Entre le blanc et le noir

Chapitre 4 : 3ème chapitre- Un monde blanchi

1642 mots, Catégorie: K

Dernière mise à jour 11/11/2016 17:42

Elle courrait de toutes ses forces, encouragée par la perspective de pouvoir enfin empêcher un meurtre. Sans prêter attention à ses jambes commençant à se fatiguer, elle poussait en avant ses membres le plus vite possible. Elle ne sentait plus que le vent qui semblait l'accompagner et l'aider dans sa course. Des bruits lui parvenaient, mais elle allait tellement vite qu'il lui était impossible de les entendre. Elle ne réussissait à attraper que des bribes de moteurs de voitures, de chants d'oiseaux ou de lointaines conversations. Pour son grand bonheur, plus personne ne semblait traîner dans les rues à cette heure-ci. Si une seule et unique personne l'avait vue munie d'une immense faux, la police aurait accourue et elle aurait perdu de précieuse minutes.

Elle pensait que personne ne la verrait. Et pourtant.

L'adolescents aux cheveux aussi blancs que les siens, un cache-oeil sur l'oeil gauche, jeta un coup d'oeil à la jeune fille qui filait dans le vent. Son visage se durcit aussitôt. La raison pour laquelle elle portait une faux était plus qu'évidente. Dès qu'il l'avait vue, il avait sentit qu'elle dégageait quelque chose de louche. A cause de ses cheveux blancs et de son oeil rouge notamment, mais également de son comportement aussi méfiant. Trimballer un fusil sur soi et le dégainer à chaque bruit suspect n'était évidemment pas très ordinaire.

La voir ce soir-là n'avait fait que renforcer son étrange sentiment à son égard. Sa faux n'était pas une arme ordinaire, c'était sûr. Et le blandinet était incroyablement intelligent. La seule chose qui lui vint à l'espit était que la jeune fille était une tueuse de goule. La déduction s'était formée d'elle-même dans son esprit sans même qu'il y réflechisse tant que ça, elle était tellement évidente.

Mais quelque chose l'intriguait toujours. Son apparence, ressemblant irévocablement à la sienne. Avait-elle subi une torture telle que ses cheveux avaient déteints ? Et son oeil ?

Tant de questions demeuraient encore à son sujet. Il se jura qu'un jour, il obtiendrait des réponses pour chacunes d'elles.

***

Quant elle aperçut les cheveux blonds maculés de sang de sa cible, elle redoubla de vitesse. Sûrement que la goule ne sut jamais ce qu'il lui arriva.

La jeune fille prit son élan, sauta tout en abattant son arme pour faucher sa proie, puis retomba en roulé-boulé, recevant tout le sang de l'hémorragie du monstre.

-C'est tout ce que tu méritais, dit-elle d'une voix remplie de colère.

Malheureusement, elle était arrivé trop tard et n'avait pu éviter que la goule attaque une humaine. Elle apposa deux doigts contre le cou de celle-ci et soupira de soulagement : son coeur battait. Elle avait pu éviter une victime potentielle. Un grand sentiment d'accomplissement fleurit dans son coeur, et elle ne chercha pas à l'oublier. Elle n'avait jamais connu un tel sentiment.

Elle souleva la femme, cherchant des yeux un tissu quelconque pour l'envelopper dedans. Elle ramassa le manteau brun qui devait être tombé durant l'agressement de la femme, et le drapa sur la femme qu'elle tenait dans ses bras. La chaleur du corps la rassura, et elle se rendit compte pour la première fois à quel point elle aimait la chaleur humaine.

A vrai dire, elle n'y avait jamais vraiment songé. Elle menait une vie de tueuse, et rien d'autre. Elle avait déjà assez d'une double vie pour devoir en mener une triple. Depuis toujours, elle avait raisonné comme elle le pensait : l'amour ne sert à rien, excepté à étourdir, rendre irraisonable, deconcentrer de ses réels objectifs.

Et pour aimer, il fallait déjà pouvoir ressentir. Car Shiro ne ressentait rien. Excepté de la colère. Quand Kiri lui parlait de son amour inconditionnel pour tous ceux qu'elle aimait, elle acquiesait machinalement sans même comprendre un traître mot de ce qu'elle disait.

Amour. Chaleur. Sentiments.

Ses mots ne faisaient pas partie de son vocabulaire, et elle ne comptait pas les y faire entrer. Pour tuer sans pitié et sans réellement y penser ou regretter. Elle ne tenait pas à se morfondre sur la fait qu'elle ait annihilé beaucoup de goules. Ce n'était que des monstres.

Aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir, elle n'avait jamais pleuré. Si on ne comptait pas les fois des nombreux corps qu'elle avait vus. Des corps de purs humains.

A chaque fois qu'elle ramassait un corps mort, c'était plus fort qu'elle, elle pleurait jusqu'à ne plus avoir de quoi verser des larmes. C'était presque comme un rituel pour accompagner l'âme dans l'au-delà.

Shiro comprenait l'importance de la vie humaine. Elle aimait profondément l'humanité. Elle l'aimait à sa façon.

Elle accordait bien plus de prix à l'existence humaine qu'à la sienne. Elle avait une côté semi-goule apès tout, qu'elle détestait de tout son être.

Shiro n'avait jamais cherché à se défaire des deux sentiments radicalement opposés qu'elle ressentait pour ses deux moitiés. La moitié goule, celle qui lui interdisait la viande -mais étrangement, acceptait le poisson, pour une raison totalement inconnue-, qui lui donnait parfois des envies folles de chair humains, celle qui lui conférait des facultés inhumaines. Sa moitié humaine, celle qui accordait tant d'importance à l'existence humaine. Celle qui vénérait tant la vie. Celle qui la poussait à tuer pour l'humanité. Celle qui lui faisait haïr sans limite sa seconde moitié. Celle qui lui permettait de s'instruire, sa véritable identité.

Elle jeta un regard rempli de dégoût au corps de son semi-congénère et fut prise de tremblements. Ca la dégoutait à un point, les goules...

Si une peur portait le nom de goulophobie, alors elle l'avait, sans aucune hésitation.

***

Heureusement pour elle, elle possédait une force surhumaine. Sans cela, elle n'aurait jamais pu soulever la femme évanouie, qui était au passage assez lourde.

En la voyant entrer couverte de sang et avec une femme qui semblait morte dans les bras, les membres du CGC se précipitèrent vers elle pour l'aider.

Elle entendit des milliards de bruits parasites, qui se mêlaient les uns aux autres et lui donnaient la nausée.

-Elle est morte ?!

-Appelez un médecin !, hurlait quelqu'un.

-Vite, il fait s'occuper d'elle ! Son rythme cardiaque ralentit !

Shiro, se sentant soudainement mal, s'assit sur une chaise et respira à fond.

-Hé, Shiro, ça va ?

-Shiro ? Tu te sens bien ?

-Shiro ?

-Ca va, petite ?

-T'as fait du bon boulot.

La voyant chanceler, les cinq membres s'affolèrent.

Elle entendit son nom, répété trois fois, avant de s'effondrer dans un lourd sommeil.

***

Tout le blanc l'éblouit et, par réflexe, elle referma les paupières pour se protéger du flash de lumière qui l'avait agressée.

-Shiro ?!

-Hmmmm... Laissez-moi dormir...

Elle se retourna, laissa échapper un imperceptible soupir.

Puis elle sursauta, se redressa d'un coup et se tourna d'un coup vers la personne qui venait de parler. Elle n'avait effectivement pas rêvé.

-Hide ?!

Le garçon roux sourit.

-Enfin, tu te réveilles.

-Mais qu'est-ce que tu fais là ?!

Il rit.

-C'est vraiment ça la première chose que tu me demandes ?

-Oui.

Déconcerté par le visage sérieux de la jeune fille, il fit une moue avant de reprendre.

-Je suis juste venu te voir à l'hôpital. Ken m'a dit que tu t'étais sûrement évanouie et que tu devais être à l'hôpital.

Il marqua un pause, semblant réfléchir.

-Il a vraiment un don de déduction incroyable. Je ne sais pas, j'ai parfois l'impression qu'il sait tout ce qui se passe autour de lui. Il doit avoir une faculté quelconque, genre voir le futur.

-Ken ? Kaneki Ken ?

-Oui, celui qui était avec moi la dernière fois.

-Ce Ken-là... Vraiment. Etrange.

-Tu sais, on ne dirait pas, mais il n'est pas dépourvu de sentiments. Il peut s'attacher très vite, c'est d'ailleurs une de ses faiblesses. Je pense que bien qu'il ait du mal à l'accepter, il a besoin de quelqu'un à ses côtés.

-Ce n'est pas ça, je suis juste...étonnée qu'il ait pu deviner ça.

Elle repassa les événements de la soirée mentalement. Elle avait fini par s'effondrer, totalement en manque de sommeil et de force. Elle n'avait pas eut le temps de manger un morceau avant de quitter sa maison. Et comme elle avait passé une nuit presque blanche, le sommeil lui manquait grandement. Elle n'imaginait pas à quel point on avait dû s'affoler à son sujet, pensant qu'elle avait été blessée durant son combat, ou quelques scénarios aussi extravagant.

Mais c'était tout bête. Elle avait juste faim.

-Oh, ça me fait penser. Une brune est passé te voir elle aussi, mais elle a dû repartir.

-Kiri ?

-Oui, je crois que c'est ça. Vous êtes amies ?

-Oui.

Sa réponse, trop concise, provoqua un flot de question en Hide. Il se demanda à quel point Shiro évitait de parler d'elle-même. Il se demanda quelle événements elle avait pu vivre dans le passé pour se renfermer à ce point. Il se demanda pourquoi ses cheveux avaient la même teinte que ceux de Ken. Pourquoi elle avait un oeil rouge. Pourquoi ses yeux avaient cette lueur si triste. Pourquoi elle avait dix cercles concentriques rouges tatoués sur le bras. Pourquoi ses cheveux étaient coupés aussi bizarrement. Pourquoi elle semblait constamment sur ses gardes. Pourquoi elle protégeait inconsciemment tant Kiri. Pourquoi elle avait cette voix brisée quand elle parlait de Ken. Pourquoi elle s'était évanouie. Comment faisait-elle pour vivre. Quelle famille avait-elle. Quelle genre de vie menait-elle. Et surtout, il se fit la réflexion qu'elle et Ken s'entendraient merveilleusement bien.

Compte tenu la nature de ces deux-là, il avait tort. Totalement et complètement.

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