Battlespire

Chapitre 9 : Durnehviir

5003 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 25/01/2017 15:27

L'ascension interminable s'acheva finalement sur un cul de sac. Agnès n'en pouvait plus. Les marches raides disposées en colimaçon s'étaient succédé sans interruption, sans palier pour se reposer jusqu'à ce mur final. La poitrine de la Bretonne était brûlante. Elle n'avait même plus la force de grogner ses jurons.

D'un main, elle se retenait au mur pour s'empêcher de tomber, de l'autre elle se serrait le flanc où un horrible point de côté la torturait. Elle aurait tout donné pour jeter au loin son encombrante armure et s'étendre avec délice sur le sol. Le manche de Châtiment battait sa cuisse chaque fois qu'elle levait la jambe pour escalader une marche. Elle l'avait passée à sa ceinture peu après le début de son ascension afin de garder ses deux mains libres. Tant pis si un ennemi se présentait. Agnès n'était pas d'humeur à s'encombrer d'une arme pour le moment, même si sa vie en dépendait. Pire encore était le Croissant Daedrique dans son dos. Ordinairement léger, il n'avait cessé de devenir un fardeau de plus en plus insupportable à chaque marche franchie. Elle avait faillie bien plus d'un fois se délester de la précieuse arme.

Elle resta un long moment debout, le regard vide, à contempler en haletant le mur nu terminant l'escalier. Ce n'était pas pour autant la fin. Évidemment que la tour ne se terminait pas ici sur un cul-de-sac. Il y avait sur le sol d'un étroit palier comme un puits métal fondu au reflets azur que la légionnaire devina être un portail. Pour avoir vu la tour de l'extérieur, elle se doutait bien où il menait. C'est ce qui relie les deux morceaux tronqués de l'édifice. Comme la Battlespire... nota Agnès avec une pointe d'amusement. Deux ailes indépendantes reliées par des portails.

Elle plongea dedans sans hésiter et grimaça en ressentant la sensation désormais familière de son corps se déplaçant à travers le néant d'Oblivion. La Bretonne émergea instantanément de l'autre côté, débout dans un puits à basse margelle en tout point identique à celui dans lequel elle était entrée.


Akatosh, ayez pitié ! soupira Agnès de détresse en voyant une nouvelle cage d'escalier étendre ses marches devant elle.





Qu'est ce que c'est que ça ? se demanda la Bretonne en aboutissant dans une large pièce circulaire. Elle était finalement parvenue en vie en haut. Elle avait survécu à l'assaut des daedras sur Mortecime pourtant ce simple exploit la remplissait de fierté. Les murs étaient percé de petites alcôves remplit chacune d'une gemme spirituelle. Des noires, constata Agnès impressionnée par le pouvoir impie de tels objets. Et d'une taille tel qu'on en rencontre rarement sur Tamriel. De fines volutes de vapeur d'un profond violet sombre dansaient à l'intérieur.

Si Ria Silmane avait dit vrais, son âme devait être enfermée dans l'une d'elle. Mais laquelle ? Agnès tourna autour de la pièce en frôlant chaque gemme du bout des doigts sans oser les toucher. Pourquoi dame Silmane ne m'a pas suivi... éructa la légionnaire en pestant contre les plans qui ne se passaient jamais comme prévu.


La salle aux gemmes s'effaça devant ses yeux. Un village de chaumières de pailles apparu comme dans un nuage de fumé, aussitôt remplacé par un vieux couple d'humains puis par une gigantesque tour blanche au milieu des bois. Les vision s'enchainaient plus vite qu'elle ne pouvait les intellectualiser. Mais Agnès avait l'impression de les voir à travers les yeux de la même personne. Elle le vit étudier des livres à la lueur d'une chandelle, se disputer avec une troupe de soldat puissamment armée, voyager longuement sur le dos d'un cheval... Un dernier éclair lui révéla deux hommes encapuchonné sous une nuit pluvieuse puis la réalité revint.


Par tout les Divins, c'est quoi ça ? chancela la légionnaire en se frottant les yeux.


C'était arrivé alors que ses doigts avaient effleuré la gemme. Des visions de la vie de l'homme dont l'âme est enfermé dedans... Agnès jeta un regard circulaire sur les dizaines de gemmes logées dans les murs. Bon... soupira-t-elle, résignée, en dessanglant avec les dents l'attache du gantelet de son bras droit. Elle approcha la gemme la plus proche et la palpa du bout des doigts nus.


Comme pour la première fois, la réalité s'estompa aussitôt pour laisser place à un tourbillon de visions confuses, comme en accéléré. Les bras d'une femme, un cachot, un bourreau masqué muni de barbares instruments de torture, la cours d'un palais, une ville enneigé, une foule lors d'un banquet...

La Bretonne retira la main sans attendre que les visions se terminent. Ce n'était pas la vie d'une apprentie Mage de Bataille à la cours de l'Empereur de Tamriel. La salle aux murs percés de niche réapparut et Agnès alla s'occuper d'une autre gemme.

Des marmots braillard dans une masure surpeuplé, la fuite sur un bateau d'un port en flamme, un mariage dans une jolie clairière nimbée de rayons de soleils. Une marche dans le désert, de vieux savants dans une bibliothèques, un forgeron frappant le fer d'une lame...

Agnès vécu des dizaines de vies. Elle fut tour à tour aventurier, prince, mendiante. Savant et magicienne. Mercenaires et guerriers. Elle contempla le monde du sommet du Vvardenfell et explora de profondes abysses éclairées par des champignons luminescents. Elle prit part à des batailles sans nom, à d'autre qui représentent des chapitres entiers dans les annales historiques. En remporta autant qu'elle connut de défaite. Vit dizaines de proches naitre et mourir.


La Bretonne ne savait depuis combien de temps elle était rester à tester chacune de ses gemmes. Elle reposa celle qu'elle venait de toucher et s'en approcha d'un énième.

Un château de Cyrodiil, des petites filles vêtues de longues robes de soie, un voyage forcé triste et monotone à l'arrière d'un carrosse. Un autre château. La Cité Impériale. La Tour d'Or Blanc. Mais de l'intérieur. L'Empereur. Mortecime. Jagar Tharn.

Agnès s'extirpa de la vision. Oui ! Ça ne pouvait être qu'elle. Elle fourra la gemme dans une pochette attachée à sa ceinture et remit son gantelet. La Bretonne se hâta de redescendre de la tour. Elle n'avait perdu que trop de temps ici, il était temps que Ria Silmane l'aide à sortir. Tout en courant dans les escaliers, Agnès songea au nombre de vies dont elle avait sondé l'âme à l'instant. Tous morts... réalisa-t-elle avec tristesse pendant sa descente. Jusqu'à présent, elle ne les avaient considéré que comme de simple vision, un tâche incontournable à subir pour obtenir l'âme de dame Silmane. Elle prenait maintenant conscience de l'odieux voyeurisme auquel elle s'était livré. Toute ces vies...Ces âmes appartiennent-elles tous à ces fantômes décharnés dehors ?

Un cris la sortit de ses pensées alors qu'elle allait atteindre le portail menant à la partie inférieur de la tour brisée. Ce n'était pas un cris humain. C'était plus le rugissement d'un lion mêlé au hurlement perçant d'un aigle. Agnès s'arrêta pour écouter. Ça venait de dehors. Elle entendit nettement une série de claquements secs, comme la voile d'un navire se tendant sous le vent.

Il y eut un choc violent qui fit trembler la tour. Il se passait quelque chose, Agnès en était sûre. Elle avait adopté une posture défensive, Châtiment levé. Elle tournait sur elle même en espérant deviner ce qu'il se passait dehors. Par Mara, pourquoi n'y a-il pas de fenêtre dans cette tour ? pesta la légionnaire en s'efforçant de rester calme et de ne pas céder à la panique.

Le remue-ménage se calma. Agnès attendit un instant avant de reprendre sa descente à pas de loups.

Un nouveau choc secoua l'édifice, plus fort que le précédent. Le mur derrière Agnès se fendit et des blocs de pierres se déversèrent dans la cage d'escalier, envahissant l'air d'une épaisse poussière grise. elle se jeta au sol, à moitié sonnée et assourdie, se protégeant comme elle pouvait des rocs qui lui pleuvaient dessus. Une gueule énorme apparut au milieu du nuage de poussières, une horrible face reptilienne à la peau parcheminée dégoulinante de baves. Agnès poussa un cris inarticulé en voyant cette bouche garnie de crocs longs comme des poignards mordre dans sa direction. Il fut en parti couvert par le hurlement que poussa la bête qui projeta une gerbe de flammes dans l’ouverture qu'elle avait créé avec sa tête.

La pauvre humaine avait eu la présence d'esprit de se laisser tomber dans la cage d'escalier à ce moment et elle évita les flammes en dévalant un étage plus bas, retombant lourdement sur les gravats jonchant le palier. Le sang lui battait les tempes et elle rampa comme une dératé pour plonger dans le portail qui la conduit à la base de la tour. Elle parvint à se remettre debout et dévala l'escalier en sautant presque toute les marches. Ce fût un miracle qu'elle ne perdit pas l'équilibre dans sa course et qu'elle n'alla pas se briser la nuque en bas de la tour.

Merde, merde MERDE !!!

Elle avait refermé derrière elle la grille de la porte d'entrée en arrivant et elle la défonça d'un coup d'épaule pour ressortir. Ses yeux apeurés scrutèrent le ciel frénétiquement à la recherche d'une ombre le survolant. Rien. Juste des nuages et des éclairs. Les fantômes ont disparu... constata-t-elle en reportant son attention sur la surface.

Agnès se mit à courir aussi vite que le lui permettait ses jambes jusqu'au couvert le plus proche, des ruines un peu plus loin. Elle perçu le battement d'ailes fatidique au dessus de sa tête et accéléra sans même lever les yeux. Une ombre la dépassa. La créature se posa sur les ruines où elle espérait se mettre à couvert. Merde... jura Agnès en panique. Elle dérapa en prenant un virage à quatre-vingt dix degrés et se dirigea vers un fossé sur sa gauche, à une dizaines de mètres, loin de la bête immense.

C'était un dragon. Une immonde créature grande comme une maison brunâtre à la peau déchiqueté, momifiée. Des nuées de mouches voletaient autour de ses yeux et de plaies suppurantes béant entre ses écailles. Bien loin des magnifiques seigneurs de l'ancien monde dont parlaient les histoires. Agnès ne comprenait pas ce qu'il faisait ici. En fait, elle n'avait pas le temps d'y penser. Elle ne pensait qu'à courir.

Le dragon poussa un cris et des flammes jaillirent de sa gueule. Elles enveloppèrent Agnès qui s'en protégea par une barrière magique. La créature parla. sa voix gutturale prononça des paroles dont la légionnaire compris à peine le sens :


— Misérable joor, pauvre mortelle. Comment ose tu profaner cette... golt terrak ? Paal... Tu trouvera une mort rapide de ma griffe pour t'être aventurée ici.


Il poussa un nouveau cris qui projeta des flammes. La Bretonne se trouvait maintenant hors de porté et elle ne la touchèrent pas. Le dragon ne s'en souciait pas. Il jouait avec sa proie comme un chat joue avec la sienne. Il tuerait cette mortelle tôt ou tard, inévitablement.


Dovah los Durnehviir, je suis Durnehviir, le gardien de ce lieu. Jul los ahkrin, mortelle, pour oser voler la propriété de mes maitres.


Agnès sauta dans le fossé lorsqu'enfin elle l'atteint et y rampa, collée à la parois dans l'espoir insensé de s'éloigner sans que l'odieuse créature ailée ne la remarque. Ses mains et ses genoux s'enfonçaient dans une épaisse couche de fragments de squelettes noircis et de poudre d'os qui s'insinuait dans ses narines. La Bretonne se trouvait dans un bien triste état avec son armure complétement cabossé. L'acier lui avait sauvé la vie en supportant les roches et la chute dans les escaliers de la tour sombre. Mais l'armure pourtant neuve qu'elle avait récupéré juste avant son duel contre le champion de Sumeer Jabran était couverte de bosses et de fissures. La plaque pectorale losange arborant le dragon impérial pendait lamentablement sur son torse, complétement tordue. Agnès l'acheva en l'arrachant aux rivets qui tenaient encore et la jeta derrière elle.

Elle ne voyait plus Dunehviir mais l'entendait toujours, attendant patiemment qu'elle sorte du fossé qu'elle continuait de longer frénétiquement. Il continuait de parler dans cette horrible langage que la légionnaire ne comprenait qu'à moitié. Faites le taire, par pitité. Faites le taire supplia-t-elle en levant les yeux vers le ciel.


— Oh, vous êtes là, dit une voix tranquille derrière Agnès. Je vous ai perdu de vue tout à l'heure au milieu de toute cette foule...


La Bretonne se retourna et découvrit la silhouette fantomatique de Ria Silmane qui flottait au milieu du fossé, un air candide illuminant son visage translucide.


— Il y a un dragon dehors !! murmura Agnès avec affolement.

Dame Silmane mit la main devant sa bouche et laissa échapper un délicieux rire cristallin.

— Un dragon ? Comme c'est fantaisiste ! Les dragons ont disparu de la surface de Tamriel il y a des centaines d'années... Reprenez votre sérieux, légionnaire. Vous avez promis de m'accompagner jusqu'à la Tour d'Or Blanc. Le Conseil des Anciens m'y attend pour une réunion....

— Quoi, mais vous...

Dame Silmane était redevenu amnésique. Au moins se souvient-elle de notre rencontre et a-t-elle eu assez de jugeote pour venir me retrouver. Agnès essaya de la faire se souvenir une nouvelle fois.

— L'Empereur a été enlevé par votre maitre Jagar Tharn avec l'aide de Mehrunes Dagon. Il vous a tué et vous a enfermé ici, dans le Cairn de l’Âme. Il faut agir de toute urgence pour sauver l'Empereur et empêcher Tharn d'usurper le trône de rubis. J'ai besoin de votre aide, dame Silmane.

— Mais l'Empereur est parfaitement en sécurité au palais impérial... Le seigneur Tharn aussi, il m'attend pour la réunion ! Si j'étais morte, je le saurais... Et je ne pourrais pas vous parler. Vous déraillez, légionnaire. Donnez-moi le nom de votre unité, je devrais faire un rapport à votre officier...

Agnès garda son calme. Elle jeta un bref coup d’œil dans la direction supposé du dragon Durnehviir qui répondit en projetant un jet de flammes qui manqua de peu la légionnaire. Agnès baissa la tête et se cala au fond de la tranchée, aplatie contre le sol.


— Misérable mal joor mey. J'ai devant moi l'éternité, jamais tu ne quitteras cet endroit. Tu mourras de faim dans ton trou, jul fent draal aaz... ma clémence ou dovah krii naal yol. Cela fait des années que je ne me suis pas autant amusé.


"Il y a un dragon sur la Battlespire. Vivant. C'est le seul ? Pas que sur Mortecime, je veux dire. Partout. Il y en a d'autres ? " " C'est confidentiel ". La Bretonne se rappelait encore de la discussion qu'elle avait eu avec l'artificier Valisius lorsqu'elle avait découvert l'existence de Papre. Dire qu'elle était si excité en apprenant la nouvelle... et que la mort de la dragonne l'avait attristé. Elle en voulait à l'Empire d'avoir dissimulé de telles informations, à la Légion de ne pas l'avoir préparée à un tel affrontement, aux légendes qui vantaient les mérites de ces créatures de la mort et par dessus tout, elle désirait la mort de tout les dragon encore vivant à cause de celui qui la bloquait dans ce trou misérable remplit d'os.

— Ecoutez-moi, dit Agnès à dame Silmane en attrapant la jeune femme par l'épaule. Sa main se referma sur du vide. Le temps presse, j'ai récupéré votre âme. Dépêchez-vous de retourner sur Tamriel, il faut les prévenir.

— Mon âme ?

— Oui. Celle que vous m'avez demander de prendre dans cette tour. Dans cette gemme spirituelle, dit la Bretonne en montrant au fantôme la pierre noire et violette.

— Cette gemme... le seigneur Tharn avait la même lors de notre dernière rencontre...

— Oui, il vous a tué et a jeté sur vous un sort de capture d'âme.

— Non... Si... Je me rappelle ! Il m'avais donné rendez-vous pour.... Oh, l'Empereur et en danger ! Jagar Tharn l'a capturé, il a adopté son visage pour...

— Je sais ! Il faut que vous vous échappiez de cet endroit ! Retourner sur Tamriel pour les prévenir !

— Il y a un dragon qui surveille les lieux. Il ne laisse personne s'échapper. Lui aussi a fait un pacte avec les Maitres Idéaux il y a longtemps, mais il l'ont trompé et l'ont condamné à devenir leur esclave. A devenir le gardien du Cairn pour l'éternité.

— Je m'occupe du dragon, déclara gravement Agnès. Vous savez comment faire pour réintégrer votre âme ?

— Je pense... Le rituel est très intuitif. Il me faut un peu de temps et un autel des morts.... Adieu, légionnaire. Et merci. Je trouverais le repos en Aetherium quand tout sera terminé. J'espère vous y revoir... mais pas avant longtemps.

Dame Silmane tendit ses doigts brumeux vers la gemme spirituelle dans la main d'Agnès. Un arc électrique en jaillit en rejoint les deux entités, toute deux morceaux mutilé de la même personne. La Bretonne s'attendait à voir la gemme tomber et traverser le spectre comme s'il n'existait pas quand elle la lâcha mais au lieu de ça, la pierre flotta au dessus, reliée au fantôme par un petit éclair grésillant. L'esprit de Ria Silmane fila à toute vitesse à travers la tranchée. Agnès la retint en lui criant :

— Vous aviez promis de me trouver un portail de sortie !

— Suivez les daedras... dit la silhouette sans se retourner. Ils savent où ils vont. Ils sont partie vers le sud. Ils ont versé beaucoup de sang frais derrière eux. Ça attire les spectres...



Agnès se retrouva seule dans le fossé. Avec un dragon de l'autre côté. Faire gagner du temps à dame Silmane... Elle attrapa Châtiment. Elle avait eu la présence d'esprit de ne pas lâcher la masse quand elle avait fuit Durnehviir dans la tour. Le cœur battant, elle se mit debout et enjamba le rebord du fossé. Le dragon était là, juste en face. Il volait sur place à cinq mètres environ au dessus du sol, ses ailes de cuir déchiré battant l'air doucement. Sa face putréfié s'ouvrit en un sourire satisfait lorsqu'il vit la mortelle s'approcher d'un pas décidé, une arme dans une main et un sort dans l'autre.


— Tu fais preuve de beaucoup de ahkrin, mortelle, pour venir m'affronter. De courage. Cela fait longtemps que je n'ai combattu personne de la race des jul. Tu redonne de la vie dans le cœur d'un pauvre dovah. Orin jul dez los mah, lost morokei krif.


Durnehviir cracha un jet de flamme auquel Agnès s'attendait. Elle leva une barrière devant elle et la boule de feu géante glissa dessus, inoffensive. La Bretonne se remit à avancer, puis à courir. Elle ne s'attendait plus à rentrer vivante sur Nirn. Gagner du temps. C'est dame Silmane qui rentrera prévenir l'Empire. Si je lui laisse assez de temps. Elle poussa un cris de rage et chargea le dragon. La bête s'éleva légèrement dans les airs et plongea sur la minuscule humaine.

Agnès le frappa au museau lorsque sa gueule grande ouverte fut à portée. Le coup assez puissant pour arracher le crâne d'un homme heurta la tête cuirassée d'écailles sans faire plus de dégât que si Châtiment était en papier mâché. La Bretonne évita la morsure de justesse en se précipitant sur le côté, heureuse d'avoir tenu le premier choc. Elle leva sa masse pour préparer le prochain assaut en y mettant toute ses forces, attendant le coup de croc qui reviendrait inévitablement. Mais Durnehviir effectua une rotation sur lui même et la légionnaire vit sa lourde queue dardée de pics osseux jaillir sur elle comme un fouet gigantesque. Elle sauta par réflexe pour éviter le choc mais ses jambes furent fauché dans un éclair de douleur. Agnès tomba à terre, projetée quelques mètres plus loin. Châtiment lui avait échappée des mains. Durnehviir bondit comme un faucon sur sa proie au sol. La gueule béante s'ouvrit sur la légionnaire qui invoqua un épée qu'elle pointa devant elle. Elle crut que les os de ses bras se brisèrent lorsque la masse compacte du dragon rencontra la pointe de sa lame. L'arme conjurée explosa en projetant tout autour des éclats acérés qui auraient déchiré le visage de la Bretonne si elle n'avait pas porté de heaume.

Durnehviir recula brièvement en poussant un cris assourdissant. L'éclat de la pointe avait traversé son museau et était resté planté dans sa lèvre supérieur, fiché entre deux crocs. Agnès jeta la poignée de son arme inutilisable qui se dissipa dans l'Oblivion et se concentra pour en invoquer une nouvelle dans sa main gauche.

Elle était coincée couchée entre les pattes avants de la créature qui s'était posée sur elle, l'enveloppant de ses longues ailes. Elle taillada à l'aveugle ce qu'elle pouvait atteindre, secouant désespérément sa tête et son torse pour échapper aux morsures du dragon. Elle ne voyait devant elle qu'une rangée de crocs pointus, une langue fourchue et le puits béant de la gorge de son ennemi. L'haleine fétide embrumait son esprit et la nué de mouche tourbillonnant autour des yeux de la bêtes envahissaient son visage. Elle cria, de peur et de douleur.

Je m'en fiche de mourir. Je veux que ça s'arrête. Faites que dame Silmane réussisse.

Elle ferma les yeux pour ne plus voir cette horrible gueule et attendit. Elle sentit de lourds étaux se refermer sur ses bras pendant que le dragon affermissait la prise de ses griffes sur sa proie. Durnehviir leva haut son cou serpentin et lança vers le ciel un cris de victoire dans la langue gutturale qu'il parlait.

Agnès pensa à Josian. Je suis désolée, tellement désolée. Reste en vie. Elle vit ses parents, qui jamais ne saurais comment leur fille a terminé. Elle repensa à ses camarades de la Légion, ceux qui comme elle avait rêvé de servir sur Mortecime mais avaient eu la chance de ne pas y mettre les pieds. A dame Silmane et à sa volonté qui lui faisait servir l'Empire même dans la mort. Pourvu qu'elle ne redeviennent pas amnésique avant d'avoir réintégré son âme...


— Bien essayé bozik vahdin, bien essayé, dit le dragon à Agnès. Geh, c'était un beau combat. Mais Durnehviir los qahnaarin. Tes souffrances sont terminées, mortelle.


D'un coup de griffe, il arracha le heaume cabossé de la légionnaire et admira son visage tordu par la douleur et les épreuves. Soudain il se releva et tourna la tête derrière lui, comme un chien qui entend l'appel de son maitre. Il poussa un cri de rage qui résonna dans la tête d'Agnès.


— Maudit tharodis zaam gaaf ! La gemme ! Celle que tu as dérobé à mes in, mes maitres ! Où est-elle ? hurla-t-il à la Bretonne. Tu l'a donné à un gaaf ? Jul sahlo mey !


Durnehviir déploya ses ailes et s'envola. Agnès grimaça lorsque ses griffes relâchèrent ses bras. Il s'éloigna à tire d'elle vers l'horizon, non sans prévenir la légionnaire laissée à moitié inconsciente sur le sol :


— Je reviendrais, joor ! Les tourments que tu endurera seront interminable et douloureux avant que je ne consente à t'arracher la vie !

Il poussa un nouveau cris vers le ciel alors qu'il allait disparaitre du champs de vision d'Agnès. Un grondement de tonnerre secoua le Cairn de l'Ame et les cieux s'ouvrirent, faisant jaillir une pluie de météores autour de Durnehviir. Ils s'écrasaient à la surface du Cairn et des cratères qu'ils ouvraient jaillissaient des légions de squelettes noirs et gluants les mains garnies d'armes antédiluviennes. Ils se relevaient et marchaient dans le sillage du dragon, vers le lieu ou une affaire bien plus pressante que la mise à mort d'une humaine requérait son intervention.


Agnès resta couchée sur le dos, à respirer calmement les yeux perdu dans le vague. Debout, se motiva-t-elle après de longues minutes gâchées ainsi. Debout et part. Il n'est plus là. Il va bientôt revenir. C'est ta seule chance de lui échapper. Elle tremblait encore comme une feuille quand elle força ses jambes vacillantes à bien vouloir la porter. Elle ne put retenir un râle quand le poids de son propre corps ranima la douleur dans ses jambes percutées de plein fouet par sa lourde queue. Ses jambières étaient en miettes. L'une d'elle s'était arrachée et avait volé elle ne savait où. L'autre était en partie incrustée dans la chair de son mollet. Des hématomes d'un violet presque noir recouvraient la surface de ses tibias. Ses jambes se dérobèrent et Agnès retomba en étouffant un cris.

Allez...

A quatre patte, elle alla ramasser Châtiment qui était tombée un peu plus loin pendant le combat. Et moitié marchant, moitié rampant la Bretonne se traina jusqu'à un mausolée ceinturé de grilles en fer noires. Le bruit du dragon qu'elle entendait au loin la poussait à se dépêcher. A moins que ce ne soit que l'orage...

Elle traversa le mausolé, puis une autre ruine. A quoi bon... Je suis chez lui... Je ne peut aller nul part et il le sait. Il me retrouvera en un battement d'aile dès qu'il en aura l'envie... C'était moins fatiguant de se poser est d'attendre son retour. Elle rejeta la tentation d'abandonner.

Agnès progressait au hasard des ruines labyrinthiques, s'efforçant d'emprunter un itinéraire qui se voulait imprévisible. Elle ne cessait de jetait des regards furtifs et apeuré vers le ciel, craignant d'y découvrir une ombre planant dans sa direction.

Elle s'arrêta au détour d'un immense espace comblé de morceaux de tours brisées s'élevant vers le ciel et d'arcades à moitié effondrées supportant des pans de plafonds effondrés. Des arbres morts blanc et rachitiques poussaient dans les fissures entre les pierres noires. Il y avait une silhouette massive de l'autre côté de cette cathédrale de ruines. Merde... jura Agnès en reconnaissant l'armure noire veinée de rouge des guerriers drémoras. Celui-là portait un fléau d'arme monstrueux à la tête recouverte de pics et un bouclier semblable à un bloc de métal noirci recraché des entrailles de la terre par un volcan en éruption.

La Bretonne n'était pas en état de combattre. Par les Divins, qu'est ce qu'il fait ici ? Elle l'observa à distance, cherchant autour d'elle un moyen de le contourner. Et il risque de revenir d'un instant à l'autre...

Le drémora marchait d'un pas pressé en regardant régulièrement le ciel. Il se servait des aspérités du terrain et de blocs de maçonnerie arraché pour progresser à couvert autant que possible. Lui aussi le craint...

Elle n'avait qu'à attendre qu'il passe. Déjà il commençait à s'éloigner.


Durnehviir passa dans le ciel en rugissant. Si proche, bien qu'il resta invisible. Agnès se jeta sur le sol et s'y recroquevilla, regrettant immédiatement ce malheureux réflexe lorsque le drémora se retourna au bruit des pièces d'armures s'entrechoquant. Agnès cessa de bouger et resta silencieuse, priant Akatosh pour un miracle. Le guerrier ne la voyait pas, cachée derrière une colonne aux trois quarts enterrée. Il contourna largement l'endroit où se trouvait Agnès, sans le lâcher des yeux. Il faisait lentement tournoyer la tête de son fléau d'arme au bout de sa chaine et avait levé son bouclier devant lui.

Le daedra vit la Bretonne lorsqu'il fut sur le côté du pilier couché derrière lequel elle se cachait. Les deux fentes noires des yeux de son casque forgé à l'effigie d'un grotesque démon ricanant fixèrent ceux de la Bretonne et il fonça vers elle.

Merde, merde...

Agnès n'en pouvait plus. Elle se remit difficilement debout et se campa sur ses jambes tremblantes en attendant le choc. Pendant un instant, le bref espoir que la peur de Châtiment suffise à éloigner le daedra la traversa. Mais la vue de l'arme ne suffit pas à effrayer le daedra.


— Agnès ? dit le démon en traversant les derniers mètres qui les séparaient.

La Bretonne resta interloquée. C'était bien le timbre rauque et métallique d'un drémora... Il ôta son casque, révélant une mâchoire carrée, des lèvres épaisses, un visage buriné couvert de sueur et d'une barbe de plusieurs jours. Les yeux gris de l'humain étaient cerclé de profondes cernes mauves et ses cheveux taillés court révélaient une coupe militaire, celle en vigueur dans la légion.

— J... Josian ?







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