Battlespire

Chapitre 8 : Le Cairn de l'Âme

5156 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/12/2016 13:26

Agnès se réveilla avec la même sensation d'étourdissement qu'elle avait ressenti en traversant les Piliers de Lumière. Elle se leva, les os endoloris par le choc du voyage. Elle comprit avant même d'inspecter réellement son environnement qu'elle était dans un endroit différent. L'air était oppressant. Il flottait une forte odeur d'ozone, comme après un orage. Un éclair illumina le ciel sombre saturé de nuages bleu électriques dans un grondement de tonnerre. La légionnaire vérifia qu'il ne lui manquait aucunes affaires. Non, tout était là. Même ses armes, la masse Châtiment et le Croissant Daedrique.

Elle fit quelques pas prudent pour mieux voir son environnement.

Nul doute, c'est bien l'Oblivion... Merde...

L'endroit ne ressemblait à région connue sur terre. C'était un amoncellement tortueux de ruines éparses. On dirait des mausolés. Il n'y avait aucune architecture connue à laquelle il était possible de se référer pour les décrire. Elles ne ressemblaient même pas aux ruines daedriques comme celles qu'Agnès avait vu à Morrowind ou sur la Battlespire. Des arbres morts, d'une blancheur d'os ou d'une noirceur de cendre poussaient, tordus entre des arcades et des colonnes s'élevant au milieu de nulle part sans plafond à soutenir.

Le sol était dur, composé d'un mélange compacte de poussière basaltique, de souffre et de cendres. Quelques rares lichen parvenaient à survivre entre des fissures exhalant des vapeurs nauséabondes. La physique du Mundus n'avait pas cours ici. Des blocs de pierres et des pans entiers de bâtiment lévitaient dans le ciel. Des escaliers montaient en colimaçon autour de tours sans les toucher, chaque marche flottant indépendamment des autres. Et le sommet de ses tours était bloqué dans le momentum de leur destruction, comme si le temps s'était figé alors qu'elles s'effondraient.

Les éclairs semblaient de jamais s'arrêter... toute les trois secondes environs, l'un d'eux fendait le ciel droit vers le sol dans un bruit insupportablement fort et répétitif qu'Agnès se força à essayer d'ignorer sous peine de perdre sous peu la raison.

C'était le première fois que la Bretonne se retrouvait dans l'Oblivion. Enfin, sans compter son séjour sur Mortecime. La Battlespire était encore un territoire humain, répondant à leurs critères de la logique. Ici, Agnès ne savait par où commencer. Elle se sentait encore plus perdue que la première fois qu'elle s'était égarée dans les rues de la Cité Impériale. Pourtant pas de demi-tour n'était possible. Il n'y avait aucune trace du portail là où elle s'était réveillée. Sans doute s'était-il refermé alors qu'elle était inconsciente. Rishal Taamir l'avait prévenue...

La Bretonne explora un peu les environs. Il y avait des formes floues qui flottaient au loin, entre les ruines. Des fantômes, pensa la légionnaire en frémissant. Après les daedra, voilà les morts-vivants. Si elle avait apprise à combattre les premiers, l'instruction de la Légion des Ombres n'avait jamais concerné les seconds. Ce n'était pas leur boulot, après tout.

Heureusement, les spectres qu'elle apercevait ne s'occupaient pas d'elle et ne montraient aucun signe d'agressivité. Peut-être qu'ils sont pacifiques...

Qu'est ce que... Merde ! Agnès manqua de défaillir en remarquant un objet familier posé sur un autel à moitié enterré : un carré de parchemin plié, calé sous un caillou pour l'empêcher de s'envoler. La Bretonne se précipita dessus et jeta le caillou derrière son épaule tandis qu'elle le dépliait. Ce qui y était écrit confirma ce qu'elle espérait que cela signifiait. Josian est ici ! Il a réussi à s'échapper de Mortecime !




Agnès,

Je ne sais pas si tu es en vie ni si tu liras ce message. Je suis désolé, je n'ai pas eu le temps de laisser un autre mot t'expliquant comment venir jusqu'ici. Si tu lit ceci, c'est que grâce sois rendu aux Divinstu as trouvé par tes propres moyens. De mon côté, ça a un peu été la galère ces derniers temps. Des daedras nous sont tombé dessus alors qu'on enquêtait aux archives. J'ai dû m'enfuir pour survivre. Le légionnaire que j'avais récupéré à eu moins de chance que moi. On a perdu notre seul témoin oculaire capable d'incriminer Paxti Bittor. Et pire encore, j'ai perdu le sceau de l'armurerie (mais ça, tu doit le savoir. J'ai entendu dire que tu as réussi à bloquer l'armurerie entre temps. Bien joué, soeurette) Pour me cacher, j'ai du me faire passer pour un drémora. Tant que je garde le casque sur la tête et que le sort qui modifie ma voix fonctionne, l'illusion est parfaite. La compagnie que j'ai infiltré abandonne Mortecime. Ils battent en retraite vers cet endroit. Je crois qu'ils l'appellent le Cairn de l’Âme. Je vais rester avec eux le plus longtemps possible pour récupérer le maximum d'information et je te recontacte dès que je peux. J'ai profité d'une pause pour t'écrire ce message mais je sais pas quand j'aurais d'autres occasion d'en rédiger un autre. Je dois faire attention à ne pas me faire repérer. Fais bien attention à toi et reste vivante.


PS : NE T'APPROCHE PAS DES SPECTRES. N'ESSAYE PAS DE LES TUER.



Agnès en aurait rit. Moi qui pensait l'avoir laissé derrière. En fait, il a toujours une longueur d'avance. La Bretonne restait sceptique sur l'utilité de prendre des risques aussi énorme en ce faisant passé pour un drémora mais après tout, les méthodes de son frère avaient toujours été... excentriques. Et rien ne l'étonnait plus après les derniers jours qu'elle avait vécue.

Mais il n'est pas au courant pour Jagar Tharn. Je doit le retrouver et le prévenir.

A part le nom de cet endroit, le Cairn de l’Âme, Agnès n'avait pas d'autre indice pour deviner où commencer ses recherches. Elle décida de prendre au pied de la lettre les instructions de Josian et se dirigea dans le sens opposé aux spectres qu'elle avait vu errer.

Avancer était pénible. L'atmosphère était asphyxiante. L'air sentait le renfermé, comme l'intérieur d'un tombeau. Et ces horribles éclairs... leur fracas continuel menaçait de faire perdre la tête à quiconque l'entendait. Cette place n'ai pas un plan daedrique que je connaisse. Mehrunes Dagon a orchestré l'assaut sur Mortecime, mais ce ne sont pas ses Terres Mortes. Le Cairn de l'Ame... quel daedra le dirige ?


Elle compris qu'elle était sur la bonne voie lorsqu'elle tomba sur le corps sans vie d'un drémora. Elle le retourna et ôta son casque, craignant d'y découvrir le visage de son frère. Non, heureusement...C'était bien la face charbonneuse et cornue d'un daedra. On l'avait égorgé. D'autres traces de sang s'éparpillaient aux alentours. Une tête de hache brisée baignait dedans. La légionnaire se demanda si c'était Josian le responsable de ce carnage. A-t-il été découvert ? D'un autre côté, les daedras étaient coutumier à des pratiques violentes entre eux. Les drémoras avaient beau être et de loin les plus civilisées des créatures peuplant l'Oblivion, le passage d'un caste à une autre se réglait presque toujours dans le sang.


Hélas, passé la découverte de cette preuve du passage de la troupe de drémora, Agnès ne pu trouver aucune nouvelle piste qui puisse indiquer leur direction. Impossible d'avancer en ligne droite, ni de voir au loin à cause des ruines et des tours tordues qui s'élevaient de partout. Le sol dur ne laissait la marque d'aucune trace de pas. Même celle des lourds pieds bottés de plates des guerriers daedra. La Bretonne erra au hasard. La notion du temps s'évanouissait dans cet endroit. Elle cherchait les endroits stratégiques, là où Josian aurait pu lui laisser un message. Et quand elle voulu retourner près du cadavre pour essayer à nouveau, elle ne parvint pas à le retrouver. Pour couronner le tout, Agnès devait fréquemment emprunter des itinéraires pour esquiver les spectres qui lui bloquaient le chemin.

Merde, merde, merde... paniqua la Bretonne en cherchant un point de repère dans ce dédale de ruines toutes plus semblables les unes que les autres. Elle avait l'impression que les blocs de pierres bougeaient quand elle ne les regardaient pas. Et ceux qui lévitaient faussaient traitreusement la perspective.


— A l'aide...


Agnès s'arrêta soudainement. Elle était certaine d'avoir entendu une voix flotter dans l'air.


— Il y a quelqu'un ? Je suis perdue...


Cette fois-ci c'était certain. Une voix faible, presque un murmure, qui essayait de crier en couvrant le bruit du tonnerre. La légionnaire se mit à en chercher la provenance, ses deux mains serrant fermement le manche de Châtiment pour lui donner du courage.


— S'il vous plait...


Elle finit par l'apercevoir au détour d'un dolmen : un voile translucide à l'apparence d'une femme, vêtue d'une robe déchirée. Le fantôme flottait au dessus du sol, allant et venant comme s'il cherchait son chemin. Agnès resta un moment sans bouger, à simplement la contempler. D'un côté, la prudence l'incitait à s'éloigner en silence. De l'autre, la curiosité la poussait à aller lui parler. La Bretonne se rappela de l'avertissement de son frère : " NE T'APPROCHE PAS DES SPECTRES. N'ESSAYE PAS DE LES TUER. "

Elle a l'air différente des autres. Elle a l'air consciente... Oh, et puis merde !

Agnès s'approcha doucement de l'esprit. Elle avait baissée ses bras et sa masse reposait le long de sa cuisse. Derrière ce geste pacifique, elle se tenait en réalité prête à la brandir rapidement si le besoin s'en faisait sentir.

Le fantôme passa devant elle sans la remarquer. La légionnaire senti un souffle froid caresser son visage lorsqu'il la frôla.


— J'ai besoin d'aide... s'il-vous-plait... supplia faiblement le fantôme à qui pouvait l'entendre.


— Est-ce que tout va bien ? demanda Agnès.

L'esprit se retourna lentement vers la légionnaire. Son visage, quoi qu'un peu flou était beau, noble. De longs cheveux bouclés s'épanouissaient autour. Il était figé dans une expression de peur et d'incompréhension. Agnès remarqua des hématomes qui couvraient ses bras laissé nus par sa robe. Un large auréole sombre s'étendait sur sa poitrine. Sans doute là où elle a été tuée, réalisa Agnès en prenant conscience que ce spectre était jadis une personne vivante.

— Je me suis perdue.. murmura candidement le fantôme. C'est idiot... Je me suis assoupie et je me suis réveillée ici. J'ignore de quel quartier de la Cité Impériale il s'agit. Je n'y ai jamais mis les pieds, en tout cas... Il faut que je retrouve mon chemin jusqu'à la Tour d'Or Blanc. Il y a une réunion du Conseil des Anciens, je ne dois pas arriver en retard. Par Mara, il fait si froid... C'est étrange en cette période de l'année, vous ne trouvez pas ?


Agnès était déstabilisée. Elle resta de longues secondes à fixer bêtement le fantôme avant de bégayer :

— Qui... Qui êtes vous ?

— Ria Silmane, enchantée. Je suis l'apprentie et l'assistante personnelle du seigneur Jagar Tharn, le Mage de Bataille de Sa Majesté l'Empereur. Et vous ? Je vois que vous portez une armure de la Légion.... Êtes-vous une garde du palais ?

— Attendez... quoi ? s'étouffa Agnès. C'est l'assistante de Tharn ! Elle ne savait que trop penser. Qu'est-ce qu'elle fait ici ? Pourquoi elle est.. morte ?

— Dame Silmane ? Je ne vous avez pas reconnue... Qu'est- ce que vous faites ici ?

— Je vous l'ai dit... Je me suis égarée. Pouvez-vous m'indiquer le chemin pour retourner à la Tour d'Or Blanc, s'il vous plait ? La réunion du Conseil des Anciens va bientôt commencer... Excusez-moi... on se connait ?

— Vous non. Mais moi, oui. Vous présidiez la remise de promotion des cadets de la XXIIIème légion, il y a deux ans. Et votre signature figure sur tout les documents administratifs que l'on reçoit.

— Oui, en effet... J'assiste le seigneur Tharn dans ses responsabilité. Il doit être mort d'inquiétude depuis ma disparition... Il faut que je retourne d'urgence au palais lui indiquer que je vais bien...

— Madame... hésita Agnès. Je... Je suis désolée : Je pense que vous êtes... que vous êtes morte.

— Non, c'est impossible...Je me suis endormie, c'est tout... Si vous êtes là, si je suis là c'est que je suis bien vivante... Je ne reconnait pas le quartier, c'est tout.

— Nous ne sommes pas à la Cité Impériale. En fait, j'ignore où nous sommes exactement. Je sais juste que cela s'appelle le Cairn de l’Âme. Je suppose que c'est là que vont les âmes des gens qui sont mort... Il y en a d'autre comme vous. On dirait juste qu'ils sont plus ancien. Vous ne vous rappelez de rien ?

— Non... rien du tout. Je me suis assoupie... Il faisait froid. Je me rappelle avoir pensé que c'est inhabituel pour cette saison. A mon réveil j'étais ici... On ne voit pas la Tour d'Or Blanc... C'est étrange, non ? On peut la voir de n'importe quel endroit de la Cité Impériale, d'habitude.

— Vous n'avez rien remarqué de bizarre chez le seigneur Tharn, récemment ? Je pense qu'il a trahi l'Empereur.

— Non... Il m'avait donné rendez-vous. Il voulez me montrer quelque chose... Je ne me souvient plus de quoi.

— Dame Silmane, c'est très important. Mortecime a été attaqué. C'est Jagar Tharn a vendu la Battlespire aux daedra. Si vous savez quelque chose, vous devez vous en souvenir.

— Mortecime ? Mortecime est imprenable... Si les daedra l'avaient attaqué, je serais au courant. J'avais mal... raconte l'esprit de Ria Silmane d'un air distant. Tharn me tordait le bras...Je ne sais pas pourquoi. Il est si gentil d'habitude... si cultivé...

Agnès laissa le fantôme se souvenir sans chercher à l'interrompre.

— Il voulait que je l'aide à faire quelque chose... Mais je ne voulais pas... Il m'a crié dessus. Je n'en suis pas sûr... Il n'a jamais élevé la voix sur moi avant. Puis j'ai eu froid... Et je me suis endormie... J'ai l'impression que c'était un rêve... ou une autre vie...

— Jagar Tharn vous a assassinée...

— Ce n'était pas le seigneur Tharn... c'était l'Empereur.

— L'Empereur ?

— Non... Le seigneur Tharn... ÉTAIT l'Empereur. Il avait... son visage... Oh ! Je me souviens maintenant !

Sur le visage du fantôme s’opéra une véritable métamorphose. L'esprit de Dame Silmane perdit son air candide et perdu. Ses traits nobles se changèrent en un masque de puissance et de colère.

— Il a usurpé la place de l'Empereur ! Il s'est débarrassé de lui et s'est jeté un charme pour adopter son apparence ! Il a remplacé la garde impériale par des séides de Merhunes Dagon ! Il m'a révélé sa fourberie lorsqu'il m'a convoqué. Il voulait savoir si j'étais avec lui ou contre lui. J'ai essayé de le ramener à la raison et... il m'a poignardé. Ma poitrine est devenue si froide... J'avais l'impression de m'endormir... Il ne m'a pas laissée partir en paix. Il a capturé mon âme dans une gemme spirituelle... C'est pour ça que je suis ici... Cet endroit... C'est là que vont les âmes que l'on attrape.

Agnès essayait de suivre mais son esprit restait bloqué. Jagar Tharn a pris l'apparence de l'Empereur pour gouverner Tamriel ? Un plan tordu, à ses yeux. Mais le seigneur Tharn était tout sauf un homme ordinaire. C'était le mage le plus puissant à fouler actuellement le terre de Tamriel. Il doit avoir une maitrise de soi monstrueuse pour maintenir une illusion aussi puissante vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Dans quelle mesure Mehrunes Dagon l'aide-t-il ? Et à quel prix... L'idée que le massacre de Mortecime ne soit que le prix payé par Tharn en échange du soutien de Dagon horrifiait la Bretonne. Merde... Ça veut dire qu'il a l'Amulette des Rois... Et qu'est devenu l'Empereur ?

Comme si elle avait lu dans les pensées d'Agnès, Ria Silmane déclara :

— Uriel Septim a toujours des fidèles, il faut les prévenir, les réunir. Tharn, ce... traître... assassin... a enfermé l'Empereur dans un plan d'Oblivion vide. Il se sert d'un puissant artéfact pour maintenir une connexion entre eux et ainsi conserver son apparence. Il faut que quelqu'un trouve cet artéfact, le Bâton du Chaos, pour le sauver ! Je dois retourner sur Tamriel pour défendre l'Empire ! Tant que Tarn détient l'Amulette des Rois, c'est Nirn qui est en danger. Il peut à volonté déchirer le voile entre le Mundus et l'Oblivion ! Et faire venir Dagon...

— Je m'en occupe, ma dame. Je dois trouver un moyen pour sortir d'ici, voilà tout.

— Nous n'avons pas le temps ! Cet endroit n'est pas pour les mortels. Il n'y a pas de moyen pour en sortir. Je suis... un esprit. Plus volatile.... c'est un avantage étrange au fait d'être morte. Avec votre aide, mon fantôme pourrait revenir sur Nirn aider les fidèles d'Uriel Septim.

Le visage d'Agnès se décomposa.

— Qu'est ce que.. que voulez-vous dire ?

— Mon âme doit être conservée dans une gemme spirituelle. Si vous la récupérez, vous pourrez la purifier et... vous parliez de l'absence d'issue pour s'échapper ?

La Bretonne opina du chef machinalement. Elle avait le teint pâle.

— Je suis désolée... s'excusa doucement le fantôme. Je me suis emportée... Peu de vivants entrent ici. Encore moins en ressortent. Je connais ce plan d'Oblivion pour en avoir entendu parlé dans le cadre de mes recherches, c'est tout. Seul les nécromanciens les plus arrogants, stupides ou téméraires tentent de s'y aventurer. Tous recherchent la puissance que peuvent fournir les seigneurs de ce lieu. Mais en ressortir ne dépend que de leur bon vouloir. On les appelle les Maîtres Idéaux. Personne ne les a jamais vu. Jamais sous leur forme physique. Marchander avec eux est l'unique moyen de sortir d'ici. Mais passer un marché avec eux risque de vous faire perdre bien plus que votre vie... Le Cairn de l’Âme est un endroit impie, sans issue et sans espoir. L'Empire a proposé l'idée de construire un portail pour y accéder à volonté. J'ai toujours opposé mon veto à ce projet pour en retarder la construction. On devrait laisser cet endroit en paix.

— C'est par ce portail que je suis arrivée ici. Il n'a pas de sens retour.

— Oui... je sais... soupira tristement Ria Silmane. Sa construction n'est pas terminée... A cause de mon veto.

Et si j'étais condamnée à errer dans ce désert pour l'éternité ?

— Je sais qu'il existe un moyen pour sortir d'ici. Il y a des daedra qui traversent ce plan, je dois découvrir où ils sont allé. C'est ma seule chance.

— Je vous aiderez à les retrouver. En échange, aidez-moi à récupérer mon âme. Pour que mon esprit retourne sur Nirn.

— Marché conclu, dit Agnès en tendant sa main au fantôme. Elle la retira aussitôt, se rappelant qu'il n'y avait rien de palpable à serrer. Au fond d'elle, la légionnaire jalousait Ria Silmane. Elle serait bientôt de retour sur Nirn alors qu'elle ignorait où la prochaine étape la conduirait. Elle voulait tant revoir le soleil de son monde natale... C'était la première fois, nota la Bretonne avec amusement, qu'elle éprouvait de la nostalgie pour un plan d'existence en entier. Même les montagnes volcaniques de Morrowind lui apparaissaient maintenant plus chaleureuses et accueillantes.

— Savez-vous comment faire pour récupérer votre âme ? demanda Agnès.

— Il faut trouver la gemme dans laquelle elle est enfermée. C'est une partie de moi-même... j’entends son appel dans la tête. Je vais me laisser guider pour que l'on soit réunis. Mais je ne peux pas m'en emparer. Il faudra que vous vous en chargiez. Et si les Maitres Idéaux ont posté des gardiens...

L'esprit tourna lentement sur lui même, comme s'il cherchait à s'orienter à l'aide d'un boussole. Ria Silmane avait le visage perdu dans une intense concentration, la bouche entrouverte et les yeux clos. ce qui ne l’empêcha nullement de se repérer dans l'espace et d'éviter les obstacles sur son chemin lorsqu'elle se déplaça. Elle avançait vite, en flottant au dessus du sol. Agnès avait du mal à la suivre. La pauvre légionnaire devait courir à moitié, bataillant pour rester à la hauteur du fantôme. Cette course rappelait douloureusement à son souvenir les blessures qui couvraient son corps et les repas qu'elle avait manquée.

Ria Silmane finit par se rendre compte des difficulté de sa comparse. Elle s'arrêta un instant pour l'attendre et ralentit sensiblement lorsqu'elle reprit sa route à travers les ruines et les mausolées cyclopéens.

— Je crois que j'ai oublié les sensations que procurent un corps physique... murmura-t-elle. C'est affreux, je ne suis... morte... que depuis quelques jours. J'ignore depuis combien de temps exactement. J'ai l'impression que ce n'était qu'il y a que quelques secondes, mais j'ai aussi l'impression d'avoir toujours vécue dans cet endroit.

Agnès ne répondit rien. Elle gardait ses forces pour escalader les pans de ruines qui leur barraient la route. Ria Silmane était au moins plus attentive maintenant : elle les évitait si possible et s'arrachait parfois à sa concentration pour attendre que la Bretonne ne les franchisse.

— Elle est juste ici... Je la sens, dit le fantôme en s'arrêtant devant une tour noire gigantesque.

Agnès leva les yeux vers l'édifice, hurlant intérieurement de douleur à la pensée des escaliers qui l'attendait. Sa taille rivalisait sans peine avec la Tour d'Or Blanc. En réalité, il manquait un bon tiers de la tour vers son milieu. Le morceau supérieur flottait au dessus du morceau inférieur, avec un large espace vide entre eux remplit seulement par quelques blocs de maçonnerie en lévitation. Des éclairs frappaient à intervalle régulier le sommet de l'édifice, dans un bruit assourdissant qui couvrait la faible voix de Ria Silmane

Agnès s'approcha doucement, Châtiment dans son poing. Un nombre ahurissant de spectres, comme ceux qu'elle avait vu errer au hasard entre les ruines tout au long de son séjour ici s'amassaient au pieds de la tour en poussant de faible gémissements inaudibles. Contrairement à Ria Silmane, leur forme était floue, indéfinie. Certains n'étaient que des tâches effilochées, à peine visible à l’œil nu. Arkay soit béni, depuis combien de temps sont-ils là ? La légionnaire était effrayée par ces générations de morts s'étendant autour d'elle.

D'un regard, Agnès consulta Ria Silmane qui lui répondit en hochant la tête. La vivante prit une grand inspiration et se fraya un chemin à travers les esprits, prenant bien garde de ne pas en frôler par inadvertance. La température descendit aussitôt et la Bretonne se mit à grelotter et claquer des dents. " Ne t'approches pas des spectres. N'essaye pas de les tuer " se répéta Agnès, horrifiée, tant que dura sa progression. Elle craignait que la masse dans sa main ne déclenche de réactions agressives chez les esprits. Et dame Silmane qui ne suit pas... Qu'est ce qu'elle fait ? paniqua-t-elle jetant un regard inquiet à Ria Silmane restée à la périphérie du rassemblement de fantômes.

Heureusement, aucun fantôme ne semblait remarquer sa présence. Tout comme dame Silmane est passée devant moi sans me voir la première fois. Agnès sortit de ses pensées en atteignant un espace vide. Aucun esprit ne s'approchait à moins de dix mètres de la tour. Un curieux effet de magnétisme semblait les repousser. Ce n'était pas tout. Il y a avait des gardes en faction au pied de l'édifice. Merde ! jura Agnès en invoquant un sort dans sa main gauche. C'étaient des squelettes recouvert d'un substance noire, huileuse, comme de la chair si putréfiée qu'elle en serait devenu liquide. Ils portaient des haches énormes à large tête semblable à celles utilisées par les bourreaux pour les exécutions. Immobiles, ils ressemblaient à des statues et se fondaient dans le paysage grisâtre. C'était peut être pourquoi Agnès ne les avait pas remarqué tout de suite. Ils se regardaient d'un air indécis, ne comprenant pas comment une mortelle avait pu venir ici. Ils décidèrent dans le doute de l'éliminer et s'approchèrent d'elle de leur démarche saccadée avec la ferme intention d'encercler la Bretonne.

Agnès hésitait. Elle ignorait comment réagiraient les fantômes, pour l'instant passif, qui entouraient l'espace vide formant une sorte d'arène de combat pour elle et les squelettes. Merde ! Elle se jeta rapidement en arrière pour esquiver le coup de hache porté par l'un de ses ennemis. Elle jeta un coup d’œil paniqué par dessus son épaule, s'attendant à voir la foule translucide se jeter sur elle. Non ? Elle semblait toujours invisible à leurs yeux. La légionnaire évita une autre hache et se déplaça de manière à placer tout ses adversaires face à elle. Allons-y alors...

Agnès s'approcha du squelette ayant porté le premier coup en se balançant de droite à gauche sur ses pieds comme si elle se tenait prête à esquiver de nouveau. Le mort-vivant se retint de porter un coup puissant qui l'aurait rendu vulnérable s'il avait été évité et se mit à harceler la Bretonne d'une séries de petits coups portés d'estocs avec la pointe du fer de hache. Agnès attendit que le fer soit à porté le s'en saisit à pleine plein pour le repousser, comptant sur la solidité de l'acier de son gantelet pour protéger son bras de la lame. Puis elle fonça sur le squelette lorsque l'arme fut écartée, annulant l'avantage que lui donnait la portée de sa longue hache. Sa jambe se plia et botta droit dans l'os du bassin, déstabilisant le squelette pour qu'elle fasse tournoyer Châtiment et voler le crâne en échardes coupantes. Les autres attaquèrent de tout les côtés en même temps. Agnès n'eut pas le temps de réfléchir à la suite de sa stratégie. Elle fonça d'instinct sur le plus proche en le culbutant d'un coup d'épaule et l'envoya au sol, se retrouvant ainsi à l’extérieur du cercle d'adversaires. Elle essaya de reprendre ses esprits le temps que les mort-vivant ne coordonnent une nouvelle attaque.

Quelque chose de chaud coulait le long de son épaule. Une hache avait percé le dos de sa cuirasse et entaillée la peau de son omoplate. Rien de grave... Je peux toujours manier ma masse. Les squelettes s'approchaient... mais ils n'étaient pas seul... Merde ! Les fantômes ! paniqua Agnès en voyant la foule de spectres avancer ver elles. Leur attitude avait changée. On lisait la cupidité dans les yeux de ceux qui avaient encore un visage. Leurs yeux... Ils étaient rouge. C'est l'odeur du sang frais...

Elle recula, pas à pas, jusqu'à se trouver dos à la tour. La Bretonne chercha Ria Silmane du regard, sans parvenir à la trouver au milieu de cette mer translucide.

Le feu, crû se souvenir Agnès en voyant les morts s'approcher. Le feu. Ils craignent le feu.

Elle balança sa main en arc de cercle devant elle et fit apparaitre un mur de flammes crépitant entre elle et ses ennemis. La lueur chaude et vivante suffit à calmer les fantômes qui restèrent à l'orée du cercle ardent. Ils en devenaient presque invisible sous la lumière puissante animant ce monde morne et froid. Les squelettes ne s'arrêtèrent même pas. Ils traversèrent sans se soucier la barrière de flamme et surgirent enflammés de l'autre côté. Le liquide noir et poisseux dont ils étaient recouverts sifflaient et bouillonnait sous la chaleur, répandant une insupportable odeur de souffre brûlé. Agnès empoigna Châtiment et la fit voltiger en poussant un cris. Les ailettes en ébonites brisèrent le manche de la hache quand le squelette qu'elle visait la leva devant lui pour parer l'attaque. Un autre coup suffit à réduire son crâne en poussière tandis qu'elle rejetait au loin d'un coup de pied une autre de ces créatures l'agressant et lui désintégrait la cage thoracique d'une boule de feux incantée à bout portant.

Même s'ils les ignoraient, les flammes de les laissaient pas intacts. Les plus touchés commençaient à tomber en morceau depuis que les cartilages reliant leurs os se réduisaient en cendre. L'un d'eux, auquel il manquait la partie inférieur du corps et qui rampait pathétiquement sur le sol vit son crâne écrasé sous quelques coups de talons successifs de la Bretonne.

Agnès poussa de nouveau un cris et chargea de nouveau, se baissant au passage de justesse pour dégager sa tête du chemin d'un fer de hache et repoussa du manche de sa masse ses assaillants dans les flammes. Ile ne resta bientôt que quelques os incandescents encore attachés entre eux qui persistaient encore à essayer de l'attaquer. Elle martela le sol autour d'elle pour les transformer en esquilles noirâtres incrustées dans la terre dure.

La légionnaire s'arrêta, haletante, et s'assit quelques instants contre le mur de la tour. Le sang coulait toujours le long de son dos en un long filet poisseux. Maintenant que l'adrénaline commençait à refluer de ses muscles, elle commençait à en ressentir la douleur aiguë. La barrière de flamme était sa seule protection contre la foule de fantôme avide de sang vivant qu'elle distinguait à peine de l'autre côté.

Elles se leva avant qu'il ne commence à disparaitre et ouvrit une brèche le plus proche possible du mur de la tour avec un sort de dissipation. Elle la traversa et longea la tour jusqu'à sa porte sans cesser de tracer une barrière de flamme entre elle et les fantômes tout au long de sa progression.

La porte n'était qu'une grille de métal rouillé, même pas verrouillée. Agnès la franchit, non sans s'assurer d'en condamner l'accès avec le plus imposant mur de flamme qu'elle puisse élever.

Ça devrait tenir le temps que je retrouve l'âme de dame Silmane, se dit-elle en entamant l'ascension des escaliers.




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