Trafic

Chapitre 5 : Corps à corps

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Dernière mise à jour 08/11/2016 08:31

 

Chapitre quatre
 
Corps à corps
 
Le fracas occasionné par la chute de la caisse, immédiatement suivi par l’agitation des trafiquants, sort Stilton et le militaire de leur conversation. Passablement agacés d’être interrompus, les deux chefs s’approchent de l’étrange chargement. Gus interpelle aussitôt le militaire.
- Capitaine, qu’est-ce que c’est que cette plaisanterie ?
- Calmez-vous lieutenant.
- Mais capitaine, on dirait des jouets pour gamins.
 
Le capitaine plonge la main dans la caisse et en extirpe une arme de poing, légère et maniable. Sa forme toutes en courbes lui confère un aspect assez ridicule par rapport à son lourd et imposant magnum. Cependant lorsqu’elle se déploie dans un léger bruit métallique, l’arme impose fascination et crainte. Sa ressemblance avec un serpent prêt à jaillir et à mordre sa proie, n’est sans doute pas étrangère à la réaction épidermique des hommes de main. Le chef militaire fait danser l’arme devant lui avec un plaisir non feint. Tous ses comparses le regardent avec étonnement mais également avec envie.
Un trafic de cette ampleur, avec utilisation d’un hélicoptère et surtout d’un avion digne d’un jet privé, nécessite la mobilisation d’une véritable fortune. Quelle est donc cette arme qui engendre tant de convoitise ?
 
Sans aucune hésitation, le capitaine met tour à tour ses sbires en joue. Inconscients du danger, ceux-ci restent de marbre, attendant bêtement des explications. Lorsque vient le tour de Sheppard, John fait un pas en arrière puis se fige. La réaction du prisonnier ne passe pas inaperçue. Le militaire le maintient en mire, sourit puis fait signe aux autres de s’éloigner.
- Vous connaissez cette arme, n’est-ce pas ?
- Oui, il me semble l’avoir déjà vue dans StarWars.
En réalité, c’est bien la première fois que le colonel John Sheppard voit cette arme. Pourtant les rapports de mission du SG1 qu’il a lus, ont été suffisamment explicites pour que le colonel n’ait aucune envie de recevoir un tir de zat’nik’tel.
 
Le trafiquant n’est pas dupe. La réaction du prisonnier traduit soit sa couardise, soit sa connaissance du potentiel de l’arme. Evidemment, quelque soit la bonne réponse, le capitaine ne peut se permettre de sous-estimer Sheppard. Celui-ci représente pour lui et sa petite entreprise, un risque qu’il ne peut laisser courir. Cependant, tant qu’ils n’ont pas d’autre pilote, leur prisonnier doit rester vivant…juste le minimum nécessaire.
Une belle occasion finalement de tester la marchandise.
 
Avec une froideur déconcertante, le trafiquant explique à ses hommes l’utilisation de l’engin Goa'ulds.
- Ces armes nous sont fournies par un « ami » de Cheyenne Mountain.
Voyant le regard étonné de Gloria, il explicite un peu plus ses sources.
- Ton contact Gloria n’est qu’un intermédiaire. J’ignore d’où proviennent ces armes mais leur exploitation est incroyable.
Le capitaine poursuit ses explications avec la ferme intention de mettre en pratique ses propos. Il met en joue Sheppard qui pâlit brutalement.
 
- Le premier tir provoque une douleur si violente qu’elle paralyse la victime.
L'homme exerce une pression sur le corps de l’engin. Aussitôt un rayon énergétique bleuté en sort et part en direction de Sheppard. Bien qu’imprécis, et manier de façon relativement maladroite, le tir atteint John qui ne peut retenir un cri avant de s’effondrer au sol.
Le capitaine aurait voulu le faire exprès qu’il n’aurait pas mieux fait. Incomplet, l’impact tétanise tous les muscles de Sheppard mais ne lui fait pas pour autant perdre connaissance.
Une agréable surprise pour le trafiquant qui cache son étonnement et fait croire à un effet voulu.
- Avec un peu d’habileté, il est possible de garder sa cible consciente des évènements. Un atout majeur dans nombre de discussions.
 
Devant la stupéfaction de ses hommes et de Gloria, il s’approche de Sheppard. Leurs regards se croisent. Les yeux du supplicié lancent des flammes de rage mêlées de colère et de douleur. L'homme jouit de l’emprise qu’il a sur son prisonnier et du respect soudain qu’il impose à ses acolytes.
Sheppard est étendu aux pieds de son bourreau. Une intense douleur envahit tout son corps. Le colonel a l’impression que chaque parcelle de son être est la proie d’un rongeur précis et méticuleux. Un à un des lambeaux de chair virtuelle sont arrachés et mâchouillés avec délectation. John sait que cette torture prendra fin d’ici deux heures, moins sans doute car le tir était imparfait. Il sait également que le prochain tir de zat’nik’tel lui procurera une mort rapide. A cet instant de souffrance, Sheppard souhaite la mort plus que tout autre chose. Sa raison s’est noyée dans son tourment et seul son calvaire a un semblant de prise sur sa conscience. Douleur, souffrance, haine sont les seuls mots qui se forment sur la toile de son cerveau.
 
- Le second tir provoque la mort.
Le capitaine s’accroupit au pied de Sheppard et le fixe avec une grimace particulièrement sadique. Il pose l’extrémité du zat’nik’tel sur le front du colonel, puis éclate de rire.
- Mais ce n’est pas encore le moment.
Il se relève et dans un geste désinvolte fait semblant de tirer sur sa victime.
- Enfin, le troisième tir désintègre la cible.
 
Gus et Stilton, restés en retrait, sont stupéfaits. Ils s’emparent tout deux d’un zat’nik’tel et l’examinent avec la délicatesse d’un amant. Lorsque l’arme se déploie dans leurs mains, ils sont aussi émerveillés que des enfants devant un nouveau jouet. Le cuistot, plus craintif, se demande dans quelle galère il s’est fourré. Entraîné dans cette affaire par Gloria, il n’a pas su résister à l’appel du dollar. Seulement maintenant, il ne s’agit plus d’un simple trafic d’armes volées dans un quelconque entrepôt militaire. Il s’agit d’armes ultra sophistiquées, sans doute issues d’un projet top secret. Avoir des militaires aux fesses effraie peu le vieil homme, mais être un traître à sa propre nation lui donne quelques états d’âme. Pris d’une furieuse envie de quitter cette histoire, il s’éclipse subrepticement en direction du véhicule militaire.
Affalé le plus discrètement possible sur le siège conducteur, le cuistot tourne rageusement la clef de contact. Le seul effet est un agaçant cliquetis ayant pour résultat d’ameuter les troupes. Gus, Stilton et le capitaine s’élancent dans sa direction. Pris de panique, l’homme s’extirpe de la jeep et court en direction de la forêt.
Les trois hommes se jettent un regard interrogateur puis sans ajouter un mot, mettent en joue le malheureux. L’énergie dégagée par les trois appareils est éblouissante. Eux-mêmes surpris par la spontanéité de leur geste, ils contemplent ébahis le résultat de leur méfait. Plus aucune trace du cuistot. Adieu les succulents pancakes aux mirabelles !
 
Loin de ce chahut qu’elle considère comme un jeu de grands enfants, Gloria s’est approchée de Sheppard. Toujours agonisant, le colonel commence tout juste à retrouver l’usage de ses doigts. Le visage ruisselant de sueur et crispé par la douleur, il tente de fuir le sourire carnassier de la serveuse.
- Mon pauvre John, comme tu as l’air de souffrir.
Sa voix traînante et sirupeuse ne fait qu’accroître la haine que ressent Sheppard. Sa seule satisfaction est que Gloria n’ose pas le toucher, sans doute la crainte d’une propagation de l’onde douloureuse. Cela ne l’empêche pas longtemps de s’amuser avec sa proie.
Gloria a fantasmé l’instant où elle tuerait Sheppard, mais à aucun moment elle n’avait dans ses mains une telle arme de persuasion. Maintenant elle sait comment s’achèvera la vie de John. Reste à convaincre Stilton et le capitaine de la charger de cette mission. Voila quelque chose qui ne devrait pas poser trop de problème.
Ragaillardie par cette idée, Gloria prend une grande inspiration puis pose ses mains sur Sheppard. Aucune réaction, si ce n’est le tremblement incoercible qui secoue le corps du malheureux. Dans un sourire tendre et maternel, elle rapproche son visage du sien et pose ses lèvres contre les siennes. Sheppard fulmine de rage. Dans un effort difficile et douloureux, il arrache à son corps meurtri un spasme brusque qui rejette le visage de la belle.
Nullement découragée, Gloria se penche de nouveau sur John, faisant courir ses lèvres dans son cou. De sa main droite, elle enlace les cheveux de sa victime et joue avec des boucles imaginaires. Sa main libre se pose sur la bouche et le nez de Sheppard, y exerçant une pression lente mais ferme. Gloria ne quitte pas pour autant le cou de John, un petit nid douillet dans lequel elle se laisse aller.
De sa peau chaude et douce émane une odeur enivrante. Un parfum musqué qui ébranle chacun de ses sens. Une sensation à peine gâchée par la sueur qui perle sur la gorge de Sheppard, traçant d’un fin filet les lignes de son corps. La belle est captivée. Elle se laisse bercer par les souvenirs charnels que lui évoque l’odeur masculine.
Le temps n’a plus d’emprise sur elle. Ses cinq sens sont exacerbés.
Le goût de Sheppard sur ses lèvres… L’odeur de sa peur, de sa douleur… Les frémissements qui ondulent sous ses doigts cajoleurs… Le bruit rythmé de son cœur, violent et par moment irrégulier…
Il manque une satisfaction ultime. Plonger son regard au plus profond de lui. Ne plus faire qu’un avec sa souffrance et se nourrir de sa douleur.
Gloria ne tient plus. Avec un léger regret, elle quitte l’antre charnel du cou de Sheppard et le surplombe de tout son corps.
Les pommettes en feu, elle plonge son regard amoureux dans celui de John. Sheppard la fixe calmement. Il ne résiste plus à ses ardeurs et ne cherche nullement à refouler la main qui l’oppresse.
Gloria réalise seulement à cet instant qu’il se laisse mourir.
 
Elle voulait le posséder et le voir lutter pour survivre… et il se sert d’elle pour abréger ses souffrances.
- Non, tu ne m’auras pas !
Elle retire brutalement sa main et la remplace aussitôt par ses lèvres. Tout naturellement elle effectue quelques insufflations d’air. Un bouche à bouche totalement inutile mais ô combien agréable. Comblée et toute émoustillée par ce sensuel contact, elle se redresse et tire violemment la veste de Sheppard, arrachant au passage les précieux boutons à cinq dollars pièces.
 
Si Gloria pouvait ressentir la haine que lui voue le colonel, elle en frissonnerait de plaisir.
Si en revanche, elle pouvait voir le regard noir de Tony DiNozzo, ses frissons seraient d’une toute autre nature.
 
Planqué dans le bureau, Tony assiste impuissant à toute la scène.
La découverte d’armes inconnues donne une nouvelle ampleur à l’affaire. Un peu d’aide serait la bienvenue. Curieusement, Tony ne s’attendait pas à en recevoir de ses ennemis. Mentalement, il raye le cuistot de sa liste. Reste Stilton, Gus et le militaire, trois hommes qu’il sera difficile d’atteindre.
Encore un peu retourné par la scène dévastatrice du cuisinier, Tony regarde Gloria qui s’est de nouveau attaqué à Sheppard.  Décidément, ce gars-là devrait changer d’agence de voyage !
Soudain une envie de meurtre l’assaille. Gloria vient de détruire le dernier vestige de son costume italien. La présence de John dans le dit costume, étant en ce douloureux instant, relativement secondaire.
Cette femme est une diablesse avec laquelle il faudra malheureusement compter.
 
Tony est passablement déçu car l’inspection du bureau n’a rien donné de transcendant, si ce n’est un couteau de chasse. L’arme providentielle n’est pas vraiment conçue pour l’usage que souhaite en faire l’agent du NCIS, mais la fine lame à double tranchant fait vite oublier le décorum du manche en bois de cerf. Une trousse médicale de premier secours lui a également permis d’extirper la ferraille de sa cuisse et de poser un pansement légèrement compressif sur la plaie. Silencieusement, Tony sort du bureau et se glisse derrière la jeep. De sa cachette, il peut examiner sereinement tout ce qui se passe dans le hangar.
Stilton et le militaire sont autour de la caisse d’arme éventrée. Le capitaine est en grande conversation avec son téléphone cellulaire. Il est probablement en quête d’un nouveau pilote. De cet appel résultera le temps de survie de Sheppard.
Stilton, quand à lui, est totalement captivé par le contenu de la caisse. Visiblement, il y a encore d’autres nouveautés. Près de l’avion, Gus s’affaire à charger les dernières marchandises. Tout le petit groupe se désintéresse manifestement du sort réservé à Sheppard, sort que Gloria peaufine avec un luxe de détails.
 
- Dis-moi John…
Gloria caresse ses récentes brûlures...
- Qu’est-ce qui fait le plus mal ? Le feu… Le fer ?
... Ses entailles à l’épaule et sur le front.
- Ou ce truc-là ?
Elle fait glisser un zat’nik’tel sur la peau de Sheppard puis le pose délicatement sur sa joue.
- Gloria ?
Chaque mot prononcé est une torture mais aussi une victoire qui redonne vie aux muscles endoloris du colonel Sheppard.
- Oui John ?
- Regarde-moi.
Surprise par le ton doux et charmeur, Gloria quitte sa carapace de guerrière pour reprendre son attitude enfantine et aguicheuse. Elle pose le zat à terre et prend amoureusement la tête de John sur ses genoux. Leurs regards se croisent.
Gloria est tout miel. Sheppard également.
C’est avec la voix la plus câline possible qu’il expose les faits à la belle.
- Gloria…où que tu ailles… saches que je serai…toujours derrière toi…
- Oh John...
Gloria baisse sa garde. Son côté fleur bleue de schizophrène est tout attendri par ce qu’elle croit être une déclaration.
-… et au moment… où tu t’y attendras le moins… je te tuerai.
Joignant les gestes à la parole, Sheppard donne un violent coup à la face de Gloria. La belle ne voit rien venir, si ce n'est un poing bien fermé, et s’effondre avec un sourire benêt.
Ce simple geste mobilise toute l’énergie du colonel. Avec lenteur, il s’extirpe du corps de Gloria, la repoussant sans le moindre ménagement. Inconsciente, la serveuse s'avachit sans grâce sur le zat’nik’tel. Sheppard ne réalise pas qu’une arme est à sa portée. Trop faible, trop fatigué physiquement mais surtout psychologiquement, il se contente de ramper vers la carlingue du Piaggio, espérant un moment de répit. Doucement, il s’adosse derrière l’une des caisses restées au pied de l’appareil et récupère un peu de force.
 
Son repos est malheureusement bien vite écourté par Gus.
Ignorant la présence de Sheppard, Gus s’approche de la caisse et commence à la soulever. Sans attendre d’être débusqué, Sheppard sort de sa cachette et passe violemment l’attache de ses menottes devant le visage de Gus. Incapable de rester plus longtemps debout, Sheppard se laisse tomber sur le dos, entraînant son ennemi dans sa chute. D’une pression ferme, il écrase la trachée du militaire. Malgré tous ses efforts, Gus ne parvient pas à se libérer de la prise. Rapidement ses mouvements deviennent plus saccadés, moins virulents puis inexistants.
Silencieusement, John repousse le corps sans vie. Il reste ainsi, étendu à côté du cadavre, attendant que le destin choisisse son chemin. La vie ou la mort, qu’importe tant que le choix ne tarde pas trop.
 
A une autre extrémité du hangar, c’est un autre destin qui se joue.
Le capitaine s’est éloigné afin vraisemblablement d’obtenir une meilleur réception réseau. Sa discussion téléphonique est houleuse. Une histoire de gros sous où personne ne veut céder. La mort prématurée de Morgan et du cuistot libère deux parts que le chef a bien l’intention de garder exclusivement pour sa bourse.
Stilton de son côté, est toujours aussi accaparé par ses découvertes. Il tient en main un étrange objet ovoïde, séparé en son milieu par un mécanisme rotatif. Des motifs circulaires, ressemblant à des cibles encadrent deux diodes latérales. Tout à son expertise, l’homme ne prête aucune attention au déplacement d’air et au faible bruissement qui retentit derrière lui.
Il sépare les deux demi-sphères et les fait pivoter d’un quart de tour.
Une vive douleur interrompt son mouvement.
Dans un denier râle, l'homme s’effondre sur la caisse, exhibant un couteau planté entre ses omoplates. Tony se tient juste derrière lui. D’un geste sur, il retire l’arme et essuie la lame sur le dos de sa victime. En s’approchant il découvre la crosse du Desert Eagle dépassant de la ceinture du mort. Il retourne le cadavre afin de mieux attraper l’arme. C’est alors que son œil est attiré par une lumière clignotante. Dans la main du trafiquant, l’objet ovoïde s’est refermé et les deux diodes clignotent à un rythme de plus en plus effréné. Conscient qu’il s’agit sans nul doute d’une arme, DiNozzo ne s’attarde pas et déguerpit au plus vite.
Aussi rapidement que le permet sa patte folle, Tony s’élance en direction de la jeep. Un bien maigre rempart qu’il n’atteint malheureusement pas à temps. A l’explosion relativement limitée de la grenade, s’accompagne celle beaucoup plus violente de la caisse entière. Une réserve d’explosifs, grenades et autres armes contenant diverses matières sensibles. Le feu d’artifice est d’une telle ampleur qu’il projette dans tout le hangar des débris de la caisse et de Stilton. Le souffle de la déflagration propulse Tony avec la délicatesse d’un typhon japonais.
Passablement assommé, Tony s’écroule derrière la jeep renversée.
 
Alerté par l’explosion, le capitaine réagit avec rapidité et court vers la zone sinistrée afin d’examiner l’étendue des dégâts.
Par chance pour Tony, la destruction totale du corps de Stilton ne donne pas au capitaine matière à douter de l’origine de la catastrophe.
- Quel abruti ! Je lui avais dit de ne toucher à rien ! Une caisse entière de grenades et de flingues de perdue.
Mentalement le capitaine pose la destruction des armes dans la case perte et la mort de Stilton dans la case profit. Tant qu’il lui reste les drôles de pistolets à l’allure de serpents, son business reste largement bénéficiaire.
Sans un regard pour le véhicule de l’armée qu’il savait hors d’usage, le capitaine s’avance vers le petit groupe resté en retrait. Son attention est d’abord captée par les mouvements lents de Gloria. Celle-ci émerge de son inconscience avec la douleur lancinante d’une fracture du nez et celle autrement plus douloureuse d’une blessure à son amour-propre. Elle regarde autour d’elle sans trop comprendre ce qui s’est passé. Ce qu’elle intègre parfaitement en revanche, c’est que le capitaine se dirige vers le Piaggio et n’a vraisemblablement pas l’intention de s’interrompre en chemin pour lui tendre la main. Le regard, vide de toute émotion, qu’il jette à Gus en est la confirmation, si tant est qu’un doute ait pu encore subsister quand aux motivations du militaire.
 
Le capitaine s’approche de Sheppard. John ne cherche pas à fuir. Même si ses membres acceptent maintenant de le soutenir un peu plus longuement, la fuite est impossible.
- Debout !
- Ce sera un peu difficile. Vous m’avez tiré dessus, rappelez-vous !
Furieux, le capitaine donne un violent coup de pied dans les jambes de Sheppard.
-Gloria !! Aide-le à monter dans l’avion. Après un tel barouf, les autorités locales ne tarderont pas à débarquer. Mieux vaut mettre de la distance entre eux et nous. Vous avez de la chance Sheppard, votre côte de popularité a de nouveau augmenté. Vous gagnez un sursis.
 
Telle une aveugle, Gloria se palpe le visage, imaginant sa nouvelle physionomie. Un peu perdue, elle sort doucement de son état de stupéfaction.
- Où est Stilton ? Qu’est-il arrivé à Gus ?
- Ils sont morts ! Stilton s’est fait exploser la cervelle avec une caisse entière d’armes et Gus a câliné de trop près ton copain. Bon, grouilles-toi maintenant !
 
Gloria examine autour d’elle les restes métalliques et organiques. Un silence mortel règne dans le hangar. A contre cœur elle tend une main tout sauf secourable au colonel Sheppard.
- Allez bouge, on lève l’ancre !
- Pitié Gloria, évite ce genre de métaphore. Je te rappelle qu’avant de te rencontrer j’étais un naufragé en convalescence.
- Combien de fois as-tu déjà tourné le dos à la faucheuse ?
- Trop souvent pour les compter.
Gloria tapote doucement son zat’nik’tel.
- La prochaine fois sera sans doute la dernière.
- Sans doute, oui.
 
Avec la grâce d’un vieillard au stade terminal de la maladie de Parkinson, Sheppard se relève et se hisse dans la carlingue du Piaggio Avanti P180. Il pénètre dans le poste de pilotage et s’installe directement aux commandes. Le capitaine se place dans le siège copilote et lui retire ses menottes.
- Pas de blagues Sheppard !
 
Sur le manche est accroché le plan de vol. Sheppard y jette un vague coup d’œil puis se met au travail.
Avec une agilité et une aisance surprenante, il enclenche, pousse et appuie sur divers boutons, manettes, leviers et autres instruments. Pour le novice qu’est le capitaine de la marine, le tableau de commande n’est qu’une succession de boutons rouges ou blancs, de leviers et de manettes à monter ou abaisser selon un ordre plus qu’imperméable à sa compréhension.
Le colonel John Sheppard est lui dans son élément.
Durant quelques minutes, il oublie ses douleurs résiduelles et sa condition de captif pour se laisser aller au plaisir de manœuvrer une telle merveille. Il examine les trois grands écrans et les différents petits cadrans qui s’animent à sa demande. Le cockpit prend vie et le Piaggio commence lentement à rouler sur le bitume irrégulier du petit aérodrome. Un doux ronronnement accompagne les turbopropulseurs. Sheppard est enivré par les vibrations de l’appareil. S’il doit mourir, il préfère autant que se soit dans un petit coucou comme celui-ci. Sa décision est prise. Il suivra le plan de vol et se délectera de chaque minute au milieu des nuages. L’atterrissage par contre, ne sera sans doute pas celui souhaité par les trafiquants. Sheppard s’octroie un petit sourire. Attentif aux faits et gestes du pilote, le capitaine et Gloria ne perçoivent pas le bruit métallique en provenance du compartiment arrière.
Le Piaggio décolle emportant hommes et cargaison vers un avenir plus qu’incertain.

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