Planet Hell (Tome I) The Year 2149

Chapitre 7 : « Les rédempteurs de ce monde résident dans l'hypocrisie. »

2843 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/05/2021 15:21

Les rédempteurs de ce monde résident dans l’hypocrisie1. Et, aux yeux de Sally, le Chancelier Jaha n’échappe pas à la règle. Écoutant son discours de la Journée de l’Unité, réunie avec les délinquants devant le petit écran qui les relient à l’Arche, elle ne peut s’empêcher de critiquer mentalement les moindres dires du dirigeant. La fierté qu’il affiche, alors qu’il a envoyé des enfants au casse-pipe, éveille chez elle une vieille sensation de dégoût.

La jeune femme est soudainement tirée de ses songes par le son strident qu’émet l’écran qui ne diffuse plus qu’une image brouillée. Raven s’approche de l’appareil, tentant de comprendre ce qui ne va pas. Après un moment à tenter en vain de rétablir la liaison avec l’Arche, elle annonce aux autres que la communication est rompue pour une durée indéterminée. Mais la mauvaise nouvelle est très vite oubliée par les occupants du camp lorsque Jasper, un bidon de métal en main, sort de sa tente en criant de joie. Il s’avance dans la foule en annonçant que l’alambic de Monty fonctionne. Tous les adolescents s’attroupent autour de lui afin de goûter ce qu’il appelle le Nectar de l’Unité.

Ne parvenant toujours pas à trouver sa place et n’ayant la force d’essayer, Sally décide de s’isoler au troisième niveau de la navette où elle a fini par élire domicile. Elle s’assied sur son lit, ses bras autour de ses jambes qu’elle a ramené contre sa poitrine. Elle ne peut s’empêcher de songer aux hallucinations qu’elle a eu quelques jours plus tôt. La simple pensée que le Docteur l’ait bel et bien abandonnée lui arrache de nouvelles larmes qu’elle ne parvient pas à contrôler. En colère contre elle-même, elle martèle sa tête contre le mur où elle est adossée.

Pourquoi cela lui fait encore plus mal qu’avant ? Elle avait pourtant fini par se résoudre à cette idée que le Docteur l’avait abandonné. Probablement est-ce parce qu’un nouvel espoir est né lorsqu’elle a trouvé le TARDIS. Cet espoir que son mentor, qu’elle considérait presque comme un père, ne l’avait aucunement oublié sans remords.

« Tout va bien, la solitaire ? » Sally sursaute, n’ayant entendu l’écoutille s’ouvrir, puis dirige son regard larmoyant vers Raven. Cette dernière s’avance pour venir ensuite s’installer à ses côtés. Puis elle lui tend l’une des deux tasses de métal qu’elle a en mains. Après avoir rapidement essuyé ses larmes du revers de sa manche, la blonde saisit le récipient et le lève en l’honneur de la Journée de l’Unité avec la jeune mécanicienne. À peine porte-t-elle la boisson à ses lèvres que l’odeur la fait grimacer. Et le goût amer qui reste accroché à sa gorge dès la première lampée lui donne des frissons.

Raven entame la discussion en parlant de l’Exodus, la navette qui viendra prochainement sur Terre en renfort, mais Sally n’écoute qu’à moitié. Son esprit est bien trop encombré par ses propres réflexions qui l’assaillisse une nouvelle fois. N’aimant les questions sans réponse, elle coupe la jeune femme dans son monologue en disant : « Parle-moi de John Smith !

— Smith ? s’étonne-t-elle. Tu le connais mieux que moi, non ?

— J’ai juste … Cela fait des années que je ne lui ai pas parlé. J’ai besoin de savoir s’il est toujours le même.

— Il sera à bord de l’Exodus. D’ici quelques jours tu pourras le découvrir par toi-même.

— Raven. S’il te plaît ! » insiste-t-elle.

De sa désinvolture qui cache une incroyable intelligence à son regard triste qu’il tente tant bien que mal de dissimuler, la jeune femme lui raconte tout ce qu’elle sait de cet homme. Mais parmi les nombreuses banalités, un détail se démarque enfin. Quelques habitants de l’Arche sont persuadés qu’il ne vieilli pas. Ils pensent même qu’il serait l’un des premiers habitants de la station orbitale. « Selon lui, explique Raven, c’est parce qu’il ressemble beaucoup à son père qui lui-même ressemblait beaucoup au sien. »

Un homme capable de fabriquer un tournevis sonique que l’on pense immortel, quiconque connaissant le Docteur saurait que c’est lui. Mais au plus profond de son être, Sally ne parvient pas à s’en convaincre. Peut-être préfère-t-elle l’hypothèse de sa mort après la Grande Guerre. Un frisson froid s’empare de son échine à cette affreuse pensée, qu’elle s’empresse immédiatement de chasser de son esprit.

La jeune femme pose sa tasse sur le sol et se lève, sous le regard interrogateur de son interlocutrice. La blonde s’excuse auprès de cette dernière, prétextant avoir besoin de s’aéré, puis s’avance en direction de l’écoutille pour quitter la navette.

Comme Bellamy, il y a quelques temps, Sally emprunte l’un des tunnels environnants pour sortir du camp sans se faire remarquer. Un fois de l’autre côté, elle observe les alentours afin de se resituer et de calculer sa destination. Sans arme et sans provisions, seulement équipée de ce qui ressemble à une pelle faite avec une branche et un morceau de ferraille, elle s’aventure dans la forêt.

En fin de journée, quand le soleil commence à décliner, Sally arrive enfin au TARDIS qui est toujours enfoncé dans le sol. N’en dépasse que son toit bleu et se lanterne qui a cessé de luire il y a bien longtemps. Armée de sa pelle improvisée elle se met à creuser au-devant de la machine, espérant en atteindre ainsi la porte.

Le temps défile. Le soleil disparaît pour laisser place à une lune qui ne donne que très peu de lumière en cette nuit froide. Mais ce n’est pas pour autant que la jeune femme se décourage. Animée par une émotion qui lui est difficile d’identifier, elle creuse avec de plus en plus de force. Chaque nouveau coup donné dans la terre s’intensifie de violence. 

Après des heures de travail acharné, les portes du TARDIS sont découvertes à moitié. La poignée étant maintenant visible, Sally se débarrasse de sa pelle, qu’elle laisse tomber négligemment, puis fouille dans la poche intérieure de son manteau. Elle en sort une petite clé. La jeune Seigneur du Temps s’accroupi et l’insère dans la serrure. La porte ouverte, elle s’assied, tendant ses jambes dans le passage, puis se glisse à l’intérieur. Le bruit de ses bottes frappant les grilles qui forment le sol résonne dans la boîte bleue. La jeune femme s’avance à l’aveugle en s’aidant du peu de lumière que peut produire son tournevis sonique. Elle finit par trouver la console. A l’aide de ses souvenirs et de son toucher, elle manipule les différents éléments qui compose le tableau de bord. Et après plusieurs essais infructueux, la lumière s’allume enfin dans un bourdonnement assourdissant.

Lorsque ses yeux se sont habitués à la luminosité, Sally découvre la pièce centrale du TARDIS. Elle est bien différente de celle de ses souvenirs. En effet, lors de son dernier voyage à bord, tout était blanc et petit. Aujourd’hui, le poste de pilotage est une immense pièce de plusieurs mètres de hauteur. Les parois voutées, incrustées de lumières circulaires, sont soutenues par des colonnes courbées faites de plusieurs branches chacune. Au centre de la salle trône la console qui entoure une immense colonne de verre.

Remarquant que celle-ci ne scintille pas comme elle le devrait, Sally pose une main tremblante dessus. Elle ferme les yeux, se concentrant, et appelle désespérément dans son esprit pour une manifestation de la partie vivante de la machine. Malheureusement, comme elle s’en doutait, elle n’est plus. Mais comment ?

Sally pivote sur elle-même, scrutant attentivement ce qui l’entoure. Bien que poussiéreux, tout est en parfait état. Elle consulte alors l’historique des pannes, espérant enfin trouver une explication à la mort du TARDIS. Toujours rien. La seule réponse plausible arrache alors une soudaine envie de pleurer à la jeune femme. « Il t’a abandonné, dit-elle les larmes aux yeux. Il nous a abandonné sur cette putain de planète pour qu’on y crève. »

Maintenant face à cette réalité qu’elle se refusait à accepter, Sally s’effondre. Alourdie par une peine immense, elle tombe sur les genoux. Les larmes coulent sans qu’elle ne puisse les contrôler. Ne supportant cette douleur psychique, elle agrippe sa chevelure blonde. La douleur de ce geste n’enlève toujours rien à ce qui passe au plus profond d’elle. Détestant se montrer aussi faible et naïve, elle frappe le sol de ses poings avec force. La rage s’amplifie, se mêlant à la tristesse.

Ce n’est que lorsque qu’elle remarque le sang jaillir à ses derniers coups, que la jeune femme cesse. Elle observe ses mains qui ne lui sont étrangement pas douloureuses. Probablement parce que cela ne sera jamais aussi intense que ce que son propre cerveau peut lui infliger. Elle ferme les yeux et prend une profonde inspiration. De sa voix brisée, entre deux sanglots, elle chantonne. « You taught … me the courage … of stars … before you left. … How light … carries on … endlessly … even after death2. » Mais l’effet n’est certainement pas le même que lorsque c’était la voix de sa mère qui apaisait sa peine. Cela ne lui fait que réaliser le poids de sa solitude qui vient maintenant s’ajouter à celui de sa peine.

Hardiment, mais surtout péniblement, elle finit par ravaler toutes ses émotions. La jeune femme se relève et essuie ses joues humides avec le revers de la manche de son manteau. Encore fragile, prête à pleurer à n’importe quelle sombre pensée, elle s’avance vers la console. Le TARDIS n’étant d’aucune utilité, elle décide de l’éteindre. A l’aide du peu de lumière que la lune dégage, elle retrouve la sortie. Le sol encombrant l’ouverture, elle escalade le mur de terre qui se dresse devant elle. Au moment où elle atteint la surface, un son semblable à une détonation résonne dans le ciel. Elle se redresse et relève ses prunelles encore rougies par sa peine vers la voute céleste. Un vaisseau vient de traverser l’atmosphère. « L’Exodus. » souffle-t-elle. Impuissante, la jeune femme observe la navette tomber du ciel et finir sa course sur le sol terrestre dans une puissante explosion. Gardant son regard fixé sur la lueur flamboyante à l’horizon qui perce l’obscurité, la jeune femme s’avance en courant à travers les arbres en espérant arriver à temps pour aider les survivants. Si il y en a.

           Ce n’est seulement qu’avec quelques minutes d’avance sur la lumière matinale que la Seigneur du Temps arrive sur le site du crash. Désemparée face à la catastrophe, elle reste immobile pendant de longues secondes. Son regard se perd dans les débris à la recherche de la moindre présence humaine. Mais il ne croise que des carcasses carbonisées. Sally balaye ses émotions, trop encombrantes pour qu’elle puisse réfléchir rationnellement, puis s’avance entre les morceaux d’épave et les flammes. Au fur et à mesure que ses pas s’enchaînent, le soldat qu’elle était autrefois reprend le dessus. L’aidant ainsi à refermer la moindre brèche émotionnelle qui se dessine.

           Arrivée près de l’un des réacteurs de la navette, elle remarque une petit objet gris métallique avec un embout arrondi bleu. La jeune femme s’accroupi pour le saisir. Lorsque qu’elle appuie sur l’unique bouton que l’appareil possède, il se met à émettre un son strident qui ne lui est pas inconnu. Il s’agit d’un tournevis sonique. Ça ne peut-être que celui du Docteur. Sally baisse la tête quelques secondes, assimilant l’information.

           Des éclats de voix se font entendre dans son dos. Elle se redresse d’un bon et se tourne en direction du bruit. Elle voit alors arriver dans sa direction Raven, Clarke, Finn et Bellamy. Ils sont accompagnés de quatre adolescents armés. « Sally ? » s’étonne la mécanicienne. La brune presse le pas pour venir au plus vite au niveau de celle qui fronce ses sourcils. En arrivant à son niveau, Raven l’enlace en la réprimandant avec bienveillance.   

Les bras le long de son corps, Sally ne réagit pas. Pendant quelques secondes, son esprit divague vers la dernière étreinte qu’elle ait partagée. Celle qu’elle a offert à ses aînés avant que leurs chemins ne se sépares définitivement. Puis un soudain sentiment d’oppression prend le dessus sur ses pensées. Le contact de Raven, bien que purement amical, tétanise la jeune femme.

Remarquant sa non-réactivité, et devinant alors qu’elle n’apprécie pas ce geste, la brune se recule. Bellamy s’avance de quelques pas en demandant froidement : « Tu as trouvé quelque chose sur le site ?

— Tu es sérieux ? s’offusque Raven. Son père était à bord.

— Non, répond la concernée en ignorant l’intervention de l’adolescente. Il n’y a aucun survivant et je n’ai pas trouvé la boite noire. » La mécanicienne lui adresse un regard offusqué. C’est d’ailleurs à ce moment que Sally réalise que les yeux de Raven sont encore rougis par les larmes. La blonde lui saisit une main et la force doucement à l’ouvrir. Dans sa paume, elle dépose le tournevis sonique trouvé quelques minutes plus tôt. « Si quelqu’un doit pleurer sa mort, dit-elle en l’aidant à refermer ses doigts sur l’appareil, ce ne sera pas moi. »

           Les adolescents se dispersent parmi les décombres à la recherche de matériel qui aurait survécu au crash. De son côté, Bellamy demande aux autres jeunes gens armés de rester en alerte dans l’éventualité de représailles de la part des natifs. « Des représailles ? l’interroge Sally en arquant un sourcil. Il suffit que je me tire quelques heures pour que vous déclenchiez une guerre ? » Finn, un brin d’amertume dans la voix, lui explique alors ce qu’il s’est passé la veille.

Lincoln, le natif libéré par Octavia, est parvenu à organiser une rencontre entre l’un de ses chefs et Clarke. Mais ce qui devait mener à un semblant de traité de paix à fini en fusillade. « Si on avait laissé les fusils au camp, intervient Raven face à l’air accusateur de son petit-ami envers Bellamy, on serait tous mort à l’heure qui l’est. »

Ne souhaitant prendre pars au débat qui s’installe, Sally se remet à arpenter le site à la recherche du moindre indice sur ce qui aurait pu provoquer le crash de la navette. Quelques instants plus tard, elle entend Raven crier « Attention, explosion ! ». Elle se retourne alors vers la jeune femme, comme tous les autres, et la voit lancer quelque chose dans des flammes assez éloignées d’eux. Comme elle l'avait prédit, une explosion en surgit. « L’hydrazine qui fuit des moteurs est très instable, les informe-t-elle, et elle peut provoquer une explosion à n’importe quel moment. La zone doit être évacuée.

— On avance en formation, sans se disperser ! ordonne alors Bellamy. Doigts sur la gâchette. Il faut que l'on soit rentré avant la nuit. » Tout le monde s’exécute, sans broncher, et suit le jeune homme en direction du chemin retour.

 

(1) « Les rédempteurs de ce monde résident dans l’hypocrisie. » est tirée de la chanson The kinslayer de Nightwish.

(2) «You taught me the courage of stars before you left […] » est tiré de la chanson Saturn de Sleeping at Last.


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