Battlespire

Chapitre 4 : Papre

5675 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 05:08

Le matériel laissé par l'escouade de Josian comprenait une caisse lanières de viande de wamasu séché qu'elle dévora avidement; arrosé de quelques gorgées de schnaps cyrodiléen trouvé au fond d'une gourde. L’amertume de l'alcool revigora son corps agréablement. La Bretonne alla ensuite s'occuper de sa blessure. D’emblée, elle ressentit face à la table de composants et de verrerie la même sensation d'égarement qu'elle avait lors des cours de cette matière. Agnès manipula quelques ingrédients en essayant de les reconnaître, eux et leurs propriétées. Si seulement Sucy était là.

Sucy Cœur-Fort, la meilleure amie d'Agnès, une Nordique revêche et taciturne. Également aspirante mage de guerre, elle excellait plus que tout en alchimie, et se moquait souvent de la pauvre Bretonne et de ses piètres préparations. Ses talents en matière de potion étaient largement reconnus par leur hiérarchie, et l'on faisait régulièrement appel à son expertise pour la préparation de poisons en vue d'opérations spéciales. Ses mixtures étaient responsables de dizaines "d'accidents" aux quatre coins de l'Empire.

Que fait-elle en ce moment? Elle rêvait elle aussi d'intégrer la Battlespire. Si elle savait...  Agnès chassa ces pensées. Merde... Ce n'est pas le moment. Difficile de les empêcher d'affluer.  Sucy, Josian... Mes parents... Je veux juste les revoir.

Agnès obtint enfin un baume cicatratrisant plus que convenable au terme d'une fastidieuse préparation, en plus d'une solution anesthésiante. Deux tentatives avaient été nécessaires après qu'elle eu confondu les racine de jarrin et de trama. Finalement, le  vieil artificier lui avait apporté son aide en lui  dictant les instructions depuis son lit.

Les dents serrées, la légionnaire se délesta de sa cuirasse et passa à l'opération. Elle retira la flèche après avoir engloutie le flacon d'anesthésiant. Une toile de lin badigeonnée de baume fit office de pansement qu'elle enroula autour de  son ventre en serrant aussi fort qu'elle pouvait. Agnès s'accorda une poignée de seconde de répit, couchée les yeux fixés au plafond avant de se ressangler dans son armure et d'avaler une poignée d'herbes stimulantes trouvées dans un tiroir. J'espère ne jamais avoir à refaire sur moi une telle chirurgie. Ni sur n'importe qui d'autre. Valisius l'attendait. Elle retourna le voir, les sens encore embrumés par les vapeurs de l'anesthésie.

— Remise ? s'enquit-il.

— Je tiens debout.

Sa langue pâteuse rendait les mots difficiles à sortir.

— Tant que vous pouvez respirer, vous êtes capable de faire ce que je vais vous demander. Il faut prévenir la Cité Impériale de ce que se passe ici. Pas le commandement de la Légion, pas le Conseil des Anciens. L'Empereur directement, et lui seul. N'oubliez pas que quelqu'un a trahis. Récapitulons nos options. Pour sortir...

—  Vous n'avez pas un accès direct à la Tour d'Or Blanc depuis vos quartiers ? J'aurais penser que le commandant de la Battlespire aurait une ligne avec le Conseil des Anciens.

— Bien sûr que oui, j'en une. Depuis n'importe où sur cette forteresse. Je suis capable de créer un portail qui me mène directement dans mon bureau sur Nirn. Imaginez bien que je l'aurais fait si je le pouvais. Mes es assistant à la Cité Impériale doivent préparerle cercle d'arrivée depuis l'autre côté. Et impossible de les contacter ! Les orbes de communication ne fonctionnent plus depuis le début de l'assaut. Puis c'est trop tard, maintenant. Je suis trop faible pour mener à bien le rituel. Non. Pour sortir, la meilleure option est le hall.

— Qui est bloqué par des runes. On ne peut pas passer le portail, rappela Agnès.

— Je sais, merci. Le commandant Kaid a trouvé des runes similaires bloquant certains passages clés de Mortecime. Et certains daedras tués portaient sur eux des pierres marquées de ces runes. Il faut porter sur soit une rune identique à celle qui bloque le passage pour traverser sans encombre. Le commandant Kaid en a essayé plusieurs, et ça semble marcher.

— Alors il faut trouver les daedras ayant en possession une rune correspondant à celle qui bloque le portail de sortie ?

—  En théorie, oui. Mais le commandant Kaid a été incapable de trouver la moindre rune permettant de traverser le portail du hall. On dirait que la répartition des runes et des zones auxquelles elles donnent accès correspondent à des niveaux d'accréditation. Et le portail de sortie doit correspondre à un niveau élevé.

—  C'est à dire?

— On ne sait pas exactement. Il n'est pas exclue que seul les dirigeants de l'armée d'invasion aient la rune

pour le traverser.

Un rire nerveux secoua Agnès.

—  J'imagine qu'ils ne vont pas nous les donner si on le leur demande, non ?

— Non, effectivement. Les officiers doivent se trouver dans les étages inférieurs. C'est là qu'est parti le gros des troupes après que notre résistance ai été anéantie.

Valisius grimaça tandis que ça jambe fut agitée de spasmes qui firent trembler le lit. Sa main tremblante attrapa un gobelet posé sur la table de chevet dont il avala une longue gorgée, avant de le reposer et de s'enfoncer de nouveaux  dans ses coussins.

— Il y a encore de cet anesthésiant que vous avez préparé? Verser ce qu'il reste dans mon verre. Et ramenez-moi de l'eau. Ou mieux. De l'alcool. Il y a sinon une autre solution, repris l'artificier après qu'Agnès se soit exécuté. Qui a plus de chance d'aboutir et  ne nécessite pas de trucider des seigneurs de guerre d'Oblivion. Si vous faites preuve d'un peu de discrétion. Ce n'est pas une bonne idée de recourir à cette extrémité, mais nous sommes dans une impasse qui ne nous donne pas d'autre choix.

— Je vous écoute.

— Il faut que vous vous faufiliez jusqu'au hangar central, dans les étages inférieurs. Ensuite, délivrez Papre.

— Papre?

L'officier soupira.

— Papre est une dragonne. Un rejeton de Nafaalilargus, le dragon que Tiber Septim a utilisé pour la conquête de Martelfell. Cela fait quatre-cent ans qu'elle est sous le contrôle de la Légion des Ombres, gardée dans la Battlespire. La fifille a pris goût à la vie de château à force d'être chouchoutée, mais elle est toujours capable titiller du Thalmor.

Valisisu remarqua le visage stupéfait et la bouche entrouverte de la Bretonne. Il ajouta:

— Oui, les légendes disaient vrais, et non, elle ne parle pas notre langue!

— Il y a. Un dragon. Sur la Battlespire. Vivant, articula Agnès avec excitation. C'est le seul ? Pas que sur Mortecime, je veux dire. Partout. Il y en a d'autres ?

— C'est confidentiel, trancha Valisius d'un air gêné. Et voilà pourquoexactement en quoic'est notre plan Z ! Si nous libérons Papre, elle retournera sur Tamriel où même sans causer de dégâts, elle foutra un joyeux bordel chez la population. Vous imaginez un paysan croiser un dragon dans son champs ? Ou pire que tout, si c'est un Nordique qui lui tombe dessus ! Quoi qu'il en soit, ça ne manqueras pas d'attirer sur nous l'attention de l'Empire : "Tiens, et si la bêbête que voilà s'était échappé de notre forteresse secrète qui n'a pas donnée de nouvelles depuis un sacré bout de temps ? " On peut être sûr qu'un détachement de Lames débarquera ici à l'instant où Papre pointera le bout de son museau sur Nirn.

Agnès ouvrit la bouche pour parler.

— Non, vous ne la chevaucherais pas ! coupa l'artificier avant qu'elle n'émette le moindre son. Elle vous désarçonnerais dans la seconde. Libérez-la simplement, et laissez la faire le travail. Le hangar est dans les étages inférieurs. Les daedras la gardent vivante, sans l'ombre d'un doute. J'ose à peine imaginer les ravages que produirait un dragon entre les mains d'un prince Daedra. Cela ne doit se produire à aucun prix. Traversez les rangs des daedras, libérez-la de ses chaînes et ouvraient la porte du hangar. Le chaos qui va suivre vous permettra de vous repliez. Restez en vie. Le temps qu'elle accomplisse sa mission et ne ramène des renforts, vous aurez d'autres choses à faire.

La Bretonne garda docilement le silence, invitant l'artificier à poursuivre.

— Allez ensuite à l'armurerie pour...

— Je ne suis pas habilitée à rentrer dans cette zone. Il faut au moins une accrétion de rang prétorien, et je

n'ai...

— Mais vous êtes sérieuse ? Vous croyez qu'on se soucie encore de ça ? Je vous ai ordonnée de libérer un

dragon sur Tamriel ! Ça devrais vous donner une idée de l'endroit où je me carre les secret-défense ! Allez à

l'armurerie. Sécurisez-la. C'est votre tâche la plus importante. C'est pour les armes conservées ici que les daedras sont descendus en nombre dans les étages inférieurs. Sacrifier vous, moi et  tout les habitants de la Cité Impériale ne serait pas de trop si cela était nécessaire pour enmpècher qu'elles ne tombent entre les mains de ses démons. Il leur faudra certes encore longtemps avant de percer les protections entourant l'armurerie, mais le temps presse. Faites absolument tout ce qui est nécessaire pour préserver ces armes. Quitte à saborder Mortecime.

Le vieillard ne plaisantait pas. Agnès le compris au son de sa voix. Elle acquiesça gravement.

— Mettez-vous en route maintenant. Libérez Papre, et protégez les armes. (La voix de l'artificier vacilla.) Je... ne pense pas que l'on se reverra. Même si vous réussissez à préserver l'armurerie jusqu'à l'arrivée des renforts, je ne pense pas que je survivrais.

Incapable de regarder l'homme dans les yeux, Agnès gardait la tête baissée en silence. Qu'elle prononce le moindre mot, et elle craquerais. Merde... j'aurais dû prendre plus d'anesthésiant.

Elle se dirigea presque en courant vers la sortie, plus pour fuir ses sentiments que par hâte d'accomplir son devoir.

— Attendez ! ordonna sèchement Valisius.

Agnès s'arrêta.

— Le troisième tiroir sous mon établie d'alchimie. Une fiole bleu bouchonnée de cire rouge. Prenez-la, et gardez-la précieusement.

La Bretonne s'exécuta. Elle trouva aisément l'objet indiqué par l'officier. Une bouteille à peine plus grosse que l'auriculaire.

— Buvez-la s'ils vous attrapent. Ce qu'ils vous feront subir, ça ne sera pas dans le but d'obtenir des réponses, si vous voyez ce que je veux dire.

 

 

oO0Oo

 

 

Les étages inférieurs de Mortecime n'étaient pas directement reliés au bâtiment principal. Ils formaient une entité indépendante, seulement reliés au reste de la forteresse par un réseau de portail sous étroite surveillance. Le plus proche n'était qu'à une centaine de mètres des quartiers de l'artificier. Agnès s'attendait tomber sur une forte résistance protégeant cet accès. Pourtant, seul se trouvaient autour du portail des cadavres de vermaïs et de drémoras. La légionnaire approcha, curieuse.

 Les daedras s'étaient  fait prendre par surprise. Est-ce que c'est Josian qui a fait ça ? La scène rappelait d'une certaine manière le spectacle des portiers massacrés dans le hall d'entrée. Voilà notre vengeance, se dit la légionnaire en crachant un glaire visqueux sur le visage d'un drémora. Vous vous vantez d'être immortels. Cela ne vous empèche pas de ressentir la honte et la même douleur que nous  lorsque nous détruisont votre enveloppe physique.

Le portail était juste là, sous une arcade de pierre. Une rune de protection tracée dans l'air en bloquait l'accès, comme pour le portail dans le hall. Mais celle-là est différente. La lettre Doht de l'alphabet daedrique. Si l'artificier avait dit vrais, Agnès était certaine de trouver une pierre gravée d'un symbole identique. Elle fouilla les gardiens en quête de ce précieux sésame.

Elle ne tarda pas à dénicher ce qu'elle cherchait, mais un cadavre de drémora attira son attention. Le guerrier avait un poignard d'ébonite planté dans sa poitrine nue, au centre exact de ses deux pectoraux. Seule la poignée dépassait , ainsi qu'un morceau de parchemin bruni épinglé contre la peau de la créature. Agnès l'arracha fébrilement. Ses doigts s'agitèrent pour le déplier. Le message par tracé par une main familière était écrit en dwemeri, une langue morte qui lui avait été enseignée enfant par une coûteuse gouvernante engagée par ses parents.

 

J'ignore si tu es en vie, ni même si tu liras cette note. Peu importe. Suis mes instructions si tu désires sortir d'ici .

Les daedras ont envahis la Battlespire, j'imagine que tu l'as remarqué J'ai de forte raisons de penser que Mehrunes Dagon est derrière tout ça, mais j'gnore pourquoi il nous a attaqué.. Je continue d'enquêter.  Pour l'instant, les daedras essayent de forcer l'armurerie. Ça leur prends plus de temps que prévu. Il y a un conflit entre eux. Je n'est pas plus de détail, mais tout ce qui peut les retarder est bon à prendre. L'articifier est dans sa tour. Va le voir, tu y sera en sécurité et il te donnera plus d'information. Mais méfie toi quand même. Pour ce que j'en sais, c'est peut être lui qui nous a vendu. Evite le combat à tout prix, je m'occupe de tout. Dagon a déployé sa garde personnelle. Ils ont des Croissants Daedriques. Ne les laisse SURTOUT PAS  te toucher avec. Je reviens dès que possible.

Josian

 

Cette simple lettre écrite à la va-vite, couverte de sang de drémora fit plus de bien à Agnès que la dose d'anesthésiant ingérée un peu plus tôt. Elle n'en revenait pas. Josian était parvenu à garder son sang-froid pendant l'attaque. Il avait pris soin de lui écrire ce mot en dwemeri pour ne pas que les daedras puissent le lire. Tu vois, j'avais raison de croire en lui.

Mehrunes Dagon. Ce nom griffonné procura un frisson désagréable à la Bretonne. Mon intuition avait vu juste. Pourquoi maintenant? S'il veut l'arsenal de Mortecime, c'est qu'il compte s'en servir. Il prend de gros risques. Les autres Prince se ligueront contre lui s'il acquiert ainsi trop de pouvoirs. S'il pillait Battlespire pour combattre un autre Prince? Dans ce cas, nous ne somme qu'une ressource, un moyen de parvenir à ses fins. Cet assaut n'aurait alors rien de personnel et nous n'aurions rien de plus à craindre de lui.

Ça ne collait pas. Aux yeux du peuple de Tamriel, Dagon passait pour une brute aussi violente que stupide. Agnès avait appris dans la Légion que les apparences étaient trompeuses, et que le Prince de la Destruction était bien plus rusé qu'il ne le laissait paraître.

Agnès pris conscience qu'elle réfléchissait bien trop. La solution la plus simple est meilleure: Dagon avait attaqué les mortels. C'est aux mortels qu'il déclarait la guerre. Pas aux autres Princes.

Mais il ne peut pas s'attaquer à l'Empire et espérer vaincre. Il y a des protections. Et pas seulement la Légion, les Lames, la Guilde et des Guerriers ou n'importe quoi d'autre. Des protections divines. Le Pacte d'Alessia. Le Sang des Dragons. L'Amulette des Rois.  Impossible d'attaquer Tamriel tant que ces protections sont debout. Et pour preuve ! Nirn n'a été sur le point d'être annexée par un Daedra qu'une seule fois, alors que l'Empereur et l'Amulette avaient disparus. A cause d'un traître également. L'Empereur a été trompé par l'un de ses compagnons il y a 700 ans, causant son exil et la perte de l'Amulette des Rois.

Q Juelqu'un d'assez puissant pour offrir à Dagon la Battlespire sur un plateau l'est aussi pour trahir l'Empereur. Si Dagon attaque maintenant, c'est qu'il en a l'occasion. Qu'il peut atteindre nos défenses grâce à sa ou ses taupes dans l'Empire!osian parlait de l'articifier. Agnès avait du mal à croire le veil officier responsable de ce désastre. Il est dans la même galère que nous. Il doit se tromper.

Attends ! se tempéra Agnès. Tu déduis que Dagon va s'en prendre à l'Empereur pour attaquer l'Empire uniquement parce que tu pense qu'il va attaquer. Tu te sert de tes déductions pour étayer tes propres hypothèses. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Il faut plus de preuves.

Agnès relit le billet en quête d'indice qui lui aurait échappé. Sans rien trouver de probant, à part des interrogations supplémentaires. Pourquoi les daedras se disputent-ils entre eux? Qu'est-ce que sont que ces Croissants Daedriques ?

Si Josian menait son enquête de son côté, il leur fallait mettre en commun leurs conclusions le plus vite possible.

 

 

oO0Oo

 

 

Agnès avançait maintenant dans les étages inférieurs de Mortecime, progressant dans une sorte de labyrinthe dans lequel les mages de la XXXème Légion menaient des simulations de combat. A deux reprises elle croisa des vermaïs errant dans les couloirs. La Bretonne les élimina aussi vite et silencieusement qu'elle put, terrifiée a l'idée que ces créatures ne puissent donner l'alarme. Valisius avait raison. Dans cette zone, les daedras étaient bien plus nombreux. Une troupe de drémora passa en discutant avec animation. Agnès se cacha juste à temps derrière un mannequin d’entraînement en entendant leurs bottes.

Merde...  ça va être difficile.

Elle n'atteint le hangar de Mortecime que de longues heures plus tard, sans réussir à se réjouir de son succès. Venir jusqu'ici avait été une entreprise pénible. Elle s'était perdu à plusieurs reprises dans le labyrinthe de salles et de couloirs parcourus de patrouilles ennemies. Sa blessure au ventre s'était rouverte lors d'une escarmouche contre une meute de galopins. Le combat avait été long, et avait attiré un couple de drémora avant qu'il ne se termine.

Les deux démons furent par chance plus préoccupés par le fait de détruire leur adversaire que par celui de coopérer avec leurs congénères. Les boules de feu qu'ils lancèrent à Agnès touchèrent principalement les galopins qui la submergeaient. C'est cela qui lui sauva la vie, en plus d'un sort de silence habilement utilisé pour empècher l'alarme de se répandre.

Le hangar était si gigantesque qu'Agnès ne pouvait en voir l’extrémité opposée. Les pierres de Welkynd fixées aux murs n'éclairaient que de minuscules parcelles de cette masse de ténèbres, toutes trop basses pour permettre de voir à quelle hauteur s'arrêtait le plafond. Langle, le châtelet familial des Kaid, aurait aisément pu tenir ici en quatre exemplaires, lui et ses terres environnantes. Agnès essuya de son épée le sang de la sentinelle drémora postée à l'entrée  Un glaive de légionnaire, récupéré sur le cadavre d'un daedra qui l'avait sans nul doute lui-même volé à l'une de ses victimes.

Impossible de voir quelle quantité d'envahisseurs stationnaient dans le hangar. Ni de savoir où est Papre. C'est trop calme. Rien n'indiquait la présence d'un dragon tel que se l'imaginait la Bretonne. Ni flamme, ni rugissement... Merde...

La légionnaire se concentra pour lancer à la ronde une détection des vivants. Ce simple sort lui avait à maint reprise sauvé la vie sur le chemin jusqu'ici. Je commence à assimiler les bons réflexes. Rien de probant n'en résulta. Elle ne perçu l'aura que de quelques galopins, d'une poignée de vermaïs. Pas de dragon, constata Agnès avec circonspection. S'il résistait à mon sort de perception? Les dragons sont des êtres à part, après tout, se persuada-t-elle en refusant de perdre espoir après ce qu'elle avait endurer pour parvenir jusqu'ici.

La Bretonne se glissa plus en avant dans le hangar, en se guidant le long de la muraille humide. Elle faisait  de larges détours pour éviter les cercles de lumière émis par les pierres de Welkynd. Elle entendait les piaillements desgalopins, à quelques dizaines de mètres d'elle. L'un deux renifla dans sa direction. Elle stoppa.

Une main glissante s'enroula autour de son cou. Agnès poussa un cri en se retournant, et vit le visage hideux et blanchâtre d'un vermaïlui faire face dans l'obscurité. Les galopins accoururent en ricanant. La Bretonne suffoquait en secouant ses jambes, cherchant à faire lâcher prise à son assaillant. Le vermaï la fit basculer à terre et enroula son corps autour du sien en gémissant, lui faisant lâcher son épée. L'une de ses mains se glissa sous sa cuirasse, les os pointus de ses longs doigts cherchant à percer la chair sous les côtes. Un galopin se jeta sur elle au même moment, qu'elle parvint à repousser d'un vigoureux coup de pied. Un autre arriva, esquiva d'un bond  lui le coup qu'elle lui porta et s'échina à lui immobiliser les bras. Agnès hurla. Seul un râle échappa de sa gorge, rendu inaudible par la strangulation.

A force de se débattre, sa tête heurta celle du vemaï avec un choc sourd. Tout deux furent étourdis pendant un moment, mais Agnès s'en remis plus rapidement. Elle dégagea le bras qui enserrait son cou, savourant une brève bouffée d'air salvatrice avant de mordre de toute ses forces dans la chair flasque. Le vermaï s'agita et lâcha prise. La Bretonne tenta de s'écarter, mais retomba à terre en roulant sur le côté, retenue par ses assaillants. Elle aperçut à travers les tâches de sang qui dansaient devant ses yeux les crocs aiguisés d'un galopin mordre dans son visage. Une douleur indescriptible lui vrilla la joue.

— MERDE ! ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! BARREZ-VOUS!

Elle sentait les mains griffues agripper les pièces de son armure pour les arracher, et leurs ongles se planter dans chaque parcelle de peau qu'ils pouvaient atteindre pour la tailler en pièce.Ceux qu'elle écartait de la main revenait derechef la harceler.

Agnès s'entoura d'un bouclier de foudre sans même s'en rendre compte. Les daedras giclèrent instantanément en arrière en poussant des cris suraigus. La Bretonne tâtonna pour ramasser son épée et se releva gauchement, aveuglée par le sang qui coulait abondamment dans ses yeux et sa bouche. Elle se colla au mur et fit face à ses adversaires, arme au poing, auréolée de foudre.

— Reculez ! leur cria-t- elle d'une voix rauque. Partez ! S'il-vous- plaît...

Les galopins se disposèrent en arc de cercle. Des vermaïs approchèrent de leur pas trainant, attirés par le vacarme. Deux galopins chargèrent. Le premier battit prudemment en retraite quand le second se tortilla à terre en gémissant, amputé des deux jambes. Agnès pointa son glaive dégoulinant vers les autres.

—  Où est Papre ? Où est le dragon ?

Aucun ne répondit. Ils chargèrent comme un seul homme lorsque le bouclier de foudre de la légionnaire commença à montrer des signes de faiblesse. Agnès hurla en faisant virevolter son épée.

Le hangar était nettoyé. Agnès tenait à peine debout, couverte de sang. Trop de blessures pour pouvoir les compter. Celle à son ventre était préoccupante, mais la priorité était son visage. Elle ne pouvait pas voir l'étendue des dégâts. Un rapide contact de la main lui fit sentir un immense lambeau de cuir chevelu pendouillant sur son crâne. Les muscles de sa mâchoire

affleuraient à l'air libre et ses doigts touchèrent un vide là ou jadis se trouvait le lobe de son oreille droite. Agnès ferma les yeux, comme si elle redoutait de voir son reflet dans les ténèbres environnants. 

Elle passa de longues minutes dans une intense séance de magie de guérison, la plus minutieuse dont elle était capable. Ne pas mourir d'hémoragie. Calmer la douleur à son ventre pour lui permettre de reprendre la route, également.

La Bretonne détacha du mur une pierre de Welkynd et explora le hangar, baignée par cette nouvelle lanterne. Elle trouva ce qu'elle cherchait tout au fond, juste devant l'immense panneau de bronze servant de porte de sortie.

Ce n'est pas comme si je ne m'y attendais pas, soupira tristement la légionnaire.

De la dragonne Papre, il ne restait plus qu'un squelette blanchit, immense comme une maison. Comme si elle était morte depuis des milliers d'années. De nombreux cadavres de drémoras gisaient autour, en partie brûlés et dévorés. L'un d'eux serrait encore dans ses mains une chaîne passée autour de l'os de la jambe du squelette.

Papre est morte. Agnès se laissa tomber dans le giron des ossements. Notre espoir de prévenir le monde. Le dernier dragon vivant. Étrangement, cette mort l'attristait plus que celle de tout les autres soldats pour qui Mortecime était maintenant le tombeau

En observant le crâne de la créature, la Bretonne remarqua le cadavre d'un humain vêtu de cuir, les bras passés autour du cou du squelette et le dos criblé de flèches. Agnès se traîna jusqu'à lui, dans l'espoir de trouver dans la sacoche pendu à sa hanche n'importe quoi susceptible de lui être utile. Rien

d'ntéressant ne s'y trouvait. Quelques effets personnels. Un livre de devinettes, du linge de rechange, une icône à l'effigie de Talos, un petit carnet...

Ce dernier objet contenait le journal intime du soldat, qui s'avérait être le dresseur de Papre. Agnès se plongea dedans, blottie entre les côtes du dragon.Le soldat  y parlait de la vie sur la Battlespire, celle qu'Agnès aurait aussi vécue sans l'attaque de Dagon. Du village de Skyrim d'où il était originaire et où vivait son oncle et sa soeur.

Les yeux d'Agnès la trahirent au milieu de la lecture. Samar Stellamant. C'est affreux de mettreun nom et une histoire sur le visage des cadavres.

Les dernières pages du journal relataient l'attaque. Et les dernières lignes dataient d’hier :

 

J'ai présenté aux autres mages mon dernier plan pour nous échapper d'ici. Je me taillerais une routejusqu'au hangar, et je monterais Papre pour voler jusqu'à la Cité Impériale. Depuis que le hall d'entrée est tombé, il n'y a plus d'utre moyen pour sortir d'ici. Seule Papre est capable de le faire. Il faut les prévenir de cette infection démoniaque pour qu'ils envoient une légion en renfort. Puisse les Divins me faire don de leur force.

C'est ce que je craignais. Une carcasse est tout ce que j'ai trouvé. Les daedras ont scellés la porte pour que Papre ne puisse s'échapper. Je vais attendre ici qu'ils viennent me chercher. Comme ça, je serais avec Papre pour l'éternité. Tout espoir pour les vivants est perdu. Mon nom est Samar Stellamant. Dites à ma sœur que je suis mort, et que si toute la mer était de l'encre, ce ne serais pas assez pour lui écrire combien elle me manque.*

 

Agnès resta un long moment les yeux fixés sur le carnet. Finalement, elle le rangea dans une pochette de son armure, pris sa pierre de Welkynd et se remis péniblement debout. Direction l'armurerie. Ma dernière chance.

 

 

* Ceci est une traduction du document "Starlover's Log", que l'on peut trouver tel quel dans le jeu Battlespire. Il n'est pas de moi.

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