La Trilogie de l'Expansion

Chapitre 14 : La Planète Sauvage

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 08:48

Un petit grondement sourd se fit entendre dans la pièce, et s'amplifia, encore et encore. Bientôt, tout se mit à trembler. Déjà un cadre sur le mur était tombé, et une statuette décorative menaça de basculer sur le tapis.

- Quelle folie ! Je dois vite chercher les autres !

Celui qui avait parlé se leva, et se vit un court instant dans une psyché. C'était un être de taille à peu près semblable à celle d'un Humain. Il était fin, avait la peau douce et lisse sous sa toge bleu ciel, et son visage anguleux se tordit d'inquiétude. Il posa sur son crâne rasé sa coiffe garnie de grandes plumes, rajusta ses sandales, et sortit précipitamment de son bureau. Il y avait cependant un détail dont il n'avait pas pris conscience : une autre voix avait parlé en surimpression par-dessus la sienne, la voix claire et aiguë d'une jeune fille sortant de l'adolescence. Cette deuxième conscience se demanda :

Mais où suis-je ? Quelle est cette personne ? Quel est ce lieu ?

Elle se posait la question tout en assistant en vue subjective à la course de l'être. Celui-ci franchit une porte, puis une deuxième juste en face, et entra dans une salle carrée dans laquelle une quantité impressionnante de machines s'étalait sur des étagères, des établis, des armoires.

J'ai compris ! Je vis des événements importants à travers les yeux d'un autre ! Oh, il y a quelqu'un, ici.

Une silhouette drapée dans une cape de cuir noir était penchée sur l'une des tables de travail, dos tourné. Sans quitter sa paillasse, l'individu leva la main.

- Pas maintenant !

- Bratak, il faut y aller !

Quoi ?! Bratak ! Par le Grand Fouisseur !

Le dénommé Bratak se retourna d'un geste. C'était un Kathol très mince au visage allongé, aux joues creuses, aux yeux sombres et profonds. Son visage était crispé d'agacement. D'une voix geignarde, il siffla, irrité.

- Jakel, ce n'est vraiment pas le moment !

- Ne comprends-tu pas, mon frère ? Les Humains ont lancé différents assauts, et leurs bombes ont frappé la ville. Tout risque d'être détruit, nous devons nous mettre à l'abri, maintenant !

Sans y prendre garde, Bratak retourna à son expérience. Jakel, n'en pouvant plus, l'agrippa par les épaules et le tira en arrière.

- Bratak !

- Non ! Laisse-moi ! Je suis sur le point de comprendre !

- Nous n'avons plus le temps pour ça !

- Je veux comprendre comment cet objet fonctionne !

Jakel aperçut sur le socle un petit objet brillant, une sorte de petit tube argenté.

- C'est l'une de leurs armes !

- Une technologie que je ne connais pas, Jakel. Je dois savoir comment ces primitifs ont pu la fabriquer ! Il le faut !

- Tu as l'esprit obscurci, tu ne raisonnes plus avec intelligence ! Ne comprends-tu pas que tu perdras tout, jusqu'à la vie, si tu ne me suis pas immédiatement ?

Bratak cessa de résister, et finit par se laisser convaincre.

- Bon, tu as peut-être raison.

- Tu n'as qu'à emporter cet objet, tu pourras l'étudier au calme !

- Bonne idée.

Avec soulagement, Jakel vit Bratak saisir le cylindre brillant et le suivre. Ils quittèrent l'atelier, tournèrent à droite et arrivèrent bien vite devant une autre porte. Quand Bratak l'ouvrit, Jakel entrevit un énorme caisson de conservation vertical dans un coin de la pièce.

- Bon, je vais y aller. Pars vite à ton bloc, je saurai m'occuper de moi tout seul.

- Tu es sûr, mon frère ?

- J'ai construit cette chambre de stase moi-même, mon frère. Allez !

Sans lui laisser le temps de répondre, Bratak ferma la porte. Jakel repartit en courant de plus belle. Il franchit un couloir, puis une immense salle en forme de dôme, et au terme de quelques minutes de course à travers de longs couloirs tortueux, il se retrouva dehors, à l'étage du bâtiment. C'est alors qu'il croisa un autre Kathol. Plus grand, plus mince encore, avec des colifichets cliquetants et scintillants.

- Jakel !

- Keltan ! Enfin, je te retrouve !

Les deux Kathols se serrèrent longtemps dans les bras.

Ils ont l'air vraiment proches. Maître Ageer avait raison.

- J'ai eu peur que les Humains ne t'aient tué, frère.

- Ne t'en fais pas. Il y a bien eu des explosions, mais elles ont eu lieu seulement en surface. Ils n'atteindront jamais le cœur de la citadelle.

- Tout est en place, frère ?

- Oui, frère. Le dispositif DarkStryder est en activité. Le Puits de Vie est bien protégé. Les âmes de nos morts seront à l'abri pendant les hostilités.

- Espérons que leur guerre absurde ne dure pas trop longtemps…

- Mes frères ! s'exclama une autre voix.

Un troisième Kathol rejoignit Jakel et Keltan. Jakel demanda :

- Qu'y a-t-il, Kyrim ?

- C'est épouvantable ! Venez voir, vite !

Kyrim entraîna les deux amis jusqu'à un balcon, et montra du doigt l'installation circulaire gigantesque dans le ciel, criblée d'explosions. Keltan s'écria :

- Que nos ancêtres nous protègent, mais qu'ont-ils fait ?

- Ils ont… non, c'est impossible ! Ils n'ont quand même pas…

- Si, frère ! Ils ont détruit le portail de téléportation !

Le balcon s'écroula, et Kyrim avec. Jakel avait réussi à pousser Keltan, lui sauvant la vie. Ils se relevèrent ensemble, et le Maître de la Magie Ta-Ree dit à son ami :

- Ne perdons pas de temps, mon frère ! Filons vite rejoindre nos souverains !

- Allons-y !

Les deux hommes sortirent du palais qui tombait en morceaux derrière eux.

- Nous l'avons échappé belle !

- Je ne te le fais pas dire, mon frère !

C'est alors que Jakel leva la tête, et vit une énorme colonne de marbre s'affaisser sur lui. Une douleur inouïe lui broya le bassin et les jambes. C'est à peine s'il entendit la voix de son ami.

- Jakel !

- Keltan…

- Jakel, non !

- Désolé, mon frère… mais j'ai l'impression… que tu vas devoir… continuer… sans moi.

Jakel articula péniblement :

- J'ai lu les signes, Keltan… nos âmes sont… liées… Un jour, dans dix ans, dans cent ans… dans mille ans, peut-être… nous nous retrouverons… et nous serons… à nouveau… ensemble. Et cette fois… rien… ne nous… sépa…re…ra.

- Jakel… Non ! Nooooon !

Tels furent les derniers mots qu'entendit Jakel, le Maître de Magie Ta-Ree, avant de perdre connaissance.

Chi'ta Koskaya ouvrit les paupières d'un seul coup, inspira profondément alors qu'elle se sentait glacée de frayeur, tandis que sa fourrure se hérissait. Puis elle se calma, sentit son petit cœur battre de moins en moins précipitamment. Elle regarda tout autour d'elle, pour constater qu'elle était à bord du Vandread.

Quelle affreuse vision ! Comme quand la Mante m'a inséminée !

La jeune Drall se leva, constata que sa combinaison d'archéologue était posée sur la petite commode près de sa couchette. Elle se rhabilla, et quitta la cabine.

Qu'ont fait les Ingénieurs Aing-Tee ? Je croyais qu'ils m'avaient mise dans un caisson de stase ? Ou bien ai-je rêvé ça, aussi ?

Elle appela :

- Ohé ? Ohé ? Il y a quelqu'un ?

- Bonjour, mademoiselle Koskaya !

Chi'ta sursauta, et vit le droïd contremaître du Vandread, Eve, derrière elle.

- Oh, c'est vous, dit-elle, la main sur le cœur, soulagée.

- Vous ai-je fait peur ? Si tel est le cas, j'en suis désolée.

- Ce n'est pas grave. Sommes-nous seules ?

- Non, les deux droïds médicaux sont dans le hangar, Mister V est au cockpit avec le padawan Kincaid et Dame Liryl, et le capitaine Tal est dehors avec le docteur Lohrn et maître Dankin.

- Parfait.

Elle marcha à petits pas vers le poste de pilotage. Elle vit Liam Kincaid qui lui fit un sourire réjoui. Ils se firent la bise.

- Enfin tu es debout ! Ca fait deux bonnes heures qu'on t'attend !

- Deux heures ?

- Canderous s'est réveillé le premier, il était dans son lit, comme s'il venait simplement de passer une nuit sans histoire, expliqua le jeune homme. Il est entré dans notre cabine, et nous a retrouvés sur nos couchettes, moi et Dankin.

- Le bruit qu'ils ont fait en marchant dans les couloirs m'a réveillée à mon tour, ajouta le docteur Ezra Lohrn qui venait de les rejoindre. J'ai vu que tu étais en train de dormir. J'ai préféré te laisser, comme ton sommeil avait l'air naturel.

- Le sommeil, peut-être, mais les pensées… J'ai fait un rêve… j'étais sur Kathol.

- Ce n'était pas seulement un rêve, Chi'ta, répondit la voix douce et calme de Dame Liryl, elle-même installée dans le siège du capitaine. Regarde dehors.

La jeune fille pivota vers le hublot.

- Ooh !

Les Moines Aing-Tee avaient déposé le vaisseau sur un plateau rocheux. Quelques dizaines de mètres plus bas s'étendait une immense vallée. Des kilomètres de verdure, de lacs, de rivières. Dans le lointain, de grandes montagnes partiellement enneigées se découpaient sur le ciel, un ciel bleu teinté de violet dans lequel brillaient deux soleils.

- C'est… c'est incroyable.

- Et encore, t'as pas vu l'extérieur, lui dit Liam avec un petit air malicieux.

La jeune fille descendit par la rampe. Une fois encore, elle fut éblouie. L'atmosphère était chaude, légère et agréable. Sous ses orteils, elle sentait onduler l'herbe fraîche et tendre. Des chants d'oiseaux résonnaient à ses oreilles. Elle sursauta quand elle vit passer devant elle un fort curieux animal c'était un colibri grand comme un pigeon qui voletait en zigzag. Bientôt, une demi-douzaine de ces créatures tournoyait autour de la petite Drall. Celle-ci crut même voir l'un d'eux lui faire un petit clin d'œil. Puis tous disparurent en un instant.

Aux pieds du Vandread, Canderous observait attentivement le vallon. Grâce à son armure, il disposait d'un système de macrojumelles intégrées, qui limitaient les risques de provoquer des reflets perceptibles par d'autres. Voyant du coin de l'œil la jeune Drall sortir de l'appareil, il pensa qu'il était temps de s'activer, une fois qu'il aurait une piste concrète. Il entendit la jeune fille saluer le Togorien.

- Bonjour !

- Bonjour, petite Chi'ta.

- Qu'est-ce que vous faites ?

- La même chose que Canderous. Du repérage.

- Avec les détecteurs du docteur Lohrn ?

Dankin portait sur le dos le grand détecteur amélioré que la Calipsa avait utilisé au pied de chez Niklas Veiler. Il balayait lentement les alentours avec le cône sensitif.

- Oui, je suis à la recherche d'une source d'énergie quelconque.

- Une source d'énergie ? répéta la jeune fille.

- Canderous est parti du raisonnement suivant : les Moines Aing-Tee ont dit qu'ils nous déposeraient près de ce lieu nommé « Puits de Vie ». Nous cherchons le laboratoire d'Ageer qui en est à proximité. Il t'a dit d'utiliser une de ses installations, n'est-ce pas ?

- En effet, le Bassin des Mille Constellations.

- Alors il faut forcément quelque chose pour la faire marcher. Une pile atomique, un groupe électrogène, un moteur hydraulique ou éolien, n'importe quoi qui produise assez d'énergie.

- Je comprends : en trouvant une telle source d'énergie, on devrait pouvoir se rapprocher le plus près possible du laboratoire !

Comme pour approuver l'affirmation de la jeune fille, une petite tonalité aiguë sonna près du cadran du senseur. Le Togorien appela :

- Canderous ?

Le mercenaire arriva bien vite, Dankin lui montra les symboles apparus sur le senseur.

- D'accord. Où est-ce que ça se trouve ?

- Dans la direction de cette grande construction, là.

Ladite construction était une immense tour. Chi'ta fronça le nez, réfléchit profondément, mais ne put déterminer quel peuple l'avait bâtie. La tour lui faisait penser à une immense tulipe de bronze, de céramique, de métal, dont les pétales enroulés sur eux-mêmes étaient reliés entre eux par d'énormes câbles. Quelques hublots paraissaient ça et là, ainsi que des antennes, une cheminée et d'autres excroissances irrégulières. Elle ne pouvait pas en voir la base, la colline la lui cachait. Elle fit quelques pas pour en atteindre le sommet et avoir une vue d'ensemble. Une fois en haut, elle s'assit par terre, défit le bouton du col de son ciré pour le desserrer, et embrassa le panorama du regard.

La tour se dressait à plus d'une cinquantaine de mètres de hauteur. De grands oiseaux tournoyaient autour de son sommet. Une grande cloison blanche opaque bouchait l'ouverture d'entrée. La petite Drall se rendit alors compte qu'il y avait deux autres éléments notables : au loin, sur sa gauche, une grande masse sombre d'une centaine de mètres de long était à moitié enfoncée dans une colline, en laissant un long et large sillon. Et à droite de la tour, une petite masse métallique également enfoncée dans le sol, comme une épingle plantée dans un fruit. Mais elle détourna le regard, préférant revenir vers la tour. Les deux soleils étaient reflétés dans un grand lac d'eau claire.

Un léger froissement d'herbes attira l'attention de la jeune fille. C'était son condisciple. Il s'assit près d'elle, et contempla à son tour les environs.

- Impressionnant…

- Tu peux le dire.

Pendant un temps, ni l'un ni l'autre ne pipa mot. Enfin, Chi'ta rompit le silence :

- Alors, ça y est. Cette fois, nous touchons au but.

- Ouais. Bientôt, tout ceci sera terminé.

- Cet endroit est magnifique…

- C'est vrai ! Quand je pensais à Kathol, je me représentais cette planète comme un monde de cauchemar, infesté par des créatures hostiles… Je n'imaginais pas que cet endroit pouvait être comme ça.

- Kathol était un monde merveilleux, avec une civilisation composée de sages, autrefois. Ces gens n'ont pas tout perdu de leur souci d'équilibre. Maître Ageer m'avait bien dit qu'ils avaient pu reconstituer en partie leur monde. Je ne sais pas ce que ça deviendra dans les prochains jours, mais ça valait le coup d'œil !

La petite Drall se tourna vers le jeune homme, et lui fit un sourire qui s'épanouit au fur et à mesure qu'elle parla :

- J'aimerais te dire à quel point je suis heureuse d'avoir vécu toutes ces aventures à tes côtés, Liam. Cela nous aura fait grandir, tous les deux. Tu ne crois pas ?

Liam essaya de se rappeler les moments les plus marquants qu'il avait passé ces derniers mois.

- T'as raison. Dire que j'aurais pu rester dans les bas-fonds de Coruscant… je n'aurais jamais été aussi heureux que maintenant.

- Et moi, alors ! Si le général Solo n'avait pas choisi cet hôtel ce soir-là, je serais encore en train de gérer les réservations et l'accueil des touristes de Meccha !

- Non, tu bosserais dans un institut de socio ! Tu serais même la sous-directrice !

La jeune fille eut un sourire flatté.

- Oh, tu exagères !

- Non, je t'assure ! Tu es une fille trop intelligente pour rester hôtesse d'accueil toute ta vie ! Et puis de toute façon, l'habit de Jedi te va à merveille !

- À toi aussi. En fait, plus le temps passe, et plus j'en suis sûre. Quand je repense au Liam Kincaid que j'ai aperçu de loin dans les couloirs de l'Académie, et quand je vois le Liam Kincaid qui est assis à côté de moi, il m'est clair que ce sont deux personnes différentes. Et je préfère le Liam de maintenant. De très, très loin.

- T'exagères ! Avant que Duncan ne se fasse avoir, j'étais comme maintenant !

- Je ne crois pas, non. Tu étais peut-être un garçon joyeux, mais il y a quelque chose de plus. Après l'affaire de l'héritage sur Pella, j'ai senti que le gros de ta colère s'était dissipé, que tu avais fait ton deuil. Mais depuis le Gala de la Réunification, tu n'as pas cessé d'accomplir des actes héroïques, et toujours pour sauver autrui, moi entre autres. Oui, vraiment, tu as gagné en maturité, en assurance, et en excellence. Et je suis très, très heureuse d'avoir pu y assister.

- Oui, mais tu n'as pas fait que le voir, Chi'ta. Tu m'as aussi aidé. J'ai un peu la honte de dire un truc aussi bête, mais y a beaucoup de moments où, si j'ai voulu m'améliorer, c'était pour te plaire… même si j'ai profité de ces changements.

Chi'ta se rapprocha de son condisciple, leurs reins se frôlèrent. Très doucement, Liam posa sa main sur l'épaule de la jeune fille, qui ne le repoussa pas.

- Qu'est-ce qu'ils foutent, ces deux-là ? grogna Canderous. On a un plan de bataille à établir, ce n'est vraiment pas le moment de se faire des câlins !

- Fiche-leur la paix, Canderous, répondit le Togorien. C'est le dernier moment de répit qu'ils peuvent passer avant l'assaut final, on peut bien leur accorder quelques minutes ! Tu ferais mieux de vérifier que le vaisseau soit bien surveillé.

Canderous regagna le vaisseau, irrité. Il fouilla dans le placard de sa cabine.

- Mister V ?

- Oui, capitaine !

Le petit droïd de pilotage roula docilement jusqu'au Mandalorien. Celui-ci lui tendit un émetteur.

- Si jamais il y a des vilaines bébêtes qui rôdent, tu mets ce machin en marche, c'est un transistor d'ondes répulsives.

- À vos ordres, capitaine.

- Mais arrête si tu vois que ça les rend dingues ! J'ai pas envie qu'elles rayent la peinture de mon vaisseau ou fassent leurs besoins dessus !

- Bien, capitaine.

Il vérifia ses vibro-dagues, sa vibro-lame double Jengardin, et son pistolet sonique, mais préféra laisser le fusil à impulsions du Soleil Noir dans l'armoire. En quittant sa chambre, il se rendit à l'atelier. Le docteur Lohrn travaillait sur l'établi. Le mercenaire posa sous son nez un autre appareil répulsif.

- Ca peut être utile. Qu'est-ce que tu bricoles ?

- Nous allons sans doute affronter du lourd, Canderous. Je me prépare psychologiquement… et matériellement.

- Ouais, autrement dit, tu bricoles une bombe avec des chargeurs de blaster !

- Ne me dis pas que ça te dérange, Canderous Tal…

- Je n'ai pas dit ça. Mais j'aimerais juste te dire une chose : vu la quantité de chargeurs que tu joints, si ça pète au mauvais moment, tu n'existes plus.

- Si ça pète au mauvais moment, on n'existe plus !

Dehors, les deux padawans n'avaient pas bougé. Le jeune Humain avala sa salive, et dit à sa condisciple :

- Toi aussi, tu as changé, Chi'ta.

- Comment ? J'aimerais beaucoup avoir ton point de vue.

- Ben… tu es la plus gentille fille que j'aie jamais rencontrée. Toujours attentive, toujours fidèle à tes principes et aux gens auxquels tu tiens… et les autres. Et tu es adorable avec tout le monde, même ceux qui ne le méritent vraiment pas.

- Oh, ce n'est pas une question de mérite, Liam. Je suis comme je suis, c'est tout.

- Ouais, mais je n'avais jamais vu une personne comme toi avant. Je ne pensais même pas que ça pouvait exister, après la vie sur Coruscant, je ne croyais pas tellement à la bonté infuse. D'abord, Duncan m'a ouvert les yeux, et puis tu es arrivée. Au début, je pensais qu'on n'aurait jamais aucune affinité, car j'avais une image pas très flatteuse des Consulaires. Pour tout te dire, je les voyais comme des intellos coincés. Mais ma croyance a changé, grâce à toi. J'ai même commencé à m'intéresser vraiment aux cours théoriques qu'on a pu suivre entre deux missions, et aux bouquins que je lisais pendant nos voyages entre planètes.

- Je l'avais remarqué, aussi. Tu as davantage ouvert ton esprit.

- Et tu m'y as encouragé. Tes opinions, tes points de vue différents des miens, tes conseils… toutes ces choses m'ont aidé à avancer. Mais j'ai eu vraiment la trouille que tout se casse la figure quand Morgreed a été tué.

- Oh… il ne fallait pas.

- J'ai cru que toute cette bonne volonté allait se transformer en… autre chose. De la rancœur, de la dureté, un truc malsain… Ou pire, se briser en mille morceaux. Que tu allais… enfin, excuse l'expression... « pourrir » comme une rose qui se fane.

La petite padawan fut surprise. Jamais elle n'avait douté du caractère joyeux et optimiste du jeune homme, même à leur première rencontre, mais au moment où elle entendit cette phrase, elle ressentit quelque chose de plus singulier. Sa comparaison n'était pas originale, mais les sentiments qu'elle traduisait la touchèrent profondément, comme dans le Tombeau du Veilleur. L'inquiétude, la détresse se mêlaient derrière ces mots… et un sentiment plus intense et plus exaltant encore.

- Je n'ai pas osé t'en parler, pour éviter de te brusquer. Et puis, en fin de compte, j'ai eu raison. Maintenant, tu as surmonté cette peine-là, et tu as accepté le fait d'avoir éliminé le Garde Impérial… tu es devenue plus forte, plus solide, tu es capable de tenir bon face à des traumatismes importants. Mais le meilleur, c'est que, malgré ça, tu es toujours aussi gentille, aussi douce, aussi attentionnée. Bref, tu es restée telle que tu es, en mieux, même, car ta personnalité s'est de plus en plus affirmée. Tu suis moins strictement les conventions pour être plus toi-même. Il n'y a qu'à te regarder dans la vie de tous les jours : quand nous sommes sur Procopia, tu ne portes plus la bure, tu acceptes l'idée de penser un peu à toi, à te faire belle, à être épanouie. C'est dans ces moments que je te préfère.

Au fur et à mesure qu'il parlait, Liam se surprit à développer des opinions auxquelles il n'avait même pas clairement pensé jusqu'alors. Mais il vit que les prunelles de la jeune fille brillaient de plus en plus fort alors qu'elle semblait captivée par ses paroles.

- Ca correspond à ce que tu penses sur toi ?

Reprenant tant bien que mal ses esprits, la padawan fit une petite moue hésitante.

- Plus ou moins, oui. Maintenant, j'y vois un peu plus clair. Je ne pense pas que j'aurais autant… évolué si j'étais restée sur Drall. Ce qu'on dit au sujet des voyages qui font grandir, ça peut donc être vrai.

- Comment c'est, chez toi ? Ta planète, ta ville, tout ça ?

- Oh, c'est plutôt difficile à décrire en deux mots, Liam. Le mieux, c'est de le voir.

- Est-ce que tu penses que si on… enfin, quand on reviendra à Yavin IV, on pourra demander une semaine ou deux de vacances, pour que tu m'y emmènes ?

- Bien sûr ! dit-elle joyeusement. Ce sera un plaisir pour moi de revoir mon monde natal, et te le faire découvrir !

Ils restèrent ainsi encore un temps indéfinissable, à contempler la plaine de Kathol. Puis la voix de Canderous, modulée par son masque, les ramena à l'instant présent.

- Bon, faut y aller, maintenant !

Avant de repartir, Liam retint Chi'ta, les deux mains posées sur ses épaules.

- Euh… Chi'ta ?

- Oui ?

Le jeune homme se sentit rougir. Comment allait-il pouvoir lui dire la phrase ? Et à ce moment-là, qui n'était sûrement pas le meilleur ? Il essaya bien, mais…

- Je… Je t…

- Tu ? demanda la petite Drall avec un petit sourire interrogateur.

Liam soupira en son for intérieur. Après tout, il y aurait toujours un bon moment.

- Je te remercie d'être comme tu es.

- Et je te rends ce remerciement, Liam. Allons-y, maintenant.

Après une brève concertation, le petit groupe se rendit vers la grande masse métallique, qui s'avérait être une épave.

- Ah-ha ! C'est une corvette corellienne, constata le padawan Gardien, sûr de lui.

- Va savoir ce qu'elle fiche ici ?

- Je pense avoir une réponse, docteur Lohrn. Regardez le logo sur le fuselage.

C'était une étoile dorée à cinq branches dans un cercle au fond rouge. La branche supérieure et la branche de gauche étaient plus grandes, dépassant du cercle. Entre ces deux branches, on pouvait lire les deux mots : Étoile Lointaine.

- C'est elle ! L'Étoile Lointaine ! Tombée ici il y a maintenant sept ans ! s'écria Liam, tout excité.

- Si j'en crois le rapport de Ciro, on a plutôt de la chance de la voir dans cet état, commenta le docteur Lohrn. Elle s'est retrouvée coincée entre les Impériaux de Sarne, les créatures de Kathol, les chasseurs de la Confédération de Qektoth, constituée de scientifiques sans scrupules, le Soleil Noir, les Moines Aing-Tee, et les espions Bothans qui avaient un de leurs agents infiltrés à bord. C'est étonnant qu'elle n'ait pas été réduite en cendres !

- Elle a quand même encaissé de rudes assauts, murmura Dankin.

Le Togorien avait raison. L'Étoile Lointaine avait traîné sur une longue distance, et était partiellement enfouie dans le sol. Quelques-uns de ses réacteurs avaient explosé, plusieurs impacts de canon laser criblaient la partie supérieure de la carlingue, la vitre du cockpit était en miettes, et une longue crevasse fendait tout le côté tribord. Aucune arme n'était visible, elles avaient été détruites ou démontées.

- J'ai bien envie d'aller jeter un coup d'œil là-dedans.

- Qu'est-ce que t'espères trouver, Ezra ?

- N'importe quoi qui ressemble à une boîte noire.

- Vendu.

Alors qu'ils avançaient, Liam sentit soudain la main de Chi'ta lui attraper l'avant-bras.

- Attends !

- Un souci ?

Il vit sur le minois de la jeune Drall une expression qu'il connaissait bien, celle qu'elle affichait quand son empathie exacerbée sentait des flux néfastes dans la Force.

- Beaucoup de douleur… de nombreuses personnes ont perdu la vie, ici… de l'amertume, de la culpabilité… et de la peur, énormément de peur. Je… je suis navrée, mais je ne peux pas entrer là-dedans.

- Pas de problème, reste dehors, répondit la Calipsa. On n'en aura pas pour longtemps. Le temps de prendre la boîte noire et on ressort.

- Je vais rester près de toi, ajouta Dame Liryl. Nous vous attendrons ici.

Les trois hommes et la doctoresse atteignirent l'un des trous béants de la carcasse de la corvette. Canderous entra le premier. Il se félicita d'avoir commandé auprès de Vaskel Savill une armure mandalorienne avec un système de caméra infrarouge, car on n'y voyait goutte. Les générateurs à énergie de l'Étoile Lointaine étaient tombés en panne depuis des années, et seule la pile atomique de secours alimentait faiblement les lampes rouges de secours. Les rayons des soleils crevaient l'obscurité par intermittences, et cela suffisait aux sens accrus du jeune padawan Gardien et à l'œil entraîné de Dankin, mais Ezra n'en menait pas large.

Les couloirs de la corvette corellienne étaient très étroits. Il n'était pas question pour le petit groupe de se diriger vers la poupe, car les étages supérieurs s'étaient effondrés, interdisant tout accès. Le chemin vers le pont principal restait accessible. La doctoresse vit Canderous sortir l'une de ses vibro-dagues, plus maniable dans le corridor exigu.

Ils avancèrent ainsi péniblement pendant de longues minutes, forçant une porte coincée, trouvant une échelle de secours pour monter à l'étage. Le mercenaire, toujours en tête, repensait à l'une de ses missions d'infiltration au sein de son ancienne unité, pendant laquelle il était passé par des lieux comparables. Une fois le dernier barreau franchi, il entendit son instinct lui murmurer que le pont principal n'était pas loin. Quelques pas encore, avec les autres sur les talons, lorsqu'il se figea.

Devant lui, dans l'encadrement d'une porte au bout du couloir, il y avait un individu. Un humanoïde dont le visage était entièrement caché par un masque finement ouvragé. Il portait une tunique sombre, des bottes recouvertes de jambières chromées, et ses mitaines laissaient apercevoir des doigts osseux aux longs ongles pointus. L'être avait dans la main un petit objet brillant que Canderous reconnut immédiatement avec une sueur froide, sueur qui gagna ses trois compères quand la lame pourpre d'un sabre-laser projeta ses éclats sur les cloisons d'acier. Le personnage se mit en position de combat, prêt à attaquer.

À moitié coincés par l'étroitesse des lieux, les quatre amis s'apprêtèrent au combat, lorsqu'un autre vrombissement claqua derrière eux. Un autre guerrier arrivé sans bruit brandissait aussi un sabre-laser de couleur dorée. Liam réfléchit rapidement. Coincé entre deux utilisateurs de la Force, si les couleurs des lames étaient toujours respectées, il aurait sans doute moins à craindre de l'homme arrivé en deuxième. En outre, l'individu masqué était plus près de lui. Il dépassa le Mandalorien en se faufilant le long du mur métallique du couloir, et dégaina son propre sabre-laser à lame bleue. Avec un cri terrible, le Sith bondit en avant. Le padawan Gardien fut plus vif encore il repéra sans hésiter l'endroit à viser pour mettre son adversaire hors de combat d'un seul coup, puis fléchit les genoux pour accompagner un gracieux balayage en oblique.

Le sabre-laser siffla, et termina sa course dans la plaque de tôle du plancher. Des étincelles crépitèrent, laissant Liam incrédule.

J'étais sûr de l'avoir… quoi ?

Le Jedi et le Sith se battaient, frappant, esquivant et parant les coups sans relâche, faisant tournoyer les deux lames laser dans un ballet mortel parfaitement exécuté. Mais ils ne tenaient pas compte de la présence des quatre camarades, littéralement. Ils « traversaient » l'un ou l'autre d'entre eux, parfois une partie des cloisons étriquées du corridor, et n'avaient aucune influence sur quoi que ce soit d'autre que leur opposant. Dankin, Ezra, Canderous et Liam se détendirent, et contemplèrent le phénomène. Les scanners du Mandalorien indiquaient bien l'empreinte calorique des deux combattants, les trois autres les voyaient et entendaient distinctement, et pourtant ils étaient complètement intangibles. Le padawan Gardien eut l'impression de contempler un hologramme suffisamment réaliste pour tromper l'œil nu. Au bout d'une minute de combat acharné, le Sith parvint finalement à pousser le Jedi à la faute, et lui fendit tout le flanc gauche dans un éclair rougeâtre. Le chevalier tomba à terre, prostré sur le sol. Le vainqueur rangea son arme, dépassa les quatre compères et disparut dans l'obscurité. Pendant ce temps, le corps du Jedi vaincu s'estompa peu à peu, pour s'évanouir totalement.

- À votre avis, c'était quoi, ça ? murmura Canderous.

- Un résidu de quelque chose qui s'est passé ici. Une sorte d' « enregistrement psychique », répondit la doctoresse.

- C'est vrai qu'on est dans la Faille de Kathol. Même si les proprios ont fait un peu le ménage, il reste des vibrations tordues qui ont laissé des traces dans la Force.

- Tant que ce ne sont que des illusions… gronda le Togorien.

Deux minutes de marche difficile plus tard, ils gravirent un escalier, et purent souffler ils étaient enfin arrivés au pont supérieur de l'Étoile Lointaine. La baie vitrée brisée donnait directement sur l'extérieur. Liam jeta un petit coup d'œil, et fit un signe de la main aux deux femmes restées dehors.

- La cabine du capitaine est derrière cette petite porte, là, constata Canderous.

La porte en question menait à un petit couloir annexe au fond duquel se trouvait la cabine du capitaine. Dankin le suivit. La cabine était sens dessus dessous, mais un examen plus approfondi révéla aux deux compères que ce n'était pas seulement dû à l'atterrissage en catastrophe de l'Étoile Lointaine. Les tiroirs du bureau avaient été sortis du meuble et consciencieusement vidés sur le sol. Le matelas et l'oreiller gisaient éventrés. Et la moquette sous le lit, qui avait subi le même sort, révélait un petit coffre-fort encastré dans le plancher.

- Le coffre a été forcé, remarqua Dankin.

- Ouais, et évidemment, quelqu'un l'a nettoyé. Bon, on ne trouvera rien de plus ici, rejoignons les autres.

Liam avait marché de long en large à travers la grande salle de commandement, essayant le fauteuil du capitaine, s'installant au poste de communication. Tous ses sens étaient à l'affût de la moindre indication, la plus petite prémonition. Il savait que les maîtres Jedi étaient capables de « ressentir » à volonté en se concentrant le vécu de certains lieux ou objets, comme lorsqu'il avait empoigné le sabre-laser fabriqué par Ageer pour la première fois. Il guettait le moindre frémissement dans la Force, sans rien trouver de plus qu'il n'éprouvait déjà.

De son côté, Ezra s'était installée devant l'ordinateur principal du poste de commande. Elle essaya bien de l'allumer, sans succès.

Fallait s'y attendre.

Elle sortit son bloc de données, le brancha sur l'un des ports de l'unité centrale, à la recherche de données. Peine perdue : elle parvint bien à voir le contenu de l'ordinateur de l'Étoile Lointaine, et son front se creusa quand elle comprit qu'il n'y avait plus le moindre contenu à récupérer. Toute la mémoire du disque dur avait été proprement effacée.

- Tu vois quelque chose ? demanda le petit jeune homme.

- Non, apparemment, quelqu'un a fait le ménage. Va savoir qui.

Les deux mercenaires revinrent sur le pont. Comme il n'y avait plus à espérer retirer, tous les quatre quittèrent l'épave de la corvette corellienne, et rejoignirent les deux filles restées dehors. Contournant la grande tour par le sud, ils voulurent aller jeter un coup d'œil du côté de la masse métallique de taille moindre. Ils ne mirent que quelques minutes à s'en approcher suffisamment près pour comprendre qu'il s'agissait d'une autre épave de vaisseau.

- C'est quoi, à votre avis ?

- Une navette de classe lambda comme celle des Imps, Canderous.

- Oui, Liam, j'avais compris, mais qu'est-ce qu'elle fiche ici ?

La navette était dans une posture pour le moins surprenante. Les six compères étaient face à son flanc bâbord, qui n'était que partiellement visible. Elle avait atterri sans doute très brutalement, car elle était à moitié enfouie sous la terre.

- Oh, regardez ! s'exclama Chi'ta en tendant le doigt. Il y a un blason peint sur la queue de cet appareil !

Ce n'était pas le poing aux ronces de Thorn, ni même le logo impérial standard représentant un anneau segmenté en six blocs. Cela représentait plutôt un triangle rouge aux côtés courbes, vaguement isocèle, dont la pointe opposée à la base était dressée vers le ciel. Trois lames courbes de couleur verte traversaient verticalement le triangle, chacune passant par le milieu de l'un des côtés.

- Je le reconnais, c'est le blason du moff Kentor Sarne.

- T'es sûre, Ezra ?

- Ouais, Dankin. Tu as bien lu le rapport de Ciro, non ?

- Mh-mh… On dirait que cette navette a raté son décollage.

Canderous avança, tapa du poing la carrosserie brûlée.

- Il y a beaucoup d'impacts, l'aile gauche a été arrachée, la vitre du cockpit est fendue… Sarne a essayé de se barrer, mais y en a qui n'étaient pas d'accord.

- Le Soleil Noir, peut-être ? C'est ici qu'ils ont tenté de massacrer l'équipage de l'Étoile Lointaine, selon Ciro.

- C'est le Soleil Noir qui a fait ça ?

Le Togorien montra des traces visibles sur la base de l'aile gauche, encore visible. Les autres distinguèrent de longues griffures rayant profondément la peinture de la coque.

- Vandalisme ?

- Peut-être que c'était là avant le crash ?

- Peut-être qu'une bestiole a fait ses griffes dessus il y a trois jours ?

Pendant qu'ils réfléchissaient à la question, Chi'ta s'éloigna un peu du groupe, faisant le tour de l'épave. Le terrain était cependant plus instable qu'elle ne l'avait cru, si bien qu'elle perdit l'équilibre lorsqu'elle posa le pied sur un pan de terre qui céda sous son poids. Elle tomba en avant, tenta bien de se rattraper, et agrippa quelque chose du bout des doigts, ce qui lui permit de se stabiliser. Elle soupira de soulagement, mais quand elle vit ce à quoi elle s'était retenue, elle poussa un hurlement strident, et bondit en arrière en dégainant son sabre-laser. Puis elle se figea, attendit... rien ne se produisit.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Canderous, arrivé au pas de course avec Liam.

- Blast !

Un visage terrifiant faisait face aux trois amis, le visage vaguement humain et cerclé d'une collerette de corne d'une monstrueuse créature au corps de mille-pattes. Les traits de l'être semblaient crispés dans une douleur muette mais inouïe. Le docteur Lohrn et Dankin les rejoignirent. La jeune Calipsa n'eut aucun doute.

- Alors c'est ça, DarkStryder. Il est encore plus moche en vrai !

C'était bien l'ordinateur biomécanique conçu par les dirigeants Kathols pour protéger le fameux Puits de Vie, où ils avaient stocké les cristaux contenant les âmes de leurs sujets. DarkStryder, un visage était enfin associé à ce nom qui trottait dans les esprits juvéniles des deux padawans depuis que Taava avait tiré les vers du nez au capitaine Raynor. DarkStryder, le gardien qui avait posé tant de problèmes à l'équipe de Keleman Ciro, si l'on en croyait le rapport du docteur Akanseh. DarkStryder était là, devant eux. Mais DarkStryder ne bougeait pas, ne parlait pas, ne respirait même pas. Cela n'avait rien d'étonnant puisque la moitié inférieure de son corps avait été broyée sous la navette de classe lambda.

- Qu'est-ce qui a bien pu se produire pour que cette créature se trouve là ?

- Bonne question, Chi'ta, je serais curieuse de le savoir. J'ai déjà vu des fins plus glorieuses qu'un bête accident de pilotage…

- Je ne te le fais pas dire, docteur ! ricana Canderous.

- Il est vraiment mort ? demanda Liam, avant de toucher du bout des orteils l'une des plus grandes pattes de la créature, qui ne réagit pas.

Le docteur Lohrn regarda de plus près DarkStryder, et ne put s'empêcher de sortir son bloc de données avec tous ses accessoires pour faire quelques prélèvements.

- Il est clair que tout ce bazar date du moment où les gars du capitaine Ciro ont débarqué ici. Je ne sais pas ce qui s'est exactement passé pour que cette horreur se soit retrouvée sous cette navette, ç'a dû être violent. Et donc, c'était il y a sept ans. Je ne connais pas beaucoup de formes de vie capables de vivre aussi longtemps avec les restes d'une navette sur la carcasse. Et s'il te faut plus d'arguments, mon matériel ne détecte aucun signe vital.

- Il est bien conservé pour un cadavre de sept ans !

- Ce n'est pas si étonnant, Liam. Cette forme de vie est insectoïde, ce que tu vois, c'est son exosquelette. Tout ce qui est à l'intérieur doit être en poussière, il ne reste plus qu'une enveloppe rigide encore intacte.

- Et t'es sûre que c'est une bonne idée de prendre des bouts de ce machin, Ezra ?

Ezra releva la tête de son ordinateur portable.

- Liam, je suis devant un bio-ordinateur capable de contrôler à distance des formes de vie à l'intelligence animale. Je connais beaucoup de collègues qui seraient prêts à faire des confettis avec leur diplôme pour être à ma place.

- T'as pas peur que ces données soient interceptées par le Soleil Noir ? Ou par un collègue peu regardant ?

- Je prends le risque. L'enjeu est trop important pour être négligé.

Pendant qu'Ezra planta une seringue dans le cou de l'être, Liryl regarda à son tour le grand cadavre.

- Le vigo Gorak Khzam a amené le Soleil Noir ici, ils ont pris tout ce qu'ils pouvaient avant de partir et de bombarder la planète pour éliminer le capitaine Ciro et son équipe. Comment ont-ils pu laisser ici un tel trésor ?

- Ils étaient suivis par des tas de gens, souvenez-vous en, Dame Liryl. Les gars du Soleil Noir n'avaient probablement pas une armée à portée de main pour faire le ménage intégral. Le temps leur était compté, en fin de compte, ils n'ont sans doute pas emporté tout ce qu'ils espéraient, et il faut croire que cette bestiole a échappé à la pluie de bombes à protons.

- Je pense que vous avez raison, docteur Lohrn, approuva la Dame de Sérénité. Et je ne sens aucun signe de vie ou de Force émanant de ces restes. Quoi que ce fût, cette créature est bien morte.

La doctoresse rangea soigneusement son matériel, puis elle eut un petit rictus mystérieux… et légèrement inquiétant.

- J'ai bien envie d'emporter un petit quelque chose de plus. Dankin ?

Alors qu'elle revenait vers le petit groupe dont elle s'était tenue à l'écart, Chi'ta crut halluciner quand elle vit le chasseur Togorien sortir son sabre Yil, trancher la tête de la créature piégée sous la navette, la ramasser en la tenant par les narines et la bouche et l'emmener jusqu'au Vandread.

J'espère qu'elle ne compte pas la mettre dans la salle d'attente de son cabinet !

- Dites, au cas où vous l'auriez oublié, le temps nous est compté, et celui du secteur Tapani avec ! On charge ce module et on se casse !

- Oui, Canderous, vous avez raison, répliqua Liryl. Allons-y.

Dankin revint bien vite, Ezra rangea son bloc de données, et le petit groupe se dirigea vers la grande tour. Au fur et à mesure qu'ils en approchaient, Liam constata qu'il y avait des débris épars aux alentours. Des ruines de bâtiments écroulés, qui n'avaient pas résisté à l'épreuve du temps, ni à la guerre. La mousse avait recouvert des pans de murs, des toitures effondrées, et d'autres restes.

Chi'ta ne ralentissait pas. Elle se concentrait sur le chant des oiseaux, la splendeur de la végétation, les couleurs du ciel. Les émotions malsaines qui semblaient émaner des constructions détruites étaient ainsi occultées par des pensées plus agréables. Soudain, quelque chose d'indéfinissable retint son attention, l'arrêta dans son élan. Elle se figea.

- Hé, ça ne va pas ?

En se rapprochant, le docteur Lohrn constata qu'elle semblait noyée dans de tumultueuses pensées. Quand elle entendit l'Humaine approcher, la jeune Drall sursauta.

- Oh ! Euh…

- On dirait que tu viens de sortir d'un coma léger. Quelque chose te trouble ?

Chi'ta secoua la tête, cligna plusieurs fois des yeux. Elle s'aperçut qu'elle avait posé la main sur une surface solide et glacée, un morceau de colonne tombé depuis des siècles.

- Une vision, peut-être ? demanda Liam, qui les avait rejointes.

- Je ne… sais pas. C'est une sensation de « déjà vu », je crois.

- Ouais, la paramnésie. Rien d'exceptionnel, ça arrive à tout le monde.

- Pas seulement, Ezra. Des fois, la Force, ça nous fait vivre de drôles de trucs.

- Tant que ça n'entrave pas notre progression, on continue ! déclara Canderous, autoritaire. Plus vite on sera au labo d'Ageer, plus vite on pourra se tirer d'ici.

Et le petit groupe reprit son avancée, le mercenaire en tête. Mais avant de suivre le mouvement, Liam sentit les doigts duveteux de la petite Drall lui attraper la main. Elle semblait perturbée.

- Je… j'ai compris, Liam. Je viens de me rappeler…

- Quoi donc ?

Ils étaient maintenant tous les deux en retrait. Elle articula dans un souffle :

- C'est là que je suis morte.

Liam n'avait pas besoin d'explication plus poussée pour comprendre ce que sa partenaire voulait dire. Les deux jeunes gens regardèrent ensemble la masse de pierre émoussée, puis continuèrent leur chemin, rattrapant les quatre adultes. En passant, Canderous lança un appel radio au Vandread.

- Mister V, au rapport !

- Je vous écoute, capitaine Tal.

- Tu vas faire décoller le vaisseau, et patrouiller autour de cette tour. Tu fais des cercles d'un rayon de cinq cents mètres, en faisant des scans toutes les cinq minutes. Et tu demandes à Eve de prendre place au canon à ions.

- À vos ordres, capitaine Tal.

Ils étaient maintenant arrivés au pied de la grande tour. Ils repérèrent quelque chose qu'ils n'avaient pas encore vu : derrière la grande construction, la terre s'était effondrée, révélant un grand cratère qui se muait en un gouffre profond. Un premier examen de Canderous révéla quelques données.

- Ce gouffre est sombre, mais avec ma visière, je peux y voir clair. Voyons… à la surface, les parois du cratère sont irrégulières, mais plus on descend, et plus c'est… ordonné.

- Tu veux dire que ç'a été taillé ?

- Ouais, fiston, je crois bien.

- Tu vois le fond ?

- Pas vraiment. Y a plusieurs dizaines de mètres de profondeur, peut-être une centaine.

Ezra alluma une tige lumineuse et la laissa tomber dans l'ouverture béante. Le petit point lumineux fila, fut happé par l'obscurité. Le trou était vraiment profond. Dans le ciel, la forme allongée du Vandread apparut, et se rapprocha de la tour. Chi'ta réfléchit un instant avant de suggérer :

- Peut-être est-ce là ce qu'on appelle le « Puits de Vie », vous ne croyez pas ? Je suppose qu'à sa construction, l'ouverture que nous voyons ici était mieux aménagée, et s'est écroulée pendant ou après la catastrophe d'il y a quatre mille ans ? Peut-être même qu'il n'y avait pas d'ouverture, et que ce trou n'est que la conséquence d'une forte secousse sismique ?

- C'est fort possible, Chi'ta. Mais nous ne sommes pas là pour faire de la spéléo, faut qu'on y aille !

Ayant dit, le Mandalorien se releva et se tourna vers la tour.

- La porte d'entrée doit être là.

Effectivement, une ouverture ovale apparaissait sur le flanc de la grande construction. Elle était obstruée par une sorte d'opercule de nacre. Canderous et Dankin essayèrent bien de le déplacer, il restait complètement immobile. Liryl posa délicatement ses mains dessus, se concentra. Aucun effet. Liam voulut en découper les contours au sabre-laser, la matière était trop résistante pour la lame qui refusa obstinément de la pénétrer.

- Okay, on va devoir passer la seconde, constata le Mandalorien. Ezra ?

La jeune femme, qui avait déjà compris, tira de son sac les explosifs bricolés, avec un sourire mauvais.

Une gerbe de flammes illumina les alentours, suivie d'un tourbillon de fumée. Le padawan Gardien éclata de rire.

- Tu parles d'un feu d'artifice !

- Espérons que les Précurseurs n'aient rien entendu, bredouilla Chi'ta.

Canderous, cependant, ne répondit rien. Même le visage dissimulé par son masque, son attitude posée laissait supposer qu'il était perplexe. Il y avait de quoi. L'enthousiasme général retomba quand les autres virent à travers la fumée qui se dissipait ce que le mercenaire avait déjà constaté grâce à ses appareillages. Toute la pelouse autour de la tour s'était envolée, avait pris feu, laissant un cratère de trois bons mètres, mais la paroi blanchâtre n'avait pas la moindre éraflure.

- Voilà au moins une porte qui n'a pas été bâclée ! ironisa la doctoresse.

- Bon ! Eh bien on va voir jusqu'où ça peut aller. Mister V ?

La voix de Mister V résonna immédiatement dans tous les communicateurs.

- Je vous écoute, capitaine.

- Tu vois la lourde de ce tas de ferraille ?

- Si vous désignez la cloison solide située au pied de cette construction, je la repère.

- Parfait. Blaste-moi cette cochonnerie !

La jeune Drall sursauta en entendant l'ordre, et courut s'abriter derrière la carlingue de la navette de Sarne, suivie par Liam, Liryl et Ezra. Les deux guerriers professionnels, habitués aux explosions, ne reculèrent que de quelques pas. La petite padawan se boucha les oreilles et ferma les yeux en voyant arriver le Vandread.

Six tirs de canon laser lourd déchirèrent les cieux et s'abattirent sur la porte. Tous écarquillèrent les yeux, espéraient que… peine perdue. La porte, inflexible, leur barrait toujours la route.

Les six compagnons se rejoignirent. Dankin parla lentement de sa voix de basse :

- Quelque soit le moyen par lequel nous entrerons, ce ne sera pas par cette issue.

Tous avaient compris ce qui les attendait. Lentement, Ezra tourna la tête vers le gouffre, et poussa un profond soupir.

Descendre directement dans le Puits de Vie ne s'annonçait pas aussi difficile que ça. Après avoir vérifié à l'aide de son senseur portatif que l'atmosphère souterraine n'était pas viciée, Ezra était partie la première en se laissant lentement descendre à un rouleau de synthécorde, pour tâter le terrain. Liam profita de cet intermède pour parler de ce qu'il avait vu aux deux femmes sensibles à la Force.

- Je ne sais pas exactement ce que c'était. Comme un « enregistrement », un bout d'holofilm d'un réalisme à tout casser.

- Tu veux dire… des fantômes ?

- Pas exactement. Quand on a vu Duncan Blackstorm dans le Tombeau du Veilleur, on ne pouvait pas se tromper il était immatériel, il était un peu transparent, il y avait un halo bleuté autour de lui… or, ces deux-là, c'était différent. À part quand j'ai frappé dans le Sith et que c'est passé au travers, on y a tous cru, même les détecteurs de Canderous : ils avaient l'air d'être bien réels.

- Je vois, répondit Dame Liryl. Les vibrations qu'émettaient ces apparitions vous semblaient-elles authentiques ?

Le jeune homme réfléchit avant de répondre :

- En fait, depuis mon réveil, j'avoue que j'ai justement du mal à… « cerner la Force ». J'imagine que c'est dû à la déchirure de la Faille. Et donc, j'arrive moins bien à sentir les flux de la Force. Pas vous ?

- Je t'avouerai qu'en dépit de la beauté de ce décor, je ne suis pas tellement à l'aise, au bout du compte.

- Donc, si je vous suis, Liam, nous allons devoir redoubler de prudence. Il sera impossible de distinguer la réalité de l'illusion.

- Du moins, jusqu'à ce qu'on leur colle une mandale ! coupa fermement Canderous. Je ne laisserai personne se mettre en travers de notre chemin, au point où nous sommes arrivés !

La Dame de Sérénité répliqua d'un ton pincé :

- Il n'y aura peut-être pas que des tueurs hostiles. Qui sait, peut-être que nous allons trouver de simples citoyens innocents ?

Le mercenaire ne voulut pas prendre la peine de réfléchir à une réponse, et préféra en revenir au trou. Il alluma son communicateur.

- Ezra ?

- Ouais, je t'entends.

- T'en es où ?

- Je suis arrivée en bas. C'est une grande salle. C'est fou, toutes les parois sont sculptées, le sol forme un octogone. Jusqu'ici, tout va bien.

- Quelqu'un en vue ?

- Même pas un rat womp. C'est clean, vous pouvez venir.

Il fallut au total un quart d'heure pour que tous se retrouvassent au fond du puits. Dankin avait porté la Dame de Sérénité sur son dos, après avoir fait descendre Chi'ta attachée au bout de la synthécorde par un harnais. Les deux hommes Humains avaient fermé la marche sans difficulté. En bas, le docteur Lohrn avait allumé des tiges éclairantes, laissant voir un spectacle édifiant.

Les six camarades se trouvaient donc dans une immense pièce octogonale qui semblait constituée d'une seule et même matière, une sorte pierre blanche de consistance crayeuse. On ne pouvait pas distinguer clairement le sol, car une légère brume vaporeuse flottait à hauteur des chevilles. Les murs étaient taillés avec soin, et n'avaient pas trop souffert de l'érosion du temps ou des batailles passées, pour ce qu'ils pouvaient voir avant l'obscurité. Chacune des huit parois comportait un nombre impressionnant de niches directement sculptées dans la pierre. De multiples décorations complexes mêlées à des petits caractères en langue Kathol enjolivaient les contours de ces ouvertures.

- C'est quoi, tout ça, à votre avis ? demanda la Calipsa.

- Permettez, docteur ?

Dame Liryl approcha de l'une des niches.

- Je peux lire les caractères Kathols. Ageer m'a enseigné. Mais je ne vois que des mots dépourvus de signification.

- S'agirait-il peut-être de… noms ?

- C'est tout à fait possible, Chi'ta. Des noms propres. Et je commence à comprendre de quoi il s'agit, si je me remémore correctement les dires de mon ancien Maître.

- Surprenez-moi, marmonna le Mandalorien.

Liryl se plaça au centre de la grande pièce, voulant considérer tous ses compagnons et les alentours d'un seul regard.

- Il y a quatre millénaires, lorsque la bataille entre Sith et Jedi a éclaté dans ce secteur, les Kathols se sont rapidement retranchés dans cette tour, et ces installations souterraines. Ils ont voulu protéger particulièrement cet endroit appelé « Puits de Vie », car c'est ici qu'ils rangeaient leurs biens les plus précieux. Ces biens étaient les âmes de leurs compatriotes. Les Kathols n'étaient pas très nombreux, loin s'en faut. Grâce à leur technologie, ils pouvaient subvenir sans difficulté à leurs besoins, ou à défaut fabriquer des serviteurs artificiels suffisamment compétents et totalement serviles pour les assister. Mais ils conservaient avec le plus grand soin les esprits de leurs morts. Chaque fois qu'un Kathol mourait, on transférait son âme dans un petit cristal. Et chaque fois qu'un nouvel enfant voyait le jour, on lui octroyait une âme ainsi conservée. Et donc, le Puits de Vie était le lieu où étaient rangés tous les cristaux. Chaque niche a accueilli un cristal, dont le nom du détenteur de l'âme gardée à l'intérieur est gravé en caractères Kathols. Je vous laisse imaginer à quel point le Ta-Ree ondule dans ce lieu sacré.

Un long silence, presque religieux, suivit ces explications. Le padawan Gardien réfléchit à haute voix.

- C'est bizarre, je m'attendais à quelque chose comme des machineries complexes, ou une installation, n'importe quoi qui aurait justifié le nom de « Puits de Vie » !

- N'oubliez pas ce que les Moines ont dit : les Kathols ont abandonné toutes les installations de cette partie de leur cité, rappela Chi'ta. Il n'y a donc plus rien, ce qui est heureux, autrement nous aurions probablement affronté des hordes de créatures monstrueuses, comme une nouvelle version de DarkStryder.

Liam n'était pas rassuré pour autant.

- Je sens quand même un truc pas clair. Pas toi ?

- Eh bien… oui, moi aussi.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ? s'enquit Canderous. Ce lieu est chargé en Force ?

- En effet, Canderous. Je suppose qu'après la catastrophe qui a meurtri ce système, le voile de la Force a été lourdement teinté. Il est fort possible que les frontières entre notre réalité et la dimension où partent les âmes soient plus floues, ici.

- Ca y est, j'ai compris ce qui me gêne… cette brume. Elle s'épaissit.

- Sapristi, tu as raison !

Soudain, des étincelles dorées et des éclairs traversèrent les nuages de brume. Dankin sentit sa fourrure se hérisser. Mû par un réflexe, il recula, prenant Liryl par les épaules.

- Attention !

- Sortons de là !

Mais il était déjà trop tard. Un tourbillon d'étincelles tournoya au milieu de la grotte, et enveloppa les deux padawans.

- Les enfants ! Cassez-vous !

Sans hésiter, Ezra se précipita dans leur direction, mais fut violemment repoussée par un souffle d'une force irrésistible. Elle essaya bien de s'agripper à quelque chose, mais ne parvint qu'à s'écorcher la paume sur une pierre coupante. Bientôt, Dankin, Canderous, Liryl et Ezra furent écrasés contre les parois de la grotte, ne pouvant plus bouger, pendant que les deux disciples tombèrent à terre. Liam tendit la main de toute son énergie, essayant de saisir les doigts duveteux de Chi'ta, et lorsque leurs phalanges se touchèrent, un coup de tonnerre assourdit les six camarades, et une colonne de lumière illumina toute la caverne.

Les étincelles disparurent, le vent souffla moins fort, mais la lumière s'intensifia jusqu'à devenir éblouissante. La jeune doctoresse serra les dents en voyant les deux petites silhouettes inertes sur le sol, et la surprise étira ses pommettes quand elle vit l'inattendu.

Au milieu de la caverne, juste au-dessus des deux padawans, deux formes apparurent, de plus en plus nettes. Deux grands personnages, élancés, richement habillés, aux visages sereins. Canderous gronda en reconnaissant deux Kathols. Mais il ne pouvait pas attraper l'une ou l'autre de ses armes tellement il était comprimé sur la roche.

Les deux Kathols ouvrirent les yeux simultanément, regardèrent les alentours. Puis ils se firent face, et parlèrent. Leurs voix étaient graves et feutrées comme le son d'un gong.

- Keltan, mon frère…

- Jakel, mon frère !

- J'espérais bien que ce jour arriverait, tôt ou tard. Ne te l'avais-je dit ?

- Si fait, frère. Quatre millénaires… il aura fallu quatre millénaires pour nous retrouver.

- Oui, c'est long, mais nous avons eu la patience d'attendre, et finalement nous sommes de nouveau réunis.

- J'ai failli ne plus y croire. C'est bon de te revoir, Jakel.

- C'est bon de te revoir, Keltan. Ne crois-tu pas qu'il est temps pour ces deux enfants de vivre leur vie ? Nous n'appartenons plus à cette dimension, nous devons rejoindre notre peuple, et laisser nos hôtes.

- Ne risque-t-on pas de déchirer leur âme en les quittant prématurément ?

- Non, frère. L'énergie Ta-Ree circule en eux, ils seront assez solides pour tenir le coup. En outre, nous avons nos sentiments, mais ils ont les leurs. Ces sentiments sont suffisamment forts et sincères pour pallier aux nôtres, et nous pouvons les laisser mener leur propre passion.

- Tu as raison, frère. Chers petits amis, vous avez été parfaits, et grâce à vous, nous nous sommes retrouvés. Vivez en paix, et soyez heureux !

- Bonne chance ! Bon voyage !

Les deux Kathols s'approchèrent, et se serrèrent l'un contre l'autre. Le tourbillon d'étincelles se leva de nouveau, et les deux silhouettes tournoyèrent de plus en plus vite, s'élevèrent dans la caverne, et s'évanouirent. Le vent tomba instantanément, et les quatre adultes retombèrent lourdement sur le sol, enfin libres de leurs mouvements. Canderous et le docteur Lohrn s'empressèrent de rejoindre les deux padawans, pendant que Dankin aida la Dame de Sérénité à se remettre debout.

- Petite puce ? Petite puce !

- Liam ! Tu m'entends ?

La jeune fille ouvrit péniblement les yeux.

- Oh, ma tête…

Très doucement, Canderous aida la petite Drall à se relever. Ezra sortit un petit flacon de sa poche, et l'agita sous le nez du padawan Gardien.

- Ouaf ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je pourrais te retourner la même question ! C'était quoi, ce son et lumière ?

- Eh bien… Hé, mais tu saignes !

La doctoresse en avait oublié sa propre écorchure. En grommelant, elle sortit de sa trousse de soins un spray désinfectant et se fit un bandage.

- Trois fois rien. Mais vous deux, alors ?

- Je crois… je crois que c'était… les autres.

- Les autres ? Quels autres, petite puce ?

Chi'ta toussota et regarda gravement le reste de l'assistance.

- Quand j'ai rencontré Maître Ageer, il m'a expliqué que Liam et moi avions quelque chose de particulier. Selon ses dires, les esprits de deux Kathols étaient… intégrés en nous.

- Quoi ? Tu es en train de nous dire que vous étiez directement liés à eux depuis… depuis quand, d'ailleurs ?

- Pour autant que je le sache, depuis toujours, Canderous. Moi, en tout cas, je ne me souviens pas d'avoir vécu une expérience telle qu'une « possession ». Nous étions les réceptacles de ces Kathols dès le premier jour de notre vie.

- T'es sûre que c'est pas le parasite de la Mante ?

- Je n'y ai pas eu droit, Dankin, et pourtant j'ai senti aussi qu'il y avait une autre âme qui a quitté mon corps. Je devais avoir ça depuis plus longtemps.

- C'est difficile à croire, les amis, mais l'un comme l'autre aurions été les réincarnations de deux Kathols sensibles à la Force.

- Deux personnes très proches, en fait, et sans doute proches du couple royal.

- Ca n'a pas l'air de beaucoup te surprendre, fiston.

- Chi'ta m'en a parlé, après notre retour de Wakeelmui. Et ça explique ces étranges visions que j'ai pu avoir, moi aussi, comme si j'étais directement lié aux Kathols. Je vivais des événements à la place d'un Kathol qui s'appelait Keltan. C'est à ça que je faisais allusion quand j'ai tenté de parler avec Na'toth, sur Obulette.

- Moi aussi, j'ai été à plusieurs reprises dans la peau de Jakel. Jusqu'à sa fin tragique survenue il y a quatre millénaires. Et ce qui vient de se passer… ils ont pu se libérer grâce à l'énergie ambiante du Puits de Vie, et retourner au néant.

- Cela me paraît être l'explication la plus probable, approuva la Dame de Sérénité.

- C'est dingue…

- Canderous, t'as vu comme moi ces deux espèces de fantômes s'évanouir après avoir remercié nos deux petits Jedi, non ? Je ne sais pas quoi penser, mais pour moi, ça tient à peu près debout.

Canderous resta sceptique.

- Si c'est vrai, peut-être que vous étiez des taupes, malgré vous, comme Halbret.

- Je ne pense pas, maître Tal, répliqua Liryl avec une certaine fermeté dans la voix. Ageer m'avait parlé d'eux Keltan et Jakel n'ont pas connu les affres de l'emprisonnement comme les autres, mais sont morts au cours de la catastrophe. Ils n'ont pas emmagasiné la même haine, le même désespoir que le couple royal et leurs serviteurs. Comme Ageer, ils étaient encore animés de bonnes intentions.

Tous attendirent une réaction plus positive de la part du mercenaire. Finalement, il haussa les épaules, semblant plus ou moins convaincu.

- Nous devons continuer jusqu'au bassin, en route !

Ils évoluèrent d'abord pendant quelques minutes dans un long couloir large, faiblement éclairé par une étrange lumière émise par certaines dalles au plafond. Chi'ta frissonna. L'air n'était pas spécialement froid, mais il semblait charrier quelque chose d'étouffant. Même entourée par les deux grands costauds du groupe, elle n'était pas tranquille, et restait au milieu du groupe.

Quand ils arrivèrent à un croisement où pas moins de cinq couloirs partaient dans toutes les directions, ils comprirent avec effarement qu'ils n'étaient pas au bout de leurs peines. Et bien vite, ce qu'ils virent confirma leurs craintes : ils venaient bel et bien de pénétrer dans un labyrinthe. Ils ne voulurent pas prendre le risque de se lancer à corps perdu dans une direction prise au hasard. Le docteur Lohrn brandissait la tige enregistreuse de son bloc de données, qui pouvait également servir de senseur. Toujours à la recherche de l'émission énergétique décelée à la sortie du Vandread, ils poursuivaient leur chemin sans relâche.

Liam préféra ne pas faire attention au temps qu'ils passèrent dans ces tunnels mal éclairés, persuadé qu'il risquait de s'écrouler de fatigue. Les autres avaient peu à peu perdu toute notion du temps. Canderous regardait régulièrement du coin de l'œil l'affichage horaire digital qui apparaissait dans le coin de son champ de vision assisté, et comprit qu'il n'y avait aucune cohérence. Parfois, une minute semblait durer deux heures, parfois quarante minutes avaient passé en une demi-seconde. Mais ils continuaient sans relâche. Ils finirent par arriver dans une salle bien plus grande.

- Cet endroit pue… la mort, marmonna Dankin.

Sous une couche de poussière épaisse de quelques années, on pouvait distinguer des cadavres. Canderous en toucha un du bout du pied, et sentit un contact il y avait bel et bien une dizaine de soldats de choc de l'Empire étalés sur le sol.

- Comment ils sont arrivés là, à votre avis ?

- Je vais voir ça.

Un rapide examen du mercenaire révéla que les armures blanches comprenaient plusieurs impacts noircis de tirs de blaster. Deux d'entre eux, cependant, avaient les bras et les jambes lacérés de coups tranchants. Des armes blanches acérées… ou de redoutables griffes. Le docteur Lohrn décela de nombreuses traînées brunâtres de sang séché.

L'un d'eux, sans doute le chef d'escouade, portait une épaulière renforcée avec un blason peint dessus, encore le blason de Sarne.

- Ils ont atteint le Puits de Vie, d'après Ciro, rappela la Calipsa. Ce n'était pas encore un chantier, à ce moment-là, eux ils sont passés par la tour, puis ils sont ressortis par le Puits.

- DarkStryder était tapi dans ce Puits, ajouta Liryl. Il en était le Gardien.

- Il a dû se lancer à la poursuite de la navette de Sarne, suggéra le Mandalorien.

Il pensa alors à faire une vérification. Après s'être éloigné de quelques pas, il enclencha son communicateur.

- Mister V ?

- …pitaine Tal ?

- Est-ce que tu me reçois ?

- … ficile, je vous… trois sur cinq, cap…

- Bon. Re-ste-vi-gi-lant ! articula soigneusement le Mandalorien. Ter-mi-né !

Puis il rouvrit la marche, les six compères empruntèrent derechef un couloir sombre.

Le labyrinthe éprouva leur résistance de plus belle. Mais le senseur d'Ezra pulsait de plus en plus vite, de plus en plus fort. Ils approchaient de leur objectif. Et bientôt, les couloirs annexes se rejoignirent, les options se limitèrent à un seul et unique long corridor. Un corridor qui ne s'interrompit pas pendant quelques bonnes minutes.

Alors qu'ils continuaient leur route, les six amis virent une arche pratiquée dans la paroi de gauche, qui laissait voir une autre porte double. Elle était entrouverte. En passant la tige enregistreuse de son bloc de données, la doctoresse observa qu'il y avait un dégagement énergétique au-delà de l'arche.

- Je vais voir ce que c'est, décida Canderous.

- Soyez extrêmement prudent, recommanda timidement la jeune Drall.

Pendant toute la traversée du labyrinthe, Canderous n'avait pas desserré les doigts de la crosse de son pistolet sonique, il n'avait pas l'intention de s'arrêter. Il posa les phalanges de sa main gauche sur le bois, et poussa avec d'infinies précautions. En tendant l'oreille, il n'entendit rien au-delà de l'arche. Il se glissa entre les deux battants, prêt à tout encaisser. Quand il eut enfin franchi le chambranle de la porte, il ouvrit grand les yeux. Ce qu'il vit le fit hésiter quelques instants sur la conduite à adopter.

- Hé, Canderous, tu vois quelque chose ?

Ezra entra à son tour, et grinça des dents. Chi'ta passa prudemment la tête par l'ouverture, recula pour se réfugier entre Liam et Dankin. Le mercenaire articula difficilement :

- Nom d'un bantha…

Ils entraient dans un grand préau sombre au plafond bas. L'éclairage faible émanant des plafonniers laissait paraître un bien triste spectacle : des Kathols, des dizaines de Kathols étaient assis, accroupis, voire allongés sur le sol. Tous tremblaient, et regardaient avec des yeux épouvantés le petit groupe. Le jeune padawan Gardien entendait des gémissements, des sanglots étouffés. La petite Drall n'avait pas de doute, ces gens étaient des Kathols de la même espèce qu'Ageer. Il n'y avait apparemment aucun homme adulte. Rien que des femmes de tous âges et des enfants. Elle se déplaça vers le centre de la pièce à pas circonspects, et son cœur se serra davantage quand elle reconnut des supplications en basic. Elle s'efforça de sourire, et de parler de la manière la plus rassurante qu'elle put. Sa voix tremblait.

- Nous venons en amis… nous ne vous ferons aucun mal, je vous le jure.

- Ils sont morts de trouille, commenta la doctoresse. C'est curieux, pourtant, il n'y a pas vraiment de raison ? C'est pas la guerre, dehors !

- Peut-être ont-ils peur de la Reine Na'toth ? suggéra Dame Liryl.

- Pour un peuple soi-disant disparu, ils m'ont plutôt l'air de bien se porter, observa le mercenaire avec cynisme. Enfin, façon de parler.

Chi'ta approcha d'une grande femme qui serrait deux enfants contre sa poitrine. Celle-ci n'osait pas la regarder. Soudain, l'un des petits montra du doigt quelque chose derrière la Drall. Plusieurs exclamations effrayées retentirent à travers la salle. Liam fit volte-face vers la porte, et son sang ne fit qu'un tour. Trois grandes silhouettes venaient de paraître à la porte. Il y avait un Humain au visage tatoué d'idéogrammes, un Togruta dont le bras gauche était une prothèse métallique, et une Twi'lek qui se tenait plus accroupie que debout, et qui ricanait doucement. Les Kathols suppliaient, certains se rétractaient dans l'obscurité. Dans un grand chuintement caractéristique, trois lames laser grenat illuminèrent la salle basse. Chi'ta fut assourdie par un odieux concert de cris de terreur. Les trois Sith se jetèrent en hurlant dans la salle et commencèrent à massacrer les civils.

- Non !

- Ordures !

Les deux padawans sortirent leurs sabres-laser à l'unisson et firent face aux trois agresseurs. Liam porta le premier coup vers le Togruta, mais… sa lame bleutée balaya l'air sans rencontrer la moindre résistance. Canderous avait déjà pointé son blaster sonique vers l'Humain. Les ondes frappèrent le mur de pierre sculptée. Voyant la Twi'lek courir dans sa direction, il tenta de lui asséner un coup de crosse. L'acier compact passa au travers de la Sith. Dankin comprit qu'il n'y avait rien à faire quand un Kathol en train de fuir le dépassa sans le moindre choc.

Le massacre dura une minute, une minute qui parut être une éternité pour les six amis impuissants. Quand il n'y eut plus le moindre Kathol encore en vie, les trois Sith rengainèrent leurs armes et quittèrent la pièce, l'Humain cracha sur l'un des cadavres au passage. Puis tous les corps s'estompèrent peu à peu, jusqu'à disparaître complètement, laissant la grande salle vide.

Dankin et Canderous se regardèrent, et le Togorien devina une mine soucieuse sous le masque de l'armure mandalorienne. Liam se laissa choir sur un mur avec une bruyante expiration. La doctoresse Calipsa tapait du poing sur l'encadrement de la porte en criant quelques insultes à l'attention de toute la secte Sith. Mais la plus gravement atteinte était la petite padawan Consulaire. La malheureuse était recroquevillée dans un coin, la tête enfouie sous la capuche de son ciré, et tremblait comme de la gelée. Dame Liryl, accroupie à ses côtés, la frictionna avec douceur.

- C'est terminé. Ce n'était qu'une affreuse illusion, elle s'est dissipée.

La jeune fille releva la tête, dégageant son visage. Des larmes nerveuses perlaient sur le duvet de ses joues

- Allez, c'était pas plus dur que de mater un film, non ? émit Canderous, peu convaincu par ses propres paroles.

Chi'ta, toujours secouée de tics violents, essaya de ralentir le rythme de sa respiration. Elle leva péniblement les yeux vers le Mandalorien.

- Pas… un film… Terreur... souffrance… massacre… ont eu lieu. Émotions bien réelles… comme sensation physique.

Le mercenaire ne pouvait que lui donner raison. Même sans lien avec la Force, même sans un profond sens de l'empathie, l'expérience qu'il venait de vivre l'avait perturbé. Liam se remettait tant bien que mal du choc. Il s'assit près de sa condisciple.

- On ne doit pas traîner ! gronda Canderous. Si on abandonne maintenant, tout le secteur Tapani va finir encore plus mal que ça !

Il s'apprêtait à en rajouter une couche, quand il vit la doctoresse Calipsa lever la tête vers lui. Il discerna une étrange lueur dans l'œil de la jeune femme. Celle-ci s'en était rendu compte, et lui dit d'une voix assurée :

- Il y a quelque chose que je me demande, depuis plus de six mois qu'on se connaît.

- Ah ouais ? Et quoi donc ?

- Pourquoi donc, cher Canderous, t'acharnes-tu à voir les choses de la manière la plus négative possible ? Ce que tu viens de nous dire n'est pas faux, mais je te conseille de le tourner d'une autre façon, une façon plus optimiste.

- Du genre ?

- Du genre au lieu de dire « remuez-vous, sinon on est foutus », tu peux dire quelque chose comme « c'est grâce à nous que ça n'arrivera pas à d'autres » ! La signification est la même, mais l'effet est très différent ! Au lieu de montrer du doigt les faiblesses, gonfle la poitrine avec les forces !

Le petit jeune homme se leva d'un bond, et aida sa camarade à en faire autant. Il tira un mouchoir de sa poche, elle le prit en le remerciant d'un murmure, et s'essuya les yeux. Enfin, elle se calma un peu. Dame Liryl se releva à son tour.

- Nous ne sommes plus très loin des laboratoires. Courage !

- Allons-y.

- Cependant, j'aimerais vous prévenir : plus nous nous rapprochons du cœur de cette base, et plus je sens comme une présence hostile.

- Sans déconner ! ironisa Canderous.

- Non, je vous assure ! Il ne s'agit pas simplement d'un état général de chaos dans le voile du Ta-Ree… il y a quelqu'un qui nous observe attentivement, je pourrais presque déterminer clairement la trace de son esprit. Une présence dérangeante…

Sans une parole de plus, ils quittèrent le préau et reprirent leur route. Enfin, quelques pas plus loin, le couloir se terminait par une ouverture circulaire, obstruée par une sorte de diaphragme métallique composé de dizaines de lames entrecroisées. À l'approche du petit groupe, les lames s'écartèrent dans un raclement sourd, laissant voir une zone faiblement éclairée. Tous se serrèrent les uns contre les autres pour franchir la grille en minimisant les risques de voir l'un d'entre eux isolé par une fermeture intempestive de cette singulière porte.

Les lames chromées se remirent en place une fois que Dankin, fermant la marche, eût pénétré dans cette nouvelle pièce. Un grand silence tomba. Canderous sentit son front se creuser de perplexité. Impossible de déterminer précisément où ils se trouvaient à présent. Autour d'eux, tout était plongé dans les ténèbres, si l'on exceptait l'iris métallique. Ses senseurs ne détectaient pas la moindre paroi, ni plafond, et aucune autre forme de vie que ses cinq camarades.

Sans réfléchir, Liam appela : « Ohé ? Quelqu'un ? ». Le docteur Lohrn s'empressa de lui coller la main sur la bouche. Personne ne remua un orteil. Mais au bout d'une dizaine de secondes, il n'y avait pas eu de réponse. Pas le moindre écho, non plus, comme si le cri avait été absorbé par l'obscurité. La Calipsa brandit une tige éclairante à ras du sol. Il y avait bien une surface solide sur laquelle marcher. La jeune femme risqua un pas en avant, puis un deuxième. Voyant qu'il n'y avait pas d'effet gênant, le Mandalorien la dépassa, et avança bravement dans le noir, rapidement suivi par les autres. Grâce aux tiges éclairantes, ils pouvaient se distinguer les uns les autres, et s'assurer qu'il y avait toujours un plancher, mais rien d'autre ne leur apparaissait. Chacun de leurs pas émettait une auréole bleutée sur le marbre noir du dallage. Au bout d'une minute, Chi'ta jeta un petit coup d'œil par-dessus son épaule, et s'exclama :

- Attendez ! Re… regardez derrière nous !

Tous s'étaient arrêtés au son de sa voix. Ils se retournèrent, et restèrent incrédules. Pas d'erreur possible : malgré leur marche, ils ne s'étaient éloignés du diaphragme chromé que d'à peine deux mètres.

- Qu'est-ce qui se passe, encore ?

- Curieux… il n'y a pas de tapis roulant, sous nos pieds, et c'est comme si…

- À votre avis, Dame Liryl, on est tous en train de perdre les pédales ?

- Non, docteur Lohrn. Je crains fort que ce ne soit la dernière épreuve avant d'atteindre les appartements d'Ageer.

- Et de quelle genre d'épreuve il va s'agir, cette fois ? pesta le mercenaire qui en avait assez.

Comme pour répondre à cette question, des colonnes de lumière glacée illuminèrent le tunnel sur un demi-cercle face à eux. Et dans chaque colonne attendait une silhouette drapée. Ils étaient onze, droits, immobiles et silencieux. Il n'était pas possible de voir précisément leurs visages cachés dans l'ombre, en dehors des yeux. Chacun d'eux avait une immense paire d'yeux étincelants qui irradiaient une vive couleur, par-dessus lesquels on distinguait des arcades sourcilières relevées, traduisant une expression menaçante. Ils restaient à contempler les six amis, sans bouger ni parler. Chi'ta déglutit en ressentant émaner du dédain, du mépris, de la pitié condescendante, de la colère, ou simplement de la moquerie. Dankin ne sentait pas leur odeur, et son œil exercé distingua un faible scintillement venant de ces êtres.

Encore des spectres, mais ceux-là ont l'air plus consistants.

Ezra murmura à l'oreille de la Dame de Sérénité :

- Et qui sont ces charmantes personnes ?

- Je ne les ai jamais vues auparavant, mais je devine qui elles sont. Voyez-vous, Martouf et Na'toth constituent le couple royal, c'est un fait. Ageer, Keltan, Bratak et Jakel leur étaient proches, mais ils n'étaient pas les seuls. En fait, dans la hiérarchie des Kathols, juste sous le Roi et la Reine, il y avait un Synode composé de quinze Kathols, chacun chargé d'un domaine. Et ces gens-là sont les onze membres que vous ne connaissiez pas.

- Je suppose que ce sont les « présences dérangeantes » ?

- J'en ai bien peur. Leurs noms sont Hynreck, Sarthtaril, Hysbald, Kyrim, Phryenti, Hykrion, Lirr, Schirk, Hydorn, Baureo et Mayestril. Mais j'ignore si ces renseignements vont nous être utiles pour l'heure !

Les onze silhouettes ne bougeaient pas davantage. Comme leurs pupilles s'habituaient à la semi-obscurité, les six amis les distinguèrent un peu mieux. Les Kathols avaient des figures à la peau parcheminée et graveleuse étirée sur leurs crânes, des traits émaciés et durcis par une rage à la fois muette et brûlante. Bref, un tableau mort-vivant figurant les sentiments les plus noirs. Le padawan Gardien avait l'impression que leurs yeux grandissaient peu à peu… avec son angoisse. Le silence était étouffant. Dame Liryl posa la main sur l'épaule de Chi'ta, et chuchota à son oreille :

- Montre-leur le module de Maître Ageer, ils nous laisseront peut-être l'utiliser.

Sans un mot, la petite Drall sortit le module, et le tendit vers les personnages en le serrant entre le pouce et l'index. Les Kathols ne réagirent pas, ne bougèrent même pas, et n'émirent pas le moindre son. Chi'ta rangea l'œuf dans sa poche. Liam sentit qu'il avait de plus en plus de mal à respirer… Le Mandalorien décida de prendre les choses en main. Il s'avança, et défia crânement les Kathols.

- Et vous espérez faire quoi, exactement ? Vous êtes tous morts depuis quatre mille ans, et je n'ai pas peur des fantômes ! Tout ce que vous pouvez faire, c'est nous balancer des illusions, mais ça ne prend pas avec moi, ça non !

Et d'un pas décidé, Canderous se dirigea vers le groupe des Kathols, espérant forcer le passage. Les autres voulurent le retenir avec moult exclamations, sans succès. Mais alors qu'il était sorti du cercle de lumière, le mercenaire eut une surprise inattendue. Il sentait le carrelage sous ses bottes renforcées, et pourtant les onze silhouettes ne se rapprochaient plus. Tout en marchant, il regarda ses pieds. Le sol de marbre s'illuminait toujours à chaque pas, mais il n'avançait pas. Il accéléra le pas, puis il courut… sans gagner le moindre centimètre. Les membres du Synode ne bougeaient toujours pas. Frustré, le Mandalorien sortit son blaster sonique et tira une salve vers chacun d'eux. Bien entendu, aucun des spectres ne broncha.

- Bande d'abrutis, ça vous amuse de jouer avec nos nerfs alors que c'est pour vous qu'on fait tout ça ! Et vous y gagnez quoi, à faire la mauvaise tête, comme ça ? Si vous êtes réduits à l'état d'ectoplasmes, ce n'est pas notre faute ! Vous avez fait des bourdes, assumez-les au lieu de vous venger sur nous !

Toujours pas de réponse. Canderous rejoignit ses camarades.

- Y a rien à faire. Ils ont décidé de faire joujou jusqu'à ce qu'ils se lassent ! Dame Liryl, vous ne pouvez pas les raisonner ?

- Ils ne m'écouteront pas. Je suis l'élève d'un des leurs, certes, mais ils vont me considérer comme une usurpatrice, rien de plus.

Tous se regardèrent, ne sachant que faire.

- Je refuse que cela se termine aussi bêtement ! s'exclama Chi'ta, des sanglots dans la voix.

Et elle se précipita vers le Synode. Quand elle vit qu'elle courait sur place comme l'avait fait Canderous, elle se jeta à genoux, et tendit les mains en avant, paumes tournées vers le ciel.

- Ô, membres du Synode de Kathol, nous voulons accéder au laboratoire de Maître Ageer ! C'est notre unique chance d'arrêter la folie provoquée par la Reine Na'toth, et de délivrer votre peuple des mille souffrances qui lui ont été injustement infligées ! Bien sûr, nos ancêtres ont commis de terribles erreurs, et votre bienveillance envers eux a été bien mal récompensée. Bien sûr, vous avez toutes les raisons d'être en colère contre nous ! Et je comprends très bien que vous puissiez vouloir la victoire de votre Reine, je comprends… non, je sais que justement, je ne pourrai jamais comprendre. Ce que vous nous avez montré jusqu'ici, c'était terrible, mais je suis certaine que ce n'est rien par rapport à ce que vous avez pu endurer. Comment peut-on comprendre la douleur de quatre mille ans d'emprisonnement après avoir vu ses protégés provoquer la perte de son peuple, si on ne l'a pas vécu soi-même ? Aujourd'hui, un secteur est menacé par la folie d'un Sith qui risque de provoquer le même cataclysme que celui qui a frappé votre planète, et peut-être que d'autres secteurs seront atteints à leur tour ! Mes amis, ma famille, et tous ceux qui sont chers aux cœurs de mes compagnons… je ne veux pas qu'ils connaissent la même souffrance que votre peuple ! Jadis, vous étiez bons et généreux, et votre science a grandement aidé les nôtres à évoluer. Aujourd'hui, vous avez la possibilité d'empêcher un désastre en nous laissant accéder aux installations de Maître Ageer. Nous pourrons stopper le Sith Daymon Thorn. Et Ageer nous a dit que le pouvoir de son module pourra vous délivrer de cette abominable captivité ! Vous avez confiance en Maître Ageer, en sa science. Nous avons confiance en lui, vous pouvez nous faire confiance. S'il vous plaît…

Ses larmes éclairaient les dalles, créant de petites taches lumineuses. Les Kathols ne bougèrent toujours pas, aussi immobiles que des statues. Devant le défilé d'expressions imperturbables, la jeune fille crispa ses mains sur son minois, se laissa tomber sur le carrelage froid, et resta prostrée. Elle sentit alors quelqu'un poser sa main sur sa nuque, et entendit vaguement la voix du docteur Lohrn.

- Hé, petit bouchon ?

Chi'ta releva lentement la tête, et ses yeux inondés distinguèrent le visage souriant de la Calipsa accroupie face à elle.

- Docteur…

- Tout va bien, regarde !

Ezra s'écarta, laissant le champ libre à la petite padawan qui se redressa d'un bond.

Les onze sinistres personnages avaient complètement disparu. Toute l'obscurité ambiante s'était dissipée, révélant les parois arrondies d'un immense dôme sous lequel ils évoluaient. Le dôme était décoré de multiples dessins de constellations, de cartes et de symboles. Mieux, quelques mètres plus loin, il y avait une grande ouverture ronde close par un diaphragme qui se rétracta dans un léger glissement, laissant apparaître un petit couloir éclairé d'une lumière douce.

- Il semblerait que ton argumentation les ait poussés à renoncer à leur colère, au moins temporairement, commenta Liryl.

- T'as réussi, petite puce ! s'exclama Canderous, épaté. Chapeau bas, ces clowns étaient plus difficiles à convaincre que l'avocat d'Akanseh !

La jeune fille éclata d'un rire soulagé, et cria en levant les bras vers le plafond :

- Merci, merci ! Que le Grand Fouisseur vous mène à la paix éternelle !

Une fois la grande double porte d'en face franchie, les six camarades se trouvèrent de nouveau dans un long couloir, mais plus grand, plus richement décoré, moins sombre. Et le couloir descendait lentement, tout en tournant irrésistiblement à gauche. Ezra repensa à la grande descente dans l'avant-poste Aing-Tee de Travnin. Les deux padawans échangèrent un bref coup d'œil : tous deux sentaient clairement des remous dans la Force. Enfin, le couloir se termina sur une impasse. Trois portes ouvragées étaient visibles le long du mur de gauche, et trois autres portes attendaient d'être ouvertes à droite.

- Six possibilités, marmonna le Mandalorien. On pourrait en ouvrir une chacun, mais j'aime autant qu'on reste soudés, pas vous ?

Sans attendre de réponse, il se plaça devant la première porte de droite et l'ouvrit. Elle donnait sur une petite pièce carrée. Quelques indices laissaient penser qu'il s'agissait d'un laboratoire, ou d'un atelier. Il y avait au fond de la salle un établi poussiéreux, et quelques étagères parsemaient les murs. Une lourde armoire d'acier trônait face à l'établi, et dans un coin se trouvait un curieux dispositif. C'était une colonne d'obsidienne haute d'un mètre. Sa partie supérieure était très soigneusement ouvragée, une multitude de petites touches apparaissaient dans les ciselures. Chaque touche était décorée d'un symbole en relief. Les pieds du support d'une petite psyché d'un demi-mètre de diamètre étaient directement coulés dans la pierre noire.

- C'est un ordinateur, observa Liam.

- Tu penses pouvoir en faire quelque chose ?

- C'est moins facile à trafiquer que la bécane du moff Sarne, mon vieux ! Je ne sais pas du tout comment les Kathols programmaient leurs machines. En plus, ça m'étonnerait qu'il y ait encore du courant dedans.

- Essaie toujours !

- D'accord.

Le jeune homme examina la colonne sous tous les angles, puis le clavier incrusté, et enfin la psyché. Il finit par distinguer une petite cavité sur un coin du cadre du miroir. Il la pressa, rien ne se passa. Pendant sa petite observation, les autres avaient méthodiquement fouillé l'atelier, sans rien trouver. Le mercenaire sortit, et ouvrit directement la porte suivante, la deuxième à droite. Les autres le suivirent.

Cette nouvelle salle était encore plus petite que la première. Il n'y avait qu'un seul meuble, une grande cuve cylindrique verticale à moitié encastrée dans le mur. Elle était complètement à sec. Le docteur Lohrn l'examina attentivement, y décela quelques traces de poussière.

- On dirait une cuve à bacta, mais rien n'indique qu'elle puisse contenir du fluide. Elle n'a pas l'air étanche, et il n'y a pas de bonde d'évacuation. Et pourtant…

- Un caisson de conservation, vous pensez, docteur ?

- On dirait, petit bouchon. Remarque, les Kathols ont sans doute le moyen de se mettre en stase sans fluide.

- En va-t-il autrement des Moines Aing-Tee, qui ont repris à leur compte leur technologie ? rappela Dame Liryl.

- Cela ne nous avance pas, déclara Canderous. On continue !

Cette fois-ci, le mercenaire entra dans la troisième pièce sur la droite. Elle ne contenait absolument rien. Le petit groupe retourna en arrière, de façon à garder les six portes devant eux. Dankin ouvrit la première porte sur la gauche. Encore une salle vide, avec des étagères de métal fixées le long des murs. Canderous, déjà prêt devant la deuxième porte à gauche, l'ouvrit, jeta un coup d'œil, et dit avec satisfaction :

- Voilà du concret !

Le « concret » était un grand espace bien plus imposant que les petites antichambres vues jusque là. Les six camarades purent voir deux grands sarcophages au milieu de cette nouvelle salle. Les deux boîtes oblongues mesuraient plus de deux mètres de long pour un bon mètre de large et un mètre et demie de haut. Elles n'étaient pas seulement constituées d'un seul gros bloc, et semblaient plutôt forgées de multiples matériaux soudés et imbriqués ensemble du métal, du cuivre, du laiton, de l'argent, de l'or, du platine, du bronze… le tout dans un ensemble parfaitement cohérent, harmonieux, même. Ces deux sarcophages étaient d'une beauté sobre aux yeux de la jeune Drall. Quelques mètres plus loin, elle vit un grand pupitre comprenant de multiples claviers ciselés et une demi-douzaine de psychés – plutôt des écrans. Dankin montra du doigt quelque chose sur le sol. Chaque sarcophage était relié au grand pupitre par un ensemble de circuits intégrés dans le carrelage.

- Sacré matériel, murmura la Calipsa.

Qui ne résista pas à la tentation d'examiner l'installation de plus près. Chi'ta ne s'y connaissait pas spécialement en technologie, encore moins celles des civilisations disparues.

- Quelle est l'utilité de ces appareils, à votre avis ?

- Peut-être des caissons d'hibernation, ou des bidules pour transférer l'esprit de quelqu'un d'un corps à un autre.

Le Mandalorien maugréa de plus belle :

- Toute cette science… aucun intérêt !

- Tu n'aimes pas la science ? Et ton armure, et le Vandread ?

- Ezra, j'aime bien la science quand c'est explosif.

- Ah ! Donc, on peut dire que tu transportes beaucoup de science sur toi !

Les deux padawans ne prenaient pas garde à cet échange de sarcasmes, et continuaient à s'intéresser aux deux sarcophages. Liam, en particulier, était songeur.

Cet endroit me rappelle quelque chose… enfin, avec toutes ces émotions, qui sait ce qui est authentique ou non ?

Il jeta un bref regard à sa condisciple. La petite Drall semblait fascinée par les fresques gravées sur la paroi de l'un des caissons. On y devinait des diagrammes de systèmes solaires, des cartes, des dessins de peuples entiers et de fabuleuses cités. Elle approcha sa main avec circonspection, et posa délicatement les phalanges sur la surface chromée du couvercle. C'était doux, presque chaud au contact. Elle se surprit à se demander quel genre de sensation on pouvait éprouver à l'intérieur d'un tel dispositif.

La doctoresse Calipsa était bien décidée à percer le mystère que représentait toute cette installation. Elle prit place sur l'un des tabourets – en réalité des cubes antigrav encore fonctionnels – et s'installa devant l'un des claviers. Elle repéra une petite excroissance de corne, et la rabattit du doigt comme un interrupteur. La table toute entière ronronna, et la surface réfléchissante s'illumina. Des caractères Kathols brillants constellèrent la psyché. La jeune femme eut un sourire satisfait.

- A y est, j'y suis arrivée. Vous pouvez venir voir ?

Liam s'approcha, posa les yeux sur l'écran. Il vit de nombreux caractères Kathols. Il lut les deux premières lignes, et commença à en saisir le sens, lorsqu'il fut victime d'un bien curieux phénomène. Plus il pensait saisir le sens des lettres, moins il parvenait à les déchiffrer. Exactement comme si ses quelques connaissances fuyaient sa mémoire au fur et à mesure qu'il les puisait.

- Mais… je n'y arrive pas !

- Attends…

Chi'ta tendit le cou vers la psyché, écarquilla les yeux, eut beau se concentrer, rien à faire. Il fallait se rendre à l'évidence : elle n'était plus capable de lire le Kathol.

- C'est dingue ! s'étonna Liam. C'est du charabia ! Je ne comprends plus rien !

- Et moi non plus, je ne saisis plus un traître mot !

- Alors, c'est vrai, constata Liryl. Ils sont bel et bien partis. Ils ont emporté avec eux leur mémoire et leur science, laissant vos esprits vierges de leurs souvenirs.

Les deux padawans se regardèrent, puis se tournèrent vers la Dame de Sérénité.

- Je ne sais pas comment je dois le prendre, articula le jeune homme. D'un côté, j'ai tout oublié de ce que Keltan a pu me transmettre, de l'autre, ça veut dire…

- Plus de visions, plus de cauchemars, plus de sensibilité exacerbée avec la technologie DarkStryder. Liam, je crois que pour la première fois de notre vie… nous sommes complètement libres.

Canderous haussa un sourcil méfiant.

- Attendez ! Vos pouvoirs, vous les avez toujours ?

- Oui, Canderous, il n'y a pas de différence. De ce côté-là, ils n'ont rien pris. D'ailleurs, vous permettez, docteur Lohrn ?

Chi'ta posa ses doigts sur le pansement qu'Ezra avait appliqué sur sa main, et se concentra. La jeune femme sentit une onde bienfaisante irradier sous le tissu cicatrisant. Quand la jeune fille la relâcha, elle l'arracha sans hésiter. Sa paume était complètement guérie, il n'y avait plus la moindre trace, elle ouvrit et ferma plusieurs fois la main et ne sentit pas la moindre douleur. La Dame de Sérénité fronça les sourcils.

- Hum… c'est une dérivation Kathol que j'ai beaucoup de mal à saisir. Il existe plusieurs dialectes, chacun étant réservé à un domaine en particulier. Ageer m'a enseigné la langue Kathol générale, et la dérivation consacrée à l'usage du Ta-Ree. Ici, il s'agit d'un langage scientifique, et j'avoue ne pas y entendre grand-chose.

- Je vais essayer d'y voir plus clair avec mon logiciel de traduction, dit alors la doctoresse.

Elle sortit son bloc de données, l'alluma et paramétra le programme.

- D'accord… C'est bien un appareillage de science. Voilà, je devrais pouvoir entrer dans les fichiers explicatifs. D'accord, ouais… C'est bien le panneau de commande de ce dispositif. Première chose, il n'y a plus assez d'énergie pour le faire marcher, si j'en crois l'icône rouge, là.

Sous l'œil attentif des cinq autres, la jeune Humaine continuait tant bien que mal de naviguer dans le programme Kathol.

- Pour les quelques mots que j'arrive à saisir… il est question de « repos », de « conservation », il y a des données médicales sur le « résident du dispositif numéro un » et le « résident du dispositif du niveau deux ».

- Oui, probablement des chambres de stase, donc, suggéra Chi'ta.

- Tu peux voir quand est-ce qu'elles ont servi ?

- J'essaie, Canderous, j'essaie. Attends voir un peu… Je peux voir l'historique. « Dernière utilisation… » Si j'en crois la date affichée dans la fenêtre « historique », et si je la compare avec la date qu'on a là… il y a eu un pic d'énergie il y a environ sept ans, puis plus rien. Ces machines ont fonctionné pour la dernière fois il y a sept ans.

- Quand Ciro et son équipe sont arrivés ici, gronda Dankin.

La Calipsa fit une petite grimace songeuse vers Dame Liryl.

- J'imagine que tout le ramdam qu'il y a eu en surface a eu des répercussions ici ?

- DarkStryder a peut-être jugé que la situation était suffisamment urgente pour tirer de leur torpeur les deux membres du couple royal. À moins que ce ne fût un acte du moff Sarne ou du capitaine Ciro ? Délibéré ou non… Le Roi et la Reine ont été tirés de leur catalepsie consciente après plus de quatre mille ans d'emprisonnement. Et depuis, ils sont restés ici à préparer leur vengeance.

- Et nous sommes là pour les en empêcher, je vous rappelle ! s'impatienta Canderous. Allez, assez joué avec les ordinateurs, on doit trouver le laboratoire !

La jeune Calipsa s'éloigna du pupitre de commande à contrecoeur, et suivit ses camarades hors de la chambre de stase, jusqu'à la troisième porte sur la gauche, la dernière. Dankin ouvrit la porte prudemment, couvert par son copain mercenaire, et en ne voyant aucune menace directe, la franchit, les autres à ses talons.

- Ah, voilà quelque chose de différent !

C'était le moins que le padawan Gardien pût dire. Cette dernière pièce était de dimensions imposantes, et contrairement à toutes les autres, était bien remplie. Chi'ta pensa à un catalogue de musée d'art moderne. Il y avait des sculptures de pierre et de métal, des constructions absconses en osier, d'étranges assemblages de cristaux reliés par des tiges de cuivre. Dame Liryl fit un geste vers l'un des objets exposés.

- Regardez !

L'objet en question était un grand bassin de métal doré posé sur un trépied de granit. La cuve brillante était remplie à ras bord d'un liquide qui faisait penser à de l'eau. Canderous s'en approcha, et s'empressa de lancer le senseur de son casque, n'osant croire ce qu'il voyait.

- Blast ! Vous avez l'œil, Dame Liryl ! Ce truc est en or massif !

- Ce n'est pas l'or qui m'intéresse, maître Tal, mais la plaque de bronze sur le socle.

- Encore du sanskrit Kathol… Vous sauriez le lire ?

- Oui, docteur Lohrn. Et je n'ai pas le moindre doute. Il est écrit : « Bassin des Mille Constellations ».

Cette information fut accueillie par des exclamations de soulagement. Tous se réjouirent, sauf Canderous. Le Mandalorien contemplait le récipient, et les frémissements discrets de l'eau. Du coin de l'œil, Ezra le voyait, immobile. Même à visage couvert, sa posture laissait deviner une profonde réflexion. Elle n'y prit cependant pas garde, et encouragea alors la petite padawan.

- À toi de jouer, Chi'ta !

Celle-ci se tourna vers la Dame de Sérénité qui approuva du chef, puis vers Liam.

- Vas-y !

La jeune Drall se positionna devant le récipient. Très doucement, elle sortit l'œuf d'Ageer de la poche intérieure de son ciré. Elle l'examina, vit qu'il n'avait pas l'air de réagir. Les autres l'examinèrent à leur tour, et Liryl fit un petit signe du bout des doigts en direction de la fontaine. La jeune fille inspira profondément, et dans un grand silence, avança d'un pas, tendit le module vers le bassin…

- Arrête !

La voix grave du Mandalorien rompit brutalement le silence. Liam remarqua avec stupeur sa main gantée serrer le poignet de Chi'ta. La petite Drall tourna lentement la tête.

- Canderous, vous me faites mal.

- Mesure de prudence, petite puce.

- Prudence ? Mais de quoi tu parles, enfin ? s'énerva le docteur Lohrn.

- Lâche cette enfant, Canderous ! gronda Dankin.

- Canderous, qu'est-ce qui te prend ?

Sans relâcher sa pression, Canderous regarda un par un ses camarades.

- Il me prend que je n'aime pas ça du tout. Il y a quelque chose qui cloche.

- Personne ne comprend ce que vous insinuez, maître Tal.

- Dame Liryl… je dois avouer que, depuis le début, je ne sais pas si je dois vous écouter. Et maintenant qu'on est tous ici, je me dis que tout cela est un peu trop facile. Ouais, ça sent mauvais.

Le padawan Gardien n'en revint pas.

- Tu… tu plaisantes !

- J'ai l'air de plaisanter, fiston ?

- Canderous, laisse-la tranquille ! ordonna la Calipsa.

- Non, c'est trop simple. Y a forcément un os.

À ces mots, le jeune Humain se planta devant le mercenaire.

- « Trop simple » ? C'est bien ce que t'as dit ? T'as déjà oublié tout ce qu'on a fait pour arriver dans cette pièce ? Je vais te le rappeler d'abord, Wakeelmui, planète où Chi'ta a dû vivre une expérience carrément psychédélique, avant qu'on se fasse tous attaquer par une horde d'insectes géants menés par un roi fou dangereux. Morgreed a été tué là-bas, Canderous ! Ensuite il y a eu Travnin, où on a dû explorer des ruines, se battre contre un Maître Jedi manipulé par une sorcière qui court toujours, où on a tous risqué nos peaux, Ezra la première. Puis il a fallu qu'on négocie avec des lézards géants bibendums bouffis de complexes, pour qu'ils nous catapultent sur le monde où sont les fourmilières, et on vient de parcourir toute une base qui pue la folie, avec des illusions à hurler, un labyrinthe, et le Synode des Kathols. Et tout ça pour arrêter un peuple qui fout la merde dans le Secteur Tapani depuis près d'un an, sans parler de l'Empire qui a aussi sa part de dégâts. Et tu trouves que c'est trop simple ! Mais tu te fiches de nous !

Personne n'ajouta rien, les expressions étaient suffisamment éloquentes. Canderous articula lentement :

- Les onze gugusses du Synode ont quand même cédé plutôt rapidement, je trouve. Face à une petite adolescente Drall, ça m'étonne un peu beaucoup.

- Une « petite adolescente » qui a convaincu tout un amphi de sénateurs !

- Admettons, Ezra. Comment expliquer qu'ils nous aient laissé passer, alors qu'ils sont clairement contre nous ? Nos ancêtres ont causé leur perte. À leur place, je ne serai pas indulgent avec ceux qui ont mis le feu à mon monde.

- Ils ont eu quatre mille ans pour y réfléchir, enfin ! Ils détestent peut-être les Humains, mais peut-être qu'ils détestent encore plus que leurs souverains soient devenus des psychopathes assoiffés de carnage ! Et dans ce cas, ils ont intérêt à nous aider, et à faire que le plan d'Ageer puisse être exécuté !

Le mercenaire n'en démordit pas.

- Parlons-en, de ce plan. Ageer ne nous a jamais dit ce que ce moduleallait faire précisément, non ? La preuve, Chi'ta, devant les Aing-Tee, tu n'as pas pu dire ce qui se passera. Et si c'était un piège ? Peut-être bien que si tu plonges ce truc dans ce crachoir, ça va déclencher une bombe ? Peut-être que si on l'utilise dans les moteurs de la S.A.T.A. comme le veut ce Kathol, ça va provoquer un cataclysme au lieu de l'éviter ? Qui sait, peut-être que ce module sert en fait à transférer son esprit quelque part où il pourrait devenir très nuisible ? Tu vois, ça commence à faire un peu trop de « peut-être » et de « et si » à mon goût. J'ai l'habitude d'y faire attention. Et vous feriez mieux d'en faire autant.

La Calipsa en avait assez. En un tournemain, elle braqua son blaster vers le mercenaire.

- Mauvaise idée, chérie, dit-il calmement.

Immédiatement, Dankin pointa son arbalète dans le dos de la Calipsa. La jeune Humaine tourna la tête en direction du Togorien, voulant être sûre de ce qu'elle avait entendu. À peine eut-elle détourné son attention du Mandalorien qu'il avait déjà saisi de sa main libre son blaster sonique, prêt à la foudroyer. Le padawan Gardien fut pris d'un violent accès de panique.

- Hé ! Ca va pas, non ? Arrêtez ! Mais qu'est-ce qui vous arrive ?

- N'allons pas nous entretuer alors qu'Ageer souhaite que nous réparions les erreurs de son peuple ! ajouta fermement Liryl.

Chi'ta, qui n'avait pas dit un mot depuis un moment, se ressaisit.

- J'ai rencontré Ageer en personne, Canderous, et je puis vous affirmer qu'il n'y avait aucune perversion, aucune vilénie en lui ! Et c'était une certitude ! Pas d'illusion, pas de mensonge, pas de subterfuge. Vous penseriez comme moi si vous l'aviez vu tel que je l'ai vu ! J'ai confiance en son plan.

- J'ai également confiance en le Projet « Renaissance », déclara Dame Liryl.

- Mon mentor, Duncan Blackstorm, croyait en lui, ainsi qu'en vous, ma Dame, ajouta Liam. Alors j'y crois aussi !

Un temps de silence. Ezra dit alors :

- Cela fait au moins quatre personnes – dont un Jedi mort, il est vrai – qui croient Ageer. Personnellement, j'écoute les Jedi. Cinq personnes contre toi, Canderous. La majorité l'emporte. Si tu as pour deux sous de bon sens, tu vas te montrer raisonnable et éviter de déclencher une bagarre. Maintenant, pour la dernière fois, laisse Chi'ta tranquille.

Encore une fois, le Mandalorien soutint les regards des quatre premiers, et s'arrêta sur Chi'ta. Il vit alors ses yeux. Pendant un instant, il hésita, craignant qu'elle n'influençât son jugement, mais il se rappela que son ADN particulier l'immunisait contre les altérations psychiques. Et pourtant, il allait céder, il le sentait. Lui, impitoyable guerrier qui avait fait face à d'innombrables adversaires depuis près de vingt ans qu'il se battait, allait s'avouer vaincu devant une jeune fille fraîchement sortie de l'adolescence. Mais ce n'était ni sa frêle carrure trop faible pour lui résister, ni la protection de l'Ordre Jedi, encore moins le blaster de la doctoresse Calipsa qui lui fit changer d'avis. Non, c'était simplement ce regard. Un regard de petite fille à la fois suppliante et convaincue du bien-fondé de ses actes, l'innocence mêlée à l'assurance. Oui, il n'y avait pas la moindre trace de doute ou de mauvaise intention dans ces grands yeux noirs. Et pour la première fois depuis un temps qu'il était bien incapable de déterminer, il sentit la coquille froide qui protégeait son cœur se fendiller. Refusant d'admettre ce dernier fait, il rangea son blaster sonique et cracha d'une voix fêlée :

- J'espère que je n'aurai pas à le regretter.

Puis il relâcha son étreinte et s'éloigna du petit groupe, faisant quelques pas vers la sortie. Chi'ta se massa doucement le poignet, puis approcha de nouveau les doigts du récipient de marbre, et y déposa l'œuf avec d'infinies précautions. Tous avaient les yeux braqués sur le module, attendaient avec impatience l'effet de la manipulation. L'œuf flotta deux secondes, puis coula dans le bassin. Il toucha le fond, la surface de l'eau frémit encore un peu, puis redevint lisse comme un miroir.

Personne ne dit mot, ne fit un geste.

Une minute passa.

Puis une autre.

Il n'y avait toujours aucune réaction.

Peu à peu, les six visages se décrispèrent, se regardèrent les uns les autres. Dame Liryl était perplexe, mais pas autant que Chi'ta, qui avait l'air complètement effarée.

- Je… je ne comprends pas.

- Es-tu sûre d'avoir fait ce qu'il fallait, Chi'ta ?

- Oui ! Mais oui ! gémit-elle lamentablement. Maître Ageer m'a dit de déposer ce module dans le Bassin des Mille Constellations !

- Pas de panique, intima Ezra. On s'est peut-être trompé de bassin ?

- J'ai bien peur que non, docteur Lohrn, murmura Liryl. Il est clairement gravé « Bassin des Mille Constellations » sur cette plaque.

- Y aurait-il un rituel à accomplir ? Quelque chose comme ça ?

- Non pas, maître Dankin. Autrement, Ageer l'aurait dit à Chi'ta.

- Sauf s'il l'aurait oublié ? marmonna Liam.

- Non, certainement pas. Il avait une telle mémoire qu'il n'oubliait jamais rien ! Je crois que le problème est ailleurs.

Ezra se tapota le menton du bout des doigts.

- Ca fait combien de temps que ces installations sont à l'abandon ? Quatre mille ans ? Même si certains éléments atomiques émettent de la radioactivité pendant des milliers d'années, il est très possible qu'une aussi longue période sans fonctionner ait épuisé la batterie de ce truc.

- Donc, la machine est en panne, reformula Dankin.

- Ca m'en a tout l'air.

Chi'ta en resta les bras ballants, le souffle coupé, complètement déconfite. Liryl baissa la tête, avec amertume. Liam était tout aussi bouleversé, et se retrouva à genoux. Dankin se dirigeait déjà vers la sortie. Canderous retira son casque, révélant son visage écarlate, furibond. Il le posa sur le dallage, et foudroya les padawans d'un regard terrible.

- Naïfs…

Ni l'un ni l'autre n'émit mot. Le Mandalorien éclata.

- Mais comment j'ai pu être aussi crétin ?! Pendant près de trente-cinq ans, j'ai vécu sans jamais me fier à ces délires mystiques parlant d'une soi-disant Force qui dirige tout, et je m'en suis toujours sorti. Qu'est-ce qui m'a pris de vous suivre dans toute cette mélasse ? J'étais peinard avant de bosser sur Procopia ! Qu'est-ce qui a bien pu me passer par la tronche pour fricoter avec l'Ordre Jedi ?! Merde, merde, merde ! Et merde !

Canderous ponctua chacune de ses exclamations par un grand coup de poing dans l'une ou l'autre des sculptures, qui tombaient l'une après l'autre avec un grand bruit.

- Alors, vous êtes convaincus, à présent ? C'était juste un piège, une connerie de piège, et nous sommes tombés dedans ! Ageer nous a menés en croiseur interstellaire, et on est resté à bord sans comprendre qu'on courait à notre perte ! Sois maudit, Kathol de malheur ! Soyez tous maudits !

Il se planta devant les padawans. Liam ne l'avait jamais vu aussi furieux.

- Et on fait quoi, maintenant, hein ?! Les Kathols vivants vont venir nous chercher, ils nous ont sûrement déjà détectés ! Quand ils nous auront chopés, ils feront de nous ce qu'ils ont fait à Halbret ! Et même si on leur échappe, on va dire quoi aux Moines Aing-Tee ? « Salut, c'est nous ! Non, on n'a pas le module, le bazar était en panne sèche, on n'a pas d'autre plan, mais c'est pas grave ! » Ils vont nous atomiser ! Résultat, on va tous crever ici, loin de toute civilisation cohérente, et personne ne pourra rien y changer ! Tout ça pour quoi ?!

Il ramassa son casque, et se dirigea d'un pas nerveux vers la sortie.

- Je me casse ! Faut qu'on trouve un moyen de sauver nos fesses !

Trop abasourdie par ce qui venait de se passer, Chi'ta n'arrivait même pas à pleurer. C'est à peine si elle entendit la voix d'Ezra lui dire « on froisse de la tôle ! » Dame Liryl aussi s'apprêtait à quitter le laboratoire. Liam posa délicatement sa main sur son épaule.

- Tu as fait ce qu'il fallait. Peut-être qu'Ageer lui-même n'avait pas prévu ça. Allons-nous en.

Il se leva, et l'aida à en faire autant. Lentement, la mort dans l'âme, ils firent demi-tour, à la suite des adultes. Ils allaient franchir la porte quand, soudain, la petite Drall se figea.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Chut !

Elle avait levé la main, et fit pivoter ses oreilles vers l'arrière. Une fois de plus, elle entendit un petit, tout petit bruit. Le bruit d'une petite bulle d'air qui crevait à la surface d'un liquide. Puis le même son se répéta une troisième fois. Au bout de quelques secondes, ce fut un chuintement tel que Liam, Ezra et Liryl l'entendirent à leur tour. Tous les quatre se retournèrent en même temps.

De la vapeur d'eau sortait du Bassin des Mille Constellations, et l'œuf émergea lentement de l'eau, lévitant à un mètre de l'eau en sifflant. Le petit groupe retourna vite vers le socle de pierre, tous fascinés par le spectacle.

- Bon, alors, vous venez, oui ou… hé ! Mais qu'est-ce que…

Un crépitement tonitruant interrompit le mercenaire qui était revenu. Une lumière éblouissante jaillit de l'œuf, et bientôt tous les glyphes, sur le socle, au plafond, sur les murs, sur le sol, tous s'embrasèrent. Et de chaque gravure jaillit un rayon doré, tous étaient concentrés en un seul point, le module d'Ageer. En plissant les yeux, Chi'ta et Liam purent distinguer qu'il changeait de forme de petites excroissances en sortaient, une à une, le faisant progressivement évoluer jusqu'à devenir un long bloc effilé. Le silence revint, les lumières s'adoucirent, ne laissant qu'un faible éclairage.

Le module avait désormais l'apparence d'une longue tête de lance primitive, mais tous étaient parfaitement conscients que cette technologie n'était nullement primitive. Il était parcouru de long en large par des rainures complexes qui émettaient une douce lumière dorée, avec quelques étincelles d'émeraude. Quant à la matière dont il était constitué… ça ne pouvait pas être de la pierre ordinaire.

- La machine avait juste besoin d'un préchauffage, articula Canderous.

- Voyez, il suffisait d'y croire un peu, rétorqua sèchement la Dame de Sérénité.

- Bon, on n'a pas fait tout ce chemin pour rester en extase devant ce truc ! On l'embarque et on se tire !

- Attendez ! N'y touchez pas, Liam.

Le jeune homme sentit alors une vague de chaleur irradier ses doigts. Il obéit sans discuter et s'essuya sur son blouson.

- Maintenant qu'il est chargé, ce module risque de consumer votre chair. Ce serait une expérience très désagréable, même sans être forcément mortelle.

- Et comment faire pour l'emporter, alors ?

La Dame de Sérénité approcha.

- À présent que cet appareil est opérationnel, je peux utiliser les techniques Ta-Ree pour en faciliter son transport.

- C'est-à-dire ? demanda le mercenaire.

- Je vais vous montrer.

La jeune femme présenta sa main devant le cristal flottant. En quelques secondes, le module se désagrégea en minuscules particules dorées, particules qui furent absorbées par sa paume.

- Et voilà.

- Mais… où est-il ?

- En moi, docteur Lohrn. Je l'ai converti en énergie Ta-Ree, et suis la seule à pouvoir le rematérialiser. C'est une opération que je dois faire seulement de plein gré. Impossible donc que quelqu'un me l'arrache par la force.

- Et vous pouvez le rappeler à tout moment ? demanda Liam.

Sans ajouter une parole, Dame Liryl tendit les phalanges vers le plafond. En un clin d'œil, le module DarkStryder réapparut, intact. Une fois sûre que tout le monde eût compris, elle le réintégra dans son flux énergétique.

- Bon, je suppose qu'on n'a plus tellement de raison de nous attarder ici ? marmonna évasivement le Mandalorien.

- Allons nous-en.

Liam ne put s'empêcher de faire la grimace en repensant à la longue errance dans le labyrinthe qui les attendait.

Non, ça, c'est pas grave. On va sortir vite. Il y a autre chose…

Il fut tiré de ses pensées par la voix de Chi'ta.

- Que t'arrive-t-il, Liam ?

- Y a un truc qui me taraude.

- Quoi donc ?

Le jeune homme hésita un peu avant de s'expliquer.

- Keltan et Jakel s'aimaient beaucoup. Ils étaient de très grands amis, peut-être même qu'ils étaient… amants ?

- Possible. Ils étaient des êtres de chair et de sang, pourvus d'un cœur et d'une intelligence. Ils pouvaient très bien éprouver ce genre de sentiment.

- Oui, mais maintenant qu'ils sont partis… est-ce que ça veut dire que, nous deux… nos sentiments... tes sentiments… sont partis aussi ?

Liam regarda Chi'ta dans les yeux, très inquiet. Celle-ci répondit avec un petit sourire malicieux :

- Sois tranquille.

Et pour appuyer son affirmation, elle se mit face au jeune homme, posa délicatement ses mains sur ses bras, et frotta doucement son museau contre son nez avant de reprendre sa route. Liam, complètement pris au dépourvu, n'avait pas bougé, et resta cloué sur place. Il sursauta quand Canderous lui tapota l'épaule. Le Mandalorien lui fit un clin d'œil.

- T'as un ticket, fiston !

- Euh…

Le mercenaire éclata de rire en voyant le jeune homme rouge comme une tomate. Celui-ci venait de comprendre la signification du geste de sa condisciple. Mais il ne resta pas hébété bien longtemps, et reprit la marche aux côtés de la jeune Drall, qui était rayonnante.

- Enfin, pour la première fois depuis que j'ai vu cette horrible méduse volante sur le Gantelet, j'ai la ferme certitude que nous allons gagner !

- T'emballe pas, suggéra la doctoresse. On n'est pas encore rendus, n'oublie pas qu'infiltrer la sphère de Thorn ne va pas être une promenade de santé !

- Je suis certaine que les sires Penin et Tahé nous y aideront, peut-être aussi le Commando Page ! Ce serait stupide et prétentieux de notre part de dédaigner leur concours, vous ne pensez pas ?

- D'accord avec toi, petite puce ! grogna le Mandalorien d'une voix bourrue en remettant son masque. Pas de raison qu'on soit les seuls à prendre des risques !

Ils étaient de nouveau à l'intérieur du planétarium. Leurs voix rebondissaient sur les parois lisses et décorées de l'ensemble. Mais alors qu'ils approchaient de la sortie du dôme, ils virent apparaître en un clin d'œil une cloison de cristal topaze.

- Blast !

Canderous n'eut pas le temps de se retourner, le même son résonna derrière lui. L'autre issue était déjà fermée de la même façon. Le Mandalorien empoigna sa vibro-lame et frappa le cristal, sans parvenir à l'abîmer. Il fallait se rendre à l'évidence : ils étaient bel et bien coincés.

- Bon… On ne panique pas, il y a bien quelque chose à faire pour…

- Attends !

Liam sentait monter la sensation qu'il éprouvait quand la Force lui transmettait un message. La jeune Drall sursauta à son tour. Elle aussi avait perçu quelque chose.

- C'est un piège !

- Sans blague ? demanda cyniquement le Mandalorien. Il t'a fallu une vision pour…

Mais il n'eut pas l'occasion de terminer sa phrase. Brusquement, toute la surface de l'intérieur du dôme s'illumina d'une lumière aveuglante.

- Je n'aime pas ça ! râla Dankin.

Un bruit de machinerie se fit alors entendre. De plus en plus fort, de plus en plus aigu. Le Togorien hurla de douleur, saisi de convulsions.

- Hé, Dankin, qu'est-ce que… Aaargh !

Le Mandalorien sentit son corps brûler de l'intérieur. Une douleur lui paralysa les jambes, et quand il porta les mains devant son visage, il eut la peur de sa vie en sentant ses doigts durcir, s'ankyloser, et ses gants changeaient de couleur pour prendre une teinte ambrée… Ezra éprouva à son tour cette solidification. Terrifiés, les deux padawans se regardèrent. Chi'ta poussa un cri suraigu.

- Liam ! Je…

- Moi aussi !

- Je ne sens plus mes jambes !

La jeune fille vit ses pieds et ses genoux se transformer de la même façon. Sa peur grandit lorsqu'elle vit Liryl tomber à genoux, se tenant le ventre.

- Par le Grand Fouisseur !

- Non… NON ! PAS COMME ÇA ! hurla le jeune homme, les yeux écarquillés vers son avant-bras qu'il n'arrivait plus à remuer.

L'épouvantable expérience dura quelques longues secondes, puis ce fut le trou noir.

Il y avait la mer. Seulement la mer. Le souffle d'une douce brise, et le bruissement régulier des vagues sur la plage. Quand Liam ouvrit les paupières, la première chose qu'il vit fut du sable. Il était allongé de tout son long sur une surface recouverte de sable blanchâtre. Péniblement, il se releva, et jeta un coup d'œil autour de lui.

Blast ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il se regarda, se palpa… apparemment, tout était rentré dans l'ordre au niveau de son corps. Restait à déterminer il se trouvait, à présent.

C'est quoi, cet endroit, encore ? Un château ? Une prison, ou autre chose ?

Il n'avait jamais vu de bâtiment comme celui dans lequel il se trouvait. C'était une espèce de fort circulaire, mais en état avancé de ruines. Des murs à moitié effondrés, des grilles rouillées… En levant la tête, il vit qu'il faisait un temps radieux. Pas un nuage dans un ciel d'azur comme il n'en avait pas vu depuis longtemps. Ce fut alors que quelque chose de coloré apparut à la périphérie de son champ de vision. Quand il se tourna, il vit… ce qu'il vit était tout simplement indescriptible.

Il vit une fille.

Pas une fille. Plutôt la fille.

Une princesse. Une fée. Une reine. Une déesse.

C'était une Humaine, allongée à même le sol. Elle devait être à peu près du même âge que lui. Et quand il s'approcha d'elle, il ne lui vit pas le moindre défaut. Elle était vêtue d'un kimono garni de motifs complexes et bariolés, taillé dans les plus fines soies, qui laissait deviner les formes d'un corps parfaitement proportionné. Le teint de sa peau mêlait l'ivoire et l'or, et sa texture était sûrement plus douce que le satin. Ses mains étaient fines, pourvues de doigts graciles. Son visage, surtout, fit perdre toute sa raison à Liam. Rond, serein, encadré d'une longue chevelure noir de jais qui descendait jusque sur sa poitrine. Son nez était juste à la bonne taille. Ses lèvres étaient fines. Ses sourcils noirs étaient comme tracés à l'encre la plus noire et la plus raffinée par-dessus ses yeux clos sa poitrine délicate se soulevait au rythme d'une respiration régulière, elle était plongée dans un profond sommeil.

Liam tomba à genoux près d'elle, complètement déboussolé.

Comme elle est belle…

Avec d'infinies précautions, il passa ses mains sous le dos et les cuisses de la fille. Le simple contact de ses doigts sur elle l'électrisa. Elle était chaude, et sa chair était tendre et souple. Très doucement, il la souleva, et la déposa sur l'un des bancs, un peu plus loin. Puis il la regarda de nouveau.

Mais qui est-ce ? Et que dois-je faire d'elle ?

Il hésita. Devait-il tenter de la réveiller ? D'un baiser, comme dans les holovidéos romantiques comme celles dont raffolait sa mère ?

J'en ai envie. Je n'ai vraiment envie que de ça. Mais ce ne serait pas raisonnable. À tous les coups, elle le prendrait mal. Et surtout, que penserait… oh non !

Il se releva d'un bond, et regarda de nouveau aux alentours. Aucune trace de sa condisciple dans son environnement immédiat. Il résolut de faire le tour de la construction pour la chercher.

Chi'ta reprit conscience en sursaut, inspirant à pleins poumons, affolée. Elle fut prise de convulsions, toussa, hoqueta, mais retrouva finalement son calme. Sous son arrière-train, elle sentit une surface dure, froide et rugueuse, et elle entendait le bruit de la mer. Au début, elle pensa être sur une plage, mais comprit en regardant autour d'elle qu'il en était autrement. Elle se trouvait dans une sorte de colisée à moitié en ruines, assise sur un banc de pierre. Derrière elle, à travers les trous béants des murailles de pierres crevées, elle pouvait voir un magnifique océan, que le soleil faisait étinceler de centaines de milliers d'éclats. Dans la cour, cependant, le spectacle était bien moins réjouissant.

Les lieux étaient manifestement déserts. Aucune présence vivante, à première vue… si l'on exceptait les formes de quatre statues d'ambre installées dans des niches aménagées dans les murailles de pierres, à moitié dissimulées dans l'obscurité des alcôves. La petite Drall n'eut pas à regarder bien longtemps pour constater qu'elles étaient à l'effigie de Canderous, Ezra, Liryl et Dankin, tous les quatre crispés de douleur. Ces statues lui paraissaient bien trop réalistes pour être de simples sculptures. Son oreille fut cependant attirée par un petit bruit de pas. Quelqu'un marchait non loin d'elle. Quand elle voulut voir de qui ou quoi il s'agissait, elle en resta bouche bée.

Dans l'encadrement de l'entrée principale du colisée, elle put voir la silhouette d'un Drall. Un mâle de son espèce, si elle en jugeait par sa taille plus modeste que la sienne, et sa morphologie légèrement plus chétive. Alors qu'il passa sous le porche, il se retrouva en plein soleil. La petite Drall n'en fut que plus éblouie encore. Son pelage était complètement argenté. Jamais elle n'avait vu un compatriote présentant un tel attribut. Bien entendu, en vieillissant, la fourrure des Dralls avait tendance à s'éclaircir, et les Dralls noirs devenaient grisonnants avec l'âge, mais celui-ci semblait jeune, alerte et agile. Il portait un gilet brodé de cuivre et d'argent. Chacun de ses gestes était précis et assuré. Comme il lui apparaissait plus distinctement, elle vit qu'il n'était pas maigrichon, mais avait une carrure très athlétique, et semblait capable de tenir tête à un guerrier Humain. Il était apparemment à la recherche de quelqu'un, et ne l'avait pas encore remarquée.

- S'il vous plaît ?

Le Drall sursauta, et pivota vers elle. Immédiatement, elle se sentit subjuguée par l'éclat de ses prunelles qui brillaient au milieu de son visage fin et racé. Lui-même semblait aussi envoûté, mais sa surprise n'entamait en rien la noblesse de ses traits.

- Oh ! Vous… vous êtes réveillée.

- Eh bien… il semblerait.

Le Drall approcha timidement.

- Que… est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?

- Sans doute. À commencer par me donner votre avis : où sommes-nous ?

- Je n'en sais rien. Une forteresse en ruines ?

- Ou plutôt un colisée, comme dans les mondes antiques.

- Ah, peut-être, oui.

Le Drall était maintenant à genoux aux pieds de la jeune fille. Celle-ci eut un petit rire.

- Pourquoi tant d'obséquiosité ?

- C'est que… vous êtes si belle. Êtes-vous un ange ?

Liam n'avait pu s'empêcher d'exprimer le fond de sa pensée. Il se sentait tellement misérable devant la ravissante créature qui était maintenant éveillée. Sa voix ridiculisait de très loin les chants les plus harmonieux des oiseaux fantastiques. Et ses yeux, ses yeux étaient deux perles noires étincelantes. En riant, elle révéla l'éclat de la nacre de ses dents.

- N'en faites-vous pas un peu trop ?

- Non, non, non ! Au contraire ! Je ne trouve vraiment pas mes mots pour dire tout ce que je ressens en vous regardant ! Un ange au milieu de ce paradis…

Le rire de la fille se mua en un petit sourire navré.

- Je doute que nous soyons dans un tel endroit, mais j'apprécie le compliment. D'ailleurs, je vous avoue que vos charmes ne me laissent pas insensible, non plus.

Liam n'osait pas y croire. Le rêve devenait réalité. Elle demanda alors :

- Comment vous appelez-vous, messire ?

- Liam. Je suis votre serviteur.

Chi'ta fronça le sourcil, alors qu'un léger picotement lui titilla la nuque. Quelque chose ne collait pas. D'instinct, en revenant à elle, elle n'avait pas été dupe et avait bien senti qu'elle n'était pas dans le monde qu'elle connaissait, mais ce qu'elle venait d'entendre était le petit détail de trop.

- Liam… ? Mais, ce n'est pas un prénom d'Humain ?

- Bien sûr que si ! Vous trouvez ça étonnant ?

- Oh… je ne sais plus trop où j'en suis. Je ne sais même pas ce que nous faisons ici.

- Moi non plus. Oh zut ! J'allais oublier !

Le jeune Drall se releva, et trotta vers la fissure de la muraille, vers la plage. Il l'entendit alors crier son nom.

- Chi'ta ? Chi'ta ?

Par réflexe, elle se leva d'un bond, et courut vers lui.

- Mais je suis là !

Le Drall argenté se retourna alors vers elle.

- Pardon ?

- Je m'appelle Chi'ta, justement !

- Ah ? Oh… tiens. C'est… un très joli prénom.

Il sembla à nouveau sous le charme. C'est alors que, pour la première fois, la petite padawan croisa pile le regard de son compatriote. Elle n'en revint pas quand elle y reconnut une lueur qu'elle connaissait bien. Elle se prit le visage à deux mains.

- Par le Grand Fouisseur !

Liam fut surpris. Cette magnifique Humaine venait de sursauter, en invoquant la même divinité que la jeune Drall qu'il cherchait. Elle le fixait maintenant avec effarement.

- Hé, ça ne va pas ?

- Non… c'est impossible… et pourtant…

- Quoi, quoi ?

- Ce regard… cette étincelle de détermination dans tes pupilles… Liam ! Mais que t'est-il arrivé ?

- Mais… rien. Je viens juste de rencontrer un ange.

- Un ange ? Mais enfin, c'est moi ! Ne me reconnais-tu pas ?

- Si j'avais pu voir une personne aussi belle auparavant, je ne serais pas venu sur cette maudite planète ! Je serais resté avec elle, toute ma vie !

- Qu'est-ce que tu veux dire ? C'est moi, voyons !

- Euh… je ne vous connais pas.

Cette affirmation sembla doucher net la jeune fille. Complètement interdite, elle écarquilla les yeux, n'arrivant plus à respirer. Les larmes lui montaient aux joues.

- Tu… tu es sûr de ce que tu dis ?

- Oui, vraiment. C'est la première fois que je vous vois.

- Impossible ! Tu m'as… tu m'as… oubliée ?

Le jeune homme se sentit très contrarié.

- Oh, je suis désolé. Vous savez, la Force m'a fait voir tellement de bad trips ces derniers mois… Je ne suis même pas sûr que vous êtes réelle ou pas.

Elle se laissa choir sur le sable et se tordit les mains, en pleurs. Liam s'accroupit près d'elle, terriblement gêné, sans oser la toucher.

Elle se retourna vers lui et gémit :

- C'est moi, Liam ! Chi'ta Koskaya, fille de Eden'cho Koskaya et Raïatea Domeny Koskaya ! La Chi'ta que tu as rencontré dans un hangar abandonné ! Celle qui t'a suivi jusqu'au temple Massassi de Yavin IV pour te réconforter ! Celle que tu as sauvée d'une mort atroce en traversant une forêt en la portant sur ton dos ! Celle pour qui tu as risqué ta vie pour aller la chercher sur Obulette !

Le jeune Drall demeurait coi. Elle ne s'en tint pas là et insista.

- Je ne sais pas quelle magie plane sur ce lieu, mais je sais que c'est toi, je le sens !

Au fur et à mesure qu'elle avait parlé, Liam avait peu à peu compris qu'elle était sincère. Et plus il y réfléchit, plus il perçut la résonance familière de la petite Drall qui émanait de cette Humaine. Il la contempla attentivement, et bredouilla :

- C'est pas vrai… vous avez ses yeux. Maintenant, je m'en rends compte.

- Toi aussi, ton regard est le même !

Liam n'en revenait pas.

- Mais qu'est-ce qui t'est arrivé ?

- Que veux-tu dire ?

- La Chi'ta que je connais n'est pas Humaine !

- Tu veux dire que… j'ai l'air d'une Humaine ?

- Pas la première Humaine venue. Tu es la plus jolie fille que j'aie jamais vue. Même ta voix a changé.

- La tienne aussi. Et ton visage, et tout le reste !

Elle tendit la main, toucha la figure velue de son compagnon, sentant onduler la fourrure argentée sous ses doigts.

- Tu as l'apparence d'un Drall, Liam.

- Quoi ?!

- Tout, je te dis ! La tête, le pelage, les moustaches, la dentition, et donc la voix !

- Pourtant, quand je me regarde, il n'y a rien de changé !

- C'est pareil pour moi. Je me vois telle que j'ai l'habitude de me voir, mais toi… tu es comme moi.

- Je comprends qu'on ne se soit pas reconnus tout de suite, alors.

- En effet. Et pour un Drall, tu es même… très séduisant.

Elle se frappa le front.

- Mais oui ! Bien sûr, c'est ça ! Comment ai-je pu être aussi bête ! J'aurais dû comprendre que tu étais affecté, toi aussi !

- Quoi, quoi ?

- Tu te rappelles ce que je t'avais raconté sur l'île Crispos, à propos du « mythe du prince charmant » ?

- Euh… oui, un peu.

- Nous sommes en plein dedans, Liam ! Un puissant ensorcellement investit ces lieux, et trompe nos sens. Ainsi, nous sommes représentés selon cette logique !

- Ca veut dire quoi ?

- Chacun de nous apparaît à l'autre comme son idéal du sexe opposé !

- Donc, si je comprends bien, tu es la plus belle des filles pour moi, et moi je suis le plus beau des garçons pour toi.

- Oui. Oui, je crois, oui, répondit-elle, d'une voix plus rassurée.

Ils se relevèrent ensemble, et se jaugèrent du regard, avec un rire de soulagement.

- Je ne sais pas qui est derrière ça, mais il n'a pas raté son coup ! Tu es vraiment très belle !

- Je n'avais jamais vu un Drall aussi attirant, de mon côté ! Cependant, nous ne devons pas nous laisser abuser par cette illusion.

- Oui, tu as raison. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

- Maintenant, nous devons comprendre pourquoi nous sommes ici, et comment nous en sortir. Et surtout, comment libérer nos amis !

- Ils sont prisonniers ? Où ça ?

- Tu ne les as pas vus ? Regarde dans les alcôves !

- Les alc… OH !

Liam sursauta. La vue de chaque statue lui arracha un gémissement plus angoissé que le précédent.

- Il faut faire quelque chose !

- Mais quoi ?

- J'en sais rien ! Mais… peut-être que c'est encore un mytho !

La jeune fille réfléchit quelques secondes. En revoyant la silhouette de Liam sous forme de Drall, elle suggéra :

- Oui, peut-être. Tout n'est qu'illusion, ici. Il faut que nous parvenions à voir au-delà des apparences.

- Excellent raisonnement, mon enfant !

Les deux jeunes gens sursautèrent en même temps en entendant la voix grave et puissante d'un homme. Une silhouette était entrée dans la cour par une petite porte dérobée. Impossible de voir de qui il s'agissait, l'individu portait un masque de terre cuite. Un masque qui représentait un visage Humain plutôt grossier, avec deux yeux amusés, un front étroit et une bouche énorme déployée dans un éclat de rire figé. Il portait une grande cape brune par-dessus une tunique de tissu beige, surmontant un pantalon de cuir râpeux. Ses bras découverts laissaient penser qu'il s'agissait d'un Humain, et ses doigts étaient noueux. L'homme s'approcha davantage.

- Qui êtes-vous, jeunes gens ? Répondez !

Une fois encore, sa voix avait éclaté dans le colisée et avait rebondi sur tous les murs, étonnamment forte. Chi'ta se serra contre Liam, qui déclara courageusement :

- Je suis Liam Kincaid, de l'Académie Jedi, et je ne dirai pas un mot de plus sans savoir à qui j'ai affaire ! Plus d'illusion ou de tour de magie à deux décicrédits !

Sa détermination toucha l'individu masqué qui ne bougea plus. Celui-ci prit une posture réflexive, posa délicatement sa main sur le menton de son masque.

- Vous avez réussi à percer à jour mes petits jeux d'images. Je peux me montrer.

Puis il l'enleva, et le laissa tomber par terre. Le masque tomba aussitôt en poussière. Chi'ta se concentra, pensant reconnaître vaguement le visage qui leur était apparu. C'était un Humain qui accusait une bonne cinquantaine d'années. Il avait le visage carré, une barbe blond cendré bien taillée, et ses yeux las étincelaient sous une épaisse frange.

- Attendez… vous êtes… vous êtes Atrus Cordana, le Maître Jedi qui a accompagné l'équipage de l'Étoile Lointaine !

- Je ne pensais pas qu'une personne si jeune pût se souvenir de moi.

- Nous avons lu le rapport écrit par le capitaine Ciro, Maître Cordana, expliqua le jeune homme.

- Vous vous êtes montré particulièrement héroïque face à DarkStryder, Maître.

- C'est gentil à vous de dire ça, mademoiselle… mademoiselle ?

- Koskaya, Chi'ta Koskaya, padawan Consulaire de l'Ordre, pour vous servir.

À ce moment, les deux padawans se rendirent compte que tout était rentré dans l'ordre – chacun d'eux voyait à nouveau l'autre tel qu'il était en réalité. Ils poussèrent à l'unisson un soupir de soulagement tandis que l'homme fit une moue interrogative.

- « Académie Jedi », « Ordre »… dois-je comprendre que l'Ordre a été restauré ?

- En effet, Maître. Le rapport nous a dit que vous aviez complètement disparu de la circulation environ un an après votre retour de Kathol, soit neuf ans après la Bataille de Yavin. En conséquence, vous n'avez sans doute pas pu assister à la réouverture du Praxeum par Maître Luke Skywalker deux ans plus tard.

Cordana se frotta le menton.

- Ainsi donc, c'est ce Skywalker qui a rouvert l'Académie… remarquez, ça ne m'étonne pas. C'était il y a… quatre ans, c'est bien ça ?

- Oui, Maître. Et aujourd'hui, l'école compte plusieurs centaines d'élèves.

- Je vois. Beau résultat de leur sagacité…

Le ton de cette remarque ne plut pas à Liam.

- Vous auriez pu apporter beaucoup au Praxeum si vous étiez resté ! Pourquoi avoir disparu ? D'accord, l'expédition de l'Étoile Lointaine n'a pas été de tout repos, mais un vrai Jedi comme vous a la science pour surmonter des souvenirs pénibles, non ? « Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix », ça ne vous dit rien ?

Il ne comprit que trop tard qu'il avait parlé sans réfléchir. Déjà, le visage de l'homme se renfrognait.

- Vous qui connaissez tant de choses, jeune padawan, vous devez sans doute savoir quelle a été ma propre expérience.

- Euh… le rapport de Ciro n'a pas dit grand-chose sur vous.

- Dans ce cas, permettez-moi d'éclairer votre lanterne. J'étais à peine plus âgé que vous lorsque j'ai obtenu le grade de lieutenant-colonel de la Garde Républicaine.

- Oh, vous étiez précoce !

- Comme j'ai été formé dès mon plus jeune âge à l'Académie Jedi, j'ai vite grimpé les échelons. J'ai participé à la Guerre des Clones sous les ordres du général Kenobi. Quand le chancelier Palpatine s'est auto-déclaré empereur, j'ai compris que la tempête allait éclater, et je me suis enfui. Mais après des années de traque, j'ai finalement été capturé par les agents de Kohl Seerdon.

- Le Moff Seerdon ? Ce n'était pas ce Moff qui a provoqué une crise de bacta sur Thyferra il y a une dizaine d'années ?

- Je vois que vous connaissez vos classiques, mademoiselle. Mais il était déjà un serviteur zélé de Palpatine bien avant l'avènement de l'Empire. Enfin donc, j'ai été emprisonné, mis sous carbonite, et je n'ai été tiré de ma torpeur que quelques années plus tard par les membres de l'équipage de l'Étoile Lointaine. Et pour quoi ? Me retrouver à poursuivre un autre Moff complètement obnubilé par la technologie DarkStryder. J'ai vite compris que rien n'avait changé. Avec ou sans Palpatine et son serviteur Dark Vador, toute l'histoire se répétait, encore et encore. Zsinj, Thrawn, Ysanne Isard, et les non-Humains hostiles cherchant à envahir les secteurs isolés… et je ne parle pas, notez bien, de toutes les querelles intestines qui ont pu éclater après la victoire d'Endor ! Tous ces hypocrites qui se battaient main dans la main contre l'Empire, et qui se sont jetés les uns sur les autres une fois la menace impériale écartée ! Alors, quelques mois après être rentré de la croisade de l'Étoile Lointaine, j'ai décidé de revenir ici.

- Mais… pourquoi donc ? Vous n'avez pas votre place ici !

- Au contraire, jeune homme. Ma place ne peut être qu'ici. Quand nous avons affronté Sarne, nous avions sympathisé avec les indigènes locaux, les Yapis. Ce sont eux, et leurs pouvoirs, qui nous ont aidé à renverser le Moff Sarne et à vaincre DarkStryder. Et maintenant, j'habite ici, je vis parmi eux, ils me respectent, et je leur rends ce respect !

Les deux padawans ne répondirent rien. Chi'ta hocha la tête, Liam fit une petite moue comme il assimilait toutes ces paroles. Cordana maugréa en se caressant la barbe :

- Votre présence me pose un sérieux problème !

- C'est-à-dire ? demanda Liam, de plus en plus anxieux.

- Si je n'avais pas ressenti la résonance à la Force en vous deux, je vous aurais volontiers dédaignés, comme les autres.

- Les autres ? Que sont-ils devenus ?

- Ils ont aussi été emprisonnés par le piège des Kathols, et leurs molécules ont été cristallisées. Leur esprit ne peut communiquer avec le mien par la pensée. Nous sommes donc entre nous. Quant à la Kathol qui était avec vous, j'ai pu créer un courant psychique suffisamment complexe pour qu'elle ne puisse interférer.

- Vous parlez de Dame Liryl ? Oh, Maître, il ne faut pas la craindre ! C'est une personne merveilleuse !

- On disait la même chose des habitants de cette « merveilleuse » planète, ma petite demoiselle. Et là encore, l'histoire recommence ! Chaque fois que des gens venus d'ailleurs se sont posés ici, ça n'a fait que des catastrophes ! Il y a quatre mille ans, les Jedi et les Sith ont accidentellement créé la Faille de Kathol. Il y a sept ans, l'équipage de l'Étoile Lointaine a fait pire : nous avons libéré les monstres que nous avons créé. Les Précurseurs ont lancé leur plan d'attaque. Martouf et Na'toth, le roi et la reine, sont partis en éclaireur, mais ils ont laissé un larbin derrière eux, celui-là même qui vous a emprisonnés. Je me demande si je ne devrais pas laisser faire les choses, pour une fois, et vous laisser là avant de m'en aller et de rejoindre ma tribu.

En entendant cette terrible éventualité, Chi'ta sentit son petit cœur s'affoler.

- Non ! Je vous en prie, je vous en supplie, Maître !

- Vous ne pouvez pas faire ça, protesta Liam. C'est pas dans les principes des Jedi !

- Je ne suis plus un Jedi. En tout cas, je ne me considère plus comme tel. Et quand je vous observe, vous et vos amis, je me dis que j'ai le droit, voire le devoir, de vous abandonner à votre sort pour éviter d'envenimer davantage la situation !

- Mais qu'est-ce que vous voulez dire ? demanda Liam, de plus en plus affolé.

- Connaissez-vous vraiment les personnes avec qui vous avez foulé le sol de cette planète, mes jeunes amis ?

Cordana s'approcha de la statue d'ambre qu'était devenu Canderous.

- Un voyou avide d'infliger autant de souffrances qu'il a lui-même reçu dans ses jeunes années. Il réfugie sa solitude et son chagrin dans la violence et le dédain.

Il passa à l'alcôve où était Ezra Lohrn.

- Je ne ressens que la cupidité. Cette personne est âpre au gain, cultive intellectuellement l'opportunisme à outrance. Au cours de sa vie encore brève, elle a souvent été confrontée à l'absurdité de l'univers, ce qui l'a poussé à réagir avec excès. La médecine n'est pas un sacerdoce à ses yeux, c'est un exutoire destiné à soulager sa douleur en l'enivrant de celle qu'elle voit, ou même provoque chez les autres. Ce n'est pas du dévouement, mais du sadisme à l'état pur.

De telles paroles serrèrent davantage le cœur de Chi'ta, qui n'osait pas y croire. Pas même un instant. Dès qu'elle sentit son esprit douter, elle se ferma immédiatement. Liam serrait les poings alors que Cordana passa à Dankin.

- Celui-ci… celui-ci me paraît déjà plus digne de confiance. Il est animé par la sauvagerie et l'instinct propres à sa culture, et pense avant tout au combat. La vie entière est une chasse et un combat contre un adversaire de plus en plus fort. Pour le coup, sur ce monde, il trouvera son bonheur.

Enfin, il montra d'un geste de la main la statue de Dame Liryl.

- Quant à celle-là… je ne comprends pas comment vous avez pu être aveugles à ce point-là. Comment donc avez-vous pu passer à côté d'une information aussi importante que la nature de cette créature ?

- Nous savons qu'elle vient d'ici, répliqua Liam.

- Ou que, du moins, son organisme a assimilé la technologie des Kathols.

- Et malgré cela, vous lui faites confiance ? Elle vous a probablement attiré dans un piège. Qui sait, peut-être même que sa finalité était de vous amener jusqu'ici ! Après tout, c'est elle qui vous a conduits dans cette base, je suppose ?

- Si vous connaissiez Dame Liryl comme nous la connaissons, vous n'auriez pas d'aussi vilaines hypothèses ! rétorqua bravement la petite Drall.

Cordana fit une moue sceptique, mais ne répondit rien. Il fit quelques pas en direction des deux jeunes gens.

- Et vous ? Qu'est-ce qui vous motive, exactement ?

Il ne fut plus qu'à deux pas de la jeune fille.

- Vous, mademoiselle… Qu'est-ce qui vous pousse à risquer votre vie et votre conscience pour vous jeter dans les mandibules des Précurseurs ? Répondez-moi sans détour, sans discours préfabriqué. Je me fiche des belles formules toutes faites que vos Maîtres vous ont fait apprendre par cœur. Je ne veux que la vérité, et donc le fond de votre pensée. Alors ?

Chi'ta focalisa son esprit sur son but, et expliqua lentement :

- Je ressens les émotions des autres personnes de manière très prononcée. C'est une sorte d'effet secondaire du lien qui me relie à la Force. Et j'ai ressenti à plusieurs reprises la détresse du peuple de Kathol. Leur douleur, leur amertume a consumé leur raison, et maintenant ils veulent déchaîner leur folie sur le reste de l'univers. Mais je ne suis pas en colère contre eux. Je me sens seulement terriblement triste. J'ai les moyens de soulager cette tristesse et de permettre à ce peuple meurtri de trouver le repos. L'un d'entre eux qui n'a pas sombré dans ce tourment nous a transmis cette possibilité, et c'est son élève qui est avec nous. Si nous parvenons à délivrer les Kathols, ils cesseront d'être malheureux. Et moi, par conséquent, je me sentirai en paix. Je le reconnais, je n'agis pas de manière complètement désintéressée ce que je fais pour eux, je le fais aussi pour moi. Quand l'univers se porte mieux, je me porte mieux. Et même si je devais échouer, j'aurais fait tout ce qui est en mon pouvoir, et je n'aurai donc pas de regrets.

Cordana pesa ces paroles dans un silence lourd.

- Tiens, tiens… On dirait que vous êtes un peu moins formatée que je ne le pensais. Et vous, jeune homme ? Êtes-vous animé par d'aussi nobles sentiments ?

Liam avait bien compris qu'il n'avait plus le droit à l'erreur. Toute réponse non satisfaisante allait le piéger peut-être pour l'éternité. Or, devait-il tenter de convaincre Cordana par une réponse similaire à celle de sa condisciple, propre aux Jedi, ou allait-il laisser aller ses vrais sentiments, au risque de ne pas sembler digne aux yeux de son interlocuteur ? « Sans discours préfabriqué », avait dit le Jedi. Repenser à cette phrase le poussa à choisir sa réponse.

- Je veux arrêter les Kathols parce que j'ai peur. On m'a appris que le Côté Obscur se nourrit de la peur, mais je veux surpasser cette peur pour faire ce que j'estime juste. Ils ont des armes terrifiantes, et des pouvoirs qui dépassent tout ce que j'ai pu voir. Ce sont des monstres hideux qui font des expériences sur nous avant de nous détruire. Ils ont tenté plusieurs fois de me tuer, et de blesser l'un ou l'autre de mes amis. Je peux comprendre que c'est plus le désespoir que la haine qui les fait tenir encore debout, mais cela ne veut pas dire que je l'accepte. Ils ont délibérément choisi la violence. Maître Ageer était l'un d'entre eux, et pourtant il est resté sage. Et nous avons dernièrement aperçu les fantômes de deux autres Kathols, Keltan et Jakel, eux aussi dirigeants de ce peuple. Ils n'avaient pas l'air fous de colère, eux non plus. Moi, je veux arrêter les Kathols avant tout pour qu'ils cessent de menacer nos vies ! Je ne les laisserai pas détruire d'autres mondes comme Obulette, je les empêcherai de faire du mal, à moi… et à d'autres.

Il n'avait pu s'empêcher de regarder en biais sa condisciple en prononçant cette dernière phrase. Et sa stratégie s'avéra payante. Le Jedi dit enfin :

- Eh bien ! Vous êtes jeunes, volontaires, idéalistes… mais vous n'êtes pas emportés par les beaux sermons de vos professeurs. Je n'ai pas ressenti le moindre artifice dans vos paroles. Vous êtes honnêtes, et vous l'assumez. Et j'aime ça. D'accord, à présent, vous me paraissez dignes de ma considération, et je crois que vous pourrez m'aider à vaincre les Kathols. Et puis, de toute façon, je suppose que les Moines Aing-Tee ne vous auraient pas laissé venir ici si vous n'étiez pas venus pour ça, et si vous n'en étiez pas capables. Maintenant, je vais vous laisser et inverser le processus de stase. Nous nous retrouverons dehors.

À peine eut-il fini sa phrase qu'Atrus Cordana disparut en un éclair. Les deux padawans se regardèrent, à la fois étonnés et soulagés.

- Bon… au moins, nous ne nous sommes pas fait un nouvel ennemi.

- Oui, mais d'un autre côté, il faudra rester sur nos gardes quand il nous retrouvera. Je pense qu'il a lui aussi été traumatisé par la campagne DarkStryder, à sa façon. Cela aura sans doute une influence néfaste sur son jugement.

Le ciel devint de plus en plus lumineux, bientôt une lumière incroyablement forte aveugla les deux jeunes gens…

- Liam ? Chi'ta ?

- Les enfants ? Où êtes-vous ?

- Dame Liryl ? Dame Liryl ?

Chi'ta avait froid, très froid. Elle avait du mal à respirer, et tremblait fort. Elle avait l'impression d'être trempée et poisseuse, son corps tout entier lui faisait mal comme s'il avait été étiré et compressé. Ses oreilles bourdonnaient tellement qu'elle entendait à peine les sons, et elle sentait de vifs picotements dans ses yeux, l'empêchant de les ouvrir.

Je devais sans doute ressentir la même chose quand je suis née…

Elle sentit à travers ses paupières closes la lumière vive d'une tige éclairante qui lui chauffa le visage.

- Là, regardez !

- Chi'ta ! Oh, bon sang !

Le bruit caractéristique des bottes ferrées de Canderous se rapprocha d'elle. Elle entendit sa voix demander à travers son casque :

- Hé, tu m'entends, petite puce ? Comment tu te sens ?

- Ne la touche pas ! Elle est peut-être blessée. Allez chercher Liam pendant que je m'occupe d'elle.

- Okay, doc !

Les pas de Canderous et Dankin s'éloignèrent, pendant qu'Ezra demanda :

- Chi'ta, tu arrives à me comprendre ?

- Je… je vous devine plus que je vous vois, docteur Lohrn… mais je vous entends.

- Qu'est-ce que tu ressens, précisément ?

- J'ai froid, j'ai mal partout…

- Tiens, avale ça, c'est une boisson revigorante.

La jeune fille sentait la doctoresse glisser un flacon dans sa bouche, puis un liquide chaud et sirupeux descendit mollement le long de sa trachée. Ses forces lui revinrent peu à peu, et rapidement elle distingua le visage de l'Humaine.

- Quel soulagement…

- Tu peux le dire ! Cette fois, j'ai bien cru que ça y était !

- De quoi… ai-je l'air ?

- T'inquiète, rien n'a changé. Je ne sais pas exactement ce qui nous est arrivé, mais en tout cas, ç'a été inversé. Canderous s'est réveillé le premier, il nous a retrouvés, moi et Dankin, puis on est partis à votre recherche.

Chi'ta put se lever, et en ouvrant grand les yeux, elle comprit qu'ils n'étaient plus dans le dôme, mais à l'intérieur d'une grande caverne d'apparence plus naturelle, aux roches sombres et saillantes. Des cristaux incrustés ça et là dans les parois émettaient une lumière étrange.

- Oh, nous avons été déplacés !

- En effet. Mais ne t'en fais pas, Dankin a repéré une sortie, nous ne resterons pas ici bien longtemps.

Chi'ta se tâta, et eut une grimace de dégoût en constatant qu'elle était couverte de traces d'un fluide jaunâtre et humide.

- Oui, nous avions tous cette purée d'égout sur nous. Sans doute les résidus de cette matière dans laquelle on a été emprisonnés.

- Il va me falloir des heures pour nettoyer ma fourrure ! se lamenta la jeune fille.

Dankin revenait en courant.

- On vient de les retrouver ! Ils ont besoin de soins !

- J'arrive ! Chi'ta, tu peux marcher ?

- Oui, je vous suis.

Un instant plus tard, ils avaient rejoint Canderous, qui était accroupi près de Liam. Un peu plus loin, la Dame de Sérénité se remettait péniblement debout. Ezra s'approcha du jeune homme, mais celui-ci se releva, bien décidé à repartir à l'aventure.

- Garde tes poisons, la Force me suffira.

- Parfait. Dankin, elle est où, ta sortie ?

- Suivez-moi !

Les trois adultes partirent en avant, mais Liryl retint les deux padawans en posant ses mains sur leurs épaules.

- Mes enfants ? J'aimerais vous dire quelque chose.

- Nous vous écoutons, ma Dame.

- Aurais-tu… un ennui ? Tu as l'air soucieuse.

La Drall sentait une petite pique amère dans l'humeur de la Kathol, qui murmura :

- Je n'ai pu participer à votre « conversation » avec Maître Cordana, mais j'ai tout entendu. Vous avez été très bien. Savoir assumer ses convictions est une étape importante à l'entrée dans l'âge adulte. Cependant, j'insiste sur un point : vous êtes libres de penser ce que vous voulez sur moi ou sur les autres membres de notre groupe, mais souvenez-vous que Maître Cordana est un homme qui a subi des épreuves traumatisantes, et son esprit a été probablement altéré par ses expériences. Il ne faut pas considérer ses paroles au pied de la lettre. Il s'est amusé à tromper vos sens, et a présenté chacun de nous sous son aspect le plus sombre. Sa perception des choses est déformée par les meurtrissures de son âme.

Ils ne furent pas longs à atteindre la sortie, ils pouvaient distinguer peu à peu la lumière de l'extérieur. En sentant l'air frais du dehors, le jeune homme ne put s'empêcher d'inspirer profondément, avec soulagement et plaisir. Les dernières heures passées dans le labyrinthe avaient été vraiment pénibles, mais ils s'en étaient sortis, avec l'objet de leur quête. D'autres ne partageaient pas ce délice.

- Je croyais que ces Kathols voulaient bien nous aider ! Pourquoi nous emprisonner ?

- Docteur Lohrn, je pense que c'était quelqu'un d'autre que le Synode. Na'toth et Martouf ont laissé un de leurs exécuteurs derrière eux.

- Comment tu le sais ?

Chi'ta hésita, et elle décida de taire ce qu'elle et Liam avaient vécu.

- Disons que la Force m'a parlé.

- Si c'est le cas, y a des chances pour que cet exécuteur soit toujours dans le coin, et nous observe ! réalisa le Mandalorien en crispant le front.

- Raison de plus pour ne pas traîner ! Tu devrais rappeler Mister V !

En sortant de la caverne, ils repérèrent de grandes aspérités sombres. Ils se trouvaient dans une zone beaucoup plus rocheuse, un secteur de creux et de bosses parsemés de ruines éparses de bâtiments Kathols. Certains d'entre eux n'étaient plus que tas de cailloux couverts de mousse, d'autres étaient encore partiellement debout, quoique éventrés, brisés. Il faisait nuit, mais l'horizon s'éclaircissait faiblement. Chi'ta repéra la forme particulière de la grande tour d'entrée, quelques kilomètres plus loin. Elle poussa un soupir de soulagement.

- D'ordinaire, les grottes et les tunnels me rappellent la vie sur Drall, et ça me rassure. Mais j'avoue que je ne suis pas fâchée de quitter ce dédale !

Canderous s'éloigna de l'entrée de la caverne, et tenta de lancer une communication vers le Vandread. La doctoresse sentit une appréhension quand elle le vit revenir à pas lents.

- Alors ?

- Je n'arrive pas à l'avoir.

- Pourquoi ça ? On est trop loin ?

Sachant déjà toutes les implications en jeu, le mercenaire eut toutes les peines du monde à répondre :

- Non, quelque chose brouille les communicateurs.

- Oh, c'est pas vrai !

Soudain, plusieurs événements fort inquiétants se produisirent simultanément. Un tintamarre insupportable éclata au-dessus de leurs têtes, tandis qu'un vent d'une violence inouïe balaya la vallée, soulevant des tourbillons de poussière. Plusieurs projecteurs aveuglèrent la petite bande. Canderous recula, blaster sonique prêt à l'emploi. Liam serra les dents, Chi'ta enfouit son visage dans ses mains, Ezra plissa les yeux jusqu'à les fermer. Une voix moqueuse, amplifiée par un puissant haut-parleur, roula à travers toute la vallée.

- Salut, très chers amis ! Quel plaisir de vous revoir !

- Blast ! Encore ce trouduc !

Canderous, comme les autres, avait reconnu la voix du vigo Gorak Khzam, amplifiée par un haut-parleur. Les deux padawans se jetèrent dans les bras l'un l'autre, effrayés. Plusieurs bruits de moteurs résonnaient dans le ciel rougeoyant. Ezra glapit de frustration. Six véhicules noirs à répulsion volaient au-dessus de la plaine, et déjà plusieurs nettoyeurs en descendaient en rappel, fusils à impulsion en avant. Canderous remarqua que l'une des lumières ne provenait pas d'en haut, mais du sol. Et elle bougeait.

- Tout s'est joué ici il y a sept ans. Et tout va trouver son accomplissement maintenant. Une fois encore, je suis là pour récupérer ce que j'ai bien mérité, et mes confrères seront ravis des résultats.

Dankin entendit un étrange son tamisé par les vrombissements des suspenseurs, qu'il ne put identifier. Un bruit de piston, de mécanique complexe… il n'eut pas à se demander bien longtemps de quoi il s'agissait quand il vit une ombre immense s'avancer. C'était une silhouette humanoïde entièrement mécanique. Canderous crut voir un droïd de guerre, mais comprit rapidement qu'il s'agissait plutôt d'une vraie personne engoncée dans une armure de combat – le vigo. Il portait sur l'épaule gauche le projecteur, et un lance-missile sur la droite. Cette armure était renfoncée de plaques d'acier couleur bronze, et même les articulations, normalement moins protégées, étaient constituées d'entrelacs de tuyaux souples mais solides. La tête ne comportait qu'une longue visière horizontale. Les mains cybernétiques étaient pourvues de longues griffes d'acier. Chaque pas de Khzam faisait trembler le sol.

- Je vous avais bien dit de rester à l'écart de la route du Soleil Noir, mais vous vous êtes entêtés. Qu'il en soit donc ainsi, je ne peux pas me permettre de laisser vivre des témoins gênants.

Liam comprit qu'il n'y avait aucune pitié à attendre de cette horde de tueurs. Il n'espérait pas se sortir indemne d'une telle confrontation, mais était prêt à se défendre. Courageusement, il sortit son sabre-laser, l'alluma et le brandit. Chi'ta l'imita, et les deux condisciples se retrouvèrent dos à dos, surveillant le moindre geste hostile. Dankin sentit entre ses mains plus qu'il n'entendit le claquement du mécanisme de son arbalète Wookiee. Ezra, quant à elle, sortit prestement de sa sacoche un petit objet rond et explosif. La voix narquoise de Khzam se moqua d'eux :

- Vous êtes braves… et totalement inconscients. Allez, soldats ! Confirmation de protocole de nettoyage !

Du haut des remparts à moitié effondrés, les nettoyeurs armèrent leurs fusils et se mirent en position d'attaque. Liam chuchota à l'oreille de sa camarade :

- Laisse la Force te guider. Tu peux le faire !

- Ou… oui, je sais.

Le raclement effrayant de l'armure de combat de Khzam qui avançait à pas lourds l'assourdissait. Ezra n'attendit pas davantage. Elle dégoupilla sa grenade neutralisante, et la lança au milieu d'un groupe de quatre tueurs. La grenade éclata et les envoya tous les quatre aux alentours. Les nettoyeurs passèrent à l'attaque, déchirant la nuit d'une multitude de traits étincelants. Toujours dos à dos, les deux padawans brandirent leurs sabres-laser, et les firent tournoyer avec une parfaite synchronisation, détournant ainsi les rayons mortels. Cette démonstration n'échappa pas à Canderous.

- Ouais ! Allez-y, les Jedi !

Le mercenaire tira en direction de Khzam. Il espérait que les ondes soniques du blaster dashadien traverseraient le blindage sans ralentir pour réduire en bouillie le Rodien, mais le vigo avait investi dans du matériel de qualité, et les distorsions s'écrasèrent sur l'armure.

Un grondement sourd éclata soudain au-dessus de toutes les têtes. L'un des véhicules explosa et s'abîma sur la roche, écrasant dans le même temps trois nettoyeurs. Ezra cria d'excitation.

- Bravo, Canderous !

- Attends une minute, poupée ! Ce n'est pas moi !

- Hein ?

D'autres tirs orangés venus des alentours filèrent. Deux autres nettoyeurs tombèrent. Dankin écarquilla les yeux en distinguant dans l'obscurité les formes caractéristiques des combinaisons des soldats de choc de l'Empire.

- Décidément, on ne peut pas avoir la paix cinq minutes. Vous autres, débarrassez-moi de ces moustiques blancs !

Les nettoyeurs restés à bord des véhicules volants prirent pour cible les soldats de choc, couvrant ainsi leurs camarades descendus. L'un d'eux tomba cependant sous les attaques des Impériaux. Dankin rugit de colère, et projeta un carreau énergétique sur l'armure de combat. La carrosserie noircit et se bossela.

- Assez ri, maintenant ! Dégustez ça !

L'énorme silhouette blindée brandit le bras droit. Canderous sentit ses yeux s'écarquiller de panique lorsqu'il reconnut la forme caractéristique d'un canon d'assaut laser, un feu d'artifice mortel capable de cracher plusieurs centaines de rayons laser en une poignée de secondes, fixé sur l'avant-bras métallique. Avec un cri de rage amplifié par le haut-parleur de son casque, Khzam décrivit un grand arc de cercle en ciblant le Togorien. L'arme était meurtrière, mais heureusement imprécise. Trop pour atteindre sérieusement sa cible, qui sentit tout de même l'odeur de poil roussi lui monter aux narines.

- Vous ne m'échapperez pas !

Déjà Khzam tendait en avant le bras gauche. L'avant-bras de l'armure était surmonté par un lance-missiles à concussion. L'ogive partit avec un sifflement vers le Mandalorien. Canderous n'eut que le temps de se jeter sur le côté pour se mettre à l'abri derrière un pan de mur. Le souffle incandescent de l'explosion lui chauffa les vêtements. Il se reçut rudement, et quand il releva la tête, il poussa un grognement frustré en voyant son blaster sonique disloqué sur une pierre.

Va falloir que je trouve autre chose, maintenant !

La situation était de plus en plus confuse. Un troisième hovercraft du Soleil Noir éclata en plein vol, projetant des débris incandescents dans tous les sens. Quand le visage du mercenaire se décrispa, son regard tomba sur un long objet brillant tombé non loin de lui. Il eut un vilain sourire sous son masque c'était un fusil à impulsions appartenant à l'un des nettoyeurs. Il jeta un rapide coup d'œil aux alentours. Foncer vers l'arme pour la ramasser, c'était s'exposer pendant une dizaine de secondes, tout au plus. Soit environ cent fois l'occasion de se prendre un tir de blaster. C'était ça ou rien. Canderous prit sa décision. Il retint son souffle, et se jeta en avant, se précipita vers le fusil à impulsions. Les rayons laser le frôlaient de toutes parts, soulevaient la poussière autour de lui. Il fit une roulade vers l'avant, agrippa l'arme au passage, et bondit derrière un reliquat de muraille. Son cœur battait à tout rompre, mais il avait réussi. Il vérifia que le chargeur était plein et le fusil fonctionnel. Il ne put contenir un petit ricanement impatient. Une première petite salve percuta l'un des hommes en armure du Soleil Noir, qui s'effondra aussitôt.

De leur côté, les deux padawans faisaient écran devant la Dame de Sérénité. Celle-ci restait toujours calme face au danger, mais n'en avait pas oublié pour autant la plus élémentaire prudence. Dès les premières salves, elle avait repéré un passage entre deux bâtiments, avait tourné les talons et entamé sa course, suivie progressivement par les deux disciples. Elle perdit l'équilibre quand le missile de Khzam ébranla la terre, mais parvint à se rattraper. Alors que les soldats de l'Empire se battaient furieusement contre les tueurs, le danger diminuait. Liryl n'était plus très loin de l'abri, mais l'un des nettoyeurs, armé d'un disrupteur longue distance, visa, et un long trait doré traversa la cour. La jeune femme sentit une vive douleur lui lacérer l'intérieur de la cuisse, et elle tomba avec un petit cri.

Ce fut comme une décharge électrique dans la colonne vertébrale de Chi'ta. Effrayée, elle relâcha sa concentration, et en entendant son camarade lui ordonner de s'écarter, elle bondit en arrière, évitant un autre tir de disrupteur d'extrême justesse. Le pan de mur derrière elle était fumait là où s'était trouvé sa tête un quart de seconde plus tôt. En toute hâte, elle plongea derrière un bout de pilier taillé.

Le padawan Gardien vit aussi la Dame de Sérénité à terre. Cela ne lui sembla pas seulement effrayant, inquiétant, c'était pire. Pour lui, ça ne devait pas, ne pouvait pas arriver. Dans l'esprit des deux jeunes gens, voir la jeune femme souffrir d'une douleur physique était aussi aberrant que de voir le ciel se déchirer comme un bout de tissu. Pour Ezra aussi, voir quelqu'un avoir le culot de blesser volontairement une créature aussi belle, aussi parfaite, était proprement inconcevable. La froideur professionnelle de Canderous se mua en colère noire.

- Bande de salauds !

Avec un grognement bestial, il régla son arme sur le mode « rafale prolongée » à puissance maximale et balaya les alentours de déluges énergétiques. Trois tueurs et deux Imps furent fauchés comme des fétus de paille. Dankin rugit encore, et fit exploser d'un carreau bien placé l'un des réacteurs des véhicules volants. La barge tomba comme une pierre et explosa sur le toit d'une des tours, envoyant valser deux autres assassins. De son côté, toujours planquée, Ezra était inquiète, craignant que les deux padawans perdent leur self-control et commettent une erreur – en particulier Liam, qu'elle savait prompt à agir avant de réfléchir en cas de stress.

Heureusement, le padawan avait mûri, et pris de plus en plus d'assurance pendant les combats. Il reprit rapidement le dessus sur ses émotions, et passa aux actes. En deux pas chassés, il se retrouva pile devant Dame Liryl. Plantant fermement ses pieds dans le sol, il fit tournoyer son sabre-laser de plus en plus vite, créant un véritable bouclier bleuté sur lequel tous les tirs ricochaient les uns après les autres.

- Chi'ta ! Éloigne-la vite, je vous couvre !

- D'accord !

Vite, la jeune fille sortit de sa cachette et courut aussi promptement qu'elle put vers la Dame de Sérénité. Elle l'aida à se remettre debout.

- Il faut qu'on y aille ! Peux-tu courir ?

- Ne t'en fais pas, ça va aller.

Et les deux femmes s'éloignèrent, atteignant enfin le passage abrité. Du coin de l'œil, Liam vit qu'elles étaient hors de portée des tueurs. Avec un sourire de satisfaction, il s'immobilisa, la lame laser oblique tournée vers l'arrière, parallèle à son avant-bras. D'un rapide coup d'œil, il repéra le tireur embusqué. Alors, il s'agenouilla, et détendit ses jambes, faisant un gigantesque bond au-dessus de la mêlée. Devant lui, en contrebas, il pouvait voir le tueur se rapprocher de plus en plus vite, complètement pris au dépourvu, levant maladroitement son arme pour tenter de l'intercepter en plein vol. Peine perdue. Liam se reçut en souplesse juste derrière lui, en fauchant l'air au passage. Le nettoyeur s'écroula, l'armure fendue d'une brûlure incandescente. Le jeune homme remarqua alors que l'agresseur de Dame Liryl était en fait une femme, en voyant ses formes sous sa combinaison souple. Cela ne l'émut pas. Il se laissa tomber du promontoire pour repartir à l'assaut.

Emportée par le feu de l'action, Ezra dégaina un fusil blaster confisqué à l'une de ses victimes impériales, la cala près de son œil, visant le vigo. Elle se focalisa sur l'armure de combat, priant intérieurement les nettoyeurs de continuer à se battre contre les Impériaux au lieu de la viser. Enfin, elle pressa la gâchette, et poussa un cri de joie. Elle avait atteint l'un des câbles d'alimentation de la mitrailleuse laser qui s'enraya, et s'arrêta complètement.

- Petite saleté ! glapit le Rodien.

Chi'ta et Liryl s'éloignaient de la zone de danger. Les grondements furieux de la bataille ricochaient sur les pierres sombres, et les éclairs des tirs de blaster et des explosions illuminaient le ciel par intermittences. La jeune Drall courait, soutenant toujours la Dame de Sérénité.

- Nous serons à l'abri en nous enfonçant dans ces ruines !

Elles arrivaient dans le reliquat d'une rue. Plusieurs constructions étaient encore suffisamment entières pour constituer de bonnes cachettes. Mais l'Humaine faiblissait.

- S'il te plaît… pouvons-nous ralentir un peu ?

- Attends-moi ici, je vais m'assurer que la voie est libre.

Liryl s'adossa au mur pour souffler un peu et se masser doucement la jambe. Chi'ta avança prudemment jusqu'au coin du bâtiment. Elle se pencha en avant pour observer… mais à peine eut-elle pointé le museau au-delà de l'angle de pierre qu'une terrible poigne de fer la saisit à la gorge, la soulevant à un mètre au-dessus du sol.

- Comme on se retrouve, petit ragondin !

Chi'ta reconnut avec une indescriptible épouvante Daymon Thorn. Cette fois, ce n'était ni une vision, ni une hallucination. Le Seigneur Noir la tenait à bout de bras, la contemplant tel un lion face à une gerboise.

Le vigo tournait sur lui-même à pas lourds, cherchant une cible suffisamment dégagée pour utiliser son lance-missiles. Mais ses proies jouaient à cache-cache, s'abritant derrière l'un ou l'autre des pans de bâtiment détruit. Il n'arrivait pas à verrouiller l'un ou l'autre de ses adversaires. Et cela le frustrait de plus en plus.

- Petites saletés !

- Ha ! C'est tout ce que tu peux dire ? invectiva le docteur Lohrn.

Elle se baissa, se mettant à l'abri, et rampa vers une autre cachette. Elle jeta un petit coup d'œil, s'assurant que le vigo n'était pas face à elle. Elle n'avait pas repéré l'un des Impériaux équipé d'un petit lance-grenades. Le soldat de choc envoya une balle explosive juste derrière elle. Le souffle de l'explosion la catapulta en avant, et elle atterrit à une demi-douzaine de mètres de Khzam. Sonnée par le choc, elle redressa péniblement la tête. Elle ouvrit de grands yeux en distinguant la forme allongée du lance-missiles à concussion de l'armure s'orienter dans sa direction. Pendant une demi-seconde, elle espéra que le mercenaire allait faire diversion et lui sauver la vie au dernier moment.

- Aller simple pour la morgue, docteur Lohrn !

La Calipsa distingua une ombre blanche sauter directement sur le dos du colosse d'acier. L'impact déséquilibra Khzam. Liam s'accrochait fermement aux protubérances métalliques de l'armure, et le vigo avait beau s'agiter, faire basculer sa combinaison énergétique d'avant en arrière, le jeune homme tenait bon. Il passa autour du bras mécanique, et se retrouva agrippé juste devant le torse renforcé. Ses yeux se retrouvèrent juste face à la visière à travers laquelle le Rodien pouvait le voir. Le padawan Gardien ralluma son sabre-laser, et le planta dans la jointure du bras gauche de l'armure assistée. Un bruit épouvantable d'expulsion d'air retentit, alors qu'une pléthore de voyants d'alerte illumina l'intérieur du cockpit. Les moteurs du bras gauche ne répondaient plus.

- Petite saleté ! rugit le Rodien dans le micro de son casque.

Ezra avait sauté par-dessus un muret, s'accroupissant aux côtés de Canderous.

- Merci pour ton soutien, grand héros !

- De rien ! rétorqua le Mandalorien qui finissait d'étrangler à l'aide de son fusil à impulsions le soldat de choc qui avait tenté de le surprendre au corps à corps.

Dankin continuait à détruire consciencieusement les véhicules volants. Bientôt, les tueurs du Soleil Noir, de moins en moins nombreux, sentaient le vent tourner en leur défaveur. Ils continuaient leurs attaques, mais avec de moins en moins de motivation. Canderous se mit à découvert, le temps d'abattre un nettoyeur, et vit alors le padawan Gardien. Il s'accroupit derechef, dos collé au muret.

- Blast ! Ce gamin est encore plus chtarbé que moi !

- Mais il est aussi plus courageux ! Il faut l'aider !

- D'accord avec toi !

Et les deux Humains se relevèrent en même temps, chacun prêt à utiliser son fusil. Liam était toujours sur Khzam, perché debout sur ses épaules, et flanquant des coups de sabre-laser dans l'armature de la combinaison assistée.

- Hé, fiston ! Barre-toi, on l'atomise !

Liam redressa la tête, fit un petit signe d'acquiescement, et descendit d'un salto avant.

- Le gauche ! cria Ezra

- Le droit ! répliqua Canderous.

Ils tirèrent à l'unisson sur les genoux de l'armure. Canderous fit sauter la jambe gauche, et la doctoresse Calipsa disloqua la droite. La grande machine oscilla dans un long mugissement, bascula vers l'arrière et s'écrasa dans la poussière.

- C'est ça que t'appelles « la droite », Canderous ? marmonna la jeune femme.

- Tu peux parler ! répondit le mercenaire.

Ils éclatèrent de rire ensemble.

Il ne restait plus qu'un Impérial encore valide, celui au lance-grenades. Tous les autres avaient été réduits à l'impuissance, soit par les nettoyeurs, soit par les quatre guerriers. Liam l'aperçut du coin de l'œil, et lança son sabre-laser dans sa direction. Le soldat de choc vit arriver vers lui une spirale bleutée foncer droit vers lui. Il n'eut plus jamais l'occasion de voir quoi que ce soit d'autre. Sans même ralentir, l'arme revint vers le jeune homme, stoppa net sa course entre ses doigts.

Le poitrail métallique de l'armure assistée s'ouvrit en deux dans un grand sifflement d'échappement. Gorak Khzam s'extirpa de la carcasse désormais inerte de son armure. Il tremblait de colère, et grimaça quand il vit approcher Liam.

- Petites saletés, petites saletés !

- On fait moins le malin sans toutes ses machines infernales, pas vrai ?

Pour toute réponse, le Rodien sortit maladroitement un blaster de son holster et tira une décharge vers le jeune homme. D'un geste gracieux de son sabre-laser, le padawan Gardien renvoya le trait d'énergie orangé, qui effleura la tempe droite du vigo. Celui-ci glapit en portant ses doigts plats sur la brûlure. Il sentit que la situation commençait à sérieusement lui échapper quand il vit le visage assuré et déterminé du jeune homme. C'est alors qu'il entendit la doctoresse.

- Liam ! Rejoins Liryl et Chi'ta, on s'occupe de ce fumiste !

Le jeune homme rangea son sabre-laser et fonça dans la direction par laquelle les deux filles avaient fui. Khzam criait d'une voix mêlant colère et panique :

- Pour qui vous vous prenez, vermines ? Je suis le vigo Gorak Khzam, un haut responsable du Soleil Noir ! Ce seul nom devrait vous terroriser !

Dankin envoya un de ses projectiles en direction du Rodien. Le carreau explosa sur le sol, provoquant une déflagration de cailloux, de terre et de débris métalliques. Khzam fut catapulté en arrière et s'étala sur le dos, croassa de douleur. La tête lui tournait. Prenant appui sur ses coudes, il se redressa tant bien que mal, et se traîna en arrière pour s'éloigner de la carcasse de son armure assistée qui crachait des volutes de fumée noire par tous les orifices. Peu à peu, sa vision se refit plus nette, plus claire, et son faciès vert pâlit. Bien qu'il n'eût plus la moindre illusion sur son sort, il ne pouvait s'empêcher d'avoir peur en voyant s'approcher Canderous, terrifiant dans son armure mandalorienne. Celui-ci murmura, la voix déformée par le modulateur vocal de son casque et une forte dose de rancune :

- « Des objectifs à remplir »…

Le Rodien brandit son blaster. Canderous le lui arracha d'un coup de pied.

- « Accomplis bien au-delà de leurs espérances.»…

Il agrippa le vigo par les bretelles de son pantalon et le releva, avant de lui coller un direct magistral dans le groin, sans le lâcher. Il appuya chaque syllabe avec délectation.

- « Le Soleil Noir brille toujours sur ce système. »…

Un coup de genou dans le bas-ventre. Khzam couina, se courba en deux, prêt à vomir de douleur. Canderous lâcha sa prise, sortit lentement de son fourreau sa vibro-lame double Jengardin, et la balança de bas en haut, pointe tendue en avant. Emporté par sa volonté de vaincre, il y engagea toute son énergie, et c'est à peine s'il sentit la moindre résistance quand la vibro-lame double Jengardin s'enfonça profondément dans la chair du vigo Gorak Khzam. Le Rodien poussa un gémissement suraigu, Canderous le souleva en brandissant son épée à deux mains, et mit son visage à la hauteur de la visière de son casque.

- Tout cela ne signifie plus grand-chose quand on a un mètre de cortose dans l'estomac ! Pas vrai, Khzam ?

Embroché de part en part, aspergeant de sang les alentours, le bandit se convulsa de soubresauts, ses yeux se révulsèrent, se voilèrent. Il mourut en quelques secondes. Le mercenaire retira son épée du corps du vigo d'un coup sec. Dankin eut une grimace de dégoût.

- Une cruauté indigne d'un guerrier, Canderous.

- Peut-être, mais lui, c'était un sacré fils de pute !

- Deux vigos à notre tableau de chasse ! Ils vont mettre nos têtes à prix, si ce n'est pas déjà fait ! constata Ezra d'un ton mi-figue, mi-raisin.

Pendant ce temps, Liam courait toujours. Confiant en entendant le vacarme de la bagarre s'atténuer, il contourna le bâtiment à moitié en ruines. C'est alors qu'il vit en contrebas une scène qui lui enflamma le système nerveux.

Il était au bord d'un plateau qui donnait sur une grande fosse pratiquée dans la colline. Au milieu de l'espace plan, il y avait une navette impériale avec le poing ganté cerclé de ronces de Thorn peint sur son fuselage. Plusieurs gardes y entraient au pas de course, blasters brandis vers les hauteurs, répliquant aux attaques des nettoyeurs du Soleil Noir. Ils protégeaient un individu que le jeune homme reconnut sans peine : Daymon Thorn, qui poussait d'une main ferme Dame Liryl, et tenait calée sous son bras Chi'ta, qui se débattait avec l'énergie du désespoir.

Il voulut crier quelque chose, mais ne put que gargouiller des sons inintelligibles. Il se ressaisit cependant rapidement. Il se jeta à terre en sortant son blaster de sport, et tira dans la direction des Impériaux, sans se retenir. Il évita quelques rayons orangés de fusils blaster en roulant sur le côté. Les tirs adverses cessèrent rapidement, alors qu'un grondement sourd roula sur les parois rocheuses. Quand le jeune homme jeta de nouveau un coup d'œil, il vit que la rambarde d'accès de la navette était remontée, et de la fumée sortir des réacteurs.

Il sentit alors quelqu'un arriver derrière lui. Il se mit sur le dos, prêt à presser la gâchette de son blaster. C'était Canderous.

- Ho, du calme !

Le grondement des réacteurs se fit plus fort. En réalisant ce que cela signifiait, Liam se releva d'un bond et se retourna. La navette de Thorn avait décollé, et montait lentement vers le ciel étoilé. Il pouvait distinguer l'ombre du gouvernail de l'appareil, puis le cockpit et la carrosserie arrivèrent à sa hauteur. À travers les plaques d'acier et les entrelacs de tuyaux cuivrés qui composaient le vaisseau, il sentit des ondes de détresse et de peur panique.

- Chi'taaaaaa !

La navette amorçait lentement son vol, pivotait tout en continuant son ascension. Liam allait s'élancer en avant, mais Canderous le retint, l'étreignant à bras le corps.

- Lâche moi !

- Ils vont te massacrer !

- Je m'en tape !

Pour appuyer cette déclaration, Liam balança un terrible coup de coude dans les côtes de Canderous qui le lâcha complètement. Le padawan se dégagea, et repoussa d'une bonne dizaine de mètres en arrière d'un coup de poussée de Force le mercenaire. Celui-ci fut projeté contre un mur, et tomba à genoux. Comprenant qu'il ne pourrait pas l'arrêter, il murmura juste, à bout de souffle :

- Fais pas l'idiot…

Mais Liam ne l'entendit pas. Il prit son élan, sprinta de toute son énergie, puis sauta le plus loin qu'il put. Grâce à la Force, il s'éleva au-dessus du vide, et s'écrasa presque sur la paroi d'acier du côté de la navette. Canderous le vit rouler sur l'aide gauche, et tomber en arrière.

- Non !

Le docteur Lohrn venait de rejoindre le mercenaire. Liam se raccrocha à l'aile, les jambes ballantes dans le vide. En se concentrant uniquement sur ses muscles, il balança ses pieds d'avant en arrière et parvint à remonter sur l'aile d'une roulade. Il sauta sur l'une des échelles de sécurité de la navette, s'y cramponna de toutes ses forces. Un dernier regard en bas lui fit voir Canderous, Ezra et Dankin qui le voyaient s'éloigner, complètement impuissants. La jeune Calipsa tendit désespérément la main vers lui. La navette accéléra brutalement et partit en avant.

À terre, personne n'eut l'énergie de souffler mot pendant de longues secondes. Les trois compères étaient littéralement pétrifiés par ce qu'ils venaient de voir. Les sifflements des communicateurs des troupes du Soleil Noir les ramenèrent vite à la dure réalité. D'un commun accord, ils se précipitèrent vers les ruines, et trouvèrent un bâtiment où se cacher. Une fois accroupis, ils firent silence. Dankin tendit l'oreille.

- Les Impériaux sont partis, Khzam est mort, ils se replient.

Effectivement, les deux Humains n'entendaient plus les bottes résonner, ni les fusils à impulsion cracher leurs salves meurtrières. Canderous en profita pour enlever son casque et souffler.

- Nom de…

- Liam… C'est pas vrai…

- J'ai reconnu le symbole de Thorn sur cette navette, gronda le Togorien. Mais pourquoi Liam a fait ça ? Si ça se trouve, ils vont partir dans l'espace, et alors…

Dankin n'osa pas finir sa phrase. La mort dans l'âme, le mercenaire répondit :

- La petite puce était dedans.

- Quoi ?

- Ouaip, mon vieux.

- Et Dame Liryl ?

Avec un air las, le mercenaire tourna le visage vers la doctoresse.

- À ton avis, poupée ?

Ezra en tomba sur l'arrière-train, complètement interdite.

- J'espère que t'es pas en train de me dire que les Impériaux viennent de nous embarquer notre arme secrète contre les Kathols et nos deux meilleurs atouts ?

- Pas besoin de te le dire, tu le sais déjà.

Dankin bondit hors de leur cachette.

- Il faut les retrouver, et vite !

- Mais ouais, qu'est-ce qu'on fait ? Nous devons regagner le vaisseau au plus vite !

- Et comment, docteur de mes bottes ? On le siffle ?

- Réfléchis une minute, espèce de crétin intersidéral ! Le Soleil Noir s'est barré, leur dispositif de brouillage aussi !

Avec un juron hutt, le mercenaire renfila son casque, et en alluma le communicateur.

- Mister V, au rapport ! Mister V ! Je t'ordonne de répondre ! Mister V, si tu ne décroches pas tout de suite, je te jure que je t'abandonne sur Ord Mantell !

- Capitaine Tal ? répondit le copilote robot. Veuillez m'excuser, nous avons été coupés, je crois…

- Je sais ! Pas un mot ! Repère nos positions et viens nous chercher, maintenant !

- Mais que vous est-il arrivé ? Cela fait une semaine que vous n'avez pas donné signe de vie !

Le mercenaire sursauta. En effet, personne n'avait eu l'occasion de vérifier la date sur l'un ou l'autre de leurs instruments depuis leur réveil.

- Hein ? Une semaine ?

- Je viens vous chercher, capitaine ! J'ai votre position, vous n'êtes qu'à quelques kilomètres. J'arrive !

- Magne-toi !

Déjà, Dankin rechargeait son arbalète, prêt à s'en servir à tour de bras. La doctoresse scrutait le ciel sombre. Au loin, le ciel rosissait, les étoiles disparaissaient, le jour se levait. Le Togorien sentit son oreille pivoter alors qu'un bruit de moteur lui parvenait.

- Notre vaisseau arrive !

Il tendit le doigt vers une direction sur sa gauche. Les trois compères aperçurent au loin la forme allongée du Vandread progresser vers eux. La voix éraillée de Mister V retentit de nouveau :

- Capitaine Tal, veuillez vous positionner sur un espace dégagé. D'après les senseurs, il y a un plateau à trente-six mètres au nord-ouest de votre position.

Canderous fit un geste du bras pour encourager les eux autres à le suivre. Ils coururent dans la direction donnée par le droïd de pilotage, mais s'arrêtèrent net au milieu de leur course.

Un grand rayon lumineux fendit les nuages et frappa le Vandread. Le vaisseau ne fut pas endommagé, mais s'immobilisa net, et changea doucement de trajectoire.

- Mais qu'est-ce que…

La forme effilée d'un patrouilleur de système VP1 se précisa au-dessus du vaisseau de transport du petit groupe. Le navire impérial venait purement et simplement d'intercepter le Vandread à l'aide d'un rayon tracteur. La voix affolée de Mister V gémissait :

- Capitaine Tal ! Mayday ! Mayday ! Nous sommes…

Un deuxième canon sur l'appareil de l'Empire projeta des boulets ionisants. D'énormes étincelles bleutées crépitèrent sur l'appareil, et la radio se tut.

- Jets à toc ! cria Canderous.

Les trois compères tournèrent les talons et fuirent vers l'un des recoins les plus sombres des bâtiments éventrés. Ils s'y cachèrent, et attendirent.

Quand le calme revint enfin sur le vallon, ils sortirent prudemment. Plus personne de vivant dans les alentours, à première vue. Les premiers rayons du soleil illuminèrent le ciel, réchauffèrent leur peau, mais pas leurs cœurs.

- Bon… et maintenant ?

Dankin pointa un index énergique au loin, montrant un petit point sombre sur l'une des montagnes.

- Nous devons affronter le démon de la Force dans son repaire !

C'était bien la direction dans laquelle étaient partis la navette Lambda, le patrouilleur et le Vandread. Et c'était bien une base qui apparaissait au sommet du mont, plutôt un volcan. Avec un profond soupir lourd de significations, Canderous articula lentement, d'une voix basse :

- Eh ben on n'est pas dans la spatio-merde !

Ses deux compères acquiescèrent gravement. La journée s'annonçait longue.

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