre à ma petite amie.
L'immeuble de bureau où travaillait Dontika ne comportait plus que quelques lumières aux étages supérieurs. Je demandais à Rekkon de m'accompagner et de ne pas dire un mot. Je me présentais à l'agent de securité avec ma carte du COMPORN, posant le doigt là où était inscrite ma profession.
_Agent Nexhrn, du Bureau de Sécurité Impérial. Je dois interroger le chef de service Vrei et ce, immédiatement.
_C'est à dire qu'il est en train de travailler monsieur l'agent. Est-ce que vous ne pourriez pas revenir demain ?
_Immédiatement ! répétais-je d'une voix forte.
L'agent de sécurité bredouilla une formule d'acquiescement et m'indiqua le turboélévateur à prendre et l'étage où se trouvait Vrei. Je m'y précipitais presque, Rekkon sur les talons. L'attente dans le turboélévateur me parut interminable. Enfin, les portes s'ouvrirent. L'étage était une grande pièce de bureaux en open space. Tous étaient désertés, hormis un seul. Un homme grassouillet, à la moustache rousse entrait des données sur une console. Je m'approchais de lui et lus son nom sur le badge qu'il arborait à la poitrine. C'était bien le chef de service de ma petite amie.
_Monsieur Vrei ?
Il leva les yeux vers moi. Je fis un signe à Rekkon qui le frappa en plein visage avec sa matraque. Le nez de Vrei fut brisé sur le coup et il bascula de sa chaise en criant. Je fis signe au SA de continuer à la frapper. Les coups plurent sur Vrei qui leva piteusement les bras pour se protéger.Quand j'estimais que Vrei avait assez souffert, je m'accroupis près de lui.
_Maintenant, tu vas traiter de façon égale tes employés humains et aliens. Et surtout les employées zabrak. Je me suis bien fait comprendre ?
Vrei gémit. Je le refis rosser. Il hurla un "oui" qui déchira le silence de la pièce. Pour la forme je lui expédiai moi-même un coup de pied dans le visage.
Satisfait, je quittais l'étage, suivi par mon Sub-Adulte. Rekkon ne pipait mot sur ce qu'il venait de faire, il ne s'interrogeait pas sur la nature de son acte. J'avais donné un ordre et cela lui suffisait. En quittant l'immeuble, j'aurais dû me sentir honteux d'avoir fait frapper presque jusqu'à l'inconscience un homme que je voyais pour la première fois. Mais ce n'était pas le cas. Utiliser un SA pour faire rosser celui qui martyrisait ma petite-amie, j'en tirais une grande source de fierté. Et Coruscant m'en était témoin, je n'hésiterais pas à me servir de tout ce qui était en mon pouvoir pour défendre et protéger ceux que j'aimais.

Le radio-réveil sonna un peu avant six heures du matin. L'heure de réveil pouvait sembler très matinale mais c'était une habitude pour moi de me lever tôt car j'étais plus productif en matinée que le reste de la journée. Je tâtonnai sur la table de nuit pour atteindre le réveil et l'éteindre avant que son boucan ne réveille Dontika. Je vérifiais en tournant la tête sur le côté : ma petite amie dormait encore, blottie contre moi. Je déposais un baiser sur son front et sortis doucement du lit. Les yeux encore bouffis de sommeil, je m'accordais une douche brûlante histoire d'y voir plus clair.
Je me séchais ensuite, enfilai des vêtements propres et allais prendre mon petit-déjeuner : j'engloutis quelques tranches de bacon de nerf grillé avec des oeufs ainsi qu'un grand verre de jus de fruit concentré. Je ne buvais pas de café à la maison, préférant en prendre un en arrivant au bureau. Je finissais de poser l'assiette sale dans l'évier quand Dontika pénétra dans le salon, encore en habits de nuit. Elle me marmonna un "bonjour" à peine audible - avant son café du matin, toute tentative pour essayer de prendre contact avec elle se soldait immanquablement par un échec - et s'en alla directement se servir un grand bol de café brûlant. Bien qu'étant pour ma part prêt à partir depuis cinq minutes, j'attendis néanmoins que ma petite amie soit complètement réveillée pour échanger quelques mots avec elle. Nous nous souhaitâmes mutuellement bonne journée et je ne pus m'empêcher de sourire en songeant à ce que j'avais fait pour elle la nuit dernière. Assurément, sa journée serait excellente. Puis, j'embrassais Dontika et filai hors de l'appartement.
Je retrouvais Rekkon en bas de chez-moi. Il me gratifia du salut du Comité en guise de bonjour et je lui rendis la pareille. Je montais ensuite à l'arrière pendant que le SA me conduisait au département. Pendant le trajet, je parcourus la Volonté d'Acier, l'holojournal officiel du COMPORN. C'était essentiellement de la propagande mais on y trouvait parfois des articles intéressants. Un grand dossier était consacré au Jour de l'Empire, la fête anniversaire de la création du régime qui se tiendrait dans quelques jours. Je ne savais pas trop quelle attitude adopter : je ne pouvais quand même pas me rendre à la fête au bras de Dontika et d'un autre côté, manquer la fête aurait été très mal vu.
Je refermais l'holojournal quand l'airspeeder s'engouffra dans le garage du département.
Rekkon, suivant à la lettre le protocole, m'ouvrit la portière. Je sortis du véhicule, laissant la Volonté à l'intérieur. Rekkon nous appela un turboélévateur et pressa le bouton qui conduisait à mon bureau.
L'appareil nous conduisit rapidement à l'étage en question. Je donnais ordre à mon secrétaire de gagner mon bureau et de commencer le travail pendant que j'allais saluer les personnes présentes. En fait, je cherchais surtout à prendre un café avec le directeur Paesente. Nos emplois du temps étaient chargés et hormis en début de journée, il était rare que nous nous croisions dans les bureaux. Le directeur et moi avions fait de ce café matinal un rituel ainsi fus-je surpris de découvrir la salle de repos vide. Il n'y avait personne autour des tables. Surpris, je clignais des yeux et m'offrit néanmoins ma tasse de café matinale. Celle ci entre mes mains, je gagnais lentement mon bureau, faisant attention à ne rien renverser, que ce soit par terre ou sur mon costume. Je notais une certaine agitation au sein des employés du département, sans trop m'en inquiéter toutefois. Ce fut Rekkon qui m'apprit la raison de ce malaise, une fois que j'avais rejoins mon bureau :
_Monsieur l'avocat général, des agents du BSI sont ici en ce moment.
Malgré moi, je blêmis. Le Bureau de Sécurité Impérial ? Mais par les canyons de cristal de Chandrila, que faisaient-ils là ? Est-ce qu'ils savaient pour ma mise en scène d'hier soir ? Est-ce qu'ils savaient que je vivais avec une zabrak ? Est-ce qu'ils étaient venus m'arrêter ?
_Est-ce que vous savez quelle est la raison de leur présence ici ? demandais-je au Sub-Adulte.
_Nous menons une enquête, répondit une voix féminine derrière moi.
Je me retournais pour découvrir une sublime jeune femme d'environ mon âge, à la peau foncée et aux cheveux cendrés. Elle portait des bottes d'uniforme, un pantalon noir, une veste blanche ainsi que des gants de cuir noirs. Je reconnus sans peine les vêtements des hommes du BSI.
_Agent Eleiza Rhysode, du département des affaires internes du Bureau de Sécurité Impérial.
_Bonjour, lui répondis-je en tentant de cacher le trouble de ma voix.
Elle se fendit d'un léger signe de tête en guise de salut et fit quelques pas dans ma direction avant de me tendre la main. Malgré moi, ma poignée de main fut molle et fuyante. L'agent du BSI ne sembla pas s'en formaliser.
_Que pouvons nous faire pour vous agent Rhysode ? demandais-je en tenter de calmer le stress qui m'envahissait.
_Puis-je m'assoir ?
De l'index, elle désignait une des chaises faisant face à mon bureau.
_Bien sûr, bredouillais-je en regagnant mon propre siège pendant qu'elle-même prenait place.
Elle croisa les jambes, joignit les mains et y posa son menton. Nous nous fixâmes un moment sans rien dire. Ses yeux retenaient mon attention. Ce n'était pas tant leur couleur, un gris somme toute ordinaire, qu'un espèce de miroitement que je dinstinguais dans son regard qui intriguait et fascinait à la fois. Elle rompit le silence la première :
_Au BSI nous n'avons pas l'habitude de perdre notre temps en longues introductions alors je vais être franche.
Je me raidis et par pur réflexe, serrais les mains, me préparant au pire.
_Votre directeur, Oberon Paesente, vient d'être arrêté par notre service.
_Quoi ?
La surprise avait remplacé la peur. Paesente arrêté par le Bureau de Sécurité ? Mais ça n'avait aucun sens ! Elle dut lire la stupéfaction sur mon visage car elle enchaîna sans attendre :
_Je vous assure que c'est la vérité. L'information sera rendue publique dans quelques heures, tout au plus.
_Je vois, dis-je en tentant de reprendre mes esprits, bien que je comprenais absolument pas pourquoi le chef d'un des département du COMPORN avait pu être arrêté.
_Il est accusé de sédition, de propagande anti-impériale, de détournement de fonds et de haute-trahison.
Je n'arrivais toujours pas à le croire. Paesente était un des plus modérés du COMPORN, cela n'était un secret pour personne, ni ses doutes concernant la politique pro-humaine du régime. Mais de là à aller jusqu'au détournement, à la sédition et à la haute trahison ?
_Et quel est exactement mon rôle dans cette affaire ?
_Le protocole veut que nous interrogions la famille, les proches ainsi que les collègues de l'accusé afin de corroborer nos précédentes enquêtes. C'est un travail de routine mais il faut bien s'y plier, dit-elle avec un petit sourire.
_Je suis prêt à répondre à vos questions, répondis-je.
_Selon le règlement, vous devez passer au détecteur de mensonge. Est-ce que cela pose un problème ?
_Aucun problème, répondis-je mécaniquement.
Elle jeta un oeil en direction de l'extérieur et fit un mouvement de la main. Deux hommes poussant un petit chariot sur lequel était installé un long appareil rectangulaire gris perle firent leur entrée dans mon bureau. Ils poussèrent le chariot jusqu'à côté de moi et l'un d'eux commença à presser un certain nombre de boutons pendant que l'autre me demandait d'ôter ma veste et de relever une des manches de ma chemise. J'obéis et le technicien approcha de mon avant-bras une sorte de brassard en tissu dont la face intérieure était comme garnie de minuscules épingles.
_Les micro-aiguilles peuvent donner une impression désagréable quand elles se connectent à vos nerfs mais il n'y a rien de dangereux.
Je n'étais guère rassuré pour autant ! Lorsque l'homme installa le brassard autour de mon avant-bras, je m'attendis à ressentir une douleur fulgurante. En réalité, la sensation était assez proche de celle d'ongles qui s'enfonçaient légèrement dans ma peau. Les techniciens pressèrent encore quelques boutons avant de s'éclipser, confiant un datapad à l'agent Rhysode. Elle demanda alors à Rekkon s'il pouvait sortir, pour ne pas troubler l'expérience. Le SA m'interrogea du regard et je lui fis signe de patienter dehors.
_Bien, nous allons pouvoir commencer, dit la jeune femme. Avant tout, pour vérifier si l'appareil marche parfaitement, je vais vous poser quelques questions de base. Je vous demande de me répondre uniquement par oui ou par non. Si votre réponse est une autre réponse que oui ou non, si vous ne savez pas quoi répondre, s'il y a un problème ou tout autre cas de figure, je reposerais la question jusqu'à ce que nous obtenions une réponse claire : oui ou non. Vous m'avez comprise ?
_Oui, répondis-je en tentant de me préparer à l'interrogatoire.
_La pièce dans laquelle nous nous trouvons est-elle rouge ?
Par réflexe, je jetais un oeil aux tentures cramoisies et à la moquette bordeaux.
_Oui.
Elle pianota sur son datapad un court instant avant de reprendre.
_Est-ce la pièce dans laquelle nous nous trouvons est bleue ?
_Non.
Elle entra de nouvelles données.
_Parfait. Maintenant, je vais vous demander de mentir pour la prochaine question. Est-ce que la pièce dans laquelle nous nous trouvons est verte ?
_Oui, mentis-je.
Elle hocha la tête et programma encore une fois le datapad.
_L'appareil marche à hauteur de cent pour cent. Nous allons vraiment commencer.
Elle sortit un minuscule appareil de sa poche, le posa sur le bureau et l'effleura. Une lumière rouge s'en dégagea.
_Interrogatoire de monsieur Alsh Nexhrn, avocat général du département Justice du Comité pour la Préservation de l'Ordre Nouveau, par l'agent Rhysode, du département des affaires internes du Bureau de Sécurité Impérial, matricule 45326, portant sur l'arrestation d'Oberon Paesente, directeur du département Justice, pour haute trahison. Avant toute chose, j'aimerais confirmer quelques unes de nos informations. Votre nom complet est bien Alsh Narson Nehrn ?
_Oui.
_Vous êtes bien né il y a vingt-cinq ans, sur Chandrila ?
_Oui.
_Déménagé sur Coruscant pour y suivre des études de droit voilà cinq ans et sorti de cette même école, il y a trois mois, deuxième de votre promotion. C'est alors que vous êtes entré au Comité. C'est bien ça ?
_Oui.
_Parfait, déclara t-elle. Les informations concordent. Nous allons pouvoir passer à l'interrogatoire proprement dit.
Je déglutis. Parce que ce n'était pas encore vraiment commencé ?
_Monsieur Nexhrn, est-ce que vous connaissiez personnellement le directeur Paesente avant ces trois derniers mois ?
_Non.
_Aviez-vous déja entendu parler de lui auparavant ?
_Oui.
_Dans quel domaine ? Vous êtes autorisé à développer votre réponse.
_Son nom est resté célèbre dans le monde du droit, agent Rhysode. Nous avons étudié son cas à la faculté.
_C'est lui qui vous a fait accéder au poste d'avocat général du département ?
_En effet.
_Veuillez ne répondre que par oui ou non à moins que je ne vous autorise à développer, me reprit-elle.
Elle reposa la question et je fis attention à répondre "oui". L'interrogatoire se poursuivit encore pendant de longues minutes où je sentis le stress monter, comme si je redoutais de me trahir en répondant mal aux questions. Je répondis par l'affirmative à la question "saviez-vous que le directeur Paesente nourrissait des doutes au sujet de l'idéologie impériale" et la à la négative à "vous avait-il mis au courant de ses projets séditieux". Pleinement concentré, bien plus qu'en plaidoirie, je me méfiais du moindre faux pas. Au terme d'un quart d'heure éprouvant, nous arrivâmes à la fin.
_Dernière question monsieur Nexhrn avant de clore l'interrogatoire : il a été porté à l'attention de nos services d'une rumeur portant sur le fait que plusieurs cadres du COMPORN seraient intimement liés à des aliens. Avez vous eu vent de cette information ?
Là j'étais piégé, c'était sûr et certain ! Ils savaient que je vivais avec une zabrak, trahissant ainsi l'esprit de la Haute Culture Humaine ! "Plusieurs cadres"...autant dire moi ! Qu'est-ce que je devais dire ? Qu'est-ce que je devais répondre ? Si je répondais oui, je mettais-moi même la tête dans la gueule du sarlacc. Mais si je répondais non, la machine prouverait mon mensonge ! J'étais complètement coincé !
Alors, un miracle se produisit. Un des techniciens entrouvrit la porte et informa l'agent du BSI qu'ils avaient besoin du détecteur immédiatement, pour un autre interrogatoire. Elle hocha la tête et coupa l'enregistreur pendant que ses hommes m'ôtaient l'appareil. J'eus étrangement plus mal quand le brassard fut enlevé que quand ils me l'avaient mis. Je remarquais que les pointes s'étaient enfoncées dans mon avant bras, faisant perler une multitude de minuscules gouttes de sang qui se transformaient déja en croûtes. Un des techniciens du BSI m'assura que dans deux jours au maximum, les croûtes tomberont d'elles-même. Puis, lui et son collègue quittèrent la pièce, poussant devant eux le chariot et le détecteur. L'agent Rhysode rassembla ses affaires et avant de partir, se pencha par dessus le bureau pour me serrer la main.
_Merci de votre collaboration. Je sais combien ces interrogatoires peuvent être fatiguants.
Je lui rendis sa poignée de main, plus par automatisme que par politesse. Je ne sais pas si c'était la fatigue de la concentration qui me faisait inspirer plus que d'habitude mais je sentis les effluves de son parfum, une odeur capiteuse se frayer directement un chemin jusqu'à mon odorat.
Elle salua Rekkon qui venait de rentrer dans le bureau et s'en alla. Quand elle eut fermé la porte, je m'affalais sur mon fauteuil, poussant un lourd soupir de soulagement. Je m'éventais avec les mains et ordonnais un verre d'eau à mon secrétaire. Quand il me l'apporta, il me fit remarquer que j'étais en nage et effectivement, ma chemise était trempée de sueur. Il se proposa d'aller me chercher une chemise propre à l'intendance et je lui donnais mon feu vert. Alors que Rekkon partait rapidement aux étages inférieurs, je branchais l'Holonet, pour vérifier ce qu'avait déclaré Rhysode. La présentatrice twi'lek était justement en train de traiter de ce sujet :
_L'ancien juge Paesente, connu du grand public voici quelques années lors de l'affaire qui l'opposa au CBI a été arrêté ce matin, à son domicile, par des agents du Bureau de Sécurité Impérial. Bien qu'aucune nouvelle information n'ait été communiquée à ce jour, l'accusation de haute trahison planerait sur Paesente, qui occupait jusqu'à ce qu'il y a quelques heures, un haut poste au sein du COMPORN. Plus d'informations dans les heures qui suivent.
Je coupais l'Holonet d'un geste rageur. Mais c'était impossible bon sang ! Le BSI avait du faire une erreur, c'était la seule explication possible. Il fallait que j'en parle à quelqu'un. Tant pis pour le travail en retard, le cas du directeur était plus urgent. Rekkon revint, m'apportant une chemise propre. Bien que je fis la moue à la vue de la coupe droite et régulière, qui faisait penser à un uniforme, je me changeais toutefois. Je fermais les dernier boutons, enfilais ma veste et ordonnais au SA de me conduire sans attendre au gymnasium, le grand complexe sportif du Comité.
Fidèle à son entraînement et son endoctrinement, le jeune homme se plia à mes ordres sans broncher et bientôt, les bâtiments du gymnasium étaient en vue. Si officiellement, le gymnasium était un lieu public, en réalité, des miliciens SA filtraient les clients de l'établissement, ne laissant entrer que les membres du COMPORN. A cette heure, je savais que j'y trouverais Dakcen en train de jouer à la wegsphere, le jeu de balle favori du Comité. Il avait commencé le sport du ordre du médecin, pour prévenir d'accidents cardiaques, dûs à son surpoids. En fait, il n'avait pas perdu un gramme depuis le début de ce traitement mais il avait pris goût à la wegsphere, pour la compétition. J'y avais personnellement joué un peu mais sans plus, n'étant pas sportif.
Rekkon posa l'airspeeder devant le gymnasium et je franchis le barrage de miliciens sans aucun problème, après avoir montré patte blanche. Une fois à l'intérieur, je me dirigeais vers la section réservée à la wegsphere, certain d'y trouver mon ami. Et effectivement, il était bien en train de jouer ou plutôt de s'entraîner. Dans une salle circulaire à basse gravité, deux équipes de six joueurs s'affrontaient. Dakcen et ses coéquipiers portaient une tenue de sport blanche, contre une noire pour l'équipe adverse.
Le jeu était très rapide, dû à la faible gravité et la balle allait si vite qu'il fallait un certain entrainement pour la lancer et la réceptionner correctement. Sur un des pans de mur, un gigantesque panneau lumineux annonçait les scores et l'équipe de Dakcen menait au score d'une courte tête et ils remportèrent le match à la fin du temps réglementaire. Les joueurs s'entre-félicitèrent et se dirigèrent vers les douches. Dakcen me vit et alla jusqu'à ma rencontre.
Nous nous serrâmes brièvement la main et je lui expliquai en deux mots la situation. Il m'appris avoir déjà eu connaissance de l'arrestation de Paesente un peu plus tôt dans la matinée. Tout en marchant, nous nous retrouvâmes dans les vestiaires où mon ami se saisit d'une serviette et commença à éponger la sueur qui ruisselait sur son corps.
_Tu sais, ça ne m'étonne qu'à moitié que Paesente soit tombé. A bramer comme un tauntaun contre la politique de l'Empire, il ne pouvait s'attirer que des ennuis.
_Alors on ne peut pas dire ce qu'on pense au sein du Comité ?
_J'ai pas dit ça. Quand tu es bien placé au COMPORN, ils te permettent des écarts. J'ai déja vu la maîtresse du directeur de ma section, c'est une non-humaine et tout le monde ferme les yeux. Mais il y a une grosse différence entre mon directeur et Paesente. Mon directeur lui, a eu la bonne idée de rester dans les petits papiers de Shihuff et de la Commission Sélective. Paesente, lui, à la dernière réunion, a eu une sérieuse engueulade avec Shihuff, sur des mesures anti-aliens. Tu connais Shihuff, ça ne lui a pas plu. Ca ne m'étonnerait pas que ce soit lui qui ait lâché les vornskrs du BSI contre Paesente.
_Tu veux dire qu'il aurait fait accuser Paesente juste pour se venger ?
Dakcen haussa les épaules :
_Shihuff est un drôle de type, et il en faut peu pour qu'il pète les plombs. La plupart des membres du COMPORN n'hésiteraient pas à te planter une vibrolame dans le dos pour servir leurs intérêts mais sans aller au delà. Shihuff lui, si tu l'as comme ennemi, c'est pas une vibrolame qu'il va t'enfoncer dans le dos, mais un star destroyer.
J'esquissais un sourire à la marque d'humour de mon ami bien qu'en réalité, le sujet n'était pas drôle du tout.
_Quoi qu'il en soit, c'est bénéfique pour toi cette histoire.
_Comment ça ?
_Réfléchis un peu : le Jour de l'Empire est dans deux jours. Le gratin du Comité sera convié au Palais Impérial, pour la fête. Paesente devait y aller en tant que chef de sa section mais il est hors-circuit maintenant. Cela dit, le département Justice se doit d'être représenté. Et qui est l'étoile montante de Justice ?
_Arrête Dakcen, lui dis-je. Ca sera au vice-directeur d'aller à la cérémonie, pas à moi.
_Le vice-directeur ? Mais il est encore plus transparent qu'une couronne de soie ! Toi, tu passais pratiquement pour le bras droit de Paesente, tu as plaidé plusieurs fois et à chaque fois ça a été un succès...je serais très étonné si les officiels ne voulaient pas rencontrer ce jeune avocat qui défend si bien les couleurs du Trône. Non, crois-moi, ce sera toi qui recevra le carton d'invitation.
Les prédictions de mon ami s'avérèrent exacts puisque en rentrant chez moi, je trouvais une invitation officielle pour la réception que donnerait l'Empereur dans deux jours, à son palais. J'étais prié de faire savoir si je viendrais seul ou accompagné. Je pris quelques minutes de réflexion. J'étais confronté au même problème que ce matin, sauf que je devais leur donner rapidement une réponse. Finalement, je choisis de cocher la case "seul" et de renvoyer le carton. Au moins, je serai présent à la fête et je pourrais rencontrer du beau monde. Dontika comprendrait.
Ou du moins, c'était ce que j'espérais.

Il faisait chaud ce matin là et un grand soleil brillait dans les cieux de Coruscant. J'étais en uniforme de cérémonie, comme tous les autres membres du Comité, soldats de la CompForce exceptés qui eux portaient leur armure de combat. L'uniforme cérémoniel était calqué sur celui de la Marine et de l'Armée Impériale, décorations, insignes et cylindres de rang en moins. La teinte était aussi différente, abandonnant ce vert-de-gris si cher à l'Empire pour une couleur bistre. J'allais défiler en tête du département Justice, juste à la droite du vice-directeur. Le département allait descendre la voie principale de Coruscant, à la suite d'Education et juste avant Science. Le COMPORN avait le sens de l'ordre et tout était calculé à la nanoseconde près.
Je tirais un peu sur mon col, qui m'étouffait. Bon sang, je ne comprenais jamais comment certains membres pouvaient porter cette tenue en permanence ! Je préférais vraiment ma tenue civile !
Quelques minutes avant que l'on nous donne le signal du départ, mes pensées s'envolèrent vers Dontika. J'avais réussi à la convaincre de partir une journée voir sa famille, sur Iridonia. Je préférais la savoir loin de Coruscant en ce jour de fête nationale. Je ne voyais pas comment j'aurais pu lui expliquer ma présence au défilé et à fortiori, à la réception au Palais Impérial. Nous n'avions jamais vraiment parlé de mon travail au COMPORN mais je voyais bien que cela ne lui plaisait pas. Je ne pouvais pas dire que fréquenter des extrémistes au jour le jour était plaisant. Mais enfin, la paye était royale et nous avait offert un mode de vie plus que confortable. Je ne pouvais pas cracher comme cela sur l'organisation. Elle était imparfaite, c'était vrai mais elle permettait de changer des choses.
Le signal fut alors donné et nous nous élançâmes.
Plus de dix mille hommes marchaient d'un pas cadencé, comme si chacun d'entre eux était relié à un fil par un marionnettiste. Le bottes s'abbataient sur le sol de parabéton en un accord parfait, reproduisant le bruit du tonnerre. Je n'avais même pas à penser pour calquer mon pas sur celui de la troupe, tout venait naturellement. Nous marchions au pas, au son de la Marche Impériale.
Au loin devant nous, nous voyons nos camarades du département Education et encore plus loin, d'autres membres du comité. Sur notre droite et sur notre gauche nous entourant comme les deux berges d'un fleuve furieux, des millions de spectateurs criaient leur joie ou applaudissaient à notre encontre. J'étais fier et je bombais le torse, comme mes camarades.
C'était quelque chose de savoir que l'on faisait partie du COMPORN mais cela en était une autre de le ressentir dans son âme et dans sa chair.
Je me sentais faire partie d'un tout, j'étais un rouage essentiel de la machine impériale. C'était la première fois que je me sentais véritablement à ma place, comme si le destin m'avait mis au monde pour que je remplisse ce rôle. Et le meilleur, c'était que je n'étais pas un anonyme dans cette parade malgré tout. J'entendis distinctement la foule crier mon nom. Ils me connaissaient et ils m'aimaient. Je vis même un petit garçon de onze ou douze ans tendre naturellement le bras en nous voyant, reproduisant notre salut. Une décharge de fierté pure parcourut mon corps de la racine de mes cheveux jusqu'au dernier de mes orteils. Je n'étais plus ce fils de fermier chandrilien, condamné à ne rien faire de sa vie. J'étais quelqu'un. Sans vraiment savoir pourquoi, je pensais à Kolba'ra et pour la première fois, je fus content à l'idée qu'il m'ait battu.
Sans cela, je serais à sa place, travaillant pour le cabinet Krane, luttant avec d'autres chauve-faucons pour une poignée de crédits. Mais les choses était différentes. Que ce soit le hasard, la providence ou la destinée, je pouvais le chérir pour ne m'avoir accordé que la deuxième place.
J'avais vraiment connu Risus grâce à cela. Et en un sens, je pouvais presque également remercier Dweik et sa bande de m'avoir attaqué. Je ne ressentais plus aucun remords en songeant à leur sort. C'étaient des gens dangereux qu'il fallait stopper. Et si la mort pouvait sembler quelque peu extrème et bien au moins, elle empêchait la récidive.
Nos pas nous conduisirent à défiler devant la tribune où siégeaient les hauts membres de l'Empire. Palpatine lui-même n'était pas présent : nous devrions apprendre plus tard qu'une affaire de la plus haute importance l'avait appelé dans le Noyau Profond mais qu'il serait de retour dans la soirée, pour la réception en son palais. Cela dit, même sans l'Empereur, la tribune était un concentré étonnant d'hommes de talent : je reconnus le Moff Tarkin, un des premiers hommes à avoir reçu ce titre, flanqué d'autres officiers impériaux. Cela dit, notre attention n'était pas fixée sur l'Etat-Major Impérial mais bien sur le jeune homme aux cheveux bruns et à la fine moustache qui s'était avancé à notre arrivée et qui tendait le bras à notre approche. C'était Ishin-Il-Raz, le chef suprême de notre organisation.
S'il n'avait pas personnellement participé à sa fondation, cela ne l'avait pas empêché d'en devenir le premier porte-parole, il y a quatre ans avant de prendre la tête de la Commission Sélective. C'était le maître absolu du COMPORN et de nombreux SA le considéraient comme un demi-dieu. Le simple fait qu'il était l'unique personne au sein de la tribune à nous saluer ainsi prouvait à tous et à nous les premier, à quel point il était attaché au Comité. Gardant toujours le bras droit, Raz le ramena sur sa poitrine avant de le tendre à nouveau. A chaque fois qu'il exécutait ce geste, des milliers de bouches prononcèrent ces mots avec ferveur :
_Vive Palpatine ! Vive Palpatine ! Vive Palpatine !
Il y avait un décalage presque comique entre les réactions anarchiques de joie de la foule où les uns chantaient et les autres dansaient et ce style très ordonné qui régnait dans nos rangs. On aurait pu nous prendre pour des droïdes en réalité, en exécutant tous les mêmes gestes au même moment. Mais une personne qui aurait fait cette analogie de l'extérieur ne pouvait pas comprendre la force que l'on ressentait à faire partie de ce groupe.
On se sentait surpuissant, capable d'abattre le Mont Berin à la force des poings et encore plus en sécurité que dans le ventre qu'un quadripode impérial. C'était dans ces moments là qu'on comprenait ce que voulait dire le mot invulnérabilité.
Le défilé continua longtemps et se poursuivrait encore pendant de longues heures. Nous fûmes libérés de nos obligations à la fin de notre marche et de nombreux camardes décidèrent d'assister à leur tour à la parade. Je choisis quant à moi de rentrer me reposer un peu et me préparer pour la soirée.
Je fis une petite sieste et passais un long moment sous la douche avant de me raser avec application et de choisir ma tenue avec soin. Je n'avais pas de costume de soirée à proprement parer et j'avais toujours trouvé que j'avais l'air idiot en smoking. Je choisis donc mon plus beau costume cravate, en soie dramassianne, de couleur beige. J'hésitais à fixer le brassard écarlate impérial à mon bras, jugeant qu'il jurait trop avec ma tenue. Je choisis finalement de fixer une minuscule broche en aurodium, figurant une crête impériale, cadeau de Paesente pour l'une de mes plaidoiries, au revers de mon costume. Je me regardais un instant dans le miroir, plus élégant que jamais. J'étais encore plus stressé que lors de ma première prise de parole au Sénat. Je me forçais à recouvrer mon calme par des exercices de respiration et attendit l'arrivée du chauffeur du COMPORN. Ce n'était pas Rekkon qui me conduisit au Palais mais un soldat de la CompForce. Bien qu'il ne prononça pas un mot, je le reconnus à son attitude, que j'avais si souvent remarquée chez les hommes de Kraik.
Le Palais était stupéfiant à plus d'un titre : il faisait penser à une sorte de mariage entre une pyramide et une cathédrale. Sur trois kilomètres, tout n'était que tours immenses, toutes plus hautes les unes que les autres. Le style architectural faisait penser à une chaîne de montagne noire. sur deux kilomètres autour de l'édifice, s'étendaient les Jardins Palpatine. Autour du Palais, je vis une nuée d'airspeeders qui allaient et venaient, déposant de prestigieux invités avant de repartir. Mon chauffeur me déposa au pied du Grand Corridor, pour m'éviter une trop longue marche.
La rumeur disait que le hall était si grand qu'un destroyer de classe Victoire aurait pu y atterrir. Les invités étaient accueillis par une charmante twi'lek qui vérifiait leurs cartons d'invitation avant de les laisser aller plus loin. La présence de deux Shock Troopers, chargés de la protection des hauts lieu du monde capitale, reconnaissables à leur armure rouge, ne m'échappa pas. Palpatine était assez intelligent pour cacher l'armée aux yeux de ses invités mais il ne faisait aucun doute qu'au moindre problème, une nuée de gardes pouvait surgir de n'importe où. Je tendis mon carton à la réceptionniste qui m'invita à entrer avec un aimable sourire. Tout en m'enfonçant plus loin dans les profondeurs du Palais, je ne pus m'empêcher de penser que la Haute Culture Humaine était bien sélective...
Je suivis un groupe d'invités jusqu'à arriver dans une immense salle qui brillait de mille feux. La décoration et les tons de couleur, centrés sur l'or et le blanc, ressortaient d'autant plus lorsque l'on venait de quitter le hall et ses teintes noires. Des centaines de personnes, hommes et femmes et même quelques aliens, tous richement vêtus, bavardaient autour d'une coupe de champagne et de petits fours. Je parcourus la foule des yeux et finis par reconnaître quelques têtes connues. Je me dirigeais vers elle quand Shihuff Fams surgit de je ne sais-où et me serra chaleureusement la main :
_Ah Alsh, enfin vous êtes-là ! Certains convives meurent d'envie de vous connaître. Mais avant, il faut que je vous présente quelqu'un...
Il m'entraîna presque de force à sa suite, évoluant dans les rangs des invités comme un mee dans l'eau. Avant d'avoir eu le temps de comprendre, je me trouvais devant Ishin-Il-Raz en personne, en costume de gala, flanqué d'autres hauts membres du Comité. Je tendis automatiquement le bras et fit le salut réglementaire. Avec un sourire amusé, Raz me le rendit avant de me serrer la main. Je n'arrivais pas à croire que j'étais en train de m'entretenir avec l'homme devant qui j'avais défilé ce matin !
_Alsh, dit Raz avec bienveillance. Il me tardait de vous rencontrer. Shihuff ne cesse de nous répéter à longueur de temps à quel point vous êtes doué et je dois dire que les évènements lui ont donné raison.
Je tentais de modérer les louanges du maître du COMPORN mais Shihuff me reprit :
_En fait, il n'y a qu'un seul problème avec notre ami : il est trop modeste.
Raz rit de bon coeur :
_Sans doute. Mais il a tout de même l'ambition de bâtir un monde meilleur avec le Comité. Rien que pour cela je ne le trouve pas si modeste.
Nouvel éclat de rire. Raz attrapa une flûte de champagne au vol et me la tendit :
_Goûtez donc un peu de ce champagne Alsh. Vous m'en direz des nouvelles.
Plus pour faire bonne impression que parce que j'avais réellement soif, je bus quelques gorgées de boisson et fus surpris par son goût exquis.
_Vous voyez ? dit Raz en riant à moitié. Il va falloir vous y habituer parce qu'au train où vont les choses, vous en boirez à tous les repas !
_J'ai peur de ne pas bien comprendre monsieur...
_Appelez moi Ishin, je vous en prie. Et bien je parlais de votre fulgurante ascension dans nos rangs bien entendu. Vous ne comptez pas briguer la place laissée vacante à la tête de Justice ?
Je manquais de m'étrangler avec le champagne. Par les canyons de cristal de Chandrila ! Moi, directeur du département Justice ?
_Je ne sais pas si cela serait une bonne idée, répliqua Shihuff soudain beaucoup plus froid. Le poste est considéré comme gelé pendant le procès de Paesente.
Raz haussa les épaules :
_Allons Shihuff, vous savez bien qu'ici, les règles n'ont pas le même sens qu'ailleurs. Il nous suffirait de glisser un mot au directeur Isard et...
_Avec tout le respect que je vous dois, je refuse ! dit le porte-parole d'un ton sec. Agir ainsi entraverait l'enquête du BSI et ralentirait d'autant plus le procès de ce traître et son juste châtiment !
_Vous ne l'aimez vraiment pas, n'est-ce pas ? demanda Raz en buvant un peu de champagne.
_Paesente est un traître à sa race et à son rang ! Il a nous seulement poignardé dans le dos toute l'organisation mais aussi ses frères humains ! C'est un crime contre l'Empire et contre toute la race humaine ! Rien que pour cela, il devrait être mis à mort !
Raz tenta de tempérer la colère de Shihuff mais ce dernier était déchaîné :
_Toute personne qui agit ainsi devrait être exécutée, quel que soit son rang ou son grade ! Nous ne pouvons pas tolérer de cinquième colonne dans nos rangs !
Dès que Raz objectait, la rage du porte-parole augmentait, tant et si bien qu'il se donnait pratiquement en spectacle. Les convives les plus proches de nous cessèrent leur discussion et se concentrèrent sur la joute verbale qui opposait les deux hommes. Si Raz restait d'un calme olympien, ce n'était pas le cas de son subalterne, dont le visage s'était empourpré. Je me sentais moi-même quelque peu stupide, à regarder cette dispute. Shihuff était tel que Risus me l'avait décrit : prêt à exploser à tout moment.
_Allons, allons, que se passe t-il ici ?
La voix était rauque et traînante. Un timbre unique, que tout citoyen de l'Empire avait entendu au moins une fois dans sa vie : celui de l'Empereur en personne, Palpatine.
L'Emprereur ne portait pas ses habituelles robes noires mais avait choisi de porter celles au tons écarlates qu'il avait mises il y a quatre années de cela, pour proclamer la fin de la République. Comme un automate et imité en cela par de nombreux invités, je posais genou à terre et baissais à la tête. Même Shihuff arrêta là sa diatribe et rendit hommage à son souverain. Palpatine fit signe à l'assemblée de se relever. En levant les yeux vers le vieil homme, je remarquais qu'il était accompagné non seulement de sa cour habituelle mais aussi d'une petite fille de neuf ou dix ans et d'une vieille dame au port altier. Le visage de Palpatine semblait plus doux et plus aimable qu'à l'habitude. Il avait paternellement posé la main sur l'épaule de la petite fille.
_J'étais en train de discuter avec ma jeune amie quand nous avons été interrompus par votre dispute, déclara paisiblement Palpatine.
Les mots et le ton étaient peut-être doux mais on sentait clairement la reproche derrières les non-dits. Raz et Shihuff baissèrent la tête, comme des enfants pris en faute.
_Je vous prie de nous excuser mon Empereur. Cela ne se reproduira plus, assura Raz.
Palpatine ne leur jeta qu'un très bref regard désapprobateur avant de se pencher pour se mettre à hauteur de la petite fille. Le visage du maître de l'Empire s'éclaira alors qu'il conversait avec la fillette :
_Et donc Jareen, tu me disais que tu voulais faire quoi quand tu serais grande ?
La petite fille rougit jusqu'aux oreilles et murmura quelques mots inaudibles. Palpatine s'amusa à mettre sa main en cornet qu'il plaça au niveau de son oreille.
_Qu'est-ce que tu as dit ? J'ai du mal à entendre...l'âge sans doute, gloussa t-il.
Je n'en revenais pas. Palpatine, l'Empereur en personne était en train de jouer avec la petite fille, comme s'il étaient en privés et non au beau milieu de la plus grande réception de l'année. J'avais déja vu aux informations Holonet, des images d'enfants jouant avec Palpatine mais j'avais toujours cru que c'était de la propagande. Pourtant, l'Empereur plaisantait avec la fillette avec un naturel qui me laissais pantois.
_Oh, tu veux devenir officier dans la Marine Impériale ? Pourquoi pas...je suis sûr que si tu travailles dur à l'Académie, tu iras très loin.
L'Empereur eut un petit rire et se releva avant de s'adresser à la vieille dame :
_Vous m'excuserez madame Etta mais j'ai encore beaucoup d'invités à voir. Je vous souhaite de passer une bonne soirée.
il ébouriffa les cheveux de la petite fille qui gloussa de ravissement avant de s'éloigner dans la foule avec la vieille dame. L'Empereur la regarda partir avec un sourire aux lèvres :
_J'adore les enfants, dit-il peut-être plus pour lui-même que pour nous. Ils sont l'avenir de notre galaxie. Ce sont pour eux que nous luttons aujourd'hui, pour leur laisser un monde où ils pourront grandir paisiblement et où le mot guerre n'existera plus que dans les hololivres d'histoire.
Le visage de l'Empereur redevint brusquement dur et sérieux alors qu'il s'adressait à Shihuff :
_Je vous prierais de modérer vos propos quand nous sommes en soirée mon ami. Vous n'êtes pas en train de haranguer la foule à un meeting du COMPORN mais à une réception. Vous êtes un représentant de l'Empire, alors comportez-vous comme tel.
Les yeux du monarque glissèrent un court instant sur moi, sans vraiment me voir avant de se fixer sur Raz.
_Ishin, déclara Palpatine, je devais vous entretenir d'un sujet important.
_Je vous écoute votre Majesté, répondit le jeune homme.
_Il a été porté à mon attention de l'attitude disons peu patriote de certains non-humains envers le Trône Impérial. Je croyais pourtant vous avoir déja demandé de prendre des mesures à cet égard, non ?
Le ton affable avait disparu pour laisser place à une voix aussi froide que l'espace lui-même. Assurément, il y avait deux Palpatine : un qui se montrait doux en présence d'enfants et un autre bien plus sec quand il reprenait son rôle de monarque.
_Je sais votre Majesté. Mais vous devez comprendre que c'est un problème qui prend du temps. Parmi ces aliens, il y en a qui sont parfaitement en règle avec la loi impériale, nous ne pouvons donc pas les arrêter. Quant à la "solution" préconisée par le professeur Murthé, soyons honnêtes, c'est une chimère. Elle coûterait une fortune. Ca demanderait un investissement énorme. De plus, je ne pense pas que cela à ça que nous pensions lorsque nous avons établi la Haute Culture Humaine.
_Je ne suis pas ici pour parler de Murthé, Ishin mais bien pour voir quelles sont les solutions que vous proposez !
Pendant que le maître de l'Empire et celui du COMPORN dissertaient, je me renseignais discrètement auprès d'un convive. Le problème était le suivant : un nombre relativement important d'aliens avaient vivement protesté contre la politique impériale. Palpatine et le reste de l'Empire voulaient les réduire au silence ou du moins, arriver à les contrôler pour qu'ils ne s'expriment plus.
_Si vous le permettez, j'aimerais donner mon avis.
Je n'avais aucune idée de pourquoi j'avais pris la parole mais je vis soudain l'attention de l'assemblée se cristalliser sur moi. Je déglutis et me lançais :
_Mon Empereur, je ne suis pas en possession de toutes les données pour comprendre la totalité du problème mais j'ai peut-être une solution.
Je m'attendais à me voir éconduit manu militari mais l'Empereur me fit signe de continuer.
_D'après ce que j'ai saisi, l'idéal serait d'arrêter les opposants ou du moins, de les détenir en un lieu clos. Pourquoi pas dans un quartier de la ville ? Sous haute surveillance, nous pourrions obliger les ennemis de l'Empire à y résider.
_Développez votre idée mon garçon me dit Palpatine dont le visage trahissait l'intérêt.
_Une sorte de quartier ou de zone de résidence obligatoire pour les aliens ennemis de votre Majesté. Nous pourrions prétexter des mesures sanitaires comme une sorte de quarantaine. Ce faisant, relégués dans les bas quartiers de Coruscant, nous pourrions avoir l'oeil sur eux, sans jamais enfreindre la loi.
Après un temps qui me sembla infini, Palpatine hocha lentement la tête :
_C'est une excellente idée mon garçon. Bravo. Comment vous appelez-vous ?
_Alsh Nexhrn, votre Majesté. Je travaille au département Justice du COMPORN.
_Oui...maintenant que j'y pense, Pestage m'a déjà parlé de vous. Je suis fier de compter des hommes tels que vous dans nos rangs.
Je m'inclinais.
_Merci mon Empereur.
_Relevez-vous mon ami. Sachez que le Trône va désormais suivre votre carrière avec le plus grand intérêt...
Sur ses mots, Palpatine s'en alla, accompagné de sa cour. Rapidement les convives autour de nous reprirent leurs discussions. Ishin-Il Raz me jeta un regard de remerciement pour l'avoir tiré de ce mauvais pas avec Palpatine. Shihuff, lui, désapprouvait mon idée.
_Et à quoi cela servira t-il de parquer les aliens dans un ghetto ? Ils seront toujours là, à nous nuire en respirant le même air que nous. On ne guérit pas d'une grave maladie en isolant les cellules infectées, il faut les détruire pour préserver la santé du corps !
Raz fit une moue :
_Allons Shihuff, on croirait entendre Murthé.
_Il n'a peut-être pas si tort vous savez...excusez-moi, je dois aller voir Antonio et Cassio...ils doivent encore traîner autour de Whiluff.
Sur ces mots, le porte-parole du Comité nous quitta, me laissant en tête à tête avec Raz. Ce dernier sourit et me servit un nouveau verre de champagne :
_A vous et à votre idée ! Vous venez de me sauver la vie Alsh !
J'allais modérer ses propos quand il m'en empêcha :
_Je parle presque au sens propre ! Votre idée est si géniale et simple à la fois que je me demande comment nous ne l'avons pas eu plus tôt. L'Empereur a raison, vous avez du talent, vous savez parler...
Il s'arrêta un moment, comme s'il cherchait ses mots.
_J'ai peut-être un poste qui pourrait vous intéresser. Le suppléant de Shihuff vient de nous quitter, dans un regrettable accident d'airspeeder. Est-ce que cela vous plairait de travailler directement pour la Commission Sélective ?
_Mais c'est monsieur Fams qui vous représente en tant que porte-parole...
_De vous à moi Alsh, Shihuff n'est plus vraiment l'homme de la situation. Il est un merveilleux agitateur politique et à un certain talent pour parler aux masses mais vous avez vu à quel point il peut se compromettre en public. C'est un rustre. Ses positions extrémistes nous alliénnent la sympathie des modérés et des non-humains. Il faut plus de subtilité à ce genre de poste.
Il me glissa à l'oreille :
_Soyons clairs : Shihuff sera remercié de son poste de porte-parole d'ici à un an. A ce moment là, qui de mieux placé pour lui succéder que son adjoint direct ?
Je ne savais pas quoi répondre : on m'offrait de devenir en moins d'une année, le représentant offciel de tout le Comité !
_Vous n'êtes pas obligé d'accepter bien entendu. Mais si vous le désirez, n'hésitez surtout pas à poser votre candidature, moi et la Commission l'appuiront de toutes nos forces !
Il jeta un regard à la foule et lâcha un petit soupir :
_J'ai moi aussi une meute de gens à voir. Ravi d'avoir pu vous parler en tête à tête et pensez bien à ce que je vous ai dit. Passez une bonne soirée.
Il me tapota sur l'épaule et se noya dans la foule. Personnellement, j'étouffais et j'étais sonné, je sortis donc prendre un peu d'air. Je gagnais l'obscurité des jardins proches, où l'on avait planté des arbres ch'hala, dont l'écorce changeait de couleur en fonction du son envirorant. J'étais seul dans l'arboretum, cherchant à reprendre mes esprits. Dans l'espace de la même soirée, j'avais parlé à Ishin Il-Raz, à l'Empereur en personne et on m'offrait une promotion spectaculaire. J'avais du mal à emmagasiner les informations et fus presque satisfait de voir que mon récepteur holographique protable sonnait. Je l'activais et l'image bleutée de Dontika se matérialisa sur quelques centimètres, au dessus du récepteur. Elle semblait tendue et en colère. Je préférais la laisser commencer.
_Alsh, dit-elle d'un ton sec. Figure toi que j'ai jeté un oeil à l'Holonet aujourd'hui. Je suis tombée sur le défilé de ce matin. Et qui est-ce que j'ai vu en tête de son cortège ?
_Chérie, objectais-je, c'est pour le travail, je suis obligé d'y aller.
_Ah oui ? Et t'habiller comme ça, dit-elle en désignant mon costume, c'est aussi pour le travail ? Est-ce que tu te rends comptede ce que tu fais ?
_Je suis membre d'une organisation, c'est normal que je participe avec elle à ses fêtes ou à ses évènements...
_Et quelle organisation, hein Alsh ? Le COMPORN, bravo, c'est très glorieux tout ça de passer son temps à endoctriner les gens et à taper sur les aliens !
_On ne fait que promouvoir la culture humaine, c'est tout, répliquais-je d'un ton plus agressif à mon tour. Et c'est grâce à ce job qu'on a pu déménager de ce studio pourri et avoir notre propre appartement ! Et je ne t'ai pas trop entendue cracher sur les crédits que je ramenais à la maison, non ?
_Tu réduis ça à une histoire d'argent ? Tu crois qu'il n'y a que ça qui m'intéresse dans la vie ? Non, moi ce que je veux c'est vivre avec toi, fonder une famille ! Alors crois-moi, je me moque bien des crédits !
Un long silence suivit notre dispute. Nous cherchions tous les deux nos mots.
_Ecoute, dis-je en reprenant la parole, on parlera de tout ça demain, tous les deux, OK ? On va voir ce qu'on décide.
_D'accord, répondit-elle après un blanc. Alsh ?
_Oui ?
_Je t'ai...
Je coupais brusquement la communication en entendant quelqu'un s'approcher de moi dans le jardin. Si on découvrait que la même personne qui venait de suggérer la création de ghettos aliens discutait avec sa zabrak de petite-amie dans l'arboretum impérial, je ne donnais pas cher de ma réputation !
_Vous auriez pu la laisser finir. Je suis au courant de tout vous savez.
Je me retournais, reconnaissant l'agent Rhysode. Elle avait lâché ses cheveux et portait une longue robe verte qui lui allait à merveille ainsi que quelques bijoux discrets, disposés avec goût.
_Agent Rhysode, lui dis-je en guise de bonsoir.
Elle pouffa :
_Laissez tomber le protocole, je ne suis pas en service. Appelez-moi Eleiza...
Elle fit quelques pas vers moi, l'obscurité et les ombres des ch'halas jouant sur sa peau foncée.
_Qu'est-ce que vous voulez dire par "je suis au courant" ?
Elle s'approcha encore d'avantage et sourit :
_Je travaille au BSI. C'est mon travail d'être au courant. Et je sais pour vous et pour la petite zabrak.
Je déglutis.
_Vous croyez vraiment que l'autre jour, lors de l'interrogatoire, vous aviez échappé à la question sur les relations avec les aliens ? Je suis une professionnelle : faire entrer un assistant pour réclamer le détecteur de mensonges est un truc encore plus vieux que la Pyramide du Crépuscule d'Aargau. Le suspect croit que l'interrogatoire est fini et ne contrôle plus ses réactions. Je n'avais qu'à regarder mon datapad pour lire toutes vos émotions d'un seul coup d'oeil. Votre niveau de stress est monté en flèche en quelques secondes. C'était évident.
_Et qu'est-ce que vous comptez faire ? lui demandais-je. Me dénoncer ?
Elle haussa les épaules :
_Je pourrais. Ce n'est pas techniquement un crime mais avouez que ça semblerait bizarre à beaucoup de membres du Comité. Votre carrière serait finie ou du moins, très ralentie.
_Vous me faites chanter ?
Alors qu'elle n'était plus qu'à un pas de moi, elle gloussa.
_En quelque sorte. Je suis une personne franche, je vous l'ai déja dit. Alors voilà : je vous veux, vous.
_Moi ?
Elle hocha la tête :
_Oui. Vous êtes l'étoile montante du COMPORN, vous pourriez aller très loin. Et je suis une femme ambitieuse.
_Vous pourriez être plus claire ?
Elle se rapprocha tant que je me retrouvais adossé contre un arbre. Elle se colla presque à moi et son parfum revint m'enivrer.
_Je veux devenir votre maîtresse.
_Quoi ?
Est-ce que mes oreilles me jouaient des tours ? Si c'était le cas, tous mes sens étaient eux aussi dans l'illusion la plus totale ! Depuis mes mains qui touchaient presque la jeune femme, jusqu'à mes yeux qui la voyaient se rapprocher encore plus de moi ! Je fus à nouveau captivé par l'étrange miroitement de son regard.
_Osez dire que je ne suis pas attirante.
_Eleiza. Je...
_Dites-le...
Avant que je n'ai pu bredouiller quoi que ce soit, elle m'avait saisi le visage en coupe et m'embrassait avec fougue. D'instinct, je lui rendis son baiser avant de brusquement songer à Dontika. Je tentais de me dégager de l'étreinte de l'agent du BSI et n'y arrivais qu'après de monstrueux efforts.
_Ça suffit, haletais-je en la repoussant sans conviction.
_Tu hésites, fit-elle remarquer. Pourquoi ? Par amour envers cette zabrak, qui elle, ne t'aime pas ?
_Elle m'aime, répliquais-je mécaniquement.
_Et comment est-ce qu'elle te le montre ? En hurlant parce que tu réussis ta vie, parce que tu gagnes de l'argent, parce que tu monte en grade ?
Je ne trouvais rien à redire à ça. Je restais sans rien faire, les mains posées sur Eleiza, ne bougeant plus.
_Je ne serais pas comme elle, me dit la jeune femme en m'embrassant dans le cou. Moi, je serais fière de toi, fière de ce que tu fais. Et tu pourrais te promener avec moi ou t'afficher en public, sans crainte.
_Partez. S'il vous plaît.
Elle glissa un petit morceau de filmplast dans ma poche de costume :
_Voilà mon numéro. Je te laisse quelques jours de réflexion. Mais crois-moi, tu n'y perdras pas au change.
Elle m'embrassa une dernière fois avant de retourner à la réception. Je restais abasourdi dans les jardins et gagnais la sortie du Palais comme un automate.
Trop de choses s'étaient passées cette nuit. Trop de questions tournaient dans ma tête, réclamant des réponses. Mais ce soir, je ne pouvais pas. Je ne savais pas, je ne pouvais plus !
Tout ce que je voulais, c'était regagner mon lit et dormir ! Dormir !
Dormir...

_Qu'est-ce que je suis pour toi Alsh ?
Assise en face de moi, à la table du salon, Dontika avait croisé les bras et me foudroyait du regard. Elle était arrivé il y a quelques minutes à l'appartement, refusant que j'aille la chercher à l'astroport. Elle était rentré par ses propres moyens et à peine avait-elle passé la porte qu'elle s'était assise pour discuter. Son ton était si froid qu'il en devenait brûlant, semblable à la morsure du givre sur la peau nue.
_Qu'est-ce que je suis ? répéta t-elle.
Je n'arrivais pas à formuler mes mots. pourtant, ce ne devait pas être un problème : j'étais avocat de formation, parler était mon métier. Je pouvais discourir des heures sur des sujets au Sénat sans jamais hésiter une seconde, une fois lancé. Mais pourtant, là, la situation était différente. J'avais la tête rentrée dans les épaules, les yeux fixant le plancher, incapable de m'exprimer. Les mots montaient en moi mais refusaient de sortir comme s'ils mouraient au fond de ma gorge. Ce silence dut déplaire à Dontika qui continua sur sa lancée. :
_Est-ce que je suis ta petite amie ? Ta femme ? Celle que tu aimes et avec qui tu veux vivre ou bien est-ce que je suis un genre d'animal exotique ? La petite exception alien que s'offre le grand avocat du Comité entre deux discours spécistes ?
J'entrouvris la bouche pour protester mais je ne dis rien. Seul un chapelet de sons inarticulés franchit la barrière de mes lèvres, comme un filet d'air. Finalement, j'avalais ma salive et tentais une objection.
_Tu comptes beaucoup pour moi Don.
Par les étoiles noires...c'était d'un niveau ! Même un enfant aurait fait mieux que moi.
_Tu ne réponds pas à ma question. Qu'est-ce que je suis ?
C'était en fait une très bonne question. Il y a encore quelques mois, j'aurais répondu qu'elle était la femme de ma vie, sans hésiter. Bon peut-être pas à ce point mais au moins que je l'aimais profondément et que j'en étais amoureux. Mais depuis que j'avais rejoins le COMPORN, je voyais notre relation sous un jour nouveau. Sans même parler des théories raciales.
_Tu es la personne avec qui je vis.
Je n'avais mis aucune chaleur dans cette phrase, je ne faisais qu'énoncer un fait.
_A cet égard, je pense qu'il est logique de considérer que tu dois être fière de moi, de la même manière que moi, je suis fier de ce que tu fais.
Mes yeux quittèrent le sol et remontèrent lentement dans la pièce au fur et à mesure que ma phrase prenait de l'emphase.
_Je suis membre du COMPORN. J'ai un poste à responsabilité là bas et on me paye bien. Je gagne des sommes que je n'aurais eues que des années plus tard si j'avais travaillé pour une boite privée. Et non seulement, je suis bien payé mais en plus, je fais changer les choses.
Je verrouillai mon regard sur Dontika alors que je me grandissais lentement.
_Est-ce que tu as la moindre idée de ce qui gouverne les cabinets d'avocat aujourd'hui ? C'est ceci ! dis-je en sortant un crédit de ma poche et en le montrant à la zabrak. La balance de la Justice penche toujours en faveur des plus riches !
_Et qu'est-ce que tu fais des avocats commis d'office ?
Je manquai de pouffer.
_Mais voyons, réfléchis ! Ca fait partie du système. Tu crois que les meilleurs avocats sont des commis d'office ? On envoie des pauvres types au charbon, des gamins qui sortent à peine de l'école de droit. Ils font de leur mieux mais ils font face à des machines de guerre. C'est aussi équitable qu'un combat entre un rancor et un jawa qui aurait les mains attachées dans le dos. J'ai vu ces gosses de riches à l'Université, attendant la remise des diplômes comme des chiens kaths tournant autour d'une pièce de viande. Tous ce qu'ils attendaient, c'était ce feu vert pour défendre les gros clients, gagner une tonne de crédits et pouvoir en gagner encore plus !
Prenant appui sur la table, je me dressai.
_Il existe des hommes qui pensent comme moi, que ce système est mauvais. Qui pensent qu'il y a des choses qu'il faut changer dans cette galaxie. Et c'est ce que nous faisons, au COMPORN. Nous rendons les choses meilleures. Nos avocats sont tous très bien formés et sont financées en interne. Nous ne demandons donc pas un décicrédit à nos clients. Combien de cabinets peuvent en dire autant ? Nous nous efforçons de faire le bien. Je m'efforce de faire le bien ! Pour toi, pour moi, pour les milliards de gens qui vivent dans cette galaxie !
Je m'étais presque brisé la voix sur la fin. Dontika laissa filer un blanc et battit lentement des mains :
_Bravo. On pourrait envoyer ça tel quel aux journalistes de la Volonté d'Acier. Il n'y aurait qu'à ajouter que le système ploutocrate est aux mains des non-humains mais que le COMPORN s'efforce jour et nuit de réduire ce complot à néant. Enfin, on ajouterait un petit "vive Palpatine", pour finir en beauté et on publierait.
_A quoi tu joues ?
_Simplement te faire remarquer que tu ne plaides pas. Tu n'es pas en train de parler à une foule en délire mais à moi. Alors j'aimerais que tu arrête ton holocinéma et que nous puissions vraiment parler.
Je me rassis en maugréant. J'avais la désagréable impression qu'elle me faisait la leçon.
_Je t'ai vu évoluer dans ce milieu, dit-elle. Au début, je dois bien dire que oui, j'étais contente. Tu avais trouvé un travail qui te plaisait, qui était bien payé...je n'ai rien à redire à ça. Mais là où j'ai un problème, c'est comment toi tu peux fréquenter ce genre de personne ! Des gens qui tiennent des discours haineux en public, qui militent pour que les droits des non-humains soient supprimés, qui brûlent des hololivres qui leur déplaisent...
_Tu pourrais aller au fait ?
_Tu fréquentes des extrémistes, voilà mon problème ! cria t-elle. Tu soutiens des types qui rêvent jour et nuit de nous détruire, nous, les aliens ! Je ne te comprends plus ! lâcha t-elle au bord des larmes. Où est passé l'Alsh que je connais, celui qui voulait travailler dur pour devenir un grand avocat ? Où est passé l'homme dont je suis tombé amoureuse ?
_J'en sais rien, dis-je après une hésitation. Mais moi, je me demande où est passée celle qui a dit m'aimer "quoique que je fasse".
Elle ravala un sanglot. Ce n'était sans doute pas très charitable de ma part de remettre ses propos sur la table comme ça mais j'étais ainsi. Je ne prenais pas de gants quand la situation l'exigeait.
_Alors on fait quoi ? dit-elle d'une voix secouée par le chagrin. On s'arrête là ? Comme ça, après plus de deux ans ensemble ?
Je haussais les épaules. Je ne pouvais pas dire que c'était quelque chose qui me faisait plaisir mais d'un strict point de vue logique, c'était la meilleure chose à faire. En quittant Dontika je n'avais plus rien à cacher au Bureau de Sécurité Impérial et ma carrière au sein du COMPORN pourrait se poursuivre sans entraves.
_Une dernière question Alsh...sanglota Dontika. Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre ?
L'image d'Eleiza s'imposa à moi. Je choisis d'éluder la question.
_Que je dise oui ou non, ça ne changera rien.
Je croisais les mains, plus pour me donner contenance qu'autre chose.
_Je vais te laisser l'appartement. Je prendrais quelques affaires mais c'est tout. La moitié de ce qui est sur le compte est à toi. Si tu as des soucis d'argent, n'hésite pas à me demander, je serais là pour te donner un coup de main.
Je la vis déglutir difficilement alors que je me levais lentement, enfilai mon manteau et rassemblais quelques affaires.
_Je passerais récupérer le reste de mes affaires plus tard. Ou bien j'enverrais un homme les chercher.
Alors que je franchissais la porte de l'appartement, elle s'adressa une dernière fois à moi :
_Tu n'as rien de plus à me dire ?
Je haussais les épaules pour la deuxième fois et m'engouffrai dans le turboélévateur de l'immeuble. Alors que la machine m'emmenait aux niveaux inférieurs, je repensais à ce qui venait de ce passer. Etrange avec quelle facilité j'avais pu mettre un terme à notre liaison. Nous avions eu de bons moments, c'était évident mais ça ne pouvait pas continuer. Elle et moi appartenions à deux mondes différents désormais comme si l'un vivait au 500 Republica et l'autre, dans le plus miteux des studios du Corridor Ecarlate.
Une fois arrivé en bas, je sortis de mon immeuble et fus accueilli par un mauvais crachin qui me fouetta le visage. Le beau soleil de la vieille n'était plus qu'un souvenir et le mauvais temps semblait parti pour durer.
Je hélais un taxi-volant qui me conduisit à mon bureau. J'expliquais rapidement la situation à mon vice-directeur, qui assurait toujours l'intérim depuis l'arrestation de Paesente et l'homme m'assura que je pouvais m'installer dans un des appartements de fonction du COMPORN en attendant de trouver quelque chose. Je passais les prochaines semaines noyé dans le travail, suivant avec intérêt le projet de loi dont j'avais été à l'origine.
Le décret avait reçu un très mauvais accueil auprès du Sénat, pourtant habituellement docile et bien plus encore auprès des populations aliens de la cité-capitale. De grandes manifestations s'organisaient chaque jour pour protester contre cette réforme qui tournaient souvent à l'affrontement avec les forces de l'ordre.
Pour être honnête, je regardais tout cela un peu de haut. Je considérais que cela ne me regardais pas. Certes j'avais suggéré le décret à l'Empereur mais je n'étais nullement responsable de sa rédaction. Qui devait on blâmer quand la loi était mal reçue auprès du peuple ? La personne qui avait donné la première impulsion ou la main qui l'avait rédigée de bout en bout ?
Deux mois s'écoulèrent au terme desquels la loi allait être présentée et votée au Sénat. Ishin Il-Raz insista personnellement auprès de l'administration impériale pour que je sois celui qui plaide en faveur de la réforme. C'est ainsi qu'en début de soirée je me retrouvais à plaider en faveur de ce décret très impopulaire.
Il n'y avait guère que la Volonté d'Acier pour assurer que l'Assemblée marcherait comme un seul homme dans l'intérêt de tous : j'avais beau être généralement bien considéré à la Chambre, je fus hué quand je pris la parole. Même Pestage avait du mal à calmer le Sénat. Mais je n'étais pas stressé du tout.
Je savais ce qu'il fallait faire lorsque le public était hostile. Il ne fallait surtout pas entrer dans son jeu. Plus l'Assemblée gagnerait en colère, plus je serais calme. Ainsi, elle n'aurait rien pour fixer sa rage qui s'évanouirait d'elle même. J'appliquais cette leçon à la lettre : alors que la Chambre criait et marquait son opposition à la réforme de manière virulente, parfois en m'insultant, j'avais fermé les yeux et je respirais calmement. Je m'efforçais de ressentir le moment précis où leur colère atteindrait le point de rupture. Le moment où ils se fatigueraient physiquement à force de hurler.
Petit à petit, plate-forme après plate-forme, le calme revint au Sénat. J'ouvris alors lentement les yeux, fixai l'Assemblée et déclarai avec calme :
_Mesdames et messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire que votre attitude me déçoit. Nous sommes ici dans le coeur de notre régime. Que serait l'Empire, notre glorieux Empire galactique sans vous mesdames et messieurs les sénateurs ? Vous devez comprendre que nous ne sommes plus sur les bancs de l'école. Nous sommes des adultes, tous ici pour remplir notre devoir.
Peut-être hypocrite de ma part : les meetings du COMPORN reposaient avant tout sur la politique-spectacle. Mais je ne pouvais pas me lancer dans de grands élans ou pas tant que la salle ne serait prête. Manipuler la masse était aisé, ce n'était qu'une question de timing.
_Vous êtes réunis ici aujourd'hui pour vous prononcer sur une proposition de loi. Je sais que cet décret portant sur les Zones de Protection Alien n'a pas un bon écho dans les rues. Mais je sais aussi que l'important est ce qui se passe entre ces murs et pas au dehors !
Flatter l'auditoire. Incroyable à quel point les êtres sensibles pouvaient être sensibles aux compliments. C'était comme un succulent sucre Yyegar, on pouvait faire avaler n'importe quoi avec, le goûteur ne se souviendrait que du goût du sucre.
_Au fond sur quoi porte cette proposition de loi ? Sur les bases de notre Empire : la sûreté, la sécurité, la justice et la paix !
Le Sénat savait-il que je reprenais mot pour mot une des grandes phrases de Palpatine, lors de la création de l'Empire ? Toujours est-il que quelques sénateurs se mirent à hocher la tête favorablement à l'écoute de ces mots.
_Ce n'est rien d'autre, assurais-je à l'Assemblée. On traite cette loi de spéciste, d'être contre les populations aliens. Rien ne pourrait être plus faux. Est-ce que cette loi dit "tuons tous les non-humains" ? Est-ce qu'elle dit, "jettons-les en prison" ? NON !
Je commençais à acrocher l'auditoire. Maintenant, je pouvais faire un peu de show.
_L'Empire se bat et se battra encore et toujours pour l'avenir de ses enfants, des aalagar aux zylurians !
Je commencais à avoir la sympathie de l'Assemblée. Faible et ténue mais qui était bien là. Il s'agissait de ne pas perdre ce brin d'écho.
_Nous sommes dans une galaxie cosmopolite et Coruscant en tant que capitale n'y fait pas exception. Il y a des milliers et des milliers d'espèces différentes dans notre cité. Cette proximité des espèces crée naturellement des tensions. Ce que nous voulons, pour la sûreté et la sécurité c'est que ces tensions disparaissent. Et pour ce faire, nous avons la solution : il suffit de rassembler les différentes espèces dans une Zone de Protection Alien bien définie, sous la protection permanente de l'Empire galactique. Il ne s'agit pas de dresser les communautés les unes contre les autres. Il s'agit de les protéger.
Je marquais une pause, laissant le temps à l'Assemblée de digérer mes propos.
_Il ne s'agit pas de diviser mais de rassembler. En votant en faveur de cette loi, vous votez pour l'avenir. Vous votez pour les communautés aliens. Vous votez pour l'Empire. Vous votez pour vous !
Un long silence suivit ma déclaration. Puis un applaudissement discret, d'une des plate-formes. Un autre s'éleva d'un autre endroit du Sénat et ce fut l'effet domino. En moins d'une minute, plus de la moitié du Sénat - en majorité des humains - s'était ralliée à moi. Le reste de la Chambre, elle, restait plutôt froide.
Je quittais la tribune satisfait. J'avais réussi à littéralement retourner la moitié des sénateurs. Maintenant, la réforme avait une chance de passer. Et effectivement, la réforme fut adoptée, à un peu plus de cinquante-deux pourcent. Je ne pus m'empêcher de sourire en songeant au fait que j'étais directement responsable de la victoire du décret. En quittant la rotonde, je fus interviewé longuement par de nombreux journalistes. Mon nom resterait à jamais attaché à cette loi, je marquerais l'Histoire.
Après la conférence de presse, je sortis sur le parvis du Sénat où les manifestants opposés au projet de loi venaient juste d'apprendre la nouvelle. Un cri de rare bestial parcourut la foule qui fut difficilement maîtrisée par la Garde du Sénat. Je me détournais de ce triste spectacle et cherchais des yeux un taxi qui pourrait me ramener chez moi.
C'est alors qu'un abyssin franchit le cordon de sécurité des soldats et se dirigea vers moi à grandes enjambées.
Je ne compris pas tout de suite la situation avant de voir le minuscule blaster qu'il brandissait devant lui. Je tentais de m'écarter de lui mais je n'eus aucun moyen de l'arrêter. Quand il pressa la gâchette, je fus aveuglé par un flash rouge et une douleur fulgurante, bien plus importante que tout ce que j'avais connu me saisit à la poitrine. Par réflexe, j'y plaquais ma main, sentant le tissu précieux de mon costume se consumer sous la chaleur de l'impact. L'air me manqua.
Je tentais de respirer à grandes goulées alors que ma vision se brouillait et que je distinguait difficilement un groupe de gardes se jeter sur le tireur pour le neutraliser tandis que d'autres s'approchaient de moi pour me porter secours. J'avais l'impression que mes poumons étaient en feu et que chaque inspiration attisait le brasier.
Je tombais lourdement au sol sans vraiment m'en rendre compte, trop obnubilé par ma blessure à la poitrine. Je me sentais mourir.
Des mains me saisirent, tentèrent de me donner les premiers soins mais je ne voyais rien de tout ça. Un voile noir commençait à tomber sur mes yeux alors que la douleur allait croissante. Etait-ce comme cela que j'étais destiné à mourir ?
Je sentis une nouvelle douleur dans ma poitrine, semblable à une piqûre et aussitôt, le voile s'en alla et la douleur diminua en intensité. Je relevais difficilement la tête et vit qu'un des soldats, appartenant au corps médical m'avait fait une injection de bacta directement dans la blessure. Il m'assura que tout irait bien et que je serais transporté sans tarder à l'Hôpital de Coruscant. Je voulus répondre quelque chose mais parler m'épuisa et je tombai presque immédiatement évanoui.
La tentative d'assassinat sur ma personne choqua profondément la bonne opinion coruscanti et le COMPORN décida qu'une punition exemplaire devait avoir lieu pour venger son jeune avocat général.
Dans la nuit où j'étais opéré en urgence, des milliers de miliciens SA encadrés par des militaires de la CompForce organisèrent un pogrom dans les quartiers abyssins de la ville. Des magasins furent saccagés, des centaines d'aliens furent rossés ou massacrés dans les rues et des milliers d'entre eux furent arrêtés.
Les violences nocturnes furent appelées "Evènements de la Nuit du Verre Brisé" et donnèrent l'impulsion à de nombreuses autres dans les jours qui suivirent.
Nous étions le lendemain du quatrième anniversaire de l'Empire et le jour où la première loi sur les Zones de Protection Alien avait été adoptée. Le jour où je survécus à une première tentative de meurtre, gardant des séquelles jusqu'à la fin de ma vie.
Nous étions aussi le jour où dans mon délire semi-conscient, abruti par les médicaments, je jurais que tous les aliens ennemis de l'Empire allaient découvrir mon nom et le craindre.
Et l'avenir allait me donner raison.

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