La Trilogie de l'Expansion

Chapitre 11 : Rafle sur le Bacta

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 06:50

Troisième Partie : La Seconde Campagne DarkStryder

Episode XI : Rafle sur le Bacta

- Le moment approche, mes amis ! Bien que notre étalon ait échoué dans son entreprise, nous avons pu nous rendre compte par nous-même de quoi les êtres inférieurs sont capables… et de quoi ils ne sont pas capables ! Ils n'ont pas du tout le niveau technologique et intellectuel pour nous résister ! Ils sont déjà condamnés, même s'ils nourrissent l'illusion malheureuse d'avoir une petite chance contre nous… que dis-je, contre VOUS TOUS !

L'enregistrement du discours du Roi Martouf était diffusé en continu sur tous les socles holographiques de la citadelle. Les paroles gorgées de fureur et d'exaltation résonnaient inlassablement à travers les places publiques, tous les couloirs, chaque lieu où les Kathols étaient susceptibles de l'entendre. Et ceux-ci, répondant aux appels de leur souverain, se rassemblaient peu à peu devant les restes de ce qui avait été autrefois le Palais Royal. Ce bâtiment-là avait été relativement épargné par la guerre, et quelques-unes des flèches étaient toujours debout.

La Reine Na'toth déambulait sur le balcon de la plus haute tour du palais. Elle regardait évoluer le régiment qui allait en grandissant. Avec un sourire réjoui, elle s'étira. Après tout ce temps, les sous-espèces allaient enfin payer. Soudain, elle se rendit compte que tout n'était peut-être pas gagné. En effet, ils n'avaient vu qu'une toute petite partie du problème. Le secteur Tapani était très grand, et si leurs ennemis n'avaient pas leurs armes, ils étaient bien plus nombreux. En outre, une fois les hostilités lancées, d'autres secteurs aussi peuplés, sinon plus, allaient réagir et porter assistance à leurs proies, ne serait-ce que pour ne pas être les suivants.

La voix qui était son seul guide la tira de sa rêverie.

- Ma Reine ?

- Oui, mon amour ?

- Il ne faut pas être trop désemparée. Tôt ou tard, ils nous auraient découverts. Nous allons juste devoir agir un peu plus vite que prévu, c'est tout. Rentrons, nous devons nous mettre d'accord sur la marche à suivre.

La Reine suivit son époux à l'intérieur. Ils regagnèrent la salle des trônes. Une fois installés, Martouf appela l'une des Mantes.

- Allez me quérir le Maître des Technologies.

La créature s'inclina avec respect, et sortit.

- Bien, récapitulons. Nos guerriers sont maintenant quelques milliers, et une centaine de nos frères ont été ramenés à la vie par les bons soins de Bratak.

- Dommage qu'ils soient réduits à cet état-là…

- Nous ne pouvions faire autrement. Avant que n'arrive la catastrophe, nous n'avions pas les moyens de construire des sarcophages pour tous, tu le sais très bien. Mais avec de la persévérance, nous remettrons les matrices en route.

La grande porte double s'ouvrit, laissant passer un troisième Kathol enveloppé dans un long manteau de cuir. Il portait un masque de la même matière qui recouvrait intégralement son visage. Il s'inclina avec un geste ondulant de la main. Même sans voir son expression, le Roi connaissait déjà le fond de la pensée de l'individu.

- Épargne-moi ton insolence, Bratak ! J'espère que tu suis le plan sans accroc, et que tout se déroule comme prévu.

Bratak s'inclina derechef. Na'toth lui dit alors :

- Cela nous ennuie profondément, mais nous allons devoir te confier la Citadelle pendant quelque temps. Nous devons nous rendre sur place.

- Ageer ne va pas rester inactif. Nous sommes sûrs qu'il va contacter sa pupille, même physiquement mort. En outre, nous devons rattraper l'expérience, maintenant. Et seuls nous deux sommes capables d'accomplir ces tâches.

- Cela va tout juste te laisser le temps de préparer les derniers détails pour pouvoir lancer notre croisade. Tu sais ce que cela signifie, n'est-ce pas ? Alors sois vigilant. Je te rappelle que ton imprudence a déjà failli nous faire voir trop tôt.

- Maintenant, va ! Ta présence à elle seule est une injure !

Sous son masque, Bratak eut un petit ricanement. Il allait quitter la salle, lorsque Martouf le rappela.

- Bratak ?

Le Grand Maître de la technologie s'arrêta, et tourna lentement la tête. Le roi articula :

- Si jamais le plan devait échouer à cause de ton instabilité mentale, je t'arracherais le cœur de mes propres mains ! Est-ce clair ?

Bratak soutint le regard noir du roi quelques instants, puis il éclata de rire. Un rire tonitruant, suraigu, qui mêlait cruauté et désespoir. Sans cesser de rire, il partit, et son ricanement dément résonna longtemps dans la voûte. Na'toth approcha de son époux.

- Il commence à me faire peur, Martouf. Je pressens qu'un jour ou l'autre, il causera notre perte. Tu avais raison, je n'aurais pas dû lui laisser tant de liberté.

- Il sera beaucoup plus malléable quand il aura suivi ton plan, ma tendre moitié.

- « Notre » plan, tu veux dire, mon amour. Notre plan.

Martouf prit dans ses bras musclés la femelle Kathol. Ils échangèrent un long et passionné baiser. Le roi susurra à l'oreille de son aimée :

- Oui, tu as raison. Notre plan. Qui mènera à notre victoire.

- Et je vous prie maintenant d'accueillir comme il se doit le nouvel ambassadeur de la Maison Mecetti sur Procopia, j'ai nommé le Baron Eldon Hejaran de Mecetti !

Sous les applaudissements de l'assistance, le jeune baron Eldon Hejaran monta sur l'estrade de la salle de bal de l'ambassade Mecetti. Il inclina poliment la tête, et serra l'avant-bras que lui tendait le Premier Conseiller.

« Je vous remercie, Premier Conseiller, et tous autant que vous êtes. Je dois avouer que je ne suis pas encore très doué pour les mondanités. Ceux d'entre vous qui me connaissent un peu savent que mon parcours n'est pas du tout celui d'un dignitaire typique. J'ai été dépossédé très jeune de mon héritage légitime, élevé dans un milieu de pirates, et j'ai passé des années à espionner ma famille naturelle, en particulier les habitants de la baronnie de la Lune de l'Orbe de la Nuit, dont je suis issu par le sang. J'étais à deux doigts de partir en guerre contre ceux qui m'avaient privé de mon patrimoine, quand une poignée d'aventuriers courageux et intègres a pris les devants et m'a permis de récupérer ce qui m'appartenait de droit, en me sauvant la vie par la même occasion.

« Pour rembourser ma dette envers mes bienfaiteurs, j'ai accepté de les aider à renverser mon prédécesseur. Bien sûr, au premier abord, ce n'est vraiment pas honorable, bien sûr, je pourrais passer pour un traître envers la Maison Mecetti, mais vous l'aurez compris, c'est tout le contraire. Je suis fidèle à mes amis, à mes principes, et à notre Famille. Il s'est avéré que Don Nycator de Mecetti était l'instrument des Précurseurs de Kathol. Sa magnificence le Haut Seigneur Bodé Leobund le Onzième m'a fait alors l'immense honneur de me nommer comme étant le nouveau représentant de sa volonté sur la planète Procopia, ce que je n'ai pas pu refuser, bien évidemment.

« D'aucuns penseront que je ne suis pas à la hauteur de la tâche qui m'attend, que j'aurais dû rester à ma baronnie de Pella qui risque de retomber entre de mauvaises mains, que je n'ai ni la formation ni l'expérience pour représenter notre Maison et ses intérêts… et ces inquiétudes sont légitimes. C'est vrai, je suis avant tout un bourlingueur, je n'ai pas fait d'études supérieures dans une grande école de Mrlssti, et je suis dans la course politique depuis seulement quelques semaines. Mais sur Obulette, le Haut Seigneur m'a longuement expliqué qu'il appréciait trois valeurs égales dans mon caractère : la loyauté, le courage et le dynamisme. Ces trois valeurs seront donc mes trois piliers personnels sur lesquels je m'appuierai pour prendre les bonnes décisions. Quant à la baronnie, elle est désormais sous la direction de sire Rodoric Hejaran de Mecetti, ici présent. Il sera secondé par sire Galemus Hejaran de Mecetti, dont les excellents conseils permettront au nouveau régent de gouverner le domaine Hejaran en toute équité.

« Je vais m'en tenir là, autrement je vais devenir ennuyeux à mourir, je le sens. Je dirai seulement encore : merci à tous, merci encore à mes sauveteurs, et longue vie et prospérité au Secteur Tapani et à la Maison Mecetti ! »

L'assistance renouvela ses applaudissements. Tout le monde porta alors un toast au nouvel ambassadeur de la Maison Mecetti. L'ambiance était bon enfant, et ce n'était pas pour déplaire au docteur Ezra Lohrn de la Maison Calipsa. Celle-ci se rendit compte non sans étonnement qu'elle appréciait pour la première fois l'architecture et la décoration de l'ambassade. Bien sûr, elle était déjà venue dans l'espace Mecetti de Procopia, notamment pour les fiançailles de feu Don Nycator, mais le changement de résident semblait déjà avoir influencé l'atmosphère de manière très positive. Elle vit approcher d'elle un visage familier.

- Docteur Lohrn, bonsoir !

- Haut Seigneur Paddox…

La jeune femme leva son verre en direction du Haut Seigneur Theus Paddox de Pelagia. Celui-ci était accompagné de son épouse, Dame Jizabella de Cadriaan, ainsi que de deux enfants, un garçon et une fille d'une douzaine de printemps, tous deux aussi blonds que le Haut Seigneur.

- Oh, quels beaux enfants ! Je suis sûre qu'ils font de vous d'heureux parents.

- Ce n'est pas tout à fait exact, répondit le Haut Seigneur en éclatant de rire. Docteur Lohrn, je voudrais vous présenter Shea et Jair de Pelagia. Ils ne sont pas mes enfants, mais plutôt… vous aurez du mal à le croire, mais ces deux jumeaux sont en réalité mes frère et sœur aînés !

La doctoresse écarquilla des yeux surpris. Puis elle comprit.

- Ah, bien sûr !

- Oui, vous vous souvenez d'eux, et des conditions dans lesquelles vous les avez vus pour la première fois ? Shea, Jair, je vous présente le docteur Ezra Lohrn, c'est la jeune personne qui vous a sortis de la carbonite après vous avoir retrouvés sur l'épave de la Destinée Royale.

Les deux adolescents firent la révérence, très respectueusement. Jair, le garçon, déclara le plus solennellement possible :

- Notre « petit frère » nous a raconté comment vous nous avez retrouvés et ramenés à lui. Je voudrais vous remercier. Vous avez fait le bonheur d'une famille éplorée.

- Mon Seigneur, je n'ai fait que mon métier. Je suis médecin, et je suis payée pour sauver des vies.

- Mais la Maison Pelagia apprécie vos efforts, répondit Shea. Et nous continuerons à vous soutenir dans les temps à venir qui s'annonceront difficiles.

- J'en suis convaincue, ma Dame répliqua Ezra, aussi respectueuse.

Un peu plus loin, près de la fontaine, Chi'ta Koskaya dégustait à petites gorgées son cocktail. Elle aussi avait remarqué le changement singulier d'ambiance sur l'ambassade, et elle se sentait bien. Elle pouvait voir Dame Liryl parler amicalement avec le seigneur Vaskel Savill, non loin de Canderous, Dankin et Morgreed, eux-mêmes échangeant des anecdotes avec le seigneur Corell Muntique, le champion chasseur Calipsa, et Rodoric Hejaran de Mecetti. Pour la première fois depuis bien longtemps, tout lui paraissait bien aller. Elle avait toujours sur le cœur les horreurs qu'elle avait vécues sur Obulette, mais elle avait décidé de mettre sa peur entre parenthèses le temps de cette soirée. Elle vit alors Dame Bathos de Cadriaan déambuler sur la terrasse.

- Bonsoir, Haute Dame Bathos de Cadriaan !

- Bonsoir, mon enfant. Cela faisait un moment que nous ne nous étions point parlé.

- C'est vrai, ces dernières semaines ont été pour le moins mouvementées, mais je suis très heureuse de vous revoir en bonne santé.

- Et je partage ce plaisir. Vous semblez avoir gagné en maturité.

- Vous trouvez ?

- Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais je vous trouve changée. Plus sereine, plus sûre de vous. Et pour ne rien vous cacher, je repense encore à votre démonstration à la Chambre du Conseil. Je n'y étais pas, mais j'ai vu un enregistrement vidéo. C'était édifiant.

La jeune fille eut un petit sourire gêné, et souhaita en silence que cette péripétie ne la poursuive pas trop longtemps. Elle décida de changer de sujet.

- Alors, ma Dame, que pensez-vous du nouvel ambassadeur Mecetti ?

- Je suppose que vous le connaissez mieux que moi, c'est en partie grâce à vous qu'il est parmi nous maintenant. Pour ma part, il me semble être quelqu'un de droit, et l'avantage de sa… formation anticonformiste est qu'il n'est pas encroûté dans des méthodes obsolètes. Je vois en lui une nouvelle forme de relations avec la Maison Mecetti, j'espère ne pas me tromper.

- Je l'espère, moi aussi. Ses premiers engagements vis-à-vis du peuple de Pella m'ont semblé très encourageants.

Chi'ta but encore une petite gorgée.

- Ma Dame, puisque nous parlons d'ambassades, je pensais à quelque chose…

- Je vous écoute, mon enfant.

Elle inspira et se lança :

- Le Haut Seigneur Bodé Leobund de la Maison Mecetti vit sur Obulette, la capitale du système à sa charge. Il en est de même pour le Haut Seigneur Warsheld, et pour les dirigeants Reena, Melantha et Barnaba, qui vivent sur les planètes-mères de leurs Maisons respectives. Or, vous habitez ici, et le Haut Seigneur Theus Paddox de Pelagia est également établi dans l'ambassade de la Maison Pelagia.

- C'est exact.

- Mais… pouvez-vous vous assurer du bien-être de votre peuple d'ici ? Le baron Eldon Hejaran s'inquiétait un peu, au début, en pensant que les gens de Pella n'aimeraient pas le voir quitter sa baronnie, mais il a réalisé que ces habitants connaissaient bien Rodoric Hejaran de Mecetti, et avaient davantage confiance en lui, plus connu.

- Je comprends où vous voulez en venir : vous craignez que les Cadriaan et les Pelagia se sentent délaissés par leurs dirigeants.

- Comprenez bien que je suis convaincue du contraire ! s'exclama aussitôt la jeune fille, subitement affolée à l'idée de blesser la Haute Dame.

- Oui, j'en suis certaine, soyez sans crainte. Mais pour répondre à votre question, je dois préciser que vous êtes arrivée sur Procopia pendant des circonstances exceptionnelles. Vous avez débarqué le jour de mon anniversaire, à l'occasion je me suis déplacée ici, avec ma fille et mon gendre, afin que nous puissions retrouver le plus de dirigeants ou de représentants possible à cette occasion, sur le monde central du secteur. Normalement, nous aurions dû regagner nos pénates la semaine suivante, et vous auriez été en relation avec le comte Cliffbald, représentant de la Maison Pelagia sur cette planète. Or, mon agression a tout changé. Nous avons décidé de rester ici et de travailler ensemble jusqu'à ce que la lumière soit faite sur ce chapitre. Grâce à vos investigations, nous avons pu y voir plus clair et éventer les complots de Sprax, et maintenant que les Kathols nous ont déclaré la guerre, la situation va encore une fois changer. Les autres Hauts Seigneurs ne devraient pas tarder à nous rejoindre, afin que nous puissions coordonner nos efforts plus facilement pour nous défendre. En fait, nous allons même vous demander de vous joindre à nous très prochainement en ce sens.

- Ah oui ?

- Oui, je voudrais que vous en parliez à vos camarades. Votre jeune ami Liam m'a expliqué que vous alliez effectuer votre rapport chez vos Maîtres à Yavin IV.

- Oui, c'est exact.

- Pendant que vous ferez ce que vous aurez à faire, nous organiserons une grande réunion entre Hautes Autorités. J'y serai, ainsi que mon gendre, et nous ferons appel aux ambassadeurs des autres Grandes Maisons qui se trouvent sur cette planète. Nous mettrons au point nos accords de collaboration face à la menace des Kathols, et nous comptons sur votre participation.

- Ma… ?

- Oui, en fait, je vous demande de consulter vos Maîtres pour nous. Ne pourriez-vous pas demander en mon nom ce que compte faire la Présidente Leïa ? Nous voudrions avoir le soutien de la Nouvelle République.

La jeune fille parut surprise.

- Ah ? Mais les armées des Maisons du Secteur Tapani ne sont-elles pas suffisamment équipées ?

- Nous ne savons pas comment les Kathols sont équipés, eux. Ils ont de quoi provoquer de grands dégâts, comme nous l'a rapporté le Haut Seigneur Leobund. Si nous avons le soutien de forces conséquentes, cela représentera un avantage certain. Et, bien entendu, nous tâcherons de nous montrer reconnaissants.

C'est alors que la petite Drall réalisa l'ampleur de la responsabilité que la Haute Dame venait de lui confier. Une alliance ? Un avenir commun entre la Nouvelle République et les Seigneurs de l'Expansion ?

- Haute Dame, je suis très honorée de la confiance que vous semblez me porter, mais je préfère être sincère : les dirigeants de la Nouvelle République savent que la Maison Cadriaan partage leurs idées, mais il n'en est pas forcément de même pour les autres Maisons. En conséquent, je ne sais pas du tout quelle décision prendra la Présidente Leïa Organa Solo, je suppose qu'elle devra prendre un peu de temps pour y réfléchir avant de vous faire part de sa réponse.

- Le seigneur Savill a réitéré sa volonté de se désolidariser de l'Empire.

- Sans doute, mais qu'en est-il du Haut Seigneur de la Maison Melantha ?

La Haute Dame répondit après un court instant de réflexion :

- En attendant votre retour, je mettrai en garde mes homologues. Cependant, pourriez-vous tout de même intercéder pour nous ?

- Je vous aiderai de mon mieux, ma Dame.

- Je le sais. Oh, veuillez m'excuser, le devoir m'appelle.

- Je vous en prie. Je vous souhaite une excellente soirée.

La grande femme salua poliment la petite Drall et s'éloigna pour rejoindre un autre groupe de personnes. En hochant lentement la tête pour assimiler toutes ces informations, Chi'ta fit quelques pas jusque sur la terrasse. C'est alors qu'elle vit un visage familier se rapprocher d'elle.

- Salut !

- Tiens, bonsoir, Dame Decrilla !

Au lieu de son habituelle combinaison moulante, la jeune femme dissimulait ses formes athlétiques sous une ample tunique de cuir tanné rouge sombre ressemblant à celle des roturiers. La petite Drall était enchantée de revoir la chasseresse, mais elle changea vite d'expression en percevant chez l'Humaine une profonde tristesse.

- Qu'est-ce qui ne va pas, ma Dame ?

- Est-ce que je pourrais vous parler à l'écart, à toi et à Liam ?

- Oh, je pense, oui. Liam prend l'air dans le parc, allons le retrouver.

Les deux femmes se rendirent dans les jardins de l'ambassade. Liam Kincaid était assis sur un banc, en train de profiter des derniers rayons du soleil couchant. À l'approche des deux filles, il se redressa avec un grand sourire.

- Damara ! Salut !

- Salut, Liam.

- Dame Decrilla souhaite nous parler, Liam.

- Fort bien ! Asseyez-vous.

Damara et Chi'ta prirent place aux côtés du jeune homme.

- Nous vous écoutons, ma Dame.

- Par où commencer… ce n'est plus la peine de m'appeler comme ça, Chi'ta. Je ne suis plus une Dame. Appelle-moi juste Damara.

- Ah… comme vous voudrez.

- T'as plus ton titre ? Comment ça se fait ? demanda Liam, surpris.

- Eh bien… depuis la disparition de Don Nycator de Mecetti, il y a eu des changements. De grands changements.

- Ne vous en faites pas pour la gestion de l'ambassade, ma D… euh… mademoiselle Damara. Le baron Eldon Hejaran est un digne représentant de votre Maison.

- J'en suis certaine, Chi'ta. Le problème, en fait…

La petite Drall réalisa alors qu'elle avait oublié quelque chose, et se sentit embarrassée.

- Oh… je suis vraiment désolée. Cela m'était sorti de l'esprit.

- Ca ira, ne t'en fais pas. Quand j'ai appris ce qui était finalement arrivé à Nycator, j'ai été vraiment très triste sur le moment, mais plusieurs petites choses m'aident à surmonter cette douleur. En premier lieu, j'ai fini par accepter le fait qu'il n'avait d'yeux que pour Dame Liryl, et que je n'aurais jamais pu être davantage qu'une passade à ses yeux. Ensuite, comme toute la noce, j'ai pu voir quelle était sa vraie nature. Sa disparition a été doublement salutaire pour lui : il n'est définitivement plus un jouet de ces non-Humains, d'une part, et n'aura pas eu à affronter le déshonneur d'un jugement d'autre part.

- Tu oublies surtout que le secteur Tapani a gagné un sursis considérable, du coup ! Qui sait ce qui serait arrivé s'il avait réussi son plan ! Enfin… je comprendrai que tu en souffres.

- Même si c'est le cas, je tâche quand même de garder les idées claires. Mais ce que j'ai vu sur Obulette après l'attaque… ça m'a fait prendre conscience de pas mal de choses. Je me suis beaucoup remise en question ces derniers jours, et j'ai compris qu'il était temps pour moi de tourner la page, définitivement. Alors, j'ai quitté la Maison Mecetti, et tous mes titres, et mes trophées de chasse, ma propriété, et tout et tout. J'ai fait tout ça pour vous demander ceci : s'il vous plaît, conduisez-moi au Conseil des Jedi. J'aimerais faire partie de l'Ordre.

Chi'ta eut une lueur admirative dans le regard.

- Courageuse décision ! Êtes-vous cependant certaine d'avoir bien réfléchi ? Suivre la formation changera radicalement votre existence ! Il ne sera peut-être pas possible de faire marche arrière ! Moi-même, je sais que même si je quittais l'Ordre demain, les voix de la Force m'appelleront toujours, où que j'aille !

- Ces voix m'appellent déjà, Chi'ta, et j'ai pris ma décision. J'ai bien réfléchi, et j'ai décidé. J'aurais peut-être pu vous aider efficacement et sauver Don Nycator si j'avais écouté Liam depuis le début.

Le visage du jeune homme se crispa.

- Ne va surtout pas te prendre le chou avec ça ! Personne n'aurait pu prévoir que ça finirait de cette façon !

- C'est vrai, ne culpabilisez pas. La voie de la Force doit être empruntée sans contrainte physique ou morale.

- Tu n'as pas à te reprocher d'avoir voulu vivre ta vie, Damara. Il ne faut pas que tu partes à l'Académie en te disant « ça me fait suer, mais je dois le faire ».

- Non seulement je dois le faire, mais je désire le faire. Il y a bien des Jedi qui se sont tournés vers cette voie pour expier leurs crimes, non ?

- Vous n'êtes nullement une criminelle !

- Le contact avec les Kathols, la démonstration de l'étendue de leurs pouvoirs m'ont fait prendre conscience que nous nous frottons au plus gros gibier que j'aie jamais pu voir. Des puissances incommensurables sont en jeu, et des vies aussi. Si j'ai la possibilité de faire pencher la balance de notre côté, même d'un millimicron, je veux maintenant pouvoir agir. De toute manière, il est trop tard pour reculer.

Devant la détermination de la jeune femme, les deux padawans n'eurent pas à s'interroger plus longtemps. Liam haussa les épaules.

- Bon. Dans ce cas, je suppose qu'on peut t'emmener avec nous ? On va justement sur Yavin IV, y a un rapport à faire sur ce qui s'est passé la semaine dernière.

- Nos Maîtres ont dû être informés au moins dans les grandes lignes, mais ils attendent très certainement une version plus détaillée des faits, et nous allons la leur apporter. Nous partons demain matin.

- Est-ce que tu as un endroit où passer la nuit ?

- Oui, j'ai une chambre à l'hôtel, avec mes valises. J'ai renoncé à mon titre, pas à mon compte en banque.

L'accueil sur Yavin IV était plus sobre qu'à leur dernière visite. En effet, les membres du Conseil procopien n'avaient pas empêché les informations d'arriver – ne serait-ce que pour les padawans de la Maison Pelagia – et le bilan de l'attaque des forces katholiennes avait affolé tous des disciples et inquiété leurs professeurs.

Luke Skywalker avançait de long en large dans le petit salon, l'air préoccupé.

- Ainsi donc, les Kathols ont décidé de passer à l'action.

- Oui, Maître Skywalker.

La voix de Dame Liryl semblait fêlée, comme si l'avertissement holographique du couple royal avait directement altéré ses cordes vocales. Kyle Katarn enchaîna :

- Dame Liryl, vous avez suivi une formation approfondie auprès de Maître Ageer, qui était l'un d'entre eux…

- Vous pouvez même aller plus loin, Maître Katarn. Je me suis soumise à des heures de méditation sous les radiations des modules DarkStryder d'Ageer. Mon organisme a changé, je suis en quelque sorte devenue une Kathol, comme eux.

- Non, c'est faux ! s'exclama Chi'ta. Tu n'as rien à voir avec ces prédateurs !

- On pourrait plutôt dire que vous êtes une Kathol, mais que ces gens-là ont cessé de l'être, corrigea Mara Jade.

- Mais rappelez-vous que cela ne change aucunement nos sentiments à votre égard, Dame Liryl, précisa Skywalker. Vous êtes toujours la Dame de Sérénité, et votre cœur, comme vos intentions, sont toujours purs à nos yeux.

- Je suis sincèrement désolée à propos de Maître Halbret. Je vous promets de ne pas rester plus longtemps que nécessaire.

Jessa Halbret n'était effectivement pas présente. En voyant la navette arriver, elle n'avait pas eu le courage de revoir Liryl, et s'était retirée dans une autre aile du temple.

- Pas grave, abrégea Katarn. Parlons plutôt de nos lascars. Que pouvez-vous nous dire sur eux ?

La Dame de Sérénité, une tasse de thé en main, prit son inspiration.

- Il faut se rendre à l'évidence : ils n'ont pas l'intention de se montrer amicaux.

- Environ six cent cinquante personnes victimes de leur bombardement sur Obulette pourront vous le confirmer, ajouta Canderous.

- En dehors d'Ageer, je ne connais personnellement aucun d'entre eux. Mais mon Maître m'a longtemps parlé de ses anciens amis. À l'heure actuelle, les Kathols ne sont plus que trois.

- Seulement ? Et ils arrivent à faire autant de casse ? s'étonna Morgreed.

- En fait, mon bon Hassla, il faut faire la différence entre les Kathols et leurs créations. Quand les Kathols étaient tout puissants, ils avaient une armée, des ouvriers, des paysans… ils les avaient fabriqués grâce à leur savoir. Ils ont créé des serviteurs dont la physiologie était pensée de manière à accomplir leurs tâches de manière optimale. Eux-mêmes n'étaient pas très nombreux, peut-être quelques dizaines de milliers, pour toute une planète. Or, pendant la grande bataille entre Jedi et Sith, ils se sont tous rassemblés à la Citadelle principale pour se défendre. Cela a fini par provoquer leur perte en effet, ils se sont retrouvés coincés par des ennemis plus nombreux que prévu, et surtout, la destruction du portail de téléportation planétaire a sonné le glas de leur civilisation. Cette catastrophe a provoqué un important séisme qui a ébranlé toute la cité, et un grand nombre de Kathols sont morts à ce moment-là. Les autres… Maître Halbret pourra vous le confirmer, les autres ont été… transférés.

- « Transférés » ? répéta Canderous. Vous voulez dire « sur un autre monde » ?

- Non, maître Tal. Leurs âmes ont été séparées de leurs corps, pour les préserver en attendant la fin de la catastrophe.

Le Maître Jedi se frappa le front.

- Ah oui ! Je me rappelle du rapport du capitaine Ciro ! Le Puits de Vie !

- Le Puits de Vie ? Ca me dit quelque chose, murmura pensivement Liam.

Cette réflexion étonna Mara Jade.

- Cette information ne figure que sur le rapport de l'Étoile Lointaine, et pour autant que je sache, nous ne l'avons pas encore diffusé !

- Sans doute, Maître, mais je me demande si je n'ai pas entendu ça… enfin je crois que j'ai entendu ce nom par le biais de la Force. Dans une vision.

- Ah, ça tient debout. Cela dit, si les autres membres du Conseil des Jedi sont d'accord, je suis d'avis de laisser nos investigateurs attitrés consulter le rapport du capitaine Ciro. Cela devrait pouvoir vous aider à tout comprendre, et à mieux vous préparer contre l'ennemi.

Skywalker eut une petite moue.

- À la condition de ne le faire lire par personne d'autre sans notre autorisation, pas même les Hauts Seigneurs du secteur Tapani. Nous ne savons pas encore jusqu'où les Kathols ont pu répandre leurs yeux et leurs oreilles.

- Cela va de soi, répondit le docteur Lohrn.

- Dame Liryl, pouvez-vous continuer ?

- Oui, Maître Katarn. Donc, la plus grande partie des Kathols ont vu leur âme transférée dans un petit cristal. Tous les cristaux ont été stockés dans une grande caverne souterraine, le Puits de Vie. Et DarkStryder, le gardien, veillait sur cet endroit jusqu'à l'arrivée de Ciro et de son équipe.

- Et tous les Kathols ont été désincarnés ? demanda Dankin.

- Non pas, maître Dankin. Les dirigeants avaient chacun un sarcophage de stase à leur disposition. Il y avait bien entendu le Roi Martouf et la Reine Na'toth, et leurs principaux lieutenants : Ageer, Bratak, Keltan, Jakel, Kyrim, Phryenti, Sartharil, et encore quelques autres. Ageer m'a expliqué que Keltan a pu mettre le couple royal en catalepsie, puis Keltan s'est chargé de lui.

Liryl fit alors une petite pause, but quelques gorgées de thé, puis reprit :

- Quand Maître Ageer a été réveillé, quatre mille ans plus tard, il a ressenti la haine brûlante qui émanait des sarcophages royaux, et de celui de Bratak, qui avait réussi à s'auto-anesthésier. Il n'a pas osé les tirer de leur torpeur sur-le-champ, et a préféré s'éloigner pour préparer un plan pour les sauver. Et il n'a pu retrouver aucun autre Kathol. Ni Keltan, ni Phryenti, ni aucun autre parmi ses proches.

Katarn se frotta le menton.

- Donc, les Kathols eux-mêmes sont en effectif réduit.

- Trois d'entre eux sont à craindre : le Roi Martouf, la Reine Na'toth, et Bratak, le Maître de la Technologie. D'après Ageer, tous les autres Kathols ont été massacrés par les Sith, ou sont morts dans la catastrophe. Il n'y a plus que ces trois dirigeants, et leurs laquais. Les Krakraï, les Mantes et les autres créatures ne sont que des esclaves sans volonté qui obéissent aveuglément à leurs ordres.

On frappa à la porte. Skywalker répondit :

- Entrez !

Liam et Chi'ta furent agréablement surpris de voir entrer deux hommes qu'ils connaissaient bien.

- Salut les amis !

- Sire Penin !

- Sire Tahé !

Kyle toussota, et invita les deux nouveaux venus à prendre place.

- Vous connaissez déjà un peu Sire Tahé, Jedi Sentinelle. Nous préférons garder encore sa véritable identité secrète, alors tâchez de toujours le désigner sous le nom de « Tahé l'Indomptable ». Vous avez envoyé un solide coup au Soleil Noir en… disons, en « vous occupant » de Sprax, et en ayant fait passer le mot à tous les grands notables du Secteur Tapani. De surcroît, si ça peut vous consoler, on a constaté un net recul d'activités criminelles à grande échelle. Attention, ça ne veut pas dire qu'il faut cesser d'être sur vos gardes, mais disons que pour le moment, le chevalier Tahé peut se permettre de s'intéresser davantage aux problèmes directement liés aux Kathols. Nous ne les avons pas encore repérés, c'est pourquoi notre ami Mélodieux va surveiller toutes les activités suspectes.

- Fort bien, répondit Ezra. Et pouvez-nous nous présenter ce gentilhomme ?

Ledit gentilhomme s'inclina respectueusement. Canderous remarqua qu'il avait une main artificielle.

- Chevalier Jedi Sentinelle Rosh Penin, nous avons eu l'occasion de rencontrer.

- Oui, je me souviens de vous, maintenant.

- Rosh est mon premier élève, reprit Katarn. Il a largement fait ses preuves, et s'est porté volontaire pour tenir à l'œil les installations impériales.

- L'Empire ? Je les avais oubliés, ceux-là ! maugréa Canderous.

- Oui, mais ils ne vous ont sûrement pas oubliés, eux, répliqua le Jedi. C'est pourquoi je pars pour Tallaan, afin de surveiller de près les chantiers impériaux.

L'heure du dîner approchait, et une fois de plus, les camarades allaient le partager sans façon avec les disciples de l'Académie. Toutefois, avant de passer à table, Liam Kincaid alla trouver C-3PO, le droïd de protocole de Skywalker.

- Excusez-moi ?

- Oh ! Bonsoir, padawan Kincaid ! Puis-je vous être utile ?

- J'ai un petit service à vous demander : il y a moyen de voir votre Maître en privé ?

Le droïd doré n'hésita qu'un instant.

- Je suppose que oui. Mais je vous en prie, suivez-moi jusqu'à son bureau !

Tous deux se déplacèrent jusqu'à une petite porte. Le droïd de protocole fit patienter quelques instants le jeune homme, puis ressortit, invitant le padawan à rentrer.

Luke Skywalker était en train d'étudier en détail les enregistrements d'Obulette. Liam sentit son estomac se nouer quand il vit sur l'écran mural les images de l'arme biologique sidérale des Kathols. Le Maître Jedi faisait une moue impressionnée.

- Pas à dire, vous avez eu beaucoup de chance. Cette créature avait apparemment le potentiel de faire bien plus de dégâts que cela.

- Peut-être que cette chose a vidé toute son énergie en une seule salve.

- Et peut-être qu'elle est capable de recharger ses… « batteries » en moins d'une minute. Quoi qu'il en soit, je maintiens que vous auriez pu ne pas en réchapper.

- Maître, ce… cette créature nous a parlé.

Skywalker leva un sourcil.

- Quand nous avons quitté le palais, Chi'ta et moi avons eu une sorte de contact psychique. Cette monstruosité nous a détecté, et nous a dit quelques mots.

- Que vous a-t-elle dit ?

- Je n'en sais rien. J'ai juste retenu qu'elle s'appelle le « Porteur de Victoire ».

Skywalker éteignit l'écran.

- Décidément, ces Kathols ont un comportement très dérangeant. Quand je relis les rapports les plus secrets sur ce peuple, j'ai parfois l'impression de lire un livre d'épouvante. Ils font des choses, des expériences, des actes dont nous ne trouvons pas d'explication concrète, comme si nous n'étions pas encore suffisamment évolués pour comprendre leur but. Un peu comme un rat womp qui verrait un médecin faire un cours d'anatomie ou un Moff faire la démonstration d'une nouvelle arme.

- Oui, je comprends ce que vous voulez dire, Maître.

- Bien. C-3PO m'a dit que vous vouliez me voir que puis-je faire pour vous, padawan Kincaid ?

Le Maître Jedi invita l'élève à s'asseoir d'un geste. Docilement, Liam s'installa.

- Euh… c'est un peu difficile à vous demander, Maître.

- N'ayez pas peur, allez-y.

- Avez-vous analysé le sabre-laser de Duncan Blackstorm ?

Skywalker fronça les sourcils, devinant déjà où le jeune homme voulait en venir.

- En dehors de Maître Halbret qui n'a pas osé y toucher, nous avons pu faire quelques tests sur cette arme. Elle agit directement sur le psychisme des créatures vivantes. Les matières mortes n'ont donc aucun impact sur elle, et réciproquement, mais ça, vous le savez déjà. Seulement, la force des sentiments circule plus fort dans cette arme. Maintenant, j'en suis sûr, elle amplifie l'intensité des émotions.

- Je crois, Maître, que nous allons maintenant devoir nous mesurer à des forces katholiennes plus importantes. Et puis, j'ai toujours peur de me faire attaquer par une Mante ou un Krakraï. S'ils ont infiltré la noce de Nycator, ils risquent de nous tomber dessus à tout moment. Et donc… je voudrais vous demander la permission d'emprunter le sabre-laser de mon Maître.

Skywalker fit une petite moue.

- En temps normal, je vous avoue que je ne prendrai pas le risque de le confier à un padawan, même s'il n'est plus très loin de son adoubement, je tiens à vous le préciser. Toutefois, les circonstances semblent maintenant presser les événements. Nous allons envoyer peu à peu des renforts dans le Secteur Tapani, en plus des chevaliers Penin et Tahé. Mais vous semblez être celui qui risque d'être le plus rapidement en contact avec les Kathols. Avant que vous ne veniez, j'en ai parlé aux autres membres du Conseil. Nous avons réfléchi, et avons décidé d'accéder à votre requête, si vous l'effectuiez.

Skywalker se leva, se dirigea vers une petite commode. Il ouvrit un tiroir, en sortit un petit coffret métallique qu'il posa sur la table. Il le déverrouilla délicatement, révélant l'arme d'Ageer à poignée d'os, posée sur un petit coussinet.

- Prenez-le.

Liam tendit le bras, très lentement, et toucha l'arme du bout des doigts. Il ne se passa rien. Il le saisit plus franchement, s'éloigna de quelques pas, brandit le bras en avant, et appuya sur le bouton de contact. Aussitôt, l'étrange tourbillon double de lumière violacée apparut en un éclair dans un étrange sifflement.

- On dirait que je peux m'en servir sans danger, cette fois. En tout cas, pour le moment.

Il coupa le contact, faisant s'évanouir la lame.

- Il n'empêche que nous sommes loin d'avoir compris complètement comment il fonctionne. Maintenant, nous sommes sûrs qu'il s'agit d'un artefact DarkStryder. Ce qui signifie que vous allez devoir vous montrer extrêmement prudent en vous en servant. Il peut être un appeau à Kathols, ou bien vous dérégler le cerveau.

- Pourtant, Duncan s'en servait, non ?

- L'aviez-vous déjà vu l'utiliser ?

- Non, Maître… Et maintenant que vous me dites ça, je me rappelle que son fantôme m'a dit qu'il ne s'en servait qu'en cas d'urgence, comme contre un Sith.

- C'et une chance que Thorn n'ait pas eu l'occasion de s'en emparer, alors ! Cette arme n'est probablement pas étudiée pour fonctionner pleinement avec l'ADN Humain. C'est pourquoi je vous le demande, Liam : n'utilisez ce sabre-laser qu'à bon escient.

- Je vous le promets, Maître Skywalker.

Liam rangea soigneusement le sabre-laser d'Ageer dans l'étui de son ceinturon, gardant sa propre arme en évidence. Skywalker dit encore :

- J'insiste vraiment sur ce fait, Liam : faites bien attention en vous en servant. La dernière chose que nous souhaitons en ce moment est de perdre un padawan. Ce serait encore pire si ce padawan devait finir comme Brakiss.

- Si jamais…

- Non, n'y pensez même pas.

Le jeune homme insista.

- Veillez sur Chi'ta, je vous en prie.

Le Maître Jedi fit une petite grimace.

- Nous devons protéger tous nos élèves de la même façon, et accorder un traitement privilégié à la padawan Koskaya irait à l'encontre de notre éthique, même si votre prévenance part d'un bon sentiment. Il se fait tard. Allons souper.

Puis il accompagna le jeune homme jusqu'au réfectoire, où celui-ci rejoignit vite ses amis padawans. L'ambiance était lourde. Chi'ta se sentit plus gênée quand elle s'aperçut que le Maître Halbret n'était pas présente.

Ils décidèrent de repartir sans délai. Canderous et le docteur Lohrn voulurent cependant trouver Jessa Halbret. Elle était restée à l'écart, et C-3PO leur confirma qu'elle déambulait dans le parc. Ils n'eurent pas de mal à la retrouver, assise près d'un bassin, leur tournant le dos.

- Hé, Halbret ! grommela Canderous avec sa délicatesse habituelle.

Sans bouger, elle demanda d'une voix monocorde :

- Que voulez-vous, ?

- Vous vous sentez bien, Maître ? s'enquit Ezra.

Quand Jessa se retourna enfin, le docteur Lohrn comprit que sa question était bien inutile. Elle présentait les signes les plus flagrants du surmenage : une respiration difficile, des yeux lourdement cernés, un teint pâle…

- Aussi bien qu'une pauvre fille qui sait qu'elle est condamnée à moyen terme…

- Allons, il ne faut pas vous en faire ! Ici, avec tous les Jedi pour vous protéger, vous êtes à l'abri !

- Rien n'est moins sûr, Tal. Vous n'avez pas entendu parler de Desann ?

- Qui ?

- Desann, un ancien élève qui a basculé dans le Côté Obscur. Avec l'aide d'un amiral impérial, il a lancé un assaut sur Yavin IV il y a quelques années. On a réussi à les repousser, mais je peux vous dire qu'on a eu chaud. De toute façon, ce n'est pas ce qui m'effraie le plus.

- Alors quoi ?

Le visage de Jessa se crispa. Elle se prit la tête à deux mains.

- Je les sens. J'entends leurs voix. Je sais qu'ils m'épient. J'ai la conviction qu'un moment viendra où ils se montreront à moi… et qui sait ce qu'ils me feront !

- Oh, ne me dites pas qu'une dure à cuire comme vous a peur de quelques cafards bouffis ! ironisa Canderous.

Elle leva les yeux. Une lumière vacillante dans ses pupilles déstabilisa Ezra.

- Vous ne savez pas de quoi ils sont capables, Tal. Et moi non plus, d'ailleurs.

- Et qu'avez-vous l'intention de faire, Maître Halbret ?

- Je veux les prendre de vitesse. Je suis peut-être une balise à Kathols… si c'est le cas, je devrais me servir de cette « faculté » pour les attirer dans un piège.

Ezra et Canderous ne surent quoi répondre, se contentèrent de hocher silencieusement de la tête, à l'unisson. Mais une question titillait encore le mercenaire. Traversant les couloirs de l'Académie, il retrouva Dame Liryl qui marchait dans une autre partie des jardins, talonnée par Morgreed.

- Dame Liryl ?

- Oui, Maître Canderous ?

- Il y a deux choses que j'aimerais encore vous demander… si ça ne vous gêne pas.

- Si ça peut vous aider dans votre entreprise, je serais ravie de vous aider.

- Bon. À votre avis, maintenant que les Kathols sont réveillés… où est-ce qu'ils vont frapper en premier ?

- Ma foi… je dirais qu'ils se sentent sans doute choqués en voyant des êtres qu'ils considèrent comme inférieurs utiliser leur technologie. Ils vont probablement attaquer du côté de Tallaan, où se trouve la Sphère À Torpilles Avancée.

- Okay… et mon autre question : vous qui avez de puissants pouvoirs de la Force… ne pourriez-vous pas utiliser vos dons pour « repérer » Martouf, Na'toth et ce tordu de Bratak ? Qu'on sache où les trouver pour leur régler leur compte ?

La jeune femme eut un petit soupir gêné.

- C'est une idée bien pensée, mais je ne pense pas qu'elle soit bonne. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Je vois au moins deux raisons : premièrement, vous ne l'avez sans doute pas ressenti, mais certaines des sous-créatures des Kathols émettent des ondes de brouillage dans la Force.

- Ouais, je suis au courant. Les Krakraï brouillent le son et l'image chez les padawans. Et alors ? Ca devrait vous permettre de repérer où ils se cachent ?

- Oui, mais ils ne sont plus que trois, et comment saurais-je précisément où les trouver s'il y a sept ou huit zones où je détecterais des parasites ?

Le Mandalorien fit une petite moue d'acquiescement. Dame Liryl reprit :

- Deuxième raison : si jamais je sonde les flux de la Force pour tenter de repérer les Kathols, ne pensez-vous pas qu'ils pourront me repérer de leur côté ? Un pêcheur qui sonde un lac avec une perche à la recherche de poisson prend un gros risque s'il heurte un énorme monstre marin, et a de fortes chances d'être emporté par la fureur de ce monstre.

- Évidemment… Les Kathols sont donc si redoutables ?

- Le simple fait d'avoir vu leurs expressions par hologrammes interposés m'a suffi à ressentir la teneur de leur rage. Et quand j'y repense, je suis heureuse qu'il ne s'eût été agi que d'hologrammes. Chi'ta aurait eu une attaque si elle avait ressenti pleinement leur colère.

- D'accord… Vous en faites pas. Refroidir les colères les plus bouillantes, ça fait partie de mon travail.

La Dame de Sérénité ne semblait pas convaincue, pas plus que Morgreed, peu confiant envers l'assurance de Canderous.

Pendant ce temps, Liam et Chi'ta voulurent dire au revoir à Damara Decrilla. Cilghal, la Jedi guérisseuse de Mon Calamari, leur indiqua le numéro de la chambre qui lui avait été attribuée. La jeune femme les reçut avec cordialité.

- Entrez, je vous prie. Ce n'est pas le grand luxe, mais…

- Pour moi, ça l'est, Damara. Je puis vous assurer que ma propre cellule est bien plus agréable à mes yeux que les suites des ambassades procopiennes.

La jeune femme invita les deux padawans à prendre place sur la couchette.

- Alors, ça s'est passé comment ?

- Eh bien, Liam… j'ai parlé quelques minutes avec Mar… euh, avec Maître Jade. J'ai exposé mon point de vue sur mes rapports avec la Force et la façon dont je me voyais m'en servir… enfin, plutôt comment je la laisserais s'exprimer.

- Et vous avez pu définir votre orientation ?

- Oui, enfin, on s'en doutait. Demain, je commence ma formation de Jedi Sentinelle.

La petite Drall lui fit un beau sourire.

- Vous avez fait le bon choix, Damara.

- Tu dis ça parce que vous gagnez un disciple ? demanda la jeune femme avec un pauvre sourire navré.

- Non, je dis ça parce que j'ai senti votre peine s'alléger un peu quand vous nous avez annoncé votre décision.

- Nous devons y aller, maintenant. Nous avons un secteur à unifier, un tas de cafards à écraser, un Jedi Noir à arrêter… nous sommes débordés !

Liam avait essayé de faire un petit résumé sur le ton de la plaisanterie. La jeune femme l'embrassa, puis fit de même avec Chi'ta.

- Merci à tous les deux, et que la Force soit avec vous.

La Chambre du Grand Conseil était pratiquement déserte. La longue table au pied de l'amphithéâtre était occupée par un petit groupe de personnes, toutes Humaines. Les deux padawans, accompagnés de Dame Liryl, du docteur Lohrn, et des trois grands baroudeurs, descendirent les marches. Ils entouraient une huitième personne. La Dame Bathos plissa les yeux pour mieux voir le nouvel arrivé.

C'était un Humain de taille moyenne, mais de forte carrure. Il n'était plus tout jeune, accusait facilement une soixantaine d'années de vie tumultueuse, sinon davantage. Son visage était barré d'une épaisse moustache argentée, et une lourde crinière battait ses épaules par-dessus son uniforme ancien mais bien entretenu. Ses sourcils épais renforçaient l'intensité de son regard déterminé. Chi'ta s'inclina devant le groupe de nobles, et dit d'une voix claire :

- Ma Dame, Hauts Seigneurs, j'ai le très grand privilège de vous présenter le Général Garm Bel Iblis.

Il y eut quelques murmures admiratifs. Si le visage du général n'était pas connu de tous, il en était autrement pour son nom devenu légendaire. Le Haut Seigneur Theus Paddox s'approcha de l'homme.

- Général, c'est un très grand honneur de rencontrer un tel héros en personne.

- Tout l'honneur est pour moi, Haut Seigneur Paddox. C'est rassurant de voir que les gens de votre génération dans un secteur où je ne me suis que très peu rendu se souviennent encore de moi.

Après un court silence, la Haute Dame Bathos de la Maison Cadriaan fit brièvement les présentations. Outre son gendre, il y avait le Seigneur Vaskel Savill de la Maison Melantha, le Seigneur Alec Lamere de la Maison Barnaba, le Baron Quinn Sheffield de la Maison Reena, le Baron Turel de la Maison Calipsa, et le Baron Eldon Hejaran de la Maison Mecetti. Les sept principales Maison du Secteur Tapani étaient donc toutes rassemblées pour cette réunion extraordinaire.

- Je me doute que vous auriez préféré parler à la Présidente Leïa, mais il faudra vous contenter de moi.

- Nous comprenons, Général, Madame la Présidente Leïa a sans nul doute un emploi du temps très chargé, répondit le Baron Turel. Plusieurs d'entre nous sont dans la même situation que vous – moi-même, je ne suis que le représentant du Haut Seigneur Weston Warsheld de la Maison Calipsa. Mais n'allons pas nous perdre dans des circonvolutions stériles.

- C'est juste, l'heure est grave, approuva Vaskel Savill Asseyons-nous donc.

Chacun prit place autour de la table rectangulaire. Le Melantha reprit :

- Nous avons eu le temps de faire le bilan sur le total actuel de nos forces. Voici le rapport, Général Bel Iblis, si vous voulez bien le consulter…

Le Général saisit le dossier que lui tendait Savill. Il le feuilleta, et fit une moue admirative.

- Joli. C'est ce que compte les sept Maisons réunies ?

- Nous pourrons obtenir trente pour cent d'effectifs supplémentaires en comptant les Maisons mineures.

- Les Maisons mineures ?

- Oui, Général. Tout le secteur Tapani n'est pas régi par seulement sept Maisons. Il existe plusieurs dizaines de plus petites Maisons, aux pouvoirs limités, certes, mais leur poids total peut faire la différence. Nous pourrons les convaincre sans grande difficulté de s'allier à nous, dans leur intérêt.

- Je crois savoir qu'il existe aussi un système indépendant ?

- Vous parlez des Mondes Libres, répondit le Baron Turel. Je crains fort qu'il ne faille pas trop compter sur ces gens-là, pour au moins deux raisons : la première est qu'ils refusent tout contact avec la noblesse, pour préserver leur indépendance.

- C'est un argument. Et l'autre raison ?

Avec une légère tension dans la voix, Savill expliqua :

- C'est là où se trouvent les forces de l'Empire. Et, croyez-moi, Général, il est impensable d'imaginer faire quoi que ce soit avec ces personnes.

- Ce ne serait pas la première fois que la Nouvelle République fît au moins une trêve avec les Impériaux. Sur Bakura, nous l'avons fait.

- Si je puis me permettre, mon Général, osa timidement Liam.

- Parlez, jeune homme.

Le jeune padawan soutint tant bien que mal les regards insistants.

- Si l'enclave impériale était commandée par un fonctionnaire coulant, ça pourrait peut-être le faire, mais le patron est un Jedi Noir, le seigneur Sith Daymon Thorn. Et, croyez-moi, ce type n'est vraiment pas un comique. Nous avons eu plusieurs fois l'occasion de nous en rendre compte.

- Il veut s'accaparer la technologie DarkStryder pour fabriquer des armes de destruction incroyables, en particulier la Sphère À Torpilles Avancée, actuellement en construction dans les chantiers de Tallaan, précisa Chi'ta.

Bel Iblis soupira. Dame Bathos ajouta :

- Il ne faut pas oublier non plus que les Seigneurs de l'Expansion ont fait une déclaration de guerre à l'encontre des forces de Thorn. L'Empire a déjà attaqué plusieurs planètes, et rasé de nombreuses villes remplies de civils innocents.

- Même la Maison Melantha s'est détachée de l'Empire officiellement. Le Haut Seigneur Bal Jaset l'a bien affirmé, et cela a provoqué de sacrés remous. Il était lui-même un ancien conseiller de Palpatine et avait gardé des contacts amicaux avec lui. Et donc, quelques seigneurs n'ont pas encore accepté ce changement. Cela ne perturbera pas outre mesure notre projet d'alliance.

Ca ne colle pas.

Liam n'avait pas vraiment confiance. Tout semblait trop s'enchaîner, tous avaient l'air trop prompts à collaborer. Il y avait autour de cette table des représentants de gens qui se faisaient la guerre depuis des centaines d'années, et pourtant aucune dispute n'avait encore éclaté, et tout le monde avait l'air d'accord. Pour lui, quelque chose allait forcément coincer quelque part. Un bref coup d'œil en direction de Chi'ta lui confirma qu'elle pensait probablement la même chose. Le Général Bel Iblis reprit la parole.

- Bon. Je me propose de rencontrer vos généraux respectifs le plus rapidement possible afin de mettre sur pied une stratégie efficace. Pour le moment, la Nouvelle République est prête à mettre à ma disposition un dixième de sa flotte actuelle, ce qui représente à peu près le dixième de ce que vous me montrez sur vos papiers. Notre flotte s'apparente à la somme des vôtres en taille, mais on ne peut pas engager plus de monde, car nous avons aussi nos problèmes.

- Nos problèmes risquent de devenir les vôtres, répliqua le Baron Turel.

- Et c'est pourquoi je suis ici, Baron. Bien, quand pouvons-nous commencer ?

- Eh bien…

C'était le Baron Hejaran qui venait de parler. Une petite pointe glacée piqua légèrement le cœur de la petite Drall. Elle eut un mauvais pressentiment.

- Ce que vous pouvez voir, Général, c'est la flotte « théorique ». Or, malheureusement, la théorie et la pratique font souvent mauvais ménage. Pour que nous puissions compter sur tous ces bâtiments, et ceux des Maisons mineures, il faut que tout le monde soit d'accord, afin qu'il n'y ait plus d'hésitation. Tout le monde doit être prêt à s'unir, et à collaborer face à la menace commune. Et… il y a justement quelque chose de… préoccupant.

Canderous sentit une mauvaise humeur lui monter au nez.

- Quoi, encore ?

- L'une des Maisons principales du Secteur Tapani refuse de s'allier à nous !

Morgreed eut un coup de sang en entendant cette nouvelle. Oubliant toute mesure devant tant de dirigeants, il éclata :

- C'est pas vrai ! C'est pas possible d'être aussi con, bon sang !

- C'est à vous dégoûter ! renchérit le docteur Lohrn. Et qui a eu la bonne idée de faire la mauvaise tête, alors ?

Chi'ta fut étonnée de voir qu'aucun des seigneurs n'osa réprimander les deux protestataires. Tous avaient l'air conscients d'avoir failli vis-à-vis des efforts que les camarades indépendants avaient dû déployer ces derniers mois. Le Haut Seigneur Paddox confirma ce fait en répondant :

- Compte tenu de la pression dont vous avez dernièrement été victimes, nous ne tiendrons pas compte de cette saute d'humeur. Il s'agit de la Maison Reena.

Dankin jeta un regard très lourd de reproches vers le baron Quinn Sheffield. Celui-ci anticipa et fit mine de protester.

- Ah non, ah non ! Vous ne pouvez pas me coller ça sur le dos ! J'ai pris des engagements envers Dame Bathos quand vous m'avez livré à elle, et j'ai tout fait pour les respecter ! Le problème vient du Haut Seigneur Galen Panos !

- Et qu'est-ce que votre Haut Seigneur trouve à redire à cette trêve ?

Le baron Sheffield se racla la gorge.

- Eh bien… la Maison Reena est la plus ouverte aux partenaires extérieurs. Nous menons une politique de tentatives d'ouvertures aux autres secteurs depuis quelques dizaines d'années. C'est pourquoi nous nous sommes toujours soigneusement tenus à l'écart des conflits politiques à grande échelle, pour éviter de rebuter nos collaborateurs. Nous mêler à des histoires avec toutes les autres Maisons pourrait paraître inquiétant. En tout cas, c'est le risque à courir.

- Le seul risque à courir, c'est de passer pour des lâcheurs quand vous serez les seuls à rester dans votre coin pendant que tout le secteur sera pilonné par les Kathols, et ça, c'est une certitude ! répliqua durement Canderous.

Liam jeta un petit coup d'œil vers Chi'ta. Celle-ci paraissait aussi contrariée, mais il n'arrivait pas à déterminer si c'était à cause de la brutalité du mercenaire ou de l'inconscience des dirigeants de la Maison Reena.

- Toutefois…

Le vieux baron marqua l'arrêt pour être certain de capter toutes les attentions.

- Mon Haut Seigneur m'a chargé de transmettre un message : il reconnaît que nous sommes maintenant en temps de crise, et c'est pourquoi la politique de notre Maison peut changer. Ce dont nous avons besoin pour nous convaincre définitivement, c'est une preuve de votre bonne foi.

Le Barabel, qui avait déjà compris les implications, grommela, agacé.

- Nous ne sommes pas vos larbins à tout faire, baron.

- Oui, oui, bien sûr, maître Morgreed. Ce n'est pas un ordre que nous allons vous donner, mais une faveur que nous allons vous demander. En échange de cette faveur, le Haut Seigneur Galen Panos acceptera de collaborer à son tour. Le Secteur Tapani sera alors pleinement unifié, comme il l'a été sous Shey Tapani.

- De grâce, écoutez seulement ce que nous avons à dire, insista Dame Bathos. C'est aussi important pour nous, car plusieurs milliers de vies sont en jeu !

- Sans blague ! Et vous ne pensez pas qu'avec les Kathols, on a du pain sur la planche ? Je parie que ce boulot que les Reena veulent nous donner n'a rien à voir.

- Au contraire, ça a tout à voir ! protesta le baron Sheffield. Figurez-vous que ces Kathols ont à nouveau frappé, et cette fois, dans le système Reena, mon système !

Cette fois, Canderous changea d'expression et prit l'air un peu plus concerné.

- Des Kathols, vraiment ? Vous en êtes sûr ?

- Il y a trois jours, une horde de créatures insectoïdes s'est jetée sur la planète Caloria. Deux villages champêtres ont été rasés, et la préfecture a subi un terrible assaut nocturne. La milice a finalement repoussé ces créatures non-identifiées, mais elles ont laissé de terribles dégâts, et les hôpitaux sont maintenant bondés !

- Situation difficile, commenta Ezra. Et que pouvons-nous y faire ?

- Nous avons contacté un marchand de bacta pour y acheminer des réserves. Or il se trouve que son appareil n'est jamais arrivé à Caloria ! Il a disparu !

- Envoyez-en un autre !

- C'était un vaisseau de transport de classe capitale des Chantiers Navals Kuat ! s'exclama le baron Sheffield. Il vaut à lui seul plus d'un million de crédits, et contient six cent mille tonnes métriques de bacta ! Avez-vous une idée de ce que ça représente ? Pour rassembler à nouveau une telle quantité de bacta, il nous faudrait deux bonnes semaines, et les blessés de Caloria ne seront pas aussi patients ! Ce bacta est quelque part dans la nature, il n'a pas pu s'envoler comme ça ! Il faut le retrouver, et vous en êtes parfaitement capables !

- Et pourquoi nous ? Vous n'avez pas de troupes d'élite pour ça, non ?

- C'est vrai, ou si vous voulez, je peux envoyer les SpecForces ou demander l'appui du Commando Page, proposa le Général Bel Iblis.

- Il y a plusieurs raisons, répondit Eldon Hejaran. Elles sont essentiellement politiques, je le concède. Vous êtes des indépendants. Votre engagement est intéressé, mais vous représentez deux autorités extérieures, qui sont le Conseil des Jedi et la Nouvelle République. Ainsi, vous ne favorisez ni ne défavorisez aucune des Maisons du secteur Tapani. En aidant les Reena, vous aidez tout le secteur à court terme, et ce sera perçu comme un soutien direct de la Nouvelle République et du Praxeum Jedi. Enfin, si c'est vous et bien vous qui faites ce dernier travail, tous les politiciens du secteur reconnaîtront les importants témoins qui se sont dernièrement illustrés à la Chambre du Grand Conseil.

Les deux padawans avaient l'air d'avoir compris et accepté les enjeux.

- Lutter pour unir le secteur contre un ennemi commun est la meilleure chose à faire, je suppose, murmura Chi'ta.

- J'en suis aussi. J'ai pas envie de tout lâcher si près de la fin.

- Et puis, il ne faut pas oublier que des civils risquent de mourir faute de soins ! rappela le général.

- Je suis d'accord, ajouta Ezra. Faut bien que je gagne ma croûte !

Dankin se radoucit, mais Canderous restait sceptique.

- Tant que vous allongez la monnaie, ça peut le faire, mais l'augmentation va devoir être conséquente.

- Au point où nous en sommes, l'argent ne sera pas un problème, maître Tal, répondit Dame Bathos.

- Rappelez-vous tout de même que nous nous montrons bien accommodants. Nous pourrions très bien utiliser d'autres arguments que vous trouveriez…

Mais le baron Turel n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Le Mandalorien frappa du poing sur la table.

- Du chantage ? Vous jouez avec votre santé, baron.

Déjà, une demi-douzaine de gardes en armure étaient entrés dans la pièce, et pointaient leurs armes sur le mercenaire.

- Ho, Canderous ! Du calme, du calme ! l'apostropha Liam. Ce n'est vraiment pas le moment de s'énerver. Excusez-le, Baron, je crois que…

- J'ai pas besoin qu'un gamin prenne ma défense !

- Canderous, ça suffit maintenant !

Plus personne ne dit mot. Liam s'était levé, mains sur la table, et regardait le mercenaire droit dans les yeux avec une autorité telle qu'aucun de ses proches n'avait jamais pu voir en lui. Tous restèrent pétrifiés par cette démonstration de force. Il articula :

- Après toutes ces années à courir après le pognon, tu as enfin l'occasion de prouver à l'univers entier que tu es capable de faire quelque chose de bien au moins une fois dans ta vie, Canderous Tal. Bien sûr, il y a beaucoup de mercenaires à louer que nous pourrions engager à ta place. Mais un type qu'on connaît depuis plus de sept mois, qu'on sait loyal à ses camarades pourvu qu'il y trouve son compte, et qui est un guerrier du tonnerre, il y en a beaucoup moins, et tu en fais partie. Ne fais pas la mauvaise tête, ne laisse pas ta fierté balancer en l'air ce qu'on a eu autant de mal à mettre en place.

Le mercenaire ne répondit rien, il devait encore accuser le coup. Theus Paddox leva la main, demandant aux gardes de se retirer, et en profita pour ajouter :

- Songez aussi au service que nous pourrions vous rendre, vis-à-vis du réseau de criminels que vous avez percé à jour il y a quelque temps.

- Quoi ?

- Nous parlons du Soleil Noir, maître Tal, précisa le baron Hejaran.

Canderous se tourna vers Dame Bathos, furieux.

- Vous en avez parlé à vos homologues ? Mais nom d'un chien, vous cherchez vraiment à faire tomber nos tronches ! Dites-moi que je rêve !

- Non pas, maître Tal. Contrairement à ce que vous avez l'air de penser, il n'y a pas que votre tête qui soit en danger à cause du Soleil Noir. Le capitaine Ciro nous en a parlé, afin que nous puissions évaluer les risques qu'ils représentent pour nos intérêts, et nous organiser pour mieux agir en conséquence. Ils sont dangereux pour tous, y compris nous, les Seigneurs de l'Expansion. Nous avons fait de longues recherches, et avons repéré les principaux relais de ce réseau de bandits dans notre secteur. Une fois que nous serons unis, nous pourrons conjuguer nos forces pour tous les éliminer en même temps, et donc éviter de laisser réchapper quelqu'un. Vous avez aussi votre intérêt à nous aider, en plus de toucher votre salaire qui sera déjà conséquent.

- Donc, on vous aide sur ce coup-là, et vous vous chargez de faire disparaître la prime sur nous ?

- Nous la leur paierons le double s'il n'y a pas d'autre moyen, maître Tal. Vous avez notre parole.

C'était Vaskel Savill de Melantha qui venait de parler. Finalement, Canderous sembla convaincu.

- Bon… Dix mille.

Le Baron Turel haussa des sourcils surpris.

- Dix mille ?

- Par tête. Plus la garantie que le Soleil Noir ne nous cherchera plus des noises.

- Disons cinq mille maintenant, et dix mille de plus à votre retour. Plus la garantie.

- Tope-là.

- Parfait ! s'exclama le seigneur Savill, satisfait. Vous retrouverez le marchand de bacta sur Tallaan. Voici le nom et l'emplacement du lieu où il se trouve.

Savill tendit un petit dossier au docteur Lohrn. Elle l'ouvrit, jeta un petit coup d'œil.

- Votre commerçant a des goûts très simples, on dirait : le meilleur. Tiens, mais je le connais, celui-là !

- Raison de plus pour laquelle nous avons fait appel à vous, docteur Lohrn.

- Bon, alors ne le faisons pas attendre plus.

- De mon côté, je vais partir à la rencontre de mes homologues des autres Maisons par visioconférence, qu'on commence à établir une stratégie constructive.

Le Vandread attendait patiemment son équipage dans le hangar. Savill et Eldon avaient accompagné le petit groupe.

- Cette histoire schlingue de plus en plus ! ronchonna Canderous. J'ai vraiment l'impression qu'on nous envoie sur un coup foireux.

- Où est le problème ? Tu touches ton blé, non ?

- Sûr, poupée, mais si je me fais dessouder, je fais comment pour le dépenser ? Plus le temps passe et plus je me dis que c'est une histoire d'escroquerie à l'assurance !

- C'est hélas possible, mais la seule certitude que nous ayons pour le moment est qu'il n'y a pas d'autre solution rapide pour convaincre le Haut Seigneur Panos !

- Pour une fois, je suis d'accord avec vous, Savill. Dankin, tu peux faire chauffer les moteurs ?

Sans dire un mot, le Togorien monta à bord. Eldon Hejaran serra le poignet de Liam.

- Tous nos vœux de réussite vous accompagnent, les amis !

- Merci, cousin, répondit le padawan.

Le Mandalorien s'approcha alors de Savill.

- Seigneur Savill ?

- Oui, maître Tal ?

- Vous aviez parlé d'une récompense, je crois me rappeler.

- Tout à fait. Vous avez réfléchi ?

- Ouais. Et je vais vous demander deux choses.

- Je vous écoute.

Le mercenaire montra le Vandread du pouce.

- J'ai toujours rêvé d'être suffisamment balaise pour piloter un appareil comme ça. Vous avez sans doute moyen de me trouver un programme de leçons de pilotage ?

- Oh, ma foi… je peux vous faire passer une copie du meilleur programme de nos troupes, en effet. Et l'autre chose ?

- Grâce à vous, j'ai une magnifique vibro-lame. Vous avez trouvé un beau fusil blaster, aussi, comme prix pour le Vor-Cal. J'en conclus que vous avez des contacts qui peuvent vous refiler du matériel de guerre de qualité.

- Oui, on peut dire ça.

- Parfait. Alors je veux une armure. Pas une nippe de troufion. Une bête de combat. La Princesse Kuari des combinaisons de défense. Le top du top.

Savill acquiesça d'un léger signe de tête.

- Je peux vous trouver quelque chose de ce genre. Cela prendra du temps, mais si vous accomplissez la mission, à votre retour, vous devriez avoir une belle surprise.

- Parfait.

Le mercenaire fit volte-face et remonta dans l'appareil sans se retourner. Savill salua une dernière fois les deux jeunes gens restés à quai, et se retira. Liam se tourna alors vers Chi'ta. Celle-ci murmura avec un petit sourire gêné :

- Je préfère nettement partir de mon côté. Tu me connais assez pour savoir que les opérations commando, ce n'est vraiment pas mon truc !

- Pas de souci, t'as bien raison. En plus, tu as eu une bonne idée.

- Je sais que ce serait peut-être mieux si tu nous accompagnais.

- T'en fais pas. Je donnerai le meilleur de moi-même sur ce coup-là, et tu vas faire la même chose.

- Mademoiselle Koskaya, je m'engage personnellement à verser la somme convenue sur votre compte, même si vous ne partez pas vers Tallaan. À votre façon, vous allez vous aussi faire progresser notre action.

- C'est très généreux, Baron Eldon. Mais… pourriez-vous plutôt allouer cet argent aux familles des victimes d'Obulette ? Elles en ont davantage besoin que moi.

- Si vous préférez. Je ferai transférer ces crédits en votre nom aux familles modestes qui n'ont pas les moyens de prendre un nouveau départ.

- Fais de même pour moi, cousin. Je n'ai pas besoin de ce blé, mais d'un soutien psychologique de taille.

- D'accord. Tu as le mien.

Eldon Hejaran fit un dernier geste d'encouragement, et quitta le hangar à son tour. Morgreed tapota paternellement l'épaule du jeune homme.

- Fais gaffe à ta peau, fiston

- Oh, allez, j'ai survécu à ce genre de boulot, non ?

- Mouais… allez, t'en fais pas pour la petite puce. Ne pense qu'à ta mission.

Liam serra une dernière fois Chi'ta dans ses bras.

- Tu le salueras pour moi ?

- Promis.

- Bon courage.

- Que le Grand Fouisseur te creuse un tunnel à travers les obstacles.

Quelques minutes plus tard, le Vandread partit vers les chantiers de Tallaan.

- Je la sens de moins en moins…

- Quoi donc ? La mission ?

- Pas seulement. Je pense à Halbret.

- Va au bout de ta pensée…

Le Mandalorien fit pivoter son siège vers celui de copilote, occupé par Ezra.

- Il est clair que les Kathols ont un lien avec elle. Liryl lui fait peur, et je la comprends. Je commence à voir le moment où la Dame de Sérénité se transformerait en une monstruosité katholienne, prête à nous manger tout crus.

Le docteur Lohrn jeta un petit coup d'œil aux alentours pour s'assurer que Liam n'était pas à portée d'écoute.

- J'y ai aussi pensé, je l'avoue, et ça ne me rassure pas. J'espère que ça n'arrivera pas, mais si Liryl devait perdre la tête sans qu'on puisse la récupérer, je n'hésiterai pas à la mettre hors d'état de nuire.

- Y a autre chose j'aurais dû en parler au Conseil, mais à tous les coups ils ne m'auraient pas écouté.

- Quoi donc ?

- Je ne serais pas surpris que les Kathols nous espionnent par l'intermédiaire d'Halbret.

- Tu veux dire qu'elle serait une de leurs taupes, comme Nycator ?

- Pas nécessairement. Si elle a de l'ADN de Kathol dans les gènes comme lui, et qu'en plus elle est sensible à la Force, il y a une bonne chance pour qu'ils soient capables de la tracer, y compris et surtout sans qu'elle ne le sache. Et le meilleur espion de l'univers est celui qui ignore qu'il est un espion.

- Mouais… Enfin bon, dans le cas d'Halbret, on ne peut pas dire qu'elle ne se doute de rien. Évitons quand même d'en parler aux gosses, ils n'ont pas besoin de ça.

- J'avais peur que tu dises autre chose. C'est vrai, moi aussi je les aime bien, mais ils rapportent tout sagement à leurs profs, et ceux-là, je peux pas me fier à eux.

Dans l'une des cabines d'équipage, Liam était assis en tailleur sur la moquette, yeux fermés. Il poussa un petit soupir de déception. Grâce à ses sens exacerbés par la Force, il avait tout entendu.

Pas de panique, ils ne pensent pas à te trahir, seulement à garder leur liberté d'action. Tu ferais la même chose si tu étais à leur place. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix.

Le voyant clignota, Canderous poussa lentement le levier de vitesse, entamant la procédure de décélération. Les myriades de traits lumineux s'estompèrent pour laisser place aux étoiles, et rapidement une planète brune apparut derrière la surface polie du cockpit.

- Bienvenue à Tallaan, la capitale du Système des Mondes Libres ! commenta Ezra. Ce monde a la particularité de présenter plusieurs visages : si j'en crois les rapports de vos précédentes pérégrinations, j'ai vu que la plupart des planètes que vous avez explorées jusqu'à présent sont relativement « unies » Mon Calamari est constituée de plages, Norphair et Sullust sont des mondes entièrement volcaniques, et Coruscant et Nar Shaddaa présentent d'immenses mégapoles planétaires. Or, Tallaan est divisée en régions, certaines sont restées très forestières, tandis que d'autres sont clairement urbaines. Le niveau technologique est comparable à celui de Procopia. La zone la plus peuplée est celle située juste sous les chantiers spatiaux que vous pouvez voir à présent.

Tandis que la jeune femme faisait son exposé, le Vandread se rapprochait de sa destination, et les autres distinguaient peu à peu un incroyable conglomérat sidéral d'acier. En effet, plusieurs centaines de vaisseaux allaient et venaient entre la planète et les chantiers, créant un véritable ballet au milieu des sections entières de grues géantes, de câbles de remorquage, de drones d'assemblage. Canderous vit alors le poil de son ami Togorien se hérisser. Dankin montra quelque chose du doigt.

- Regardez !

- Quoi ? Oh !

Liam eut un sursaut effrayé. Devant la planète venait d'apparaître une énorme boule d'acier chromé. C'était une sphère presque parfaite, si l'on exceptait la tranchée creusée au niveau de l'équateur, et la section concave dont le diamètre se confondait avec cette tranchée. Plusieurs appareils de constructions gravitaient autour de cet immense satellite artificiel.

- La Sphère À Torpilles Avancée… murmura Canderous.

- Et c'est pas fini, regardez ça !

Surgissant de derrière la lune métallique, la silhouette fuselée d'un croiseur interstellaire impérial flotta placidement dans leur champ de vision, un appareil que les quatre compères ne connaissaient que trop bien.

- Blast ! Le Gantelet ! gémit Liam.

- Il ne faut pas qu'il nous repère ! grogna Ezra. Ne va pas dans leur direction !

- Bah, il y a peu de risques qu'ils nous reconnaissent ! Ils ont peut-être fiché l'Espoir Éternel, mais à ce que je sache, ils n'ont jamais vu le Vandread.

- Si Thorn est à bord, il risque de griller Liam ! s'écria Ezra.

- Ah… De toute façon, on doit changer de cap si l'on veut atterrir au bon endroit.

Sans perdre son sang-froid, Canderous poussa le volant vers bâbord. Il constata avec un petit rire amusé :

- J'ai l'impression que la peinture du flanc tribord a été refaite, pas vous ?

Personne ne répondit à cette allusion douteuse.

- Qu'est-ce qu'on attend pour lancer une offensive et foutre en l'air cette saloperie ? grommela Liam en regardant mieux la Sphère.

- C'est pour que les troupes casanières y travaillent qu'on est ici, répliqua Ezra. Nous ne savons pas combien ils sont ni comment ils sont préparés, mais Thorn n'a sans doute qu'un mot à dire pour que d'autres Impériaux arrivent en grand nombre. L'assaut que les Seigneurs de l'Expansion mèneront devra être définitif, ou on prend le risque de voir leurs troupes s'énerver et mettre le paquet.

- Si les Impériaux étaient en mesure de reconquérir ce qu'ils ont perdu, ils l'auraient déjà fait, non ? Mais les petits Moffs ne font que se croquer le nez entre eux, et tant que ça durera, pas de souci à se faire.

- Canderous, tu te souviens du Grand Amiral Thrawn ? Il avait bien fait son travail, dans ce sens. Non seulement il en a bien fait baver à la Nouvelle République, mais en plus il aurait pu tout récupérer s'il n'avait pas été arrêté à temps, répondit Ezra.

Liam vit une occasion de donner un petit exposé de ce qu'il avait dernièrement étudié, il ne s'en priva pas.

- Et puis, Thorn a quelque chose de plus par rapport aux gens comme le seigneur de guerre Zsinj, ou l'amiral Daala : la Force. La Force fait toute la différence entre un type complètement ordinaire, qu'il soit général ou clodo, et un Sith. Comprends bien, cher Canderous, que les Sith ont eux aussi des professeurs et des enseignements. À une époque, c'était notoire. Leur principal temple était situé sur Korriban. Au début de la Guerre des Clones, on les croyait tous anéantis, mais quelques-uns ont réussi à échapper à la vigilance des Jedi.

- Tout comme les Jedi ont pu se cacher des Impériaux quelques décennies plus tard. Comme c'est ironique ! Mais dis-moi, fiston : Palpatine n'a quand même pas rouvert cette école de Sith sur Korriban ?

- Non, Palpatine a préféré former des serviteurs discrètement. Son idée était d'intensifier la peur que son gouvernement inspirait déjà. Les Sith étaient considérés comme étant une rumeur qui n'avait jamais pu être clairement identifiée, en dehors du Seigneur Vador lui-même, bien sûr. Et du coup, on ne savait pas avec certitude si d'autres disciples existaient vraiment, encore moins quelles étaient leurs méthodes.

- Et je vois le tableau, compléta le Mandalorien. Toute disparition inexpliquée ou accident, ou tout autre chose du genre, ça faisait paniquer les gens qui soupçonnaient les Sith d'y être pour quelque chose.

- Surtout lorsqu'un tel accident arrivait à un politicien haut placé qui ne suivait pas les directives impériales à la lettre, précisa le padawan.

- Et comme personne ne voyait rien, la menace était omniprésente. Rien de tel qu'un ennemi sans visage pour faire mouiller les caleçons en série !

- T'as tout compris. Et avec un gusse comme Daymon Thorn, si on ne l'arrête pas, tu peux être sûr qu'il va travailler au redéveloppement de cette peur-là suivre les préceptes de son ancien professeur, le Grand Inquisiteur Tremayne, et se constituer un groupe de disciples. Il m'a déjà proposé de bosser pour lui, je te rappelle.

- Il a tenté de te convertir ? demanda Ezra. Bon sang !

Le Vandread contournait l'énorme globe métallique. En le regardant attentivement, Canderous suggéra :

- Une idée un peu dingue, mais qui pourrait marcher. Et si l'on envoyait un vaisseau s'écraser sur ce truc ? On en serait débarrassé, non ?

Mr. V, le droïd V1 affecté au poste de copilote, répondit aussitôt :

- Mauvaise idée, capitaine Tal ! Cette structure mesure environ une soixantaine de kilomètres de diamètre, il faudrait un croiseur d'au moins dix kilomètres de long pour que l'impact ait un effet réellement destructeur sur son intégrité, ce qui n'a pas encore été inventé à ce jour. Et vous pouvez être sûr que de nombreuses contre-mesures empêchant ce genre d'incident d'arriver sont installées sur toute la surface de cette base sidérale : canons laser, tourelles ionisantes...

- Ouais, c'est bon, j'ai compris. Remarque, et si l'on envoie un vaisseau plus petit, mais en hyperespace ? Ca aurait le même effet qu'une balle de pistolet à poudre sur une pastèque, non ?

- Aucun navordinateur ne permettrait de calculer délibérément une trajectoire comprenant un obstacle d'une telle taille dans son sillage, capitaine Tal. Même si c'était le cas en piratant le programme, ce qui est déjà une chose pratiquement impossible vu le nombre de sécurités intégrées au système, cela impliquerait le sacrifice de tout l'équipage, sans la moindre garantie de réussite ! La Sphère À Torpilles Avancée est tout de même plus solide qu'un citrullus lanatus.

- Mouais… j'aurais essayé.

Laissant dans son sillage les installations impériales, le Vandread entra dans l'atmosphère de Tallaan.

De tous les lieux que Liam avait visités depuis son départ des niveaux inférieurs de Coruscant, Tallaan lui parut le moins dépaysant. Les chantiers étaient un immense conglomérat de plates-formes, de grues spatiales, de vaisseaux-porteurs… Les installations n'étaient pas toutes de première jeunesse, certaines semblaient même non loin de s'écrouler. Les vieilles usines polluaient le ciel jaunâtre dans lequel se bousculaient les transports d'ouvriers et de matériel. En bref, il avait l'impression de retrouver un peu l'atmosphère des niveaux inférieurs de Coruscant. Il pouvait voir à travers les parois du tunnel de transparacier du métro aérien toute la ville à quelques dizaines de mètres en dessous, et les installations de construction spatiale dans les cieux. Ils s'éloignaient cependant de plus en plus rapidement de la zone astroportuaire pour gagner le secteur des loisirs de la ville de Tallaan.

Quelques minutes plus tard, ils étaient arrivés au pied du Grand Hôtel de la Bruyère. C'était une immense bâtisse construite sur de monumentales passerelles en acier qui surplombait une gigantesque piste de course ovale tracée plusieurs dizaines de mètres en dessous. Des gradins occupés par des centaines de milliers de spectateurs entouraient le champ de course. La cabine automatique s'arrêta non loin de l'entrée. Une fois à l'intérieur, ils demandèrent au réceptionniste d'annoncer leur arrivée, et se rendirent à la suite 711.

Pendant qu'ils marchaient dans les couloirs, Liam sourit en pensant à tout ce qu'il aurait pu voler s'il était venu quelques années plus tôt. Quand ils arrivèrent devant la porte 711, Ezra frappa. Aussitôt, quelqu'un ouvrit. Le docteur Lohrn plissa les yeux, intriguée. Devant eux se tenait un Vaathkree, un grand non-Humain qui dépassait Canderous de quelques centimètres. Sa peau couleur de charbon était très dure et rocailleuse, comme si cet individu était constitué de cailloux rassemblés en une silhouette vaguement humanoïde. Son visage était réduit à une large bouche et deux yeux qui scrutèrent les quatre amis avec méfiance.

- Salut, mon vieux ! dit simplement Canderous.

Le Vaathkree se contenta de hausser les épaules, et disparut dans l'un des ascenseurs. Une voix forte teintée d'un accent caractéristique appela :

- Entrez, entrez, mes amis !

Les quatre compères s'engagèrent dans la suite. D'entrée, ils étaient dans une grande pièce ronde dont toute la partie centrale du plancher était un écran géant circulaire. Une course effrénée de piétineurs craciens s'y déroulait. Un gros Herglic à peau rosâtre était affamé sur le canapé, tenant un grand verre à thé. Les yeux rivés sur l'écran circulaire, sa tension nerveuse augmentait à vue d'œil.

- Oui… Allez… Vas-y… Oui… oui, oui… oui ! OUI ! OU… non ! Non ! NOOOON ! AAAAHHHHHRRRRRR !

Et, frustré et furieux, il balança son verre à travers le salon, l'envoyant se briser contre un mur. Il alluma immédiatement le vidéophone et composa un numéro. À peine l'écran s'était-il allumé que déjà le Herglic tempêtait.

- Allo ? Fochton ? Tu t'es foutu de moi ! Ne joue pas à celui qui ne comprend pas ! À cause de tes pronostics de malheur, je viens de perdre un maximum ! Non, Pensée Bienheureuse n'était pas le bon tuyau ! Ce piétineur malade a trébuché deux fois ! C'est Second Souffle qui l'a emporté, entends-tu ? Second Souffle ! Voilà sur qui j'aurais dû miser ! Non, ne dis rien ! Je ne suis sûr que d'une seule chose, c'est que désormais, tes turfs, tu peux te les carrer où tu veux !

Et il raccrocha violemment avant de pousser un lamentable soupir de déception. Liam sentit sa colère diminuer alors que sa tristesse augmentait. Ezra prit les devants.

- Je ne voudrais pas en rajouter une couche, mais nous sommes pressés, cher ami.

- Je ne le sais que trop bien ! gémit Hamar Chaktak, le responsable transporteur de Dukol-Yer Inc. Mais que voulez-vous, nous autres du peuple Herglic, nous avons le jeu dans le sang, et je ne fais pas exception à la règle… Enfin ! Vous avez raison, je manque à tous mes devoirs. Prenez place, faites comme chez vous !

La petite bande s'installa sur les canapés. Liam demanda avec un soupçon de méfiance :

- C'était qui, le type qu'on a croisé en arrivant ?

- Oh, vous parlez de Valka ? C'est mon chef mécano, il venait me faire un rapport sur l'un de nos appareils. Je sais qu'il n'est pas très avenant, mais il fait bien son travail, et je n'en attends pas davantage. Le baron Sheffield vous a-t-il parlé de l'affaire qui vous amène ici ?

- En effet, Hamar. Alors, il paraîtrait qu'on vous ait volé quelque chose !

À ces mots, l'énorme figure rosâtre du transporteur devint écarlate.

- Ces gredins s'imaginent qu'ils peuvent me voler comme ça mon vaisseau, avec ma marchandise et le personnel sous ma responsabilité ! Ils me le paieront cher, très cher, et c'est vous qui allez leur présenter l'addition !

- Holà, du calme ! rétorqua Canderous. C'est une opération de sauvetage, pas une boucherie-charcuterie !

- Oui, oui, oui, je sais, veuillez m'excuser !

Hamar Chaktak claqua du doigt, et un petit droïd tenant un plateau à bout de bras arriva bien vite, portant une demi-douzaine de verres à thé plein. Le Herglic se servit et vida à grandes gorgées bruyantes deux verres, coup sur coup.

- Oh, ça va mieux. Burp ! Enfin bref… servez-vous, ne vous gênez pas !

Comme aucun ne prit de verre, Chaktak reprit sans y faire attention :

- Regardez vous-mêmes !

Le Herglic pressa un bouton de l'accoudoir de son canapé. Sur l'écran incrusté dans le carrelage, l'image du champ de course se dissipa pour laisser place à un hologramme en trois dimensions. C'était un long vaisseau, dont toute la partie centrale était sectionnée en seize grands globes alignés en quatre rangées de quatre, deux sur chaque côté du vaisseau.

- Ils m'ont pris mon meilleur appareil, le Thêta 2Y, un vaisseau de transport de marchandises capable de stocker six cent mille tonnes métriques ! Il faut que vous me le récupériez !

- Oui, bien sûr, c'est simple comme bonjour ! répondit Canderous. Est-ce que vous avez au moins un plan, ou alors il faut qu'on vous en ponde un, là, tout de suite ?

- Ca va vous surprendre, maître Tal, mais il y a une piste à suivre.

- Vous avez une idée de qui contacter pour le retrouver ?

- Mieux que ça, jeune homme. Je sais où il se trouve ! Ils ne se sont même pas cachés, ces petits fumiers ! Ils sont en orbite autour de Tallaan !

- Alors pourquoi faire appel à nous ? On a du boulot, nous ! rétorqua Liam.

- Attendez… vous, le Jedi, vous refuseriez de m'aider ?

- Votre vie n'est pas en jeu, monsieur Chaktak !

- Celles de mon équipe le sont !

- Eh bien pourquoi vous ne prévenez pas la police de l'espace ?

- Vous n'y pensez pas ! Ils risqueraient de fuir à peine les vedettes à proximité !

- Non.

Liam était sûr de ce qu'il disait. Son expression assurée déstabilisa le commerçant.

- Désolé, monsieur Chaktak, mais ça ne prend pas, avec moi.

- Mais enfin, jeune homme, de quoi parlez-vous ?

- J'ai au moins deux bonnes raisons de douter de votre parole. La première, c'est que je ne suis pas né de la dernière pluie. Avant de commencer mon enseignement à l'Académie, j'ai quand même pas mal voyagé, et j'ai traîné avec beaucoup de gens pas très recommandables. Il m'est arrivé d'assister plusieurs fois à une descente de la police de l'espace. Ces gars-là sont des pros, des vrais, et quand ils sont à la poursuite d'un vaisseau, ils ne le lâchent pas. Ils réussissent à neutraliser les petites corvettes de pirates, alors un vaisseau de cette taille qui doit à peine avoir de quoi se défendre, pour eux, ce serait de la rigolade. Deuxième raison : vous savez que je suis un Jedi, donc vous savez également que j'ai la capacité de lire les émotions les plus évidentes. Et vous transpirez la gêne.

Le docteur Lohrn émit un petit sifflement, comme si de rien n'était, alors que Hamar Chaktak se mit à luire de sueur.

- Je… je ne vois pas de quoi vous…

- Bien sûr que si. Je devrais sentir de l'inquiétude pour vos hommes, de la colère pour cette attaque dirigée contre vous. Oh, ne vous en faites pas, je le sens très bien ! Mais je sens aussi de la gêne. Vous puez la gêne, monsieur Chaktak. Si vous n'aviez rien à vous reprocher, il n'y aurait pas cette gêne. Or, à tous les coups, cette émotion-là vient d'autre chose !

Chaktak était devenu rose pâle.

- On ne peut… rien vous cacher… jeune homme.

- Hé, c'est qu'il est quand même pas naïf, notre petit Jedi ! ironisa Canderous. Alors c'est quoi, votre vrai problème ? Votre femme est dans le vaisseau ? Une de vos maîtresses ! Non ! Elle est complice !

- Allons, maître Tal, n'allez pas trop loin ! Je vais vous dire, ce qui me gêne, puisque vous m'avez démasqué ! Je suis fait comme un rat womp, alors allons-y pour la page de mélodrame !

- S'il vous plaît, monsieur Chaktak, ne nous faites pas le coup de la vertu outragée, quand j'étais avec mon maître, j'ai vu ce numéro des dizaines de fois !

- Oui ! Bon ! Allez ! Si je suis aussi perturbé, c'est parce que ce sale coup vient au plus mauvais moment ! Cette livraison, c'était le « quitte ou double », l'affaire qui venait à point pour me permettre de me remettre dans la course après des semaines de calme plat !

- « Calme plat ? » répéta Ezra. La guerre contre l'Empire, vous appelez ça le « calme plat » ?

- Justement, depuis que la guerre a été officiellement déclarée, les Seigneurs de l'Expansion préfèrent recourir à leurs propres services militaires de soins ! Par conséquent, ils ne font plus appel aux transporteurs privés, comme Dukol-Yer Inc. Ce transport, c'était l'occasion de relancer un bon coup la boîte dont je suis moi-même actionnaire ! Or, si jamais cette lamentable histoire était rendue publique, à votre avis, que se passerait-il ? Plus de clientèle du tout ! La clef sous la porte pour l'entreprise, et la mise à la porte pour moi, au mieux ! Et je suis certain que la flicaille ne pourra pas s'empêcher de frimer devant les caméras ! Et du coup, c'est tout Dukol-Yer Inc. qui se noie dans l'océan si ça arrive ! C'est pour ça que la discrétion est vraiment, vraiment de rigueur !

- Ce n'est pas notre problème, Chaktak. Pourquoi on se donnerait du mal ?

- Parce que les dirigeants des plus grandes Maisons du Secteur vous regardent très attentivement, je vous rappelle ! Oui, Sheffield m'a mis au courant pour ça, aussi. Et n'oubliez pas que la réussite de cette mission sera décisive pour la suite !

Ezra soupira.

- C'est bien parce que vous avez raison et parce que vous êtes un partenaire efficace, cher ami. Bon, que pouvez-vous nous dire sur cet incident ?

- Je vais tout expliquer.

Un portrait en trois dimensions remplaça le schéma du vaisseau. Il représentait un Humain âgé d'une quarantaine d'années, au visage rougeaud, mais rasé de près, et les yeux un peu hagards.

- Voici Regul Stagamac, l'ingénieur en chef du Thêta 2Y. Nous savons déjà que le capitaine a été abattu, en vidéo et en direct. Par conséquent, il est désormais le maître à bord… si l'on excepte bien entendu la présence de ces maudits pirates !

- Vous disiez que vous savez où ils sont, rappela Dankin.

- Effectivement, mon ami. Ils volent tranquillement au-dessus d'un océan.

- Pourquoi ils n'ont pas déjà fichu le camp ?

- Parce que la prise d'otage a causé d'importantes avaries, qu'ils sont maintenant obligés de réparer. Et c'est là que ces voyous ne manquent pas de toupet. Pendant qu'ils obligent mon équipe à réparer leur foutoir, deux d'entre eux s'amusent à revenir sur cette planète pour proposer ma marchandise à mes concurrents !

Hamar Chaktak flanqua un coup de poing sur l'accoudoir de son canapé.

- Bon ! C'est simple ! Il suffit de mettre la main sur l'un d'eux et de le cuisiner !

- Que vous dites, maître Tal ! Si jamais le chef des pirates ne voit pas rentrer l'un de ses hommes, il ne va pas hésiter à l'abandonner et à prendre le large sidéral !

- Pour venir vendre vos médocs à vos concurrents, il faut bien qu'il fasse des allers-retours, non ?

- Oui, jeune Jedi. En fait, j'ai pu les suivre avec mon petit drone personnel. Il y a deux petits chasseurs qui vont et viennent du vaisseau à l'astroport.

- Parfait ! Donc, si l'un de ces deux vaisseaux se dirigeait tranquillement vers votre transport, personne ne s'en inquiéterait à son bord, pour peu que les pirates croient que c'est leur pote qui remonte à bord.

Le visage rosâtre de Chaktak s'éclaira.

- J'étais sûr et certain que je pouvais compter sur vous ! Voilà une excellente idée !

- Oui, enfin bon… on va faire ce qu'on peut.

- Un plan simple : on va prendre l'un de ces « vendeurs » en filature, et on va le coincer discrètement pour le faire parler. Comme ça, on aura leur plan, des infos précises sur leurs effectifs, et un de leurs vaisseaux !

Hamar Chaktak se leva péniblement, et gagna le bureau avec son ordinateur portable. Le bois du fauteuil craqua sous son poids, mais résista tant bien que mal. Le Herglic bougea la souris, et l'économiseur d'écran s'effaça pour laisser place à l'image légèrement floue d'une grande rue de Tallaan.

- C'est ce que mon drone observe à l'heure qu'il est. Et regardez qui est la vedette de notre émission.

La caméra suivait un grand personnage mince qui portait une combinaison jaune citron recouvrant son corps de la tête aux pieds. Son visage était dissimulé sous un masque respiratoire.

- Voici l'un des deux voleurs pourvoyeurs. En attendant que les autres aient réparé le vaisseau, il présentedes échantillons de bacta. Pour le moment, il marche vers l'astroport. Je suppose que son camarade va prendre le relais.

- C'est une excellente occasion de lui dire un petit bonjour, ricana Canderous. Bon, Dankin, j'aime autant que tu restes là pour le moment, car pour une filature, vaut mieux que ce soit fait par des gens qui ne se remarquent pas trop.

Le Togorien hocha positivement la tête. Liam demanda :

- Hé, m'sieur Chaktak, avec vos logiciels, il est possible de se brancher sur d'autres caméras ?

- En effet.

- Parfait ! Je vais rester ici, et vous aider à pister votre bonhomme, et faire gaffe à ce qu'il n'y ait pas d'embrouilles genre les flics ou d'autres ennuis.

Ezra parut satisfaite.

- Ca me va. On y va, Canderous ?

- C'est parti !

Vingt minutes plus tard, le mercenaire et la doctoresse étaient assis sur un banc, non loin de l'entrée publique de l'astroport.

- Canderous, Ezra, vous m'entendez ?

- Oui, fiston. Où on en est ?

- Le drone de Chaktak vient de repérer l'autre pourvoyeur, qui vient de se poser.

- Décris-le, ordonna Ezra.

- Il porte lui aussi une combinaison intégrale, mais plutôt dans les tons rouge sombre. Il a aussi un masque respiratoire avec un petit compartiment dans le dos. Il doit respirer autre chose que de l'oxygène. Il se dirige vers la sortie, il ne va pas tarder à être dehors.

- Je le vois !

En effet, un personnage correspondant à la description du jeune homme franchissait les portes automatiques. Il tenait une grande mallette montée sur coussin antigrav. Au-dessus de lui, Ezra put voir une petite sphère métallique montée sur des réacteurs miniatures, et devina qu'il s'agissait du drone de Chaktak.

Le pourvoyeur héla un taxi et monta dedans. Ezra et Canderous empruntèrent rapidement le taxi suivant. Au bout d'une demi-heure de trajet, ils entrèrent dans le quartier des affaires de la ville. L'homme en combinaison entra dans un grand bâtiment moderne, qui portait une enseigne lumineuse : Cargos Consolidés Inc.

- Un de mes plus gros concurrents ! pesta la voix de Chaktak dans le communicateur.

- Bon, on va attendre qu'il sorte.

Quelques minutes plus tard, le pourvoyeur sortit, traînant sa valise antigrav. Cette fois, moins pressé, il prit le métro aérien. Canderous et Ezra le suivirent discrètement, montant dans le dernier wagon. Comme ils s'y attendaient, leur proie descendit à la station d'arrêt de l'astroport. Le pirate s'arrêta à un passage pour piétons, attendant de pouvoir franchir la file des taxis, bus et autres véhicules qui séparait la gare de l'entrée de l'astroport.

Canderous n'hésita pas une seconde. Il se cala juste derrière el pourvoyeur, et posa fermement le canon de son blaster lourd entre ses omoplates.

- Salut, mec. Pas un bruit, pas un mot, pas un geste, pas de bobo, d'accord ?

Le personnage ne bougea pas. Il marmonna juste :

- Tu fais une bourde, mon gars.

- Je ne t'ai pas demandé ton avis, mais de la boucler et de me suivre. C'est une prise d'otage préméditée.

- C'est bon, mec, t'énerve pas.

Le convoyeur ne protesta pas davantage, et se contenta de ramener les bras le long du corps. Très doucement, il étira ses doigts, tirant sa main en arrière. Il enclencha un petit mécanisme caché dans sa combinaison, et une lame escamotable jaillit de l'intérieur de sa manche. Ce détail n'échappa pas au Mandalorien qui ouvrit le feu sans hésiter. Le pirate tomba en avant, étourdi par l'onde paralysante.

- Je l'avais prévenu. Tous au Vandread !

Dans la soute du Vandread¸ Ezra, Dankin, Canderous et Liam étaient rassemblés autour de leur prisonnier, toujours inconscient. Quand le Mandalorien eut fini de le fouiller, il y avait sur le plancher métallique une vibro-lame, un câble d'étrangleur et un blaster lourd que Dankin ramassa. La doctoresse se frotta les mains.

- Canderous, tu peux garder ce gugusse à l'œil ? J'aimerais savoir ce qu'il y a dans cette valise, même si j'ai déjà des soupçons.

Le Togorien l'examina attentivement, et la renifla.

- Elle n'a pas l'air piégée. On peut y aller !

Ezra ouvrit le caisson. Comme ils s'y attendaient, il y avait bien deux grandes bonbonnes d'acier dans l'habitacle renforcé, recouvertes de bulles de condensation. Sur les cylindres polis était peint le symbole chimique du bacta.

- Je suppose qu'il s'agit d'un échantillon de la marchandise.

- T'es sûre que c'est sa marchandise ? demanda Canderous par-dessus son épaule. Si ça se trouve, c'est de la marchandise volée !

- Possible, mais c'est pas notre problème.

- T'es sûre, Ezra ? s'enquit Liam. Après tout, en tant que Jedi, c'est notre boulot de régler ce genre de problème !

- « Ton » boulot, Liam. Seulement « ton » boulot. Moi, mon boulot, c'est de travailler dans l'intérêt des Calipsa, pas de faire le boulot des policiers. Et puis, nous n'avons pas de temps à perdre à faire une enquête.

Liam soupira.

- Ca m'ennuie, mais t'as raison, cette fois.

- Hé, y a un malaise !

Pendant que le docteur Lohrn et Dankin s'étaient affairés sur la valise, Canderous avait commencé à déshabiller leur prisonnier. C'était un individu à la peau d'ébène, aux muscles nettement dessinés, et dont la respiration s'accélérait progressivement sous son masque que le mercenaire n'avait pas encore arraché. En effet, quelque chose d'autre avait attiré son attention : l'épiderme du prisonnier changeait de couleur à vue d'œil, blanchissant de plus en plus. Pire encore, quelque chose semblait compresser les bras et le torse.

- Oh-ho !

L'humanoïde se redressa d'un seul coup, et grinça de douleur en essayant de reprendre son souffle. La doctoresse se rappela subitement d'un cours qu'elle avait suivi où elle avait entendu parler d'un être similaire à celui-ci.

- Remets-lui vite son costume !

- Hein ?

- Fais ce que je te dis !

Canderous s'empressa de rajuster la combinaison du non-Humain. Celui-ci expira bruyamment, se laissa tomber sur le dos, avec un soupir de soulagement. Ezra expliqua :

- C'est un Skakoain, il ne supporte pas l'atmosphère de type I, celle que la plupart des créatures vivantes comme nous inhalent. En plus, la pression atmosphérique standard les écrase. Ils sont obligés de porter des combinaisons pour la supporter.

- Donc, le fait de lui retirer sa combi ici peut le tuer ? demanda Liam, inquiet.

- Tu viens d'en avoir la preuve par neuf, répondit Ezra.

- Argh…

Le Skakoain revenait lentement à lui. Immédiatement, Canderous braqua son blaster lourd vers sa tête, mais Liam était plus tranquille. Le malheureux n'était pas en état de résister efficacement. Avec un sourire malveillant, Canderous minauda :

- C'est bon, mec ? Tu reviens à toi ?

- Oh…

- D'accord. Tu vois dans quelle panade tu te trouves, en ce moment ? T'as essayé de faire une connerie. Une grosse connerie. Quand on essaie de planter un pro, faut être sûr de soi, sinon on a une mauvaise surprise.

- Aïe…

- Bon. On va commencer par le commencement. C'est quoi, ton petit nom ?

Le Skakoain se redressa péniblement. Son masque rendait sa voix étouffée et assez rocailleuse.

- Ce serait… imprononçable… dans ta langue, mec.

- D'accord… alors on va t'appeler « Joe ».

Ezra sortit le micro de son bloc de données pour enregistrer le témoignage de Joe.

- Alors, qu'est-ce que tu peux nous dire sur ton boulot ?

- Je suis qu'un mercenaire.

- Moi aussi, alors on est deux, rétorqua Canderous. Qui t'emploie ?

- J'en sais rien, mec. Connais pas son nom ni sa tronche. Il n'a donné ses directives que par messages audio, avec modification vocale.

- Ouais, c'est un pro, lui aussi. Et pourquoi t'es payé ?

Comme Joe gardait le silence, le docteur Lohrn se craqua les doigts, et demanda évasivement :

- On devrait peut-être te faire faire un strip-tease, qu'est-ce que tu en dis ?

Joe ne répondit rien, mais il serra les poings. Liam, par contre, ne resta pas sans réagir.

- Mais t'es cinglée, ou quoi ?

- Tu connais l'adage, Liam, « aux grands maux… »

- Je finirai par croire que t'as raté ta vocation ! T'es censée aider les gens à rester en vie, pas à clamser !

- Arrête, tu crois vraiment qu'on a le luxe de…

- Oui, j'en suis sûr ! Ce genre de moyen de persuasion est à oublier, à interdire, à dégueuler, même ! Bon sang, si tu faisais partie de l'Ordre, je…

- Tu oublies que je ne fais pas partie de l'Ordre.

- C'est pour ça que je ne n'hésiterai pas à t'empêcher d'user ces moyens-là !

- Dites, tous les deux, vous croyez vraiment que notre crédibilité vis-à-vis de notre victime va continuer à peser ? Plus ça va et moins il va nous prendre au sérieux !

Après une rapide lecture psychique, Liam fut convaincu du contraire. Même si sa tenue intégrale empêchait de le voir, Joe transpirait la panique, craignant sans doute que les deux adultes missent leurs menaces à exécution. Le Skakoain s'exclama :

- Pour retenir l'équipage du Thêta 2Y ! On capture le vaisseau, on fait le plein, pendant ce temps je prospectais quelques acheteurs potentiels !

- Tu veux dire « moi et mon pote, on prospectait ». On a suivi l'autre type en combinaison jaune. Et donc, quand est-ce que ton pote doit revenir ?

- Il reviendra pas. J'allais effectuer la dernière vente avant qu'on ne se casse ailleurs.

- Eh bien c'est parfait ! On va te garder avec nous le temps de régler cette affaire à notre façon.

- De quoi tu parles, mec ?

Le mauvais sourire de Canderous s'allongea.

- Rien de personnel, duschmoll, mais nous, on est payé pour foutre en l'air votre plan. Alors tu vas rester sagement ici en attendant qu'on te livre à la flicaille. Pour m'assurer que tu te conduises bien, je ne bougerai pas de ce vaisseau pendant que les autres feront ce qu'ils auront à faire. Et estime-toi heureux que le gosse soit avec nous, sans quoi j'aurais volontiers fait ce que le bon docteur a suggéré, histoire de m'assurer que tu ne joueras pas au petit héros !

Le petit vaisseau écarlate en forme de poisson fendait l'air glacé de la planète Fedrana. Les montagnes neigeuses étaient partiellement dissimulées sous une chape de brume neigeuse, mais les rayons du soleil au zénith éclairaient tant bien que mal les cieux. La conduite de l'appareil n'en était pas pour autant affectée, grâce à l'efficacité de ses senseurs dernier cri.

- Ah, il faudrait vraiment que je pense à m'offrir des vacances aux sports d'hiver. Qu'est-ce que tu en penses, Morgreed ?

- Très drôle. Je suis mort de rire, ha ha ha !

Le Barabel, que le froid rendait maussade, n'avait pas le cœur à rire. Sa petite protégée était de meilleure humeur, et afficha un beau sourire en s'adressant à la capitaine.

- C'est très gentil à vous d'avoir accepté de m'emmener, Taava !

- Tu ne penses pas que j'allais te laisser tomber ! Cela dit, j'aurais pas été contre des nouvelles de temps à autre…

- Je dois vous paraître bien ingrate.

- Allez, ne t'en fais pas, ton message était très clair. Quand tu as parlé de « malfaiteurs à l'échelle galactique », j'ai tout de suite pensé au Soleil Noir.

- Croyez-moi, je ne voulais pas prendre le risque de vous mettre en danger.

- J'apprécie, franchement, petit bouchon.

- N'avez-vous donc pas peur d'eux ?

La jeune Togruta lâcha les commandes, et se tourna vers Chi'ta.

- Tu sais, je crois que je n'ai pas trop de soucis à me faire de ce côté-là. Attends, ne fais pas la grimace, je t'explique : je n'ai pas toujours été marchande d'armes. Avant, j'étais sur le terrain, et j'ai déjà observé une de leurs opérations de nettoyage, de loin. Donc, quand on parle d'eux, je sais à quoi m'attendre.

- Ah… et ça ne vous effraie pas de savoir qu'ils vont maintenant vous considérer comme complice par rapport à moi ?

- Chi'ta, Chi'ta, ils me connaissent déjà ! Je te rappelle que je suis devenue fournisseur de XTS ! J'ai même été draguée par un de leurs vigos !D'ailleurs, si ça se trouve, avant de rencontrer ce cornichon de Sprax, j'ai déjà vendu des armes à certains de leurs intermédiaires sans le savoir. Mais avant de t'affoler, dis-toi bien ceci : officiellement, XTS vient de faire banqueroute depuis la disparition de son PDG. Toutes ses activités ont été rachetées par des entreprises diverses. Cette cellule du Soleil Noir n'existe plus – en tout cas, plus en tant que telle. J'ai perdu un client, et après ? Leur intermédiaire est venu me voir juste avant la fermeture officielle, et m'a simplement expliqué que nos affaires allaient s'arrêter là, avec tous leurs remerciements. Tous les deux, on est issus du « milieu », donc on a parfaitement été d'accord sur ce point : j'ai été un bon fournisseur, discret et efficace, on se quitte bons amis, tant que je la ferme, il ne m'arrivera rien de leur part. Si je peux encore leur être utile sans compromettre leurs activités, ils n'ont aucun intérêt à m'éliminer.

- Mais… auriez-vous continué à fournir XTS, même en sachant quelles étaient leurs véritables activités ?

- La question ne se pose pas, puisqu'ils se sont barrés dès que vous les avez grillés. Mais au risque de te décevoir, petit bouchon, je suis une commerçante. Sprax était un de mes meilleurs clients. Je vends des armes. Tant que le client me paie, ce qu'il fait de la marchandise ne me regarde pas.

La jeune padawan ne répondit pas. Bien sûr, elle n'aimait pas trop ce point de vue, mais tenta tant bien que mal de le comprendre, de le tolérer, à défaut de l'accepter. La Togruta montra du doigt la flèche du Tombeau.

- Regarde, on y est ! Apparemment, il n'a pas bougé depuis la dernière fois.

Le Cœur de Shili se posa à proximité de l'entrée de la grande construction. Il faisait plus froid qu'à leur précédente visite. C'était la fin d'après-midi, et la neige tombait à gros flocons. Le ciel et la terre avaient la même couleur. Morgreed regarda à travers le hublot du cockpit, inquiet.

- T'es sûre que c'était une bonne idée, petit chou ?

- C'est la meilleure qui me soit venue, en tout cas.

- On aurait peut-être dû quand même prévenir les Fedraniens, non ?

La jeune fille se tourna vers le Barabel, avec un sourire bienveillant.

- Maître Morgreed, je vous assure que tout ira bien. La situation est trop pressante pour que nous perdions encore du temps à faire le « pèlerinage ». Je doute que Maître Blackstorm m'en tienne rigueur, il a dû ressentir les perturbations causées par les Kathols, et de toute façon, il n'approuve pas cette déification. Nos amis risquent leurs vies pour unir le Secteur Tapani, je peux très bien entrer dans le Tombeau du Veilleur pour savoir où nous devrons mener nos investigations.

Elle avait dit ces quelques phrases avec une telle assurance que le gros serviteur ne pensa même pas à protester. Taava ne cacha pas son étonnement.

- Tu m'épates ! Je ne sais pas précisément ce qui t'est arrivé depuis notre dernière entrevue, mais une chose est sûre, ça t'a sacrément fait mûrir !

- Disons que j'ai eu un petit aperçu de la vie d'aventurier. Allez ! Je dois y aller, maintenant.

Elle sauta prestement du siège, et se dirigea vers le sas de sortie. Elle ouvrit le petit placard métallique dans lequel elle avait entassé ses affaires, et passa la combinaison isolante à ses mesures, mit ses lunettes étanches et son cache-oreilles.

- Je le sens pas.

- Que dites-vous, maître Morgreed ?

- J'ai un mauvais pressentiment. Comme si quelque chose de vraiment pas drôle allait se passer dans un futur proche.

- Pour le moment, je ne ressens rien de tel. La Force ne me dit rien.

Elle finissait de resserrer les bandes protectrices qu'elle avait enroulées autour de ses pieds. Enfin, elle se sentit parée à affronter les quelques mètres de marche sous la neige. Elle entendit encore Morgreed derrière elle. Il semblait très inquiet.

- T'es sûre que ça ira ?

- Mais oui, maître Morgreed ! Ne vous en faites pas.

- Tu sais que tu n'as qu'un mot à dire pour que je vienne avec toi ?

La jeune fille se rapprocha du Barabel, et sourit de plus belle.

- Maître Morgreed, c'est très délicat de votre part de manifester une telle attention à mon égard, mais je vous le répète : il n'y a aucune raison de vous inquiéter pour moi ! Tout ce que j'ai à faire, c'est de descendre du vaisseau, franchir la cinquantaine de mètres qui nous sépare du Tombeau, aller jusqu'au caveau, méditer le temps qu'il faudra pour entrer en contact avec l'esprit de Duncan Blackstorm, lui demander où trouver Ageer, et revenir ici aussitôt. Nous savons qu'il n'y a personne dans les alentours, le tombeau est bien fermé, je ne ressens aucune menace ni dehors, ni dedans… où serait le problème ?

- Je sais, petit chou, je sais… C'est juste que…

Brusquement, le serviteur s'effondra sur l'une des caisses, enfouissant son crâne entre ses énormes pognes, tout bouleversé. Chi'ta en fut estomaquée. Elle s'assit à côté de Morgreed.

- Maître Morgreed ?

- Ce… ce n'est rien… Je suis… désolé.

- Oh, il ne faut pas vous mettre dans cet état !

- Je sais, je suis lamentable… oh, qu'est-ce que tu dois penser de moi ?

- Que vous êtes quelqu'un de particulièrement fidèle, et courageux. Depuis plus de huit mois que je vous connais, je vous ai vu braver des dangers mortels, affronter de redoutables adversaires, protéger l'un ou l'autre d'entre nous, le tout sans jamais hésiter, et toujours avec une parole rassurante ou une plaisanterie pour nous détendre. Mais avant tout, vous êtes un être vivant.

La petite Drall appliqua sa paume sur la poitrine de Morgreed.

- Malgré ce que doivent penser bon nombre de personnes pleines d'a priori, vous avez vous aussi un cœur qui bat, là-dedans. Après tout ce que nous avons traversé, je ne vous ai jamais vu perdre votre sang-froid. Mais la pression monte, encore et encore, et pèse sur ce cœur. Il y a forcément un moment où l'on arrive à saturation. C'est normal, je ne vous considère pas pour autant plus faible.

Le Barabel tourna la tête vers la jeune fille, l'air misérable.

- Pendant des décennies, j'ai pété des crânes à tour de bras. J'ai pris des coups, mais je les ai toujours encaissés, contrairement à tous ceux qui sont passés sous le fil de ma vibro-hache. J'ai tué des tas de gens, et j'y ai souvent pris plaisir. J'adore me battre, c'est mon métier et je le fais en m'appliquant. Mais tout a changé quand j'ai rencontré ma Maîtresse.

- Vous savez, je crois que Dame Liryl a changé la perception du monde de beaucoup de gens, moi comprise.

- Peut-être, mais le fait de voyager avec elle m'a fait prendre conscience de quelque chose : quand je protégeais les gens, c'était des contrats, rien de plus. Je n'ai protégé que par souci du travail bien fait. Et je ne me suis jamais attaché à personne. Ne jamais mêler boulot et sentiments personnels envers le client, ça fait partie du métier. On a moins de tristesse s'il y a un problème. J'ai perdu un client, une fois ou deux. Ces choses-là arrivent, et dans ce milieu, ça peut te mettre au chômage pour longtemps. J'ai toujours réussi à me refaire, l'univers est assez vaste. Et puis, un jour nos routes se sont croisées. On a fait un bout de chemin ensemble... et je me suis rendu compte que je tenais beaucoup à toi, petit chou.

Chi'ta ouvrit de grands yeux, ébahie, et sincèrement touchée par cette déclaration.

- Oh, maître Morgreed…

- Oui. Comme jamais je ne m'étais attaché à quiconque. Quand j'ai vu cette lavette de Don Nycator avec son couteau sur ta gorge, c'est là que j'ai compris que je ne pouvais pas laisser quelqu'un te maltraiter. S'il t'avait fait du mal, je lui aurais arraché la tête à coups de dents en me foutant des conséquences. Et j'ai compris ce que Dame Liryl a dit quand elle me parlait d'un autre but dans la vie.

- Un autre but ?

- Y a pas longtemps, elle m'a dit que je devais penser à mon avenir, car il y aurait un moment où elle n'aurait plus besoin de moi. C'est peut-être ça, que je veux faire. Protéger quelqu'un non pas pour gagner de l'argent, mais pour préserver une vie à laquelle je me suis attaché.

Ces paroles déstabilisèrent davantage la petite padawan. Mais elle n'y sentait que sincérité.

- Je… j'avoue que… même si je ressentais déjà votre… attachement, je ne pensais pas pouvoir un jour… vous voir aussi… authentique. Est-ce que je mérite vraiment une telle… consécration ?

- Même si tu étais la dernière des mendiantes, ça ne changerait rien, pour moi. Je te protège parce que telle est la volonté de Dame Liryl, et parce que tu as un rôle important à jouer dans un avenir proche. Mais la raison principale est que... je tiens à toi, point barre. C'est la première fois que je tiens autant à une autre vie que la mienne. Je tenais à ce que tu le saches.

- Vraiment, je suis très émue.

- Je n'ai pas envie de te rabaisser, de te considérer comme une gosse toute ta vie. Quand tu seras une vraie Dame Jedi, tu n'auras plus besoin de personne.

- Bien sûr que vous ne voulez pas m'infantiliser, je le sens bien. Vrai, d'ici quelques années, je serai capable de prendre soin de moi par mes propres moyens, mais pour l'heure, je suis très heureuse de pouvoir compter sur vous.

La jeune fille posa une petite bise sur la joue rugueuse du Barabel, qui répondit d'un pauvre sourire.

- Bon, je dois y aller, maintenant.

- Est-ce que… je peux au moins t'accompagner jusqu'à la porte ?

- Vous n'avez pas de quoi vous couvrir ? Vous pensez résister à la basse température ?

- Quelques minutes dehors, j'ai connu pire !

- Alors, allons-y.

Ils se relevèrent, et se dirigèrent vers la plate-forme de sortie. Le Barabel appuya sur le bouton d'ouverture, abaissant la rampe. Déjà le vent sifflait dans la soute. Avec un grondement décidé, le Barabel passa le premier, bras croisés devant son visage, creusant un chemin dans l'épaisse couche de neige. Chi'ta le suivit sans difficulté. Quelques minutes plus tard, après une avancée pénible, ils étaient devant la grande double porte. Le Barabel tira les poignées sans hésiter, l'ouvrant en grand. La jeune fille franchit le porche, talonnée par Morgreed qui claqua vite les portes derrière eux.

Une fois de plus, ils étaient dans la grande salle à la mosaïque. Le Barabel s'assit par terre pour reprendre son souffle. La petite Drall laissa tomber ses vêtements, gardant juste son gilet, et s'approcha de la colonne. Elle démonta délicatement son sabre-laser, et inséra le cristal vert dans la petite ouverture de la colonne. Le passage secret de la mosaïque s'ouvrit.

- Je reviens aussi vite que possible, je vous le promets.

Morgreed ne répondit rien. La jeune fille passa le seuil, entra dans le couloir, marcha jusqu'à la plate-forme de bois. Elle fit sonner le gong, et descendit jusqu'au caveau.

Une surprise de taille l'attendait.

- Par le Grand Fouisseur !

Il n'y avait plus rien. La table de marbre blanc avait disparu. Plus aucune trace non plus des objets personnels de Blackstorm. Et le cercueil s'était littéralement envolé. Chi'ta entra dans la salle basse, jetant des regards de plus en plus perplexes autour d'elle.

- Non… non ! Mais c'est impossible ! Que s'est-il passé ?

Elle essaya de se calmer, elle ferma les yeux, espérant voir quelque chose visible seulement par l'esprit… mais elle ne vit rien de plus.

- Le Veilleur est parti.

La jeune fille sursauta. C'était une voix féminine, plutôt fluette, avec un léger accent, qui venait de parler. Elle se retourna, et vit une Fedranienne. Immédiatement, elle perçut une présence dans la Force, ce qui ne la surprit guère, étant donné que seules les personnes réceptives à la Force pouvaient franchir le champ de protection de la mosaïque. Elle ne ressentait pas la noirceur du Côté Obscur, mais une chaleur apaisante. C'était une femme à peine plus grande qu'elle, sans doute pas âgée de beaucoup plus d'années, aux cheveux lisses noir de jais noués en longues nattes, au teint rougeaud et aux joues rondes. Elle portait un collier fait avec de longues dents enfilées autour d'un cordon de cuivre par-dessus ses épais vêtements rembourrés de cuir tanné.

- Oh… Je viens en amie, je vous le jure. Mes intentions ne sont pas hostiles.

- Je n'en doute pas. Votre grand protecteur a bien voulu me laisser descendre.

- Je vous ai déjà vue, je crois ?

- Oui, servante de la Force. Je m'appelle Caya.

- Oui ! Je me souviens de vous, à présent. Vous parlez le basic ?

- Lah-Köl m'a enseigné après votre précédente venue, à ma demande.

- Vous avez appris à une vitesse stupéfiante pour une excellente maîtrise !

- Merci à vous, voyageuse.

- Si vous avez pu descendre jusqu'ici, cela signifie que vous êtes sensible à la Force ! Vous en êtes consciente ?

- Absolument. En fait, Mère Talia me l'a dit peu après votre départ. Votre venue l'a poussée à m'en parler, quand je lui ai dit que j'avais ressenti quelque chose de très particulier par rapport à vous, et à votre jeune ami Humain. J'aurais aimé pouvoir en discuter avec vous, mais je n'ai pas osé sur l'instant. J'avais peur de votre réaction, et vous aviez déjà fort à faire avec le pèlerinage.

- Ce n'est pas grave, l'essentiel est que vous ayez compris cet état des choses, et que vous l'ayez accepté.

- Maintenant, je dois trouver quelqu'un comme Maître Blackstorm pour m'apprendre à exploiter au mieux ce potentiel, je suppose.

- Sans doute. Qu'est devenu Maître Blackstorm ?

Caya baissa la tête, un peu gênée.

- Il y a quelques temps, Mère Talia a eu une nouvelle vision. Elle a senti de grands remous dans la Force, et nous a dit que le fantôme du Veilleur lui a parlé des créatures surgies du fin fond de l'univers pour se venger de leur chute, elle y a vu le signe de ce qu'elle appelait la « Fin des Temps ». Elle a organisé son grand départ vers un niveau de conscience supérieur.

- Vous… vous ne voulez pas dire que… oh non !

- Hélas... Elle a fait un suicide rituel à base de plantes hallucinogènes hautement toxiques. Puis nous l'avons immolée sur un bûcher trois fois béni, avant de répandre ses cendres dans les montagnes. Le moins triste, c'est que ça s'est fait sans douleur, et qu'elle a cessé de souffrir.

- Vous pensez qu'elle souffrait ?

- Pas vous, jeune voyageuse ? Voyons les choses en face : contrairement à Lah-Köl, je ne me plie pas aux mysticismes de mon peuple. Depuis que j'ai appris que la Force m'a appelée, j'ai décidé d'aller au-delà de nos préceptes religieux, qui ressemblaient de plus en plus à un carcan pour moi.

- Et… où est Maître Blackstorm, maintenant ?

- Il m'est apparu le lendemain du décès de Mère Talia, et m'a demandé de faire ce qu'il voulait depuis sa disparition du pallier matériel : un enterrement simple sur Coruscant. Alors, j'ai fait déplacer son corps discrètement, avec l'accord des Fedraniens, en expliquant que telle était sa volonté. Maintenant, il est sous une pierre tombale ordinaire dans un cimetière ordinaire sur son monde natal. Comme il le souhaitait. Et maintenant que vous êtes là, vous êtes l'occasion que j'attendais pour m'en aller d'ici.

- Maintenant ? Pourquoi ne pas avoir rejoint le Praxeum auparavant ?

- Je n'ai pas voulu prendre le risque d'abandonner les miens à la merci d'une femme à l'esprit tourmenté et fabulateur, et d'un soi-disant guide spirituel qui a gobé toutes ses histoires. Et puis, les navettes passant par ce monde sont très rares.

Soudainement, la jeune fille fut prise d'admiration envers Caya. Cette Fedranienne semblait prête à renier la culture de son peuple pour suivre ses convictions.

- Vous pensez pouvoir quitter les vôtres, à présent ?

- Lah-Köl se fait vieux, et maintenant que Mère Talia est partie, les jeunes adultes émettent des doutes, mais je n'ai pas envie de rester ici plus longtemps.

- Mais… et votre famille ? Vos amis ?

- À cause des grands prédateurs des glaces, je n'ai plus de famille depuis longtemps. Quant à mes amis… je n'ai pas vraiment d'amis, ici. Ma résonance avec la Force m'a toujours mise mal à l'aise vis-à-vis des autres. Or, si vous m'emmenez près des vôtres, je pense que je me sentirai enfin intégrée à un groupe.

La jeune fille remua le nez, et sa moue réflexive se mua en un petit sourire.

- Ma foi, je ne vois pas pourquoi je m'opposerais à une telle motivation. Si telle est votre volonté, nous pouvons vous emmener sur Yavin IV, et vous pourrez rencontrer les membres du Conseil qui vous aideront à prendre une décision.

Caya semblait soulagée d'avoir parlé, et reçu cette réponse. La jeune fille décela même une petite larme glisser sur sa joue. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'être contrariée.

- Que puis-je faire, moi ? J'avais juste une question à poser à Maître Blackstorm…

- Je peux peut-être vous aider ?

- J'ai bien peur que non, Caya. À moins que vous ne sachiez où le Maître de Maître Blackstorm s'est fait occire.

Sans surprise pour la jeune Drall, la Fedranienne secoua la tête.

- Bon, ne perdons pas de temps. Remontons, je trouverai bien un autre moyen.

Une fois dans le hall, les deux filles retrouvèrent Morgreed qui finissait de se réveiller. Le Barabel bâilla à s'en décrocher la mâchoire.

- Vous n'avez rien remarqué de suspect ? demanda Chi'ta.

- Absolument rien, petit chou.

Rassurée, elle répondit :

- Vous voyez ? Tout ce qu'il vous fallait, c'était une petite pause.

- Je dois être trop nerveux. Ces années de bastons, et maintenant ces adversaires mystérieux et effrayants, ça finit par me rendre paranoïaque.

- C'est le lot de ceux qui affrontent l'inconnu, maître Morgreed.

- Tu as la réponse à ta question ?

- Malheureusement, ce n'est pas ici que je la trouverai, je le crains.

Tout en parlant, Chi'ta retira délicatement le cristal de son sabre-laser de l'ouverture taillée dans la colonne. Toutes les petites pierres taillées qui composaient la mosaïque se remirent en place.

- Bon, au moins, tu auras essayé ! Et alors, que faire, maintenant ?

- Nous allons devoir retourner sur Yavin IV, et éplucher toutes leurs archives. Mais j'ignore combien de…

- Oh ! s'exclama Caya en montrant la paroi du doigt.

Morgreed jura dans sa langue natale. La jeune Drall écarquilla les yeux. Le dessin de la mosaïque avait changé. Il ne s'agissait plus du tout d'une représentation de Duncan Blackstorm, mais d'une sorte de diagramme. C'était une série de cercles concentriques, chacun orné d'une ou plusieurs sphères de toutes tailles. Une sphère plus grande cerclée d'un motif en dents de scie constituait son centre. Un autre cercle était constitué de dalles vertes, quand tous les autres cercles étaient en brique rouge. Morgreed réfléchit à haute voix.

- Qu'est-ce que c'est que ce charabia ?

- Mais oui, bien sûr ! s'exclama la petite Chi'ta. C'est Maître Blackstorm ! Même si son corps physique n'est plus là, son esprit a dû ressentir ce que j'espérais de lui, et a pu m'envoyer sa réponse !

Enchantée, la jeune fille se dressa devant le diagramme, étendant ses bras comme pour l'englober. Devant l'air interrogateur de Caya, elle continua :

- Vous ne comprenez pas ? Ceci est la représentation d'un système solaire ! Et ce cercle de couleur différente représente l'endroit que nous cherchons !

- Pourriez-vous… m'expliquer ?

- Certainement, Caya : cette planète, c'est celle où Maître Ageer a été assassiné ! Une fois que nous aurons retrouvé dans les dossiers du Bureau Officiel des Services Stellaires le système ayant précisément cette configuration, nous retrouverons ce monde !

Le Barabel rugit d'excitation.

- T'es géniale, petit chou !

- Attendez, j'ai quelque chose pour recopier ce dessin.

Caya sortit de sa besace un parchemin et un bâtonnet de charbon, s'assit par terre et prit quelques minutes pour reproduire soigneusement la mosaïque. Chi'ta s'accroupit à ses côtés.

- Caya, vous venez de faire vos premiers pas sur le sentier des Jedi.

- Merci, jeune voyageuse.

- Appelez-moi Chi'ta.

- Et moi, je maintiens que c'est une idée vraiment passable ! se plaignit la voix étouffée de Liam.

- Fallait bien qu'on te mette quelque part ! Déjà que le cockpit de cet appareil n'est prévu que pour une personne…

Coincée entre les genoux de Dankin, le docteur Lohrn pilotait tant bien que mal le petit chasseur de classe Manta volé à Joe le Skakoain. Liam n'avait eu d'autre solution que de se caler dans la soute à bagages. Malgré sa petite taille et sa carrure légère, il se sentait très à l'étroit. La voix de Canderous ricana à travers la radio :

- Et encore, t'as du bol ! Les Cragmoloïds ou les T'landa Til sont aussi encombrants que les Togoriens, sauf qu'en plus, ils puent !

- Facile à dire de là où t'es, Canderous !

Le Vandread suivait à bonne distance le chasseur, le mercenaire à son bord. Joe était solidement attaché et enfermé dans une cantine entrouverte. En quelques minutes, le chasseur volé arriva à proximité du cargo Thêta-2Y. Comme ils avaient pu s'en rendre compte en visionnant l'image holographique chez Chaktak, c'était un long vaisseau fin comportant d'énormes sphères en son centre, où le bacta était stocké. Alors qu'ils approchèrent de l'arrière de l'appareil, ils virent la cloison latérale s'ouvrir. Cela étonna le Togorien.

- Ils ne font pas d'appel radio ?

- Moins de risques de se faire capter par la police de l'espace… cette erreur va leur coûter très cher !

Le petit chasseau se posa sans dommage dans le hangar, près de l'autre. Ezra descendit rapidement, suivie de Dankin qui ouvrit la soute d'où le jeune homme s'empressa d'émerger.

- Ouaouh ! Galère, j'ai des courbatures partout !

- Va falloir faire avec, Liam. Et à partir de maintenant, tout le monde se tait.

Dankin saisit son arbalète, et Ezra empoigna son blaster. Liam, quant à lui, avait déjà sorti son sabre-laser, prêt à l'allumer.

- Il y a probablement des caméras de sécurité, il faudrait qu'on puisse y accéder.

- Là, il y a un terminal, dans le coin.

Le docteur Lohrn s'approcha du petit panneau, et brancha son propre ordinateur. Quelques manipulations plus tard, elle avait téléchargé le plan du vaisseau et piraté les caméras de manière à ce qu'elles diffusent les mêmes images en boucle.

- Bon, voici comment on va faire. D'abord, on va traverser sur la pointe des pieds le long couloir d'accès aux cuves. Ensuite, on franchit la première porte, celle qui mène aux quartiers d'équipage. Il y aura probablement un de ces gusses ou deux sur le chemin. Une fois entrés, on verrouille la porte vers les cuves, histoire que personne ne s'échappe, et on fait le ménage dedans. Ca marche ?

- Dans la mesure du possible, tâchons de ne tuer personne.

- Ce sont des pirates, Liam !

- D'après Chaktak, mais je me méfie de sa version. Enfin bon, tant qu'ils attaquent avec des armes mortelles les premiers, je n'ai rien à dire. Allez, je passe devant.

Liam ouvrit la porte d'accès, et hésita un peu. Devant lui se trouvait une longue passerelle d'une bonne centaine et demie de mètres au bas mot. Elle était suspendue au milieu d'un assemblage d'énormes globes de métal, les cuves à bacta. Malgré l'éclairage faible, il repéra la caméra au-dessus de la porte d'en face. Le bruit de circulation des liquides de refroidissement était si fort qu'il n'entendait pas le bruit de ses semelles résonnant sur le pont. Quand ils se retrouvèrent tous devant la double porte d'en face, le jeune homme leva la main.

- Quand j'ouvrirai la porte, il faudra agir vite. Laissez-moi une seconde… oui, je sens quelqu'un derrière, un peu plus loin sur la droite. Prêts ?

- Vas-y, ouvre !

Liam tira la poignée, et les portes s'écartèrent dans un sifflement de vapeur. Ils se trouvaient bien dans les quartiers d'équipage, mieux aménagés, avec les portes des cabines le long des murs, et un espace pourvu de canapés un peu plus loin sur la droite, où était installé un Utapaun qui briquait négligemment son fusil. Le non-Humain jura en réajustant son arme. Ezra plongea sur le côté gauche, se mettant à l'abri en s'engageant dans un petit couloir donnant sur d'autres cabines, évitant le premier tir du pirate. Le padawan Gardien fit un magnifique saut en longueur, le sabre-laser s'enflamma et trancha net le fusil de l'Utapaun. Complètement pris au dépourvu, ce dernier se laissa choir dans le fauteuil, leva lentement les mains sans dire un mot. Un instant plus tard, il était assommé, ligoté et enfermé dans le placard à balais. Liam inspira.

- Je sens des ondes de panique. Il y a beaucoup de gens enfermés autour de nous.

- Sans doute les membres de l'équipage qui ont entendu ce raffut.

- Il faut les sortir de là !

- Tant qu'on n'a pas maîtrisé les pirates, vaut mieux pas.

- Ils ne pourront pas nous aider ?

- S'ils ont réussi à se faire enfermer à vingt alors qu'il n'y a que six pirates, je doute qu'ils se bougent pour nous.

- Bon.

- Je verrouille la porte d'accès au hangar !

Les trois compères franchirent une deuxième porte, celle qui conduisait à la baie d'entrée de l'équipage. Enfin, ils étaient devant la dernière porte en direction du cockpit.

- Combien ils sont ?

- Je ne peux pas le sentir précisément, Ezra, mais je dirais… trois ou quatre.

- S'ils sont six au départ et qu'ils sont tous là-dedans, c'est ce qu'il devrait rester.

- Agissons vite et bien, ordonna Dankin.

La porte était assez large pour que deux personnes de front puissent y passer. Ezra se posta sur la gauche, tandis que Liam se mit en position de défense à droite, prêt à agir. Comme la doctoresse s'agenouilla sur le linoléum, Dankin put braquer son arbalète par-dessus sa tête et se préparer à ouvrir le feu.

- On y va !

D'un geste, Liam enclencha l'ouverture de la porte sans la toucher. Tous les trois purent voir la salle de commande, avec cinq sièges dont quatre occupés. Les quatre pirates restants se tournèrent simultanément vers les trois compères avec moult jurons exotiques. Le Togorien visa celui qu'il jugea le plus grand, un Humain au visage négligé et à l'œil torve, mais lorsqu'il pressa la gâchette, le rail de lancement resta bloqué.

- Zut !

Ezra ne se laissa pas démonter. Elle repéra l'individu en combinaison jaune qu'ils avaient suivi sur Tallaan, et l'étendit d'un coup de rayon paralysant. Liam leva le poing, et l'un des pirates eut tout juste le temps d'avoir une surprise inattendue en sentant une force irrésistible lui arracher son blaster, avant que le docteur Lohrn ne le neutralisât.

Restaient un Gran aux trois yeux pédonculés et le chef, l'Humain négligé. Ce dernier ouvrit le feu à son tour sur Liam. Touché au mollet, celui-ci sursauta avec un gémissement nerveux. Dankin n'apprécia pas le geste. Il frappa un grand coup le mur de la crosse de son arbalète, entendit un déclic de bon augure, et prit une nouvelle fois pour cible l'Humain. Cette fois, le carreau d'énergie partit et percuta le bandit en pleine poitrine, l'envoyant s'aplatir sur le tableau de bord. Le Gran devint comme fou, et se mit à tirer dans tous les sens, avant de s'écrouler, sonné par le paralysant d'Ezra.

La situation était maintenant sous contrôle. Ezra balaya du bras l'ensemble de la pièce.

- Dankin, attache-moi ces gars, je dois m'occuper du gamin.

- D'accord.

La jeune femme se tourna vers le padawan.

- C'est douloureux ?

- Un peu, mais j'ai connu pire.

- Attends, je vais m'en occuper. Assieds-toi dans ce fauteuil et retrousse ton pantalon.

Le docteur Lohrn appliqua du baume réparateur sur la brûlure, et ajouta un patch.

- Voilà, ça va mieux ?

- Super efficace, ton truc, je ne sens plus rien ! C'est gentil, mais tu sais, j'aurais pu utiliser la Force et t'épargner ton matériel.

- Laisse, ça me fait plaisir d'avoir un patient Jedi.

Dankin entassa les quatre hommes dans un coin du grand cockpit, puis dit :

- On devrait s'occuper des autres.

- C'est vrai, je vais leur ouvrir les portes.

Ezra s'installa au poste de commande. Elle repéra rapidement les images des couloirs sur les écrans des caméras de surveillance, programma le déverrouillage central des portes des appartements et prit le micro.

- L'équipage du Thêta-2Y est invité à se présenter au poste de pilotage. Les pirates ont été maîtrisés, tout est sous contrôle, vous êtes libres.

Très vite, les trois compères purent voir sur l'écran les civils sortir timidement de leurs quartiers, puis avancer jusqu'à l'avant du vaisseau pour arriver jusqu'à eux. Celui en tête était Regul Stagamac.

- Mais… qui êtes-vous ?

- Docteur Ezra Lohrn de la Maison Calipsa, Liam Kincaid de l'Ordre Jedi et Dankin, expert à la chasse au crétin de l'espace.

- Merci à vous, docteur Lohrn ! Merci beaucoup ! Soyez sûre que la Maison Reena saura vous remercier, elle aussi.

- C'est bien là-dessus qu'on compte, mais ce serait trop long à expliquer. Faut qu'on aille sur Caloria. Vous pouvez manœuvrer cet engin ?

- Et comment ! On est partis !

L'ingénieur retrouva rapidement son professionnalisme. Il donna une liste d'ordres complexes et précis, et tout l'équipage se mobilisa pour reprendre le contrôle du Thêta-2Y. Quelques minutes plus tard, les moteurs ronflèrent, et tout le vaisseau s'ébranla, quittant progressivement l'orbite de Tallaan.

- Monsieur l'ingénieur ? On a un vaisseau derrière nous !

- Quoi ?

L'ingénieur recommençait déjà à suer, mais Ezra le rassura en reconnaissant la forme du Vandread qui apparaissait sur les écrans des caméras arrière.

- Non, attendez, il est avec nous. On devrait d'ailleurs le prévenir.

La jeune femme s'installa au poste de communications.

- Canderous ? Tu me reçois ?

- Cinq sur cinq, poupée. Le vaisseau est en train de bouger, vous en êtes où ?

- T'inquiète, tout va bien, notre plan a marché comme sur des roulettes ! Ces abrutis n'ont rien vu venir ! On part vers Caloria, tu nous suis ?

- D'accord, je calcule la trajectoire et je vous y retrouve. Terminé.

Pendant la conversation, le padawan n'avait pas cessé de contempler rêveusement l'immense globe lumineux qu'était la planète Tallaan, et les chantiers au loin. Dankin se pencha vers lui.

- Hé, ça ne va pas ?

- Hein ? Oh, c'est rien, Dankin.

- Tu as encore mal ?

- Non, plus du tout ! C'est juste que… enfin…

Liam ne savait pas trop comment exprimer ses sentiments.

- En fait, j'ai une impression étrange.

- Une impression étrange ? répéta le Togorien.

- Ouais… comme si cet endroit allait être… capital. C'est peut-être un avertissement, ou une simple fausse impression, mais j'ai la quasi-certitude qu'il va se passer très bientôt quelque chose de vraiment intense dans le secteur.

- C'est là où est l'Empire, et son arme.

- Thorn ne va pas utiliser la S.A.T.A. sur la planète où il y a ses troupes !

Le jeune homme essayait bien de se convaincre, mais l'air dubitatif de Dankin ne parvint pas à le faire accepter pleinement cette idée.

- Qui sait quelles conséquences peuvent engendrer l'esprit malade d'un Sith, Liam ?

Le Thêta-2Y entra alors en hyperespace, suivi par le Vandread.

Pendant qu'il sommeillait sur sa couchette, le Mandalorien réfléchissait.

Tout ceci va me rapporter un joli petit paquet de pognon… je me demande comment je vais le dépenser ? Je devrais peut-être penser à rajouter une petite bricole ou deux…

La voix éraillée de Mister V crépita dans son bracelet à écran, le tirant de ses pensées.

- Capitaine Tal ? Nous sommes sur le point d'arriver à destination !

Avec un grognement, Canderous se leva, s'étira et regagna son siège.

- Bon, allons-y.

Il baissa la manette d'accélération, rétablissant la vitesse sub-luminique. Devant lui, à quelques centaines de distance, il pouvait voir la longue carcasse du Thêta-2Y devant une planète couleur terre de sienne.

- Voilà Caloria, capitaine.

- Mouais… fais-moi un scan, y a un truc que je sens pas.

- À vos ordres, capitaine !

L'écran des senseurs s'illumina. Le mercenaire soupira d'agacement.

- Fait chier…

Sur le Thêta-2Y, plusieurs événements simultanés avaient fait souffler un vent de panique à bord. D'abord, une fois la décélération terminée, une alarme s'était déclenchée. Ensuite, le signal d'un vaisseau non identifié avait clignoté sur le radar. Troisièmement, la forme d'une corvette lourdement armée s'était profilée dans le hublot de transparacier. Et enfin, une voix grave et traînante parla dans le communicateur.

- Corvette Croisé à Thêta-2Y, nous savons que votre appareil est pratiquement dépourvu d'armes, et que vous n'avez pas de quoi résister à nos forces internes. Rendez-vous, ou vous serez massacrés.

- Sapristi, il a raison !

Affolé, Regul Stagamac montra d'un doigt nerveux l'écran des caméras. Les trois compères n'en revinrent pas. La caméra qui indiquait le couloir ne trompait pas en effet, des hommes en armes sortaient de l'un des containers à bacta.

- Bloquez les portes, maintenant ! gronda Dankin.

Stagamac ne se le fit pas dire deux fois. Il entra la séquence de sécurité sur l'ordinateur, et toutes les portes se refermèrent. Dans le couloir, les nouveaux pirates, une bonne dizaine, commencèrent à s'affairer sur la double porte.

- Il faut faire quelque chose ! Dans une minute ou deux ils auront forcé l'entrée !

- Mais comment ont-ils pu arriver là-dedans ? s'exclama Liam.

- Ils devaient être là depuis le début, murmura pensivement Ezra. Ils n'ont pas l'air d'avoir été noyés dans le bacta.

- Mais c'est absurde, nous avons contrôlé le vaisseau avant le départ, nous les aurions vus monter, si…

Stagamac s'arrêta net. Dankin compléta :

- Sauf s'ils étaient déjà à bord.

- Ce n'est pas le moment de papoter ! Il faut agir !

- Il y en a beaucoup ! On peut tenter de les arrêter à coups de blaster, mais il va y avoir des blessés, peut-être des tués !

- Vos hommes sont plus nombreux, pourtant !

- Ils sont techniciens, pas combattants !

Le Thêta-2Y changea spontanément de cap, se dirigeant irrésistiblement vers le Croisé, sous l'effet d'un rayon tracteur. Liam sentit la peur monter vertèbre après vertèbre. Il résolut de lutter contre la panique.

Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix, il n'y a pas de mort, il y a…

- Hé, attendez !

Ezra venait de se frapper le front.

- J'ai une idée !

- Quoi, quoi ?

- Nous avons toujours le contrôle des portes, ici, n'est-ce pas ?

- Oui, en effet, docteur. Et ?

- Facile ! Ouvrez la porte du hangar, coupez le champ de force de sécurité, et ouvrez la porte du couloir. Avec l'aspiration, ils vont partir dans l'espace tous les dix !

Liam se rendit compte en un clin d'œil de ce qu'une telle manœuvre allait provoquer.

- Non ! Si jamais on fait comme ça, ils seront éjectés dans le vide, et mourront tous dans des souffrances indescriptibles !

- Tu crois qu'ils vont nous faire des cadeaux, eux ?

- Attends, Ezra ! C'est une idée bonne, mais on n'est pas obligé de faire un massacre. Si on se contente d'ouvrir un peu la porte qui donne sur le hangar, ça va provoquer un effet d'aspiration. Ils vont tous se retrouver écrasés au fond du couloir, on les laisse comme ça le temps de bien les secouer, puis une fois qu'on refermera la porte, ils ne seront pas en état de se défendre, et l'équipage pourra les maîtriser !

Les autres se regardèrent. C'était une possibilité réalisable.

Pendant ce temps, dans le Vandread, Canderous n'avait pas perdu de temps. Il avait également entendu la communication du pilote du Croisé, et était bien décidé à expliquer son point de vue à ce mystérieux interlocuteur en argumentant à grands coups de canons laser.

- Mister V ! Prends les commandes et tâche de manœuvrer autour de ce machin !

- Bien, capitaine !

Le droïd s'approcha du tableau de bord et brancha son câble d'interface dans la prise de connexion prévue à cet effet. Canderous bondit vers le siège de la tourelle. Il s'installa, saisit les poignées, et eut un sourire mauvais.

- Tu vas voir ce que tu vas prendre…

Grâce à l'ordinateur de visée du canon, le mercenaire repéra le Croisé, et focalisa le viseur sur l'un des canons jumelés de l'appareil. Puis il ouvrit le feu. Coup heureux ou habile, le projectile d'énergie traversa le premier canon et fracassa le deuxième, coupant immédiatement ses moyens d'attaque.

- Bien. Et maintenant, après les crocs, les ailes !

Cette fois, le Mandalorien visa l'arrière du vaisseau. L'un des réacteurs explosa dans une gerbe de flammes et de métaux rougeoyants. Le Croisé ne pouvait plus que dériver.

Dans le transporteur de bacta, la ruse d'Ezra avait réussi. Les dix pirates, complètement pris au dépourvu par un tel culot, s'étaient retrouvés compressés les uns sur les autres contre la porte étanche entrouverte. Une minute sur le chronomètre, une éternité pour chacun d'eux. Une fois le sas de nouveau pressurisé, les membres de l'équipage neutralisèrent rapidement leurs assaillants déjà très affaiblis par cette douloureuse expérience, sous la houlette de Dankin qui n'hésita pas à « calmer » les pirates les moins atteints à grands coups de pied. Pendant ce temps, l'ingénieur appelait l'astroport le plus proche pour lancer un S.O.S. Quand il eut expliqué que la situation avait été renversée en leur faveur, l'opérateur de la Police de l'Espace préféra envoyer des renforts un peu moins rapides, mais plus nombreux, afin d'embarquer tout le monde.

Un appel parvint au Thêta-2Y un peu moins d'une demi-heure plus tard – Canderous avait eu le temps de faire un bref aller-retour sur le cargo. Déjà, sur les senseurs, de multiples signaux clignotaient. Peu à peu, l'équipage du Thêta-2Y put voir à travers le hublot les formes de deux corvettes de la Police de l'Espace elles-mêmes accompagnées d'une dizaine de chasseurs. La radio du poste de commande crachota, et la voix grave répondit d'un ton traduisant plus la lassitude que l'angoisse :

- C'est bon, c'est bon, je me rends.

- Bien ! Voilà qui est raisonnable, cher agresseur inconnu ! rétorqua Ezra.

- Allez, les gars, ramassez-moi toute cette racaille ! Je vous promets à tous un séjour dans un palace cinq étoiles aux frais du contribuable, et pour une longue durée !

Une trentaine de policiers en armure de sécurité, armés de fusils anti-émeute, parcourait de long en large le transporteur de bacta. Le commissaire principal Vykk Sipov, un homme lourd entre deux âges, au crâne dégarni, menait les opérations. Quand il comprit que tous les pirates avaient été désarmés, déshabillés et enfermés dans le conteneur de bacta vide, il se frotta la moustache, impressionné.

- Bah, ma foi…

Très rapidement, tous les bandits se retrouvèrent solidement attachés, et poussés sans ménagement jusqu'à la corvette. Quand les policiers enfoncèrent la porte donnant sur la zone de l'équipage, ils ne virent personne. Mais une voix féminine appela :

- Ohé ? Ici le docteur Lohrn de la Maison Calipsa !

- C'est moi qui vous ai appelé, cria à son tour Regul Stagamac.

- Y a d'autres pirates avec vous ?

- Non, monsieur ! Vous pouvez venir !

Le commissaire et ses hommes entrèrent dans la salle de commandement, sous les applaudissements du personnel de la navette. Les policiers sourirent quand certains des otages se jetèrent dans leurs bras, éperdus de reconnaissance. L'ingénieur en chef se précipita vers le commissaire.

- Ils ont réussi, monsieur le commissaire ! Ils ont assuré !

- Qui donc ?

- Ces trois personnes, et leur ami pilote qui se trouve à bord du vaisseau derrière nous. Ils ont fait preuve d'un professionnalisme digne de vos troupes !

Sipov considéra les trois amis.

- Je suis sûr que Dukol-Yer Inc. et les gens qui attendent ce bacta vous en seront reconnaissants, mais je dois cependant vous demander de m'accompagner pour prendre vos dépositions.

- Nous vous suivons, chef.

- Y a-t-il eu beaucoup de victimes ?

- Le capitaine de ce vaisseau de transport a été abattu par ces pirates, répondit Liam. Quant à nous, ben… on a fait ce qu'on a pu pour ne pas tuer quelqu'un, mais le boss n'était pas d'accord. C'était lui ou moi, chef.

- Mais c'est moi qui l'ai abattu ! précisa Dankin. Il menaçait mon camarade.

- Pas de souci, la légitime défense est un concept universel, mon vieux. Mais comment vous avez fait pour tous ceux avec des combinaisons de milice ?

Ezra résuma en quelques mots leur plan. Le commissaire parut impressionné.

- Vous auriez pu les balancer directement dans l'espace ! C'est gentil à vous de ne pas l'avoir fait, mais avec le témoignage de l'équipage, on ne vous aurait pas cherché des poux avec ça !

- Méthode de lâche, gronda Dankin.

- Oh, bien sûr, ils n'étaient que dix alors que vous étiez trois ! J'en connais qui n'auraient pas hésité.

- Je l'aurais peut-être fait, s'il n'y avait pas eu le petit Jedi, répondit le docteur Lohrn en posant une main amicale sur l'épaule du jeune homme.

Sipov ouvrit de grands yeux. C'est alors qu'il vit le sabre-laser briller doucement à la ceinture de Liam.

- Sans blague ! Un vrai Jedi ? Dans ma juridiction ?

- C'est un peu exagéré, monsieur le commissaire, répondit l'intéressé, visiblement gêné. Je ne suis encore qu'un apprenti.

- Mais un apprenti qui en a dans le ventre ! s'exclama Stagamac. Vous auriez vu comment il s'est occupé de nos ravisseurs ! Vous verrez sur les vidéos ! J'avais l'impression de regarder un holofilm d'action !

Le commissaire se racla la gorge.

- Bon, je ferai mon rapport auprès de mes responsables. Au fait, ça vous dirait de poursuivre cette opération avec moi jusqu'au bout ?

- C'est-à-dire ?

- Cet appareil qui vous a attaqué, nous allons lui donner l'assaut. Vous voulez venir voir avec nous qui a tenté de vous choper ?

- Vous nous emmèneriez sur le terrain d'une opération de police ? demanda Liam avec étonnement.

- Oh, allez, vous n'êtes pas des civils ordinaires, encore moins des chochottes ! Vous resterez en arrière, mes gars vont vous ouvrir la voie.

Et les trois compères suivirent le policier jusque dans la navette. Une fois les bandits ramenés dans les cellules aménagées, la corvette se détacha du Thêta 2Y pour se connecter au Croisé. Encore une fois, les policiers investirent la place, vite fait bien fait, les quelques pirates à bord n'opposant pas de résistance. Le commissaire, talonné par Liam, Ezra et Dankin, se dirigea sans ralentir jusqu'au poste de commande.

- Où on en est ?

- Le pilote n'a pas quitté son fauteuil, chef.

- D'accord. Ho, là-dedans !

- Ouais… ?

Le fauteuil réservé au pilote était orienté vers l'espace, de telle façon qu'on ne pouvait pas voir qui y était installé. Mais Liam sentit la présence d'un individu à l'intérieur, et non pas d'un dispositif piégé comme dans les romans d'espionnage. Le commissaire ordonna :

- Mon vieux, vous êtes cerné, vos complices sont sous mon contrôle, vous ne pouvez pas m'échapper. Abrégeons et sortez de ce fauteuil sans faire le difficile !

Le siège pivota, révélant la lourde silhouette de Valka, le Vaathkree.

- Évidemment, j'aurais dû m'en douter ! pesta Ezra. Plus c'est gros, plus ça passe !

- Les affaires sont les affaires, ma petite dame. J'ai joué, j'ai perdu.

Le commissaire Sipov s'avança. Sans ajouter un mot, Valka lui tendit les poignets. Le claquement des menottes résonna dans le cockpit.

- Alors ? Qu'est-ce que vous avez à me dire ?

- Pas grand-chose que vous ne savez pas déjà, chef.

Valka était assis derrière la table de la salle d'interrogatoire, entouré par Sipov, Canderous, Ezra et Dankin. Liam n'était pas dans la pièce, mais avait insisté pour suivre la conversation de l'autre côté de la glace sans tain, craignant encore des débordements de la part du policier ou de l'un ou l'autre de ses camarades. Ceux-ci étaient debout au fond de la salle pendant que le commissaire interrogeait le Vaathkree.

- Ces dix pirates étaient dans la cuve à bacta avant le départ du cargo, n'est-ce pas ?

- Le boss voulait être sûr que cette cargaison se fasse faucher par tous les moyens.

- Comment ont-ils pu se trouver à bord ?

- C'est moi qui ai permis à ces gars d'entrer, la veille du départ, pendant la nuit.

- Vous preniez des risques en trahissant Dukol-Yer Inc.

- Le chèque en valait la peine. Et mon boss était assez dans le coup pour assurer mes arrières sur le plan juridique.

- Vous voulez dire que c'est aussi un gars de Dukol-Yer Inc. ? demanda alors Ezra.

- Ouais, ma petite dame. Mon boss allait revendre le bacta d'un côté, et encaisser la prime de dédommagement de l'assurance de l'autre.

Le commissaire eut un sourire grinçant.

- Pas à dire, vous me paraissez très coopératif, ça fait plaisir !

- Et c'est pas fini, chef. Vous avez une feuille de papier ?

Sans dire un mot, Sipov sortit un calepin de sa poche, en déchira une page, et la posa sur la table devant Valka. Celui-ci leva la tête, et dit d'une voix traînante :

- Quand vous m'aurez donné de quoi écrire, je donnerai un nom, le nom de mon employeur, celui qui a monté ce coup. En échange d'une réduction de peine.

- Vous n'avez aucun sens de la loyauté ! gronda Dankin.

- Faut pas confondre loyauté et stupidité, mon vieux. Si ce n'est pas moi qui vends ce cornichon, c'est lui qui me jettera comme une vieille chaussette. Il m'avait promis un gros tas de fric, y a pas de raison qu'il en profite pendant que je croupis en taule alors que c'est moi qui ai pris tous les risques.

- C'est un point de vue, répondit Sipov en tendant au Vaathkree un stylo. Et j'accepte votre marché. Donnez-nous le nom de votre chef, et je glisserai un mot au juge comme quoi vous avez été très raisonnable. Il appréciera.

Valka écrivit lentement, tout le monde put entendre la bille crisser sur la feuille. Enfin, quand il eut terminé, il fit glisser le papier vers le commissaire. Sipov fronça les sourcils, et passa le mot à Ezra.

- Ce nom vous dit quelque chose ?

- Hélas, monsieur le commissaire… franchement, même si ça ne me surprend pas, ça me déçoit beaucoup !

Une heure plus tard, tout était réglé. Pour les remercier du coup de main, la Police de l'Espace offrit même gracieusement le plein de carburant pour le Vandread. Avant de partir, le commissaire demanda aux quatre camarades de le suivre dans la salle des communications longue distance. Ils purent parler par réseau holonet au baron Quinn Sheffield.

- Oui, la cargaison est bien arrivée sur Caloria et les patients ont pu recevoir les soins dont ils avaient besoin.

- Mademoiselle, messieurs, la Maison Reena vous doit beaucoup.

- J'espère que ça veut dire ce que j'espère, baron Sheffield.

- Absolument, docteur Lohrn. Je vous retrouverai avec mes homologues sur Procopia, où nous règlerons les derniers détails de nos arrangements.

- C'est confirmé, hein ? insista Liam, un peu inquiet. Votre patron est d'accord ?

- Oui, jeune homme, ne vous en faites pas. Le Haut Seigneur Galen Panos de la Maison Reena a été même impressionné par votre courage face aux pirates.

- Chez nous, les Calipsa, on n'aime pas perdre !

- Bon, je vous donne rendez-vous à la Chambre du Grand Conseil. Revenez vite !

Vykk Sipov coupa la communication, et se tourna vers le petit groupe.

- Ouaip, je confirme, vous nous avez permis d'arrêter une belle brochette d'escrocs. Pendant que nous prenions vos dépositions, j'ai contacté mon homologue sur Tallaan. La nouvelle est arrivée il y a deux minutes : Hamar Chaktak est maintenant sous les verrous. L'escroquerie à l'assurance est déjà une charge assez lourde, mais son implication dans ces actes de piraterie a coûté la vie à des gens, pirates comme membres d'équipage. Et ça, ça va lui coûter très cher.

- Genre ? demanda Liam.

- Je dirais… vingt-cinq ans minimum dans un pénitencier spatial. Moralité : quand on est accro au jeu, faut savoir s'arrêter à temps si on ne veut pas tomber dans un engrenage d'escroqueries, car tôt ou tard, on finit par payer l'addition.

Le jeune homme ne répondit pas, se contentant de hocher légèrement la tête. Il sentit Ezra lui tapoter l'épaule.

- Bon, on doit y aller maintenant. Vous avez encore besoin de nous ?

- Non, vous pouvez partir. Si un jour, vous avez la vocation de travailler pour la Police de l'Espace, sachez qu'on a toujours besoin de personnes dans votre genre.

- Merci, mais nous sommes déjà débordés !

Et encore, tu ne serais peut-être pas aussi enthousiaste si tu savais de quoi je suis capable, ajouta in petto Canderous.

Et les quatre compères ne s'attardèrent pas davantage.

Deux jours plus tard, le Vandread pénétrait à nouveau l'atmosphère de Procopia. Les mains crispées sur le volant de direction, Canderous maugréait.

- Je le savais bien que c'était un type louche.

- Confidence pour confidence, moi aussi, répliqua le docteur Lohrn.

- Mais t'as bien fait du business avec lui, non ? s'étonna Dankin.

- Et alors ? Ce n'est pas parce que j'ai été son associée que j'avais entièrement confiance en lui !

- Ce que j'avais senti, ce n'était pas la gêne d'avoir sa carrière compromise, ni la peur de voir ses employés se faire tuer ou de perdre beaucoup d'argent. Non, il avait peur qu'on démasque sa magouille trop tôt. Si seulement j'avais pu le voir…

- Quand tu seras plus rodé, tu sauras bien reconnaître les petites nuances qui feront la différence, le rassura Ezra.

- Et ça nous évitera d'aller risquer nos peaux ! ajouta Canderous par-dessus son épaule.

- Reconnais que tu y as pris du plaisir !

- D'accord, Dankin, c'est vrai, on a bien rigolé. Et puis, au moins, nous ne serons pas repartis les mains vides !

- Comment ça ? demanda Liam d'un ton soupçonneux.

- Ces empaffés avaient des carabines blaster SoroSuub sur eux, ainsi que des gilets de protection encore en bon état. Et je n'oublie pas les quelques flingues et autres vibro-canifs que transportaient les six bonshommes du premier groupe. La police de l'espace ne les a pas trouvés, pour la bonne raison que Dankin les a rassemblés dans le hangar et que j'ai pu les récupérer vite fait avant qu'ils n'arrivent. Ce matériel va nous rapporter un peu de fric une fois que j'aurai un acheteur.

Le jeune homme prit un air chagriné.

- Je ne devrais pas te laisser faire ça, Canderous.

- Mais tu ne feras rien pour m'en empêcher, n'est-ce pas ? Ou alors, il faudrait que tu ordonnes à Taava de fermer boutique, et à tous les fournisseurs des adversaires de l'Empire de cesser d'aider les opprimés à se défendre. C'est ce que tu veux ?

Canderous avait parlé avec son cynisme habituel, de plus en plus grandissant. Liam prit son temps avant de répondre :

- Je sais que tu n'es pas un mauvais bougre, dans le fond, et toi non plus, Dankin, mais quand cette histoire sera terminée, je crois qu'on devra se séparer. Tu te souviens de ce que Mara Jade avait dit en nous reprochant d'avoir traité avec Thila, la marchande d'esclaves ? Un Jedi doit choisir avec soin les personnes avec qui il s'allie. M'associer avec un trafiquant d'armes ou de vie intelligente est quelque chose à laquelle je devrai définitivement renoncer quand je serai adoubé.

- Bon, si tu le dis… J'espère qu'on restera quand même bons amis. Ca serait dommage qu'on vienne à s'affronter.

- Ne dis pas ça, Canderous. Liam est loyal envers les siens. C'est honorable.

- Tu parles, Dankin ! Allez, n'y pensons plus, on arrive.

Sur consigne du capitaine, Mister V communiqua les codes d'accès à la tour de contrôle, et le vaisseau de transport se posa dans le hangar privé de la Chambre du Grand Conseil. En quelques minutes, le taxi les amena jusqu'au bâtiment administratif.

Dans le hall, Taava, Chi'ta et Morgreed attendaient, assis sur une banquette. La jeune fille se leva en voyant arriver les autres.

- Vous voilà, sains et saufs !

- Salut, petite puce !

- Tiens, salut Taava !

- J'ai eu si peur !

- Peur ? Mais de quoi ? s'étonna Ezra. C'était du gâteau !

- J'ai tout vu aux informations ! La prise d'otage, l'attaque du complice de monsieur Chaktak… Encore une fois, vous avez pris de gros risques !

- Arrête, tu crois vraiment qu'une bande de clowns pareils allait nous en faire baver ? On est des professionnels ! se vanta le Mandalorien.

- Les hauts dignitaires nous attendent dans la salle de réunion. Ne traînons pas !

Autour de la table ronde étaient rassemblées les mêmes personnes que quelques jours plus tôt. Mais il y avait une grande différence avec la première entrevue. Dès que Liam entra dans la pièce, il sentit que l'atmosphère était sensiblement plus détendue. Le baron Quinn Sheffield les invita à prendre place, puis il dit :

- Sa Haute Magnificence, le Haut Seigneur Galen Panos de la Maison Reena, m'a accordé le pouvoir de représenter sa voix sur la Déclaration de l'Alliance des Maisons de l'Expansion, l'A.M.E. La première mission de l'A.M.E. sera précisément de défendre l'âme même du Secteur Tapani, contre cette menace bien réelle représentée par les Kathols. Ils nous ont déclaré la guerre en s'en prenant à la Maison Mecetti, d'abord en la corrompant de l'intérieur par l'entremise de Don Nycator de Mecetti, ensuite en en pilonnant la surface à l'aide d'une arme très puissante. Nous allons nous allier pour nous défendre, et défendre nos peuples respectifs. Et c'est pourquoi nous avons rédigé cette déclaration.

Solennellement, le baron Sheffield posa un document devant les six camarades. L'en-tête présentait en lettres dorées « Déclaration de l'Alliance des Maisons de l'Expansion », avec un petit paragraphe explicatif et sept emplacements, tous datés, cachetés et signés. Sans exception. Mais quelque chose fit tiquer Liam.

- Hé, général Bel Iblis, vous n'y êtes pas ?

- J'ai signé un autre document comme quoi je suis témoin, et représente l'engagement de la Nouvelle République.

Le seigneur Vaskel Savill toussota et déclara d'un ton qui se voulait cérémonieux :

- Mes Dames, mesdemoiselles, mes Seigneurs, une page de l'Histoire du Secteur Tapani vient d'être tournée, avec nos noms écrits en lettres d'or sous le titre de ce nouveau chapitre. En effet, nous vivons un jour historique, qui sera gravé à jamais dans nos mémoires, et celles de nos descendants. Les sept grandes Maisons de l'Expansion unissent leurs forces pour la première fois depuis six mille ans, à l'aube de la Réunification orchestrée par Shey Tapani ! Nous tous sommes les acteurs d'un moment capital.

- C'est un grand honneur, ronchonna Canderous, peu convaincu.

- Je suppose qu'un professionnel comme vous s'intéresse essentiellement au travail. C'est tout à votre honneur, répondit le Haut Seigneur Paddox sur un ton de reproche. Baron Hejaran de Mecetti ?

Le jeune baron Eldon Hejaran posa alors une liasse de billets devant Dankin, Canderous et Ezra.

- Vu qu'il y a eu des risques imprévus à cause de monsieur Chaktak, nous avons décidé de vous accorder une prime. En conséquence, votre salaire a été doublé. Chaque liasse contient vingt-cinq mille crédits en billets, soit un total de trente mille crédits pour chacun de vous. Par ailleurs, l'Association pour les Victimes de l'Attaque d'Obulette, a reçu un chèque de soixante mille crédits de la part de la Famille Hejaran, avec les noms de Liam Kincaid et Chi'ta Koskaya, membres honoraires de la Baronnie de Pella.

Les deux Jedi inclinèrent la tête respectueusement. Avec un sourire de contentement, le mercenaire empoigna son argent et quitta son siège. Dankin et Ezra empochèrent à leur tour leur récompense.

- Attendez, ce n'est pas tout !

Le baron Quinn Sheffield posa un autre papier sur le bois verni.

- Voici la liste des gens que nos services de contre-espionnage surveillaient depuis déjà quelques semaines, avec assiduité. Il y a une douzaine d'heures, nos agents ont fait discrètement disparaître toutes les personnes sur cette liste. Elles sont en train de se faire interroger, et la plupart ont déjà avoué faire partie du Soleil Noir. Comme quoi, vous pouvez le voir, nous ne faisons pas les choses à moitié.

Ezra haussa les sourcils en reconnaissant les noms de quelques politiciens haut placés, et de dirigeants d'importantes sociétés parmi les plus inattendues. Dame Bathos de Cadriaan reprit la parole :

- Chers amis, vous avez pleinement accompli le travail que nous vous avions demandé. À présent, je suppose que vous allez mener votre propre mission. C'est pourquoi nous vous souhaitons de tout notre cœur de vous voir accomplir vos objectifs, dans l'intérêt du Secteur de l'Expansion.

- Et… pour vous, Général Bel Iblis ? Avez-vous pu vous entretenir avec les autres ?

- Oui, mademoiselle Koskaya. Bien sûr, nous avons vu que nous n'avions pas du tout les mêmes méthodes, mais cela n'empêchera pas une collaboration constructive… pour autant qu'ils acceptent d'écouter quelqu'un qui n'a pas de sang bleu dans les veines !

Les six camarades retrouvèrent Liryl et Morgreed sur les marches de la Chambre du Grand Conseil. La Dame de Sérénité semblait soulagée.

- Je suis très heureuse de voir cette histoire terminée, mes amis. Maintenant, nous allons pouvoir suivre la route tracée par Ageer.

- Tout à fait, Dame Liryl, approuva le docteur Lohrn. Au fait, Chi'ta, tu sais où va cette route ?

- Si fait, docteur Lohrn. Avant de revenir ici, nous sommes allés à Yavin IV pour y déposer une nouvelle candidate pour l'Ordre, et j'ai pu consulter les bons dossiers. Nous allons devoir nous rendre sur Wakeelmui.

Il y eut un petit silence. Le nom de cette planète ne disait rien à personne.

- Je vais aller aux bureaux de la Guilde des Marchands Corelliens pour me renseigner le plus possible sur ce monde, puis je vous enverrai les infos.

- Bonne idée, Taava. De notre côté, nous allons consulter les archives de Coruscant pour avoir toutes les informations que nous pouvons sur ce monde, il y a des chances pour qu'on y trouve des données plus officieuses.

- Il faut aller jusqu'à Coruscant, pour ça ? Je croyais que vous aviez tout lu sur Yavin IV ? s'étonna la Togruta.

- Il reste des documents d'époque dans les bibliothèques de Coruscant, tout n'est pas basé à l'Académie, répondit Chi'ta.

- Et puis, nous aurons une visite de courtoisie à effectuer, ajouta Liam. Nous partons sur un paquebot Pelagia, nous serons rentrés dans deux semaines.

- Bon, ça tombe bien, on va faire quelques modifications sur le Vandread, déclara Canderous. Temps de dépenser notre argent durement gagné !

Les autres approuvèrent, et tous se séparèrent pour vaquer à leurs occupations. Un Mrlssti aborda alors le Mandalorien, resté seul.

- Maître Tal ?

- Ouais ?

- Un colis vous attend dans l'entrepôt 6. On l'a vérifié, il est clean.

Le mercenaire eut un petit rictus, devinant de quoi il s'agissait.

J'espère pour toi que c'est du haut de gamme, Savill !

Il suivit l'huissier jusqu'à la petite chambre blindée. Une grande caisse d'acier de deux mètres de haut trônait en son milieu. Canderous gratifia son guide d'un regard l' « invitant » à se retirer, ce que fit promptement le Mrlssti. Une fois seul, il fit sauter les serrures, ouvrit la boîte… et tomba presque à la renverse.

Comme il s'y attendait, dans le capitonnage rouge reposait bien une armure. Mais ce n'était pas un équipement de qualité, encore moins du luxe. Non, c'était beaucoup plus que ça. Instinctivement, Canderous savait qu'il avait sous ses yeux quelque chose d'exceptionnel. Peut-être un exemplaire sur dix ou cent mille, voire un million. C'était bien une armure complète, apparemment fabriquée dans des matériaux très recherchés, solides et très compacts. L'aspect général de l'équipement était dans les tons bruns et ivoire, et son apparence lui donnait un style d'armure de guerrier de monde primitif. Un examen un peu plus appliqué prouva au mercenaire qu'il ne s'agissait nullement d'un matériel primitif. Les plaques protectrices étaient rattachées à la couche moulante dermique par des bandes serrées, laissant les articulations libres. Le torse était bien protégé par des plaques suivant les lignes pectorales. Les épaules étaient couvertes par d'impressionnantes coques serties de pointes en os durci. Enfin, il y avait le masque. Il recouvrait intégralement le crâne, et était équipé d'un système de filtrage d'air dans un compartiment dorsal relié au visage par des tuyaux connectés au niveau du menton. Le plus impressionnant était la visière. Elle était noire, en forme de T. Ce dernier attribut finit de convaincre Canderous de la valeur de l'appareillage que Vaskel Savill venait de lui offrir.

Il ne put résister à la tentation de l'essayer tout de suite. Laissant sa méfiance naturelle de côté, il se déshabilla, ne gardant que son caleçon et son maillot de corps, et enfila la combinaison, lentement, cérémonieusement. Quand il mit le masque, il sentit un frisson de plaisir lui chatouiller l'épine dorsale. Il entendit un petit bruit, et aussitôt le système électronique se mit en marche. Immédiatement, une foule de paramètres s'affichèrent dans son champ de vision. Comme l'armure standard des soldats de choc de l'Empire, il pouvait mettre en marche différentes fonctions d'une simple pression de la langue. Vision infrarouge, senseurs, macrojumelles… désormais, tout allait changer. Quand il fit quelques pas, c'est à peine s'il sentait le poids de l'harnachement.

Il quitta l'entrepôt, et voulut rejoindre ses camarades au hangar. Heureusement, il ne croisa aucun garde, mais les civils qui le virent s'enfuirent sur son passage. Quand il arriva devant le Vandread, il vit l'appareil de Taava posé à côté du sien. La Togruta admirait le vaisseau de transport modifié, et Morgreed descendait de la rampe, en compagnie des deux padawans. Quand le Barabel vit Canderous, il empoigna sa vibro-hache.

- Hé, toi ! Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Liam s'était mis devant Chi'ta, sabre-laser au poing. Le mercenaire leva les bras.

- Hé, relax, les mecs ! C'est moi !

- C… Canderous ? demanda Liam, sidéré.

Chi'ta n'osa pas regarder le guerrier. La Togruta s'approcha, et siffla d'admiration.

- Hé, Canderous, ne me dis pas que c'est ce que je pense !

- Ca m'en a tout l'air, chérie.

- Blast ! Une authentique armure de combattant de l'Armée Mandalorienne !

- Et elle m'a l'air en parfait état de marche.

Chi'ta avait l'air triste.

- Oh, cet attirail est effrayant. Vous me faites peur.

- C'est pourtant ma vraie nature, petite puce. C'est mon vrai visage. Je ne me suis jamais senti aussi entier que maintenant.

- Ne va pas t'imaginer que ça va te rendre invulnérable, conseilla cependant Taava.

- T'en fais pas.

La jeune Drall préféra s'éloigner, mais Liam dit encore :

- Tu sais que dans les bouquins d'histoire, on peut voir que les Jedi et les Mandaloriens se sont souvent battus entre eux ? Il n'y a pas très longtemps, il y a eu de violents affrontements, pendant la Guerre des Clones. À ma connaissance, aucun Mandalorien n'a vraiment travaillé main dans la main avec l'Ordre Jedi.

- Alors je serai le premier !

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