Un combat de tous les instants

Chapitre 37 : Coups et blessures

2958 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 24/01/2018 22:43

Sur des civières de fortune, fabriquées à partir de ce qu'ils avaient pu trouver, Slash, Leatherhead et Rahzar traînèrent les blessés jusqu'au repaire des tortues. Bien que le sauvetage de ses amis lui ait insufflé un regain d'énergie, Marion réalisa le trajet en grande partie appuyée contre April.

Sitôt arrivés, sa sœur surgit hors du laboratoire de Donnie. Elle s'élança en sautillant à cloche-pied, sans utiliser ses béquilles qu'elle tenait pourtant dans chaque main. Alertée par le cri qu'elle avait poussé en apercevant Marion, Splinter sortit quant à lui du dojo.

Le regard du rat mutant s'obscurcit lorsqu'il découvrit l'état de ses fils, avant de balayer le groupe pour constater que Karai manquait à l'appel. Il ouvrit la bouche pour demander des explications sur les évènements récents, mais April le devança en déclarant :

- Shredder a fait exploser sa base, maître. Marion et moi avons pu fuir par un souterrain, mais tous les autres ont été ensevelis sous les décombres. Quant à Karai, elle...

- Saki l'a emmenée, révéla Rahzar, car la jeune fille peinait à trouver ses mots.

Splinter baissa la tête, abattu. Il demeura quelques instants dans cette position et ne se redressa qu'une fois qu'il eut recouvré une expression impassible. Les mains dans le dos, il s'approcha des civières, pendant que Marianne examinait soigneusement sa cadette sous tous les angles pour s'assurer qu'elle allait bien. Quand elle eut terminé, elle imita Splinter et se pencha au-dessus des tortues.

- Grande sœur... murmura Mikey. Tu sens bon... On dirait un arôme de glace.

- Je suppose qu'il n'y a pas à redouter des lésions au cerveau de ce côté-là ?

- Casey et Raph semblent être les plus touchés, fit observer Marion. Je doute que tu puisses faire quelque chose pour Casey, mais est-ce que tu penses pouvoir arranger le bras de Raphaël ?

- Mes connaissances en anatomie animale et mutante sont assez limitées, mais je peux toujours essayer. Installez-le sur l'une des tables du labo, je vais avoir besoin qu'il soit à ma hauteur. Pour Botticelli et Lorenzo, je préconise de la glace, ils ont de vilaines bosses. Et DJ...

- Je vais m'occuper d'eux trois avec mes mantras, indiqua Splinter. Conduisez-les dans le dojo. April, demande un bol plein à Minette Glacée, et toi, Marion, reste avec Michelangelo.

L'adolescente, qui avait commencé à emboîter le pas à Slash après que celui-ci eut soulevé Raphaël, s'immobilisa. Elle marqua une hésitation, mais se ravisa tout de même et s'assit auprès de Mikey. Son meilleur ami avait besoin d'elle, alors qu'elle ne pourrait rien faire pour le ninja rouge.

- Marianne ! appela-t-elle, tandis que sa sœur s'éloignait sur ses béquilles. Prends soin de lui, d'accord ?

L'aînée fronça les sourcils, mais quel que soit le commentaire qui lui brûlait les lèvres, elle le garda pour elle. Elle disparut avec Slash dans le laboratoire, April se rendit dans la cuisine et Splinter ouvrit la voie jusqu'au dojo, laissant Marion seule avec Mikey. Un silence pesant s'abattit sur la salle, heureusement troublé par les marmonnements réguliers de la tortue.

- Marion, c'est pas l'heure de Crognard le Barbare ? On peut aller faire du skate ? Dans la forêt ?

- Peut-être plus tard. Pour le moment, il faut que tu te reposes.

- Il fait nuit ?

- Non, mais tu as reçu un coup sur la tête.

- C'était un écureuil mutant ? Je déteste ces bestioles, ils me font penser à des créatures de bandes dessinées. Eh ! Je t'ai déjà parlé de Justin ?

- Seulement une trentaine de fois, sourit Marion.

Elle lui caressa tendrement la joue pendant qu'April revenait non pas avec un bol, mais avec un saladier rempli de glace, généreusement fournie par la chatte mutante de Michelangelo. Une cuillère était plantée dedans.

- J'ai pensé que Mikey aurait plus de chance de se rétablir en l'ingurgitant, révéla-t-elle. Sa principale capacité de régénération réside dans son estomac.

- Hmm... De la nourriture, gémit le ninja orange, extatique.

Il se redressa brusquement et ouvrit grand les yeux, lui qui n'avait fait que battre mollement des paupières jusqu'à présent, pour engloutir le contenu de la cuillère que Marion avait tout juste eu le temps de lui présenter. L'espace d'un instant, elle craignit qu'il engloutisse le couvert, et sa main avec.

- Aouch ! s'exclama-t-il en portant une main à son crâne. J'ai l'impression que le Shellraiser m'a roulé dessus, c'est normal ?

- Ça se vaut. Un immeuble s'est effondré sur toi. Tu ne te souviens de rien ?

Comme l'assistance d'April n'était plus utile ici, elle se dirigea vers le dojo où Splinter attendait sa portion de glace. Mikey suivit le saladier du regard, mais Marion l'obligea à ramener son attention sur elle en claquant des doigts, tout en lui expliquant ce qui s'était passé.

Alors qu'elle atteignait le milieu de son récit, sa voix fut couverte par un hurlement sonore et la douce voix de Raphaël qui déversa un chapelet d'injure. Apparemment, la douleur l'avait ramené à lui pendant que Marianne s'efforçait de réduire la fracture.

- Et ça, c'était quoi ? interrogea Mikey. Une pizza carnivore ?

- Je... Il faut que j'aille voir. Je peux te laisser tout seul cinq minutes ?

- Eh bien, ce serait mieux si j'avais un bon programme télé, une BD et une part de quatre fromages, mais je survivrai.

Marion n'avait pas attendu la fin de sa phrase pour se mettre debout et se diriger vers le laboratoire. Elle pénétra discrètement à l'intérieur, où elle découvrit Slash en train de maintenir Raphaël sur la table de travail, car il se débattait sans cesse, tandis que Marianne, en équilibre précaire sur sa jambe valide, s'affairait au niveau de son bras blessé.

- Toi ! s'égosilla la tortue lorsqu'il posa les yeux sur elle. C'est ta faute, tout ça. Si j'avais su que ça me vaudrait de passer entre les mains de ta bouchère de sœur, je t'aurais laissée dans ta cellule.

- Oh, boucle-la ! répliqua Marion sur le même ton en se rapprochant du groupe. Est-ce qu'il y a quelque chose que je peux faire ?

- Oui. Trouve un rouleau de scotch et bâillonne-le, ou couds-lui les lèvres avec du fil et une aiguille. N'importe quoi pourvu qu'il se taise.

Aussi tentante que soit la suggestion de Marianne, Marion décida de ne pas en tenir compte et prit la main de Raphaël dans la sienne. Elle la pressa assez pour lui faire mal, afin de le détourner de ses autres douleurs, et ordonna :

- Un peu de courage ! Tu veux que les autres te prennent pour une poule mouillée, à hurler comme ça ? Mikey est revenu à lui, il entend tout ce qui se passe dans cette pièce. Si tu pousses encore un cri, je lui dirai que c'est parce que tu as vu un cafard.

- Tu n'oserais pas.

- Je me gênerais. Alors maintenant, tu serres les dents et tu prends sur toi, d'accord ?

- Je te déteste.

- Je sais. Moi aussi.

La mâchoire de Raphaël se contracta et Marianne reprit son ouvrage. Un gémissement s'échappa de sa bouche, qu'il parvint à réduire au possible. Malgré la dureté dont elle avait fait montre, Marion avait mal pour lui. Elle n'aurait pas aimé être à sa place. En plus de cela, le ninja rouge allait devoir être patient, une vertu qu'il ne possédait pas, car sa convalescence promettait d'être longue.

- J'ai terminé, annonça Marianne au bout d'un temps qui parut durer une éternité. Il ne me reste plus qu'à fabriquer un plâtre pour immobiliser ce bras... cette patte... Enfin bref. Machiavel, il va falloir que tu évites de bouger jusqu'à ce que ce soit fait.

- Oulà... commenta Marion. Tu as quelque chose d'assez solide pour l'assommer ? Ou le ligoter ?

- Je te signale que j'entends tout !

- Au moins, tu n'es pas sourd, c'est toujours ça. Je te connais, Raph. Dès que Marianne va avoir le dos tourné, tu vas vouloir te lever. Si tu fais ça, tu peux compter sur moi pour te casser une jambe.

Raphaël poussa un soupir couplé à un grognement, et tourna la tête dans la direction opposée à Marion. La jeune fille lui asséna une tape sur l'épaule, puis le confia aux bons soins de sa sœur, car elle avait négligé Mikey trop longtemps. Quand elle regagna la grande salle, elle constata qu'April était revenue auprès de lui et qu'il dévorait la glace que Splinter n'avait pas utilisée.

- Comment va Raph ? demanda l'adolescente. On l'a entendu hurler, puis plus rien.

- La menace du cafard, ça a toujours son petit effet. Et les autres ?

- Donnie a repris connaissance, mais il souffre d'une migraine épouvantable, alors Splinter l'a installé au calme dans ses appartements. Léo ne s'est pas encore réveillé et Casey... Je crois qu'il est hors de danger, grâce aux mantras, néanmoins nul ne sait quand il reviendra à lui. J'ai essayé de pénétrer son esprit, mais les évènements récents m'ont affaiblie. Je n'ai pas assez d'énergie.

Marion acquiesça en silence. Sa culpabilité n'avait pas décru depuis leur retour. Elle se sentait toujours coupable des blessures de chacun de ses amis, sans parler du sort de Karai. Raph avait raison, pour une fois. Ils auraient sûrement mieux fait de la laisser dans sa geôle, aux mains de Shredder. Elle était néanmoins heureuse et soulagée qu'ils l'aient libérée.

- Qu'est-ce qui va se passer, maintenant ? s'enquit-elle. Il va falloir des semaines à Raph avant de pouvoir retrouver toute la mobilité de son bras et Casey risque de devoir observer un moment de repos, à son réveil. Avec Karai, ça fait trois combattants en moins, alors que les Kraangs sont plus puissants que jamais, sans parler de Shredder.

- Vous savez, moi je dis toujours qu'il faut voir la vie du bon côté, intervint Mikey. Nous... Euh... Aïe aïe aïe ! Si même moi je n'y arrive pas, c'est que la situation est vraiment désespérée.

- Merci, tu nous aides beaucoup, le tança April en accompagnant ses paroles d'un regard noir. Leatherhead et Slash nous ont aidés aujourd'hui. Je suis certaine qu'en cas de nécessité, ils recommenceront sans hésiter. Pour Rahzar, c'est un peu moins sûr. Il a déjà quitté le repaire, mais bon, ça se conçoit. On n'efface pas des années d'animosité en quelques heures.

La conversation s'acheva et quelques minutes s'écoulèrent, sans bruit, avant qu'April n'abandonne sa place auprès de Mikey en indiquant qu'elle retournait prendre des nouvelles de la bande. Marion, machinalement, piocha avec ses doigts un peu de la glace qui commençait à fondre dans le saladier.

***

Léonardo cligna faiblement des yeux. Il souffrait d'un violent mal de crâne et son corps lui faisait souffrir le martyre. L'esprit encore embrumé par l'inconscience de laquelle il commençait seulement à émerger, il aurait été incapable de dire ce qui lui était arrivé. Toujours était-il qu'il n'avait plus ressenti une telle douleur depuis que son genou s'était remis en place, à Northampton.

Il tourna légèrement la tête sur le côté et l'élancement qu'il ressentit dans les cervicales le fit grimacer. Que s'était-il passé ? Raph avait-il décidé de se déchaîner sur lui au cours d'un entraînement ? Cela se produisait parfois, lorsqu'il était furieux ou qu'il lui reprochait, une fois n'était pas coutume, son statut de chef.

Il supposa cependant que la réalité était pire que cela lorsqu'il découvrit Casey, évanoui à sa droite. L'adolescent faisait peur à voir. Il était contusionné de partout et une vilaine entaille avait été enduite à la hâte avec un onguent, qui n'empêcherait probablement pas l'apparition d'une hideuse cicatrice.

- Léonardo, mon fils... Te voici de retour parmi nous.

Cette voix, familière et paternelle, fit réagir la tortue. Il se sentit tout de suite beaucoup mieux, au moins psychologiquement, lorsqu'il vit Splinter penché au-dessus de lui. Ce soulagement ne dura pas. Comme si l'apparition de son maître avait été un déclencheur, tout lui revint subitement en mémoire.

- Maître... Karai... Elle...

- Ne t'agite pas. Je sais déjà ce qui s'est passé. Les autres m'ont tout raconté.

- Comment vont-ils ?

- April a pu faire évacuer Marion par le souterrain avant que le bâtiment ne s'écroule sur elles aussi. Slash et Leatherhead ont résisté à l'effondrement et, avec leur aide, elles vous ont délivrés. Donnie se remet dans ma chambre, Mikey dans la grande salle et Raph est entre les mains de Marianne, il a eu le bras cassé.

- Et Casey ? demanda Léo en désignant son ami de la tête.

- J'ai fait tout ce que je pouvais pour lui, mais il a sombré dans un profond coma. April a l'intention de pénétrer sa conscience pour le ramener, une fois qu'elle aura recouvré des forces.

Léonardo soupira. Cette mission avait été un fiasco. Ils étaient tous plus ou moins grièvement blessés, Karai avait disparu... Certes, Marion avait pu être délivrée, mais le prix de cette libération s'avérait très élevé.

Le ninja bleu s'en voulut presque sitôt que cette pensée lui eut traversé l'esprit. La jeune fille ne pouvait être tenue pour responsable de tout ce qui s'était produit. S'ils n'avaient rien tenté pour lui venir en aide, aucun d'eux n'aurait pu se le pardonner. Non, le seul fautif, dans l'histoire, c'était lui. Il avait sous-estimé le potentiel de destruction de Shredder.

- Que croyez-vous qu'il va lui faire, maître ? À Karai, je veux dire.

- J'ai bien peur de ne pas en avoir la moindre idée. Je me trompe peut-être, mais en dépit de tous ses défauts, j'ai le sentiment que Shredder tient à Miwa. Je doute qu'il lui fasse du mal.

- Vous avez raison. Il va probablement la retenir captive jusqu'à ce qu'elle se soumette de nouveau à lui. Autrement dit, elle sera sa prisonnière jusqu'à la fin de ses jours...

Léonardo, qui avait redressé la tête, la laissa retomber sur le tatami. Qui savait où pouvait bien être son amie, en cet instant ? Et quelle serait sa réaction lorsqu'elle découvrirait que Shredder la détenait ? Elle tiendrait sûrement rigueur aux tortues, et à Léo en particulier, de n'avoir pas réussi à la sauver des griffes de son père adoptif.

- Qu'allons-nous faire, maître ? À présent que la base du clan des Foots a été détruite, nous ignorons où les trouver. Comment réussirons-nous à localiser Karai ?

- Chaque chose en son temps, Léonardo. Vous venez de mener deux rudes combats, et vous étiez déjà à peine en mesure de livrer celui-ci.

- Si nous avions été en meilleure forme, nous...

- Inutile de vous fustiger de la sorte, l'interrompit Splinter. Shredder avait tout prévu. Même parfaitement reposés après votre expédition dans la dimension X, vous n'auriez rien pu faire contre lui.

- Je... C'est vrai. Merci, maître, de m'éclairer une fois de plus avec votre sagesse.

Splinter lui adressa un sourire réconfortant et posa sa patte sur son front. Léonardo ferma les yeux. Il admirait le calme du rat, alors que c'était sa fille qui était aux mains de Shredder. Lui-même aurait souhaité posséder une telle maîtrise, mais au plus profond de son âme, c'était un ouragan d'inquiétude qui se déchaînait.

Il s'en voulait d'avoir écouté Raph, d'avoir suivi son plan qui consistait à utiliser Karai comme appât. Il aurait plutôt dû s'en tenir à celui qu'il avait mis au point avant de quitter le repaire. Après tout, c'était lui le chef, non son frère, même si ce dernier avait toujours eu du mal à l'accepter.

Léonardo soupira. Voilà qu'il recommençait. Il devait cesser de s'énerver, car cela ne le mènerait nulle part. Il ne pouvait changer ce qui avait été fait ; il devait l'accepter et tenter de visualiser la prochaine étape. Remâcher sans cesse le passé en se demandant s'il n'aurait pas mieux valu d'agir autrement ne servait à rien.

Il se redressa en position assise, avec l'aide de Splinter qui plaça une main contre sa carapace, et ramassa la poche de glace qu'il avait fait tomber de sa tête en se réveillant pour la plaquer contre sa joue. Il avait un hématome, qu'il devait soit à l'effondrement du plafond, soit à Shredder.

Sa mâchoire se crispa, avant que sa bouche se torde en une grimace de douleur. Même les muscles de son visage lui faisaient mal. Aucune partie de son corps n'avait été épargnée par la défaite, mais il avait l'intention de rendre tôt ou tard chacune de ses blessures au Destructeur. Dès qu'il irait mieux, il se lancerait à la recherche de Karai et il la retrouverait. Coûte que coûte.

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