The eleven

Chapitre 6 : The D-men

5338 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/06/2020 10:54

The D-men :


J’ai l’impression de flotter… Entourée d’une brume épaisse, moelleuse.


« — Max ! »


Aïe, ma tête ! C’est comme si on me martelait les oreilles… Tais-toi. S’il te plaît, tais-toi…


« — Max ! »


J’ouvre péniblement les yeux et loin, loin derrière la brume je distingue un visage flou.


« — Mon dieu, qu’est ce qui t’est arrivé Max ? Tu ne t’es pas fait ça en tombant de ton vélo, c’est impossible !


— Je… » Le son qui sort de ma bouche est roque et me donne l’impression qu’on est en train de déchirer mes cordes vocales à coup de poignard. Je porte d’instinct mes mains à ma gorge douloureuse.

Je devine au regard figé de Jonathan qu’il n’avait pas remarqué les blessures de mon cou. Sans prendre le temps de réfléchir, il me prend dans ses bras et m’installe sur la banquette arrière de sa voiture garée un peu plus loin. J’essaie de lui parler, de lui expliquer ce qu’il s’est passé, mais c’est trop douloureux et les seuls sons qui m’échappent sont les gémissements de douleur que je n’arrive pas à retenir chaque fois que la route endommagée secoue la voiture.

Moins d’une minute après le début du trajet, la brume revient et je sombre dans une spirale qui m’amène loin, de plus en plus loin…

Quand je reprends brutalement conscience, je suis allongée sur un lit, dans la chambre de Will. Je tente de me redresser et émets un grognement quand ma cheville foulée, que j’avais presque oubliée, décide de me rappeler sa présence. Aussitôt, le visage de Lucas se penche au-dessus du mien et j’entends une voix lancer :


« — Elle est réveillée ! »


Avec l’aide de Lucas, j’arrive finalement à me mettre en position assise et jette un coup d’œil autour de moi. Ils sont tous là, ceux qui sont au courant de tout ce qui s’était passé il y a quelques mois… Qui est cette fille à côté d’El ? Et l’homme derrière elle ? Lucas me prend la main et j’applique une légère pression sur ses doigts, pour lui faire comprendre que je vais bien.


« — Qu’est-ce qui t’est arrivé Max ? » me demande Hopper en s’avançant d’un pas « Et n’essaie surtout pas de me faire croire que c’est ton accident de vélo qui t’a valu ces marques sur la gorge. Je suis parfaitement capable de reconnaître les traces que laisse une strangulation. »


Je monte de nouveau par réflexe les doigts vers mon cou et remarque alors qu’on y a accroché un bandage froid, sûrement rempli de glaçons. J’essaie de parler et cela me paraît moins douloureux que les fois précédentes :


« — Troy » je réponds d’une voix enrouée « Je… Il était au bord de la route, blessé et… il n’avait pas l’air conscient d’où il était, de ce qu’il faisait. Il appelait au secours et il n’avait pas l’air de me voir et puis… Et puis il m’a étranglée. La force de son bras n’était pas naturelle ! J’en suis certaine. »


Pendant un moment, tout le monde reste silencieux, certains avec une expression choquée sur le visage, puis Hopper prend de nouveau la parole :


« — Il n’a rien dit ? Quelque chose qui pourrait expliquer ce qu’il a fait ?


— Non, il est resté muet. Mais…

— Mais ?


— Lui n’a rien dit, mais j’ai entendu une autre voix. Il n’y avait personne d’autre, mais elle… elle résonnait dans ma tête et elle disait…


— Qu’est-ce qu’elle disait Max ? » il essaie de paraître calme, mais je vois bien qu’il perd patience.


« — Où est-elle ? »


Un silence encore plus tendu s’installe immédiatement. Tous les regards se sont tournés vers Eleven. Personne n’ose exprimer à voix haute ce que tout le monde a deviné ou soupçonne… Hopper se tourne de nouveau vers moi, l’air plus inquiet que jamais :


« — Tu es sûre Max ? » j’opine du menton « Vraiment sûre ? Après tout, tu manquais d’oxygène, tu aurais pu avoir une hallucination n’est-ce pas ? C’est possible, non ? »


Joyce le fait taire en posant doucement sa main sur son avant-bras.


« — Non Jim. Je pense que Max a bien entendu cette voix, je lui fais confiance. Elle connaît les conséquences de cette information et elle ne nous aurait rien dit si elle n’était pas sûre de ce qu’elle avait entendu. De plus… » tout à coup, elle semble gênée et lance un regard en direction de Will, à l’opposé de la pièce « Le “Code Red” n’a pas été déclenché qu’à cause de la venue de nos invités. »


. oOo.



Ça fait presque dix minutes qu’Hopper fait les cent pas dans le salon des Byers, marmonnant sans cesse, trop bas pour qu’on puisse entendre ce qu’il dit. On m’a aidé à me déplacer sur une des chaises entourant la table, à côté d’Eleven, Will, Dustin, Lucas, Mike et Ella.

Je ne la sens pas… Cette Ella… Elle ne m’a pas adressé la parole une seule fois et sans l’explication rapide de Lucas, je ne saurais toujours pas qui elle est. Les rares regards qu’elle a daigné me lancer n’étaient pas très amicaux non plus, voire carrément antipathiques ! Et d’après ce que j’ai observé, les autres ont l’air de partager mon avis… Seuls Will et El ont l’air de ne pas être dérangés par son air de supériorité ; ou peut-être qu’ils ne le voient même pas. En tout cas Will ne l’aura pas remarqué, ça, c’est une certitude. Depuis tout à l’heure il la fixe avec une discrétion tellement inexistante que ça en devient ridicule… C’est bizarre, il est pourtant de nature timide et je pensais que ça sous-entendait qu’il connaissait un minimum l’art de se faire discret, et d’habitude il est d’ailleurs plutôt doué pour ça, mais cette fille inhibe de toute évidence toutes ses capacités. Pauvre Will… Dans n’importe quelle autre situation son comportement m’aurait beaucoup amusée, voire attendrie et j’aurais été plutôt contente qu’il ait l’air de s’intéresser à quelqu’un, mais là… Je sais qu’on ne devrait jamais juger une personne sur la première impression, mais depuis que je connais Billy j’ai beaucoup de difficultés à ne pas le faire.

Hopper brise arrête soudain ses allers-retours et se plante devant nous.


« — Donc, il est de retour. Il est de retour et il n’y a rien qu’on puisse faire à part le battre une deuxième fois. »


Parfait, il s’est enfin rendu à l’évidence ! Ça commençait à devenir lassant de le voir passer et repasser comme un fauve en cage. À ma droite, Eleven se lève et annonce, convaincue :


« — Je peux le faire ! Je peux le battre une autre fois !


— Tu ne vas rien battre du tout ! » lui répond Hopper, haussant la voix et se rapprochant d’elle


« — Mon pouvoir est l’arme la plus utile qu’on ait contre le Mind Flayer à ce que je sache ! Et je l’ai fait une fois, je peux le refaire !


— Je sais Jane… » se radoucit le policier « Mais je ne peux pas permettre que vous » il indique d’un geste notre groupe, tous assis autour de la table « vous mettiez en danger une fois de plus »


Les sourcils d’Eleven se froncent et elle lance un regard noir à son interlocuteur tandis qu’elle se rassoit. Je partage son mécontentement. Après tout, sans nous, et surtout sans El, le portail serait toujours ouvert et Will serait mort à l’heure qu’il est ! Je plonge mes doigts dans mes cheveux et m’accoude à la table avec une moue boudeuse, je devine déjà ce qui arrive, Hopper et Joyce sont super prévisibles ! Ils vont nous obliger à rester en arrière et…


« — D’ailleurs » continue Hopper en penchant vers nous « Pour votre sécurité à tous, je propose que vous restiez ici jusqu’à ce que Joyce et moi ayons découvert comment détruire cette chose pour de bon ! »


Qu’est-ce que je disais… Tellement prévisible.

Des hoquets d’indignation et des cris de colère commencent à fuser autour de la table ; ça aussi c’était prévisible… Je me contente de lever ostensiblement les yeux au ciel en soupirant, en réalité je m’efforce surtout de réfréner un ricanement moqueur. Tout à coup, Mike se lève et énonce d’une voix forte le fond de ma pensée :


« — Vous pourrez dire ce que vous voudrez, vous ne pourrez pas nous empêcher d’agir ! Vous n’aurez aucun contrôle sur nous quand vous serez partis de votre côté ! »


Au fur et à mesure que Mike parle, le visage d’Hopper se crispe, rougi… On dirait qu’il va exposer ! Je reconnais cette expression, elle est la même que celle Billy avant qu’il rentre dans l’une de ses « crises ». J’essaie de croiser le regard de Mike, je voudrais le prévenir, mais il ne se rend compte de rien et continue son monologue :


« — Nous ne sommes plus des enfants ! Nous pouvons nous défendre ! Et essayer de vaincre le Mind Flayer sans le pouvoir d’Eleven revient à une mission suicide ! »


La fureur d’Hopper est maintenant si apparente qu’il est impossible de l’ignorer et même Dustin commence à tirer discrètement sur la manche du sweat de Mike pour le ramener sur sa chaise, mais celui-ci reste debout, toujours à enchaîner argument sur argument, sans se rendre compte de ce qu’il se passe autour de lui. Jim continue à ouvrir et serrer les poings, la tempe de son front battant de plus en plus vite, et je détecte soudain un changement dans son attitude : les digues ont cédé… J’ouvre la bouche pour prévenir Mike, mais avant que j’aie le temps de dire quoi que ce soit, Hopper le saisit brutalement par le col.


« — Laisse-moi t’expliquer quelque chose petit morveux ! » des postillons volent vers le visage de Mike alors qu’il lui hurle dessus « Tout ce qui m’importe c’est de protéger ma fille ! Tu comprends ça ? Et s’il faut pour ça que je la protège aussi de toi, je n’hésiterais pas à utiliser la manière forte ! Alors si tu veux retourner un jour chez toi en un seul morceau, tu as intérêt à faire ce que je te dis ! Et si tu…


— Lâche-le ! » Eleven s’est levée elle aussi, le regard noir et la voix amplifiée par la rage. « Lâche-le maintenant ! » Les murs de la maison commencent à trembler, le contenu des étagères accrochées au mur tombe sur le sol. Un filet de sang s’écoule sur le menton d’El…


Le sang… Je ne peux pas en détacher mon regard. Les cris me paraissent s’éloigner… Un picotement me parcourt tout le corps, d’abord derrière ma nuque puis descendant dans chacun de mes membres. Le brouillard est de retour.

Elle… C’est elle… Je ne peux m’empêcher de sourire. Elle est là, si près. Si près… Peut-être que tu pourrais… Non ! Pas maintenant ! Tu dois attendre d’être seule avec elle. Oui c’est ça. Alors elle n’aura plus personne pour la protéger.

Personne.

Et tu pourras…


« — Arrêtez ! »


La voix de Joyce me ramène à la réalité. Un frisson me remonte le long de l’échine alors que mes yeux s’écarquillent. À quoi étais-je en train de penser ? Je… Jamais je n’aurais pu imaginer de… Je suis soudain prise d’une irrésistible envie de pleurer. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je deviens folle ! Je viens juste de penser à… à… Un goût de bile me remonte dans la bouche. Comment ai-je pu… Ce doit être le manque d’oxygène, comme l’a suggéré Hopper tout à l’heure ! Oui, ça doit être ça. C’est forcément ça…


« — Je suis d’accord avec Hopper, les enfants » continues Joyce « vous ne pouvez pas risquer vos vies comme ça… Mais pour l’amour du ciel Jim, repose-le ! »


Devant le ton de maman autoritaire de Joyce, Hopper lâche immédiatement Mike, l’air mi-étonné mi – mécontent.


« Et n’allez pas croire que je ne me doute pas que vous essaierez de nous suivre dès l’instant où nous aurons franchi cette porte ! C’est pour ça que quelqu’un restera ici pour vous surveiller ! »


Dustin saisit immédiatement l’occasion.


« — Oui ! Steve pourrait rester et comme ça vous sauriez assurés que…


— Que vous vous mettriez encore en danger ! Sans vouloir t’offenser Steve… » il la rassure d’un signe de la main « C’est pourquoi je propose que Robb reste ici avec vous. Vous êtes d’accord Robb ? »


Celui-ci sursaute à l’appellation de son nom et à soudain l’air d’un enfant pris en faute.


« — Oui ! Bien sûr ! Oui, je ferais ça !


— Parfait ! »


Nancy, discrète jusqu’alors, se détache du mur contre lequel elle était appuyée et se place en face de Joyce.


« — En tout cas, ne comptez pas sur Jonathan et moi pour rester en arrière. On est presque adulte et on a passé l’âge d’avoir un baby-sitter !


— Et ne comptez pas sur nous non plus ! » s’écrit à son tour Dustin


Son élan d’émancipation est aussitôt coupé par Joyce :


« — N’y songe même pas une seule seconde jeune homme ! En revanche Nancy, tu as raison… Je ne peux pas vous empêcher de nous aider. »


Un courant de protestation souffle de nouveau sur notre table. Joyce continue :


« — Et ça vaut pour toi aussi Steve.


— Non » il accompagne son refus d’un hochement rapide de la tête « Je vais rester là pour aider Robb, je sais y faire avec les six démons autour de cette table


— Comme tu voudras… Bon, il ne nous reste plus qu’à trouver un plan ! »


. oOo.


Et voilà ! Ils sont encore en train de préparer un plan sans nous. La leçon de la dernière fois ne leur a pas suffi…

Ils ont étalé des feuilles et des cartes partout sur le sol et ne cessent de parler rapidement en désignant tel ou tel papier. D’après ce que j’ai compris, les principales pistes qu’ils envisagent sont : retrouver Troy et retourner chercher des indices sur les lieux de chaque attaque des araignées. Connaissant Joyce et Hopper, ils vont envoyer Nancy et Jonathan accomplir la mission qu’ils jugent la moins dangereuse, c’est-à-dire la recherche d’indice. En plus, ils ont déjà tous les deux montré leur talent pour l’investigation alors ce serait un choix logique…

Nous nous sommes tous déplacés sur le canapé ou autour afin d’essayer d’entendre tout ce qu’ils disaient. Ma cheville est encore douloureuse alors Lucas et la fille portant le numéro 009 m’ont aidé. Je suis presque sûre qu’elle m’a souri quand je l’ai remerciée. Peut-être que je me suis trompée sur elle… Ça ne serait pas la première fois que ça m’arrive, mais je préfère ne pas lui offrir ma confiance sur un simple sourire.

Pour la première fois depuis qu’ils ont commencé à se concerter, les adultes se tournent vers nous.


« - Will », l’appelle sa mère « Tu nous as dit que tu avais eu une vision c’est ça ? Que tu avais senti que le Mind Flayer avait réussi à posséder de nouvelles créatures de notre monde, ces araignées qui ont attaqué Eleven et Mike. Est-ce que tu as vu autre chose ? Comme le lieu où est la faille, ou l’endroit où se cachent ces saletés par exemple… »


Will ferme les yeux, tentant sans doute de se rappeler cette vision qu’a mentionnée Joyce. Au bout d’un moment il sort de sa réflexion et ouvre la bouche, mais avant qu’il ait pu dire quoi que ce soit, Steve, assis à sa gauche, lui pince discrètement la peau du dos. Will a un mouvement de recul presque imperceptible, et semble hésiter. Mon rythme cardiaque accélère. Pourquoi Steve ne veut-il pas que Will leur dise ce qu’il sait ? Je suis juste derrière eux, assise sur le canapé tandis qu’eux sont par terre, à la place parfaite pour avoir pu voir cette « attaque ». Je ne pense pas que les autres l’ait vu. Après quelques instants de silence, Will finit par déclarer :


« — Non, je n’ai rien vu d’autre »


Un mensonge, j’en suis persuadée. Hopper prend la parole :


« — Bien, je ne vois pas l’intérêt de rester ici plus longtemps alors… Joyce et moi irons chercher Troy. Vu son état, tel que nous l’a décrit Max il n’a pas pu aller bien loin. Nous débuterons donc les recherches là où il a attaqué Max. Nancy et Jonathan iront à la recherche d’indices… Peut être pourriez vous commencer par l’hôtel où séjournaient nos hôtes » il note quelques mots sur un bout de papier et leur tend « voici l’adresse » il se tourne alors dans notre direction « Et vous, je veux votre parole que vous n’essaierez en aucun cas et d’aucune façon de participer de près ou de loin à ce qui va se passer. »


Il attend un moment en nous fixant, les mains dans les poches avant de son pantalon d’uniforme.


« — J’attends. »


Nous échangeons un regard et finissons par lui affirmer.


« — Tu as notre parole.


— Jane, regarde-moi dans les yeux. »


Elle s’exécute, une expression de défi animant ses traits.


« — Si je fais ça c’est pour votre bien, tu le sais… » sa voix s’est adouci « S’il te plaît, promets-le-moi.


— Je te le promets »


Il se penche vers elle et lui dépose un baiser sur le front puis sort de la pièce, suivi de Jonathan, Joyce et Nancy.

Nous voilà seuls avec Steve et les deux étrangers.

Le même picotement que tout à l’heure me brûle le haut de la colonne vertébrale. Oui… Il y a beaucoup moins de monde maintenant. C’est le moment où jamais. Il faut que tu sois seule avec elle. L’occasion ne se représentera peut-être plus… Mes lèvres s’ouvrent d’elles-mêmes :


« — Je ne me sens pas très bien… Eleven, est-ce que tu pourrais m’aider à aller jusqu’à la salle de bain ? »


. oOo.


Je suis assise sur le bord de la baignoire. Eleven, qui récupère de quoi changer le pansement froid sur mon cou, est dos à moi. C’est idéal… Je n’aurais pas pu rêver mieux.

La sensation de brûlure sur ma nuque est de plus en plus forte.

Je jette un rapide coup d’œil autour de moi, en recherche de quelque chose pour… Le pommeau de douche à l’air assez lourd. Oui, ça pourrait faire l’affaire… Tu dois faire ça maintenant ! Maintenant qu’il n’y a qu’elle et toi ! C’est le moment… Sans aucun bruit, je me saisis du pommeau en question et me faufile derrière Eleven.

Maintenant ! Fais-le ! Je lève mon bras, prête à frapper, visant sa nuque. Un coup violent devrait suffire. Un coup sec, voilà ce qu’il faut… Maintenant !

Soudain, un bruit sourd retentit dans la cuisine. Je me recule précipitamment et cache mon arme improvisée dans mon dos. Eleven se tourne vers moi.


« — Tu as entendu ça ? »


Sans même attendre une réponse, elle passe son bras son mon épaule et m’emmène en direction du son. Maintenant que nous sommes dans le couloir, je distingue aussi des éclats de voix. On dirait une dispute… En tout cas, tu as raté chance ! Tu étais si près, si près du but ! La sensation de piqûre dans mon cou se fait un peu moins intense, une vague de chaleur me traverse le corps et je me retrouve d’un coup de nouveau calme et relaxée. Tu pourras faire ça plus tard… Rien ne presse, ils ne peuvent rien contre toi pour l’instant, tu as encore du temps devant toi. Pour l’instant, tout va bien…

Comme Eleven est obligée de me soutenir, nous avançons lentement, mais à mesure que nous progressons dans le couloir, les voix nous sont de plus en plus claires. Il s’agit bien d’une dispute. Je reconnais la voix de Dustin, qui semble essayer de résonner les autres, mais le reste est une cacophonie totale. Nous pressons le pas et finissons par pénétrer dans la salle.

J’étouffe un hoquet d’angoisse quand j’aperçois l’étrangère au centre de la pièce. Ses yeux brillent d’un bleu surnaturel, son corps, en lévitation à quelques centimètres du sol, est auréolé d’une nuée d’éclairs, crépitant sur sa peau et au bout de ses doigts et au moment où elle prend la parole, je m’aperçois qu’elle saigne du nez.


« — Reculez !


— Attends, on peut t’expliquer ! » tout en disant ces mots, Dustin fait un pas vers elle.


C’est alors, seulement, que je remarque que la fille se tient en fait devant son ami, l’homme auquel Joyce nous a laissés la garde. Il est étendu sur le sol, de toute évidence inconscient. Il a fallu moins d’une seconde à Eleven pour analyser la situation. Avant que j’aie le temps de réagir moi-même, elle me laisse à Lucas qui se tenait près du couloir et avance d’un pas assuré vers sa semblable.

Arrivé devant elle, elle tend le bras et, sans même ciller, traverse l’aura électrifiée. Elle pose avec douceur sa main sur l’épaule de l’adolescente et, lentement, très lentement, finit par réussir à la ramener au sol. Les éclairs qui l’entouraient se font de moins en moins lumineux, ses yeux reprennent graduellement leur couleur verte. À peine revenue à son état d’origine, elle s’agenouille près de son ami, Robb je crois, sans plus un regard pour nous. Elle paraît presque petite maintenant qu’elle a perdu son aura de puissance. Oui, petite, vulnérable… Peut-être que tu pourrais… Non ! Concentre-toi sur elle d’abord, si tu mènes ta mission à bien peut être qu’on y réfléchira.

Après avoir, je suppose, vérifié que l’homme respirait correctement, la fille se tourne de nouveau dans notre direction, les yeux brillant de colère.


« — Pourquoi as-tu fait ça ? » je devine en suivant son regard qu’elle s’adresse plus à Steve qu’au reste d’entre nous « Je croyais que nous étions du même côté !


— Mais c’est le cas. » répond-il, un demi-sourire sur les lèvres « C’est pour ça que nous allons empêcher ces quatre têtes de mules d’aller se faire tuer !


— En assommant Robb ? Mais oui quelle bonne idée !


— Une meilleure idée que tu ne penses figure toi. Il nous aurait interdit de sortir d’ici, et pour sauver les autres, et accessoirement le monde, du Mind Flayer, on doit le faire.


— Et pour aller où ? »


Le sourire de Steve s’élargit. Il laisse quelques secondes s’écouler avant de répondre, sûrement encore son goût du théâtral qui refait surface.


« — Fermer le portail bien sûr ! »


. oOo.


« — C’est tout ce que tu as vu Will ?


- Oui », soupire l’intéressé « Tout ce que je sais, c’est que la faille se trouve dans un grand hangar, et que c’est aussi là que se trouvent tous les œufs desquels sortent ces monstres.


— Tu pourrais nous dessiner le lieu de mémoire ? » propose Dustin, lui tendant sa palette de crayons de couleur et une feuille.


« — Je peux toujours essayer… »


Il se saisit d’un crayon et commence à tracer les grandes lignes de son dessin. En attendant qu’il ait fini, je lance :


« — Et admettons, si on arrive à trouver l’endroit, qu’est ce qu’on fera alors ? C’est quoi le plan ?


— C’est extrêmement simple » me répond Dustin en réajustant sa casquette trop grande sur ses oreilles « On y va, on rentre, et on protège Eleven et Ella pendant qu’elles utilisent leurs pouvoirs pour fermer le portail !


— Oui bien sûr ! Et comment on est censés les protéger si des araignées géantes nous attaquent monsieur le stratège ? »


Mon ton a dû être plus rude que je ne l’ai voulu, Dustin se renfrogne aussitôt, mais il doit bien se rendre compte que son plan est carrément merdique ! On ne peut pas juste se contenter de regarder Ella et Eleven faire tout le boulot en restant en arrière ! Et toi, tu ne peux surtout pas te contenter de voir ce « boulot » accompli. Tu as encore le temps, mais tu vas tout de même vite devoir passer à l’action. La même piqûre que tout à l’heure me vrille le haut de la nuque. Ce doit être un des bleus qu’ont laissés les doigts de Troy autour de ma gorge qui provoque cette douleur. À moins que la petite araignée qu’il a laissé monter de son bras à mon visage m’ait piquée…


« — J’ai une idée ! » s’écrie Dustin, toute trace de colère déjà disparue de son visage « On devrait se trouver un nom ! Tous les groupes de héros ont des noms, et en plus dans le notre il y a deux véritables superhéroïnes !


— Très bien » lui répond Mike « Et qu’est ce que tu proposes ? »


Dustin s’arrête de bouger quelques secondes, en pleine réflexion, puis saute sur ses pieds.


« — On pourrait être les D-men !


— Les D-men ? Tu veux dire comme les X-men ?


— Exactement ! Sauf qu’ici le “X” du professeur Xavier et remplacé par le “D’ de Dustin. Par ce que » continue-t-il en me lassant un regard appuyé « comme l’a si bien rappelé Max tout à l’heure, je suis le stratège du groupe ! Je suis votre professeur Xavier en quelque sorte.


— Je te rappelle que le professeur Xavier est aussi le chef du groupe » rétorque Steve « Alors le groupe devrait s’appeler les S-men !


— Tu n’es pas notre chef » ricane Mike « Et même si c’était le cas, je vous rappelle que le professeur Xavier est un télépathe, et le pouvoir d’Eleven ressemble au sien donc on devrait être les E-m…


— Stop, stop, stop ! » le coupe Dustin « On m’a demandé de choisir le nom, alors je l’ai choisi : nous serons les D-men ! Et puis ça sonne beaucoup mieux d’E-men ou S-men… Sérieusement, S-men ?


— J’ai fini. »


C’est Will qui a parlé, et aussitôt nous nous penchons tous au-dessus de la feuille de papier. J’avais oublié que Will dessinait vraiment bien, on reconnaît parfaitement l’intérieur d’un sous-sol, sûrement un hangar vu la taille. La faille est là. Sur le mur du fond. On devine dans le dessin de Will son rougeoiement caractéristique. À sa vue ma nuque recommence à me piquer. Soudain, une main passe devant mon visage et pointe un point du dessin.


« — Là ! » s’écrie Ella « Il y a une affiche, avec quelque chose d’écrit… Qu’est-ce que c’est Will ? »


Maudit soient ce garçon est son sens du détail ! Il ne faut pas qu’ils sachent ! Il ne faut pas qu’ils trouvent !


« — Je ne sais plus exactement, je me souviens juste qu’il y avait un F, peut être un O ou un A et que la dernière lettre était un R…


— C’est déjà très bien » le rassure Lucas « Will, où est ton exemplaire de l’annuaire ? Le nom de l’entreprise y est peut-être. »


Ma respiration s’accélère d’un coup. Non ! Arrêtez ! Ils vont trouver ! Il ne faut pas qu’ils trouvent ! S’ils trouvent la faille, ils… Ils…

Ils ne pourront pas la détruire si personne n’est là pour le faire. Tu n’as plus le temps ! Occupe-toi d’elle maintenant !

J’essaie de contrôler ma voix le plus possible quand je demande :


« Eleven ? Je suis désolée de remettre ça, mais est-ce que tu pourrais me ramener dans la salle de bain, on n’a toujours pas refait son pansement…


— Oui, bien sûr ! Désolée j’avais oublié. »


Parfait ! Tu vas avoir une nouvelle chance, ne la gâches pas cette fois…

Au moment où nous nous apprêtons à sortir de la pièce, Lucas nous interpelle :


« — Vous voulez de l’aide ?


— Non ! Surtout pas ! »


J’ai crié beaucoup trop fort, avec un ton beaucoup trop sec. Je me reprends avec un sourire forcé.


« — Ne t’inquiètes pas Lucas ça va aller… »


Oh que oui, ça va aller…  


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