Tiré à quatre épingles

Chapitre 1 : Le contrat

4123 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 18/02/2025 10:05

                  Tiré à quatre épingles          

               (Une histoire de Sorceleur)

Première partie.

                                                          

                         Chapitre 2

 

 

 Kaehl se réveilla en sursaut au son d’un cor que l’on faisait sonner sans talent. Pire c’était comme si on tordait le cou à un instrument à vent dans lequel un chat aurait coincé sa queue. A l’oreille on pouvait dire que le vacarme était produit tout prêt de l’auberge. Son corps était engourdi et sa tête particulièrement lourde. Il sentit encore ces picotements dans les extrémités de ses doigts et de ses mains.

Le souvenir vague d’un songe étrange se rappela à lui sans qu’il puisse en identifier la nature. Seule restait la sensation insistante d’être aspiré vers d’indescriptibles profondeurs. Comme un appel lancinant venu des abysses. Selon les druides, les oniromanciens, les mages, les prêtresses de Melitele et la plupart des charlatans du Continent, les rêves ont de puissants pouvoirs prémonitoires.

Kaehl n’avait jamais été réfractaire à ces ésotérismes mais encore fallait-il se souvenir clairement du songe et posséder le savoir nécessaire pour le décrypter, cordes qui manquait à son arc.

Sa théorie, plus prosaïque était que ce ressenti et la difficulté d’émerger résultait d’une trop douillette nuit de sommeil, lui qui était habitué aux feux de camp humides et aux brèves siestes inconfortables.

 

Il s’étira un moment et sorti du lit. On était un peu après l’aurore et Kaehl se demanda qui pouvait bien faire sonner le cor à une heure aussi matinale et de façon si disharmonieuse, pour rester poli.

Pressé de commencer sa journée, il s’habilla en commençant par enfiler sa chemise à cordon grisâtre, qui avaient été blanc autrefois, puis ses trousses jaunies, son pourpoint renforcé en cuir de qualité et enfin ses bottes, faites du même cuir que le haut. Il saisit les deux épées appuyées sur le mur à côté du lit jute à portée de main, l’une d’argent étincelante et l’autre, plus longue, en fer forgé mat. Ses gants de cuir doublé l’attendaient sur la commode à l’entrée de la chambre.

 

C’est alors qu’on frappa à la porte. Kaehl se leva et l’ouvrit d’un mouvement rapide. De l’autre côté se tenait Morten, l’affable tenancier du Sanglier Ardent. L’homme semblait moins fringuant que la veille au soir.

« Bonjour Sieur Sorceleur, je suis désolé de vous importuner de si bon matin. Bartolo de Warzé, le secrétaire du staroste de la ville vous attend dans la cour de mon modeste établissement. Il affirme avoir été mandater par le Staroste lui-même pour vous conduire à l’hôtel de ville » dit-il d’un air contrit.

« Cela explique donc la symphonie matinale jouée dehors » répondit Kaehl avec un sourire narquois. Morten souffla, plein de lassitude.

« En effet. Et veuillez me croire je m’en serais bien passé. »

« C’est tout ce qu’il a dit ? » demanda Kaehl tout en réajustant son pourpoint.

« C’est tout ce qu’il a dit Monseigneur » répéta Morten avec déférence.

« Merci pour le message... et pour hier soir. » répliqua le Sorceleur avec un air entendu. Peux-tu faire sceller mon cheval ? »

 

 Morten fixait désormais Kaehl avec une gratitude non feinte. Il se reprit et déclara que le palefrenier était déjà à l’œuvre.

Kaehl pris ses gants sur la commode hors d’âge et sortit de la chambre en fermant la porte et en déclarant :

« Très bien. Je vais donc aller à la rencontre de ce Bartolo. »

L'affable aubergiste n’avait bougé qu’au moment où Kaehl était sorti de la chambre et l’avait suivi dans le couloir.

Alors qu’ils descendaient les escaliers Kaehl se retourna et lança nonchalamment :

« Au fait Morten, nul besoin de me donner du monseigneur, je n’en suis pas un et cela me sied mal. Tu peux m’appeler Kaehl. »

« Bien Monsieur Kaehl » réagit timidement le tenancier, s’empourprant tel une jouvencelle devant un parterre d’héritier de sang royal à marier.

 

 

                                -

 

 

Bartolo de Warzé était debout depuis bien longtemps. Le soleil aveuglant du matin, juste au ras des toits d’ardoise commençait à faire salement chauffer ses tempes. Hier soir alors qu’il allait se coucher, encore passablement ivre du diner, un valet était venu lui porter un message du Staroste Van Batten. Un sorceleur avait accepté de se débarrasser du Spectre qui rodait dans le champ de Zerca, l’antipathique hobereau des champs à l’Est de la ville dont la parcelle jouxtait la frontière entre le territoire de Kagen et le duché de Zarzecze. Bartolo connaissait le bonhomme, un petit roturier pénible attaché au duc Vodko, le puissant maitre de la région.

Zerca se plaignait régulièrement au Staroste, pour des affaires mineures comme des mouvements de clôtures suspects ou le braconnage sur ses terres.

 

Le messager avait été bref. Le chasseur de monstre logeait au Sanglier Ardent et il revenait au premier adjoint de l’accueillir pour le mener au Staroste en personne. Un honneur certes.

Mais de quel sujet devait-il l’entretenir ? Bartolo n’en savait rien. Après tout Zerca et ses champs ne dépendaient pas de l’autorité du Staroste ni du Conseil de Ville. Le jeune secrétaire avait immédiatement soupçonné un lien avec le marchand Zerikannien actuellement hébergé dans une chambre de la maison de Ville.

Sa maison de Ville. Squatté par un maure patibulaire aux airs mystérieux ! Il s’en trouvait profondément agacé.

Bartolo se demandait toujours quelle mouche avait piqué le staroste Van Batten. Lorsqu’il lui avait posé la question du pourquoi de la présence du zerikannien au troisième étage de la Maison de Ville, habituellement réservé aux invités de marque, le staroste avait répondu laconiquement qu’il chouchoutait le marchand afin de bonifier les relations commerciales avec le peuple d’au-delà du désert. Tout particulièrement en ces temps de pénuries avait ajouté son supérieur. Bartolo n’avait pas trouvé la réponse satisfaisante et il espérait secrètement que le sorceleur soit capable de se débarrasser de celui qu’il voyait comme un parasite accaparant son staroste et son espace vital.

 

Bartolo était l’ainée de la famille de Warzé. De ses quatre frères et sœurs il s’était avéré être le plus brillant et le plus précoce. Diplômé de l’académie de science politique d’Oxenfurt à seulement vingt-trois ans, il avait dû rentrer à la hâte afin d’assister aux derniers jours du patriarche de Warzé. Ce dernier était mort quelques nuits plus tard. Dans la foulée le staroste Van Batten avait fait mander Bartolo et lui avait offert le poste de secrétaire particulier du staroste de Kagen à la prochaine désignation des instances dirigeantes de la Ville.

Chose faites, c’est gonflé d’orgueil que Bartolo gérait maintenant les affaires courantes du premier magistrat de la ville avec un certain zèle. Les de Warzé descendait d’une ancienne famille noble de Sodden. Elrod de Warzé avait passé sa vie à ménager une place pour ses enfants sur l’échiquier politique de la région, réussissant le tour de force de placer sa fille ainée à la cour de Coram 1er, actuel roi de Cintra.

 

Sa migraine naissante et ses ruminations mettaient le jeune homme de haute extraction d’humeur massacrante le rendant de plus en plus impatient malgré l’imminence d’une rencontre avec un Sorceleur.

En chair et en os, il n’avait vu qu’un seul représentant de ceux que le bas peuple appelait mutants. Il devait avoir dix ans tout au plus lorsque la ville avait organisé une ovation à un sorceleur qui avait débarrassé la région d’une prolifique infestation de nekker, de petits monstres griffus, teigneux et hautement mortels.

Au côté de ses parents, bien installé sur un marchepied au balcon de l’hôtel de ville, il avait assisté à la parade du tueur de monstre à travers la cité en liesse. Il se souvenait des cris de joie, des fleurs lancées tout au long du parcours et des jeunes filles émoustillées par l’exploit et la virilité du sauveur du jour. Il se souvenait surtout de sa carrure de bœuf encaissé dans un épais gambison noir moucheté de bleu, le tout juché sur un cheval aux proportions toutes aussi époustouflantes. Ainsi que de sa longue chevelure blonde, d’une cicatrice en forme de V sous son œil droit et de ses deux épées qu’il avait accroché dans le dos. Il se souvint enfin clairement du pendentif rond avec en son centre une tête de loup scintillant au soleil qu’il avait aperçu lorsque le sorceleur s’était arrêté devant les balcons richement décorés pour l’occasion afin d’y recevoir les honneurs des notables de Kagen. Ce jour-là, l’enfant aux joues roses qu’il était avait ressenti pour la première fois en la présence, même lointaine du Sorceleur, un sentiment étrange mêlant crainte, admiration et excitation.

 

Contrairement à beaucoup d’autres villes de cette taille Kagen tolérait les êtres différents, sorceleurs, mages, elfes, halfelins, nains. Certains récits anciens de la bibliothèque mentionnaient même des visites des hommes-marmottes avant que ceux-ci n’aillent se réfugier dans les hauteurs du mont Bleu et de Tir Tochair. Tous étaient accueilli dignement et personne n’y avait jamais mené de chasse aux sorcières ni de pogrom. Toutefois on organisait tout même des expulsions et de rares passages à tabac de temps en temps histoire de ne pas attirer la totalité des opprimés du Continent.

 

Il apprit plus tard, une fois en étude à Oxenfurt, que de tels démonstrations d’amour pour les Sorceleurs et les autres espèces non humaines étaient une rareté tant ces derniers étaient craints et méprisés quasiment partout ailleurs. Sauf à Oxenfurt et à Kagen.

La première en tant que cité du savoir voyait comme son devoir de prôner une certaine idée de la tolérance. La cité libre de Kagen voyait défiler marchands, négociants, artistes et autres marginaux raison pour laquelle elle était devenu si cosmopolite. Doublé du fait qu’elle soit une cité à administration libre bien que rattaché au royaume de Sodden. Ses maitres et professeurs avaient insisté sur le fait que le rôle des sorceleurs étaient vital pour les sociétés humaines malgré les peurs et l’aversion de la plèbe. Seuls les érudits et les gentilhommes connaissent la vraie valeur des sorceleurs conclu-t-il à voix basse.

 

« Tout va bien Messire ? »

Bartolo fut sorti de ses divagations par la voix éraillée d’un des deux trouffions à peine adultes qu’on lui avait assignés en guise d’escorte. Tellement absorbé dans ses pensées le jeune secrétaire de Warzé avait devisé sur le bien-fondé de l’existence des sorceleurs à voix haute. L’adolescent en arme avait cru bon de s’enquérir du sens des paroles de son supérieur.

« Ça va, ça va ! » lui répondit-il avec plus de véhémence qu’il ne l’aurait voulu.

L’engagé juvénile se rembruni, le gratifiant d’une grimace qui lui tordait l’ensemble du visage tandis que ses yeux s’embuaient ostensiblement.

A sa droite le deuxième garde un peu moins boutonneux que l’autre se tenait raide comme la justice, visiblement engoncé dans une cote de maille trop petite tout en serrant sur sa poitrine son cor finement ouvragé. Bartolo soupira discrètement en caressant l’encolure de sa monture. La jeunesse et l’inexpérience justifiait quelques écarts mais ces deux-là l’irritaient profondément sans qu’il ne sache réellement dire pourquoi.

 

Le massacre de l’appel au cor qui venait d’avoir lieu y était surement un peu pour quelque chose. Il releva la tête et à sa grande surprise une silhouette à la posture féline se dessinait sur le pas de la grande porte du Sanglier Ardent.

Toute masquée qu’elle était par le jeu d’ombre matinal entre le soleil et les nombreux édifices alentour Bartolo pouvait néanmoins distinguer une imposante carrure.

Après avoir brièvement scruté la silhouette il tourna la tête à droite puis à gauche, l’un des jeunes hommes portait un regard fixe en direction de la porte paraissant tétanisé et l’autre n’avait visiblement pas remarqué l’arrivé de l’individu, absorbé qu’il était par la contemplation de son instrument. Pourquoi donc lui avoir flanqué deux manches pareils ?

Il faudra en toucher un mot au Staroste en rentrant se dit-il tout en portant un regard fébrile sur les contours du nouveau venu.

Ce faisant, il porta doucement sa main droite à son ceinturon où il cachait une rapière courte de grande qualité, héritage séculaire de la famille. En tant que fils de bonne famille il avait reçu une éducation au combat. Cela dit il était plus à l’aise avec une plume qu’avec un stylet.

 

La silhouette s’avança alors dans la clarté pale de la cour de l’auberge. Elle baignait à présent dans le soleil d’aube laissant apparaitre un visage carré, une fine bouche et un nez fort, entouré par deux yeux jaune perçant qui auraient dû appartenir à un chat.

Ses cheveux noirs de geai prenaient dans la lumière des reflets bleutés et il arborait une barbe fournit où se dessinait des halos semblables. Habillé d’un ensemble de cuir sanglé jauni avec poches et protections, l’homme portait une épée à sa ceinture et l’autre dans sa main gauche. Il était indéniablement bel homme, la démarche lente et assuré. Il y avait chez lui une grâce comparable à celle de certains vieux chevaliers qui tranchait nettement avec le coté rustre de son accoutrement et de sa toilette. L’inconnu avisa Bartolo d’un regard intimidant. Il arborait une mine placide bien que le jeune Secrétaire cru y deviner une pointe d’amusement. Pour finir son inspection il jeta un vif coup d’œil aux deux gardes, tous deux en état de stase, transi de panique. Le jeune secrétaire gardait la main sur la garde de son arme mais il était sûr à présent qu’il s’agissait bien de l’homme que le staroste avait fait mander.

« Tu peux laisser ta main hors de portée de ton aiguillon fiston. Pas la peine d’ajouter de gestes malheureux au massacre de l’appel au cor qui vient de réveiller tout le quartier et peut être même à chatouillé quelques esprits dans d’autres mondes. »

Il était vrai que certains volets alentour s’étaient ouverts et que qu’un petit groupe de badauds s’étaient massés devant l’entrée clôturée menant dans la cour de l’auberge. L’auteur de l’inconvenante symphonie en question tenait toujours son cor serré contre lui et avait viré rouge pivoine.

 

Bartolo soupira tout en faisant glisser sa main le long de la garde de son arme. Puis il descendit énergiquement de son cheval.

Décidément personne n’a décidé de me faire de cadeau ce matin pensa le jeune homme en s’avançant à la rencontre du sorceleur.

                                 

 

         -

 

  

 Alors c’est lui Bartolo de Warzé, premier secrétaire de la ville de Kagen et conseiller du Staroste local se dit Kaehl.

Un jeune premier tout frais au physique banal, les cheveux blonds coiffés au bol, des lunettes rondes luxueuses. On pouvait deviner à travers ses carreaux de verre fin un air supérieur maté d’assurance feinte. Alors que le secrétaire s’avançait vers lui, Kaehl émit quelques suppositions à son propos. Il ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans, de nobles extractions et avait fait ses études dans quelconques académies prestigieuses. Le jeune homme se rapprochant le sorceleur cru déceler au fond de ses yeux verts olive une immense réserve de fierté et de détermination propre aux aristocrates ambitieux.

 

Kaehl avait toujours été doué lorsqu’il s’agissait de cerner ses interlocuteurs. Il ne l’avait pas appris à Kaer Seren. C’était un don inné qu’il ne s’était jamais privé d’utiliser. Ce qu’il avait appris à cultiver dans les livres et grâce aux enseignement de Garibald, le mage associé à l’école de l’Aigle et qui découlait naturellement de ses inclinaisons naturelles c’était une grande capacité d’adaptation linguistique et culturelle. Pour faire avouer une rapine à un paysan, payer lui une choppe et parler son dialecte. Soutirer des renseignements à une victime choquée.

Rien de plus simple ; Adopter les mots doux et le ton protecteur du guérisseur. La formule était déclinable à l’infini. Il s’était toujours investi dans ce que Garibald appelait l’étude des races et des caractères, à la plus grande joie du mage de la forteresse.

 

Comprendre, s’adapter et communiquer étaient les maitres mots. Le but étant d’obtenir des informations de la part de n’importe qui, quel que soit sa race et son rang. Et cela, sans avoir à tirer les armes du fourreau. A force de travail et par l’expérience Kaehl était passé maitre en la matière si bien qu’il arrivait souvent à désamorcer de dangereuses situations à l’aide de mots au moins aussi affutés que ses lames. Cela lui valait des moqueries au sein de l’ordre.

Elles n’affectaient guère Kaehl pour qui l’efficacité devait passer par tous les moyens y compris la négociation. 

 

Ce qu’il cernait ici c’était trois blancs becs avec encore un peu de lait derrière les oreilles. Dont celui qui semblait être le supérieur transpirait le zèle et la vertu mais aussi, de façon surprenante, une certaine forme de sagesse. Une fois ces premières supputations faites Kaehl laissait toujours une chance à la personne en face de lui de prouver que ses hypothèses étaient fausses. Fait somme toute assez rare. Les préjugés étaient un moyen efficace de se parer à toutes éventualités. Cependant, le Goéland son instructeur et mentor, ses innombrables rencontres et le Destin avaient appris à Kaehl qu’ils n’étaient pas une fin en soi. Il fallait toujours juger définitivement sur pièce.

 

« Bonjour messire sorceleur. Je suis Bartolo Ermann de Warzé, premier secrétaire de Kagen et conseiller auprès du vénérable Staroste Van Batten.

Je viens vous quérir de la part du Premier Magistrat de la cité pour une audience et ce sans délai. Vous ferez nous l’honneur de me suivre jusqu’à la maison de ville ? Le Staroste nous y attend. »

Le secrétaire avait récité sa demande sans pause, à la limite de l’apnée. Kaehl pencha la tête comme s’il s’adressait à un enfant distrait et répondit calmement :

« Vous suivre serait un plaisir. Mais ne vaut-il mieux pas que tu me demandes mon nom ? Il serait plus prudent de vérifier mon identité avant toute chose non ? »

Bartolo qui reprenait à peine son souffle fit des yeux ronds d’étonnement et dû se concentrer plus encore pour reprendre une respiration correcte. Après un long moment suspendu, lorsqu’il fut enfin prêt le jeune secrétaire demanda dans une brève expiration :

« Quel est votre nom messire ? »

« Kaehl, sorceleur de l’école de l’Aigle »

Alors, avec grand soin, Kaehl sorti de sous son pourpoint le médaillon rond en argent pur habilement forgé au centre duquel trônait la tête d’un rapace majestueux. A côté de celui-ci, également accroché au cou du sorceleur, pendait ce qui ressemblait à un appeau semblable à ceux que l’on utilise pour débusquer le canard.

 

Le jeune homme resta coi d’admiration devant l’insigne, les deux gardes qui l’accompagnaient n’étaient pas en reste, paraissant eux aussi très impressionné. Kaehl porta un regard amusé sur ses nouveaux admirateurs. Bartolo reprit ses esprits. Dans une vaine tentative de recomposition de son personnage, il lança à Kaehl de façon un peu familière :

« Le palefrenier semble avoir fini de préparer votre monture messire. Il serait bon de se mettre en route de suite, le Staroste nous attends depuis un bon moment déjà. »

Kaehl se tourna vers les écuries à quelques pas de là et vit Léon tout harnaché. Son destrier semblait contrarié et remuait son mufle de bas en haut. Le garçon d’écurie à coté qui ne devait pas avoir plus de treize ans paraissait nerveux. Le prépubère palefrenier avait transmis sa nervosité à Léon qui, comme la majorité des équidés, était capable de sentir les émotions des humains alentour.

Léon pouvait se montrer dangereusement désagréable dans ces cas-là. Afin de le calmer Kaehl siffla deux fois à courte cadence, prévenant ainsi tout incident. Léon quasiment au comble de l’excitation une seconde auparavant s’immobilisa, releva la tête vers son cavalier puis entama un lent trot jusqu’à s’arrêter à quelques pouces de Kaehl. Encore une fois son trio d’adorateur se montra émerveillé par la démonstration.

 

Sans attendre il monta son fidèle alezan, se mit à coté de Bartolo et lui dit d’un air malicieux :

« Hâtons-nous en effet ! Le temps presse et je me languis d’être reçu par le Staroste en personne. »

Assertion tout à fait ironique qui ne fit pas réagir son escorte le moins du monde.

Ce qu’il aurait aimé c’est éperonner Léon jusqu’à la scène de crime et ainsi commencer sa traque au plus vite. Cela étant dit le premier personnage de la cité avait envoyé un de ses plus proches collaborateur pour l’escorter. La manœuvre rendait impossible et criminelle toute tentative de défection. Il ajouta tout en donnant à sa voix un ton faussement dramatique :

« Après tout cela j’aurais un Spectre à renvoyer dans le monde des Morts sans délai. »

 

Il eut pour seule réponse le bruit des sabots du canasson de Bartolo alors que ce dernier se mettait en route vers la vieille ville.

Le premier secrétaire avait pris l’allure fier des gamins que l’on envoi faire une course d’importance et qui rentrent à la maison avec le sentiment du devoir accompli. Les gardes, eux, suivaient à pied les deux cavaliers en essayant de garder la cadence. Kaehl se retourna et pu distinguer qu’ils arboraient, sous leur heaume, un air concentré et le teint livide de ceux qui n’ont jamais connu de contact avec l’Au-delà.

 

 

Laisser un commentaire ?