Détruite

Chapitre 1 : Détruite

Chapitre final

8451 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/03/2022 19:26

Ce maudit ascenseur était encore en panne.

Bon sang, quel bonheur de monter quatre étages avec ses courses de la semaine sur les bras.

Tant pis, plus vite ce sera fait, plus vite Pauline pourra retourner se cloîtrer entre les quatre murs de son appartement.

Elle amorça la montée des marches, commençant sérieusement à mourir de chaud dans son sweat à capuche. Mais même si elle voulait l’enlever, elle ne pourrait pas. Tout le monde la regarderait.


Quand elle arriva finalement devant son appartement, elle posa ses sacs pour chercher ses clefs. Les quelques voix qui arrivaient sur le palier ne la gênaient pas, mais elle sentit un regard insistant sur son côté droit. Elle décida de voir ce qu’il se passait pour voir qui pouvait la fixer ainsi. C’était une jolie fille aux cheveux blonds, l’archétype de la princesse Disney. C’était certainement une princesse, en fait. Derrière se trouvait une rousse qui se battait visiblement avec sa clef. La propriétaire de l’appartement pour être exact, qui, malgré toutes les fois qu’elle vient séjourner ici, n’a toujours pas compris comment ouvrir sa propre porte.

“Quoi ?” claqua Pauline. “Tu veux ma photo ?”

Pas de réponse. Tant pis, elle n’a pas le temps pour ceux qui la regarde comme si elle n’avait rien à faire ici.


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Peach regarda la porte se fermer, un peu perplexe. Pourquoi diable quelqu’un devrait mettre un sweat à capuche alors qu’il fait 30°C ? Et pourquoi cette femme avait mit ses cheveux de telle sorte à cacher la moitié de son visage ? Elle se prenait pour une émo ? Peut-être. Enfin bref, elle n’avait pas le temps de penser à ça. Elle poussa la porte de l’appartement que Daisy avait enfin réussi à ouvrir.


“Tu l’as vu ?” demanda Peach alors qu’elle servait le thé pour les deux.

“De quoi ?”

“Cette fille. Avec le sweat.”

“Oh, Pauline !” s’exclama Daisy. “Fais pas attention à elle, c’est juste une fille aigrie qui passe sa vie dans ses sweat à capuches. Elle est tellement asociale que même moi je ne peux pas l’approcher.”

C’était étonnant, surtout que Daisy était une princesse connue pour son magnétisme légendaire, couplée à une personnalité survoltée et un franc-parler nonchalant. Tout le monde voulait être l’ami de Daisy. Sauf cette fille, apparemment.

“Elle a des contacts dans les parages ?”

“Peu de personnes la connaissent dans l’immeuble. Donc tout le monde y va de son petit surnom, plus ou moins blessant.”

“Ah…”

“Mais je suis sûre qu’elle est pas méchante. Enfin, au fond”, continua Daisy après une gorgée de thé glacé. “Elle doit avoir ses raisons d’agir comme ça, mais je ne les connais pas. Au moins, à part ses contacts épineux avec les voisins, elle ne fait pas parler d’elle. Elle est même très tranquille, comme voisine. Elle écoute un peu du piano à des heures où tout le monde est réveillé, donc ça ne gêne personne.”

C’était déjà ça, c’est sûr. Avec assez de chance, elle ne recroiserait pas cette fille, malgré qu’elles partagent le même palier le temps de ses vacances à New Donk City.


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Cette nuit-là, Peach a fait un rêve étrange. Au début, la blonde revenait d’une séance shopping en solo, et a vu la voisine recroquevillée dans un coin du palier, près de son appartement. Altruiste comme elle était, elle est allée voir si tout se passait bien. Le visage de la voisine s’est dévoilé intégralement. Enfin, intégralement…

Il en manquait la moitié, comme si son crâne avait été coupé. Elle ne saignait pas, le crâne étant juste couvert de peau, comme si la plaie avait cicatrisé depuis longtemps. Puis elle s’est braqué en voyant les yeux de Peach sur elle disant de la même façon que dans leur unique contact:

“Quoi ? Tu veux ma photo ?”

Puis elle s’est redressée. Elle était grande, ridiculement grande avec un œil unique plein de mépris. Il est soudainement devenu plus mauvais.

“A moins que tu veuilles me ressembler.” un sourire méchant était dans sa voix.

Elle a saisi Peach par la partie droite de sa tête et a commencé à tirer avec une force aussi ridiculement irréaliste que sa taille. Etrangement, ça ne faisait pas mal.


Puis Peach s’est réveillée, son radio-réveil indiquait 6h du matin.

Le rêve avait fait naître en elle une certaine curiosité sous ce que Pauline cachait. C’était certainement malsain, mais elle pouvait bien essayer de voir sous cette carapace aigrie.


Peach est descendue pour voir s'il y avait des publicités dans la boîte aux lettres. Elle remarqua immédiatement Pauline. Déjà car elle était seule, mais aussi car porter un sweat à capuche en plein été et dans un hall d'immeuble était en soi remarquable.

"Bonjour Pauline !" dit-elle, souriante.

"Hum."

C'est bien elle, toujours aussi impolie.

"Ça va ?"

"Ça irait sans doute mieux si on ne me dérangerait pas pour parler de la pluie et du beau temps." Elle étudia une enveloppe qu'elle venait de recevoir. "Et je suppose qu'une princesse a bien mieux à faire que de sympathiser avec l'asociale du coin."

La réflexion faisait mal. C'était comme si elle s'était enfermée dans une bulle où le monde entier était contre cette pauvre femme. Mais qu'avait-elle subi pour agir ainsi ?


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Pauline remonta dans son appartement et jeta le courrier sur sa table basse, à l'exception de l'enveloppe qu'elle avait reçue de l'hôpital. Elle l'ouvrit et commença à lire. Un chirurgien esthétique était intéressé de la rencontrer. L'espoir a gonflé dans son cœur. Peut-être qu'elle allait enfin pouvoir reprendre une vie normale.

Se débarrassant de son sweat à capuche, elle partit dans la salle de bain pour se laver les dents. Les miroirs ne lui faisaient plus peur, même si ils lui montraient le pire de sa personne. Après tout, ils reflétaient aussi son regard, et s’accepter était le premier pas pour sortir du traumatisme. Mais le regard des autres… Elle ne pouvait pas le supporter. C’était trop dur d’être jugé pour une situation qu’elle n’avait jamais choisie.

Mais ce n’était pas le pire en ce moment: la princesse Peach avait visiblement son dévolu sur elle. Sa voisine de palier voulait la connaître. Sérieusement, éloigner l’hyper-sociabilité de la princesse Daisy n’était pas assez ? Ou une entité supérieure était contre elle ?

Mais Pauline ne croyait pas à un quelconque être tout-puissant. Elle ne croyait plus en rien depuis des années.


Après s’être rincée la bouche, elle décida d’aller ouvrir la baie vitrée qui menait à son balcon pour aérer son salon. Elle devrait certainement penser à le nettoyer, des toiles d’araignées s'accumulant dessus. Mais bon, avec le risque que ses deux voisines royales décident de prendre l’air, ce n’était pas envisageable pour le moment. Peut-être tôt demain matin, ou après leur départ.


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Peach avait décidé de se poser sur le balcon de l’appartement pour lire un peu. Il était un peu petit, en particulier pour quelqu’un de désordonné comme Daisy, mais vu le reste des prestations - quartier calme, à cinq minutes de tout, loft moderne -, elle n’allait clairement pas se plaindre. Elle remarqua assez vite que le balcon voisin n’avait pas été entretenu depuis un moment. Comme celui de Daisy, il n’y avait pas de fleurs accrochées dessus, mais elle n’avait visiblement aucun mobilier pour en profiter dignement, là où Daisy avait ressorti sa table d’extérieur, les quatre chaises assorties et son transat. Décidément, Pauline était une vraie ermite.

Mais ça ne pouvait pas être que ça. Elle devait bien avoir une raison. Ce sujet l'obsédait vraiment, elle ne pouvait pas savoir pourquoi. Elle alla chercher son ordinateur portable et commença les recherches.


Quand Daisy rentra, elle était déjà à l’intérieur, assise sur le canapé et le PC sur les genoux. La rousse la regardait, la blonde pouvait en être sûre.

“Hé, interdiction de bosser, je te rappelle qu’on est en vacances." dit Daisy en rangeant les courses.

“Je ne travaille pas.”

Pas de réponse, Daisy attendait certainement qu’elle dise ce qu’elle faisait.

“Je fais des recherches sur la voisine.”

Cette fois, la propriétaire de l’appartement est venue vers elle.

“Il y a pas mal d’histoires sur Pauline,” commença-t-elle. “Elle a été défigurée, mais personne ne sait vraiment comment.”

Peach a levé les yeux vers son amie.

“Vraiment?”

“Ouais. La version officielle est qu’une bouteille d’acide mal fermée s’est retournée en tombant et a brûlé toute la partie droite de son corps.”

“C’est horrible!”

“Attend de connaître les rumeurs, on en a eu pas mal: par exemple, l’une dit que son ex-petit-ami l'a attaqué à l’acide car il ne voulait pas qu’ils se séparent. Ou encore celle qui dit que c’est un gorille qui a fait ça, après que la primate l’ait enlevé et se soit enfui sur un chantier, mais j’y crois pas trop. Je crois que ma préférée est celle qui dit que Pauline était une ancienne chanteuse et que c’est une fille de son groupe complètement jalouse qui lui a fait ça juste avant un spectacle.”

Là, Peach était complètement abasourdie, ces histoires étaient toutes plus cruelles les unes que les autres.

“Et encore, c’est pas le pire: la police aurait couvert l’histoire à chaque fois. L’ex en question serait le fils du chef de police, la fameuse membre était la fille du maire et le gorille serait un prétexte pour éloigner les soupçons sur une organisation criminelle qui sévit sur la ville.”

“Et… ce serait pour ça qu’elle se braque?”

“Vu que dans tous les cas, il n’y a pas eu de procès et que les médecins qui l’ont vu n’ont rien pu faire pour elle, je pense que c’est une assez bonne raison de mépriser la société.”

Vu sous cet angle, c’est vrai que la misanthropie était pleinement justifiée. Ses pensées ont été interrompues par des notes de piano. Après une rapide recherche, ça venait de l’appartement voisin, dont la baie vitrée n’avait pas été fermée.

C’était un beau son, bien que ça ne ressemblait en rien à ce que Peach connaissait. C’était vivant et plein d’entrain et la princesse avait presque envie de danser dessus. Aucun doute, Pauline avait de très bons goûts en matière de musique. Puis, c’est devenu plus hésitant, ça se reprenait. 

Pauline n’écoutait pas de piano, elle en jouait.


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C’était une vieille composition que Pauline essayait de finir. Mais elle avait un peu de mal avec le refrain. C’était pas évident de reprendre un travail vieux de plusieurs années et jamais terminé, tout en ayant le style qui a évolué entre temps. Cela lui a valu de quasiment reprendre à zéro, mais ça ne la gênait pas, elle avait tout le temps qu’elle voulait.


Le piano est ce qui a maintenu la brune en vie.

Après l’accident, elle s’est brouillée avec les membres de son groupe, ses trois meilleurs amis. Ils n’avaient pas été sensibles à sa douleur, l’ayant immédiatement surnommée “Scarface” en voyant son visage brûlé. Ils se sont disputés après ça, très violemment. Pauline a dit beaucoup de choses qu’elle a regretté dès qu’elle s’est retrouvée seule.

Elle n’avait jamais été proche de sa famille, entre son père qui voyageait aux quatre coins du monde en tant que musicien professionnel et sa mère alcoolique, ces deux personnes étaient presque des étrangers à ses yeux. Ca devait être réciproque, car ils n’ont jamais cherché à contacter la femme quand elle a quitté le domicile familial, et bien que Pauline a fait des efforts pour garder un semblant de lien au début, elle a vite abandonné cette idée, son père ne décrochant jamais et sa mère n’arrivant pas à aligner des propos cohérents.

Alors, elle s’est enfermée dans ce qu’il lui restait, la musique. C’était mieux que n’importe quelle thérapie, et avec ses exercices de chant, c’est comme si elle montait encore sur scène. L’image qu’elle a laissé à l’époque où tout allait bien planait au-dessus d’elle comme une ombre. C’était peut-être un choix, à ce stade, ayant tout fait pour garder une ligne qui lui permettait de rentrer dans ses vêtements de l’époque.

Parfois, elle rêvait du bon temps, elle rêvait de revenir sur scène. Mais qui voudrait d’elle, maintenant ? Les artistes dans la lumière n’étaient pas défigurés…



La vie a continué ainsi. Pauline descendait chercher son courrier au milieu de l’après-midi pour ne plus croiser sa voisine temporaire, mais c’était le seul vrai changement dans sa vie. A ce stade, le changement d’emploi du temps mettait du piment dans sa routine.


Quelques jours plus tard, elle s’est rendue à Champiville pour rencontrer le chirurgien. C’était un grand nom dans le domaine de la chirurgie réparatrice et il avait déjà fait bon nombre de miracles. Autant dire que la brune était optimiste.

Pauline s’est mise en sous-vêtements devant lui, pour qu’il puisse l’examiner.

La brûlure était très étendue. Elle commençait sur le côté droit de son front, passait à côté de son nez et descendait jusqu’à sa hanche. Son œil a pu être sauvé in extremis par les médecins qui l’ont prise en charge, bien qu’elle voyait assez mal ce dernier. Son corps n’était pas en reste: de l’épaule jusqu’au milieu du bras, mais aussi le long de son flanc et de son ventre, l’acide avait fait de sacrés dégâts, heureusement facilement cachables avec des manches longues. Elle avait aussi eu une tâche au niveau de son genou droit, mais celle-ci avait été camouflée car il y avait beaucoup moins de peau à greffer.

Les yeux du médecin étaient objectifs, il n’y avait aucun jugement sur elle.

“C’est très étendu.” dit-il.

“J’en ai conscience. Mais vous pensez pouvoir faire quelque chose?”

Le docteur a soupiré.

“Je crains devoir répéter ce que mes confrères ont dit, mais il y a beaucoup trop à réparer pour que nous puissions faire quelque chose avec nos moyens actuels. Désolé, madame.”

Tout ça pour ça. Elle avait traversé la moitié du pays pour entendre la même chose qu’on lui disait à New Donk. Elle a toutefois gardé tout ça pour elle, remerciant le chirurgien de l’avoir reçu avant de retourner vers sa voiture.

Elle était dépitée. Maintenant, sa seule hâte était de rentrer chez elle.


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Cela faisait plusieurs jours que Peach n’avait pas recroisé Pauline. Cette dernière l’esquivait certainement. Ce n’était pas grave, la princesse se permettait donc de tomber dans une routine de vacancière.


Un soir, alors que Daisy était partie à une soirée chez l’un de ses nombreux amis dans la ville, la blonde se disait que c’était une soirée idéale pour ne pas supporter les railleries douteuses de sa meilleure amie et pouvoir se coucher tôt.


C’est juste dommage qu’un voisin n’était pas de cet avis et avait organisé une soirée où devait certainement se trouver la moitié du quartier, vu le bruit. Bien entendu, impossible de trouver le sommeil. Exténuée, elle s’habilla à la hâte et décida de trouver la source du bruit. Elle ne voulait pas arrêter la fête, non, mais juste leur demander de faire moins bruit.


L’appartement était aussi sur le palier, juste en face de celui de Pauline. En s'approchant, elle entendit une animation différente de la musique. On aurait dit des cris, ou des railleries, elle ne pouvait pas le savoir exactement. La seconde qui suit, une personne est sortie de l’appartement comme une furie, percutant Peach dans sa course. La princesse parvint rapidement à se stabiliser, posant ses mains sur les épaules de-

Un cri lui a échappé quand elle a vu le visage à moitié brûlé de Pauline. Cette dernière a profité de l’occasion pour fuir, sous le regard complètement abasourdi de Peach.

“Hé, blondie, tu veux te joindre à nous?”

Peach a lancé un regard noir vers la porte, voyant un garçon qui avait certainement sa tranche d’âge. Il était assez attirant, mais pas son style pour autant.

“Que s’est-il passé?”

“Quoi? Avec Visage Double? Rien de méchant, beauté, on voulait juste voir ce qu’elle cachait.”

D’accord, ce garçon n’était pas si attirant que ça quand on voyait son manque d'empathie pour les autres.

“Baissez le son alors. Où j’appelle la police.” dit-elle avant de retourner dans son appartement.


La musique avait atteint un niveau acceptable, mais Peach ne pouvait pas dormir. Elle était rongée par la culpabilité depuis ce bref contact avec Pauline. Pourquoi avait-elle crié, en premier lieu? Elle savait que la brune était défigurée. En voyant et revoyant l’image mentale de cette vue, elle voyait de plus en plus son débardeur, son épaule et son cou brûlés, mais sa main parfaitement intacte. Bon sang, ça devait être sacrément étendu. Elle voyait et revoyait aussi la tristesse dans ses yeux. Ces fêtards l’avaient visiblement humilié en la forçant à se dévoiler devant tout le monde. C’était décidé, le lendemain, elle irait s’excuser auprès de Pauline.


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Cette fois, c’était bon. Pauline ne sortirait plus de son appartement pendant un moment.

La veille au soir, son voisin incroyablement bruyant après le coucher du soleil a encore fait une fête à la limite du supportable. Appeler la police? A quoi bon, elle ne leur faisait plus confiance.

C’était donc logique qu’elle mette un sweat par-dessus son pyjama pour aller leur demander de baisser un peu le son, car il y a des gens qui utilisaient la nuit pour se reposer. Elle a été tirée dans l’appartement et emmenée au milieu de la pièce principale. Malgré qu’elle se soit débattue, elle ne pouvait rien faire face à deux garçons qui la séparaient de son unique protection, dévoilant ainsi une grande partie de sa cicatrice. Le silence a régné, puis les rires ont commencé à se faire entendre, suivis de tous ces mots qui la faisaient tant souffrir. Elle s’est précipitée vers la porte, et a percuté quelqu’un en sortant. Avec le recul, c’était certainement la princesse Peach. Elle l’a parfaitement entendu crier, mais à ce stade, elle ne s’en souciait plus. Son seul but était de regagner la sécurité de son appartement.


Alors que la brune était affalée sur le canapé à ruminer les événements de la veille, quelqu’un frappa à la porte. Elle a regardé la porte sans dire un mot. Ça a de nouveau frappé.

“Quoi?” claqua Pauline.

“Euh… c’est moi…” dit une voix que Pauline pouvait parfaitement associer à sa voisine. “Je voulais m’excuser, pour hier.”

Quelqu’un qui n’était pas un médecin voulait s’excuser auprès d’elle?

Pauline a récupéré un sweat abandonné sur une chaise avant d’aller ouvrir. La princesse Peach se tenait bien devant elle.

“Je n’aurais pas dû crier, hier soir… Mais je ne sais pas… Ça m'a pris d’un seul coup.”

La blonde se balançait maladroitement sur ses pieds. Ses excuses semblaient sincères, mais elle avait aussi l’air maladroite à ce sujet.

“Daisy m’a rapidement parlé de vous… Je savais plus ou moins ce que je verrais si je devais voir la totalité de votre visage… Mais je pense que je n’y étais pas préparé, sur le coup…”

Personne n’a parlé aussi gentiment à Pauline depuis son accident. Peut-être qu’elle aurait dû moins se fermer devant la princesse en premier lieu, cette dernière ayant surtout tenté d’être polie et avenante après un premier contact compliqué.

“C’est rien, vraiment.” dit-elle, remarquant la posture de la princesse se détendre.

“Même, je pense que je n’aurait pas dû.”

“Vous l’avez dit vous-même: vous n’étiez pas prête à voir ça. Et je vais être honnête, j’en veux beaucoup plus au crétin d’en face qu’à vous.”

“Ca se comprend, oui…”

Il y eut un moment de flottement assez gênant, ni l’une ni l’autre ne sachant comment terminer cette conversation.

C’est finalement la colocataire insupportable de la princesse qui a arrangé le coup, montant l’escalier en pleine gueule de bois. La princesse bafouilla quelque chose en rapport à aider cette dernière avant de la saluer et de s'éloigner. La femme ferma la porte, la regardant un long moment.

C’était… agréable, de ne pas se sentir comme un monstre. C’était la première fois depuis l’accident que quelqu’un la traitait aussi gentiment. Ce n’est que quand elle a senti que des larmes coulaient sur ses joues que Pauline se rendit compte qu’elle pleurait. Et pour la première fois depuis des années, ce n’était pas de la tristesse ou de la colère, c’était…

Elle ne pouvait pas le définir. Est-ce que c’est parce qu’elle se sentait humaine ?


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Une fois que Peach parvint à mettre son amie au repos, elle ne put s’empêcher de repenser à Pauline. C’était dingue à quel point cette pauvre femme revenait toujours dans son esprit. Elle voulait la revoir. Elle voulait la connaître davantage, trouver un moyen de la sortir de sa carapace, bref, l’aider. Et vu que Daisy ne risquait pas d’être très active prochainement… peut-être qu’elle pourrait retenter une approche.

Enfin, c’est que Peach pensait avant d’atteindre la porte de son appartement. Comment pouvait-elle faire ça sans que ça paraisse bizarre ? Et elle a repensé à la soirée de la veille. Ce serait logique que Pauline y soit allée avec un sweat, mais elle n’était pas ressortie avec. Cet affreux voisin devait encore l’avoir. Argh, dommage que Daisy n’ait pas fini de décuver, elle aurait sans doute pu le récupérer en quelques minutes. Bon, c’était certainement le moment pour Peach d’agir avec fermeté. Cet homme ne lui faisait pas peur.


Elle frappa à la porte de l’homme avec une détermination dont elle avait rarement fait preuve. Ce dernier ouvrit la porte, visiblement dans un état proche de celui de Daisy quand elle était rentrée.

“Ah, salut blondie !” il tenta de sourire.

“Où est le sweat de Pauline ?”

“Qui ?”

“Pauline, votre voisine d’en face.”

Il fallut encore quelques secondes avant que l’homme fasse le rapprochement avec l’incident de la veille.

“Pourquoi t’en as besoin ?”

“Il n’est pas à vous.”

“Et pas à toi non plus.”

Le sang de la princesse ne fit qu’un tour. Elle attrapa l’homme par le col et plaqua contre un mur dans le couloir dans un geste digne de ce que Daisy pouvait faire pour se faire comprendre. Et quitte à imiter Daisy, autant pousser le vice jusqu’au bout.

“Ecoutez, vous avez franchi beaucoup de limites. Maintenant, donnez-moi ce sweat avant que j’aille le récupérer moi-même.”

Elle a senti à quel point son ton était bas et menaçant. Et ce garçon aussi, vu comme son visage s’est décomposé.

"Ça va, ça va… je vais te le ramener, ce putain de sweat.”

La princesse rose le lâcha et il retourna dans son appartement, laissant la porte ouverte. Quand il revint, il lança le vêtement à Peach sans aucune cérémonie.

“Maintenant retourne vers ton monstre, grognasse.”

La porte se ferma avant que la princesse n’ait le temps de répondre.


Après un rapide examen du sweat pour s’assurer qu’il était propre, Peach se tourna vers la porte derrière elle. Finalement, elle frappa à la porte.

Il fallut encore un instant avant que la porte ne s’ouvre, Pauline portant encore une fois un sweat pour cacher le plus disgracieux.

“Tenez,” dit Peach en tendant le sweat.

Le seul oeil visible de la femme s’illumina quand elle saisit le vêtement.

“Vous… vous l’avez récupéré ?”

“Il le fallait bien.”

Un léger sourire se dessina sur son visage. Ce fut la plus belle victoire de la journée aux yeux de la princesse.

“Merci…”

Il y eut quelques secondes de flottement avant que la brune ne s’écarte timidement de la porte.

“Je… vous pouvez entrer, si vous voulez…”

C’est ainsi que Peach pu entrer dans l’intimité de cette femme.


L’appartement de Pauline était visiblement agencé de manière inversée à celui de Daisy. Le salon était assez peu meublé, un canapé, une table basse et une télévision en mobilier de base, puis un beau piano à queue à l’autre bout de la pièce. Les murs étaient de couleur claires avec des cadres taupes où se trouvaient des affiches de concerts. La princesse s’approcha de l'une d’elles d’inspiration pop-art, mettant en scène quatre personnes. Puis elle a lu le nom.

“Les As ne sont-ils pas trois ?” demanda-t-elle en se tournant vers la cuisine où se trouvait Pauline.

Son hôte en sortit avec deux verres et du jus de fruit, posant tout sur la table basse.

“Vous les connaissez ?”

“Bien sûr. Ils se sont produits plusieurs fois à Champiville. Sauf que je suis sûre qu’il sont trois.”

Pauline baissa les yeux. La princesse a préféré revenir vers elle.

“On était quatre, avant…”

Peach n’a pas répondu, laissant l’autre parler. Le regard de Pauline s’est dirigé vers une autre affiche ou les quatre protagonistes étaient plus visibles.

“Nous étions comme les doigts de la main, à l’époque… On aimait tous la musique, donc j’avais avancé l’idée de former un groupe… Mais bon, maintenant, je ne leur parle même plus… Si ils y arrivent, tant mieux pour eux…”

“Ils sont derrière ce qui t’ai arrivé ?”

“Quoi ? Non ! Ils ne m’auraient jamais fait ça ! C’est juste…” elle baissa les yeux. “Ils n’ont juste pas compris que j’étais dans la spirale descendante…Je ne leur ai plus adressé la parole depuis…”

Pauline était seule et il devenait évident qu’elle en souffrait aussi. Malheureusement, bien que Daisy soit fan d’un des trois as, elle ne les connaissait que de vue et n'avait donc aucun moyen de les contacter. Mais peut-être que Daisy pourrait l’aider, elle connaissait personnellement le producteur qui leur avait permis de faire une tournée à Sarasaland.

“Et même si on ne s’était pas disputés, on aurait fini par se perdre de vue.” reprit la brune. “Après mon agression, notre producteur m’a interdit de monter sur scène… Il disait que mon visage ferait peur au public…”

“Euh…” commença Peach, sentant marcher sur des œufs. “Comment tout ça est arrivé ?”

“Mon ex,” admit machinalement l’ancienne artiste. “Il n’a pas supporté que j’essaie de le sortir de ma vie. Alors lui et quelques-uns de ses amis m’ont tendu un piège…”

Il y eut un silence et un hoquet, la pauvre femme luttant pour ne pas craquer.

“Je me souviens que de la sensation de brûlure… je me suis réveillée à l’hôpital où on m’avait dit qu’on ne pouvait pas me greffer toute la peau qui avait été abîmée, la surface étant trop importante… Il n’a jamais été arrêté pour ça…”

Peach se rapprocha un peu, poussant doucement les cheveux que Pauline utilisait pour se cacher. Cette dernière releva les yeux vers elle. Son œil droit était nettement plus clair que l’autre, elle devait être pratiquement borgne à ce stade. La peau cicatrisée était rougie, mais ne semblait pas non plus la gêner. La princesse ne put s'empêcher de passer la main dessus, sentant la rugosité du derme abîmé. La femme en face enfonça un peu sa joue dans le contact. C’était presque touchant de voir à quel point elle recherchait le contact. Elle n’était pas faite pour être seule et pourtant, elle était coupée du monde. Peach se jura de l’aider à ressortir avant la fin de son séjour.

“Tu accepterais de me présenter New Donk City ?”

“Quoi ? Mais vous connaissez déjà… “

“Je connais la ville selon Daisy. Mais je suis sûre que ta vision de la ville doit être différente.”

“Bon… on peut essayer demain…”

Peach sourit.

“Comme tu le sens.”


Peach rejoignit Daisy pour une après-midi shopping, mais elle était déjà excitée d’être le lendemain. Elle ne put s'empêcher de raconter tout ce qu’il s’était passé pendant que son amie dormait, fière d’avoir réussi à approcher Pauline.

“Je te jure, elle est adorable, en fait !” dit-elle en voyant son amie rouler des yeux.

“Tu trouverais un koopa qui t'aiderait adorable, Peachy…” admit Daisy.

Et ce n’était pas faux. Peach pouvait voir le bien chez tout le monde, même quand c’était compliqué.

“Ecoute Daisy, elle est juste profondément seule… on devrait l’inviter à passer une soirée avec nous avant qu’on rentre.”

Daisy a arrêté d’inspecter le portant de T-shirts, adressant un drôle de regard à Peach.

“Euh… qu'est-ce que j'ai dit ?”

“Je vais finir par croire que tu veux juste pécho, en fait.”

Peach se sentit rougir, bafouillant quelque chose que même elle ne comprenait pas. Daisy sourit de toutes ses dents, visiblement fière de l’avoir embarrassé.

“Hé, ça va ! Tu sais, je pense que j'aurais dû me douter que tu préférais les femmes… Je veux dire, vu la violence de friendzone de ce pauvre Mario et comme tu as lorgné sur Harm-”

Peach se dépêcha de mettre une main sur la bouche de son amie. Elle avait de la chance que personne ne les regardait, la situation étant vraiment embarrassante. Quand Peach s’écarta de son amie, cette dernière reprit son inspection.

"Ça va Peachy, il n’y a pas de honte. Et si Pauline te plait, tu peux toujours espérer avoir plus. Toute façon, t’as pas de concurrence…"

Peach ne pouvait probablement pas être aussi rouge. Alors elle préféra garder le silence au lieu de s’enfoncer face à une femme qui ne la connaissait que trop bien.


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Avant l’accident, Pauline était populaire auprès des gens, hommes comme femmes. Elle était talentueuse et belle, on ne lui demandait pas plus. Avant de sortir avec Richard, elle enchaînait les conquêtes. Et même si au début, elle ne répondait pas aux signaux de son public féminin, elle avait fini par céder, impressionnée que ce soit tout aussi intense avec ces dernières. Elle avait tenté de se poser plus d’une fois, d’abord avec Mario où aucun des deux étaient prêts à la stabilité, puis Richard quelques années plus tard, qu’elle a fini par trouver toxique. Et lui avait refusé qu’elle prenne ses distances, l’ayant chosifié au point de la détruire quand elle ne voulait plus de lui. Le maire avait étouffé toute l’affaire puisque son précieux fils était dans l’histoire.

Depuis, tout s’était enchaîné, au point qu’elle déménage et s’enferme dans son appartement.

Elle avait réussi à se faire diagnostiquer une phobie sociale car elle ne voulait plus voir les autres, bien qu’elle devait encore aller chercher son courrier et faire ses courses.

Mais aujourd’hui…

C’était différent. Pour la première fois depuis tout ce temps, une personne a simplement tendu la main vers elle, et ne l’a pas vue pour ses blessures. C’était tellement agréable de se sentir aussi humain.

Et demain, elles iraient toutes les deux en ville.

Est-ce que Pauline se sentait prête ? Probablement pas… mais c’était un mal pour un bien. Elle a dû rencontrer la princesse Peach pour se rendre compte d’à quel point elle avait besoin de se sentir valorisée, pour voir que le monde ne s’était pas complètement effondré. Et maintenant, elle allait présenter à la princesse la ville dans laquelle elle était née telle qu’elle avait connu. Elles ne seraient que toutes les deux.

Si Pauline était optimiste, elle y verrait un rendez-vous galant. Mais comme elle était désespérée, elle y voyait plutôt un supplice de sortir en manches longues par 25°C. Encore heureux qu’elle connaissait pas mal d’endroits climatisés. Enfin, si ils étaient encore ouverts, depuis le temps…

Maintenant, elle voulait dormir. Mais l’autre connard de Travis était encore en train de faire une putain de fête et il était pour elle hors de question de retourner dans l’appartement d’en face si c’était pour détruire le peu d’estime d’elle-même que Pauline avait réussi à retrouver dans la journée. Puis la voix de sa voisine occasionnelle perça le bruit avec un porte-voix, sommant aux fêtards de baisser le son avant que la police n’arrive. Ça a suffit pour qu’ils baissent le son, au moins.


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Peach parti vers l’appartement voisin en début d’après-midi. Elle n’avait pas pu s’empêcher de repenser à la conversation qu’elle avait eue avec son amie la veille.

Oui, elle aimait les femmes, bien qu’elle faisait tout pour garder cette information pour elle. Oui, elle avait eu des vues sur Harmonie, mais elle avait vite montré son désintérêt pour la princesse rose, poussant cette dernière à passer à autre chose.

Mais Pauline…

Oui, son âme était belle, mais elle était trop faible psychologiquement pour que Peach se permette de tenter quoique ce soit. La pauvre deviendrait trop dépendante et ce n’était pas quelque chose que la princesse rose voulait. Peut-être dès que cette dernière s'assumera un peu plus, ce serait envisageable.


La porte s’ouvrit quelques instants après qu’elle ait frappé, montrant une Pauline qui portait une veste à capuche plus légère que ses sweats. C’était sympathique de la voir dans une tenue qui mettait sa silhouette plus en avant. Et comme toujours, ses cheveux cachaient ce que la capuche ne cachait pas.

“Vous êtes prête ?” demanda-t-elle.

“Oui !” s’enjoua Peach.


Le binôme descendit dans les rues de New Donk City et commencèrent par prendre le métro, se rendant dans les quartiers du centre-ville. Là-bas, Pauline montra tout ce qu’elle connaissait, les boutiques où elle avait ses habitudes avant son déménagement, l’immeuble dans lequel elle vivait, l’école qu’elle fréquentait et où elle avait rencontré les As… puis elles firent une pause dans le café où Pauline travaillait après les cours.

“On se produisait parfois ici, le soir…” admit Pauline en attendant leurs boissons. “Mais visiblement, ça a changé de propriétaire. Enfin, c’est pas plus mal: je n’ai pas envie d’être reconnue.”

Ça pouvait se comprendre, elle avait tout quitté, de toute façon. Finalement, le serveur leur a donné leur commande et Peach assuma l’intégralité de cette dernière.

“C’est gentil.” remercia l’autre femme en prenant son verre.

Ce café était incroyablement calme, certainement à cause de l’heure où elles étaient sur place. Il était facile de supposer que les soirées ici étaient plus animées avec la scène qui trônait fièrement à l’autre bout de la pièce. Pauline avait été une chanteuse et sa carrière avait sans doute débuté ici.

Il fallut encore quelques minutes pour que Peach sente des regards insistants sur elles. En balayant rapidement la pièce, elle vit un trio qui les regardait depuis leur table, sans dire un mot. Peach était sur le point de se lever quand elle reconnut l’un d’eux: Cursio Piuma. C’était le membre des As dont Daisy était une fan inconditionnelle. Il était très différent de l’homme au bandeau et au jean déchiré qu’il était sur scène. C’était un homme habillé de manière vraiment classe, une veste aux manches mi-longues avec une chemise verte foncée. Ses cheveux bruns d’ordinaire lâchés et libres étaient cette fois-ci tirés vers l’arrière, probablement attachés. Si Peach l’a reconnu, c‘est uniquement car un homme aux yeux violets, ça ne court pas les rues. Quand leurs regards se sont croisés, il a immédiatement tourné les yeux vers la fille qui était à ses côtés. Peach détourna le regard, voulant dire à Pauline qui les regardait. Mais visiblement, cette dernière ne s’était rendue compte de rien. Elle paraissait si paisible…

Alors la princesse n’a rien osé dire, tentant de faire abstraction du trio.

Ça a duré une minute, le temps que la fille ne vienne à leur table. Cette fois, Pauline a levé les yeux vers l’étrangère, la reconnaissant immédiatement.

“Belina ?”

L’autre femme n’a pas répondu, la prenant dans ses bras sans crier gare. Pauline commença immédiatement à pleurer au contact, refermant l’étreinte de son côté.


Cursio paya leur deuxième consommation, personne n’osant parler. L’ambiance était lourde, chacun devait avoir peur de faire un faux pas.

“On te doit des excuses.” commença l’homme blond, Achille. “On ne savait pas trop comment réagir, après ta sortie de l’hôpital…”

Pauline le regarda, le laissant continuer.

“Ca aurait été déplacé de nous excuser juste après t’avoir laissé partir… Mais le temps qu’on se sente prêt à le faire, on n’avait plus aucun moyen de te contacter…”

“Je vous dois aussi des excuses…” souffla Pauline. “Je n'aurais jamais dû m’emporter comme ça…”

Peach n’avait pas tout les détails, mais elle pu voir la posture des autres personnes autour de la table se détendre.

"Ça n'a pas été facile sans toi.” avoua Belina. “On a changé de label plusieurs fois avant d’en trouver un qui rentrait dans nos critères…”

“Vos critères ?” demanda Pauline.

“Oui. On avait pas mal d’exigences.” répondit Cursio en étudiant le vin de son verre. “Mais pour te le dire, je crois qu’on va devoir te montrer quelque chose.”

“Sinon” reprit Belina en changeant de sujet, “vous êtes amie avec son altesse ?”

“Oui.” dit Peach avant que la principale intéressée ait le temps de répondre. “Nous nous sommes rencontrées il y a quelques jours.”

La fille sourit.

“Je suis contente de voir que tu arrives à te faire des amis… J’avais tellement peur que tu te refermes complètement sur toi-même après tout ça.”

Pauline n’a pas vraiment cherché à la contredire, se contentant de baisser les yeux vers sa tasse. En voyant ça, Achille se contenta de passer une main dans le dos de la mutilée dans un geste compatissant.

“C’est rien ma grande. Tu avais juste besoin de temps pour revenir.”

C’était presque beau de voir à quel point le trio se préoccupait de l’état de Pauline. Mais Peach était un peu jalouse de voir à quel point ils avaient vite ouvert une carapace que la princesse a trouvé comment faire par chance.

Cursio finit par se concentrer sur la princesse.

“Que faites-vous à New Donk City ?” demanda-t-il.

“Oh, je suis juste là pour les vacances… Vu que je suis dans une période creuse, j’en profite pour voyager en tant que madame tout-le-monde.”

L’homme hocha simplement la tête, prenant une gorgée de son vin. Les deux autres restaient concentrés sur Pauline, rassurants et chaleureux.

“Je suis content que Pau’ ait quelqu’un comme vous dans sa vie,” continua-t-il. “Après ce qu’elle a traversé, elle doit avoir besoin d’être entourée." Il baissa les yeux. “On a juste été trop cons pour le comprendre, à l’époque…”


Les boissons terminées, le groupe se leva et quitta le café. Achille avait pris le relais sur le poste de guide, emmenant les deux femmes dans un endroit que Pauline “allait adorer” selon ses dires. La principale intéressée vers la princesse, l’utilisant encore comme béquille malgré la bienveillance du trio d’artistes. Ils ont finalement poussé la porte d’un immeuble, puis pris l’ascenseur pour monter au dernier étage de ce dernier.


Une fois sortie de l'ascenseur, les yeux de Peach se sont immédiatement dirigés vers la grande baie vitrée: la vue était imprenable. Ils voyaient la mairie sans que cette dernière ne bouche la vue. La princesse était d’ailleurs sûre qu’on pouvait voir le quartier où se trouvait l’appartement de Daisy depuis ce spot.

“Vous savez princesse,” commença Achille avec nonchalance. “On dit que New Donk City ne dort jamais. Ici, on en a la preuve: le monde fourmille d’en bas !”

“C’est ici qu’on a installé notre studio d’enregistrement,” admit Belina.

De son côté, Pauline était parfaitement silencieuse. C’était tellement étonnant que Peach a balayé la pièce du regard pour la chercher.

Outre les deux pièces qui servaient au mixage et à l’enregistrement, il y avait des instruments rangés ça et là dans la salle principale. Une cuisine ouverte se trouvait vers l'ascenseur, et il y avait plusieurs portes fermées un peu plus loin. L’une d’elle était entrouverte, laissant apparaître un lit de l’autre côté. Aucun doute, le trio devait parfois rester ici plusieurs jours consécutifs ici pour travailler. Et enfin, elle vit Pauline qui était dos à elle. Sur le mur qu’elle regardait, quatre emblèmes étaient au milieu des différents disques d’or et de platine que possédait le groupe. Et en regardant le trio qui les accueillait, elle fit le rapprochement : le trèfle rose était similaire à celui que Belina avait sur les branches de ses lunettes, le carreau bleu était semblable à celui qui était cousu dans le dos de la veste d’Achille et le simple fait que le pique soit vert comme la chemise de Cursio pouvait les associer. Alors, le cœur rouge était… Pauline ?

Peach vint vers son amie, se mettant à sa hauteur pour mieux regarder les emblèmes. Cette dernière ne l’a pas vraiment calculée, visiblement obsédée par le mur.

“Il faut que je te dise,” commença Cursio en se mettant de l’autre côté de la brune. “On a toujours espéré que tu reviennes vers nous, que tu réintègres le groupe. Alors, quand on commençait à avoir confiance dans nos producteurs, on leur présentait des connaissances qui avaient un problème physique mais du potentiel. Et si ils étaient refusés pour leur physique, on changeait de label.”

Les larmes sont montées aux yeux de Pauline alors que l’homme la prenait contre lui, frottant son bras comme pour la réchauffer.

“On peut reprendre les répétitions lundi, si tu veux.”

La femme n’a pas répondu, se contentant de hocher la tête.


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Après cette après-midi riche en émotions, les deux femmes sont retournées dans leur immeuble. Pauline ne s’était rarement sentie aussi bien. Elle venait de retrouver ses meilleurs amis, mais aussi sa place dans leur groupe. Elle allait remonter sur scène !

Et elle devait tout ça à la princesse Peach. Si cette dernière n’avait pas tant insisté pour la connaître, elle n’aurait jamais cherché à sortir et ne serait sans doute jamais tombée sur son groupe, vivant maintenant dans un quartier complètement différent d’à l’époque.

Il y avait du bon d’avoir des amis, et tant que Peach était là, elle pensait devoir continuer sur cette lancée.

“Au fait, princesse.”

“Peach.” la coupa la princesse, catégorique. “Je pense qu’on peut se tutoyer, à ce stade."

“Euh, oui… Je voulais savoir si ça vous gênerait de me présenter votre amie.”

Le sourire de Peach devint rayonnant.

“Elle sera ravie de te connaître !”

Alors, au lieu de gagner son appartement, la brune suivit celle qu’elle commençait à considérer comme une amie dans l’appartement voisin.


La princesse Daisy rentra environ vingt minutes plus tard, ayant visiblement passé une bonne après-midi de son côté. Elle toisa avec une drôle d’expression Pauline dans la seconde où elle la remarqua.

“Salut Daisy !” sourit la princesse. “Regarde qui a décidé de passer la soirée avec nous !”

Sans un mot, la rousse gagna la salle de bain.

Merde…

La bonne humeur de Pauline était retombée d’un coup. Elle dégoutait un papillon social comme la princesse de Sarasaland.

Puis quelque chose attrapa ses cheveux et les tira vers l’arrière. Pauline poussa un cri de surprise, fermant les yeux en s’attendant de prendre un coup.

Puis plus rien.

Pauline ouvrit son œil valide, voyant le regard de Peach concentré sur ce qui était au-dessus d’elle.

“Bah quoi ?” commença l’autre princesse avec sa voix moins criarde que d’habitude.

“Daisy, t’as pas à la forcer !”

Ouvrant son deuxième œil, l’invitée remarqua à quel point le monde était clair. La princesse rousse avait attaché ses cheveux, mettant ses plaies à découvert.

"Principe du kintsugi, très chère !” continua la rousse avec un sourire dans la voix.

“Le… quoi ?” hésita la brune.

“Le kintsugi, ou mettre en avant des cassures en les sublimant !”

La rousse s’assit finalement sur le canapé.

“Alors, t’as enfin décidé de sortir de ta caverne ?”

C’était étonnant de voir une princesse se comporter ainsi, mais Pauline n’allait pas se plaindre: elle préférait mille fois ça que toutes ces années de solitude.

“Remerciez votre amie, je ne serais pas là sans elle.”

L’étrangère sourit.

“Si je savais qu’il fallait inviter Peach pour qu’on puisse faire connaissance, je l'aurais sans doute fait avant.”

Pauline réalisa à quel point elle s’était trompée sur la princesse Daisy à cet instant. Elle avait elle aussi tenté pas mal d’approches au gré de ses séjours, mais Pauline les avait farouchement repoussées, ayant vu à quel point les plus hauts dans la société pouvaient être cruels. Mais à l’instar de Peach, son homologue ne voyait pas ses blessures.

Maintenant, elle voulait savoir si il y avait d’autres choses sur lesquelles elle s’était trompée.


La soirée continua dans la bonne ambiance. Daisy se permit même de mettre un peu de musique comme fond d’ambiance, assez fort pour l’entendre mais assez bas pour qu’aucune n’ait à hausser la voix. C’est dans cet état d’esprit que Pauline appris que ses nouvelles connaissances partaient le week-end même, mais la princesse rousse tenait à ce qu’elle récupère leurs numéros, pour pouvoir se revoir si la brune allait d’aventure dans la ville de résidence d’une des deux princesses.


Par la suite, le trio passa ses trois derniers jours ensemble avant ce qui sera un moment, et bien que Pauline avait été contre au début, les deux princesses lui ont repayé une garde robe complète, faite de vêtements plus estivaux pour lui apprendre à assumer pleinement ses cicatrices. Pauline repensait aussi à sa carrière à venir. C’est vrai qu’elle devrait s’accepter telle qu’elle était pour s’épanouir, même devant les autres. Mais de là à ce que deux princesses lui payent de nouveaux vêtements…

Bon, si ça leur fait plaisir.


Ces jours sont vites passés, avant de se retrouver avec les deux princesses sur le quai de la gare de New Donk City. Ca faisait maintenant une dizaine de minutes qu’elles discutaient avec une certaine ferveur, bien qu’elles se promettaient de se revoir.

Daisy a fini par monter dans le train pour charger leurs valises, laissant la brune seule avec la princesse blonde.

“J’espère revenir rapidement ici…” admit la princesse.

“Je ne sais pas si je vais rester longtemps dans le coin, si je reprends ma carrière…”

“Et je te souhaite le meilleur.”

Un sifflet retentit, marquant la dernière chance pour Peach de ne pas louper son train.

Il y eut un dernier moment de flottement gênant, puis la princesse sourit avant de monter dans le train, les deux princesses la saluant alors que ce dernier commença à s’éloigner.


Maintenant que l’avenir n’était plus dans les quatre murs de son appartement, le cœur de Pauline se gonflait d’espoir.


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