La magicienne aux cheveux noirs

Chapitre 2 : Soie d'araignée et cheveux de sorcière

7192 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/06/2022 11:37

Garvin se leva lentement pour saisir une bûche qu'il jeta dans le feu mourant avant de retourner s’asseoir sur son rondin de bois. Cette nuit de Saovine était froide et sombre à cause du vent qui soufflait dans les arbres alentours en faisant grincer lugubrement les branches. Depuis la crête où le groupe avait dressé le camp, on avait une vue imprenable sur les montagnes environnantes. Le nain laissa son regard se perdre dans le lointain avant de rapporter son attention sur ses compagnons qui vaquaient à leurs occupations. Assise à sa gauche, l'elfe Yothil raccommodait son arc qui semblait avoir beaucoup servit, à en juger par les nombreuses traces d'usure sur son manche. Sa propriétaire semblait également avoir connu son lot d'épreuves : ses cheveux gris coupés très courts témoignaient de son grand âge dont Garvin estimait au moins à une centaine d'années. Devant elle, agenouillé devant le feu de camps, le nain Kondarir faisait cuire d’appétissantes côtes de moutons à la broche. Le terme de mercenaire le décrivait parfaitement. Il avait servi dans l'armée avant de rejoindre les Scoia'tael pour finalement continuer seul sa route. Ses talents de pisteur lui permettait de suivre ses proies sur de longues distances et c'était lui qui avait mené le groupe jusqu'ici. Tous avaient été témoins de son efficacité au combat, notamment à la hache à double tranchant. De nature bourrue, il ne parlait jamais à personne, mais on pouvait lui pardonner car il avait perdu sa langue au cours de l'un des nombreux pogroms qui avaient eu lieu en Rédania. Enfin, un peu à l'écart, Falla et Echa, reconnaissables à leur tatouage en forme de cerf sur le visage, discutaient à voix basse, comme par peur d'être entendu. Les jumeaux elfes avaient appris très tôt à se battre, formés par leurs parents avant que ceux-ci ne soient tués par un détachement des Stries Bleus alors qu'ils essayaient de traverser le Pontard. Les deux frères avaient grandi seuls en même temps que leur haine des humains et ils n'avaient pu compter que sur eux-mêmes pour survire. Ils étaient passés maîtres dans la chasse aux primes, humanoïdes ou non. Falla immobilisait leurs cibles avec sa large panoplie de pièges et Echa finissait le travail en les passants au fils de sa rapière. Et puis, il y avait lui, Garvin. Il avait beaucoup bourlingué au cours de sa vie, occupant tantôt la profession de chasseur, tantôt celle de soldat. Après la guerre, il avait fui l’avancée nilfagaardienne et sa route avait finalement rencontré celle de Kondarir. Et puis, quelques mois après, les nains avaient rencontré les trois elfes au cours d'une chasse au monstre et leur groupe naquit alors. Ils n'avaient certes nulle part où aller mais au moins, ils pouvaient compter les uns sur les autres.

 

Il y a de cela quelques semaines, le groupe avait accepté un contrat dans une petite ville de Rédania et dont la récompense leur garantissait suffisamment d'or pour s’offrir une jolie parcelle de terre à Toussaint. Depuis quelques temps, la plupart des caravanes de marchants qui empruntaient les sentiers de la montagne alentour étaient sauvagement attaquées et les rares survivants parlaient de monstres aux allures arachnéennes. Le groupe avait accepté le contrat et les voilà repartit dans une bonne vielle traque aux bêtes dans les montagnes. Jusqu'à présent, ils n'avaient rencontré aucun monstre mais à en juger les nombreuses caravanes accidentées qu'ils avaient croisé, ils atteindraient bientôt leur but. Leur seul souci était la présence d'une sixième personne dans le groupe, une personne qu'ils n’appréciaient particulièrement pas.

 

Comme attiré par l'alléchante odeur de cuisson, les jumeaux elfes s’approchèrent et tous deux prirent place sur un rondin de bois près du feu.

 

-À votre avis, combien de ces créatures va-t-on devoir tuer ? demanda Falla qui semblait impatient de goûter à la viande. Dix ? Vingt ? Je suis prêt à parier avec qui veut.

 

-On avait déjà parié, la dernière fois, rétorqua Garvin. Et tu me dois toujours quinze couronnes.

 

-Ça va, je vais te rembourser, promis. Tu me connais bien.

 

-Pour sûr, je te connais bien. C'est pour ça que je ne suis pas près de voir la couleur de mon or.

 

Avec un petit sourire en coin, Yothil se détourna de la querelle, déposa son arc à ses pieds et s’agenouilla aux côtés de Kondarir qui trouvait négligemment sa broche improvisée.

 

-Selon toi, dans combien de temps nous tomberons sur nos proies ? questionna l'elfe d'une voix douce.

 

Le nain grommela dans sa barbe foisonnante avant de lui designer un puis deux doigts. Yothil hocha légèrement la tête avant de reprendre sa place sur son rondin de bois. Son regard alla de ses compagnons qui continuait de se disputer gentiment jusqu'à leurs palliasses de fortune mais elle dut se retenir de cracher au sol lorsqu'elle posa les yeux sur l'immense tente qui trônait un peu à l'écart du campement. Le contraste entre les couches miteuses et cette tente digne d'un noble nilgaardien était saisissant. Sur son tissu entièrement noir et blanc était brodé de magnifique motifs de fleurs si fins que seul un grand tailleur halfelin aurait pu égaler.

 

-Je n'arrive pas à croire qu'on en soit réduit à travailler pour des dh'oin, maugréa Echa, le regard perdu dans les flammes. On devrait les laisser gérer leurs problèmes seuls, comme ils le méritent.

 

-Certes, mais la prime vaut bien que nous jouions les larbins des humains pour une fois, rappela Garvin d'une voix compatissante. Songez à tous ce qu'on va pouvoir s'offrir avec tout cet or.

 

-Ouais, tu parles d'une consolation, soupira l'elfe.

 

-Et elle, qu'est-ce qu'elle fait ici ? demanda Yothil en désignant du menton la tente somptueuse. Voilà bientôt deux semaines que nous voyageons ensemble, et c'est à peine si elle nous a adressé la parole. Tous ce qu'on sait d'elle c'est son nom.

 

-Et que c'est un foutue sorcière aussi agréable qu'une wyvern en rûte, cracha Echa qui ne fit aucun effort pour dissimuler son dégoût. Quoi de plus normal pour une dh'oin. !

 

-Arrête de gueuler, foutredieu ! l'avertit Garvin en jeta un regard inquiet vers la tente. Tu veux qu'elle t'entende ou quoi ?

 

-Aucun risque, son ouïe est encore moins développée que celle des humains. À l'heure qu'il est, elle doit être en train de barboter dans son bain et de se barbouiller le visage de maquillage. Et si tu crois que j'ai peur d'elle...

 

-Tu devrais, l'elfe, le coupa une voix ferme et autoritaire provenant de derrière lui.

 

Ils se retournèrent tous du même mouvement, comme s’ils avaient soudainement reçu une décharge électrique. À l'entrée de la tente se tenait une femme aussi gracieuse que dangereuse. Elle était vêtue d’un somptueux pourpoint de tissu noir richement décoré et ornée d’une duveteuse fourrure noire, par-dessus une chemise en lin blanche. De longues et soyeuses boucles noires encadraient son visage sévère mais d’une beauté surnaturelle. Ses yeux violets et perçants étaient mis en valeur par son élégant fard à paupière sombre ; ses lèvres douces et pulpeuses avaient été soigneusement maquillée de noir. Ses gants en tissu noir orné de fourrure s’arrêtaient juste avant ses coudes. Ses longues et fines jambes étaient mises en valeur par son étroit pantalon noir et blanc qui moulait ses larges hanches et par une magnifique paire de bottes de cuir noir à haut talon, longues jusqu’au-dessus de ses genoux. Enfin, une étrange étoile d’obsidienne attaché à un étroit collier de cuir ornait son cou gracieux. Tout chez cette femme inspirait la puissance, l’autorité et la crainte mais également une attirance irrésistible et un charme terriblement vénéneux. Elle toisa l’assemblée d’un regard méprisant avant de s’assoir près du feu sur une buche sans y avoir été invitée. Après avoir pris quelques instants pour revenir à lui, Garvin afficha un sourire si faux qu’il n’aurait même pas trompé un nourrisson.

 

-Et bien dame Yennefer, que nous vaux le plaisir de ta visite inattendue autour de notre feu ? Est-ce l’appétissante odeur de la cuisine de notre cher Kondarir ?

 

Yennfer de Vengerberg ne lui accorda pas même un regard.

 

-Rien de tout cela, soupira t’elle d’une voix hautaine. D’une part, la cuisine de ton compagnon est tout l’inverse de ce que je qualifierai d’appétissant et d’autre part, je me suis déjà restaurée. Non, disons que j’avais simplement envie de respirer un peu d’air frais.

 

-C’est vrai que ça doit sacrément puer, là-dedans, la railla Falla en désignant la tente noire et blanche. Si tu mets autant de parfum, c’est parce que tu ne supportes pas ta propre odeur ?

 

-Non, c’est que contrairement à vous, je prends sois de moi et que l’idée même de sentir le bouc à longueur de journée me donne la nausée, répliqua la magicienne, toujours sans le regarder. Mais bon, je perds mon temps à essayer d’inculquer un semblant d’hygiène dans le cerveau sous-développé de vulgaires mercenaires.

 

Falla était sur le point de lui lancer une réplique cinglante mais Garvin le fit taire d’un geste de la main et rapporta son attention sur la dame de Vengerberg.

 

-Et si tous nous disait pourquoi tu as décidé de nous accompagner, noble Yennefer ? Nous ne savons pratiquement rien de toi.

 

-C’est bien mieux ainsi, répliqua la magicienne. Tout ce que vous avez à savoir, c’est que l’argent de m’intéresse pas et que par conséquent, vous pourrez garder l’intégralité de la récompense. C’est déjà beaucoup pour vos esprits limités.

 

-Tu ne nous fait pas confiance, n’est-ce pas ? intervient Yothil, le regard fixé sur Yennefer

 

Celle-ci lui accorda un sourire méprisant

 

-Bien deviné, l’elfe.

 

-Pourquoi ? Nous ne sommes pas ennemis, nous partageons un objectif commun. Ne serait-il pas raisonnable que nous entretenions au moins une confiance mutuelle, afin que chacun trouve son compte.

 

-Peut-être, admis Yennefer. Mais malheureusement, je ne suis pas raisonnable. Sur ce, bien que votre compagnie soit agréable, il se fait tard, je suis fatiguée et une longue journée nous attends demain. Je vous souhaite une bonne nuit, si tant est que vous trouviez le sommeil dans les couvertures miteuses qui vous servent de couches.

 

Sur ces mots, elle se leva et, dans un élégant mouvement qui fit danser gracieusement ses longues boucles, elle leur tourna le dos et regagna l'intérieur de sa tente. Les chasseurs la regardèrent s'éloigner avec consternation et un long silence s'installa après qu'elle eut quitté leur champ de vison. Finalement, ce fut Echa qui repris la parole en accablant la magicienne d'insulte en elfique.

 

-Pour qui elle se prend ? cracha-t-il. Elle nous parle comme si on était de la merde sur ses souliers. Je propose que demain, on la laisse ronfler tranquillement et qu'on en profite pour continuer sans elle.

 

-Et moi, je propose que tu arrêtes de nous les briser et que tu fermes ta gueule ! le réprimanda Garvin. Moi aussi, j'ai un furieuse envie de lui foutre mon poing dans son joli minois mais elle peut nous être sacrément utile.

 

-Tu le pense vraiment ? intervient Yothil. Je sais que les mages sont capables de grands prodiges mais à part se plaindre et consommer trois litres d'élixir de mandragore pour conserver sa jeunesse, je ne vois pas en quoi elle nous est utile.

 

-Bordel, tu ne vas pas t'y mettre non plus ! Déjà, pour ton information, les mages n'ont pas besoin de potion pour rester jeunes, c'est l'un de leurs fabuleux talents. Ils sont capables de déchaîner des tempêtes, de faire pleuvoir le feu ou même de tuer à distance sans même te jeter un regard. Avoir une sorcière avec nous, c'est la garantie du succès de notre chasse. Et en plus, elle ne veut même pas la moindre pièce de la récompense qu'on va toucher donc nous pourrons tous garder pour nous. À ce compte-là, je me contrefiche de savoir pourquoi elle nous a rejoint.

 

Le nain se tut et observa les réactions du groupe. Malgré son discours, tous ses compagnons ne semblaient être convaincues mais il savait qu'ils allaient tous accepter sa décision. Kondarir, comme à son habitude, n'avait pas pris part à la dispute et s'était occupé de sa cuisson. Lorsqu'il fut satisfait, il fit signe aux autres et le groupe pu enfin se remplir le ventre. Peu à peu, la bonne entente revint et ils se mire à rire comme à l'accoutumée. Cependant, il régnait toujours une certaine tension au sein de la compagnie qui était inévitablement due à la présence de la magicienne. Tant qu'elle serait là, ils n'avaient pas fini de se quereller.

 

 

Le lendemain, ils levèrent le camp de bonne heure et, guidés par Kondarir, ils suivirent la piste des créatures en directions de l'ouest. Plus ils progressaient, plus la piste devenait nette, ce qui remotiva le groupe qui était pressé d'en découdre. Leur progression était difficile car ils devaient traverser tantôt des forêts vierges, tantôt des ravins escarpés à flanc de montage. De plus, les chasseurs devaient également supporter la mauvaise humeur de Yennefer qui ne cessait de les critiquer chaque fois qu'ils revenaient sur leurs pas pour prendre une autre direction. La magicienne aurait peut-être dû se méfier un peu plus car le groupe avait de plus en plus de mal à tolérer sa présence. Certains commençaient même à ruminer un début de vengeance.

 

Deux jours après Saovine, ils finirent par trouver ce qu'ils cherchaient. Alors qu'ils descendaient une pente douce au beau milieu d'une épaisse forêt de cèdre, Kondarir leur fit soudainement signe de s'arrêter puis il pointa du doigt quelque chose devant eux. A travers les feuillages et la végétation dense, l'entrée d'une vaste caverne se dessinait. Elle était semblable à n'importe quelle grotte, hormis la grande tache rouge qui tapissait le sol juste devant et les tas d'os blanchis par le soleil. De plus, une odeur putride se dégageait de l'ouverture, une odeur de cadavre. Le groupe s'approcha à pas de loup et Kondarir s’agenouilla pour examiner le sol. La terre avait été retournée de nombreuses fois, preuve quelque chose venait souvent ici. Et de toute évidence, la tache rouge était du sang séché depuis quelques jours à peine. Il jeta un bref regard aux ossements empilés sur le côté. Certains étaient en trop mauvais états pour les identifier mais il remarqua cependant une abondance de ce qui ressemblait à des os humains. De son côté, Yennefer observait d'un air intrigué l'entrée de la grotte, assez vaste pour laisser entrer deux scorpions zerrikanien et aussi sombre qu'une nuit sans lune. La magicienne nota un autre détail interagissant. Les parois de la caverne étaient recouvertes de ce qui ressemblait à de la soie. En y regardant de plus près, elle comprit qu'il s'agissait en fait d'une toile d'araignée tout à fait banale. Hormis le fait qu'elle était aussi gluante qu'une colle magique et qu'elle mesurait au moins deux mètres de large.

 

-Eh bien, on dirait qu'il s’agit de l'antre des créatures qu'on traque, conclut Garvin à voix basse. Quelqu'un a une idée du genre de monstre qu'il se trouve là-dedans ?

 

-Des arachnomorphes, répondit Yennefer sans se retourner vers le groupe.

 

-Des quoi ? demanda Echa sans comprendre.

 

-Des créatures semblables à des araignées, mais de la taille d'un bœuf, capable de dévorer un humain en quelques secondes. Elles sont très rapides et suffisamment fortes pour maintenir un ours de Skellige à terre sans effort. Ces choses sont mortelles.

 

-J'ignorais que les magiciennes en savaient autant sur les monstres, fit remarquer Yothil. D'où te viennent toutes ses connaissances ?

 

-D'une sorceleuse qui connaît son métier, rétorqua simplement Yennefer.

 

-Si ces créatures sont aussi dangereuses, on devrait se préparer, repris Garvin en se grattant la barbe. Le mieux serai de les attirer dehors, là où nous pourrons leur tendre une embuscade. Il nous faudrait un appât. Falla, Echa, allez me chasser une biche ou un sanglier, quelque chose d’assez gros pour les attirer dehors. Yothil, j'aurai besoin que...

 

-Inutile, je m'en occupe, seule, le coupa la magicienne.

 

Un long silence suivit cette affirmation pendant lequel, tous la regardèrent avec un mélange d’effarement et de mépris.

 

-Pardonne ma question indigne de ton intellect, noble Yennefer, interrogea Yothil sans dissimuler son sarcasme, mais j'ai cru comprendre que tu comptais entrer dans cette caverne toute seule. Est-ce bien ce que tu suggérais ?

 

-Tu m'a parfaitement comprise, elfe, confirma Yennefer sans lui jeter le moindre regard.

 

-Typique des magiciennes, se moqua Echa avec un rictus mauvais. Tu ne saurai même pas chasser le plus stupide animal qui existe. Tu feras un pas dans cette grotte et ta jolie tête sera déjà dans l'estomac de l'un de ces monstres. Tu pue tellement l’arrogance que même ton parfum ne peut le cacher.

 

La magicienne fit volte-face, les mains sur les hanches, son regard foudroyant le chasseur elfe qui eut un mouvement de recul tout en essayant de conserver son sang-froid. Elle s’apprêtait à dire quelque chose mais Garvin intervient à ce moment-là.

 

-Noble Yennefer, pardonne à mes compagnons leur bêtise. Ils ne savent rien des talents prodigieux des mages, en particulier des tiens. Nous te laissons t'en charger toi-même, comme tu la demandé. Nous serons ici à attendre ta victoire, bien qu'elle soit déjà assurée.

 

La magicienne aux boucles noires parut apaisée par ces compliments et sans un mot de plus, elle s'engouffra dans la grotte. Echa se tourna vers le nain, le visage crispé de colère mais Garvin lui adressa un clin d’œil.

 

-Inutile de t'emporter. Elle va nous fournir une diversion parfaite. Pendant que les créatures s'amuseront avec elle, on en profitera pour frapper par derrière.

 

 

 

 

 

Plus elle avançait, plus la puanteur s'intensifiait. Avec une grimace de dégoût, Yennefer progressait lentement en prenant bien soin de ne pas déraper sur le sol glissant. Bientôt, elle arriva à un coude qui tournait vers la droite, ce qui la priverait des dernières lueurs de l'extérieur. Elle s’arrêta pour murmurer une formule magique et une sphère de lumière apparut au-dessus d'elle, éclairant la voie. Tandis qu'elle reprenait sa route, le tunnel qu'elle empruntait s'élargissait de plus en plus et elle remarqua de nombreux débris de roche au sol ainsi que de profondes griffures dans la paroi. Elle fut soudain parcourue d'un frisson. Les arachnomorphes qui vivaient ici été suffisamment forte pour tailler dans la roche à coup de griffes et de dard pour aménager leur antre. Peu de spécimens étaient capables d'une telle chose. Bientôt, le tunnel s'ouvrit sur une large salle où une dense végétation avait poussé parmi les roches éparpillées. La sphère magique ne parvenait pas à éclairer toute la grotte, laissant ainsi une vaste partie de la pièce plongée dans le noir. Une large traînée de sang s'étalait devant Yennefer jusqu'à disparaître dans les ombres. À en juger par l'odeur écœurante qui régnait, plusieurs cadavres devaient être en train de pourrir. La magicienne poursuivit sa progression tout en se couvrant le nez et la bouche, étouffée par la puanteur ambiante. Cependant, elle eue bientôt la désagréable impression de ne plus être seule. Plus elle avançait, plus elle le ressentait au fond d'elle : Quelque chose se mouvait dans le noir, quelque chose de gros mais aussi silencieux qu'un spectre. Un craquement dans son dos la fit se retourner. Elle dirigea sa lumière en direction du bruit mais celle-ci n'éclaira que des fragments de roche. Elle entendit un nouveau sifflement dans l'obscurité. Presque aussitôt, quelque chose de collant s'écrasa sur son visage et le recouvrit entièrement. Surprise, la magicienne tituba légèrement en essayant de retirer ce qu'il l'aveuglait, avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'une épaisse couche de toile. Elle avait beau lutter de toute ses forces, la soie restait fermement collée à sa peau. Trop absorbée par ses efforts, elle n'entendit pas les multiples bruits de pattes qui griffaient le sol, ni les sifflements agressifs qui résonnaient autour d’elle. Poussée par son arrogance, elle était tombée dans le piège aussi facilement qu'une enfant. Après plusieurs tentatives infructueuses, Yennefer parvient enfin à retirer la soie qui lui couvrait les yeux mais ce qu'elle découvrit la pétrifia de peur. Tout autour d'elle, une horde d'araignée au moins aussi large qu'un sanglier adulte formait un cercle infranchissable de crocs et de griffes. Abasourdie, la magicienne tenta de lancer un sort, mais l’incantation mourut aussitôt dans sa gorge, étranglée par sa stupeur. Les araignées la prirent de vitesse et projetèrent sur elle un déluge de toile qui la momifia aussi rapidement qu’efficacement. En moins d’une minute, elles avaient battu à plate couture une des plus grands mages du monde connu. La dame de Vengerberg n’avait plus aussi fière allure : son beau visage était couvert d’une large toile qui l’aveuglait et une épiasse boule de soie enfoncée dans sa bouche la réduisait au silence. Ses bras étaient ligotés le long de son corps tandis que ses longues jambes étaient engluées ensembles par une longue toile qui partait du sol jusqu’à ses hanches. Des filets de toiles s’accrochaient à ses longues boucles autrefois soyeuses.

Yennefer se débâtit et voulut crier de frustration mais elle ne put emmètre que des grognements étouffés alors que les monstres s’approchaient d’elle en la fixant d’un air affamé. La magicienne gigotait dans les rets dans lesquelles elle était empêtrée mais elle était maintenant à la merci des créatures. Une odeur fétide lui emplit les narines et bien que de la soie soit collée à ses yeux, elle distingua la face immonde d’une arachnomorphe qui la transperçait de son regard affamé. Très lentement, comme si elle se nourrissait de la peur de sa proie, elle ouvrit la gueule, dévoilant une puissante mâchoire sertie d’une cinquantaine de dents toute aussi tranchante et solide qu’une épée de sorceleur. Alors que le monstre s’apprêtait à trancher la tête de Yennefer, un sifflement bref se fit entendre, suivit d’un effroyable hurlement. Aussitôt, l’araignée recula et détourna son attention de la magicienne collée dans la toile. D’autre bruits retentirent dans la caverne, d’abords des cris humanoïdes, puis le fracas du métal contre la chitine, puis des cris poussés par les araignées. Un combat avait lieu dans la grotte et bien que complètement déboussolée, Yennefer était sûre d’une chose : il lui fallait à tout prix se libérer avant d’être elle-même pourfendue par erreur. Elle se tortilla de toute ses forces mais elle était si bien enroulée dans la toile gluante qu’elle ne pouvait remuer le petit doigt. Clouée sur place, la magie était sa seule solution mais les araignées avaient veillé à ce qu’elle soit efficacement bâillonnée et toutes ses tentatives d’incantations échouèrent. Occupée par ses efforts, elle ne s’était pas rendu compte que le calme était revenu et que plusieurs personnes s’approchaient maintenant d’elle. Alors qu’une ombre passait devant elle, Yennefer interrompit sa lutte pour lever les yeux vers un visage moqueur et sarcastique. Un visage qu’elle connaissait et qu’elle détestait.

 

-C’est tout ce que la grande Yennefer de Vengerberg peut faire ? railla Echa d’une voix forte. Ces monstres t’ont fourrée dans leurs toiles encore plus vite que ce que je pensais. On dirait bien que j’ai perdu notre pari, Falla. 

 

Bientôt, le groupe se réunis autour de la magicienne engluée, et bien que certains comme Kondarir préféraient s’occuper de rassembler les carcasses, d’autres ne se génèrent pas pour l’insulter.

 

-Après tout ce que Garvin nous a raconté sur toi, je commençais à croire que tu nous servirais à quelque chose, la nargua Falla. Mais il faut croire que nous sommes tombés sur la plus pitoyable des sorcières.

 

-N’exagère pas, intervient Yothil, elle fait un très bon appât. Elle donne facilement l’envie de la tuer. C’est un don précieux.

 

Elle passa devant Yennefer en prenant soin de lui écraser violement le pied. Le hurlement de douleur et de rage émis par la dame de Vengerberg fut en parti étouffé par la boule de toile enfoncée dans sa bouche mais il fut tout de même assez bruyant pour que les elfes puissent s’en délecter.

 

-Hey, je vous dérange ? les interrompit Garvin qui aider Kondarir à trainer les carcasses jusqu’à l’entrée de la salle. Dépêchez-vous de la libérer et ramener vous par ici. Ces bestioles sont lourdes, que diable !

 

-Pff, quel rabat-joie, maugréa Echa dans sa barbe puis il dégaina sa rapière et entreprit de trancher les rets de la magicienne. La tâche s’avéra difficile car les toiles étaient incroyablement résistantes et Yennefer ne cessait de se débattre furieusement. Lorsqu’elle fut enfin libérée de la soie collante, elle arracha elle-même les filets qui lui masquaient la vue avait de cracher la boule de toile de sa bouche. Elle se plia en deux, les mains sur son ventre et toussa bruyamment et de manière peu élégante avant de relever la tête, les yeux emplis de colère.

 

-Je vous le ferais regretter, soyez en sûr, s’indigna-t-elle d’une voix amère et pleine de fureur.

 

-Au vue des talents que tu as démontrés, nous sommes largement en sécurité, répliqua Echa, toujours avec le même sourire volontairement exaspérant. Si tu n’as rien d’intéressant à dire, je te priais de te taire, ta voix de crécelle me fait déjà regretter de t’avoir libérée.

 

Il l’a planta là et rejoignit ses compagnons, content d’avoir enfin rabattu le caquet de la magicienne qui resta sans mots, honteuse et humiliée, ne sachant que répondre. Elle finit par rejoindre le groupe à l’extérieur de la caverne au moment où Kondarir, Garvin et Yothil commençait à découper les carcasses pour prélever des trophées. Alors qu’ils allaient s’atteler à leur besogne, la voix de Yennefer les interrompit.

 

-Stop ! Arrêtez-vous. J’ai besoin de leurs corps intacts. Vous avez fait ce que vous aviez à faire, maintenant déguerpissez !

 

-Comment ? Que dis-tu, dame Yennefer ? l’interrogea Garvin en posa sur elle un regard mauvais. Il commençait à comprendre pourquoi elle les avait rejoints et pourquoi elle avait été étrangement généreuse au sujet de la récompense.

 

-Tu est sourd ou quoi, nain ? Je vous ai dit de foutre le camp ! Vous ne me servez plus à rien et j’ai besoin des carcasses intactes. Elles me fourniront de précieux ingrédients pour mes recherches. Ouste, du balai !

 

-Nous avons aussi besoin des cadavres, intervient Yothil qui s’était placé juste derrière Garvin, la mâchoire crispée. Des trophées sont nécessaires si on veut pouvoir toucher la prime. On devrait pouvoir partager équitablement.

 

-Oui, sans aucun doute, rétorqua Yennefer, un sourire méchant sur ses lèvres pulpeuses. Mais il y’a juste un petit problème. Vois-tu, je n’aime pas partager.

 

-Oh je vois, soupira Falla. On aurait dû s’en douter, les amis. Que de plus normale pour une humaine et une magicienne.

 

En un éclair, il tendit le bras en avant et une balle d’acier dur fendis l’air pour violement heurter le front de Yennefer. Un bruit sourd s’en suivit et la tête de la magicienne bascula légèrement en arrière sous le choc. Sa bouche s’entrouvrit légèrement tandis que ses longues boucles noires tombèrent sur ses yeux mauves, couvrant son visage. Complètement hébétée, elle ne voyait à présent que des étoiles dansant devant ses yeux mi-clos et des petits oiseaux sifflaient à ses oreilles alors que sa tête tournoyait lentement. Avec ses bras tombant mollement le long de son corps et une expression étourdie sur son visage, elle était bien incapable de lancer le moindre sort.

 

-Ooooh, ma pauvre tête..., gémit-elle sensuellement malgré tout.

 

Les chasseurs n’attendirent pas qu’elle ne revienne à elle. Avec la même vivacité qui avait surpris la magicienne, Falla saisit une bola de sa ceinture et le lança en direction de son adversaire. Le projectile s’enroula parfaitement autour de la dame de Vengerberg, la ligotant solidement des épaules jusqu’aux chevilles tout en lui immobilisant les doigts. Elle perdit l’équilibre et tomba brutalement en arrière, le choc l’étourdissant un peu plus.

 

-Elle est sonnée ! Le filet, vite ! beugla Garvin à l’adresse des jumeux elfes.

 

Falla attrapa le grand filet attaché à sa ceinture jeta à son frère qui avait pris position derrière la magicienne étourdie et ensemble, ils l’enveloppèrent à l’intérieur. Ayant enfin retrouvé ses esprits, Yennefer se tortillait vigoureusement en hurlant des insultes mais elle ne réussit qu’à s’empêtrer encore plus dans le filet. Pour plus de sureté, Yothil lui attacha les chevilles ensemble, en même temps que Kondarir et Garvin,lui immobilisait les bras le long du corps avec des cordes nouées au-dessus et sous sa poitrine.

 

-Détachez-moi, fils de putes ! cria la belle magicienne. Libérez-moi ou je vous jure que j’enverrai un golem traquer chacun d’entre vous !

 

-D’après ce qu’on a pu voir aujourd’hui, tu ne saurai même pas invoquer un escargot, la nargua Garvin en la toisant de toute sa hauteur. Alors un golem…Laisse ça à des magiciens talentueux, tu veux ? Tu es plus douée pour te maquiller que pour lancer des sorts.

 

Yennefer voulut lui cracher dessus à travers le filet mais les mailles étaient trop serrées et elle reçut sa salive en plein dans les yeux, ce qui l’aveugla.

 

-Bon, que fait -on d’elle ? demanda Yothil.

 

-À ton avis ? retoqua sèchement Echa. On lui tranche sa jolie gorge pour ne plus avoir à supporter ses cris stridents.

 

-Attends, non, intervient Garvin avec un sourire cruel. J’ai une bien meilleure idée, la concernant.

 

 

Le soleil se couchait lentement à l’horizon, projetant sur le camp une jolie couleur orangé. Après quelques heures de marche, ils avaient monté leur bivouac près d’une rivière peu profonde, parfaite pour remplir leurs gourdes. Fidèle à son habitude, Kondarir avait monté le feu de camp et en attendant que les jumeaux elfes reviennent de leur chasse, il s’occupait en aiguisant le fil de sa hache. Comme toujours après un contrat, Garvin rédigeait son journal personnel, y inscrivant tous les détails de leur chasse tout en surveillant du coin de l’œil leur prisonnière. Le voyage s’était déroulé dans la bonne humeur et le calme, mis à part les insultes et les cris de douleurs de la magicienne qu’ils avaient traînée par les cheveux à travers la forêt. Après l’avoir sortie du filet, ils lui ligotèrent les mains dans le dos pour l’empêcher d’utiliser le moindre sort. Assise près du feu, ses longues jambes en avant, elle contemplait les flammes, ses yeux mauves emplis de haine et de frustration. Sortant de la tente de Yennefer qu’ils lui avaient réquisitionné, Yothil s’approcha d’eux, un ciseau à laine dans la main et un sourire réjouit aux lèvres.

 

-Tu sais Yennefer, on dit que les cheveux de sorcières valent une fortune déclara-t-elle en s’agenouillant derrière la dame de Vengerberg. Certains alchimistes pensent qu’ils possèdent des vertus magiques inégalées. Et même si c’était faut, je parie que beaucoup de gens dépenserait beaucoup pour se procurer un tel trophée. Et tu as vraiment une très belle chevelure.

 

-Attends, qu’est-ce que…commença Yennefer.

 

-Chuuuuuuut, on se tait, jeune fille, l’interrompit l’elfe d’une voix douce comme si elle parlait à une enfant en brossant toutes les boucles de la magicienne en arrière. Des cheveux aussi longs, non mais quelle idée ? C’est une prise facile en combat, ça tombe devant les yeux et ça s’accroche dans le moindre branchage. Vous les magiciennes, vous vous prenez vraiment pour des princesses.

 

-Ne me touche pas ! cria la dame de Vengerberg. Et ne t’avise surtout pas de…

 

Shlack ! Le son des lames se refermant sur ses boucles la réduisit au silence. Yothil lui avait coupé une mèche à hauteur de nuque qu’elle déposa dans un bocal en verre posé près de ses genoux avant de saisir à nouveau les cheveux de la magicienne. Yennefer était trop choquée pour parler tandis que l’elfe lui coupait une nouvelle mèche qui alla rejoindre la première dans le bocal. Ses précieuses boucles qu’elle aimait tant, malgré son incapacité à les coiffer. Elle ne les coupait jamais et dépensait même une fortune pour les garder propres et soyeuses. Elles jouaient un grand rôle dans sa beauté surnaturelle et elles faisaient sa renommée parmi les magiciennes. 

 

-Hé la sorcière ! Regarde-toi un peu et dit-moi si ta nouvelle coiffure te plaît.

 

Yothil fit passer le miroir de poche de Yennefer par-dessus sa tête et la magicienne fut totalement déconfite devant son reflet. Sa magnifique chevelure, autrefois longue jusqu’au milieu du dos, était maintenant réduite à une vulgaire tignasse emmêlée et inégale. Yothil l’avait privée de plusieurs centimètres de cheveux qui remplissait à présent le bocal presque intégralement.

 

-Comment-as-tu osé ?! hurla-t-elle en se tortillant vainement. Je suis affreuse, maintenant ! Mes cheveux étaient tous pour moi !

 

-Oh, quel dommage, dans ce cas, se moqua l’elfe qui caressait tendrement la joue de sa captive. On dira que tu vas devoir t’en passer, ma grande. J’ai toujours trouvé que les cheveux courts étaient bien plus pratiques. Tu verras, tu me remercias. Et de toute manière, je n’en n’ai pas encore fini avec toi

 

-Quoi ? Comment ça ? Tu as déjà coupé mes cheveux, tu ne vas quand même pas me raser la tête ?

 

La chasseresse eu un sourire cruel.

 

-Oh que si, chérie.

 

Sourde aux bruyantes protestations de la magicienne, Yothil l’empoigna sans ménagement par ses cheveux à présents beaucoup plus courts et lui tira la tête en arrière. Avec l’aide de ses ciseaux, elle entreprit de couper les mèches du côté de droit de la tête de Yennefer le plus court possible. La dame de Vengerberg avait beau hurler et s’agiter dans tous les sens, elle n’arrivait pas à se libérer de l’emprise de l’elfe qui s’avérait bien plus forte qu’elle ne l’aurait crût. Au bout d’une dizaine de minutes qui sembla durer des heures pour la magicienne, Yothil s’estima enfin satisfaite et lui présenta une fois encore son reflet à l’aide de son miroir. Le choc fut encore plus douloureux : l’elfe avait coupé ses cheveux à ras sur la partie droite et arrière de sa tête et seules quelques touffes tombait mollement sur la partie gauche. Yennefer était sans mots. De toute sa vie, jamais elle n’avait été aussi humiliée. Laissant sa captive ridiculisée et abattue, Yothil referma le bocal remplie à ras bord et s’installa près du feu en sifflotant gaiment, heureuse d’avoir punie comme il se doit l’arrogance de Yennefer. Ce que la magicienne ignorait toute fois, c’est qu’elle n’était pas encore au bout de ses peines.

 

 

 

Le vent marin chargé de sel soufflait violement dans les voiles de l’Esperance, amarré depuis quelques jours au port d’une petite ville de Rédania. C’était dans cette même ville que le groupe de chasseur mené par Garvin s’était rendu afin d’être payé pour leur chasse rondement menée. Après avoir reçu leur récompense, ils s’étaient ensuite rendus au port avec en tête l’idée de se faire encore plus d’or. Yothil, Kondarir et Echa attendaient patiemment près du ponton où l’Esperance était amarré et discutaient joyeusement (surtout les deux elfes). À leurs pieds se trouvait une grande caisse percée de plusieurs petits trous, scellée par de lourdes chaines.

 

-Alors, tu as déjà décidé à qui tu vas les vendre ? questionna Echa en désignant du doigt le bocal remplis de cheveux avec lequel Yothil jonglait négligemment.

 

-Oh, tu sais, de nombreux les alchimistes vendraient père et mère pour en obtenir, répondit celle-ci avec un sourire malicieux. J’en trouverai forcément un à Novigrade qui me les achètera. Je garderai quand même quelques-uns, en souvenir de ma plus belle proie.

 

-Là où elle va, les gens ne regardons pas ses cheveux, repris Echa qui regardait la caisse d’un œil railleur. Ils seront bien trop occupés avec ses seins quand elle se dandiner devant eux.

 

Ils furent interrompus par Garvin et Falla qui revenaient vers eux d’un pas triomphal. À en juger par leurs mines plus que réjouies, ils étaient porteurs de bonnes nouvelles.

 

-L’affaire est conclue ! brailla Garvin. La magicienne part pour le Passiflore dans l’heure.

 

-Pour combien l’avez-vous vendue ? voulut savoir Echa qui semblait aussi heureux que si on lui avait annoncé la mort subite de tous les rois et reines humains.

 

-Cent mille couronnes rédaniennes ! annonça son frère avec un grand sourire en voyant les visages effarés de ses compagnons. Il faut croire que les gens sont prêts à se ruiner pour ajouter une magicienne dans leur bordel. Le Passiflore va devenir plus riche le Nilfgaard tout entier avec elle. Tu as eu une excellente idée, Garvin.

 

-Comme toujours, répondit celui-ci avec un grand sourire. Avec tout cet argent, on va être tranquille pendant un bon moment. Peut-être même jusqu’à la fin de nos jours. Quant à toi...

 

Il s’accroupie près de la caisse et tapota sur le dessus.

 

-Je suis sûr que ton nouveau travail te conviendra bien mieux que d’être magicienne. Tu dois adorer trémousser tes jolies fesses plantureuses devant des aristocrates en pleine extase. Oh, et une dernière chose : si jamais tu décides de nous retrouver, on se fera une joie de te faire mordre la poussière une nouvelle fois.

 

Un grognement presque imperceptible lui répondit. Ficelée comme un saucisson, enveloppée dans le filet et solidement bâillonnée, Yennefer n’avais aucune chance de s’échapper. Elle fut chargée avec les marchandises spéciales et seuls celles et ceux qui l’avait achetée en furent au courant. Le voyage se déroula sans que personne ne remarque sa présence et sans qu’elle ne puisse se libérer. Une fois arrivée à Novigrade, elle fut secrètement livrée au Passiflore, le plus célèbre bordel de la ville et « embauchée » en tant que « offre très spéciale ». Peu à peu, une rumeur come quoi Yennefer de Vengerberg, l’illustre magicienne aux longues boucles noires travaillait comme prostituée au Passiflore se propagea dans toute la région. Et comme l’avait prévu Falla, elle fit décoller le nombre d’entré au bordel. Les aristocrates et seigneurs les plus riches dépensait une fortune pour passer une nuit avec elle, une expérience que tous décrivaient comme « au-delà de tous plaisir ». Entravée nuit et jours par un collier en diméritium, la magicienne ne pouvait pas compter sur sa magie pour s’évader. Au bout de six mois, elle parvient finalement à s’échapper et se consacra dès lors à la recherche acharnée du groupe de chasseur. Mais elle eue beau remuer ciel et terre en fouillant chaque contrée grâce à sa magie, elle ne parvient jamais à les retrouver. Comment avaient-ils pu lui échapper, elle ne le sut jamais. Rendue furieuse par sa défaite et par la cuisante humiliation que les chasseurs lui avaient infligée, elle fut contrainte d’accepter son échec et enterra le récit de cette honteuse aventure au plus profond de son cœur.

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