Lame Noire et Aile Blanche

Chapitre 5 : ... Mais l'espoir reste

Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 19:21

Chapitre 5

… Mais l’espoir reste

 

 

« L’attaque française visait les faubourgs de Portsmouth et non-pas la ville elle-même ». Pense-t-il au milieu du magma bouillonnant d’émotion de son esprit : de la joie, de la tristesse (un peu), de la peur… Il descend de son perchoir rutilant en silence. Son visage n’exprime aucune émotion. Les habitants des faubourgs sont  en train de déblayer les gravats… du moins, c’était ce qu’ils faisaient avant de reculer devant Obversaria et le nuage de poussière qu’elle a créé en se posant. Ils reconnaissent Ethan, qui est facile à repérer avec son physique particulier, et le regardent avec des expressions étranges : l’étonnement tout d’abord, suivie de près par la colère et le mépris… Mais pas la tristesse ni l’empathie. Ils le haïssent à cause de sa différence... Probablement.

Ethan s’approche des décombres lentement, toujours avec un visage glaçant de neutralité. Il entame un tour des décombres à la vitesse d’une marche funèbre et semble chercher quelque chose… ou quelqu’un. Il entend les badauds chuchoter entre eux mais il n’en tient pas compte. Après trois minutes dans cette situation oppressante, il trouve enfin ce qu’il cherchait : une cassette en bois sombre. Elle semble intacte malgré les traces de brûlure sur le sommet de la boîte. Il s’approche des locaux, la peur au ventre, pour prendre des nouvelles après avoir vérifié par réflexe la présence rassurante de Susiron.

« - Est-ce qu’ils sont tous mort ? Demande Ethan avec une voie fêlée.

- Qu’est-ce que ça peut te faire démon ? Cri une femme dans l’assemblée compacte.

- Silence ! répond l’homme auquel Ethan s’est adressé. Il n’y a aucun survivant. Tu vas habiter chez moi.

- Non ! Ethan recule d’un pas.

- Ne discute pas ! C’est mieux pour toi. Affirme l’homme en s’avançant.

- Non je refuse. Les larmes lui montent aux yeux et recule encore d’un pas. Je ne veux pas rester ici, surtout après ce drame… Finit-il en imprégnant sa voix de tristesse.

- Un drame ? Tu te fous de nous ? Tu es bien content oui. Où tu étais quand ça s’est passé ? Tu as intérêt à ne pas nous mentir vaut-rien. Allez viens, on va discuter ailleurs. L’homme se fait de plus en plus menaçant.

-Non ! Ethan commence à perdre son calme et à céder à la peur.

L’homme attrape le bras gauche du jeune garçon avec force et commence à l’entrainer vers les faubourgs en passant devant l’assemblée qui continue à le maudire du regard en silence. Soudain, un grand bruit sourd retenti et un nuage de poussière se soulève devant eux. L’écran de poussière se met à grogner. Obversaria leur barre la route de toute sa hauteur avec un air menaçant. L’assemblée est blême. Ils ont tellement peur qu’ils en oublient de s’enfuir, Ethan comprit : Un dragon dont la seul phalange est plus grande que lui et qui montre les crocs… Il reprend ses esprits avant les autres, profite du relâchement de la pression sur son bras pour se dégager et courir vers Obversaria. L’Amiral Lenton, qui observait la situation jusque-là, intervient pour calmer sa partenaire. Ethan, en larme, se cache derrière la patte avant droite de la dragonne dont la chaleur omniprésente le calme un peu. Il retrouve Catherine, postée derrière l’autre patte, qui a reçu l’ordre de rester près d’Obversaria apparemment. Son regard croise le sien : Ethan voit de la tristesse, et peut-être de la pitié, dans ses yeux. Lenton prend la parole devant le groupe qui a maintenant reculé de 10 pas.

« - Je suis l’Amiral Lenton, responsable de la base des Aerial Corps de Douvres, sur Obversaria, ici présente. » La dragonne n’a toujours pas quitté des yeux le petit groupe devant elle. Elle le fixe tout en restant immobile : comme un chat prêt à bondir.  « Ce qui s’est passé est une tragédie pour cet enfant et pour vous j’en suis persuadé. Mais traiter ce garçon avec autant de mépris est un véritable scandale ! Vous devriez avoir honte !

- Vous ne le connaissez pas. Répond l’homme dans un sursaut de courage. C’est un démon qui a apporté le malheur sur nous dès sa venue.

- Vous êtes un ancien un ancien marin n’est-ce pas ? demande Lenton à l’homme qui a parlé.

- Oui. Quel rapport ?

- Il n’y a qu’un marin qui peut croire à ces histoires de fantôme, d’esprit et malédiction. Des histoires tout justes bonnes à faire peur à un enfant de 4 ans. »

L’homme allait répliquer mais un grondement d’Obversaria le fait changer d’avis. Lenton se retourne vers cette dernière et regarde Ethan qui semble misérable et tremblant. Il lui fait un clin d’œil discret que le jeune garçon capte tout de suite.

« - Cet enfant est un orphelin, une victime de la guerre. » Il se retourne face aux badauds qui ont encore reculés. « Le Gouvernement s’en occupera ; et en tant que représentant officiel du Gouvernement en fonction, je m’en chargerait. Des questions ? »

Son ton était formel et aussi indiscutable que la Justice elle-même. Aucune question ne se fait entendre bien entendu.

« - Bien. Dans ce cas tout est réglé il me semble. Ethan ? As-tu quelque chose d’autre à récupérer ?

- N… non Amiral. Déglutit Ethan entre deux sanglots silencieux… et un très subtil sourire au coin des lèvres.

- Alors nous embarquons. Harcourt, Carter, à vos places respectives.

- A vos ordres, Amiral. Répond Catherine.

- Ou… oui. Dit Ethan encore tout secoué. »

Rapidement mais sûrement, ils remontent tous les trois sur Obversaria qui continue de fixer inlassablement le groupe de badauds. Ethan les déteste, et se sentir enfin au-dessus d’eux est un plaisir qu’il savoure malgré la situation présente. Elle s’élance dans les airs, sans sommations, avec violence comparé au décollage précédent. Ce faisant, elle soulève un nouveau nuage de poussière qui englouti le groupe resté au sol à maugréer. Dix secondes plus tard, la voici dans le ciel avec son chargement qu’elle a bien failli désarçonner avec son envol très sec. Elle brasse de grande quantité d’air, gagne rapidement de la vitesse et ne prend même plus la peine de contourner la ville comme à l’allé ; Lenton ne la reprend pas d’ailleurs.

L’air pur du ciel, la fraicheur ambiante et toute la scène qui venait de se dérouler, tout cela a eu raison des nerfs du jeune garçon qui éclate en sanglot. Il pleure sincèrement. Catherine se rapproche de lui pour passer un bras sur les épaules tremblantes d’Ethan.

« - Je suis vraiment désolé. Dit-elle d’un ton compatissant. Tu devais beaucoup aimer tes parents. »

- Non ce n’est pas ça ! Gémit Ethan qui tourne le dos à Catherine. J’ai menti ! Je me suis juré de ne jamais mentir. J’ai simulé. J’ai fait semblant d’être triste alors que ce n’était pas vrai. Je devais mentir, faire comme si j’étais triste sinon ils allaient encore dire que je suis un démon. Si l’Amiral Lenton et Obversaria n’étaient pas là, ils m’auraient tué c’est sûr. Je sais qu’ils l’auraient fait. Il s’arrête un instant pour sécher ses larmes. Dit ? Est-ce que je suis un démon ? Un être sans cœur ? Demande-t-il, implorant, à Catherine.

- Bien sûr que non tu n’en es pas un. Assure Catherine qui ne l’a pas lâché pendant toute sa tirade. Les démons n’existent pas !

- Je le sais bien mais…

-  Il n’y a pas de « mais » ! L’interrompt Catherine en l’étreignant plus fermement. Les démons n’existent pas et les êtres sans cœur non-plus ! Tu n’es pas mauvais et tu viens de le prouver en pleurant : les hommes mauvais ne pleurent pas. Et puis, ce n’est pas grave si tu as mentis une fois dans un contexte malheureux. Je te pardonne. Maintenant calmes toi, sèche tes larmes et regarde plutôt où tu es en ce moment. »

Catherine est convaincante. Suffisamment en tout cas pour qu’Ethan suive ses conseils. Il domine le monde sur un gigantesque vaisseau d’or. Les écailles d’Obversaria brillent de mille feux grâce à la lumière orangée et flamboyante du crépuscule. Le jeune garçon est obligé de plisser les yeux devant tant de rutilance. Après avoir détaché son regard de la dragonne, il s’aperçoit que cette dernière a dépassé la base. « Où nous emmène-t-elle ? » S’étonne Ethan. Après encore une minute d’ébahissement devant ce paysage qu’il n’avait vu que dans ses rêves, il se décide à poser sa question à la principale intéressé… Mais avant cela, il doit convaincre Catherine qu’il se sent mieux et donc de le libérer de son étreinte. « Et puis non ! Ca attendra ! » Songe Ethan en lui rendant, enfin, son étreinte. « C’est la première personne à m’enlacer ainsi… C’est agréable comme sensation ».

« - Merci. Murmure-t-il dans l’oreille de Catherine.

- C’est normal. Lui assure-t-elle en desserrant son étreinte. Entre « collègues » il faut s’entraider.

- « Collègues » ?

- Evidemment. N’as-tu pas entendu ce qu’a dit L’amiral ? »

Ethan ne sait que répondre. Il se tourne vers Lenton, les yeux plein d’espoir, comme pour attendre son approbation. C’est à ce moment-là seulement qu’il remarque que Lenton est assis en tournant le dos à Obversaria (à sa tête en fait) et qu’il les regarde avec un léger sourire. Ce dernier voit le regard interrogateur d’Ethan et se contente de rire bouche fermée avant de se retourner, comme si la réponse à sa question muette allait de soi. Lenton demande à sa partenaire de retourner à la base.

Elle atterrie avec rudesse sur le terrain de la base. Elle ne s’est pas encore totalement calmée de son coup de sang de tout à l’heure. Ethan descend de son dos en glissant le long de son flanc gauche. Un peu trop facilement d’ailleurs : il avait encore oublié de fixer son baudrier. Catherine le rejoint après avoir détaché le sien et le regarde d’un air accusateur. Ethan répond avec un regard amusé et faussement coupable. Elle est très « à cheval » sur les règlements.

« - N’oublie pas ta boite. Lui dit-elle après avoir soupiré.

- Oui, bien sûr.

Il l’avait accroché au harnais sur le flanc droit juste avant de décoller. Il fait donc le tour d’Obversaria qui est en plein pourparlers avec son partenaire : « Pour une dragonne de sa taille, sa voix est plutôt discrète ». Pense Ethan en s’approchant de sa cassette. Il a utilisé l’une de ses lanières «  de déplacement » pour l’attacher. Les lanières de déplacement sont utilisées par l’équipage embarqué pour, justement, se déplacer sur le harnais : avec deux sangles au baudrier, normalement accrochées au harnais, on en décroche une pour la raccrocher plus loin sur le harnais et ensuite on déplacer la deuxième sangle pour rester accroché au harnais quoi qu’il arrive. Il l’a lu dans un livre mais lequel…

Sa boite a beaucoup de valeur à ses yeux : Il la tient à deux mains et fermement. Après avoir refait le tour de cette montagne d’or, Catherine risque une question au sujet du contenu de la fameuse boite. Ce à quoi Ethan répond :

« - Je ne veux pas l’ouvrir devant toi, ne m’en veux pas : c’est mon âme qui est dans cette cassette.

- Ton âme ? »

Ils n’ont pas le temps de s’étendre d’avantage sur le sujet, au grand soulagement d’Ethan, car l’heure est venue pour la formation de rallier Douvres qui est à environ 30 miles de Portsmouth (environ 120 Km soit 1 heure vol en vitesse de croisière). Le retour d’Obversaria devait être le signal de départ car toute la base a commencé les préparatifs à son arrivé.

« - Dans 10 minutes, tout sera prêt. Annonce Lenton à Ethan. Toutes tes affaires sont là ?

- Oui Amiral. Confirme le garçon. »

Il a toujours gardé son sac avec lui, sur son dos, Lenton lui donne l’ordre de rester en retrait le temps du chargement : il montera sur Obversaria une fois cette dernière équipé pour le court trajet. Ethan obéit et observe la fourmilière militaire se mobiliser sous ses yeux embués par de récentes larmes : des larmes de joie. Avec toutes ses émotions contradictoires qui l’ont assaillies ces dernières 24 heures, il est soudain prit de vertige. Il s’assoit à même le sol pour prendre le temps de remettre de l’ordre dans ses pensées. Son regard s’accroche sur le pommeau de sa lame. La présence de Susiron le rassure à chaque fois qu’il en a besoin : c’est sa meilleure et indéfectible amie.

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