Autres regards

Chapitre 10 : X

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 06:56

X

J’ai bien du mal à contrôler ma tension nerveuse qui s’échappe sous forme de gloussements ridicules et de larmes chaudes et humiliantes.
Il me regarde avec cet air de dégoût que je connais si bien maintenant. Tantôt je sens qu’il me sublime, tantôt qu’il m’exècre. J’ignore quel est le moment que je préfère. Sans doute aucun !
 
Il n’a pas la réponse à sa question et cela le met visiblement en colère. En d’autres temps et d’autres lieux, j’aurais aimé comprendre le fonctionnement cérébral de cet étonnant wraith. Pour l’heure, sachant que le dit comportement me vaut d’avoir été traîné sur plusieurs kilomètres puis d’avoir été observé comme un rat en cage et pour finir jeté sur le mur… je crois que je préfère ignorer le pourquoi du comment. De toute façon la fin est proche, je le sens bien.
Oups, je ne croyais pas si bien dire. Maintenant qu’il approche sa main de mon cœur, je me rends compte que finalement j’aurais bien aimé quelques explications…pourvues qu’elles me donnent du temps à vivre !
Je me sens particulièrement ambigu. J’aimerais en finir mais la peur me retient. La peur et la curiosité. En tout cas, je réalise que la seule chose qui ne titille pas mon insatiable curiosité, c’est la mort.
Haaa.
Oulala, j’ai cru que mon cœur allait s’arrêter tout seul. Il a arraché ma chemise. Le contact de sa main est étrange. J’ai l’impression que mon cerveau fonctionne à cent mille volts alors que mon corps est déjà totalement sous sa domination. Je ne peux plus bouger. Non que je sois paralysé, mais la moindre tentative me déclenche de terribles douleurs.
Sa main est chaude et le contact n’est pas aussi désagréable que je le pensais. Je l’imaginais gluant et collant, limite aspirant comme une ventouse, mais il n’en est rien. C’est le simple contact d’une main sur un torse. Un peau à peau charnel avec son lot de frissons, de rejet et d’attirance. Pouah ! Rien que de penser qu’il pourrait y avoir la plus infime parcelle de sensualité dans ce contact et subitement la mort me semble douce.
Je m’interroge alors sur ce que doivent être les relations entre mâles et femelles wraiths. Existe-t-il des femelles autres que les reines ?
Soudainement la question de l’amitié ne me semble pas si anodine que cela. Que savent-ils, ces monstres verts, de ce que sont les relations entre les êtres vivants. Outre bien-sur la relation…hum tu sens bon, je crois que je vais te manger… Je devine déjà que l’amitié n’existe pas dans la ruche, mais l’amour, l’affection ?
 
-Réponds à ma question. 
Son timbre de voix me paraît différent, plus doux et plus posé. Est-ce qu’il est capable de le moduler en fonction de ses désirs ? Sa question me ramène à mon débat intérieur.
-Que voulez-vous entendre ?
-La vérité.
-Ma vérité n’est sûrement pas la votre. Je doute de ne pouvoir jamais vous faire, ne serai-ce que frôler, ce qu’est l’Amitié. 
Evidement ma réponse n’est pas celle qu’il voulait. Je pensais qu’il me torturerait jusqu’à obtenir une réponse qui lui convienne, mais maintenant je pense qu’il sait lui aussi, qu’aucun mot ne pourra lui expliquer l’amitié. Cela l’énerve, je le sens et je le vois. Il s’agite et sa main sur ma peau exerce une pression plus forte.
J’imaginais que les wraiths aspiraient la vie d’un simple toucher, d’une caresse. Cette pression m’étonne. Je me demande s’il ne cherche pas à canaliser sa faim et sa rage dans ce toucher. Mes réflexions sont de courtes durées.
-Essaye. 
-L’amitié, c’est ne pas hésiter à donner sa vie pour ceux que l’on aime et qui nous sont chers.
-Une vie pour une vie ? Sans d’autres intérêts ?
-C’est cela. Sans aucun autre intérêt. 
En même temps que je dis cela, j’essaye de me persuader de la véracité de mes propos. Qu’est-ce que l’amitié au fond ? Est-ce que ceux que je considère comme mes amis risqueraient leurs vies pour moi ? Est-ce que l’amitié est forcément réciproque ? Suis-je l’ami de mes amis ?
Je retiens un fou rire. Jamais je n’aurais imaginé mourir en pleine réflexion métaphysique sur le bien, le mal, l’amitié et l’amour.
Mon bourreau est visiblement dans le même questionnement que moi. Sa main n’a pas relâché sa pression mais son regard semble perdu à des millions d’années lumières. Ha si son corps pouvait se téléporter et rejoindre son esprit là-bas !
Malheureusement, c’est tout l’inverse et son esprit revient vers son corps.
-Quel sens y a-t-il à cela ?
-Aucun, c’est cela l’amitié. 
 
On dirait que je viens de lui faire la révélation du siècle. Il a l’air d’avoir vu la vierge, ce qui pour un wraith serait plus qu’un miracle 
 
Brusquement j’ai comme un vertige. C’est moi qui ai des hallucinations. Devant moi se tient une femme. Je n’en vois que les contours. Elle est élancée et marche comme si elle flottait sur le sol.
Je m’interroge sur mon état mental et sur la possibilité que je vois la vierge en cet instant, moi le scientifique, le cartésien.
Subitement un détail trouble ma réflexion. Est-ce que la sainte vierge porterait à sa main un P90 ?
Mon wraith a ressenti sa présence lui aussi. Je le sens qui s’agrippe à moi avec violence.
Il se retourne brusquement, m’emportant dans son mouvement. La douleur brouille ma vue un instant. Quand la lumière revient, je distingue avec plus de netteté la silhouette féminine.
Teyla !
Jamais elle n’avait été aussi jolie, surtout avec son arme visant mon bourreau, surtout avec l’ombre qui se profile derrière elle.
Sheppard aussi est de la partie.
Je retiens encore un fou rire. Décidément, cela est vraiment pathologique de rire à ce point dans de telles circonstances. Et puis, finalement je ne le retiens pas, je le laisse éclater ce rire emprunt de douleurs, de tristesses et d’ironie. Dire que j’avais pris Teyla pour la sainte vierge me fait déjà beaucoup rire, mais l’idée que j’ai failli confondre Sheppard avec Jésus me fait littéralement exploser.
 
 
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