Ô nuit, étoiles, Revenez!

Chapitre 7 : Je me suis tournée vers mon chevet

5460 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 15:06

Il consacra quatre heures à lui faire visiter la base, un prétexte maladroit pour rester en sa compagnie, dans des lieux publics. Il lui montra le centre de commande, fourmillant d’officiers et de sous-officiers travaillant sur des ordinateurs et des holocartes. Il lui montra la cafétéria, où des stormtroopers sans visages recevaient des plateaux repas identiques les uns aux autres. Il lui montra le turbolift qui menait aux immenses baraquements des troupes, et celui qui descendait jusqu'aux hangars. Il lui montra la zone de loisirs, où le personnel ayant terminé son service trouvait toutes sortes de divertissements. Ils jetèrent un œil à la salle d’holo-projection où passait un film qui parlait d’ewoks, et traversèrent une salle encombrée de tables de dejarik. Il marchèrent et marchèrent encore dans d’interminables couloirs, passant devant des salles de conférences et de repos, devant des quartiers privés d’officiers et des toilettes publiques. Après des heures de ce programme, Rey qui trottinait derrière Kylo demanda d'une voix fluette,

“J'aimerais voir la neige.”

Il s'arrêta et soupira sous son casque. Il baissa les yeux vers elle, regrettant maintenant d’avoir été lâche et d'avoir fui la salle d’entraînement, où il avait senti la situation lui échapper. La façon dont elle s'était assise sur lui avait été délicieuse. Il l’avait laissée le frapper au visage, parce que le contact de son corps sur le sien était divin. Mais il avait été à un cheveu de l’embrasser. Il avait failli le faire, failli presser ses lèvres sur celles de Rey et goûter sa bouche, mais quelque chose en lui lui avait crié de résister. C'était arrivé il y avait quatre heures, consacrées à errer sans but dans cette base, et son désir pour elle n’avait pas diminué.

“Nous avons vu la neige lors de notre approche du hangar,” lui rappela Ren, et Rey leva les yeux au ciel, la bouche pincée. Deux stormtroopers les dépassèrent d’un pas vif, puis une silhouette inattendue déboucha dans le couloir. Ren se retint de grogner à la vue du Général Hux qui avança vers eux, son uniforme tiré à quatre épingles et sans faux pli. Hux haussa des sourcils orange, et son regard pâle alla de Kylo Ren à Rey, puis revint à Kylo.

“Ren,” dit sèchement Hux. “Je ne crois pas avoir eu le plaisir d'être présenté à la nouvelle… Apprentie? C’est bien ça?”

“En période d'essai,” répondit Rey, et Kylo faillit s'étouffer lorsqu’elle lança sa main en avant pour qu’il la serre. “Rey. De Jakku.”

“Rey de Jakku”, répéta Hux, la dévisageant comme si elle avait été un morceau de viande fraîche. Il glissa sa main d’un geste délicat dans celle de Rey, et releva le menton. “C’est un honneur. Général Hux, Haut Commandant de la base Starkiller. Comment trouvez-vous notre modeste installation?”

Ren sentit monter un flot de rage. Il était en train de lui faire du charme. Hux faisait du charme à Rey. Ren avait le malheur de fréquenter Hux depuis plus de quinze ans, et il savait très bien quand Hux faisait du charme. Il avait toujours la même attitude, que ça soit avec un jeune officier féminin ou une femme civile sur une planète éloignée. Son langage châtié, ses sourires et ses mimiques, des flatteries et de la fausse modestie. Tout cela faisait partie de son numéro, de sa façon de draguer les dames. Et en ce moment, Hux jouait son petit jeu avec Rey, juste sous son nez. Il eut un frisson, luttant avec difficulté contre l’envie d'allumer son sabre et de lui trancher la gorge avec.

“Cet endroit est incroyable,” répondit Rey, souriante, en regardant autour d'elle. “Les… Les bâtiments, la taille de cette base, l’abondance de nourriture… C'est très impressionnant.”

“Oui. J’imagine combien il doit être difficile d’accéder à de l’eau et de la nourriture de qualité, sur Jakku,” concéda Hux. “Accepteriez-vous de vous joindre à moi, à l’occasion, dans mon salon d'apparat, pour partager un verre de vin Corrélien? En avez-vous déjà goûté?”Rey eut une drôle d’expression, et Ren comprit qu’elle voyait clair dans le jeu de Hux. Son visage se durcit et elle cligna des paupières. Elle sourit à nouveau, mais son regard était froid. Elle acquiesça de mauvaise grâce.

“C'est très aimable. Merci.”

“Tu n’auras pas le temps de siroter du vin avec le Général,” l’informa Kylo Ren, crachant ses mots dans le micro de son casque, alors que ses oreilles devenaient brûlantes. Rey se tourna vers lui, alors il expliqua, “Il n’y a pas de place dans ton programme d’entraînement pour ce genre de frivolités.”

“Pourtant, il en faut du temps, pour se promener sur la base, mm?” Fit Hux, d’un air de défi.La défiance sur son visage rendit Ren plus furieux qu’il ne l'était déjà. Ses poings se serrèrent le long de son corps, tirant sur le cuir des gants, qui grinça.

“Nous sortions” dit-il à Hux. “Dans le froid glacial et la tempête de neige. Si vous voulez bien nous excuser.”

“Oh. Ça a l’air d’une idée rafraîchissante,” fit Hux, pivotant sur ses pieds et ayant le culot de faire un clin d’oeil à Rey. “J’ai bien peur d'avoir une entrevue avec le Capitaine Phasma, sans quoi j’aurais été ravi de vous accompagner.”

“Vous n'étiez pas convié, ne vous excusez pas,” dit Kylo Ren. Il saisit Rey par le coude et la tira vers lui, l’éloignant de Hux. Elle se laissa faire pendant une dizaine de pas, puis elle retira vivement son bras et siffla,

“Lâchez-moi. Je sais parfaitement marcher toute seule.”

“Je ne veux pas que tu sois seule avec le Général Hux,” dit Kylo Ren, après avoir marché un peu. Il regardait droit devant lui, mais il vit Rey ralentir le pas. Elle le rejoint finalement, et demanda,

“Vous êtes jaloux?”

Ren s’arrêta net et se tourna vers elle. “Tu es ici pour apprendre à maîtriser la Force. Pas pour boire du vin avec un homme qui ne s’intéresse visiblement qu’à…”

Il s’interrompit, se sentant trop hypocrite pour continuer davantage. De sa gorge monta un grognement de frustration, et il se tourna pour reprendre sa marche. Rey, à côté de lui, déclara d’un air innocent,

“Je suis sûre que le Général Hux me donnerait vingt générateurs à mon retour sur Jakku, si je le lui demandais gentiment.”

“Tais-toi.” Ren n'arrivait plus à tenir les apparences. Son sang bouillait dans ses veines, et il se tourna vers elle. Elle n’avait pas anticipé son arrêt, et lui rentra dedans de plein fouet. Il la saisit par les épaules et la plaqua violemment contre le mur, mais relâcha sa poigne et recula d’un pas en voyant deux stormtroopers arriver dans le couloir. Il attendit qu'ils se soient éloignés, ignorant l’expression furieuse de Rey, les yeux brillants de colère. Ren profita de cet instant de patience forcée pour respirer profondément et tenter d'apaiser le flot de rage qui s'était emparé de lui. Enfin, il dit à voix basse, “Je n'apprécie pas les sarcasmes. Et, quoi qu’il en soit, méfie-toi de Hux. Il n’agit que dans son propre intérêt. J’ai vu ce qu’il est capable d'infliger aux gens, par divertissement, et je n’ai aucune envie que ça t’arrive.”

“Qu’est-ce que ça peut vous faire?” Demanda Rey d’un ton sec. Elle se dégagea du mur, et Ren fit un pas en arrière pour lui laisser un peu de place. Il renifla brièvement et détourna le regard d'elle.

“Tu voulais voir la neige,” observa-t-il. Ce n’était pas une question. Rey acquiesça en silence. Kylo Ren fit trois pas dans le couloir et ouvrit une porte. Ils pénétrèrent tous les deux dans un sas, et la porte se scella dans leur dos. Ren sentit la différence de température, malgré l'épaisseur de ses vêtements. Lorsque la porte extérieure s’ouvrit, le froid le frappa comme un mur de glace. Il baissa les yeux vers Rey, qui ne portait qu'une tunique légère, et regretta de ne pas lui avoir procuré de vêtements adaptés avant de sortir. Pourtant elle n’avait pas l’air de s'inquiéter du froid ; elle se précipita sur la terrasse au-delà de la porte.

Ren, sans un mot, la regarda explorer la terrasse de ferrobéton. Elle avait l’air fascinée par le craquement de la neige sous ses petites bottes, et se baissa pour ramasser des poignées de poudreuse. Elle rit comme une enfant, comme si leur violente dispute quelques minutes auparavant était déjà tout à fait oubliée. Elle lança la neige autour d'elle, gloussa en sentant la poudreuse retomber sur ses cheveux. Dans ce rire, Ren croyait entendre de nouveau celui de la fillette aux fleurs. Il eut une vision de la petite fille, tout à coup, à travers cette femme adulte qui tournoyait, insouciante, et tirait la langue pour goûter les flocons.

Elle grelottait de froid, mais était trop émerveillée pour s’en rendre compte. Ren résista au besoin soudain de l’envelopper de ses bras, d’ôter son casque et de l’embrasser. Elle aurait les lèvres glacées, mais il les réchaufferait des siennes. Il trembla sur ses jambes, mais pas à cause du froid, et leva les mains vers son cou pour saisir son capuchon à col montant. Il le retira et le jeta sur son avant bras en s’approchant de Rey. Il lui tendit la cape et lui dit à travers son masque,

“Aucun de nous ne gagnerait à ce que tu meures de froid sur une terrasse.”

Elle sourit, et prit la cape dans ses mains, puis l’enfila sur sa tête et la laissa retomber sur ses épaules et ses bras. Ren sentit sa poitrine se serrer, à la voir devant lui, portant un de ses vêtements. Il tendit vers elle une main mal assurée et remonta la capuche sur les cheveux de Rey. Elle prit un air excessivement contrarié, et croisa les bras sur sa poitrine. Puis elle se mit à imiter, avec un talent certain, la voix de Kylo Ren telle que modifiée par le masque.

“J’aime la neige. La neige me réjouit. Je suis content. Ça ne se voit pas?”

“Je t’ai dit que j’appréciais mal les sarcasmes,” lui rappela-t-il, et elle haussa les épaules, dressant un sourcil perplexe.

“Vous appréciez quoi, dans ce cas?” Demanda-t-elle, s’avançant d’un pas vers lui. “Dites le moi.”

Elle le regarda droit dans les yeux, le regard brillant. Il aurait voulu lui dire qu’il apprécierait vraiment qu’elle pose ses mains sur lui, et le goût de ses lèvres. Il aurait voulu lui dire qu’il apprécierait plus que tout de lui arracher cette capuche, ainsi que tous ses vêtements. Mais son estomac gargouilla bruyamment, lui donnant une excuse, et il dit,

“J’apprécie un bon repas. Viens. Il se fait tard. Nous nous entraînerons mieux demain. En attendant, nous devons nous reposer.”

_______________

Le lit semblait particulièrement mou, ce soir là. C'était techniquement le matin, à proprement parler, lorsqu’avec un soupir exaspéré, Rey se leva du matelas insupportablement flasque.Elle tourna en rond un moment, les yeux rivés sur l’ourlet de la chemise de nuit noire et légère qu'elle avait prise dans l’armoire. Ce n'était pas seulement le lit, qui lui ôtait le sommeil, elle l’avait bien compris. C'était surtout Lui. Il occupait ses pensées de manière si envahissante qu'elle n’arrivait pas à penser à autre chose assez longtemps pour s’endormir. Les traits de son visage. Son corps élancé. L’odeur virile et entêtante qu'il y avait partout sur son capuchon lorsqu’elle l’avait porté, dans la neige. Sa façon de bouger, si différente lorsqu'il avait son masque et lorsqu'il ne l’avait pas. Le fait qu'il puisse réparer un panneau de verre brisé sans même le toucher, et la détermination d’acier trempé qu'il mettait dans chacun de ses gestes. La sensation de son corps sous le sien, le toucher de ses mains sur son visage et sa taille. Le bruit saccadé de sa respiration entre ses dents serrées, alors que ses yeux lui adressaient une supplique silencieuse.

Rey s’arrêta et laissa échapper une exclamation. Quelque chose la poussait à quitter sa chambre, à traverser la kitchenette et franchir la porte donnant sur le couloir. Elle se tint un instant sur le perron, tournant la tête de gauche à droite pour s’assurer que personne n'était en vue. Le couloir était calme et silencieux, et Rey fit quelques pas hors de sa chambre. Le laquage noir du sol était glacé sous ses pieds nus, et elle fila jusqu’à chez lui. Elle se tint devant sa porte - du moins devant la porte qu'il avait dit être la sienne - et elle observa le boîtier de commande. Elle aurait pu, théoriquement, frapper à la porte jusqu’à ce qu’il vienne lui ouvrir. Ou encore, appuyer sur la sonnette, et il viendrait probablement tout ensommeillé ouvrir et la renvoyer immédiatement dans sa chambre. Sinon, elle pouvait aussi faire demi-tour et retourner dans ses propres appartements.

Mais elle ne fit rien de tout cela. À la place, elle appuya son index tremblant sur le clavier, et composa la combinaison qu’elle était sûre de connaître. 9-2-2-7-8-3. Il avait inséré ce code sur le boîtier de Rey rapidement, sans une hésitation, comme s’il en avait eu l’habitude. C'était un code qu'il utilisait tous les jours, elle le savait. C'était son propre code.

Comme prévu, la porte s’ouvrit aussitôt le code validé. Rey n’osa pas bouger, se sentant comme une voleuse, ou comme une idiote, ou les deux à la fois. Puis, comme possédée, ses jambes l'entraînèrent à l’intérieur de l’appartement, comme si elles avaient eu leur volonté propre. Elle avança à petits pas, remarquant au passage que la cuisine et la salle à manger étaient un peu plus spacieuses que chez elle. Sur sa droite, elle aperçut dans une autre pièce qui devait être une bibliothèque des étagères et des casiers remplis d’holobooks. A sa gauche, une porte ouverte menant sans doute possible à une chambre à coucher.

Les lumières étaient basses, et le lit était large, et bas, comme dans sa propre chambre. Elle le vit allongé, torse nu, à plat ventre sur le moelleux de la couette blanche, les bras sous son oreiller. Rey sentit ses yeux brûler, sans comprendre ce qui la troublait. Elle fit un pas dans la chambre, convaincue à présent de ne plus être maîtresse d'elle même. Ce fut soudain comme s’il avait brusquement ressenti sa présence, et il se réveilla d’un bond, pour s’emparer de quelque chose à côté du lit.

Avant même que Rey n’ait le temps de réagir, il était sur ses jambes, en position de défense, et la croix enflammée de son sabre illuminait la pièce. Ils restèrent face à face un long moment sans bouger, puis il cligna des paupières, semblant réaliser qu’il était réveillé et qu’elle n’était pas là pour le tuer. Elle s'était figée, abasourdie à la vue des muscles de son torse nu, tendus dans une position défensive. Rey parvint à détacher les yeux de lui et à reprendre son souffle, et il éteint son sabre, qu’il jeta sur le lit.

“Je suis désolée.” Balbutia Rey, balançant la tête et se sentant complètement idiote. “Je n’arrivais pas à dormir. Le lit était trop mou, la pièce était trop silencieuse. Et je…”

Elle voulut lui dire qu’elle ne parvenait pas à trouver le sommeil parce qu'elle ne cessait de penser à lui, que ses jambes l’avaient portée jusqu'ici, et qu’elle n'était pas du tout contrariée par l’absence de vêtements entre eux, là tout de suite. Mais sa voix mourut dans un silence embarrassé, et ses joues devinrent si rouges qu’elles devaient probablement briller plus que la lame du sabre. Kylo Ren se balança un peu bizarrement sur ses pieds, debout à côté du lit, et son ton était sec et ensommeillé lorsqu’il demanda,

“Tu as besoin de quelque chose?”

Rey eut envie de rire, malgré ses tentatives laborieuses pour garder un semblant de dignité dans cette situation. Elle leva les yeux vers lui et fit non de la tête, haussant les épaules pour dire,

“Je ne sais même pas pourquoi je suis venue… Ici sur cette planète et ici dans votre chambre. C'est absurde. Je ne vous connais même pas.”

“Non, mais ça n’a pas toujours été le cas,” dit-il, et les sourcils de Rey s’arrondirent de surprise. Elle ouvrit la bouche pour lui demander ce qu’il entendait par là, et pourquoi il l’avait appelée ‘Rayon de Soleil’, lors de leur rencontre sur Jakku. Elle n’eut pas le temps de prononcer une parole, qu’il avait franchi l’espace entre eux en trois enjambées, et elle devint muette de le sentir si proche d'elle.

Chaleur. Il irradiait de chaleur par son torse nu, et par ses bras scandaleusement musclés. Le regard de Rey s’arrêta sur une marque sur son épaule droite, une ampoule rouge que Rey savait être la brûlure de son sabre d'entraînement. Instinctivement, elle leva la main et toucha la brûlure du bout des doigts. Le souffle de Ren devint court lorsqu’elle le toucha, et c'est avec la souffrance d’un animal blessé qu’il chuchota,

“Ce n’est pas ce qui était prévu. J'étais sensé… J’ai reçu l’ordre de te montrer comment utiliser la Force. De t'entraîner. C'est tout”

Rey acquiesça, les yeux rivés sur la brûlure autour de laquelle elle laissait aller ses doigts. “Mais vous m’entraînez,” lui rappela-t-elle. “Cette brûlure… Le bleu sur votre mâchoire. Les morceaux de verre que vous avez recollés je-ne-sais-comment. Tout ça faisait partie de l’entraînement, n’est-ce pas? Et demain matin, nous…”

Elle se tut. Sa gorge et ses lèvres étaient devenues aussi sèches que le désert qu'elle avait quitté. Sa main ne bougea plus, sur son épaule, et elle plongea ses yeux dans son regard sombre. Il avait une expression sauvage, les cils battants alors qu’il cherchait son regard en retour.

“Je n’avais pas prévu d’avoir envie de toi à ce point, Rayon-De-Soleil,” dit-il d’une voix à peine audible. Rey ressentit comme un étrange sentiment de perplexité en l’entendant prononcer ce surnom, mais elle l’ignora car il venait de poser ses mains autour de sa taille. C'était la première fois qu’il la touchait sans ses gants de cuir, et elle laissa échapper un soupir au contact de ses mains chaudes à travers le tissu léger de la chemise de nuit. Kylo Ren s’avança encore vers elle, si bien qu’ils étaient pratiquement peau contre peau. Rey aurait pu s'évanouir. Elle le sentait. Sa tête bourdonnait plus que dans les pires périodes de famine et de déshydratation. Ses jambes ne la portaient plus et sa vue se troublait. Pourtant, elle parvint à le regarder lorsqu'il murmura, “Pourtant j'ai envie de toi, Rey. Tellement. Je n’y peux rien. Je ne suis pas assez fort pour outrepasser ça.”

Elle réunit tout l’air de ses poumons paralysés, et souffla trois mots étouffés. “Alors embrassez-moi.”

La lueur dans les yeux de Kylo Ren aurait été effrayante si elle n’avait pas mis le corps de Rey en feu. Elle sentit sa peau picoter, et la sensation presque douloureuse mais déjà familière de besoin, entre ses cuisses, et acquiesça d’un air rassurant. Il glissa une main dans son dos, et de l’autre enveloppa sa joue. Il écarta les mèches de cheveux indomptables des yeux de Rey, et du pouce, caressa sa lèvre entr’ouverte. Cette caresse la fit frissonner et elle s’entendit gémir. Il poussa comme un léger soupir entre ses dents serrées, et enfin, baissa son visage vers le sien.

À l'instant où leurs bouches se rencontrèrent, Rey sentit une onde d’énergie parcourir ses veines. Il avait les lèvres plus douces que ce qu'elle avait imaginé. Il les pressa délicatement contre les siennes - une, deux, trois fois - à chaque fois un peu plus longtemps, et un peu plus fort. Puis quelque chose lâcha et ils perdirent tout contrôle. Les mains de Rey s’accrochèrent à ses biceps alors qu’elle basculait contre le mur. Elle put sentir son exaltation dans sa façon de déplacer ses mains pour lui saisir de nouveau la taille. Il avait entrouvert la bouche lorsqu’il l’embrassa à nouveau, et Rey gémit en sentant sa langue chercher comme désespérée, contre ses lèvres. Elle ouvrit alors la bouche, et le laissa entrer, et il y eu un moment maladroit pendant lequel il fut évident qu’aucun des deux n’avait beaucoup d'expérience avec ce genre de chose. Finalement ils trouvèrent un rythme, leurs langues se caressant l’une l’autre, leurs lèvres s’aspirant doucement entre leurs dents, et leurs gémissements vibrant contre leurs peaux.

Rey sentit une pression contre son ventre et réalisa qu’il était de nouveau dur, comme pendant l'entraînement lorsqu’elle l’avait fait basculer. Rey se tortilla contre le mur, un instinct lui intimant l’ordre de frotter son corps contre cette excroissance. Il laissa échapper un son guttural dans sa bouche lorsqu’elle se frotta contre lui, avec comme seule barrière entre eux le tissu de ses sous-vêtements et celui de la chemise de nuit.

“Hum… Rey,” il parvint à détacher sa bouche de la sienne et à reculer un peu la tête, basculant légèrement le bassin en avant. Rey eut un hoquet en le sentant se presser contre elle, et la tension entre ses jambes devint insoutenable. Elle se tortilla et frotta ses cuisses l’une contre l’autre, dans une tentative désespérée de soulager la sensation de besoin qui s'était emparée d’elle.

“Si tu restes ici,” dit-il dans un souffle, “Je vais faire quelque chose… Que nous regretterons, sûrement. Il faut… J’ai besoin que tu t’en ailles.”

Rey croisa son regard pour la première fois depuis leur baiser. Il avait l’air malheureux, comme s’il venait de lui faire part d’une nouvelle tragique. Elle fut frappée d’un désagréable sentiment de rejet, mais hocha la tête et chuchota, “D’accord. Je m’en vais. Juste...Laisse moi passer, s’il te plaît?”

Il ne réagit pas tout de suite. Rey savait bien de quoi il avait peur. Il avait peur que la tension entre ses cuisses et la raideur dans ses sous-vêtements repoussent les inhibitions de deux personnes qui venaient tout juste de se rencontrer. Deux personnes dont la relation n’aurait clairement dû être que l’entraînement sportif et la méditation. Ce qu’il y avait entre eux - quoi que ce soit - n’aurait pas du arriver, comme il l’avait exprimé plus tôt. Il était évident que ça ne devait en aucun cas dépasser le stade d’un baiser contre un mur, à moitié nus au milieu de la nuit.

L’estomac de Rey fit des pirouettes entre culpabilité et gêne, lorsque Kylo s’éloigna d’elle. La perte de son contact fut comme une déchirure, et elle s’en voulut d’avoir à ce point besoin et envie de le sentir de nouveau, dur contre le bas de son ventre. Le souffle court, elle le repoussa un peu pour passer, et se dirigea vers la porte en disant tout bas,

“Je suis désolée de t’avoir réveillé. Je serai en forme pour l’entraînement tout à l’heure, c'est promis.”

Elle avait fait quelques mètres lorsqu’elle sentit sa main la saisir par le coude. Elle se retourna et fut entraînée contre lui, pour voir dans son regard un désespoir teinté de perplexité. Il la regarda longtemps, et Rey se demanda où tout cela allait les mener. Leur tentative d’entraînement avait déjà tourné désastre. Elle s’apprêtait à le réconforter, lui dire de ne pas s'inquiéter, qu'elle serait rentrée chez elle dans une semaine et demie et qu’il aurait ensuite tout le loisir de l’oublier. Mais il l’embrassa de nouveau, appuyant tendrement ses lèvres contre les siennes, et recula à peine pour dire dans un souffle,

“Je ne pense pas que mon lit soit aussi moelleux que celui de ta chambre, je…je préfère dormir sur un matelas plus ferme, alors j’ai demandé spécialement… Quoi qu’il en soit, tu devrais pouvoir arriver à dormir quelques heures avant que nous ne reprenions l’entraînement.”

Elle s’abstint de le taquiner sur cette explication maladroite, ou sur la façon dont sa voix se brisa et trembla contre ses lèvres. Au lieu de cela, elle se retrouva blottie dans ses bras sous la couette, serrée contre lui, le dos contre son ventre. Il avait menti au sujet du matelas; il était, si c'était seulement possible, encore plus mou que celui dans la chambre de Rey. Mais elle ne s’en trouva pas dérangée le moins du monde, les doigts entremêlés aux siens. Elle ne pensa qu’à la chaleur de sa peau, au rythme doux et régulier de sa respiration dans ses cheveux, au souvenir de leurs baisers, et elle s’endormit.

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