La Trilogie de l'Expansion

Chapitre 8 : Dossier Mecetti

23704 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/07/2018 17:40

L'Exocet sortit de l'hyperespace, et amorça son arrivée vers un étonnant conglomérat de bâtiments hétéroclites à moitié encastrés dans la roche d'un grand astéroïde.

- Ouah ! Très impressionnant !

- N'est-ce pas, mon amie ? Voici Lemuir IV dans toute sa splendeur !

Lemuir IV, l'un des principaux astroports du système des Mondes Libres, la portion indépendante du Secteur Tapani, apparut dans le cockpit, devant les yeux émerveillés d'Ezra Lohrn, assis aux côtés du pilote, le Herglic Hamar Chaktak. Lemuir IV, un point d'arrêt indispensable de la route galactique commerciale de Rimma. Lemuir IV, carrefour entre Tallaan, principale planète des Mondes Libres, Mrlsst et Procopia. Lemuir IV était un gigantesque parking composé de dizaines de sphères d'acier étanches dans lesquelles stationnaient les centaines de vaisseaux qui allaient et venaient. Les plus grands croiseurs de croisière ou de classe militaire pouvaient même se ravitailler sur la baie d'appontage spécialement réservée à leur intention, sur une section isolée à l'une des extrémités du bloc de roche presque aussi grand qu'une petite lune.

Le Herglic tourna sa grosse tête rose de dauphin vers la jeune Humaine.

- On ne devrait pas tarder à accoster, dans quelques minutes ils vont me demander de m'identifier. Je vous appellerai à ce moment.

- D'accord, Hamar. Je vais voir où en sont les autres.

Le docteur Lohrn se leva et se déplaça jusqu'au petit séjour du vaisseau de transport. Canderous et Grennan étudiaient ensemble le fusil à impulsions que le Chiss avait récupéré sur le tueur en armure noire. Dankin, le Togorien à fourrure crème, faisait des exercices d'étirement.

- Où est Morgreed ?

- Dans une cabine, il est en train de dégueuler, répondit le Mandalorien. Il supporte mal les voyages dans des vaisseaux de taille inférieure à celle d'un croiseur de plaisance.

- Ah…

- Hé, t'es sûre de ton coup sur cette affaire-là ?

- Avant de partir, j'ai encore fait quelques recherches. D'ordinaire, les Calipsa passent souvent par les Mondes Libres pour le commerce, mais depuis la déclaration de guerre des Calipsa, Mecetti et Reena contre l'Empire, on déconseille fortement aux Calipsa de passer ouvertement dans le système Tallaan.

- Rapport à la présence impériale, je présume ?

- Exactement. Mais ça ne m'a pas empêché de me renseigner sur la route de l'Espoir Éternel. Ce vaisseau a emprunté la route commerciale de Rimma, ce qui signifie qu'il a pu voler entre Mrlssti et Achillea, en passant par Tallaan. Ca ne nous avance pas énormément, mais bon. Quoi qu'il en soit, va falloir s'attendre à tout.

La jeune doctoresse se rassit sur la banquette, et s'étira presque langoureusement. L'Exocet était aussi confortable et spacieux qu'il présentait bien à l'extérieur.

- Hé, et toi ? T'as un coup de blues ?

Ezra s'était tournée vers Liam Kincaid qui était en train de se morfondre, installé à la petite table dans un coin. L'adolescent ne semblait pas réagir aux paroles d'Ezra. Quand elle vit sa mine défaite, elle comprit immédiatement dans quel état d'esprit il se trouvait. Elle s'assit à côté de lui.

- Eh bien alors ? Tu es dans un beau vaisseau ultramoderne dans lequel tu regrettais de ne pas être monté sur Gamorr, et maintenant que t'es dedans, tu fais la tête ?

- Oh… c'est pas le vaisseau.

- Ne t'en fais pas, Chi'ta ne risque rien !

- Bah… je ne sais pas.

- Attends, on l'a ramenée sur Yavin IV ! Qu'est-ce que qui peut lui arriver ?

- J'en sais rien… Ces gars en armure, ces cafards… j'aurais préféré rester avec elle.

- On va dans un nid de mynocks ! répondit Morgreed alors qu'il entrait à son tour dans le cockpit en s'essuyant la bouche avec un torchon. Elle ne s'est pas encore tout à fait remise de sa crise d'appendicite, ce n'est vraiment pas le moment pour elle de faire une rechute !

Avec un soupir d'exaspération, Ezra rétorqua :

- Je lui ai enlevé ce qui n'allait pas, Morgreed, elle ne peut pas avoir de nouveau une inflammation dans un endroit que je lui ai ablaté !

- T'es marrante, toi ! J'y connais rien en anatomie !

- Tu sais pourtant où frapper pour tuer, non ? railla Grennan.

- Ouais, mais entre se défendre et disséquer, y a une marge ! Bon, d'accord, pour moi, elle est un peu mince, cette marge…

- J'aime pas la laisser derrière moi, en retrait. Elle doit se sentir délaissée…

- Elle m'a promis qu'elle s'entraînerait au sabre-laser pour pouvoir nous accompagner la prochaine fois, rassura la jeune doctoresse.

L'adolescent restait triste. Ezra ne lâcha pas le morceau.

- Liam, tu devrais la laisser vivre sa vie, un peu ! Ça ne lui fera peut-être pas de mal de fréquenter ses camarades et les salles de cours du Praxeum, pour changer ! Tu sais, les filles ont envie d'avoir leur petite vie intime de temps en temps, surtout quand elles ont besoin d'y remettre un peu d'ordre ! Chi'ta ne fait pas exception, toute padawan Consulaire qu'elle soit !

En voyant Liam faire la grimace tout en s'effondrant sur la table, la jeune doctoresse comprit qu'elle avait heurté un point sensible.

- Excuse-moi. J'ai tendance à oublier que les ados ont parfois du mal à gérer leurs hormones, même avec la Force. Je suis sûre qu'elle a été très impressionnée par tes prouesses en lisant notre rapport.

- Il y a de quoi ! ajouta Canderous. J'aurais bien aimé y être, et me mesurer à ces mecs. En tout cas, ils ont une sacrée artillerie, pour sûr !

- Tiens, viens plutôt voir à quoi ressemble Lemuir IV de dehors, je parie que tu n'as jamais vu un truc pareil !

L'adolescent se leva, encore un peu réticent, et suivit la doctoresse jusqu'à la cabine de pilotage. Toujours aux commandes, Hamar se retourna vers les deux Humains.

- Quelque chose me chiffonne, les amis.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Apparemment, il y a du monde pour nous recevoir.

- Qui ? AH !

Liam eut un brutal sursaut de frayeur en voyant dans à travers le hublot un croiseur Interdictor.

- Tiens ? Mais je croyais que l'Empire n'avait pas d'autorité officielle ? demanda Ezra à haute voix, d'une voix alourdie d'appréhension.

- Ils restent le pouvoir le plus présent dans les Mondes Libres, et ne détestent pas donner de temps à autre un petit rappel de leur domination à qui peut l'entendre ! répondit Chaktak.

Comme pour compléter le tableau, le communicateur sonna.

- Croiseur Gantelet à vaisseau en approche, veuillez vous identifier.

Affolé, Liam se précipita dans l'une des soutes et s'enferma dans un placard. Grennan l'avait suivi.

- Hé, c'est quoi, le 'blème ?

- Il ne faut surtout pas qu'on me voie à bord… bégaya l'adolescent.

Dans le cockpit, Chaktak s'identifia, et le douanier à bord du croiseur donna à l'Exocet l'autorisation de passer. Ezra rejoignit ses deux compères.

- Ta cabine était trop grande ?

- On… on est passé ?

- Oui, c'est bon, on va atterrir.

L'adolescent sortit lentement du placard.

- Ce vaisseau, c'était le Gantelet. Le croiseur personnel de Daymon Thorn !

- Thorn… le Seigneur Noir ?

- Lui-même. Je ne suis pas prêt d'oublier la première fois que je l'ai rencontré…

- On va redoubler d'attention, les gars, suggéra Ezra. S'il y a son croiseur personnel, peut-être qu'il compte faire une visite-surprise sur Lemuir IV.

- Mais pourquoi ? Bon sang, Ezra, ne me dis pas qu'il est venu pour moi ? Comment saurait-il que je suis ici ?

- Attends, il ne le sait probablement pas, sinon ils nous auraient déjà abattus.

Cette supposition était assez crédible pour finir de calmer Liam. La jeune doctoresse retourna dans le cockpit, suivie par Liam et Grennan. L'Exocet était maintenant sur le point d'accoster, et l'on ne voyait plus l'espace à travers la surface vitrée. Le communicateur sonna. Chaktak marmonna :

- Je crois que vous feriez mieux de répondre, mon amie.

- Certes, capitaine.

Et la jeune femme appuya sur le bouton, activant la communication. Une voix féminine sortit du haut-parleur.

- Astroport de Lemuir IV à navire de transport, veuillez vous identifier.

D'un air dégagé, le docteur Lohrn dit lentement :

- « Perdue dans l'ombre solaire, je suis à la recherche de l'Espoir Éternel. »

Quelques secondes passèrent, et la préposée aux communications répondit :

- Ah, je comprends. Vous pouvez vous poser au dock numéro treize, mais ce que vous cherchez vous attend au dock numéro dix.

- Bien reçu. Dock treize, dock dix.

- Terminé.

En quelques minutes, le commerçant Herglic fit quelques manœuvres et rapidement, l'Exocet se posa au dock treize.

Un petit fonctionnaire Mrlssti s'approcha du vaisseau de transport, bloc de données en main, prêt à faire remplir les formulaires au capitaine. Avec une petite exclamation satisfaite, le fonctionnaire vit la rampe d'accès descendre, et s'en approcha. Un grand sourire aux lèvres, il s'approcha de la première personne à en sortir.

- Bienvenue sur Lemuir IV, cher monsieur !

Le Mrlssti eut pour toute réponse une très désagréable surprise quand le Barabel ouvrit grand la bouche et lui vomit à la figure.

- Décidément, je ne m'habituerai jamais aux voyages spatiaux !

Hamar Chaktak sortit à son tour, et dit à Ezra :

- Faites vos commissions, je vais régler les formalités et déposer ma cargaison.

- Bien.

- Devrai-je vous attendre ?

Ezra réfléchit un petit instant.

- Si ça ne vous dérange pas, mais si jamais il devait y avoir des problèmes, je vous avertirai et vous partirez sans nous. Et si jamais la situation devait dégénérer salement pour vous, ne réfléchissez pas et allez-vous en le plus vite possible. Je n'ai pas envie de vous causer des problèmes.

- D'accord, très chère, j'espère que nous n'en arriverons pas là !

Et le Herglic laissa là le petit groupe pour suivre le Mrlssti qui s'essuyait tant bien que mal. Liam montra l'un des murs, un peu plus loin.

- Le dock numéro dix est par là, d'après ces panneaux.

- On va devoir prendre le monorail, constata Grennan.

Deux minutes de marche plus loin, ils arrivèrent sur un quai. Un rail irisé d'étincelles électriques sortait d'un couloir sombre et s'enfonçait dans un autre tunnel. Une cabine vitrée parallélépipédique assez spacieuse pour contenir une vingtaine de personnes déboucha alors par la gauche, et s'arrêta pile devant les six compères. Ils montèrent à bord un par un, et la cabine reprit son chemin automatiquement.

Ils se retrouvèrent dans un couloir sombre, seulement éclairé par des lampes de sécurité cyan, ce qui ne rassura pas Liam qui se sentait de plus en plus nerveux. Il sursauta quand il entendit le bruit de secousse alors qu'une autre cabine sur le rail parallèle croisa leur route.

- Mais pourquoi on n'est pas à l'air libre ?

- Parce qu'ici, on est dans un énorme tube qui relie deux parties de l'astéroïde, répondit Grennan. Nous traversons le vide spatial.

- Le tunnel est sous vide ? interrogea Morgreed.

- Non, et il est assez solide pour supporter le crash d'un vaisseau de transport.

Au bout de deux minutes, la cabine ralentit, et s'arrêta devant un nouveau quai, tandis qu'une voix suave annonça : « Accès aux pistes dix, onze, douze ». Les six camarades mirent pied à terre, et ne traînèrent pas.

- Rappelez-vous que ce vaisseau est probablement en rapport avec des bandits, alors restons vigilants. C'est compris, Liam ?

- Ouais, Ezra, pas de problème.

Enfin, ils arrivèrent devant la lourde porte sur laquelle était peint en gros « Quai d'atterrissage numéro 10 ». Quand Canderous appuya sur le bouton, le panneau métallique coulissa dans un grand bruit de machinerie, révélant un très désagréable spectacle.

Un vaisseau de transport était stationné au fond du hangar, à première vue un vaisseau de transport Subla très quelconque, jugea Grennan. Un peu plus en avant, non loin de la petite bande, juste devant le vaisseau, quatre Humains à la mine patibulaire entouraient un cinquième individu à genoux, le visage en sang, le canon du blaster lourd de l'un de ses agresseurs sur le crâne. Tous les cinq tournèrent simultanément la tête vers les investigateurs.

Tout se passa alors très vite. Le truand qui menaçait l'homme à genoux pressa la gâchette, tuant instantanément son otage. Canderous sortit aussitôt son arme et brûla net la poitrine du tueur. Morgreed saisit sa hache et galopa vers les trois restants. Liam avait dégainé son blaster de sport, et paralysa net le deuxième, un petit homme à barbichette. Quand le Barabel fut à portée, il s'apprêta à abattre sa terrible hache sur le grand homme musclé qui lui faisait face, mais celui-ci fut atteint à l'épaule par un tir venu de derrière lui, et s'écroula contre Morgreed. Enfin, le quatrième, un grand gaillard chauve portant des lunettes fumées aux verres ronds, terrifié, ne trouva rien de mieux à faire que d'appliquer son blaster sur sa propre tempe et de se suicider. Grennan, fâché de n'avoir pas pu tirer sur quelqu'un, se rapprocha lentement de ce dernier, et lui cracha dessus.

- Imbécile.

- Hé, vous, là ! s'exclama Ezra. Qui êtes-vous ?

Le Chiss pivota en direction de la rampe d'accès du vaisseau de transport, disrupteur prêt à désintégrer.

- Je me rends !

Lentement, un Humain descendit du vaisseau, mains en l'air, un blaster oscillait par la gâchette à son index. Il était de taille moyenne, un peu corpulent, et portait une barbe brune en collier. Ses petits yeux sans doute normalement chafouins étaient hagards. Il était vêtu d'un costume chic, à la mode du secteur Tapani.

- Bon sang ! Ces saligauds ont abattu mon pilote !

- Bon, ben il est temps de vous en dénicher un autre, ricana le Barabel.

- Qui que vous soyez, je ne veux pas d'histoire !

- Qui êtes-vous ? interrogea durement Canderous.

- Darius Constantine, je suis commerçant indépendant, et j'étais venu livrer ma cargaison. Écoutez, je n'ai rien à voir avec vos salades !

- Ce pauvre type était votre pilote ? demanda Ezra.

- Oui, mademoiselle. Et vous, qui êtes-vous ?

Une alarme se mit à hurler dans le hangar, tandis qu'une voix masculine s'exclama :

- Alerte ! Affrontement dans la baie numéro 10 ! Sécurité demandée d'urgence !

Les sept personnes échangèrent des regards paniqués, puis Morgreed se jeta sur le petit barbichu que Liam avait assommé, le jeta sur son épaule et fonça vers la sortie.

- Cassos !

Rapidement, Liam le suivit, puis Ezra et Grennan. Canderous marcha sur une flaque d'huile qu'il n'avait pas vu et s'étala de tout son long. Dankin, juste sur ses talons, trébucha sur son compère et se retrouva vite le nez sur le sol. Ils se remirent sur pied rapidement, juste à temps pour voir Darius Constantine passer devant eux. Puis ils foncèrent vers les cabines. Liam sentait ses tempes battre jusqu'à exploser, revivant ces moments de suspense où il échappait aux bandes rivales qui sévissaient dans les niveaux inférieurs de Coruscant. Tous les sept se jetèrent dans le véhicule sur rail, les portes claquèrent, et ils quittèrent le quai.

- Blast ! Mais dans quoi me suis-je embarqué ? pesta le commerçant.

- Vous n'étiez pas obligé de nous suivre ! remarqua durement le Chiss.

- Oh, bien sûr ! Et quand le service de sécurité m'aurait embarqué, je leur aurais répondu que j'avais pu abattre ces quatre bandits à moi tout seul, malgré ce qu'ils ont vu sur les vidéos de surveillance ! Je vous l'ai dit, je ne veux pas d'histoire !

- Il a raison ! réalisa Liam. Monsieur, vous êtes ici par accident, j'en ai peur.

- Est-ce que quelqu'un peut me dire qui vous êtes, et pourquoi vous êtes arrivés ?

- Soyez heureux qu'on soit arrivés, justement ! Ces gars-là n'allaient pas s'arrêter à votre pilote !

Cette observation calma un peu Darius.

- Oui, vous avez probablement raison.

- Vous disiez que vous êtes un commerçant indépendant ? Nous aussi, d'une certaine façon.

- Vous êtes à votre compte, mademoiselle… ?

- Lohrn. Docteur Lohrn. Et oui, nous sommes à notre compte.

- Bon… Et à votre avis, est-ce que ces voyous convoitaient la cargaison du Chercheur Stellaire ?

- Mon gars, désolé de vous l'annoncer aussi brutalement, mais vous avez sans doute mis les pieds dans… un instant ! Comment vous avez dit que ce vaisseau s'appelait ?

- C'était le Chercheur Stellaire, et l'homme que ces brutes ont abattu en était le pilote, Coros Telari.

- Vous êtes en train de nous dire que votre appareil n'est pas l'Espoir Éternel ?

- Puisque je vous le dis, ma petite dame ! J'ai voyagé presque dix jours à bord de ce navire, je suis quand même capable de me souvenir de son nom !

Il y eut quelques secondes de flottement, durant lesquelles Darius devint de plus en plus nerveux. Ezra se frotta le menton.

- Il y a quelque chose de pas clair… J'ai pourtant donné le mot de passe, et la personne avait l'air de le comprendre.

- Mot de passe ? répéta Darius. Mais qu'est-ce que…

Liam releva la tête, intrigué. En effet, il n'entendait plus aucune voix. À sa désagréable surprise, il comprit que c'était lui qui n'entendait plus rien : les adultes autour de lui faisaient mine de parler, mais il ne percevait pas le moindre son. Son regard tomba alors sur la vitre avant de l'habitacle, et dans l'obscurité du tunnel, il crut discerner des éclairs de lumière rouge. Puis, soudain, pendant un bref instant, Liam eut une sensation très dérangeante : le temps ralentit subitement, tout autour de lui, tout « freina » pratiquement jusqu'à l'arrêt complet, alors qu'un voile rouge recouvrit son champ de vision. En regardant devant lui, il vit à travers l'épaisse couche de plexiglas que leur cabine croisait une autre cabine qui glissait en sens inverse, et qu'à l'intérieur de cette cabine, il y avait Thorn ! Daymon Thorn en personne, accompagné de ses deux gardes impériaux en armure rouge, qui le fixait d'un regard pénétrant mêlant fureur et convoitise.

Liam comprit qu'il devait prendre une décision au plus vite. Il eut alors une image, celle de Dame Liryl. Il entendit le Chant de la Sérénité. Il eut le réflexe de fermer son esprit, et de ne plus se concentrer que sur la lumière. La lumière, celle que Chi'ta lui avait montré plusieurs fois. Et ça marcha.

Pendant un temps qui lui semblait indéterminé, il ne vit que la lumière. Il était dans un immense champ de blés dorés. Au-dessus de lui, le soleil inondait l'horizon de ses rayons. Le blé s'étendait à perte de vue. La voix enjouée de Chi'ta attira son attention.

- Attrape-moi !

Elle était non loin de lui, riant et batifolant dans le champ. L'adolescent voulut la rejoindre…

- Hé, Liam ?

Quand il rouvrit les yeux, Liam n'était entouré que par ses amis, ainsi que le marchand et l'agresseur, toujours évanoui. Plus la moindre présence malsaine, et la cabine continuait tranquillement son chemin.

- Ca ne va pas ?

- Euh… ça va, c'est bon.

- T'es resté en transe pendant que cette cabine nous croisait.

- Ce… c'est passé.

Au moment où Ezra allait lui demander ce qui avait déclenché cet état second, il se passa quelque chose d'inattendu et de grave. La cabine quitta brutalement le rail, se renversa dans les profondeurs sombres du tunnel, projetant les passagers contre les parois.

Quand Grennan ouvrit les yeux, il sentit que son front était poisseux. Il porta la main à son arcade sourcilière. Ce n'était pas très profond, mais ça saignait abondamment. Il se releva tant bien que mal. Grâce à l'éclairage de sécurité, il ne faisait pas totalement noir, mais ce n'était pas terrible. La cabine était bel et bien écrasée à la verticale contre le duracier.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? marmonna la voix hésitante de Liam.

- Oh… je sens que ce n'est pas mon jour, aujourd'hui, gémit Darius.

- Morgreed… blessé… salement, gronda alors Dankin.

Le docteur Lohrn se redressa à son tour, et vit que le grand Barabel gisait toujours contre la paroi, le crâne ouvert d'une vilaine blessure. La vitre était brisée, et les jambes du voyou qu'ils avaient embarqué dépassaient de sous la cabine. Elle examina sommairement Morgreed.

- Notre petit pote a pris le tram en pleine poire, il n'y a plus rien à faire. Pour ce gros balourd, ça a l'air grave, mais si on arrive à le conduire à l'infirmerie de l'astroport, on devrait pouvoir le tirer d'affaire. Mais d'abord…

La jeune doctoresse sortit son communicateur, et appela :

- Hamar ? Hamar Chaktak ?

La voix du commerçant Herglic répondit presque aussitôt.

- Oui, mon amie ?

- Allez-vous en vite ! Partez !

- Bon, comme vous voudrez. Bonne chance !

- Fin de transmission.

Liam se frotta les yeux. Soudain, il réalisa quelque chose qui le fit frissonner des pieds à la tête.

- C'est ma faute !

- Hein ?

- Il faut qu'on se barre d'ici, et tout de suite !

- Ce ne sera pas difficile, regardez ! constata Darius.

La lumière d'un projecteur se déplaçait vers la cabine : c'était une plate-forme antigrav pilotée par deux techniciens. L'un d'eux appela :

- Ohé ? Quelqu'un ?

- Oui, nous sommes là ! Venez ! répondit Canderous. On a un blessé !

La plate-forme arriva à la hauteur de la cabine.

- Grave ?

- Peut-être, mais y a un passager mort, en dessous.

- Blast ! On le ramassera quand on aura dégagé la cabine.

- Mais que s'est-il passé ? s'enquit Grennan.

- C'est difficile à croire, monsieur, mais c'est comme si… comme si toute l'électricité du rail s'était volatilisée ! Même les batteries de secours sont nazes !

- Plus de courant, messieurs-dames…

Le chasseur de primes Chiss regarda Liam d'un regard chargé de méchants soupçons. Celui-ci répondit :

- Quoi ?

- Rien.

Les deux techniciens prirent quelques minutes pour sortir les passagers. Dankin, Canderous et Grennan ne furent pas de trop pour extraire la lourde masse écailleuse de Morgreed. Après quoi, tout le monde monta à bord de la plate-forme qui plana rapidement jusqu'au quai suivant. En chemin, l'un des techniciens de maintenance prévint une équipe d'ambulanciers. Quelques minutes plus tard, ils étaient arrivés. Le brancard antigrav baissa de cinquante bons centimètres en réceptionnant le Barabel. Le petit groupe suivit les infirmiers, mais devant la porte du bloc médical, ils virent les détecteurs de métaux.

- Bon, inutile de trop attirer l'attention, on va déposer nos armes à l'entrée.

- Pas moi, répondit Canderous.

- Allez, mec, c'est pas le moment ! soupira Grennan, agacé.

- T'as pas compris. Je vais attendre ici, j'ai pas envie de rentrer là-dedans.

- Tu pourrais me tenir mon sabre ? demanda l'adolescent.

- J'y ferai gaffe, répondit le Mandalorien en tendant la main.

Avec un dernier petit coup d'œil soucieux, Liam remit son arme symbolique au mercenaire. Puis il rejoignit Ezra, Grennan, Dankin et Darius, escortant la civière antigrav.

- Heureusement que votre copain a la tête dure !

Le médecin finissait d'appliquer une pâte de bacta sur le crâne du Barabel, puis enroula un bandage par-dessus.

- Voilà ! Maintenant, il devrait…

Il ne parvint pas à finir sa phrase, la gorge serrée par un étau irrésistible. Morgreed avait repris connaissance, et son premier réflexe avait été d'attraper au collet le malheureux toubib. Dankin et Grennan lui saisirent le bras.

- Morgreed, calme !

- Hé, déconne pas !

Le Barabel avait les yeux injectés de sang, et la respiration sifflante.

- Je n'aime pas me réveiller sur un lit d'hôpital…

- Bon, eh bien j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, vous êtes sauvé ! Maintenant, allez-vous en avant que je n'appelle la sécurité ! cria le docteur.

Pendant cette petite altercation, Canderous attendait, assis sur un banc qui faisait face à l'entrée du bloc médical. Il regardait les arbres, pensant avec amusement à tout le bazar qu'il avait sans doute fallu pour les faire pousser sur ce caillou à l'oxygène artificiel, quand il entendit le bruit caractéristique de sonnerie d'un vidéophone public. Non loin de lui, il y avait effectivement une cabine vidéophonique. Le mercenaire regarda autour de lui… il était seul. Flairant un coup foireux, il s'approcha de la cabine, et décrocha le combiné. L'écran montrait une image brouillée, tandis qu'une voix informatiquement modifiée dit :

- Retrouvons-nous au restaurant Le Herglic Affamé, nous avons à parler.

L'interlocuteur raccrocha. Le mercenaire se sentit un peu bête, seul, dans cette cabine, avec la perspective d'un mystérieux rendez-vous avec un non moins mystérieux contact. C'est ainsi que les six autres le trouvèrent.

- Et alors, Canderous, t'as pas pu t'empêcher d'appeler le vidéophone rose ?

- Ferme-là, Morgreed ! Y a un truc louche.

- Quoi donc ?

En quelques mots, le Mandalorien expliqua ce qui venait de se passer, en rendant à Liam son sabre-laser.

- Le Herglic Affamé, hein ? Ca tombe bien, j'ai une petite faim, jubila le Barabel.

- Vous plaisantez ? s'écria Darius. Nous sommes probablement recherchés après ce qui s'est passé, et votre priorité est d'aller au restaurant ?

- Mais oui, on décompressera, répondit Ezra du tac au tac.

Ils ne furent pas longs à trouver le restaurant. En voyant que le chargé d'accueil était un droïd, Morgreed eut un sourire malsain. L'être artificiel salua les nouveaux arrivants d'un ton joyeux et enjoué.

- Bonjour, mademoiselle, bonjour messieurs ! Soyez les bienvenus au Herglic Affamé, le meilleur établissement de tout l'astroport de Lemuir IV !

- Nous voudrions une table pour sept, annonça Ezra.

- Mais très certainement ! Je me permets de vous conseiller cette table circulaire au fond de la salle.

Ils s'installèrent autour de la table, mais le Barabel se releva et demanda encore :

- Dites voir… vous servez des cœurs de bantha ?

- Je regrette, Monsieur, mais cela ne figure pas au menu, répondit le droïd après une courte hésitation.

- Vous avez du lait de dewback ?

- Désolé, Monsieur, mais à ce que je sache, ces animaux sont des reptiles, et les femelles ne produisent pas de lait.

- Est-ce que…

- Ça suffit ! râla Canderous. Fous-lui la paix et pose tes miches sur ce siège !

En maugréant, le Barabel obéit. Liam scruta les alentours.

- Bon, et maintenant ?

- Bonne question. Je… attendez une minute.

Le mercenaire avait repéré une grande Humaine brune qui s'approchait de leur table. Ezra la vit à son tour, et demanda :

- On peut faire quelque chose pour vous ?

- C'est moi qui ai contacté, répondit-elle en désignant Canderous d'un petit signe de tête. Je peux me joindre à vous ?

Sans un mot, Grennan se poussa, laissant un espace.

- Bien, commençons par le commencement. Je me présente : Janna Pallask. Je travaille en couverture pour la Maison Pelagia.

- Ah oui ? Intéressant, murmura Liam.

- Vous êtes plutôt directe, constata Darius. Généralement, les agents infiltrés ne le crient pas sur les toits.

- Sans doute, mais la situation est trop grave pour qu'on perde du temps en futilités, d'autant plus que vous semblez avoir des problèmes.

- Bien, je vois qu'on veille attentivement sur nous, ça fait plaisir ! ricana méchamment Morgreed.

- C'est normal, car je dois vous avouer que… si vous avez ces problèmes, c'est un peu à cause de moi.

- Comment ça ? questionna Ezra, de plus en plus soupçonneuse.

- Quand vous avez accosté, vous avez lancé une sorte de phrase codée. Il se trouve que c'était moi qui étais alors à la tour de contrôle. J'ai compris que vous n'étiez pas de simples touristes avec cette phrase codée. Alors, je me suis dit que je pouvais vous… enfin, compter sur les capacités à barouder que je pensais que vous ayez pour nous donner un petit coup de main.

Il y eut quelques secondes de silence de plus en plus lourd.

- Et, concrètement, ça veut dire quoi ?

- Coros Telari, l'homme qui s'est fait abattre sous vos yeux, était mon partenaire pour une mission d'espionnage. J'avais repéré qu'il allait avoir des ennuis, alors j'ai pris les premiers hommes d'armes indépendants qui me sont tombés sous la main en espérant que ça puisse l'aider.

L'adolescent entendit le bruit d'une explosion pétaradante… et savait que cela venait de l'intérieur de son crâne. Il serra les dents et les poings de rage, et ferma les yeux pour se concentrer sur des pensées positives, et éviter de laisser parler le Côté Obscur. La femme conclut son exposé :

- Je suis vraiment désolée, mais c'est la meilleure chose que j'aie pu trouver à faire.

- C'est une blague ? Attendez, corrigez-moi si je me trompe : vous nous avez envoyé sur une fausse piste uniquement pour qu'on retrouve votre grouillot ? s'offusqua Canderous.

- Coros Telari n'était pas un « grouillot » ! C'était un bon agent !

- Pas assez bon, apparemment, puisqu'il s'est fait dégommer par les premiers pirates venus ! rétorqua sèchement Grennan.

Ce fut Ezra qui s'énerva le plus.

- Idiote ! Avez-vous la moindre idée des conséquences de cette brillante initiative ?

- Je conçois que vous avez pris quelques risques, mais bon, vous n'étiez pas visés, et puis vous vous êtes bien défendus.

- Je ne parle pas de ça ! Nous sommes en mission pour le compte de trois Maisons sur une enquête impliquant des gens dangereux que nous pistons depuis des mois, et quand enfin nous avons une occasion de les devancer, voilà que mademoiselle Janna Pallask se dit qu'elle pourrait nous demander de tout laisser tomber et de lâcher notre cible pour voler au secours de son partenaire incompétent ! Je vous préviens que si nous perdons complètement leur trace à cause de vous, vos responsables vont entendre parler de nous !

Janna Pallask se sentait gênée devant tous ces visages aux expressions chargées de lourds reproches.

- Écoutez, je conçois que ce soit un sale coup pour vous, et je m'en excuse.

- Ca ne suffira pas, poupée ! cracha Canderous.

- Je suis d'accord avec lui. Il va nous falloir plus que de bêtes excuses si vous voulez vous en sortir sans trop de casse.

- Que diriez-vous d'un… partage ?

La jeune doctoresse leva le sourcil.

- Genre ?

- Coros Telari et moi étions venus sur Lemuir IV dans le but d'obtenir des informations. Il a pu rassembler quelques données très chaudes auprès d'interlocuteurs connus de lui seul, et les a compilées dans un disque de données qu'il avait caché sur lui. À l'heure qu'il est, on a dû ramasser son corps, mais si on va chercher ses affaires à la morgue, on devrait pouvoir récupérer le disque.

- Et en quoi consistent ces données ?

- D'après ce que Telari a pu me dire, il s'agit de données concernant quelques sommités des principales Maisons du secteur.

Ezra tiqua légèrement.

- Et vous avez des précisions sur les Calipsa ?

- En quoi cela vous intéresse, mademoiselle ?

- Ben, c'est une Calipsa, répondit Grennan en haussant des épaules.

- Bravo pour la discrétion ! râla alors la doctoresse.

- Laissez tomber, va. Qui que vous soyez, nous sommes tous dans le même bateau, maintenant, que ça vous plaise ou non.

- Ca ne me plaît pas, mais va falloir faire avec, je suppose.

- Qu'est-ce que vous êtes venus faire de si important sur Lemuir IV ?

- On cherche un vaisseau, répondit Liam. L'Espoir Éternel. Vous avez dû le voir venir ici, de là où vous bossez ?

- En effet. Je comprends le sens de votre message, à présent.

- Vous ne l'aviez pas entendu auparavant ?

- Non, je ne suis ici que depuis deux jours, et l'Espoir Éternel était déjà dans son hangar quand je suis arrivée. Je vous propose donc ce marché : aidez-moi à récupérer les données de Telari, et je vous permets de les copier. Ensuite, je vous indiquerai où se trouve l'Espoir Éternel. Marché conclu ?

Ezra n'hésita qu'un instant avant de répondre :

- C'est bien parce que je suis quelqu'un de conciliant ! Vous me suivez, vous autres ?

- Pas d'autre solution à portée de main, je suppose, ricana Morgreed.

- Je vais devoir retourner à mon poste, maintenant.

- Vous disiez que l'Espoir Éternel était déjà arrivé. Vous pourriez voir qui lui a donné l'autorisation d'atterrir, et quand ?

- Je vais voir ce que je peux faire, jeune homme.

La jeune femme se releva, et fit mine de partir. Grennan et Canderous l'imitèrent aussitôt.

- Une petite seconde, l'amie ! Vous ne pensez quand même pas que vous allez vous en sortir comme ça !

- Hé, c'est quoi, votre problème, le rastaquouère ?

- Dans notre métier, on apprend à ne jamais se fier à une femme, encore moins quand elle fait tout pour ça, répondit Grennan. Alors vous savez quoi ? On va vous tenir compagnie jusqu'à ce que nos amis aient les documents.

Janna Pallask poussa un soupir d'agacement.

- Merci pour le vote de confiance !

- On verra comment vous réagirez quand on vous enverra faire le sale boulot qu'on n'aurait pas pu faire nous-mêmes !

Ezra, Liam, Dankin et Darius étaient à nouveau sur le pas de la porte du bloc médical.

- Bon, maintenant, rappelez-vous : je suis légiste, Liam est mon assistant, vous, Darius, vous êtes de la famille, et Dankin nous accompagne. On laisse les flingues à l'entrée comme tout à l'heure, et tout devrait aller comme sur des roulettes.

- J'ai pas envie de laisser mon sabre, répondit Liam, méfiant.

- Va falloir que tu trouves une bonne explication à donner au garde, alors.

Quand ils se présentèrent au guichet, ça ne rata pas. L'agent de sécurité montra du doigt le petit cylindre argenté et demanda d'un air soupçonneux :

- C'est quoi, ça ?

- Ceci, cher monsieur… c'est mon petit porte-bonheur.

- Mais encore ?

- Une lampe torche modèle de luxe, cadeau de mon grand frère avant qu'il ne parte pour l'armée.

- L'armée ?

- Oui, monsieur, c'était un idéaliste. Il s'est engagé dans les rangs d'une légion privée, pensant qu'il pourrait servir sous une bannière qui lui permettrait de défendre son idéal de paix et de justice. Quand il s'est engagé, il m'a offert sa lampe fétiche, en disant qu'elle éclairerait mon chemin. Je ne pensais pas à ce moment-là que je ne le verrais plus. Au bout de six mois, il s'est fait avoir dans un coup foireux. Cette lampe… c'est tout ce qui me reste de lui, vous comprenez ? Je ne m'en sépare jamais. Quand j'ai appris la terrible nouvelle, j'ai mis quatre mois à faire le deuil. Cette lampe, c'est sa présence, c'est ce qui guide ma route. Voyez, avant que ça n'arrive… j'aurais aimé revoir mon grand frère… au moins… une dernière fois !

L'adolescent semblait prêt à pleurer, et l'agent de sécurité n'était pas très à l'aise. Finalement, il soupira, et répondit à contrecoeur :

- C'est bon, allez, garde ta babiole.

- Oh, merci, merci ! Vous êtes trop bon, monsieur ! gémit Liam.

Et les quatre compères purent franchir le guichet et se diriger vers les sous-sols de l'hôpital. Une fois les portes de l'ascenseur closes, Ezra et Liam éclatèrent de rire.

- Ton « grand frère » aurait été heureux de ton attachement pour lui !

- Tu parles !

- Dites voir, cet objet, qu'est-ce que c'est vraiment ? demanda alors Darius.

Liam se rendit compte que cet homme ne savait rien de lui. Il ne savait pas ce qu'il devait faire, mais n'eut pas à réfléchir bien longtemps car Ezra dit aussitôt :

- À votre place, j'éviterais de poser des questions sur ce qui ne me concerne pas.

Le commerçant déglutit et hocha affirmativement la tête quand il vit Dankin se craquer les doigts. L'ascenseur était presque arrivé.

- Liam, t'es pas obligé de regarder l'autopsie, hein !

- Je sais.

- Pour ma part, je préfère ne pas approcher le corps ! s'exclama Darius.

- Remarquez, je sais que ce qu'on cherche n'est pas sur ou dans le corps, on n'aura pas besoin d'y toucher.

Puis l'ascenseur s'arrêta. Les quatre compagnons s'aventurèrent dans des couloirs sombres, mal éclairés, et encore plus mal entretenus. Les quelques personnes qu'ils croisèrent n'avaient pas l'air disposés à échanger la moindre parole. En suivant les lignes peintes à même le sol, ils parvinrent rapidement à la morgue. Là, ils ne prirent même pas la peine d'ouvrir le tiroir où gisait Coros Telari. Ezra fouilla le casier contenant ses affaires. Il n'y avait que ses vêtements. La jeune Calipsa savait cependant exactement où chercher. Elle prit les chaussures, tapota les talons, et ouvrit le petit compartiment secret que Janna lui avait indiqué. Il y avait bien une petite cartouche de données à l'intérieur. Elle s'empressa de la passer dans son bloc de données pour en copier le contenu pendant que Darius repliait les vêtements. Liam regarda le petit écran par-dessus l'épaule de la jeune femme.

Ces documents n'étaient pas cryptés, Telari n'avait pas pris le temps de les coder. Il y avait trois fichiers. Lorsqu'elle ouvrit le premier, la jeune doctoresse fronça le nez.

- Hum… ce sont des agents Mecetti infiltrés dans diverses ambassades de Procopia. Y a des intrus chez les Calipsa, les Reena et les Melantha, il semblerait.

- Les Calipsa ? Damara avait dit que les Mecetti et les Calipsa étaient cool entre eux.

- Tu crois vraiment qu'il suffit d'un sourire ou d'une bonne parole ? Désolée de te décevoir, mais tu peux être certain que chaque ambassade est continuellement espionnée par les représentants de toutes les autres, qu'elles soient amies ou ennemies. Cela dit, ces informations pourraient rapporter un petit paquet d'argent, à condition que je sache à qui les adresser.

- Tu vendrais ces infos ?

- Et pourquoi pas ? En dehors de celles pour ma Maison que je donnerai, je ne vois pas pourquoi je m'en priverais ! Hé, ici, on n'est pas dans le Noyau, les règles du jeu ne sont pas les mêmes que chez toi. C'est comme ça que la politique fonctionne, tu comprends ?

- Oui, oui, je suppose que je ferais la même chose… enfin, si je n'étais pas engagé. Je suis censé venir en aide aux gens de manière désintéressée.

- Il t'est interdit de gagner de l'argent ?

- J'ai le droit, mais seulement par des voies légales et éthiquement acceptables. C'est quoi, la suite ?

- Oh-ho ho ! Des informations sur le Seigneur Alec Lamere de la Maison Barnaba. Hi hi ! On dirait que ce cher Seigneur a eu un petit coup rapide avec une personne qui a oublié de prendre la pilule !

- Seriez-vous en train de dire que le seigneur Lamere aurait un… un enfant illégitime ?

- C'est ce qui est marqué là, Darius. Quant à savoir si c'est vrai ou pas…

- Cela vaudra le coup de vérifier, je crois. Et le dernier document ?

- Voyons voir.

Quand la jeune doctoresse ouvrit le troisième fichier, une carte stellaire apparut sur l'écran.

- C'est quoi, ce plan ?

- Le secteur Tapani, voyons, jeune homme ! répondit Darius avec une légère pointe de mépris. Vous n'avez pas étudié la géographie ?

- Hé, ta gueule ! répondit aussitôt l'adolescent.

- De quoi ?

Le visage de Darius s'empourpra.

- Est-ce ainsi qu'on vous a appris à parler à vos aînés, jeune homme ?

- J'ai passé mon enfance à voler les portefeuilles des sacs à fric comme vous !

- Espèce de petit…

Un grognement sourd retentit derrière le marchand qui se rappela brutalement la présence du Togorien. Ezra intima :

- Du calme, voyons ! On n'arrivera à rien en agissant comme ça !

Il y eut quelques instants de flottement, puis la jeune femme reprit :

- Bon, en effet, c'est une carte du secteur Tapani. Tu vois ces lignes vertes qui relient les planètes ? C'est le tracé d'un vaisseau, plus précisément une navette privée, d'après le type d'immatriculation.

- Tu sais quel est ce vaisseau ?

- J'ai son immatriculation. C'est la navette 1425-3120-1518. Elle parcourt prioritairement les secteurs Mecetti et Reena.

- C'est probablement le taxi de l'une ou l'autre de ces deux maisons. Il faudrait demander à Damara si ça lui dit quelque chose.

- Sans doute. Mais regarde ça : régulièrement, cette navette quitte le secteur Tapani pour se rendre à la Bordure Extérieure.

- Ah ouais ?

- C'est le secteur… zut, c'est où, ici, déjà ?

- Le secteur Talorande, mademoiselle.

- Vous connaissez, Darius ?

- J'y ai déjà fait du commerce. C'est une géante gazeuse, où l'on extrait du gaz Tibanna, comme Bespin.

- Mais qu'est-ce qu'une navette privée naviguant entre les secteurs Reena et Mecetti irait faire à Talorande ?

- Nous le saurons sans doute quand nous en connaîtrons le propriétaire. Mais avant ça, il faut sortir d'ici.

Pendant ce temps-là, Canderous et Grennan avaient raccompagné Janna Pallask à la tour de contrôle. Celle-ci avait pu les faire entrer dans la salle de communication grâce à son faux badge de niveau 3. Les deux gros bras s'assirent à ses côtés. Canderous étira les jambes. Il demanda à la jeune femme en lui mettant un petit formulaire sous le nez :

- Alors, qui a fait poser l'Espoir Éternel à la date indiquée sur ce papelard ?

- Voyons ça… mh, une certaine Allania Witburg. Je vais vérifier son emploi du temps. Tiens ?

- On peut lui parler, à votre avis ?

- Je ne crois pas, monsieur Grennan. D'après cette entrée, elle a… elle a été mutée à Tallaan.

- Ah bon ? Ah bon.

Derrière eux, l'un des opérateurs s'esclaffa :

- Hé, c'est un vrai cochon !

- Qui ça ? demanda son collègue.

- Le Seigneur Thorn ! Quand je vois depuis combien de temps son paquebot fait le plein, je ne préfère pas imaginer la facture !

- Fais gaffe, il pourrait t'entendre !

- Allez, d'ici, qu'est-ce qu'il peut me faire ? Tu crois qu'il va réussir à m'entendre de là où il est garé ? La piste 43 est à l'autre bout de la station !

Les deux opérateurs se remirent au travail, mais Canderous ne put s'empêcher de d'avoir un petit sourire qui s'élargit de manière inquiétante.

Mon gars, tes paroles ne sont pas tombées dans l'oreille d'un sourd.

Un peu plus tard, les huit camarades se rejoignirent au Herglic Affamé. Ezra résuma en quelques mots ce qu'elle avait découvert en tendant à Janna Pallask la cartouche mémorielle. Liam était encore en rogne contre Darius.

- Je ne pense pas que ce vieux co…mmerçant puisse nous être utile !

- T'en fais pas, fiston, on lui trouvera bien une utilité ! ricana Morgreed Quand on se trouvera un vaisseau, on lui fera balayer le pont, et hop !

- Ouais, tu te marres, mon gros, mais qu'est-ce que t'as fait pendant qu'on bossait, nous, tu peux le dire ? ironisa le Mandalorien.

- Moi ? J'ai juste plumé 1600 crédits à une bande de joueurs minables au casino du coin. T'as mieux à proposer ?

- Qu'est-ce que tu dirais de faire sauter un croiseur ?

Cette proposition doucha net le reste de l'équipe. Le docteur Lohrn murmura :

- Tu plaisantes ?

- J'ai la tête de quelqu'un qui plaisante ?

- Arrête, qu'est-ce que tu racontes ?

- Quand nous étions dans la tour de contrôle, j'ai entendu deux mectons dire que le Gantelet est en train de faire le plein à la piste 43. C'est le bon moment pour lui coller une bombe dans le ventre.

- Et vous feriez comment ? demanda Janna Pallask, à la fois fascinée et incrédule.

- Il suffirait de balancer une bonne charge explosive dans la cuve à carburant à laquelle il est relié.

- Mais oui ! s'exclama Ezra. C'est dingue, mais ça pourrait marcher ! Si tu y vas au culot !

- C'est suicidaire ! grommela Darius.

- C'est mon métier, nom bonhomme, rétorqua le mercenaire.

- Et les explosifs, tu les sors de ton chapeau ?

- Et pourquoi pas de mon sac ? demanda alors Ezra.

Tous regardèrent la jeune femme avec surprise et suspicion.

- Ne me dis pas que…

- Si.

Discrètement, elle ouvrit son sac. Comme ils étaient installés au fond du restaurant, personne d'autre que la tablée n'en remarqua le contenu. Elle passa à Canderous un pack de grenades, ainsi que trois petites capsules. Le mercenaire et le Chiss reconnurent immédiatement ce matériel, mais Morgreed demanda :

- C'est quoi, ces billes ?

- Des leurres. Ca explose par télécommande. Quand ça pète, ça te chauffe un peu la main au maximum, mais ça te fait un boucan terrible et un écran de fumée.

- Darius a raison, c'est de la folie… murmura Liam.

- C'est pour ça que ça me botte de plus en plus !

- Darius et moi, on va t'orienter par radio.

- Comment ça ? demanda le commerçant, soupçonneux. Hé, je ne veux pas être mêlé à ça !

- Il va bien falloir, mon vieux ! Votre Chercheur Stellaire va nous être utile. On va survoler l'astroport à bord, et on va guider Canderous.

- Heu… et moi ? demanda Liam avec hésitation. Je préfère rester le plus loin possible de ce vaisseau.

- Tu as raison. Thorn est sans doute en train de se reposer à bord, et si tu t'approches trop, il risque de te repérer. Il vaut mieux que tu restes à l'écart.

- Si vous me faites confiance, je connais un coin de repli assez discret où nous pourrons vous attendre, proposa Janna. C'est ma planque.

- Je suis certain que le petit aura confiance si je l'accompagne avec Dankin, suggéra Morgreed. Qu'en penses-tu, Grennan ?

- J'en pense que je vais rester avec vous quatre, moi aussi. À moins que tu ne veuilles que je te couvre ? demanda le Chiss à l'adresse de Canderous.

- C'est gentil, mon gars, mais sur ce coup-là, je veux agir seul. Je serai le seul à avoir des emmerdes si quelque chose rate, et je suis parfaitement capable de gérer ça avec seulement un contact radio.

Le Chiss fit un petit signe de tête, compréhensif. Liam était beaucoup moins sûr.

- C'est vraiment de la folie !

- Et alors ? C'est mon cul, pas le tien.

- Et si tu te fais prendre ?

- Je me fais exploser.

- Et si ça marche, mais que les hommes en blanc se vengent ?

- Qu'ils viennent, je les attends.

Janna Pallask avait emmené l'Humain, le Chiss, le Barabel et le Togorien dans un petit bureau faiblement éclairé. Elle ouvrit un panneau dans la cloison, révélant un émetteur/récepteur à ondes moyenne distance, le genre d'appareil pouvant capter les échanges entre le Chercheur Stellaire qui survolait l'astéroïde, et Canderous Tal.

Canderous était prêt à affronter tout l'équipage du Gantelet au grand complet. Plus il s'approchait, plus il pouvait voir les armures blanches froides et impersonnelles des Impériaux le long des couloirs. Les non-Humains s'écartaient craintivement sur leur passage. Lorsqu'un Besalisk à quatre bras refusa de se pousser et insulta les hommes en blanc, ils n'hésitèrent pas à l'incapaciter à coups de rayons paralysants avant de l'emmener dans le Gantelet.

Grâce aux indications de Janna Pallask, le mercenaire arriva à l'ouverture d'accès vers le hangar 43. Une fois la piste en vue, Canderous resta le plus loin possible de la grande porte du hangar surveillée par une patrouille complète, et put voir à travers le champ de force l'immense forme triangulaire du croiseur de classe Interdictor stationné dans l'espace. Dans un coin de la piste, il distingua la forme cylindrique d'une grande cuve hermétiquement fermée sur laquelle était peint le logo indiquant la contenance d'un produit hautement inflammable. D'énormes tuyaux sortaient du hangar par le toit, reliés aux réservoirs du croiseur au-delà de la paroi de duracier. Canderous se plaqua contre le mur, hors de portée de vue des soldats de choc. Il sortit son communicateur.

- Ezra ?

- J'écoute.

- Je suis arrivé, je vois le Gantelet. Je vois également la cuve.

- Très bien. Alors écoute bien : nous ne sommes pas très loin de toi, j'arrive à repérer ta position, maintenant. Les trois petits fumigènes sont activables à distance, mais de là où je suis, je peux les mettre en marche. Je te propose qu'on convienne d'un signal.

- Quel genre ?

- Disons… quand tu diras « c'est mon tour », par exemple. Quand tu voudras que j'enclenche l'un des explosifs, tu dis « c'est mon tour ». J'ai peint un chiffre sur chacune de ces capsules, elles exploseront par ordre numérique.

- Bien reçu. Je maintiens le silence radio.

- Ezra, terminé.

Le mercenaire rangea le petit micro brillant, et réfléchit quelques instants. Il lui fallait un bon moyen d'entrer dans le périmètre de sécurité. Alors qu'il réfléchissait, son regard tomba vers les toilettes publiques… un soldat de choc y entrait.

Quand faut y aller, faut y aller !

Canderous suivit discrètement l'Impérial, et ferma doucement derrière lui la porte. Il s'approcha du soldat de choc en levant son fusil qu'il tenait par le canon… Deux minutes plus tard, il finissait de passer l'armure de sa malheureuse victime menottée qui se noyait dans la cuvette de faïence. Il referma la porte, farfouilla rapidement dans le placard, et posa sur la poignée la pancarte « hors service ». Il cacha ses armes dans un recoin du cagibi, et se regarda dans la glace. L'armure était légèrement petite, mais si on ne faisait pas attention, ça pouvait aller. Il rangea les différents explosifs d'Ezra dans les poches de la ceinture tactique de l'armure, ainsi que le communicateur, toujours branché.

Il n'eut aucun mal à franchir le portique de sécurité. Quoi de plus normal qu'un soldat de choc au milieu des soldats de choc ? Il avait cependant un petit frisson, celui qu'il sentait quand il se savait en danger de mort… et cela le fit sourire sous son casque. En effet, il n'avait besoin que d'un mouvement suspect, d'un comportement anormal, la moindre petite erreur, et aussitôt il se faisait repérer. L'air de rien, il laissa tomber dans une poubelle la première charge fumigène, et se rapprocha discrètement de la pompe à carburant.

Une fois qu'il fut assez près, il dit à voix haute :

- C'est mon tour.

La charge claqua dans un grand bruit, libérant un panache d'épaisse fumée noire. Immédiatement, tous les soldats cessèrent leurs activités, et se précipitèrent vers la source, fusils blasters au poing. Le mercenaire en profita pour se faufiler jusqu'à la cuve à carburant. Il sortit précipitamment les charges explosives de son ceinturon, les activa, descella l'une des valves de sécurité et plongea les grenades à protons dans l'ouverture. Malheureusement, son geste ne passa pas inaperçu. Il serra les dents en entendant une voix glapir avec autorité :

- Hé, vous ! Venez un peu par ici.

Fait chier…

Docilement, le plus calmement possible, Canderous se retourna. Il vit un soldat de choc portant une épaulette rouge sur l'épaule, signe du grade de sergent. Le mercenaire se rapprocha du sergent. Celui-ci le considéra avec suspicion.

- Dites donc… Ne seriez-vous pas un peu grand pour un soldat de choc ?

- Moi ? Oh, peut-être d'un centimètre ou deux, mais je voulais tellement intégrer l'Armée Impériale que l'officier de recrutement a fermé les yeux.

- Vraiment ? Et qu'est-ce que vous faisiez près de ce réservoir ? Seuls les techniciens sont habilités à travailler dessus. Alors ?

Le mercenaire y alla au culot.

- Pour être franc, j'ai vu quelqu'un de suspect rôder près de ce réservoir. Il a profité de cette explosion de fumée pour y mettre quelque chose, mais il l'a laissé tomber, et j'ai pu le ramasser.

- Ah oui ?

- Je vous le montre, regardez.

Canderous sortit la deuxième capsule à fumée, et la montra au sergent qui la lui arracha des doigts. Hélas, la méfiance de celui-ci se renforça encore.

- Et vous avez réussi à récupérer cette petite bille dans ce grand réservoir ? Non, mieux que ça, elle ne porte pas la moindre trace d'essence ! Je me demande si vous n'êtes pas en train de me prendre pour un imbécile ! Que pouvez-vous répondre à ça ?

- C'est mon tour.

- Quoi ?

- C'est-mon-tour !

Le leurre explosa dans la main du sergent. Canderous ne lui laissa pas le temps de comprendre, et lui colla un terrible coup de genou dans le ventre avant de filer, à la faveur de l'écran de fumée. L'autre était trop surpris et avait le souffle trop coupé pour pouvoir appeler à l'aide. Le mercenaire jeta derrière lui la troisième capsule et s'écria encore « C'est mon tour ! » et un troisième panache de fumée assombrit les alentours.

Pourvu qu'ils ne mettent pas immédiatement en marche le système infrarouge de leurs casques !

Vite, il sortit du hangar, se précipita vers les toilettes. En deux temps trois mouvements, il retira l'armure, récupéra sa combinaison et ses armes cachées dans le placard à balais, et sortit l'air le plus dégagé possible. C'était la panique, les hommes en blanc couraient dans tous les sens.

Et encore, c'est rien par rapport à ce qui vous attend, les gars !

Réalisant que l'explosion qui allait éclater pouvait avoir une étendue dangereuse, il s'éloigna le plus calmement possible. Ce n'était certes pas le moment d'attirer l'attention. Une fois hors de vue des soldats de choc, il accéléra, et monta dans la cabine de monorail la plus proche. Puis il ressortit son communicateur.

- Janna ?

- Ici Janna, j'écoute.

- Amenez les autres à l'Espoir Éternel, j'ai fini mon travail, je vous y rejoins. Où est-ce qu'il est ?

- Il est amarré au quai numéro 23. Le pilote s'est enregistré sous le nom de Trel Modetto.

- Quai numéro 23, Trel Modetto. Bien reçu. Canderous, terminé.

Puis le mercenaire contacta le Chercheur Stellaire.

Dans le cockpit du vaisseau indépendant, la doctoresse suivait l'évolution du mercenaire sur le radar, visage anxieux. À ses côtés, Darius ne savait pas trop quoi dire.

- Il ne manque pas de cran, votre ami.

- Des fois, je ne sais pas si c'est du courage ou de la folie, mais bon.

C'est alors que la sonnerie de la radio s'alluma. Ezra appuya sur le bouton de communication.

- Chercheur Stellaire, j'écoute ?

- Ezra ? Ici Canderous.

- Me dis rien, ils t'ont pris ?

- Tu rigoles ? Tout a marché comme sur des roulettes ! Sacrément efficaces tes petites boules fumantes ! Et rien qu'avec ça, ils ont vraiment eu les foies ! Mais c'est que le hors-d'œuvre ! Prépare la caméra, poupée, car ça ne va pas être triste !

- Tu l'as vraiment fait ?

- En tout cas, j'ai mis les charges dans le bassin, elles ont dû être aspirées par le système de pompage du croiseur. Je vais rej…

- Canderous ?

- … m'entends ? Ez…

- Hé, Canderous ?

- …

- Blast ! Canderous !

Mais il n'y avait plus de réponse. Exaspérée, la doctoresse Calipsa pesta :

- Manquait plus que ça ! Darius, y a quelque chose qui brouille les communications !

- Pas seulement les communications, on dirait, docteur ! Regardez le radar !

La carte numérique était partiellement effacée. Un grand cercle de parasites s'étalait sur une large zone.

- Blast ! Il doit y avoir un dispositif de cryptage, un truc du genre.

- Les Impériaux n'utilisent pas ce genre de truc ! Et même si c'était le champ d'interdiction du Gantelet, ça n'aurait pas cet effet-là. Le croiseur n'est pas au centre de la zone brouillée, et puis ça me paraît idiot de le mettre en marche en stationnement pendant qu'il fait le plein !

- Même pour arrêter un navire en train de fuir ?

- Peut-être, mais dans ce cas, il ne pourra pas faire grand-chose d'autre.

Dans l'astroport, Janna Pallask pianotait nerveusement sur le clavier de son système de communications.

- Zut ! On a été brouillés !

- Est-ce que ça veut dire qu'on nous a repérés ?

- Pas nécessairement, mais le résultat est le même…

Morgreed se gratta le crâne.

- Bon. Maintenant, je connais une peau glabre qui va nous conduire à l'Espoir Éternel avant de foutre le camp.

- J'ai dit à votre copain que c'est au hangar 23, vous avez déjà oublié ? C'est là qu'il vous rejoindra… enfin, s'il s'en est sorti. Moi, j'ai fini mon boulot, je me casse, et vous devriez en faire autant !

Sans plus de cérémonie, Liam, Grennan, Morgreed et Dankin quittèrent le petit bureau. Dix minutes plus tard, ils étaient au hangar 23. Canderous attendait devant la double porte automatique, mains dans les poches.

- J'ai jeté un petit coup d'œil, à première vue il n'y a personne.

- C'est le bon vaisseau ?

- Espérons-le. En tout cas, il n'a pas été construit dans ce secteur, je pense plutôt qu'il vient de Nal Hutta.

Tous entrèrent à la suite du mercenaire. Enfin ils étaient devant le fameux Espoir Éternel. Cet appareil avait une forme très inhabituelle aux yeux de Liam. L'acier qui le constituait était partiellement rouillé. Il faisait une bonne trentaine de mètres de long. La partie tribord de l'appareil consistait en un long cylindre horizontal d'acier, dont l'une des extrémités était le réacteur principal, et l'autre le cockpit d'un modèle standard. Ce long tube était flanqué d'un énorme aileron métallique d'une largeur comparable. C'était l'image qu'avait l'adolescent : un aileron contenant les quartiers d'équipage, les soutes à cargaison, les moteurs, les systèmes de survie. Un aileron qu'on aurait prélevé sur un requin, qu'on aurait « collé » à l'horizontale sur le cylindre, en en tournant la partie arrière vers la proue. La double antenne communication/senseurs était fixée sur l'extrémité avant bâbord de cet aileron. Sur le dessus, l'on pouvait voir le canon d'une petite tourelle pivotante.

- C'est quoi, ce type de vaisseau ? demanda Liam.

- C'est un vaisseau de transport de classe Starlight de Rendili-Surron, répondit Grennan. Ce modèle n'est pas de toute première jeunesse, mais il a l'avantage d'être fiable, discret et efficace. Celui-ci a l'air d'avoir vécu un certain temps.

Canderous s'avança vers la rampe d'accès de l'Espoir Éternel, et cogna sur l'un des trains d'atterrissage. Une voix sortant du haut-parleur du cockpit demanda :

- Que voulez-vous ?

- « Perdu dans l'ombre solaire, je suis à la recherche de l'Espoir Éternel ».

La rampe d'accès s'abaissa, et un Humain mit pied à terre. C'était un homme d'assez petite taille, ventripotent, au teint rougeaud et à l'épaisse moustache rousse. Ses cheveux en bataille étaient aussi crasseux que sa combinaison de technicien. Grennan demanda :

- Trel Modetto ?

- Ah, tout de même ! Je commençais à trouver le temps long, moi !

- Ca fait longtemps que je ne me suis pas rasé, je devrais m'entraîner sur quelqu'un, répondit Morgreed avec un méchant sourire, en passant délicatement son pouce sur le tranchant de sa vibro-hache.

- C'est de l'humour Barabel ? demanda Modetto, irrité.

- Non, c'est une prise d'otage, répondit Liam, passé discrètement derrière la rampe, qui avait posé le canon de son blaster de sport sur la tempe du technicien.

Modetto sursauta.

- Qu… que… mais que signifie… ?

- T'as pas encore compris, microbe ? Qui que soient tes supérieurs, on est dans le camp d'en face, et tes ennuis ne font que commencer.

Morgreed se montrait menaçant. Modetto tremblait de tous ses membres.

- Vous… vous êtes venu pour lui, n'est-ce pas ?

- Très probablement, et tu vas nous conduire à lui, répondit durement Grennan.

- Vous n'avez pas la moindre idée de ce qu'il me fera si je le trahis !

- Non, mais je sais exactement ce qui va t'arriver si tu ne le trahis pas ! rétorqua Canderous en se craquant les doigts.

- Allons-y mollo, faudrait pas qu'il nous fasse une attaque ! avertit Liam.

- Sans doute. Bon, maintenant, tu vas nous conduire à lui.

- Savez-vous au moins à qui vous vous mesurez ?

- Je serai ravi de l'apprendre !

- Vous êtes tous morts.

- Je pourrais m'acheter Nar Shaddaa si je recevais un crédit pour chaque fois qu'on m'a dit ça ! rétorqua Grennan.

- C'est qu'il a le bras long, monsieur Klytus.

Un temps. Morgreed éclata de rire.

- Quoi ? Ton patron est Klytus ! Comme ça tombe bien, j'avais justement envie de le rencontrer ! Allez, petit gars, tu vas nous mener à lui, et illico !

- Il va m'étriper !

- Écoute, minable, si tu ne nous mènes pas à lui, on te livre à la Nouvelle République. Pas une Maison qui pourrait te racheter, mais bien une puissance indépendante au secteur Tapani et qui est bien décidée à éventer le complot que vous tramez. D'accord, Klytus risque de nous échapper, mais on saura te faire parler pour le retrouver. Or, si tu acceptes de nous conduire jusqu'à lui, on te laissera partir, et il ne tiendra qu'à toi de sauver ta peau, et ça, c'est une promesse.

- Dans mon milieu, on ne fait jamais de promesses, car elles ne sont jamais respectées.

- La parole d'un Jedi, ça te suffira ? demanda soudain Liam.

Modetto blanchit.

- Un… Jedi ?

- Voyez vous-même !

Liam sortit de son ceinturon son sabre-laser et l'agita sous le nez du technicien.

- Vous me menacez, et vous vous prétendez Jedi ? C'est ça qu'on vous apprend dans votre école ?

- Laissez mon école en dehors de ça, et réfléchissez. C'est la prison à vie ou une chance de vous échapper. À vous de choisir.

- Dépêche-toi, on n'a pas que ça à faire !

Dankin gronda, exhibant ses crocs devant Modetto. Celui-ci fit son choix.

- Bon, bon… il va falloir marcher, son bureau est dans les profondeurs de la station.

- Rappelle-toi que tu as mon flingue braqué au-dessus de la raie des fesses, murmura le mercenaire à l'oreille de Modetto.

- Je sais, je sais ! Mais je vous avais dit qu'on allait devoir marcher, non ?

- J'espère que tu ne nous emmènes pas n'importe où !

- Ce sont des zones à accès restreint, constata Grennan.

Ils avaient pris un premier ascenseur, marché le long d'un couloir, et s'étaient retrouvés dans un long tube carré de verre renforcé, qui donnait l'impression de marcher dans le vide. Le corridor passait à travers la partie supérieure d'une immense salle où plusieurs turbines brassaient les eaux sales de grandes cuves de décontamination. Une longue passerelle surplombait les cuves, et une autre suivait la circonférence de la salle. Modetto expliqua :

- C'est là qu'on recycle l'eau de la station.

- Tu connais ?

- Je suis technicien, je viens régulièrement ici.

Ils franchirent un petit sas, et constatèrent que le corridor de verre traversait une autre salle de dimensions comparables, cette fois un entrepôt où étaient rangés des centaines de containers de toutes formes, toutes tailles et toutes couleurs. C'était presque fascinant d'avoir l'impression de marcher une quarantaine de mètres au-dessus du sol. Une fois un autre sas franchi, les compères étaient à nouveau sur un plancher de duracier. La nouvelle zone dans laquelle ils venaient d'entrer semblait encore moins entretenue que la moyenne des secteurs réservés au personnel.

- Voilà, c'est ce petit ascenseur de service.

L' « ascenseur » était en réalité une plate-forme de cinq mètres sur deux sans rambarde. Une fois les six personnes installées dessus, Modetto appuya sur le bouton, ils descendirent lentement jusqu'au dernier sous-sol.

- Et qui c'est, exactement, ce Klytus ? demanda soudain Grennan. Pourquoi tu tiens tant que ça à le rattraper, Morgreed ?

- Ah oui, tu ne l'as peut-être pas rencontré, toi. Très simple : c'est un sale petit bubon qui a organisé une tentative d'assassinat à l'égard de Dame Bathos de Cadriaan, puis qui nous a livrés aux Impériaux quelques semaines plus tard.

- Deux bonnes raisons de lui carrer mon flingue quelque part, alors.

- Faudra le faire parler, avant. Cette larve ne peut pas agir seule, il doit avoir des complices, voire des supérieurs hiérarchiques. À propos, ça ne te dit rien, à toi ?

Canderous chatouilla le dos de Modetto avec le canon de son arme. Celui-ci suait comme un porc prêt à partir à l'abattoir.

- Non, monsieur.

La plate-forme s'arrêta devant un long couloir sombre et tortueux qui se perdait dans les ténèbres. Canderous se méfia.

- T'es sûr que c'est là ?

- Je vous le jure ! Au bout de ce corridor, il y a une porte blindée. Normalement, elle mène à une bête réserve, mais c'est là que Monsieur Klytus a aménagé son bureau.

- Je te rappelle que si tu nous mènes en croiseur stellaire…

- Pas besoin de lui rappeler, Canderous, je crois qu'il a compris, intervint Liam.

- Mouais…

Au bout de couloir, il y avait une lourde porte blindée, avec une serrure à code.

- Tape le code. Si jamais ça fait autre chose qu'ouvrir simplement cette porte, je te brûle l'échine.

- Je vous en prie, je ne suis qu'un porte-message…

Modetto entra le code, et la porte coulissa, révélant une grande salle circulaire aux néons éclatants et aux parois en plastacier rutilant. Derrière un bureau, un grand fauteuil faisait face à un écran géant incrusté dans la surface opposée. Poussé par Canderous, Modetto entra, vite suivi par les autres.

- Monsieur… ces gens sont venus pour vous parler.

Il n'y eut pas de réponse. En revanche, le fauteuil pivota. Or, ce n'était pas une personne qui était assise dedans, mais un mannequin représentant vaguement un gros humanoïde, avec un canon dépassant du torse.

- Attention !

Le canon tira une seule décharge d'énergie. La tête de Trel Modetto explosa net, et son corps s'effondra comme un pantin désarticulé. L'écran s'alluma, révélant le visage joufflu et porcin de Klytus, toujours aussi narquois.

- Hé non ! Ce n'est pas cette fois que vous m'aurez !

- Ce cher Klytus ! s'exclama Morgreed. Ta voix de cochon de lait émasculé commençait à me manquer ! J'ai hâte d'entendre le couinement qui sortira de ton gosier quand je t'aurai éventré !

- Vous n'êtes guère en position de me menacer, sous-créature.

- Qui c'est que t'appelles comme ça, bouse de rancor ? s'indigna Grennan en pointant son disrupteur vers l'écran.

- Vous allez très vite regretter de vous être frotté à nous, pauvres naïfs. Et pour que votre défaite soit complète, je vais vous promettre que nous retrouverons très vite la petite bibliothécaire. Elle va très bientôt vous rejoindre dans la mort ! Ainsi finissent ceux qui osent nous défier !

La dernière syllabe de cette phrase s'était prolongée sur un ricanement strident. Dans un sinistre cliquetis, la porte blindée se referma derrière eux et le verrou se replaça. Il y eut un grand bruit de choc alors que l'image de l'écran se brouilla sous un violent impact. La surface lisse se fissura, et Liam comprit que l'impact venait de derrière. Toute la cloison vola en éclats dans un fracas assourdissant, révélant l'énorme masse métallique d'un grand droïd de combat. Canderous reconnut le modèle d'Infanterie SD balmorrien, un redoutable tueur d'acier humanoïde de trois mètres de haut, lourdement blindé, avec un blaster lourd à répétition greffé au bout du bras droit, et un lance-torpilles à plasma sur l'autre bras. Sa tête était équipée d'une caméra disposée à l'objectif couvrant un angle de vue à 270 degrés, à l'abri sous une solide cloche de verre renforcé. Il se rappela également que cette brute était normalement équipée d'un champ de force qui le protégeait des tirs des blasters les plus faibles. Une voix rauque émana de la tête :

- Cibles verrouillées. Élimination.

Liam savait que ses chances de survie face à un pareil adversaire étaient minimes, et ne voulut pas jouer les héros. Il se jeta vers la porte, et flaqua un coup de sabre-laser dedans, espérant brûler la serrure, mais l'acier tint bon. Canderous fit de même avec sa vibro-lame double Jengardin, sans plus de succès.

Le robot tueur s'était dégagé de sa niche et s'apprêtait à passer à l'attaque. Fidèle à ses principes, Morgreed ne connaissait qu'un moyen sûr pour résoudre une telle situation. Avec un rugissement bestial, il balança son énorme vibro-hache vers le droïd. Celui-ci tendit le bras, et des étincelles jaillirent quand l'arme blanche ricocha dessus. Se détournant de la porte, Canderous revint à la charge et abattit son arme juste sur l'articulation de l'épaule de fer. Son coup fut si violent qu'il coupa net le bras droit du droïd, mais il avait mal estimé son élan, et planta sa lame dans le sol.

Grennan, de son côté, peinait à trouver la bonne faille. D'abord, il avait du mal à cerner un point faible dans l'armature du droïd. Ensuite, il craignait de blesser Canderous, juste entre lui et le droïd, qui tirait sur le manche de son arme comme un forcené. Quand enfin il pressa la détente, le rayon doré rata complètement sa cible. Le droïd leva alors le bras gauche, et envoya une boule de plasma vers le Mandalorien. Celui-ci eut juste le temps de se jeter à terre, et sentit la décharge d'énergie brûlante lui chauffer le visage. Morgreed revint à la charge, et balança des coups de hache sur l'autre épaule du droïd, tel un bûcheron élaguant un arbre. Le canon à plasma tomba sur le sol dans un grand tintamarre de ferraille.

Motivé par la menace, Liam ne s'était pas découragé, et avait insisté, continué à lacérer la porte, enfoncé la lame bleutée de son sabre dans l'interstice entre la muraille et le battant... si bien qu'à la fin, il avait découpé une ouverture dans le blindage, et fit céder la porte d'un dernier coup de pied. Canderous s'était relevé avec une roulade en avant vers sa vibro-lame, la dégagea enfin. Le droïd, devenu manchot, essayait toujours d'accomplir sa mission en écrabouillant ses proies à coups de pied. Le mercenaire bondit, et abattit sa lame sur le dôme transparent qui surmontait le corps de métal. Une fois de plus, elle resta coincée, cette fois dans le verre.

Grennan ne voulut pas attendre que son disrupteur se rechargeât. Il sortit le fusil blaster à impulsions qu'il avait arraché au tueur de l'appartement de Niklas Veiler, et envoya une rafale sur le droïd, qui fut absorbée par le champ de force. Ce fut à ce moment que Dankin chargea son arbalète et envoya un projectile d'énergie verte sur la tête du droïd qui s'éparpilla aux alentours.

Le calme était revenu dans le bureau. Un calme seulement troublé par quelques crépitements d'étincelles émanant du droïd désormais inactif.

- Bon sang ! Ils ne plaisantent pas.

- Tu peux le dire, man ! répondit Grennan en riant. Hé, y a quelque chose dans c'te meuble ?

- Non, Grennan, répondit Morgreed qui venait d'ouvrir les tiroirs pour constater qu'ils étaient vides.

- Évidemment, avec tout ce remue-ménage, ils nous ont grillé, et ont pu monter ce piège. Bravo, Janna Pallask ! ronchonna Canderous.

- Dans ce cas, on va au moins prendre une petite compensation.

Tout en parlant, Grennan fouillait les poches du cadavre de Trel Modetto. Ce qui surprit Liam.

- Me dis pas que tu espères trouver du fric sur lui ?

- Pas du fric, petit, mais… ça !

Le Chiss sortit triomphalement le permis de vol du pilote.

- Voilà, les codes d'accès de l'Espoir Éternel sont sur cette carte.

- Tu veux dire qu'on va pouvoir prendre ce vaisseau ? demanda Liam, soudainement intéressé.

- Au moins pour partir de ce caillou. Après, il faudra nous en débarrasser.

- Mais pourquoi ?!

- Parce que ce Klytus a sans doute aussi les codes d'identification de cet appareil, et n'aura aucun mal à le retrouver. Ou alors, il faudra les faire changer. Cassons-nous, maintenant !

Au-dessus de l'astéroïde, le Chercheur Stellaire continuait à voler placidement. Ezra Lohrn continuait à s'énerver sur l'ordinateur de communications.

- Sacré bon sang de bonsoir ! J'y arriverai !

- Ce système de brouillage est très élaboré. Il faut un sacré matériel pour ça.

- Sûrement, et je dois bien admettre que je n'ai pas le niveau pour…

Un geyser orangé illumina soudain le cockpit. Sur l'une des plus grandes zones d'accostage, la grande forme triangulaire du Gantelet fut ébranlée par une violente explosion. Toute la partie tribord arrière du croiseur se changeait en un torrent de métal en fusion.

- Vraiment pas avec le dos de la cuillère, murmura Darius.

- Ce saligaud est complètement secoué, mais il en a vraiment où je pense !

- Vous ne pouvez pas le rappeler ?

- Ce champ de brouillage m'en empêche ! Espérons qu'ils ne fassent pas de bêtises !

Grennan, Dankin, Canderous, Morgreed et Liam étaient en train de remonter le long du long corridor sombre jusqu'à la plate-forme. Le Chiss avançait au pas de course, et les autres suivaient son rythme tant bien que mal. Liam faisait appel à la Force pour intensifier ses sens, et mieux percevoir l'environnement. Il perçut alors un bourdonnement sourd au loin.

C'est l'ascenseur… quelqu'un l'a mis en marche.

- Attends ! s'écria soudain l'adolescent à l'attention du Chiss. Je sens quelque chose…

Personne ne bougea, ni n'osa parler. Le cœur de Liam s'arrêta net quand il entendit une voix froide, impersonnelle, rauque, qu'il ne connaissait que trop bien.

- Cibles repérées. Procédure de nettoyage.

Grennan aussi avait compris de quoi il s'agissait.

- Oh non ! Les tueurs !

La plate-forme descendait, et le petit groupe put voir trois hommes en armure noire, alignés l'un à côté de l'autre, équipés de fusils blasters à impulsions.

- Confirmation. Protocole d'exécution en cours.

Juste devant Liam, Morgreed sortit en un tournemain de son étui son fusil blaster de luxe, et gronda avec un sourire carnassier :

- On va voir ce que vos terreurs ont dans le bide !

La détonation du blaster ricocha sur les parois rouillées tandis que le tir orangé atteignit l'un des trois hommes. C'est à peine s'il bougea, tant son armure encaissa bien le tir. Le Barabel ouvrit de grands yeux surpris.

- Quoi ? Hé ! C'est quoi, ce délire ?

L'ascenseur avait fini sa descente. Les trois nettoyeurs brandirent leurs armes comme un seul homme et balayèrent les alentours d'une première rafale. Les impulsions dorées volèrent au-dessus des têtes. Liam focalisa son regard sur le fusil de l'un d'entre eux.

Faut que je le lui arrache. Allez, c'est pas plus dur que de soulever un caillou !

Mais le stress, le bruit et le manque d'entraînement empêchèrent Liam de mettre son idée à exécution. Canderous brandit sa vibro-lame, prêt à s'en servir. Devant lui, Dankin envoya un carreau laser dans la poitrine de l'un des tueurs, le neutralisant. Encouragé par le succès de son ami, le Mandalorien se fraya un chemin entre le Togorien et le Chiss, puis sortit de son gilet une capsule fumigène qu'il avait gardé en stock. Il se plaqua à l'abri derrière une irrégularité dans la paroi, et lança la balle d'acier. Bientôt, la plate-forme disparut sous un épais brouillard jaunâtre. Les tirs cessèrent.

- Envoi de grenade.

- Confirmé.

Une grenade sortit des volutes de fumée, décrivant une courbe droit vers le groupe. Halluciné, Liam vit le petit cylindre tournoyer dans leur direction. Il sentit alors ses méninges tourner à plein régime, et ses yeux chauffer. Et une fois de plus, subitement, le temps ralentit tout autour de lui. Il distingua la grenade se rapprocher, de plus en plus lentement… jusqu'à être pratiquement arrêtée à deux mètres du sol. L'adolescent remarqua que lui pouvait toujours bouger à vitesse réduite, quand tout était immobile autour de lui. Il tendit la main vers l'engin explosif, et pensa de toutes ses forces :

En arrière ! En arrière !

Et le miracle se produisit. La grenade s'arrêta complètement, et commença à se diriger dans la direction de la plate-forme, et des tueurs positionnés dessus. Elle fila de plus en plus vite, alors que le temps reprit son cours normal. La grenade explosa, ébranlant le deuxième tueur. Grennan n'en revenait pas, complètement déstabilisé par un tel revirement. Mais si lui avait été surpris, leurs agresseurs l'étaient davantage. Le nuage se dissipait. Emporté par le feu de l'action, Liam sortit son blaster de sport et canarda le tueur qui avait été secoué par la grenade de Canderous. Parcouru de soubresauts, il dit juste « Directive Terminus » avant de tomber en avant. Canderous vit l'opportunité d'agir. Il courut aussi vite qu'il put, lame en avant, vers le dernier nettoyeur. Dans un bruit écoeurant, il lui enfonça son épée dans l'estomac, le traversant de part en part, l'embrochant contre la paroi.

- Tenez, les voilà, vos « tueurs invincibles » !

Canderous arracha la lame du mur, et le nettoyeur roula sur la plate-forme, la maculant de sang.

- J'avoue, ils sont quand même balaises, ces rigolos. Bon, on remonte et on se tire !

- Alors ?

- Toujours rien. Pas à dire, ce système est vraiment inviolable.

- Quelle guigne !

Darius rouspéta. Pour la sixième ou septième fois, il se demanda ce qu'il pouvait bien faire là. Soudain, il repéra quelque chose sur le radar.

- Docteur Lohrn, regardez !

- Quoi ?

- On dirait que la zone de brouillage bouge.

- Ah ? Oui, tiens ! Ah, peut-être que cela signifie qu'ils déplacent leur dispositif.

- Regardez !

Darius montra du doigt quelque chose. Ezra repéra trois chasseurs stellaires de classe Manta qui quittaient l'un des hangars, escortant un curieux appareil. C'était un vaisseau d'une taille comparable, mais d'une forme très inhabituelle : Ezra pensa à un cockpit encadré de quatre longues griffes d'acier qui faisaient ressembler le vaisseau à un grand X volant. Quand l'escadron quitta le périmètre, les communicateurs et autres senseurs fonctionnèrent à nouveau. Ezra se précipita sur le micro.

- Canderous ? Canderous, réponds !

- …ra ? Est-ce que tu entends ?

- Grennan ?

- Ouais, c'est moi. Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Un vaisseau émettait un champ de brouillage, mais il est parti. Et vous ?

- Klytus nous a échappé, mais il ne perd rien pour attendre.

- Comment on se retrouve ? Vous êtes à quelle piste ?

- T'en fais pas, on va vous rejoindre, on a trouvé un vaisseau.

- Vraiment ? D'accord.

La plate-forme était remontée, une fois de plus les cinq camarades traversèrent le grand sas. Ils couraient sans s'arrêter. Soudain, sous ses pieds, à travers la paroi de plexiglas renforcé, Liam entendit un horrible concert de bruits qui lui paraissaient familiers. En regardant en bas, son sang se figea dans ses veines quand il vit un spectacle qui l'arrêta net.

Quarante mètres plus bas se déroulait un combat d'une violence inouïe. Deux silhouettes virevoltaient de part et d'autre du hangar à containers. L'adolescent n'eut aucun mal à reconnaître l'effrayante ombre noire de Daymon Thorn, qui brandissait un sabre-laser à lame rouge vif. Liam était comme hypnotisé par les moulinets à la fois gracieux, rapides et précis de l'arme de Thorn, et se sentit comme un rat womp devant un cobra, même s'il ne perdait pas de vue que ce n'était pas lui qui était directement menacé par le Sith, mais bien Tahé l'Indomptable.

Qu'est-ce qu'il fait ici ? Blast ! C'est lui, le Jedi envoyé par le Conseil !

Le Mélodieux se défendait avec un sabre-laser dont la lame avait la couleur d'un océan de Yavin VIII. Contrairement à ce que craignait Liam, l'envoyé du Conseil n'attaquait pas, mais n'était pas pour autant en position de faiblesse : il parait, esquivait, sautait en avant, en arrière, et semblait même s'amuser avec son terrible adversaire. La colère de celui-ci chauffait presque les alentours.

- Arrête de bouger, sale têtard !

Grennan avait rejoint Liam, et le secoua par les épaules.

- Mais qu'est-ce que tu…

Le Chiss fut à son tour subjugué par ce ballet mortel. Le Seigneur Noir, excédé, tendit la main. Des éclairs jaillirent de ses phalanges en direction de Tahé. Celui-ci mit un genou à terre, croisa les bras devant son visage, paumes tournées vers le Sith. Les éclairs meurtriers rebondirent sur ses mains, et s'évanouirent dans l'air. Avec un rugissement de fauve enragé, Thorn écarta les bras. Deux énormes containers placés de chaque côté du Mélodieux se mirent à trembler. Le Sith joignit ses paumes. Comprenant les intentions de Thorn, Tahé n'eut que le temps de faire un immense saut. Il resta suspendu par les doigts à la structure du sas, et grimaça en entendant les deux énormes coffres d'acier s'entrechoquer. Il sourit amicalement en voyant les visages terrifiés des deux hommes de l'autre côté de la paroi transparente.

- Ne vous en faites pas ! Je peux le retenir ! Allez vous-en, vite !

Grennan vit alors en contrebas le Sith lancer son sabre-laser. Comme dans un rêve, il vit la vague rougeâtre se rapprocher en tournoyant.

- ATTENTION, DERRIÈRE TOI !

Mais au moment où le sabre-laser se planta dans le plexiglas, le Mélodieux s'était déjà écarté, plus rapide qu'une flèche. Grennan prit alors Liam par le bras.

- Allez, on n'a plus le temps !

Un enchaînement d'explosions secoua alors le plafond aux quatre coins de l'entrepôt. Des câbles de synthécorde glissèrent. Canderous, revenu en arrière pour réprimander les retardataires, jura en voyant descendre une demi-douzaine d'hommes en armure noire. Le même message se répercuta à travers les masques inexpressifs :

- Protocole de nettoyage en cours.

Et les nettoyeurs défouraillèrent sans retenue, balayant toute la pièce de leurs feux nourris en direction des deux guerriers, sans privilégier l'un ou l'autre. Tahé bondit vers la porte qui passait sous le sas, disparaissant à la vue des trois hommes. Thorn parait rafale sur rafale, de plus en plus énervé. À la fin, avec un cri terrible, il balaya l'air du bras, et un container s'éleva dans les airs, pour se fracasser sur la paroi de duracier, broyant l'un des tueurs au passage. Les trois compères ne traînèrent pas davantage. Devant eux, les deux grands non-Humains s'impatientaient.

Quelques dizaines de mètres plus loin, ils étaient revenus au-dessus de la salle d'épuration des eaux. Tout en courant, Liam repéra encore la silhouette gracieuse de Tahé, en train de courir sur un petit ponton d'acier qui enjambait la cuve d'eau sale. Il était suivi par les hommes en armure noire, et s'arrêta net en voyant un autre groupe de nettoyeurs arriver par la porte d'en face. Il claqua juste du doigt de frustration. Une réaction que Liam jugeai bien faible par rapport à la gravité de la situation dans laquelle se trouvait le Mélodieux.

Les tueurs encerclaient maintenant le Jedi, se déplaçant lentement autour de lui en marchant sur les passerelles qui bordaient la grande cuve. Puis ils s'arrêtèrent. Ils étaient dix, silhouettes menaçantes aux masques inexpressifs. Ils brandirent simultanément leurs fusils à impulsions.

- Cible acquise. Mode d'exécution confirmé.

Tahé était juste au milieu de la passerelle. Au-dessous de lui, sous l'action de l'énorme turbine, les vagues claquaient furieusement. Le Mélodieux tourna lentement sur lui-même, bravant du regard les hommes en armures. Derrière la vitre, Liam angoissait de plus en plus à l'idée d'assister à l'exécution d'un Jedi. Il se plaqua contre la vitre et bégaya :

- Non ! Tahé ! Ne joue pas au héros, ils sont trop nombreux !

Le Mélodieux regarda alternativement les hommes en armure, puis le padawan. Il eut un petit sourire, et sans hésiter, plongea dans la cuve, bras tendus en avant.

- Arrête ! Arrête ! Non !

Mais il était déjà trop tard. En moins d'une demi-seconde, Tahé l'Indomptable avait disparu dans les tumultueux remous de la turbine.

Un court instant passa durant lequel personne ne fit rien. Puis les nettoyeurs levèrent tous ensemble leurs armes.

- Nouvelle cible atteinte.

- Protocole d'exécution.

- Confirmé.

Liam écarquilla les yeux, et fit un bond en arrière. Le verre tinta sous les coups d'impulsion, mais tint bon. Canderous le rattrapa par le bras.

- Ca va être craignos dans quelques instants, il faut qu'on se tire d'ici vite fait !

- Ils l'ont tué… ils l'ont tué…

- Et on va vite le rejoindre si on reste ici ! Entre les commandos et Thorn, ça pue !

Un appel sonna dans le communicateur du Chercheur Stellaire.

- Ezra ? Ici Grennan.

- Grennan ? Où en êtes-vous ?

- On a embarqué à bord de l'Espoir Éternel, je t'envoie le signal d'identification. Nous sommes juste derrière toi.

- Attends... Okay, je vous vois.

- Programme un chemin vers Tamber, on s'y rejoindra !

- D'accord.

- Les autres insistent pour que nous allions ensuite à Chandrila.

- Pourquoi faire ?

- Question de vie ou de mort !

Six heures plus tard, le Chasseur Stellaire et l'Espoir Éternel s'étaient posés à proximité à l'astroport principal de Tamber, la planète la plus proche de Lemuir IV sur la route commerciale de Rimma, la principale route intersystémique pour les mondes du Noyau. Alors qu'Ezra se réjouissait en voyant ses amis l'attendre, elle ouvrit la trappe pour descendre, mais Darius ne la suivit pas.

- Je vous laisse, je n'ai aucune raison de traîner encore avec vous.

- Je comprends. Désolée de vous avoir entraîné là-dedans. À votre place, je me tiendrais à l'écart de Lemuir IV pendant un long moment. Vous avez été mêlé à une sale histoire, et moins vous en parlerez, mieux vous vous porterez.

- Bon. Tenez, quand même, si vous avez besoin de matériel…

Darius tendit à la jeune doctoresse sa carte, qu'elle empocha. Avant de descendre, elle fit un petit salut.

- Cieux cléments !

Ezra fut impressionnée par l'état avancé de dégradation de l'Espoir Éternel.

- Incroyable ! Cette poubelle fonctionne encore ?

- Pour ce que j'ai pu en juger, il ne paie pas de mine, mais tient la route, répondit son compère Chiss en tapotant la carlingue du bout de son disrupteur.

- Ne perdons pas de temps ! trancha Liam. On va tout t'expliquer pendant le trajet.

Très vite, l'Espoir Éternel s'engagea sur la route de Rimma. Liam, Canderous et Morgreed racontèrent tout ce qui s'était passé sur Lemuir IV, et la raison qui les pressait à se rendre sur Chandrila. La jeune Calipsa approuva.

- Il est clair que cette pauvre fille est dans la semoule jusqu'au trognon. Nous devons immédiatement la récupérer et la mettre sous haute protection.

- Même en dehors du système Tapani, ces artefacts provoquent des catastrophes !

Liam serrait encore les poings.

- Pauvre Tahé ! Il ne doit pas avoir fait tout ça pour rien !

- Je te promets qu'on fera tomber ces ordures. Qui que soient ces mecs en armure, ce Klytus, ce réseau d'esclaves, on ne s'arrêtera pas sans avoir coupé la tête de cette organisation !

- Et si c'était une hydre, cette organisation ? On coupe la tête, deux autres apparaissent…

- Jedi sacrifié. Conseil ne restera pas inactif, gronda Dankin.

- T'as raison, mon pote, renchérit Canderous. Et si ces tueurs vont jusqu'à Chandrila, la Nouvelle République sera bien obligée d'agir de manière officielle.

Le visage de l'adolescent s'éclaira un peu.

- Oui, vous avez sans doute raison. Mais je te rassure, Ezra, je n'ai pas l'intention de le venger.

- Vraiment ?

- J'ai besoin de toute mon énergie, non pas pour tuer le plus de nettoyeurs possible, mais pour protéger les gens auxquels je tiens.

La doctoresse eut un petit sourire.

- Et tu penses à une personne en particulier, je parie ! Mais tu as parfaitement raison, et je suis certain que tous les Jedi approuveront cette décision.

Le soleil éclairait les plaines verdoyantes de Chandrila. Liam était fasciné. Il avait passé toute sa jeunesse dans les rues grouillantes de Coruscant, et voir autant de surfaces planes et herbeuses lui faisait toujours un petit effet.

- Cette planète est chère à la Rébellion, les amis.

- Ah ouais, et pourquoi ? demanda Morgreed, curieux.

- C'est ici qu'est née Mon Mothma, le sénateur qui a été la principale instigatrice de la fondation de la Rébellion, à l'issue de la Guerre des Clones. Quand la Nouvelle République a été fondée, elle en est devenue la Présidente pendant quelques années, avant de céder sa place à la Princesse Leïa Organa Solo.

- Ouais, autrement dit, c'est un lieu de recueillement pour les nostalgiques ! plaisanta Grennan.

- Possible, quoi qu'il en soit, ce que je préfère, c'est les plaines.

L'Espoir Éternel atterrit non loin d'une grande ville constituée principalement de grandes tours blanches à l'architecture ultramoderne. Grâce à un contact rapide avec le Conseil des Jedi sur une ligne sécurisée accessible seulement aux membres de l'Ordre, Liam avait expliqué en quelques mots la situation, et Kyle Katarn leur avait donné l'adresse d'Ari Quayle. Quelques minutes de transport en commun avaient suffi pour qu'ils arrivassent à l'appartement de la bibliothécaire.

Morgreed sonna. L'interphone à caméra se mit en marche.

- Qui est là ?

- Ari ? Ari Quayle ?

- Oh, monsieur Morgreed ! Je vous reconnais, maintenant. Entrez !

La porte coulissa, et le petit groupe fut accueilli par la jeune fille blonde. Elle sourit davantage en voyant Canderous, Dankin et Liam, mais se crispa un peu devant le Chiss.

- Et vous êtes… ?

- Oui, nous n'avons pas été présentés, mademoiselle. Je suis le docteur Lohrn de la Maison Calipsa. Et lui, c'est Grennan, mon partenaire.

- Calipsa ?

- T'en fais pas, elle est réglo, affirma Liam. Lui aussi.

- Alors, que me vaut le plaisir de…

- Désolé, Ari, mais ça ne va pas te faire plaisir, coupa le Mandalorien. Les gars qui ont buté ton mari t'ont presque retrouvé. On est ici pour t'emmener ailleurs.

Le visage d'Ari s'effondra.

- Ca ne s'arrêtera donc jamais ?

- Tout peut s'arrêter, si nous faisons preuve du culot nécessaire, répondit Grennan. Le truc, c'est d'éviter les dommages collatéraux.

- Où allez-vous m'emmener, cette fois ?

- On part pour Yavin IV, à l'heure qu'il est, c'est le seul endroit où tu seras en sécurité, assura Morgreed.

- Quelle excellente idée ! Une promenade en perspective dans les forêts de Yavin IV ! J'adore !

C'était K-LI, le droïd d'Ari, qui venait d'exprimer le fond de sa pensée, de sa voix enjouée. Le Chiss fut interloqué.

- C'est quoi, ça ?

- Le droïd que mes parents m'ont offert. Il ne me quitte pas.

- J'avais oublié cette satanée boîte à chambard ! pesta Canderous. Bon, on doit y aller, maintenant.

Ari mit rapidement quelques affaires dans un sac, et s'apprêta à quitter l'appartement. À sa suite, K-LI trottinait.

- Attendez ! Je dois venir avec vous !

- Sûrement pas, conserve à guimauve ! Tu restes là ! ordonna le mercenaire.

- Non, je regrette ! Le dernier ordre que j'ai reçu de Maître Quayle avant sa tragique disparition a été très clair : ne jamais quitter Maîtresse Ari sous le moindre prétexte !

- Je me fous autant du dernier ordre de Quayle que de…

Ezra leva soudain la main, intimant à Canderous le silence. Elle regarda attentivement le droïd qui continuait à s'agiter autour d'eux. Son expression se fit de plus en plus maligne

- Je commence à comprendre pourquoi il tient tant à nous suivre !

- Je suis très heureux de voir à quel point vous vous souciez de ma personne, mademoiselle, mais je vous assure que je vais très bien !

- Il ne s'agit pas seulement de ça, bonhomme.

K-LI était attaché sur l'établi de l'Espoir Éternel. Il essayait désespérément de se libérer de ses entraves, sans succès.

- Je n'ai pas besoin d'une révision !

- Il est où, l'interrupteur ? Je commence à en avoir par-dessus la tête ! Ari !

En voyant la doctoresse brandir la lourde clef à molette comme une matraque, la jeune bibliothécaire, affolée, s'empressa d'appuyer sur l'interrupteur situé à la base de la sphère argentée qui constituait l'énorme tête de son droïd. Celui-ci cessa aussitôt de bouger, ses yeux verts s'éteignirent. Ezra poussa un soupir de soulagement.

- Et vous supportez ça toute la journée ?

- Kelly a toujours été mon meilleur ami.

- D'accord… voyons voir ce que votre meilleur ami a dans le crâne.

Quelques minutes et coups de tournevis électrique plus tard, la jeune Calipsa avait délicatement ouvert le couvercle de protection du dôme céphalique. Mais la bibliothécaire veillait.

- Dites, êtes-vous sûre de savoir ce que vous faites ?

- J'ai travaillé sur différents modèles de droïds médicaux, je connais au moins les bases pour ce qui est du bricolage sur ces trucs. Voyons, voyons… Ah-ha !

Ezra plongea délicatement la main au milieu des circuits imprimés, et quand elle la sortit, elle tenait quelque chose de petit et de carré entre le pouce et l'index.

- Regardez ! Une cartouche mémorielle ! Je parie qu'elle n'était pas incluse à la sortie de l'usine !

- Vous pensez que quelqu'un l'aurait cachée là ? Vous pensez à… nom d'une pipe en bois ! Jackee aurait… ?

- C'est très possible.

- Félicitations, Ezra ! Tu m'épates ! applaudit sincèrement Liam.

Ce compliment laissa cependant la jeune doctoresse de marbre. Elle regarda successivement Canderous, puis Morgreed, puis Dankin, et s'arrêta sur Liam.

- Ne me dites pas que depuis maintenant six mois que vous connaissez cette malheureuse et son droïd, vous savez qu'on veut sa peau, mais qu'aucun d'entre vous n'a eu la bonne idée de voir si le mari n'avait pas caché quelque chose dans ce tas de boulons ?

Personne n'osa répondre.

- Je le crois pas. La clef du mystère était à portée de main, sous vos yeux, pendant tout ce temps !

- Et en plus, on l'a déjà amenée devant le Conseil des Jedi ! rappela Liam d'un ton lamentable.

- J'avoue, j'aurais peut-être dû repérer ça, surtout après avoir vu ce coup fourré avec SE-2-4, grommela Canderous.

- Et toi, Liam ?

- Hé, me bouscule pas, Ezra ! Quand j'ai rencontré Ari, je ne pensais qu'à retrouver l'assassin de Duncan Blackstorm ! Et j'ai pas imaginé que des cafards géants puissent être amateurs d'informatique !

- De quoi tu parles ?

- Les Krakraï.

- Mais quel rapport avec Ari ?

- Eh bien… la première fois que j'ai affronté un machin pareil, c'était dans sa chambre – elle passait la nuit dans la suite entre la mienne et celle de Chi'ta. En pleine nuit, j'ai senti cette créature, et le « brouillage » qu'elle émettait. Alors, je suis allé jeter un œil dans sa piaule, et je suis tombé nez à nez avec un Krakraï qui a voulu me dévorer.

Cette anecdote laissa la jeune doctoresse songeuse.

- T'es sûr de ce que tu dis ?

- Ah oui, j'en suis sûr !

- Tu dis que ces créatures semblent créer des interférences avec la Force… je me demande si ces Krakraï ne se montrent pas particulièrement agressifs avec les personnes sensibles à la Force. En fait, ça me fait penser aux vornsks.

- Les vornsks ? C'est quoi, un vornsk ? demanda Morgreed.

Ce fut Liam qui répondit :

- Un sacré tas d'ennuis pour les utilisateurs de la Force. Ce sont d'espèces de loups qui vivent sur la planète Myrkr. On nous apprend à les reconnaître à l'Académie, parce qu'ils ont une particularité : ils repèrent les individus réceptifs à la Force, et ça les rend enragés, alors du coup ils… Blast ! Si ça se trouve, ce n'est pas Ari que cette créature visait, mais bien moi !

L'adolescent se remémora subitement la scène.

- Mais oui ! Quand j'ai vu cette chose, elle n'allait pas s'en prendre à Ari, mais voulait sortir de la chambre par la porte, elle a pris la mouche quand elle m'a vu !

- Pourquoi ne pas être entré par la fenêtre de ta suite, ou celle de Chi'ta ?

- Peut-être parce qu'elle s'est trompée de fenêtre, ou bien… comme nos flux de Force s'entrecroisaient dans la chambre d'Ari, elle a cru détecter une source plus importante, et s'est rendue compte de son erreur en entrant.

- Ouais, c'est pas idiot ! Et sur Gamorr, le Krakraï m'a délaissée quand tu t'es trouvé devant lui ! rappela Ezra. Les Précurseurs ne visent probablement pas Ari, c'était une mauvaise coïncidence !

- Ma vie reste menacée, pourtant ! reprit Ari. Mon quartier brûlé, un speeder dans la fenêtre de ma chambre…

- C'est ça qu'ils voulaient ! affirma la doctoresse en brandissant la petite cartouche. Maintenant, je suis curieuse de savoir qu'est-ce qui a bien pu occasionner autant d'ennuis à autant de personnes.

- Je… je peux voir ce que c'est avec vous ? demanda timidement la bibliothécaire.

Ezra se tourna vers elle.

- Vous risquez d'être encore plus dans les ennuis, Ari.

- Je veux savoir ce qui a tué mon mari !

- D'accord.

Elle introduisit la cartouche dans son bloc de données, vérifia qu'elle n'était pas cryptée ou infectée par un virus, et ouvrit le fichier.

C'était l'enregistrement d'une conversation entre deux individus, sans image. La première voix était haut perché et gutturale, l'autre mielleuse, avec un fort accent rodien :

- Vous êtes sûr que c'était une bonne idée ?

- Allons, cher ami, vous savez bien que chaque ambassade doit être truffée d'au moins une trentaine de micros de chacune des autres maisons. J'ai personnellement vérifié que cet établissement ne comprenait aucun appareil d'espionnage, peu de gens vous connaissent, et personne ne me connaît, moi. Il n'y a aucun risque.

- Mouais… Je l'espère pour vous.

- Allons, vous me connaissez, je suis un professionnel tout comme vous.

- Alors, qu'aviez-vous de si important à me dire ?

- Il y a du nouveau concernant le secteur de Kathol.

- Vraiment ?

- Vous vous souvenez des communications émises par le Carbonite ?

- Le quoi ?

- Le vaisseau détruit dans le secteur Tapani il y a quelque temps.

- Ah, oui, celui-là ! Eh bien ?

- Plus de doute possible, ces communications étaient bien ce que nous pensons.

- Vous en êtes sûr ?

- Vous oubliez que j'étais sur place quand nos hommes ont trouvé DarkStryder et ses minions. Et nous avons intercepté les signaux radio de cette créature quand elle faisait appel à ses serviteurs.

- Et donc ?

- Les analyses l'ont confirmé, les communications adressées au Carbonite ont exactement les mêmes résonances, il n'y a aucun doute possible. Deux possibilités se présentent : ou bien DarkStryder est toujours vivant, mais ça m'étonnerait fort compte tenu que le Bastion s'est écroulé dessus sous mes yeux, ou bien…

- Allez-y, parlez !

- Ou bien ce sont d'autres êtres qui parlent le même langage, et d'une manière plus complexe. En outre, nos scientifiques ont remarqué que le vaisseau a été détruit par une arme à énergie spatiale, or DarkStryder n'était pas assez performant pour aller dans le vide interstellaire. Le Carbonite était au beau milieu de l'espace, le tir n'est pas venu d'une planète, d'un astéroïde ou tout autre corps semblable, mais bien d'un vaisseau. Un vaisseau équipé d'une arme qui fonctionnerait avec un ou plusieurs de ces modules.

- Vous voulez dire… les modules comme celui que vous avez ramassé sur Kathol ?

- Précisément.

- Quel dommage que votre porte-bonheur ne soit plus fonctionnel. Pourquoi le garder sur vous en permanence ?

- Il m'a sauvé la vie, je lui dois bien ça. Et puis, imaginez que nous trouvions quelque chose susceptible de le recharger. Puis de le dupliquer. Nos soldats deviendraient beaucoup plus efficaces.

- Bien sûr, mon cher, mais vous pourriez vous montrer plus ambitieux. Avec cette technologie, plus rien ne pourrait nous arrêter. Notre association pourra renaître de ses cendres.

- Nous devrions cependant nous tenir sur nos gardes. Plusieurs autres groupes ont également intercepté l'appel, si j'en crois mes sources, sauf que contrairement à eux, personne ne pourra nous repérer.

- J'en suis certain.

- Les Mecetti sont au courant, ainsi que les Melantha. En outre, ce balourd de Moff Laird Gustavu a carrément fait des fouilles dans le coin.

- Et ça vous fait peur ?

- Tout cela risque fort de nous gêner. J'ai horreur de devoir me montrer, mais je vais devoir le faire, je suppose.

- Pas nécessairement.

- C'est à dire ?

- Les Impériaux n'ont pas les moyens de mettre d'autres grands projets sur pied, ils sont bien trop occupés avec leur sphère, j'en sais quelque chose puisque c'est moi qui transporte leur matériel. En revanche, les maisons nobles pourraient effectivement retarder notre travail, à moins que…

- Vous avez une idée derrière la tête, cher ami.

- Il faudrait qu'il y ait quelques… perturbations dans le secteur Tapani. Suffisamment pour que ces noblaillons prétentieux ne mettent pas le nez dans nos affaires. En provoquant une guerre, par exemple.

- Comment comptez-vous faire ?

- Très simple. Dans deux jours, Dame Bathos de Cadriaan fête son anniversaire. Vous vous rendez compte de ce qui se passerait si l'un des membres de l'une des maisons rivales à la Maison Cadriaan décidait de la faire abattre par un tireur embusqué ?

- Tueur engagé par nos soins, je suppose ?

- Evidemment.

- Et naturellement, vous ferez appel à un intermédiaire.

- Comme d'habitude. Et pour jouer le rôle du petit fonctionnaire malheureux prêt à tout pour gagner les faveurs du patron, j'ai l'homme qu'il faut. Une espèce d'Humain pathétique qui se jetterait dans le réacteur de l'Étoile Noire pour avoir une augmentation de 2,5 %. Un petit pot-de-vin par-ci, une petite retouche par-là, et dans deux jours, « Klytus de la Maison Mecetti » va commettre un crime odieux, et mettre le feu au tas de poudre qui relie la Maison Cadriaan et la Maison Mecetti.

Le message s'arrêta à ce moment-là. Personne ne réagit. Tous étaient pétrifiés par ce qu'ils venaient d'entendre. Enfin, Canderous desserra les dents.

- « Tas de poudre »… Les gars, on vient de mettre la main sur l'allumette.

- Qui que soient les personnes qu'on entend, y a des chances pour qu'elles éliminent ceux qui se mettent dans leurs pattes sans autre forme de procès ! s'inquiéta Morgreed.

- Ces mecs en armure noire… murmura pensivement Grennan.

- Tahé avait raison, ils ont de sacrés gros moyens ! s'inquiéta Liam. Il devient urgent d'en référer auprès du Conseil !

Chi'ta Koskaya était anxieuse. Elle allait et venait dans l'allée du jardin du temple Massassi, ne parvenant pas à se calmer. Le ciel était toujours vide, pas le moindre vaisseau en approche. Piquée au vif, elle s'assit d'un bond sur un banc, et ferma les yeux, essayant de penser à autre chose. Mais elle ne put ramener le calme dans son esprit qui était en pleine tempête. Elle entendit quelqu'un se rapprocher. En rouvrant les paupières, elle distingua la Dame Damara Decrilla. Celle-ci la salua avec un sourire engageant.

- Salut à toi, jeune Chi'ta.

- Bonjour, Dame Decrilla.

- Je peux ? demanda l'Humaine en montrant le banc du doigt.

- Je vous en prie, faites.

La chasseresse s'assit près de la jeune fille.

- Je ne m'attendais pas à vous voir ici !

- J'ai tenu à reparler au Conseil des Jedi… j'avais besoin de clarifier quelque chose. Je n'ai pas l'esprit très serein en ce moment.

Pendant quelques instants, ni l'une ni l'autre ne pipa mot. Puis la jeune Humaine esquissa, un peu gênée :

- Tu sembles bien soucieuse, toi aussi.

- Oh, j'espérais que ça ne se visse pas autant !

- Tu n'as pas à t'en faire, va. Par les temps qui courent, l'inquiétude est légitime.

- Vous disiez vouloir « clarifier les choses »… de quoi vouliez-vous parler ?

- Eh bien, je ne sais pas si c'est parce que j'en ai parlé à tes maîtres ou si c'est une coïncidence, mais maintenant, j'ai des visions, y compris quand je suis éveillée. Et ça ne me rassure pas. Je vois Don Nycator de Mecetti. Il est en danger. Une ombre plane sur lui.

- Vous lui en avez parlé ?

- Je n'ai pas eu cette chance. Pour tout te dire, cela fait un petit moment que je n'ai pas eu l'occasion de l'approcher.

À cette évocation, la jeune chasseresse poussa un profond soupir, et bientôt ses yeux se remplirent de larmes.

- Mais… oh, Damara !

- Excuse-moi, Chi'ta.

La jeune Drall sortit vite un mouchoir des plis de sa robe, et le tendit à l'Humaine.

- Vous l'aimez à ce point-là ?

- Si seulement… si seulement il n'était pas aussi obnubilé par la Dame de Sérénité ! Mais je ne devrais pas parler comme ça devant toi, je crois savoir que Dame Liryl t'est chère aussi.

- Auriez-vous de vilaines pensées à son égard ?

- La jalousie, tu veux dire ? Non pas, car je sais que ça ne changerait rien. Et puis seuls les animaux éliminent les rivaux sexuels. Je me sens animale pendant un safari, jamais autrement. Dame Liryl est quelqu'un de très bien, sans doute bien meilleure que je ne le serais jamais, et je ne souhaite pas qu'il lui arrive malheur.

- Je suis ravie de vous l'entendre dire, Damara. Mais en toute sincérité, je n'approuve pas non plus ce mariage. Je vous avouerai cependant que je m'inquiète davantage pour la Dame de Sérénité.

- Je comprends. Mais sache que si Nycator a pu se montrer blessant à l'égard de l'un ou l'autre de tes amis, il n'a jamais dit une seule mauvaise parole à ton égard.

- Cela n'a pas d'importance, de toute manière, un Jedi doit être au-dessus des considérations personnelles. Ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus. Puisque nous parlons de ces choses-là, sachez que je vois de plus en plus de visions ténébreuses, moi aussi. Je vois des gens qui souffrent, qui ont peur, qui meurent. Des villes réduites à feu et à sang, des plaines entièrement brûlées… et parfois, je vois Liam qui se bat à mes côtés, qui me soutient, et je supporte mieux ces ravages.

Damara Decrilla eut un petit sourire.

- Pour toi aussi, il y a quelqu'un, alors ?

- Inutile de se voiler la face, Damara. Liam Kincaid semble éprouver de tendres sentiments pour moi, et… j'avoue que je me sens de mieux en mieux au fur et à mesure que je partage sa compagnie.

- Tu me surprends ! Bien des filles de ton âge n'auraient pas été aussi franches.

- Je suppose que cela tient de mon éducation les habitants de Drall ne sont pas très complexés par les questions sentimentales, contrairement à d'autres peuples. J'ignore cependant si c'est très… raisonnable. Surtout par les temps qui courent.

- Et pourquoi pas ? Si nous sommes amenés à traverser une période de chaos, peut-être que la seule chose qui puisse maintenir un semblant de cohésion, c'est l'amour.

- Peut-être bien… Mais… vous y croyez, vous ?

- À quoi ?

- Eh bien… une Drall, un Humain… ensemble…

- Tant qu'il y a le cœur, crois-tu que le reste ait une importance ? Et puis, vous êtes peut-être encore un peu jeunes pour penser à fonder une famille, non ? ajouta la jeune Humaine avec un sourire malicieux.

La jeune Drall eut un petit rire, ce qui la surprit. Elle réalisa qu'une telle allusion l'aurait sans doute choquée quelques semaines plus tôt encore. Mais elle ne sut déterminer si c'était une marque de dédramatisation, de maturité ou d'avilissement.

- Vous avez raison. Nous verrons cela quand nous aurons atteint notre majorité.

C'est alors que la navette de transit de Yavin survola les deux femmes pour aller se poser sur la piste de l'académie. Chi'ta se leva d'un bond.

- Ce sont sans doute nos amis ! Allons les rejoindre !

Et la jeune Drall courut vers le bâtiment sans attendre Dame Decrilla.

Son visage illuminé perdit bien vite de son éclat quand elle vit les mines défaites de ses amis descendus de la navette. Ils semblaient être sortis des galeries d'un volcan en activité. Même Morgreed, habituellement ricanant, affichait un faciès contrarié, comme si, pour la première fois de sa vie, il avait affronté quelqu'un de plus fort que lui sans l'emporter. Elle essaya tout de même d'avoir l'air enjouée en disant :

- Vivants ! Vous êtes tous vivants !

- Salut, petite puce…

- Canderous, mais qu'est-ce qui s'est passé ?

- Thorn était là, Chi'ta, murmura Liam sur un ton funèbre.

- Par le Grand Fouisseur ! Est-ce qu'il vous a fait du mal ?

- Pas à nous, Chi'ta, répondit Ezra. Mais… je suis sincèrement navrée.

- De quoi ?

La jeune fille se répétait le credo des Jedi pour éviter de paniquer.

- C'est Tahé l'Indomptable… les tueurs qu'on a vu chez Niklas Veiler l'ont exécuté.

- Hein ?

À la profonde stupéfaction de la doctoresse, la petite Drall, si empathique, n'avait pas l'air choquée, chagrinée… mais seulement surprise. Ezra tâcha d'aller jusqu'au bout, et continua :

- Je… je comprendrais que ça puisse être trop lourd à assumer.

- Sache qu'il nous a permis de fuir, et d'accomplir notre mission, ajouta Grennan.

- Je suis ravi de l'apprendre, mais vous ne m'immergez pas un peu vite ?

Le Mandalorien soupira d'exaspération en entendant le Barabel éclater de rire à la vue de Tahé, qui les avait discrètement rejoints. Le Mélodieux était souriant, en pleine forme. Il avait abandonné les vêtements de cuir de proxénète, et portait une simple tunique rouge vif. La seule décoration qu'il avait conservée était son amulette de cuivre à effigie de cétacé, lien avec son monde natal. Liam siffla d'admiration.

- Blast ! Tu t'en es sorti !

- Comme tu peux le voir.

- Tu as meilleure allure en Jedi que dans la peau d'un mac ! ricana Morgreed.

- C'est un rôle qui m'a permis de sauver pas mal de vies.

- Je savais que tu avais l'air trop honnête pour un esclavagiste, affirma Liam.

- C'est une bonne couverture.

- Couverture ?

Le Mélodieux toussota et parla plus doucement.

- Il y a quelques années, j'ai été mêlé à une histoire de trafic d'esclaves. J'ai aidé à démanteler une petite partie d'un grand réseau sur la planète Pembric II, le réseau Sabiador. Mais plus tard, j'ai appris que ce n'était que le sommet de la carapace de la tortue marine. Alors, j'ai demandé au Conseil la permission de continuer à lutter contre ce réseau – je suis un Jedi Sentinelle, l'infiltration et le débusquage de sales types sont ma spécialité. Et de fil en aiguille, j'ai finalement atteint le gros morceau en fouillant dans les dossiers des gens que j'ai suivi jusque sur cette station, j'ai découvert que le réseau Sabiador n'était qu'une petite succursale d'une énorme organisation criminelle avec d'immenses moyens.

- Laquelle ?

Tahé tourna la tête à droite, puis à gauche, et chuchota :

- Pour votre sécurité, je préfère ne pas vous le dire sans l'aval du Conseil. Moins vous en saurez sur ces gens, mieux ça vaudra pour vous.

- D'accord.

L'adolescent se tortilla nerveusement les doigts.

- J'ai vraiment eu les jetons quand je t'ai vu plonger dans ce bassin.

- Les jetons ? De quoi ? Que je me noie ? s'exclama le Mélodieux en riant de bon cœur. Liam, j'ai appris à nager avant même de savoir marcher ! La turbine ? Une plaisanterie par rapport à des courses que j'ai pu mener à travers des barrières de coraux venimeux bien plus resserrées. Non, j'avoue que la vraie difficulté a été Thorn lui-même.

- Tu t'es pourtant bien dépatouillé face à ce salaud !

- Peut-être, Canderous, mais si ces guerriers n'étaient pas venus le perturber, il aurait fini par me changer en plancton ! J'avais de plus en plus de mal à éviter ses attaques, au fur et à mesure qu'il s'énervait.

- Je t'ai vu esquiver les coups, parer ses éclairs… mais tu ne l'attaquais pas !

- Et c'est pour ça que j'ai survécu à notre petit « entretien ». Si j'avais été offensif, je serais entré dans son jeu, et pour le combat, il est plus doué que moi.

- Puisqu'on parle d'entretien, il faut qu'on voie le Conseil.

Justement, Corran Horn arrivait à son tour. Les compagnons le saluèrent respectueusement à tour de rôle. À la demande de Horn, un padawan guida Ari et K-LI vers une chambre, puis les six camarades suivirent le maître Jedi jusqu'à la salle de briefing. Quand ils y entrèrent, Canderous ne put s'empêcher de faire une petite moue d'admiration. En effet, ce n'était pas le bureau où ils s'étaient rendus les fois précédentes, mais bien la grande pièce souterraine mal éclairée d'où la Princesse Leïa Organa et le Général Jan Dodonna avaient orchestré la Bataille de Yavin quinze ans plus tôt.

- Je ne pensais pas entrer dans un sanctuaire autant chargé en histoire !

- Ce n'est pas le genre d'histoire dont nous nous souvenons avec enthousiasme, répondit Kyle Katarn. Beaucoup de gens honorables sont morts pendant la Bataille de Yavin, aussi bien dans notre camp que dans celui d'en face.

- Vous avez participé à cette bataille ?

- À ma façon, Canderous. C'est moi qui ai volé les plans de l'Étoile Noire pour les remettre à la Princesse Leïa sur le Tantive IV. Mais bon, passons.

- D'après Tahé l'Indomptable, vous avez échappé de peu à une sacrée catastrophe sur Lemuir IV, commenta Luke Skywalker.

- Le jeu en valait la chandelle, Maître Skywalker, répondit Liam. Nous n'avons pas pu remonter directement à la source, Klytus nous a échappé au dernier moment, mais nous avons tout de même trouvé quelque chose qui vaut probablement son pesant d'or.

- De quoi s'agit-il ? demanda Mara Jade.

- C'est un enregistrement audio, répliqua Ezra. Nous pensons que c'est à cause de cet enregistrement que la vie de mademoiselle Quayle – et par extension les nôtres – sont menacées.

- Il était caché dans le droïd personnel d'Ari, précisa Morgreed.

- Parfait. Écoutons-le donc.

Mara Jade enfonça la cartouche dans le lecteur, et tous firent silence. Une fois encore, les deux voix résonnèrent aux oreilles des enquêteurs. Chi'ta frissonna quand elle entendit parler de ces sinistres conspirations. L'enregistrement s'arrêta. La jeune Drall s'inquiéta en voyant Jessa Halbret, pâle comme un linge, les yeux écarquillés.

- Quelque chose ne va pas, Maître Halbret ?

- Non… Comment avons-nous pu être aveugles à ce point-là ? Pourquoi n'ai-je pu prévoir que les choses iraient aussi loin ?!

Maître Halbret reprit son souffle, et regarda un par un les compères.

- Mes amis, c'est très important. Savez-vous exactement qui parle sur cet enregistrement ? Connaissez-vous l'identité des gens qu'on entend ?

- Euh… en y réfléchissant, je pense reconnaître l'une des voix, la première.

- Mais vous n'êtes pas sûr, maître Tal ?

- Pas sûr, non.

- Il se trouve que je suis sûre de reconnaître l'autre voix, celle à l'accent rodien.

- Qui est-ce, alors ?

Le suspense montait. Jessa Halbret se concentra, et expliqua d'une voix lente :

« Il y a sept ans, quand j'étais à bord de l'Étoile Lointaine, j'étais dans un équipage très hétéroclite, composé majoritairement d'individus peu recommandables. Pour retrouver le Moff Kentor Sarne qui s'était enfui à bord de son croiseur personnel, le Bastion, nous avons retapé une vieille corvette corellienne en une journée, et engagé du personnel là où nous pouvions le trouver. Notre point de départ était Kal'Shebbol, vous le savez, vous vous êtes même rendus sur place. Je pensais bien que ça n'allait pas être une partie de plaisir. Nous étions sur le point de poursuivre un fou furieux dans un secteur complètement inconnu, où les règles de fonctionnement de l'univers étaient bouleversées. Et nous, nous étions pour la majorité des gens qui n'étaient pas ce qu'on pourrait appeler « fréquentables ». La plupart des membres de l'équipage étaient des repris de justice qui pensaient trouver un moyen d'échapper à la prison, d'autres ne voyaient qu'une opportunité de gagner de l'argent, de découvrir des trésors faciles à revendre… nous étions bien loin des clichés sur l'héroïsme, la soif de justice et la chevalerie des temps anciens.

« Pour qu'il y ait malgré tout une cohésion dans cet équipage, le capitaine Keleman Ciro avait soigneusement épluché les meilleures références, et consulté quelques personnes parmi celles qui convenaient le mieux à ses attentes, pour les nommer à l'équipe de commandement. Nous étions ceux dont les dossiers étaient les plus « clairs », ou à défaut ceux dont les compétences étaient les plus utiles. Moi-même, vous le savez plus ou moins, ce n'est plus tellement un secret, j'étais à bord en tant que Jessa Dajus, conseillère tactique du Moff Sarne, jusqu'à ce qu'il ne m'enferme pour haute trahison, et que Keleman Ciro me sorte de prison le jour de la révolte sur Kal'Shebbol. Akanseh était le médecin attitré, Raynor le sous-chef d'escadron commandé par le lieutenant Ranna Gorjaye… Dans tous les cas, « confiance » était un mot qui ne trouvait que trop difficilement sa place dans cette équipée.

« Le poste de responsable de la sécurité avait été confié à un individu particulièrement louche. Il s'appelait Gorak Khzam. Ciro avait senti qu'il avait l'étoffe d'un chef, habitué à faire régner la sécurité. Son boulot, il le faisait avec une efficacité terrible. Aucun membre de l'équipage de soutien n'osait croiser son regard, et ceux de l'équipe de commandement avaient du mal à le supporter, par moments. C'était également quelqu'un de bien renseigné. Il m'a clairement fait comprendre qu'il savait que j'avais été… proche de Sarne, et faisait pression sur moi avec cette information.

« Nous avons pu en apprendre un peu plus sur son passé quand notre route a croisé celle d'une certaine Uta T'cha. Elle avait eu une situation haut placée dans le réseau Sabiador, un important groupe d'esclavagistes qui opérait dans l'Amas de Minos. Elle a reconnu en Khzam un de ses anciens collègues. Quand elle a voulu nous prévenir, il l'a abattue avant de se sauver avec l'un de nos vaisseaux. Elle a juste eu le temps de nous dire la vérité sur Khzam avant de mourir.

« Notre mission continuait. Mais ce que nous ignorions, c'était à quel point Khzam était un individu retors. Il avait quitté l'Étoile Lointaine, mais n'en avait pas pour autant abandonné sa mission. Sa vraie mission. Bien plus tard, quand nous sommes finalement arrivés sur Kathol, il est revenu à nous, et n'était pas seul, cette fois. Il y avait toute une légion privée sous ses ordres. Il a attendu le moment où nous étions au bout du rouleau pour se montrer, juste après la bataille contre DarkStryder lui-même et ses sous-créatures. Ses hommes ont embarqué tout ce qu'ils ont pu de la technologie DarkStryder pendant qu'il nous a révélé tout son plan. Il nous a dit également pour qui il travaillait depuis le début. Il ne nous avait pas trahi, il n'avait fait qu'obéir aux ordres qu'on lui avait donné : infiltrer notre équipage, ramasser tout ce qu'il pouvait de la technologie DarkStryder, et « nettoyer les déchets générés par le projet ». Sur ce dernier point, il a bien failli réussir. Ses bombardiers ont vitrifié la surface, mais nous avions pu nous planquer à temps.

« Khzam, lui, avait gagné sur tous les points. Sarne était mort, DarkStryder était mort, l'Étoile Lointaine détruite, et la plupart des membres de l'équipage avec. Mais nous avions échappé à sa fureur destructrice. C'est alors que Keleman Ciro a fait des recherches sur cet individu pour le retrouver, sans y parvenir. Nous savions cependant à qui nous avions affaire, car il y a une petite chose que j'ai oublié de préciser : juste avant de nous quitter, Khzam nous a dit qui étaient ses employeurs. Et ces gens sont les hautes autorités du Soleil Noir. »

Le nom tant redouté tomba comme un couperet.

- Alors… alors vous voulez dire que ce Gorak Khzam est un gars du Soleil Noir ? Le plus grand réseau de criminels qui ait jamais infesté cet univers ?

- Précisément, maître Tal. Ils ont des moyens illimités, des agents dans tous les systèmes, et il est pratiquement impossible de s'opposer sérieusement à eux.

- Comme nous l'a dit Maître Tahé, gémit Chi'ta, subitement angoissée.

- Blast ! Voilà qui… mais voilà qui explique tout !

Liam se leva d'un bond.

- Tous ces malheurs qui ont poursuivi Ari, puis nos vies qui ont été menacées à plusieurs reprises, et les comptes falsifiés, et la Comète sabotée, les soldats en armures modernes… des moyens illimités, vous dites ? On en a la preuve, nous sommes leurs cibles !

Morgreed soupira d'agacement à l'idée d'avoir été mené en bateau. Katarn demanda alors :

- Et à qui vous en avez parlé ?

- Ben, difficile à dire.

- Qui saurait pour la technologie DarkStryder ?

- Pas mal de monde, maintenant.

- Parmi les gens importants que vous avez pu croiser ?

- Dans l'ordre, je dirais Dame Bathos de Cadriaan, Don Nycator de Mecetti, monsieur Sprax à qui Dame Bathos a confié la pyramide, le chef Stern de…

- Attendez, Chi'ta, interrompit Skywalker. Quel nom vous venez de citer ?

- Le chef Stern ?

- Non, avant.

- Euh… Monsieur Sprax ?

- Ce nom me dit quelque chose… Qui est monsieur Sprax ?

- C'est la première voix qu'on peut entendre sur cet enregistrement, je crois. Plus précisément, c'est le Président Directeur Général d'une grande entreprise, Xizor Transports System.

Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, la petite Drall vit le célèbre Luke Skywalker perdre son sang-froid.

- Quoi !? XTS ?! Vous avez confié un module à XTS ?

- Mais… Dame Bathos a eu confiance en lui… il n'avait pas l'air d'avoir de mauvaises intentions, Maître…

- C'est quoi, le problème ? s'enquit Grennan.

Ce fut Kyle Katarn qui répondit. Lui non plus n'était plus très tranquille.

- Xizor Transports System était l'activité officielle du Prince Xizor, le numéro trois de l'Empire.

- Le… le Prince Xizor ? bredouilla Morgreed. Il paraît que c'était vraiment pas un type rigolo.

- Dark Vador l'a fait exploser avec sa station spatiale il y a un peu moins d'une douzaine d'années. Mais si lui n'est plus à craindre, on ne peut en dire autant de ses anciens employés.

- Par le Grand Fouisseur ! Nous avons assisté un Impérial ? réalisa la jeune fille.

- Non, Chi'ta. Xizor n'était pas seulement un grand ponte de l'Empire. C'était également le dirigeant suprême du Soleil Noir. Et Sprax était l'un de ses vigos, un de ses lieutenants, et pas le moins efficace, croyez-moi.

Les compères étaient tous sciés par une telle révélation. Le visage de Canderous s'empourpra peu à peu quand il réalisa l'ironie de la situation.

- Taava avait raison quand elle parlait d'une « force occulte », devant le Grand Conseil. Elle qui pensait avoir ferré un gros poisson au cours de l'anniversaire, c'est lui qui nous a tous bien manœuvrés ! Et Dame Bathos lui a fait confiance !

- Bah ! Je me disais bien qu'il était pas très clair, observa pensivement Morgreed.

- Hé, je pige pas ! protesta Grennan. Je le connais pas, moi, ce Sprax, je ne l'ai jamais vu !

- Possible, mais vous avez été en contact avec Canderous, Liam et Chi'ta. Par conséquent, j'imagine que vous êtes considéré comme complice, répondit Katarn.

- C'est pas vrai… mais… mais… non !

Subitement, Liam s'affola, et quitta la salle, immédiatement suivi par Chi'ta. Quand elle fut près de lui, elle sursauta en voyant son visage rougeaud. Il était sur le point de craquer, et retenait difficilement ses larmes.

- Liam ?

- Tu connais le Soleil Noir ? Mon Maître m'a mis en garde contre eux, il a eu l'occasion de les affronter une fois. Ce sont des gens qui sont capables de tout. À tout moment, ils peuvent nous capturer… je suis trop jeune pour mourir ! Qui sait ce qu'ils peuvent me faire ? Ou te faire ?

Skywalker les rejoignit.

- Nous comprendrons si vous estimez que le morceau est trop gros pour vous. Cela serait normal, compte tenu de votre fâcheuse position.

- Maître, si c'est vraiment le Soleil Noir, où que nous allions, nous serons menacés de toute façon, à moins de rester cloîtrés ici.

- Dans ce cas, il n'y a plus qu'une chose à faire, déclara Canderous qui était sorti, lui aussi.

- Et quoi donc, maître Tal ?

- Je préférerais en parler avec les autres, vous pouvez revenir à l'intérieur ?

Quelques secondes plus tard, le mercenaire déclara carrément à l'assistance :

- Nous sommes menacés par le Soleil Noir. Ils savent que nous sommes plus ou moins sur leur chemin, vu que Klytus nous a repérés de nouveau. Mais ils ne savent pas encore que nous les avons percés à jour grâce à l'enregistrement de la conversation entre Sprax et ce Rodien. Et donc, la meilleure façon de nous défendre contre eux, c'est de les prendre de court et de les frapper là où ça fait mal.

- À quoi tu penses, man ? demanda Grennan.

- On va enlever Sprax !

Kyle Katarn ouvrit de grands yeux éberlués.

- Vous auriez le culot de faire ça ?

- J'ai foutu le feu au croiseur personnel de Daymon Thorn, au point où j'en suis…

Chi'ta regarda Canderous, horrifiée.

- Vous ne m'aviez pas parlé de ça !

- C'est normal, je ne fais pas beaucoup de pub.

- Vous rendez-vous compte de ce que vous avez fait ?

- J'ai cassé le joujou du Seigneur Sith qui chauffe le secteur Tapani. Maintenant, son croiseur va être cloué à Lemuir IV pendant des semaines.

- Il y avait des gens à l'intérieur ! Vous avez du faire de nombreuses victimes !

- Des Impériaux ? Quel malheur ! Je comprendrais ta réaction si j'avais fait ça à un vaisseau civil, mais je te rappelle que la guerre a été déclarée dans le secteur Tapani. En temps de guerre, contre des soldats qui sont dans le camp adverse, je ne me gêne pas, surtout quand je sais qu'eux, en face, ne se gênent pas.

- La Maison Cadriaan n'a pas déclaré officiellement la guerre à l'Empire !

- D'accord. Alors disons que je fais des extras. J'aime mon métier.

- Combien de gens avez-vous tué à votre avis ?

- Combien de pertes civiles il y a eu sur des endroits comme Lupani ? Et si tu as des hésitations à te battre contre ces massacreurs de non-Humains, combien de victimes impériales il y a eu pendant la bataille d'Endor ?

Chi'ta comprit où le Mandalorien voulait en venir, mais n'en démordit pas.

- Avez-vous pensé que vous avez sans doute mis le Seigneur Thorn très en colère ?

- C'était le but.

- Oui, mais à votre avis, quelles vont être les conséquences ? Si ça se trouve, il va réduire Lemuir IV en cendres en guise de représailles !

Cette fois, Canderous ne répondit pas. Katarn observa simplement :

- Je ne sais pas ce qui vous est passé par la tête pour avoir autant de culot, mais je présume que vous n'aviez pas réfléchi à ça… bon, nous verrons bien, après tout, vous avez raison sur un point, ça va l'immobiliser le temps des réparations.

- Et maintenant, Thorn ne vous suffit pas, il vous faut un vigo du Soleil Noir ? demanda Mara Jade, impressionnée et navrée par l'insouciance du mercenaire.

- C'est peut-être un moyen efficace de nous débarrasser d'une sacrée vermine !

- Êtes-vous sûr que ce soit prioritaire ? D'après ce que nous savons, le Gala de la Réunification aura lieu dans une semaine, et c'est là qu'il va y avoir du sport !

- Eh bien on s'occupera de lui avant. Écoutez, nous devons réellement régler ce problème. Katarn, c'est nos têtes qui risquent de s'en prendre plein la gueule ! Pour moi, c'est prioritaire, et si vous n'êtes pas d'accord, je démissionne.

- Sprax est une influente personnalité dans le système Tapani, je ne crois pas que…

- Si on secoue Sprax assez fort, je suis certain qu'il renoncera à nous poursuivre. Et puis, il a l'air d'en savoir beaucoup sur pas mal de gens. N'oubliez pas qu'il va se passer quelque chose sur l'île Crispos, et ce rigolo est sans doute déjà au courant de beaucoup de choses s'il fait vraiment partie du Soleil Noir. J'ai l'habitude de ce genre de boulot. Donnez-moi votre accord, et je monte un plan vite fait bien fait pour le capturer.

- Jamais il ne se laissera prendre comme ça ! ronchonna Morgreed.

- Si on le met en confiance, il y a une chance. On l'appâte avec un module DarkStryder chez Dame Bathos, et on le chope quand il vient le chercher !

Katarn eut une petite moue sceptique.

- C'est carrément audacieux ! Mais le pire est que vous avez peut-être raison.

- Ah oui, il y a autre chose, concernant l'Espoir Éternel

- Oui, docteur Lohrn ?

- Nous avons pris cet appareil à Trel Modetto, son ancien propriétaire qui bossait pour le Soleil Noir et qui s'est fait descendre par son patron. Nous souhaiterions le garder. Comme « prise de guerre », en somme.

- Si ça peut vous aider… dit simplement Katarn avec un petit haussement d'épaules.

- Oui, mais je suis bien consciente que ses codes d'accès, ses signaux d'identification, peut-être même la marque de la peinture de la carrosserie sont répertoriées par le Soleil Noir. Pourriez-vous, en quelque sorte… « changer » l'identité de ce vaisseau ? Le blanchir, quoi.

- Ca devrait pouvoir se faire, ça prendra juste un certain temps. Comptez une bonne semaine, sinon plus. Et c'est tout ce que nous ferons. Pour ce qui est des éventuelles réparations et améliorations à y effectuer, il n'est pas question que le Conseil des Jedi mette la main au portefeuille. Nous ne sommes pas aussi riches que vous pourriez le penser, docteur Lohrn.

- On s'en doute, vu comment vous vivez dans l'ascétisme ! répliqua Canderous. Bon, c'est pas tout ça, mais on a une supernova à déclencher. On s'arrache.

Les deux padawans étaient dans le couloir, portant leurs affaires. Il était temps de repartir pour le secteur Tapani. Chemin faisant, ils croisèrent à nouveau Tahé l'Indomptable.

- Nous avons installé Ari dans une chambre d'ami, elle y restera au moins le temps qu'il faudra pour mettre votre plan à exécution.

- Parfait, je me réjouis à l'idée de savoir cette pauvre Humaine à l'abri, ici.

Liam n'ajouta rien, mais le Mélodieux devina à son regard qu'il n'avait pas très envie de sortir du périmètre de sécurité que constituait Yavin IV.

- Croyez-moi, je vous accompagnerais volontiers, mais je dois poursuivre le Réseau Sabiador de mon côté, il y a des pistes à suivre que je ne peux laisser perdre.

- Ah… je comprends.

- Ne t'en fais pas trop, Liam, cela fait plusieurs années que je joue à cache-cache avec ces gens-là, et même s'ils ont failli avoir ma peau une fois ou deux, je m'en suis toujours tiré. À ce que je sache, ils n'ont pas de Jedi dans leurs rangs, cela nous confère un avantage certain.

- Sans doute. Bien, les autres nous attendent, nous devons partir.

- Que la Force soit avec vous, jeunes padawans.

Ils se séparèrent, mais Liam se retourna une dernière fois.

- Euh… Tahé ?

- Oui ?

- Est-ce que je peux te demander… pourquoi tu n'as pas… mué ? Pas de Rite ?

- Voyons, Liam ! réprimanda Chi'ta. Je te trouve bien indiscret !

- Laisse, jeune Chi'ta. J'apprécie même qu'un Humain aussi jeune puisse s'intéresser aux mœurs de notre peuple. Pour faire bref, c'est très simple. J'avais à peu près votre âge, et je devais justement accomplir le Rite – selon les tribus, le Rite s'accomplit entre quinze et vingt ans. Il y avait un petit quelque chose qui me poussait à… en gros, à voir ailleurs. Un esprit aventureux. J'ai décidé de faire un dernier voyage avant de rejoindre l'océan. Or, pendant mon absence, la Bataille de Yavin a éclaté, et l'Empire a envoyé toutes ses forces disponibles pour chasser l'Alliance et nettoyer tout le secteur, y compris Yavin VIII. Je n'ai pas pu y retourner pour le Rite.

Un petit silence plana, silence que le Mélodieux rompit en reprenant :

- Mais ne prends donc pas cette mine triste, Chi'ta. J'ai compris quelque temps plus tard que j'étais sensible à la Force, et que c'était ça qui m'a poussé à partir découvrir l'univers. Et donc, cette faiblesse de ne jamais être complètement adulte est devenu une force : sans jambes, je n'aurais pas pu aller chercher des renforts pour libérer ma planète quelques années plus tard. Quand c'est arrivé, ça a même soulevé un certain enthousiasme. Maintenant, tous les jeunes Mélodieux qui se découvrent des affinités avec la Force refusent le Rite et rejoignent le Praxeum – d'accord, à ce que je sache, ils restent excessivement rares. La contrepartie est que les Mélodieux ne sont pas fertiles tant qu'ils n'ont pas accompli le Rite. Un Mélodieux sensible à la Force doit donc renoncer soit à sa descendance, soit à sa liberté d'action.

- Et… « Tahé » est votre vrai nom ? demanda timidement Chi'ta.

Le Mélodieux eut un sourire éclatant.

- Non, mais avec votre permission, je souhaiterais garder cette information secrète, car moins on en saura sur moi, mieux je pourrai agir dans les milieux comme le réseau Sabiador.

Ils étaient tous retournés sur Procopia, et s'étaient donné rendez-vous pour le lendemain à l'ambassade Cadriaan pour le piège de Canderous. Dans son appartement du domaine Calipsa, Ezra Lohrn se régala en relisant les listes d'agents Mecetti infiltrés. Elle venait de rentrer de l'ambassade Pelagia, où elle avait réussi à obtenir un rendez-vous auprès du Haut Seigneur Theus Paddox pour lui remettre les documents attestant des identités secrètes des espions infiltrés dans son ambassade. Celui-ci lui avait donné une compensation d'un millier de crédits. Ezra avait senti qu'elle aurait pu difficilement en demander plus. « Un Pelagia aurait fait probablement la même chose vis-à-vis des Calipsa, et c'est pourquoi je vous accorde ce dédommagement sans poser de questions », avait dit le jeune seigneur, avec un petit regard qui sous-entendait de rester prudente dans les jeux d'intrigues. Mais ce que le Pelagia ignorait, c'est qu'elle ne lui avait vendu qu'une copie qui ne concernait que le paragraphe sur les Pelagia. Ainsi, elle s'apprêtait à remettre au Baron Turel l'intégrale de ces listes. Elle préférait ne pas trop fabuler, imaginer une récompense disproportionnée, mais comptait bien faire appel à toutes ses ressources honnêtes pour obtenir autre chose qu'une bonne poignée de main.

Il était deux heures de l'après-midi quand la petite Chi'ta frappa à la porte de la suite numéro trois de l'ambassade Pelagia. Liam ouvrit la porte, et la bouille rondouillette étirée d'un grand sourire de la jeune Drall lui remonta un peu le moral qu'il avait désespérément bas. Elle réprima gentiment l'adolescent.

- Allez, on n'arrivera à rien si tu restes enfermé toute la journée ! Regarde, il fait un temps magnifique !

- Et si ils nous attendaient dehors ?

- Et si ils décidaient d'empoisonner toute l'ambassade ou de lancer une bombe sur la ville ? S'ils veulent vraiment notre peau, il n'y aura pas de grande différence si l'on continue à vivre notre vie, ou si nous restons reclus ! J'ai confiance en Canderous. Son plan est vraiment fou, mais peut fonctionner.

- Tu… tu veux dire que tu approuves son plan de capturer Sprax ? Toi ?

La jeune fille prit un air grave.

- Je commence à me faire à l'idée comme quoi même les individus qui essaient d'être le plus vertueux possible doivent faire de temps en temps des concessions. Nous allons capturer un Nalroni, mais ce ne sera pas pour le torturer avant de l'exécuter. Je veillerai à ce que nous lui proposions un compromis pour qu'il nous laisse tranquilles, et pour qu'Ari puisse vivre sans plus avoir peur. Peut-être que nous sauverons des milliers de vies en l'obligeant à nous révéler ses secrets.

- Espérons-le…

Prise d'une soudaine poussée d'énergie, la petite Drall s'exclama :

- Je sais ce qu'il te faut ! Une bonne promenade avec une bonne raison ! Eh bien tu sais quoi ? C'est tout trouvé ! Le Haut Seigneur Paddox a nos invitations pour le Gala de la Réunification sur l'Île Crispos. Comme il suppose à raison que nous ne roulons pas sur l'or, il nous a donné à chacun une enveloppe avec un peu d'argent pour que nous puissions nous acheter des costumes à cette occasion. Secoue-toi un peu ! Nous allons faire les boutiques !

Elle sortit deux enveloppes de papier fin des plis de sa robe, et en tendit une à Liam. L'adolescent sentit ses yeux étinceler quand il vit la somme de crédits en billets qu'elle contenait, mais hésita encore un peu.

- Euh… t'es sûre ?

- Mais oui ! Allez ! J'ai lu que cette activité n'est pas exclusivement féminine chez les Humains. Tout le monde aime se faire beau !

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