Le Dernier Frère

Chapitre 1 : Le Dernier Frère

Chapitre final

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:43

Le dernier frère

 

L’imprégnation, un truc de dingue que si on m’en avait parlé au lycée, j’aurai bien rigolé. Etre aux pieds d’une fille, quasi son esclave…lui donner tout ce qu’elle veut, être tout ce qu’elle veut et qui elle veut. Vouloir tout donner : sa vie, son corps, son âme…ne voir qu’elle, ne sentir qu’elle et ne vouloir qu’elle. Telle une attraction irrésistible, un truc qu’on ne veut même pas combattre, un sentiment qu’on aime ressentir, le rechercher et parfois même en souffrir. Car l’imprégnation, c’est beau, c’est magique, ça donne des ailes…mais ça fait aussi très mal quand la distance s’installe, quand il y a le manque, l’absence et qu’on ne voit plus ses yeux.

Rachel est la plus belle femme que je n’ai jamais vue sur terre. Je me suis imprégné d’elle à la seconde même où elle est entrée dans la cuisine de Billy Black. Je n’ai pas compris ce qu’il m’est arrivé. Elle est entrée et tout s’est brouillé autour de moi sauf elle. Comme si la lumière du soleil venait soudain de reporter toute sa force sur elle. Elle était belle à couper le souffle, je me souviens même que j’ai senti son parfum envahir ma tête en quelques secondes. Je me suis senti possédé et lié, tout mon corps s’est mis en éveil et je sens encore mes pulsions animales m’envahir, tout mon esprit ne chantait plus que son nom et mon cœur battait très fort. J’ai eu soudain la sensation de me perdre et de lui appartenir. Elle a alors tourné ses yeux noirs sur moi et là, c’est comme si je venais d’être frappé en pleine poitrine. Impossible de respirer, impossible de parler…mes frères m’ont dit après que j’avais l’air d’un idiot à rester ainsi bouche-bée, subjugué par cette femme…mais voilà, je venais de me lier à elle pour l’éternité. Je me souviens juste avoir croisé les yeux noirs de son frère par la suite et qu’il n’était pas heureux. Mais avec l’imprégnation, on ne choisit pas. Ça pose problème à certains de la meute, certains ont même essayé de lutter mais tu ne peux pas…c’est de la magie et il n’y a aucun sortilège contre. Et même s’il existait, je ne voudrais surtout pas qu’on me le retire. J’aime ce que je ressens, j’aime ce bonheur total, ce sentiment d’appartenance, j’aime l’amour que j’éprouve et que je ressens chez elle pour moi, j’aime cette fusion physique et mentale. Rachel est celle que j’attendais, celle pour qui j’étais destiné, celle pour qui je mourrais.

Je lui serre la main imperceptiblement pendant que nous marchons côte à côte le long de la plage de la Push. Il fait nuit mais la lune éclaire tout l’océan. Elle tourne la tête vers moi et me sourit avec douceur. Malgré l’obscurité, je peux voir ses yeux briller. Nous sommes heureux ensemble. Je m’arrête et lorsqu’elle sent que je la retiens, elle stoppe sa marche et vient aussitôt se coller contre moi. Je lâche sa main pour passer les miennes sur sa tête, le long de ses cheveux noirs puis son visage. Je lui prends alors et le colle contre moi pour prendre ses lèvres que j’embrasse doucement. Je sais qu’elle aime quand je fais ça, quand je me retiens, que je tremble de toute part et que je l’étreins sans brutalité. Mais ça ne dure jamais longtemps. Mon envie d’elle me fait souvent perdre les pédales et je finis toujours par l’embrasser avec passion…mais ça aussi je sais qu’elle aime car son souffle se fait plus court. Je finis mon baiser en la serrant contre moi tout en enfouissant mon visage dans ses cheveux. Le bruit des vagues me berce et son parfum m’enivre.

-          Rentrons…, me murmure-t-elle à l’oreille.

-          Oui…

Je me détache d’elle et reprend sa main en souriant. A cet instant, je sais qu’elle pourrait me demander n’importe quoi. Nous avançons un peu plus vite qu’avant, pressés l’un comme l’autre de nous retrouver chez nous, dans notre intimité. Son image d’elle, allongée nue sur notre lit m’obsède et j’ai même soudain envie de courir. Rachel ressent mon impatience et éclate de rire.

-          Prends-moi sur ton dos Paul ! ça ira plus vite !

-          C’est une idée, lui répondis-je.

Mais je préfère éviter qu’on nous surprenne alors je continue à marcher tout en prenant soin de ne pas fatiguer Rachel.

Soudain, je sens un violent choc dans mon bras et sens le poids de Rachel s’écraser contre moi.

-          Chérie ?

Son visage est crispé et je panique de la voir aussi pâle. Elle s’écroule dans mes bras en gémissant et je me mets accroupis tout en la maintenant dans mes bras.

-          Chérie ? Rachel ? Qu’est-ce que tu as ?

Les yeux fixés sur la lune, la bouche entrouverte, elle semble suffoquer. Je commence à devenir fou et lui caresse les cheveux et le visage tout en continuant de dire :

-          Rachel, bon sang !

Elle se met alors à hurler et je sursaute. Un cri si déchirant qu’il semble transpercer le ciel jusqu’à Forks. Ma panique s’intensifie, je la palpe de partout, cherchant l’origine de sa douleur. Elle pousse un nouveau cri, plus empli de douleur et les larmes me montent aux yeux pendant que je continue à chercher en passant mes mains fébrilement sur son ventre, ses jambes et ses bras.

-          Rachel !!!!

Elle suffoque encore plus et je hurle :

-          A l’aide !!!!! Jacob !!! Sam !!!!

J’hésite à muter, je pourrais ainsi avoir de l’aide rapidement, peut-être même leur envoyer un message par la pensée mais j’ai peur de la laisser. Je suis en panique totale, ses cris me transpercent.

-          Rachel !!! Rachel !!!

Mais son regard est ailleurs, elle hurle encore et encore, se tord dans tous les sens. J’ai envie de crier avec elle quand soudain elle est prise de tremblements et de convulsions si fortes qu’elle m’échappe des bras. Je ne sais plus quoi faire, je la regarde se tordre sur le sable, impuissant quand soudain je remarque du sang sur mon bras et en même temps, une forte puanteur envahit ma tête. Je connais cette odeur ! Je la connais car je suis né pour la détruire ! L’odeur du vampire…je tourne la tête dans tous les sens, l’instinct d’attaque en alerte maximale, en oubliant presque Rachel jusqu’à ce qu’elle pousse un nouveau cri mais qui se finit dans un râle. La puanteur se rapproche, je me colle contre Rachel pour la protéger quand soudain, avec une rapidité qui me surprend, elle se dégage de moi. Mon cœur s’accélère quand une évidence commence à pénétrer mon esprit. Je regarde mon bras, lève les yeux sur sa chemise immaculée de sang…la puanteur est insoutenable et pourtant, je suis incapable de muter car mon esprit est pétrifié. Mon cœur cogne mes tempes avec force, j’ai du mal à respirer, la folie me gagne quand avec horreur, Rachel tourne son visage vers moi.

Nous sommes face à face et je ne la reconnais plus. Ses cheveux lui couvrent le visage et elle me fixe, menaçante. A travers ses cheveux, je vois ses yeux rouges sangs qui me transpercent le cœur et la haine qui anime son visage m’empêche de réagir. Elle pousse alors un cri sauvage dans ma direction mais celui-ci est un cri d’intimidation, comme pour me prévenir qu’elle va me faire du mal. Je comprends alors que la puanteur vient d’elle…Je sens alors une autre, une plus forte et un mouvement rapide passe près de moi. Une forme noire se matérialise auprès de Rachel et cette fois, mes instincts se réveillent. Je mute aussitôt et grogne face à elles. La vampire aux cheveux bruns sourit alors que Rachel semble pétrifiée. Et dans un mouvement brusque, je les vois disparaître de ma vue. Alors sans réfléchir, je me lance à leur poursuite, je cours sans relâche pour les rattraper et je finis par les voir courir devant moi, dans la forêt. J’accélère et je vois la vampire tourner son visage vers moi et toujours sourire pendant que ma Rachel court auprès d’elle, irréelle…je les pourchasse pendant un long moment, usant de toutes mes forces pour les rattraper car il est hors de question qu’elle emporte Rachel loin de moi ! Je suis juste derrière elle, j’ai du mal à reconnaître la femme de ma vie en la voyant se déplacer aussi vite mais je ne peux pas lui crier de stopper sa course puisque je suis sous ma forme animale. Je veux avant tout détruire la femelle qui vient de me la voler ! Je m’étends de tout mon corps quand soudain, je vois Rachel être propulsée contre un arbre et la femelle vampire s’accrocher à une branche et me faire face. Aussitôt j’entends Jared me crier par la pensée :

-          Paul ! Occupe-toi de l’autre, je prends celle-là !

-          Non !

-          Quoi ?!!!

Mais il ne me laisse pas le temps de continuer et je vois son loup se jeter en hauteur pour choper la vampire. Embry passe près de moi et pourchasse Rachel que je vois fuir à toute vitesse sans réaliser ce que je vois. Je suis à nouveau pétrifié pendant que mes frères attaquent, je vis un vrai cauchemar…je vais me réveiller et tout ceci n’aura jamais existé !

Je les regarde se battre, je vois ma Rachel donner des coups puissants à Embry…je regarde leurs combats pendant un moment quand tout à coup, je réalise que mes frères sont seuls et que la vampire et Rachel ont disparu. Alors Jared tourne la tête brusquement vers moi et me dit par la pensée :

-          C’était quoi ce bordel ?! Pourquoi tu ne nous as pas appelés ! 

Je ne réponds pas, j’ai le cœur en miette et Jared insiste :

-          Paul ! Pourquoi tu es resté planté là ? 

Alors j’entends Embry lui répondre d’une voix un peu brisée :

-          C’était Rachel….

-          Quoi ? Rétorque Jared, surpris.

-          C’était Rachel, répète Embry. N’est-ce pas Paul ? Je l’ai reconnue malgré sa puanteur et ses yeux rouges ! 

Mes deux frères me regardent, aussi bouleversés l’un que l’autre. Et j’entends ma voix déformée par la douleur résonner dans ma tête :

-          Non…ce n’était pas Rachel…ce n’était pas Rachel...

 

1 – Ma décision

Un écureuil passe devant mes yeux et me fait un peu réagir. Pendant une minute, je me demande combien de temps je suis resté prostré ainsi, à fixer le néant. Les larmes ont arrêté de couler depuis quelques heures, j’ai l’impression que la peau de mon visage est tirée à l’extrême et je me sens complètement vide. Le temps s’est arrêté, il est resté sur cette plage avec Rachel…pourtant, j’ai du mal à revoir son image car des yeux rouges sang envahissent mon esprit à sa place. Je ne me suis jamais senti aussi mal…c’est comme si on venait de m’arracher le cœur ou l’âme entière. Je me sens perdu, seul, vulnérable…j’ai l’impression que mon cœur ne bat plus. Je suis mort à l’intérieur, aussi mort que Rachel....je ne ressens plus son imprégnation…je crois que c’est ça le plus douloureux, que c’est ça qui me provoque ce vide immense dans la poitrine.

J’ai entendu mes frères la chercher toute la nuit, je les ais entendus hurler et aboyer dans toute la forêt. Je n’ai pas encore croisé Jacob mais je sais que sa douleur doit être aussi forte que la mienne. Perdre sa sœur doit être aussi éprouvant que perdre sa femme…sauf que moi, j’ai perdu mon imprégnation en plus et des milliers de couteaux taillades mon corps à chaque instant pour me le rappeler. En même temps, je n’ai pas envie de me retrouver face à lui. Il lui ressemble de trop. La douleur sera encore plus vive et je refuse de voir le reproche dans ses yeux. Je n’ai pas su la protéger, je n’ai pas senti la sangsue nous approcher alors que nous devions être suivis ou épiés depuis un moment. Je n’ai même pas muté et attaqué lorsque j’en avais l’occasion…tout ça parce que la présence de Rachel m’a paralysée.

En boucle depuis hier soir, je revis le moment de sa mort douloureusement. Puis, je la vois me fixer, me menacer en grognant, puis sa fuite, ma course folle pour la rattraper…je la revois frapper Embry, si forte, si vive…si différente. Rachel… une des leurs, un vampire, une sangsue assoiffée de sang, un corps de pierre, un monstre puant qui provoque en moi l’instinct de destruction…il faut que je la retrouve ! Je ne peux pas rester comme ça et la laisser dans la nature…la laisser continuer à détruire autour d’elle, à tuer pour survivre. Je l’imagine planter ses crocs dans la gorge du premier passant de Forks, j’imagine déjà le nombre de morts qu’elle a du faire…

C’est insupportable….

D’un bond, je me lève, soudain les muscles tendus à l’extrême. Je me sens prêt à parcourir la terre entière pour la retrouver quand soudain j’entends la voix de Sam me lancer :

-          J’espérais te trouver encore là…peut-être pas pour longtemps ?

-          Qu’est-ce que tu veux ? Rétorqué-je, sur la défensive malgré moi.

Sam a beau être mon Alpha, dans un moment comme celui-ci, le respect et l’autorité ne sont pas mes amis.

-          Jacob veut te voir…

-          Et bien moi non ! Je n’ai pas besoin de « ça » en ce moment.

Sam a capté l’accent sur le « ça » et ajoute :

-          ll souffre autant que toi …mais il est bien décidé à se battre.

-          Dans ce cas…nous parlons la même langue, murmuré-je la gorge serrée. Mais je ne me sens pas prêt à l’affronter.

-          Si tu n’y vas pas, c’est lui qui te trouvera, me rappelle Sam.

Nous nous dévisageons quelque secondes et je le préviens :

-          Sam…tu me connais…je suis en colère, je suis détruit…Jacob doit l’être autant que moi…je ne crois pas que ça soit une bonne idée qu’on se voit maintenant, pas si vite…

Sam n’a pas l’air de comprendre (ou ne veut pas) et me lance avant de me quitter, dans un regard sans appel :

-          Il t’attend chez eux.

Je déglutis pendant que la colère m’envahie à nouveau. Chez eux…dans le nid des sangsues ! Jacob avait beau être ami avec eux, j’avais toujours eu beaucoup de mal à me faire à cette idée, même s’ils nous avaient prouvé à plusieurs reprises que nous étions du même côté…se battre ensemble contre une horde de vampires nouveau-nés, résister ensemble contre les Volturi était une chose mais partager mon temps libre avec eux en était une autre et pour moi, ça avait toujours été non ! Je ne supporte pas leur puanteur, je ne supporte pas leurs pouvoirs car j’ai toujours l’impression d’être manipulé et je supporte encore moins l’idée d’être aussi proche du seul truc qui peut me tuer : leur venin ! Mais en même temps, que Jacob soit allé chez eux après ce qui est arrivé à Rachel est ce qu’il y a de plus logique et je me dis alors qu’ils savent peut-être où elle se trouve et le nom de la créature qui lui a fait ça. Alors, sans même répondre à Sam, je fonce droit devant moi, mute et galope jusqu’à l’ancien territoire interdit, là où se trouve la Villa des Cullen.

Plus je m’approche, plus l’odeur est insupportable. Je me demande comment Jacob fait pour passer le plus clair de son temps ici ! J’ai bien une idée mais elle me donne la nausée et c’est dans un état d’esprit plus qu’hostile que je grimpe les marches qui mènent à la porte d’entrée de ce manoir vitré qui détonne complètement avec son environnement. Comme je m’en doutais, mon arrivée a déjà été détectée et la porte s’ouvre devant moi avant même que je donne un coup de patte. Mais, à ma grande surprise, c’est Jacob qui m’accueille sous sa forme humaine. Le visage de mon « frère » est crispé par la souffrance mais son regard ne me renvoie aucun reproche.

Je secoue la tête, dépité de constater qu’il ne prend jamais aucune précaution parmi eux et entre lentement dans l’antre des sangsues, l’échine tendue, tout en entendant le crissement de mes griffes sur leur parquet. Ils sont presque tous là, leur visage est fermé pour la circonstance et ils me regardent tous avec une compassion qui me fait mal. Pourtant, c’est à cause d’un membre de leur espèce que ma Rachel n’est plus ! Je devrais tous les tuer un par un pour la venger. Mais la colère a fait place à un froid immense en moi, une détermination qui me rend bizarrement plus calme, plus réfléchis, plus décidé dans mon choix et curieusement, ce clan m’a toujours inspiré le respect, malgré tous mes ressentiments…et puis IL est là…celui qui calme nos humeurs, celui qui me pose le plus de problèmes car il m’empêche d’exploser…Jasper, le vampire qui a le pouvoir de rendre les gens dociles, je sens son aura m’envelopper et me museler à chacun de mes pas. C’est agaçant mais je me sens soudain tellement mieux que je ne regrette pas vraiment sa présence. Une petite pause dans ma souffrance.

Emmett, celui avec qui j’ai le plus d’affinités (si on peut appeler ça comme ça) me lance un coup de tête triste mais amical. Je baisse ma tête dans sa direction, en signe de remerciement car j’ai bien capté son message. Malgré qu’ils soient tous satisfaits de leur condition, les Cullen ont toujours compris que nous ne voyons pas les choses sous cet angle et qu’un être humain qui devient comme eux est une fatalité. Nous sommes nés pour ça, pour sauver les humains des vampires, les empêcher d’être vidés de leur sang ou transformés en monstres sanguinaires. Nous sommes des Protecteurs et curieusement, le clan des Cullen nous respectent et même, nous admirent. Car ils sont un peu aussi comme ça…ils essaient de vivre sans le sang des humains, ils empêchent les attaques des autres vampires et aujourd’hui, nous pouvons même parler d’alliance entre nos deux espèces pour sauver les habitants de Forks. Mais sur ce coup-là, nous avons tous échoué …moi le premier.

-          Bonjour Paul, me lance le docteur Cullen. Merci d’être venu.

Je tourne la tête vers Jacob, étonné car il semblerait que l’invitation venait des Cullen et non de lui. Je comprends alors que Sam m’a parlé de Jacob pour que j’y aille, plutôt que de me dire la vérité, craignant un refus de ma part. Mais de toute façon, je serai venu les voir tôt ou tard car j’espère qu’ils peuvent m’expliquer ce qu’il s’est passé et surtout, me dire où se trouve Rachel ! Jacob vient se planter près de moi, face à eux. La plus petite d’entre eux, Alice, s’assoit sur le canapé près de sa « mère » alors que Jasper, n’a pas quitté sa place face à la fenêtre, dos à eux. A son profil, je constate qu’il a l’air ennuyé mais je ne m’y attarde pas car j’entends des pas descendre les escaliers et je sens une odeur que je reconnaitrais entre mille : Bella. Elle et Edward entrent dans le salon et je suis surpris de constater que ses yeux ont maintenant pris la couleur doré de celui qui l’accompagne. La dernière fois que je l’avais vue, elle avait les mêmes yeux injectés de sang que Rachel mais son odeur d’humaine transformée en vampire était restée particulière …peut-être parce que jusque maintenant, elle était la seule humaine que je connaissais qui avait subi cette transformation ?

Elle s’avance vers moi, elle ne peut plus pleurer mais à ses yeux, je capte toute sa tristesse. Pourtant, elle a choisi cette mort et ça, c’est quelque chose que je ne pourrais jamais comprendre !

-          Paul, nous sommes désolés, me lance alors Edward que j’avais oublié.

Pourtant, je ne devrais pas car après Jasper, c’est lui qui me pose aussi beaucoup de problèmes vu qu’il lit dans mon esprit comme si il y était. A cet instant, je sais même qu’il m’entend mais a la politesse de ne pas rendre mes pensées publiques.

-          Nous tenions à te voir pour te faire part de ce que nous savons, intervient alors Carlisle.

-          Ils savent où elle est, ajoute Jacob à mon intention.

Mon cœur s’accélère et je hoche la tête pour que Carlisle continue. Ce dernier lance un bref regard à Jacob et hésite. Je tourne la tête vers mon frère qui semble lui répondre muettement. Leur échange m’agace mais Bella intervient en me disant :

-          Peut-être pourrais-tu prendre forme humaine ? ça serait plus facile ?

Il est hors de question que je baisse ma garde dans un nid de vampires ! Tout ami qu’ils peuvent se prétendre ! Je croise le regard d’Edward qui répond à ma place :

-          Plus tard peut-être…Explique-lui Carlisle.

-          Très bien…, répond ce dernier. Comme je viens de l’annoncer à Jacob, le vampire qui a attaqué Rachel fait parti d’un clan que nous connaissons bien, celui d’Allemagne qui se font appeler les « Valachie » * car ils sont persuadés que leur créateur était le premier des vampires… et ils ne sont pas nos amis.

Je l’aurais parié ! Mais en fait, à part nous, est-ce que les Cullen avaient des amis parmi les vampires ? Vu leur mode de vie, je commençais à en douter. Je vois du coin de l’œil Edward sourire faiblement et me dit que ce type doit vraiment prendre son pied à se connecter en permanence aux esprits des autres…

-          Rachel se trouve à Londres, en Angleterre, continue Carlisle. Nous le savons car ma fille, Alice, la voit avec eux dans cette ville…

En Angleterre ? Cette révélation me bouleverse un peu…je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit si loin…

-          Mais nous soupçonnons que les Volturi soient derrière tout ça, malgré le fait que Alice ne voit rien les concernant, ajoute-t-il.

Avec les Volturi… je revois les sangsues en robes de chambre qui ont rendu visite aux Cullen quelques mois plus tôt, accélérant alors le processus de transformation de Bella et j’imagine ma Rachel parmi eux. A cet instant, j’aimerais avoir les pouvoirs de la petite Cullen pour « voir » comment Rachel se comportait maintenant. Ça m’aiderait…   

-          Les Cullen nous proposent de faire alliance pour aller la chercher, m’annonce Jacob.

Je tourne brusquement la tête vers lui, pendant qu’il continue :

-          Ils nous aideront à entrer dans la ville, à les trouver, les détruire et récupérer Rachel. Nous avons tous un truc à régler avec eux maintenant…

Mon sang ne fait qu’un tour et si je n’étais pas déjà en loup, je crois que ma transformation aurait été immédiate. Je grogne vers Jacob mais me sens aussitôt affaibli, presque plus calme. Jasper est tout près de moi pendant qu’Edward déclare :

-          Je crois que Paul ne voit pas les choses de la même façon que nous.

-          Explique-toi, demande Carlisle alors que Jacob me fixe, ne comprenant pas ma réaction.

-          Paul…, hésite-t-il, car je pense qu’il sait depuis le départ ce que je pense et qu’il savait que ma venue ne serait pas une bonne chose. Paul ne veut pas qu’on la récupère. Il veut la retrouver…pour la détruire.

-          Quoi ?! Hurle aussitôt Jacob.

Ce dernier mute instantanément, faisant reculer tous les Cullen d’un pas, tous soudain sur la défensive, et me fait face, babines retroussées. Aussitôt, nos esprits se connectent et je l’entends me crier :

-          Tu ne toucheras pas à ma sœur !

-          Ce n’est plus ta sœur Jacob ! Rachel est…morte !

Le mot est resté coincé dans mon esprit quelques secondes et c’est dur…

-          Peut-être mais c’est MA sœur ! Je ne te laisserais pas la détruire !

-          Elle n’est plus rien ! C’est de la pierre ! Tu as passé beaucoup trop de temps avec eux ! Tu n’es pas objectif Jacob !

-          Tu n’iras pas à Londres ou Volterra ! Je m’y opposerais,déclare-t-il durement.

Il grogne violemment alors que je vois Bella s’approcher de lui.

-          Ne vous battez pas ! S’écrie-t-elle. Paul, je t’en prie ! Ecoute ce que nous avons à te proposer !

-          Je ne te laisserai pas la détruire !Répète Jacob par la pensée.

-          Comment peux-tu supporter ça?Lui lancé-je, ignorant l’intervention de Bella mais dont la présence me rappelle trop Rachel. Comment peux-tu encore y croire ! Il n’y a pas de retour possible ! Elle est morte !

-          Son corps oui mais pas son âme…,me répond Jacob tristement.

-          Ils t’ont lobotomisé ma parole !

-          Paul, intervient Edward qui a suivi notre conversation, je t’assure que je comprends parfaitement ton point de vue mais Jacob a raison…nous pouvons sauver son âme. Tu devrais y réfléchir.

-          C’est hors de question !Lui rétorqué-je durement. J’irai là-bas, avec ou sans vous ! Et je la détruirais !

A ces mots, Jacob gronde fortement et claque sa gueule à quelques centimètres de la mienne mais Jasper a osé se placer entre nous et je vois sa main face à Jacob, lui intimant de reculer. Celui-ci doit sûrement ressentir la même pression que moi et obéis, soudain plus calme. Je jette un dernier regard à Edward et file vers la sortie, bien décidé à rester sur ma position ! J’aimais Rachel, je l’aimais plus que tout, mais aujourd’hui, elle est mon ennemi et pour moi, elle est déjà morte !

·         Voir le roman de Bram Stoker « Dracula »

 

2 – Premières tentatives 

Je n’ai aucune idée de l’endroit où se trouve Volterra mais si je dois faire le tour de la terre pour trouver cette ville de malheur, je le ferais ! Le bureau des renseignements de l’aéroport de Seattle est blindé de monde et ça fait une heure que je patiente lorsque je parviens enfin à poser mon pied sur la ligne qui me sépare de l’hôtesse et de la file. Je trépigne doucement lorsque celle-ci me fait signe d’approcher car c’est enfin mon tour ! Un bref sourire pour tenter de me calmer car je brûle d’impatience et je lui demande :

-          J’aimerai savoir le prix d’un aller-retour pour Londres et pour Volterra s’il vous plait ?

-          Volterra ? Un vol direct ? S’étonne-t-elle.

-          Euh…je ne sais pas…Y a pas d’aéroport là-bas ?

-          Et bien, je dois vérifier…

Je commence à me dire que ce n’est peut-être pas une ville, peut-être même pas un village quand soudain, j’entends siffler dans mon oreille alors que mes narines frémissent aussitôt :

-          N’y compte même pas…

-          Tu empestes Bella ! Rétorqué-je, les dents serrées pendant que je compte mes billets dans mon portefeuille.

-          Paul, je suis sérieuse…, répond-elle, ignorant ma remarque, nous ne te laisserons pas y aller seul. C’est hors de question !

La femme me dit alors :

-          Aller-retour pour Londres, ça vous ferait sept cent vingt-huit dollars.

-          Combien ?!!!

Je manque de m’étrangler quand j’entends Bella susurrer :

-          Tu vois…tu n’as même pas les moyens de t’offrir une virée suicidaire…

-          Et pour Volterra, huit cent quarante…car il y a un vol interne depuis Rome, continue la femme, ne pouvant entendre la voix de Bella.

-          Dégages de là !

Je pousse Bella et quitte l’hôtesse sans même la remercier pour sa recherche puis prends la direction de la sortie quand Bella se place juste devant moi, le regard menaçant :

-          Ne m’oblige pas à te faire mal Paul !

Cette fois, je ne peux pas m’empêcher de m’esclaffer tellement sa remarque me parait absurde.

-          Franchement Bella, comment peux-tu croire ne serait-ce qu’une minute que tu me fais peur ?

Ses yeux papillonnent face à mon visage que je durcis volontairement pour lui montrer à quel point je suis déterminé mais elle ne se démonte pas pour autant et ajoute :

-          Laisse-nous le temps de réfléchir à un plan…laisse-nous le temps Paul.

-          Non !

Je la contourne et elle me rattrape par le bras en le serrant assez fort pour que je comprenne son avertissement.

-          C’est trop tard ! S’écrie-t-elle d’une voix désespérée. Elle ne changera plus ! Il ne nous reste plus que le temps…l’éternité pour la récupérer.

-          Je ne veux pas la récupérer, je te l’ai dit…

Elle hésite, hoche la tête, sachant parfaitement que je ne bluffe pas vu que son petit ami ne quitte pas mes pensées puis répond plus calmement :

-          Très bien….mais moi je ne veux pas que tu y ailles, je ne veux pas que tu ailles te faire tuer.

Je comprends alors qu’elle essaie de m’avoir par les sentiments, jouant la carte de l’amitié qui ne marchera pas avec moi. Et pour cause ! Cette fille avait brisé tous les traités et nous avait défiés en devenant un vampire !!! Malgré notre lutte, malgré l’amour de Jacob, malgré tout ce qu’on avait fait pour la protéger…elle n’avait rien voulu savoir et s’était bornée à devenir un monstre. Un profond dégoût envahi ma bouche et aussitôt, je lui claque au visage :

-          Comment as-tu pu ?

-          Quoi ?

-          Comment as-tu pu détruire ta vie pour devenir…ça !

Ma proximité la perturbe car nos deux espèces ne sont pas faites pour être aussi proches et je sens qu’elle perd un peu pied, soudain sur la défensive. Mais comme d’habitude, elle se ressaisit et déclare froidement tout en me regardant bien droit dans les yeux :

-          C’est mon choix, tu n’as pas à me juger. Je suis ce que j’ai toujours voulu, je suis à ma place…Jacob m’accepte telle que je suis…

Ses yeux couleurs miel viennent de virer au brun foncé, je la sens en colère mais ça ne m’empêche pas d’aller jusqu’au bout de ma pensée :

-          Mais tu es morte Bella !!! Tu n’es plus rien ! Tu es morte ! Comme Rachel, finis-je dans une voix qui se brise, malgré que j’essaie de tout faire pour garder mon calme.

-          Je sais que tu ne le conçois pas comme ça mais Rachel est encore parmi nous…, affirme-t-elle avec douceur. Sur cette terre, elle parle et voit, ressent des choses…

-          Et boit du sang ! La coupe-je aussitôt, agacé par ce qu’elle essaie de faire. Elle pue la charogne et est dure et froide comme de la pierre !

Bella recule d’un pas, outrée, alors qu’elle me connaît bien. Un mouvement derrière elle m’attire et je vois son amie Alice ainsi que Jasper attendre. Je comprends alors que Bella a préféré tenter de me raisonner sans que son « copain qui me calme » intervienne et manque de bol pour elle, ça n’a pas marché ! Je lance un regard noir à Jasper en levant un doigt dans sa direction, afin qu’il comprenne que je lui conseille vivement de rester à sa place et de ne pas utiliser son don sur moi dans cet aéroport. Après un hochement de tête où je vois qu’il a compris le message, je refixe mon attention sur Bella qui ne me quitte pas des yeux, le visage fermé.

-          C’est comme ça que tu me vois ? Finit-elle par lâcher.

-          Quoi ?

Je viens alors de me rappeler les paroles dures que je viens de lui lancer et comprends alors que je l’ai blessée. Mais je n’ai pas pitié d’elle, elle a fait SON choix ! Malgré tout, je me calme et lui dit, moins sèchement :

-          Toi…toi, c’est différent…mais tu ne peux pas nous empêcher de te voir comme eux maintenant !

Comme elle n’a pas l’air convaincue, j’explose :

-          Mais enfin Bella ! ça ne vient pas que de moi ! Toi aussi tu nous vois différemment ! Tu as changé ! Les choses ont changé ! Tu supportes l’odeur et la présence de Jacob parce que ta volonté de le garder comme ami est plus forte que tout ! Mais à la base, nous sommes des ennemis naturels, et ça, tu ne pourras jamais le changer ! Même si votre clan est différent ! Justement, il est DIFFERENT !!! Vous êtes une exception Bella !

Je remarque alors un autre mouvement près de la porte automatique et vois Embry et Quil attendre patiemment tout en jetant des brefs coups d’œil à Alice et Jasper. Je comprends alors que pour aujourd’hui c’est cuit…non seulement je n’ai pas les moyens mais personne ne me laissera partir par avion. Je grogne et laisse Bella en plan pour les rejoindre quand elle m’interpelle en lançant :

-          Je n’ai rien de différent de Rachel et tu arrives à me parler, chuchote-t-elle, sachant que mon ouïe fine captera ses mots.

Mais je refuse de répondre à ça et continue ma marche jusqu’à mes frères qui m’accueillent sans un mot mais dont le soulagement de me voir encore ici ne m’échappe pas.

 

Une fois à la Réserve, je file tout droit chez moi, laissant mes frères qui n’ont rien osé me dire durant tout le retour depuis Seattle mais une mauvaise surprise m’attend à ma porte : Jacob. Les bras croisés et le regard noir, il me fixe durement pendant que je monte les marches du perron et au moment où je veux entrer chez moi, il me barre le chemin.

-          Laisse-moi Jacob, lui dis-je sans même le regarder.

-          Tu n’as donc aucun cœur ? Me reproche-t-il les dents serrées, son visage à quelques centimètres du mien. C’est Rachel ! MA sœur, TA femme ! Tu ne penses pas sérieusement ce que tu dis !

-          Oh si…

De rage, Jacob frappe un grand coup contre ma porte qui se brise en deux. Je soupire et tourne lentement les yeux vers lui pendant qu’il grogne, encore énervé et me lance des regards courroucés.

-          Je ne te laisserais pas faire Paul ! Et si tu t’obstines, tu deviendras mon ennemi !

Je ricane et réponds :

-          Encore une fois, tu choisirais le camp des sangsues à celui de tes propres frères Quileute ! Franchement Jacob, parfois j’ai honte de faire parti de ta meute !

-          J’ai essayé de sauver Bella ! Je ne vous ai pas trahi ! Riposte-t-il.

-          Et tu as échoué ! Lui rappelle-je. Sans t’occuper que tu avais fait de notre meute deux clans presque ennemis ! Tu n’aurais jamais mérité d’être Alpha ! Tu es bien trop impliqué avec les sangsues ! Rachel est notre ennemie à présent et elle doit périr !

-          Ne me pousse pas…, me menace-t-il. Tu sais très bien que si tu fais ça, tu ne me laisseras pas le choix !

-          Tu ne devrais même pas avoir de choix !!! Explose-je. Ce sont des vampires ! Des buveurs de sang ! Nous sommes nés pour les détruire ! Pas pour les protéger !

-          Justement ! Nous ne sommes pas faits de pierre ! Me coupe-t-il. Nous avons un cœur et nous pouvons être capables de faire la différence ! Comme avec Bella…ou Rachel, finit-il d’une voix brisée. Les Cullen peuvent la sauver, m’explique-t-il après une courte pause, ils peuvent la ramener ici et qu’elle vive avec eux, comme eux… Ainsi, nous continuerions à la voir, à lui parler…

-          Je ne pourrais jamais la voir autrement que ce qu’elle est maintenant…, murmuré-je tristement.

-          Alors tant pis pour toi, rétorque Jacob, car elle va revenir ici, à Forks ! Et si tu t’y opposes, je prendrais les mesures nécessaires.

-          Tu me menaces ? Demandé-je, faussement impressionné.

-          Oui ! Je te menace…et tu me connais assez pour savoir que je ne plaisante pas.

En guise de réponse, je hoche la tête gravement, me considérant comme averti. Mais nous savions tous les deux que nous étions désormais sur deux routes bien distinctes car lui aussi me connaissait et savait que je ferais tout pour l’en empêcher ! A savoir maintenant lequel de nous deux arriverait le premier…

 

 

Le prix du billet est bien trop exorbitant. Je réfléchis donc à une autre solution pour atteindre l’Europe. Il me reste donc deux choix : prendre le bateau ou traverser l’Atlantique à la nage. La deuxième option me séduit moins alors je passe cet après-midi de congé à fureter sur les quais de Port Angeles pour trouver un bateau qui m’aiderait à faire le trajet, même sans qu’il ne le sache. A plusieurs reprises, j’entends des marins discuter de leur voyage mais je n’ose pas encore leur poser de questions. Je détaille chaque bateau, mesurant leur capacité de transport et comment les atteindre sans se faire repérer avant le départ. Je croise beaucoup de monde, dont certains qui me regarde avec intérêt. J’imagine que mon gabarit les intéresse pour le travail en mer. Ça pourrait être une solution mais avant ça, j’aimerai être sûr qu’il n’y en a pas d’autres. Je marche derrière un groupe de quatre marins qui bifurquent sur un bar le long du quai. Je les suis, bien décidé à trouver mon bonheur aujourd’hui.

Le lieu est très animé, comme tous les cafés des ports remplis d’hommes en pause de sorties de mer. Je remarque quelques Quileute qui travaillent ici et me rapproche d’eux, une bière à la main, feignant de lire le journal qui se trouve sur une table à proximité.

Leurs conversations sont très banales et il faut un certain temps avant que l’un deux parle d’une prochaine sortie pour le Maroc. J’évalue brièvement la distance dans ma tête d’après la carte que j’ai étudiée la veille et me dis que ça serait faisable. Le principal étant d’atteindre la côte de l’Europe, ensuite, je ferais la route à pattes de nuit. Je suis donc plus attentif à son discours et note que la sortie se fera dans deux soirs. Je finis ma bière et sors du café pour les attendre. Au bout d’un bon quart d’heure, un groupe sort et je reconnais le type qui parlait. Je les suis à distance car, comme je m’en doutais, ils se dirigent tout naturellement vers leur bateau. Je mémorise le nom de ce dernier : le Fahrenheit puis continue ma route sans me faire remarquer.

 

Ces deux jours passent à une vitesse trop lente à mon goût. Je ne me suis pas une seule fois transformé depuis ma visite au port afin que mes frères ne captent pas mes intentions, bien que je sache parfaitement qu’ils me surveillent à distance. J’évite aussi Jacob, et je pense que c’est réciproque. Nous préparons sûrement nos plans chacun chez soi et parfois, je me demande même s’il n’est pas déjà parti avec les Cullen ? Mais bizarrement, je pense que quelqu’un m’aurait prévenu, que ce soit Bella ou un de mes frères…j’aimerai quand même bien savoir ce que le reste de la meute pense de tout ça, en fait, je me rends compte qu’il n’y a pas que Jacob que j’évite…j’évite tout le monde et pas simplement parce que je ne veux pas entendre leur lamentation mais aussi parce que je veux que personne ne me dissuade ! Et surtout, je ne veux recevoir aucun ordre de la part de Sam ! Je ne sais pas trop pourquoi ils me laissent tranquille mais ça me convient !

 

Les quelques heures qui précèdent mon départ sont interminables…je m’imagine déjà face à elle, je vois déjà ses yeux terrifiés lorsqu’elle va comprendre avec son instinct de monstre que je suis là pour la détruire…je sens déjà mes crocs briser son corps de pierre et la voir éclater en mille morceaux. Un sale goût envahi ma bouche et mon cœur se tord. Rachel…ma Rachel. Est-ce que j’aurai le courage d’aller jusqu’au bout ? Son image d’elle encore vivante, contre moi et si brûlante hante alors mon esprit. Mais cette image ne fait qu’accentuer mon idée de destruction puisque cette Rachel n’est plus et que je ne la retrouverais jamais, même si tout le monde ici en est persuadé ! Pour moi, Rachel est morte et celle qu’elle est aujourd’hui est un vampire à détruire !

 

La nuit tombe, je sors de chez moi et respire à pleins poumons l’air doux et pur de la Push. Aucune visite aujourd’hui, c’est louche…et beaucoup trop facile. De toute façon, dans quelques secondes, je serai dans ma peau de loup et s’ils sont là, la connexion se fera…immédiate. Je me battrai, ça ils peuvent en être sûrs et ils le savent ! Peut-être qu’ils n’osent pas me dissuader ? Ou peut-être qu’ils m’attendent au tournant ? Je respire à nouveau profondément puis mute sans fracas.

Le silence…

Aucun de mes frères ne semblent être présents ou alors, pas sous leur forme lupine. Je ne dois pas perdre de temps alors je cours droit devant moi, à travers les pins, bien décidé à atteindre Port Angeles à l’heure ! Le bateau doit lever l’ancre dans moins d’une heure.

Les branches fouettent mon museau et mes flancs, je galope aussi vite que je peux, en espérant que le bateau n’a pas encore quitté le port par contretemps. Quand soudain, la puanteur envahit mes narines et avant même que je ne tourne la tête pour voir d’où elle provient, je vois Bella courir à mes côtés en me fixant durement. Je tourne alors la tête de l’autre côté et y trouve Alice puis Emmett suivi de Carlisle. De rage, j’accélère ma course mais l’un deux, plus rapide me passe devant et me frappe si fort que je me retrouve projeté contre un rocher qui se trouve là. Je me relève aussitôt pour me retrouver face à Edward et aux autres qui viennent se placer derrière lui, tel un gang.

Je grogne violemment face à leurs visages fermés. Je sais qu’à cet instant, Edward fouille ma tête et je lui lance mentalement :

-          Dégagez ! ça ne vous regarde pas !

-          Tu n’iras nulle part Paul ! Me répond-il menaçant. Ton plan était presque parfait…mais tu avais oublié un détail.

Oui…LUI ! Lui qui n’avait pas du quitter ma tête depuis l’instant où Rachel s’était transformée ! Lui qui connaissait toutes mes intentions, toutes mes pensées, encore plus précisément que mes frères puisqu’il pouvait les entendre lorsque j’étais sous n’importe quelle forme ! Je grogne à nouveau, rageusement, pendant qu’ils m’encerclent, sans aucune crainte.

-          Reculez ! Ordonné-je, sachant qu’Edward m’entend.

Mais ils continuent leur lente progression. Je me mets en position d’attaque et eux aussi …sauf Bella qui me regarde tristement.

-          Paul, on ne te veut aucun mal…on veut juste que tu nous laisses le temps de mettre un plan parfait au point, me dit-elle avec douceur.

Je grogne encore dans sa direction. Je le connais leur plan ! Sauvez Rachel ! Et je ne cautionne pas cette idée…

C’est alors que j’entends Sam dire à l’attention d’Edward :

-          Merci de nous avoir prévenus…et de l’avoir arrêté.

-          Pas de problème, répond-il en tournant la tête dans sa direction alors que je regarde tous mes frères arriver un par un.

Ainsi me voici complètement piégé. Jacob bondit jusqu’à moi et Emmett le laisse passer. Puis il me lance mentalement :

-          Je t’ai prévenu que je ne te laisserai pas aller jusque là-bas…tu peux voir que je ne suis pas le seul !

-          Lâche-moi Jake !

-          Ça non ! Et tu remarqueras aussi que nous sommes à nouveau alliés…mais cette fois, contre toi ! Tu n’as aucune chance de quitter le territoire et s’il le faut, nous emploierons la force ! M’explique-t-il avec froideur.

-          Encore des menaces ?

-          Toujours…

Je réfléchis à mes possibilités de fuite, elles sont minces…je vois aussi le regard d’Edward qui ne me quitte pas d’une semelle. Je pousse un profond soupir et fais un pas en arrière. Jasper, qui doit sûrement influencer mon humeur vu que je me sens docile, recule aussi d’un pas pour me laisser passer. Je croise le regard de la petite Alice qui me sourit malgré tout puis celui, plus dur, de sa blondasse de sœur. Je fais alors demi-tour et reprends ma marche inverse, lentement…mais avant de quitter ce beau petit monde, je lance à Jacob :

-          Va la chercher si c’est ce que tu veux tant…mais sache que ce n’est pas parce que je renonce aujourd’hui, que j’y renonce pour la vie…et la mienne est aussi longue que la sienne !

Comme il ne répond pas, je continue :

-          Elle ne sera jamais en sécurité à Forks tant que j’y vivrais…

Sur ces mots, j’accélère le pas et cours en direction de la Réserve, écœuré.

 

3 – Leur plan

 

Le dégoût, la déception, la colère et cette foutue imprégnation brisée qui ne me lâche pas…je suis dans un sale état et ce n’est pas prêt de passer. Ils sont tous à nouveau réunis et tous contre moi…c’est parfait ! Ça donne un peu de piment à ma détermination qui est déjà à son maximum. Ils veulent me surveiller, m’empêcher de partir ? Soit…je trouverais un moyen…même s’il me faut dix ou cent ans ! Je briserai Rachel avec mes crocs et brûlerai son corps ! Quitte à y passer !

-          Il te faudra un briquet pour ça, me coupe dans mes pensées une voix calme mais ferme que je reconnais aussitôt. Et en loup, cela risque d’être compliqué…

-          Edward…

Je ne l’ai pas entendu arriver dans ma cuisine, trop rapide…mais à présent, la puanteur envahi la pièce et me donne la nausée.

-          Excuse-moi…

-          Pas grave, ose-je lui répondre, bêtement honteux qu’il entende toutes mes pensées, surtout les pires.

-          Toujours dans tes plans morbides ?

Je ne réponds pas, sa remarque me fait sourire…pour un mort. Lui et son frère Emmett sont les seuls que j’apprécie, si on peut dire ça…leur « père » est beaucoup trop intelligent pour moi, leur mère trop effacée et rigide, la blonde trop coincée et la petite Alice…oui, elle aussi fait partie de ceux qui ne me dérangent pas de trop.

-          Jasper aussi a ses qualités, répond Edward en écho à mes réflexions. Mais je comprends que son pouvoir te dérange, surtout vu ton caractère impulsif, ricane-t-il.

-          Qu’est-ce que tu veux Cullen ?

-          Discuter…et tenter de te raisonner. Tu vois, je suis honnête et je n’ai pas le pouvoir de t’influencer…

-          Ouais, qu’est-ce que j’en sais ! Rétorqué-je aussitôt.

Après tout, on ne connaissait pas grand-chose d’eux à part ce qu’ils avaient bien voulu nous montrer.

-          Nous sommes vos amis, objecte Edward, très calme. Et nous voulons contenter tout le monde. Nous essayons de trouver une solution.

-          Ah oui ? Et votre solution c’est ramener Rachel ici ?

-          Elle vivrait avec nos règles, deviendrait comme nous…se nourrirait d’animaux…

-          Mais qu’est-ce que tu en sais ?! Explose-je.

-          Elle acceptera …, insiste-t-il. Pour toi.

Je sursaute à ses mots et le regarde sans comprendre.

-          Vous êtes imprégnés…vous êtes liés. Elle reviendra pour être à tes côtés, continue-t-il.

-          Non mais ça ne va pas ! Hurle-je presque. La Rachel que j’ai vu sur la plage, la Rachel aux yeux de sang et à la force d’un monstre, cette Rachel là n’est plus ma femme ! Il n’y a plus d’imprégnation depuis le moment où cette sangsue lui a mordu le bras ! Nous sommes des ennemis naturels je te rappelle !

-          Nous ne savons pas vraiment comment elle est en ce moment…c’est la première fois que ce cas se présente.

-          Ce cas ????

-          Une femme loup-garou qui devient vampire… Rachel est Quileute…elle aurait pu devenir l’une des vôtres comme Leah, explique Edward calmement sans tenir compte de la folie qui est en train de me gagner.

Je n’avais pas vu les choses sous cet angle…mais ça ne changeait rien !

-          Au contraire, insiste-t-il, pas gêné de ne me laisser aucune intimité dans ma tête. Elle a peut-être un pouvoir puisque la magie coule en elle…

-          Coule, rigolé-je malgré moi. Elle n’a plus de sang je te rappelle !!!

-          Façons de parler, répond-il dans un léger sourire narquois.

Nous nous toisons pendant quelques secondes puis je le vois inspecter rapidement la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Son regard s’arrête soudain sur une photo de Rachel et moi prise cet été pendant un barbecue chez son père. Il est en train de tenir le cadre alors que je ne l’ai même pas vu bouger. Agacé, je lui lance :

-          Pose ça !

-          Vous aviez l’air heureux…l’imprégnation est réellement quelque chose de fascinant.

-          Ça t’amuse de remuer le couteau dans la plaie ! Grogné-je en lui arrachant le cadre photo des mains pour le plaquer violemment contre le buffet.

J’entends le bruit du verre qui se brise et soudain, ma gorge se serre.

-          Ne crois pas cela Paul, me répond-il avec une douceur qui me donne la nausée. J’aimerai juste connaître les conséquences de tout cela…Rachel nous intéresse…

Alors je comprends le manège.

-          Autrement dit, vous vous en foutez qu’elle était ma femme ou la sœur de Jacob ! Ce que vous voulez c’est savoir si elle a un pouvoir et obtenir tout ce qu’elle sait sur les Quileute ! C'est-à-dire les loups-garous ! Vos ennemis !!!

-          Je n’ai jamais dit cela, rétorque Edward. Rachel est avant tout la sœur de Jacob à nos yeux…elle est ensuite ta femme. Mais elle est devenue l’une des nôtres à présent. Nous voulons la protéger, nous voulons…sauver son âme, insiste-t-il. Et la rendre à sa famille si cela est encore possible…malgré sa nouvelle condition. Mais comprends que sa mutation nous intrigue…normalement, notre venin doit vous tuer. Vous, vous ne pourrez jamais vous transformer en vampire car vous avez déjà muté en loup-garou. Mais Rachel aurait peut-être pu ? Ou pas ? Pourquoi Leah a muté et pas elle ? Quel genre de vampire est-elle devenue ? là est notre interrogation.

-          Et donc, vous aimeriez l’analyser avant que je la tue ! c’est ça ce que tu attends de moi ? Demandé-je, hargneux.

-          Nous comprenons l’attachement de Jacob…mais nous comprenons aussi ta répulsion et ta décision. Nous ne sommes pas de la même espèce, ni même de la même famille…nous ne pouvons pas décider à votre place. Seulement entre Jacob et toi, il y a un problème et nous sommes de son côté parce que lui veut la garder en vie.

-          Ce qui vous permettrait de l’analyser…, répété-je, écœuré.

-          Pendant un temps oui…et peut-être l’aider à se convertir à nos règles…et t’aider à l’accepter, ajoute-t-il lentement. Ainsi, tout le monde serait satisfait.

-          Oublies-moi ok ? Jamais je ne l’accepterais ! Jamais !!!

Edward hoche la tête puis répond :

-          Je comprends…

Je laisse passer une minute puis continue :

-          J’irai là-bas…je trouverai un moyen et tu le sais…

-          Oui…

-          Ce n’est qu’une question de temps et de patience. Alors laissez-moi y aller maintenant et qu’on en finisse !

-          Malheureusement, c’est impossible Paul.

-          Pourquoi ?

-          Parce que nous avons signé un pacte avec ta meute…hier soir, après ton départ dans la forêt.

-          Ah oui ? Murmuré-je, à moitié étonné.

-          Nous avons promis de t’empêcher de quitter la Réserve…par tous les moyens possibles.

-          Je ne te crois pas…

-          Tu es condamné Paul, conclue-t-il sans me quitter des yeux. A rester ici ou à mourir.

-          Les miens n’accepteraient jamais de me condamner à mort au profit d’une sangsue !

-          Ils la considèrent encore comme une des leurs…je t’assure, insiste-t-il. Je lis leurs pensées et Sam a été bien clair sur ce point. Ils ne laisseront pas Rachel là-bas, elle reviendra ici…en vampire et parmi nous. Pour eux, tu n’es plus un obstacle. Tu es maitrisé.

J’éclate de rire à ces mots malgré le côté dramatique de la situation. Moi ? Maitrisé ? Ils ne me connaissaient pas ou quoi ? Si je m’attendais à une telle décision excessive !!! De la part de Jacob, ça ne m’étonnait pas mais de la part de Sam ???

-          La décision ne vient pas de Sam, me répond-il. Elle vient de Billy Black. Le père de Rachel. Et nous respecterons toujours sa décision.

 

Un gros coup de masse…voilà ce que je venais de recevoir. La sangsue m’avait laissé en plan, anéanti. Ainsi, j’étais le mauvais de l’histoire. Alors qu’en cet instant, Rachel tuait pour se nourrir. J’étais né pour détruire les vampires et ma propre espèce me condamnait pour sauver une sangsue ! Je ne me laisserai pas faire !

Un Pacte … nous en étions là. Mes frères avaient signé un Pacte avec les vampires pour sauver un vampire et condamner un loup-garou. Le scénario improbable qui doit faire bondir de fureur nos ancêtres. Comment en étions-nous arrivés là ? Ça, j’avais ma petite idée : Jacob. Lui et son amitié avec Bella et ses vampires. Il nous les avait imposés et nous avions cédé. Sûr, notre alliance contre tous les « mauvais » vampires avaient sauvé les habitants de Forks mais elle avait aussi sauvé les Cullen ! Pour moi, c’était clair, ils y voyaient toujours leur intérêts, alors que nous, nous n’avions rien à gagner.

Je ne resterai pas à la Réserve, je trouverai Rachel avant les Cullen et les membres de ma meute.

 

Mais afin de tous les calmer, je devais m’efforcer à faire pleins de choses. La première : arrêter de penser ! Pas facile mais comme Edward était connecté vingt quatre heures sur vingt quatre à ma tête, je devais éviter de penser à mes plans pour qu’ils m’oublient un peu dans le leur. Deuxième chose : être un mec calmé et résigné. Cela voulait dire, retourner bosser, me nourrir, faire semblant de vivre comme avant…mais sans Rachel. Il fallait aussi que je fasse mon deuil et que je ne mute plus du tout car dissimuler ses pensées à une personne ce n’était déjà pas facile mais à dix, plus compliqué ! Surtout que Jacob était très malin et me connaissait plus qu’Edward donc …

Je me levais alors ce matin en m’efforçant de jouer la comédie. Ma maison silencieuse m’aidait beaucoup à me mettre dans la peau de mon personnage et c’est le visage fermé que je monte dans mon 4x4 pour aller au travail en ce lundi matin. Lorsque j’arrive sur le chantier, je me rends compte que personne ne sait ici ce qu’il m’est arrivé et que ça va être compliqué de leur expliquer. Et comme je me doute que les Quileute ne feront aucune publicité à ce sujet, je décide de ne rien dire non plus. On verra après comment gérer la situation. Il faudrait quand même que je sache ce qu’ils ont décidé de dire à ce sujet ? Rachel m’a quitté et est repartie à Seattle ? Malade ? Décédée ? Ça non, je ne pense pas qu’ils choisiront cette option s’ils comptent la faire revenir à Forks…donc pour l’instant, je ne dis rien. Je vais donc vivre en permanence à jouer un rôle différent dans tous les endroits où je me trouve.

 

Cependant, au bout de deux jours, une surprise m’attend lorsque je quitte le boulot. Accolé contre ma voiture et les bras croisés, Emmett, le fils Cullen, patiente pendant que je reviens avec mon équipe d’élagage. Au moment où je m’approche, il tourne la tête vers moi et je me dis que ses yeux jaunes me renvoient toujours autant de sympathie qu’avant. Il est ici en ami et je le salue tout en balançant mon sac dans le coffre de mon 4x4. Il se décolle de la carrosserie tout en fixant mes collègues qui passent près de nous et admirent son gabarit. C’est clair qu’ils pourraient nous aider dans notre boulot…et je souris en me disant que si mes collègues savaient à quel point il est fort et doué pour grimper aux arbres, ils seraient dépités.

-          Salut Paul…

-          Salut…tu es venu aussi me faire la morale ? Le pique-je bêtement.

-          Bien sûr que non ! Ricane-t-il.

Je souris à mon tour car je sais bien qu’il n’est pas là pour ça.

-          Je suis juste venu voir comment ça allait…

-          Je vais bien…

-          Edward trouve bizarre que tu sois si calme.

J’éclate de rire et lui jette un regard qui en dit long. Cela dit, je ne réponds rien. Même si j’ai plus confiance en lui qu’en n’importe quel autre Cullen…

-          Paul, dis-moi la vérité : tu as un plan ?

Son petit sourire me fait à nouveau rire mais je ne réponds toujours rien et m’efforce de penser à mon boulot d’aujourd’hui afin de brouiller mes pensées.

Je regarde les arbres, les collègues qui discutent toujours sur la présence d’Emmett puis je tourne la tête vers lui en disant :

-          ça ne te dirait pas de bosser un peu ? Qu’est-ce que tu fous de tes journées à part chasser ?

-          Rien, répond-il dans un demi-sourire.

-          Alors ?

-          Alors je ne pense pas que ça soit une bonne idée, ajoute-t-il en fixant mes collègues. 

Je suis son regard et ricane en disant :

-          Ne me dit pas que tu ne te contrôlerais pas ! Tu as passé ce stade non ? Tu allais à l’école de Forks ! Tu es habitué à t’entourer d’humains…

-          Ouais et je devrais même être à l’Université en ce moment ! Faire ma dixième rentrée en école supérieure depuis que je suis vampire.

-          Ah oui ? M’étonné-je. Et qu’est-ce qui a changé ?

-          Tu le sais très bien…, murmure-t-il sans me quitter des yeux. Nous sommes en guerre…

J’éclate de rire en essayant de paraître détendu puis réponds :

-          Et là, tu es en mission ? Surveillance ou reconnaissance ?

-          Les deux, rétorque-t-il sans sourire cette fois.  

J’arrête de rire également et nous nous fixons pendant quelques secondes avant qu’il répète :

-          C’est quoi ton plan Paul ?

-          Je n’ai pas de plan…

-          Tu en as forcément un …en tous cas, moi, à ta place, j’en aurai un, dit-il en souriant à nouveau d’un air entendu.

-          Edward sait que tu es là ?

-          Evidemment ! On ne peut rien lui cacher…ni à lui, ni à ma sœur !

Oui…la petite Alice, pensé-je au fond de moi. J’ai intérêt à faire gaffe…

-          Bon alors ? Me coupe Emmett dans ma pensée furtive.

-          Alors rien…

Je le pousse gentiment pour m’installer au volant de mon 4X4 et Emmett me laisse faire, son habituel sourire sur les lèvres. Il met ses deux bras croisés sur mon bord de fenêtre et baisse la tête pour me voir dans l’habitacle tout en disant :

-          Paul…je suis de ton côté !

-          Ça je ne crois pas non, ricane-je.

Mais je me reprends aussitôt en voyant sa mine déconfite :

-          Je veux dire…je sais …mais tu ne peux pas m’aider. Tu fais partie d’une…famille et tu dois y rester, crois-moi !

-          Ne fais pas le con…Même si on semble fermé à ton idée, on ne veut quand même pas que tu te fasses tuer.

-          Permets-moi d’être septique, rétorqué-je en passant ma vitesse.

Mais je sens une forte résistance et mon regard se porte aussitôt sur la main d’Emmett qui tient fermement l’encadrement de ma portière. Sans avoir l’air de forcer, il me sourit et je retire ma vitesse en demandant :

-          Quoi ?

-          Fais gaffe à toi…promets-moi au moins ça !

Je le dévisage quelques instants, cherchant s’il y a un message caché dans sa supplication, s’il est sincère ou s’il y a autre chose. Il se contente de hocher la tête gravement et je réponds :

-          Je ferai ce que j’ai à faire…

-          Alors ce jour-là, tu me trouveras à tes côtés, que tu le veuilles ou non !

Je hoche la tête à mon tour et il lâche ma voiture en ajoutant :

-          Seulement, si jamais…juste, méfies-toi de César.

Sans répondre, je passe à nouveau ma vitesse et démarre en trombe.

 

Tout en roulant à travers les bois, je me maudis d’avoir eu cette conversation avec Emmett car mon esprit a un peu vagabondé pendant son interrogatoire et j’ai peur qu’Edward soit resté scotché à ma tête durant tout ce moment. J’essai de réfléchir rapidement pour vérifier si je n’avais pas trop pensé puis je me concentre sur la boue de la route, les branches, le bruit de mon moteur…

 

Une fois chez moi, le vide et le silence m’accueillent, froids et pesants. J’essaie de ne pas y penser mais ma gorge se serre. Bordel ! Une larme coule sans que je ne parvienne à la retenir. Je respire un grand coup puis fonce sous la douche et me met immédiatement sous l’eau glacée en suffocant pendant quelques secondes …puis ça passe…l’eau chaude me recouvre et m’apaise. Je ne pense qu’à cette eau qui coule sur moi et rien d’autre. Mon cœur est plus calme et je sens que je reprends pied.

 

Les jours se suivent et se ressemblent. J’ai l’impression que la meute m’évite ou me surveille ou les deux mais c’est clair qu’on ne me parle pas beaucoup. Seul Seth et parfois Embry viennent me voir après le boulot ou en soirée, boire une bière. Mais ils parlent de tout sauf d’elle… un soir où j’en ai marre, je lance à Jared qui s’est joint à Embry :

-          Bon…qu’est-ce qu’il se raconte dans la meute ? Le plan c’est « on surveille Paul à tour de rôle » ?

-          Tu le saurais si tu mutais, riposte aussitôt Jared.

J’éclate de rire et réponds :

-          Evidemment ! Prenez-moi pour un imbécile ! Alors c’est ça votre plan ? Ne rien dire pour attirer ma curiosité et que je mute pour que Jacob ait accès à mes pensées ?

Comme ils me fixent sans répondre, gênés, je continue :

-          Eh bien vous direz à Jacob que j’ai peut-être beaucoup de défauts mais j’ai une qualité : la volonté ! Et qu’il n’obtiendra rien de moi !

 

Le message est passé…peut-être ? Peut-être pas…en attendant, je n’ai plus de visite sauf celle de Seth. Ce gamin est la pureté et l’innocence même et je ne mets absolument pas en doute ses motivations. Il vient me voir, point. L’attitude des autres me dépasse, surtout celle de Sam ! J’ai l’impression d’être dans une bulle, une bulle assez grande pour y contenir ma maison, ma forêt, mon lieu de travail mais que ça s’arrête là. Je sais que derrière ces limites se cachent mes frères qui me surveillent et derrière eux…les vampires…qui sont près à me poursuivre si jamais je passe le premier barrage.

 

Et puis un jour, je les trouve tous dans ma cour, devant ma porte, à moitié nus sous la pluie, signe qu’ils venaient de muter ou comptaient le faire…tous à me fixer sévèrement alors que je descends les trois marches de mon perron, mon sac de boulot sur le dos.

-          Quoi ? Demandé-je, moqueur.

-          Il faut qu’on parle Paul, me répond durement Sam.

Je soupire puis hoche la tête. Je dépose mon sac dans ma voiture et la referme. Je me tourne vers eux et viens à leur rencontre.

-          Pas ici, précise-t-il, à la clairière.

-          Alors je vous rejoins…

-          Non, tu viens avec nous ! Ordonne-t-il de sa voix blanche sans appel.

Je sais déjà que la prochaine étape sera un ordre Alpha et que je ne pourrais pas le contrer. Je pousse un énorme soupir, essaie de me concentrer, réfléchissant à mes capacités …est-ce que je serai capable de leur barrer le chemin de mes pensées ? Jacob y arrive, pourquoi pas moi ? Une petite voix au fond de moi me dit que je dois faire confiance à ma volonté, qu’elle a toujours été très forte et que ça m’a même valu plusieurs corrections pour désobéissance dans le passé car je n’en fais toujours qu’à ma tête. Je sais que je peux y arriver…je le dois ! Je dois gagner leur confiance ou endormir leur méfiance afin qu’ils lâchent la bride…j’ai toute ma vie pour le faire, je sais que c’est possible.

J’expire donc un grand coup et me transforme dans un déchirement de vêtements. Aussitôt, je me sens bien car être un loup-garou est ma vraie nature, sous cette forme, on fait le plein d’énergie, on se sent fort et tous nos sens sont aiguisés. Mes frères, un peu surpris que je me sois transformé sans discuter plus, mutent quelques secondes après moi. La connexion est alors immédiate. Je vois leurs diverses réunions au coin du feu depuis la mort de Rachel, des bribes de discussions :

« On ne peut pas la laisser avec eux… »

« Il faut l’en empêcher »

« C’est la sœur de Jacob mais c’est aussi sa femme… »

« C’est ma fille ! »

« Vous avez pensé à Paul ! Comme il doit souffrir… »

« Les Cullen vont nous aider… »

« Il est déterminé… »

« Je le tuerai s’il le faut ! Je refuse qu’on la détruise ! »

« Nous la trouverons et la ramènerons à Forks, c’est une promesse Jacob Black… »

Je secoue la tête et avance devant moi pendant que les autres me suivent dans la forêt. Curieusement, je me sens vide et presque serein.

Lorsque nous arrivons à la clairière, Jacob nous attend et quelque part, je ne suis pas surpris. Tous se mettent assis en cercle et j’en fais autant. Je ne pense à rien sauf à ma dernière tentative contrée par les Cullen et alors Sam m’explique par la pensée :

-          Nous voulons nous excuser pour cela…mais tu ne nous as pas laissé le choix ! Nous sommes une famille, nous sommes une meute ! Nous devons agir ensemble, c’est ce qui fait notre force ! Notre unité…c’est l’âme des loups-garous. Nous devenons alors qu’un et lorsque nous agissons, notre puissance est égale à la force d’un géant. Nous devrions toujours être ainsi et ne pas agir seul comme tu comptais le faire. Je sais que tu n’apprécies pas les Cullen mais ils sont de notre côté.

Comme je ne réponds pas, il continue :

-          Nous avons voulu cette réunion, ensemble, entre frères, pour te faire part de notre plan concernant Rachel…et nous aimerions connaître le tiens.

Ses yeux de loup se plissent et Sam me fixe, suspicieux, pendant que Jacob ricane en disant :

-          Tu n’y arriveras pas longtemps Paul ! Nous parviendrons à lire tes pensées ! Si ce n’est pas nous, ça sera Edward…

Il s’approche près de moi, lentement et ajoute, menaçant :

-          Et tu n’arriveras pas à la tuer.

-          Jacob, intervient Sam. Nous avons organisé cette réunion pour calmer les esprits et retrouver notre unité. Paul, que comptes-tu faire ? Me demande-t-il à nouveau.

Je garde toujours le silence et même me couche sur le lit de feuilles à mes pattes. Mon attitude agace Jacob qui claque sa gueule près de la mienne puis part d’un pas gracieux vers son Alpha. C’est alors qu’au lieu de me sentir acculé contre un mur, j’ai l’impression que tout flotte autour de moi et le visage de Rachel m’apparaît, souriant…ses yeux brillants me regardent avec amour et elle me chuchote :

« Je suis bien avec toi…Fais-moi confiance… »

C’est un souvenir…enfin je crois…mais en tous cas, mon esprit est avec Elle, avec Ma Rachel.

Je sais aussi qu’à cet instant, seuls mes souvenirs flashent l’esprit de mes frères et quand je lève les yeux vers eux, tous me fixent avec une méfiance mélangée à une sorte de supplication dans leurs regards…les images que je leur envoie doivent leur être douloureuses et ils veulent que je parle, ils veulent savoir où j’en suis…très bien. Les mots me viennent alors avec facilité pendant que je vois toujours Rachel me sourire, brouillant presque ma vue mais pourtant, me donnant l’impression d’être dans une immense clarté :

-          Je suis en train de faire mon deuil…, déclaré-je, pour moi, Rachel est morte.

-          Elle ne l’est pas !M’interrompt hargneusement Jacob.

-          Laisse-le finir, ordonne Sam de sa voix d’Alpha, ce qui musèle Jacob pour quelques minutes.

-          Ne comptez donc pas sur moi pour partir à sa recherche…pour moi, elle n’existe plus. En la ramenant ici, vous me ferez du mal et vous vous en ferez aussi…car celle qui existait n’est plus. C’est tout ce que j’ai à vous dire,terminé-je après une courte pause.

-          Tu ne comptes donc pas la retrouver toi-même ?S’étonne Sam.

Je marque un temps d’arrêt, Rachel me sourit toujours et mesurant ma réponse, je lui dis :

-          Je suis peut-être impulsif, je suis peut-être borné et je suis peut-être indiscipliné mais je ne suis pas insensible…

-          Explique-toi,demande Quil, surpris.

-          Si je pars…seul…pour la détruire, déclaré-je la gorge serrée, je sais que vous me suivrez puisque vous me surveillez étroitement en collaboration avec les Cullen. Or, je sais parfaitement que je n’ai aucune chance seul contre les vampires, et je ne veux pas vous entrainer dans ma chute…je ne veux pas briser la vie d’Emily ou de Kim…

Sam hoche la tête, visiblement satisfait de ma déclaration…Ma Rachel éclate de rire et court dans la forêt. Son rire résonne et m’invite à la suivre. Alors, Jared s’exclame :

-          Donc tu n’as vraiment pas de plan ?!

-          Non…

-          Mensonges !Riposte Jacob.

-          Si j’avais un plan Jacob, tu le verrais non ?

-          Tu bloques volontairement tes pensées !Rétorque-t-il. Je ne sais pas comment tu fais, tes souvenirs sont insupportables pour moi…mais je trouverai le moyen de savoir ce que tu mijotes…de toute façon, tu seras muré ici et je retrouverais Rachel avant toi ! Et lorsqu’elle sera là, tu me trouveras toujours sur sa route.

Ma Rachel s’arrête de courir et me tend les bras.Je m’y plonge pendant que j’entends la voix de Sam me dire :  

-          Nous laissons les Cullen chercher Rachel avec Jacob. Et lorsqu’ils l’auront trouvée, elle devrait revenir à Forks. Que comptes-tu faire une fois que Rachel sera ici ?

Je réfléchis, je vois Rachel éclater à nouveau de rire et chahuter avec moi dans l’herbe. Intérieurement, je souris à mon tour et réponds, sans vraiment y penser :

-          Je la regarderai danser…

-          Quoi ?! Réagissent aussitôt Jacob, Embry et Jared.

Alors, j’ajoute en reprenant mes esprits:

-          Je ne ferai rien…Elle appartiendra aux Cullen. Mais je refuse de la voir à la Réserve…c’est ma seule condition.

Sam réfléchit puis répond :

-          Si Jacob est d’accord avec cette condition, il en sera ainsi…Jacob ?

Ce dernier me fixe les yeux plissés, toujours suspicieux puis finit par déclarer :

-          Soit…Rachel restera avec les Cullen et ne quittera jamais leur territoire. Nous signerons un nouveau traité avec une limite qu’elle n’aura pas le droit de franchir.

Tout est flou autour d’elle, seul son regard noir filtre à travers ses longs cils de velours et elle finit par hocher la tête avec douceur, comme si elle m’encourageait. Je me redresse et m’avance au milieu de leur cercle sans quitter Jacob des yeux puis demande :

-          Et si c’est le cas ? Si elle traverse la frontière et fait des victimes ?

-          Elle n’en fera pas ! J’y veillerai !Riposte aussitôt Jacob avec véhémence. Les Cullen lui apprendront à vivre comme eux…j’ai confiance.

-          Et si ce n’est pas le cas ?Insiste-je.

Jacob hésite puis déclare solennellement :

-          Alors je la tuerai moi-même.

Alors les yeux noirs de Rachel deviennent rouge-sang.

 

4 – Mon plan

 

Ma « vie » dans la meute a repris son cours normal. Je suis à nouveau invité aux soirées, on passe me voir, on me parle…le temps s’écoule lentement et ma tête me semble un peu plus vide chaque jour. Parfois, j’ai le sentiment d’être devenu un zombie. Une fois, je me suis même fait peur dans le miroir car j’avais une barbe de plusieurs jours et les yeux noircis à force de lutter. J’évitais de muter mais en même temps, personne ici ne mutait. Je me demandais même s’ils n’évitaient pas eux-aussi ? Pourtant, tous semblaient me faire confiance et avoir repris leur vie là où elle en était avant tout ça…

Je ne sais pas quand doit partir Jacob ? Apparemment, les Cullen ne sont pas sûrs de l’endroit où se trouve Rachel et il y aurait des complications avec d’autres clans qui seraient ralliés aux Volturi. Tout ça, je l’avais appris par Sam juste après notre « réunion » mais depuis, je n’en savais pas plus. Jacob était toujours là mais plus fermé que jamais et aussi, impatient. Je reconnaissais ces signes à ses sourcils en permanence froncés. Il bouillait à l’intérieur et je pense que s’il n’avait pas besoin des Cullen pour cette « mission », il serait déjà parti. Mais nous savions tous qu’un loup-garou seul ne pourrait pas survivre face à tous ces vampires…même moi j’en étais conscient. C’était du suicide. Après, tout dépendait de l’objectif à atteindre …

 

Sam avait fini par m’expliquer ce que je devais dire autour de moi pour Rachel. Etant donné qu’elle finirait par revenir un jour, il fallait inventer un voyage en Europe, une envie de découvrir le monde après les études et avant le mariage. Il fallait que je joue le mec pas d’accord avec ça, car Sam pense que ma hargne contre Rachel peut sortir à tout moment et je devais jouer le mec en pleine dépression aussi, ce qui n’était pas complètement faux. En bref, j’avais décidé de ne pas parler d’elle et d’attendre qu’on me pose des questions. A ce moment-là, je verrais comment gérer la situation.

Tous les matins, j’allais donc au boulot avec les pieds de plomb et tous les soirs, je rentrais dans ma maison vide et obscure.

 

Cela fait maintenant trois mois que Rachel a disparu et tous les jours en me levant, je me pose la même question : combien de morts va-t-elle faire aujourd’hui ? Pareil le soir avant de m’endormir : combien en-a-t-elle tué finalement ? Bizarrement, je n’ai absolument aucun mal à l’imaginer, parfois même j’ai vraiment l’impression de la voir agir…peut-être un héritage de mes ancêtres ? Des images qu’on se transmet de loup en loup pour ne pas oublier pourquoi nous sommes nés ?

Mon cauchemar de cette nuit était d’ailleurs particulièrement violent. J’étais AVEC elle, je la suivais, je la voyais tuer et je la tuais ensuite…puis je me suis vu mettre le feu à son corps, comme j’avais déjà vu faire les Cullen avec les nouveau-nés l’année précédente.

Je me suis réveillé trempé et j’avais eu beaucoup de mal à reprendre ma respiration. Et depuis ce matin, je me demande si cette « mort » virtuelle me rend heureux ou pas ? Je n’arrive pas à définir le sentiment que j’ai ressenti pendant ce rêve.

-          Si je me coupe un bras avec cette tronçonneuse, tu crois que je pourrais être invalide jusqu’à ma mort ? Me demande mon collègue Pete, assis sur l’arbre voisin.

-          Quoi ?

Je reviens à la réalité, froide et lente, malgré le soleil qui a décidé de percé aujourd’hui.  

-          Bah oui ! Ils ne pourront plus me sucrer mes congés comme ça ! Je serai en congé toute ma vie ! Fanfaronne-t-il bêtement.

-          Ne sois pas idiot ! Riposté-je aussitôt. Comment peux-tu sortir des âneries pareilles ? Il n’y a rien de plus précieux que ton corps !

-          Oh c’est bon Paul…je plaisantais là…

Comme je ne réponds pas, concentré à nouveau sur ma tâche, il ajoute :

-          N’empêche que je l’ai mauvaise ! Tout ça à cause de cet imbécile de Bob qui a décidé de se marier ! Je suis contre le mariage ! ça t’empêche de toucher à toute la belle marchandise qui s’offre à toi pendant ta misérable et courte vie ! Et toi ? Demande-t-il après une brève hésitation.

Je mesure lentement la question en me disant que le moment des mensonges étaient venus…je devais être crédible, surtout, être crédible !!! Je soupire un long moment puis réponds :

-          Oh moi…j’ai perdu la seule femme que je voulais épouser sur cette Terre alors…oui, je suis aussi contre le mariage et je suis pour profiter à fond des opportunités qui se présenteront…et tant pis pour elle, conclue-je hargneusement.

-          Ouais…j’ai appris que ta femme s’était barrée…, marmonne-t-il, un peu embêté, certains disent même que c’est vraiment fini, qu’elle ne reviendra pas.

-          Qui t’a dit ça ? Demandé-je aussitôt, dégoûté qu’on parle autant derrière mon dos.

-          Oh tu sais…des ragots de mariniers…

-          Et tu les écoutes ? Ricané-je. Toi ?

-          Oui…mais c’est pour mieux leur foutre mon poing sur la tronche ! Rétorque-t-il. Ça me fait une excuse pour me battre avec certains que je ne peux pas voir, tu comprends ?

Pete éclate de rire et je finis par rire doucement aussi. Quel idiot ! Ce type a vraiment un humour spécial mais je l’apprécie. Mon regard se porte sur l’océan. Je déglutis et continue de frapper les petites branches avec ma machette. Je surplombe un peu le vide…j’ai toujours eu le vertige et pourtant, je fais un boulot qui m’oblige à être tout le temps à des dizaines de mètres de haut, par n’importe quel temps.

-          Tu as vu le nouveau gymnase qu’ils ont construit à Forks ? Me demande Pete.

-          Non…pas encore.

Mes coups sont précis, rythmés, les petits morceaux de bois dégringolent le long du tronc et à travers les branches du sapin.

-          Ah il est génial ! On devrait se prévoir une partie de volley un jour.

-          Ouais, c’est une idée, réplique-je.

Je suis parfaitement en équilibre sur ma branche et je continue à frapper régulièrement le tronc afin de bien le nettoyer. Et mon coup suivant se fait plus fort. Ma machette se casse. Je peste et Pete me demande :

-          Qu’est-ce qu’il se passe ?

-          Ah…regarde-ça…

En voyant mon outil brisé en deux, il hausse les épaules et déclare :

-          Et voilà ce qui arrive quand on ne parle que diminution des coûts, importations chinoises et réduction du personnel…

-          Ouais…bon…je vais devoir me retaper la descente…, murmuré-je, dépité.

-          Non ! Attends, me retient-il. Tiens…ma machette.

J’hésite deux secondes, déglutis puis tends le bras vers lui pour attraper l’outil…j’entends une vague s’écraser violemment contre les rochers plus bas…travailler sur ces arbres près des falaises, une aubaine depuis hier et une mission qui ne durerait pas longtemps une fois que tous les arbres seront élagués…je tends mon bras plus loin afin d’attraper la main de mon collègue …et je me laisse glisser.

-          Attention Paul !!!! Hurle Pete.

La chute est alors plus rapide que je me l’imaginais. Je vois brièvement le visage de Pete, les yeux exorbités et  le vent souffle contre mes oreilles puis c’est le premier choc contre la paroi en pierre. La douleur dans mon épaule est fulgurante ! Ensuite la chute s’accélère, un coup contre la tête et mon ventre frappe la surface de l’eau, provoquant la même souffrance qu’un coup de poing dans l’estomac. Je me laisse couler…le bruit de l’eau envahit mes oreilles pendant que je vide mes poumons pour couler plus encore. La houle me fait rouler comme un pantin, je viens encore m’écraser avec fracas contre la paroi rocheuse puis elle m’emporte à nouveau vers le fond et je ne sais absolument pas dans quel sens je suis. Alors, je me concentre et mute en loup-garou…sous l’eau. Je ne sais même pas si mon plan va fonctionner ! La douleur s’apaise, je suis en train de guérir. L’eau envahit mes narines, mais je nage vers la surface aussi vite que je peux, avec toute la force dont je suis capable en sachant qu’à partir de maintenant, si je n’ai pas de chance et que mes frères sont connectés, il me reste peu de temps ! Ma gueule sort de l’eau et avec toute la rapidité que mon espèce me permet, j’inspire et replonge. Puis nage et nage encore…ma vitesse me surprend. Je n’avais jamais fait ça avant ! Aucun d’entre nous n’avait fait ça…et, avec toute la puissance dont mes pattes sont capables, je suis en train de filer vers le large. Au bout de quelques minutes, je remonte encore à la surface mais cette fois, ose sortir ma tête entière. Autour de moi c’est le vide total. Seul un petit point noir à l’horizon me permet de voir encore les côtes de Forks. Je regarde le ciel, il est désert. J’aperçois un avion au loin mais lui ne risque pas de me voir. Manquerait plus qu’un membre de Greenpeace voit un loup en pleine mer et j’aurai toutes les associations à mes trousses ! Je plonge à nouveau la tête sous l’eau et fonce droit devant moi. Dans ma tête c’est le silence. Est-ce que ça veut dire que personne n’a encore muté et que j’ai une longueur d’avance ? Ou est-ce que ça veut dire que je suis maintenant trop loin pour qu’ils captent mes pensées ? Peut-être suis-je aussi trop loin pour le radar d’Edward ?

Je me sens soudain plein d’énergie et me demande pour combien de temps j’en ai à atteindre la berge de l’Europe ? Peu importe où j’arrive, je ferai le reste du chemin à pattes. Ma condition me permet d’être très optimiste car j’ai beaucoup d’endurance et puis, ma détermination est infaillible ! Je le savais que j’y arriverais ! Je le savais que ma volonté serait plus forte que tout ! Même contre ces sales sangsues !

« Pour eux, tu n’es plus un obstacle. Tu es maitrisé. »

Ils ne savaient pas à qui il avait affaire ! Il allait en falloir plus que ça pour me maitriser ! Et j’imagine déjà leur tête lorsqu’ils vont se rendre compte de mon départ. Intérieurement, pour la première fois depuis des semaines, la situation m’amuse et si je pouvais, j’éclaterai de rire. Mais je dois nager et ne plus penser qu’à ça ! J’accélère encore et l’eau se fend sous mon corps.

 

Je nage depuis un moment maintenant, la nuit tombe et le silence règne tout autour de moi. Je ne pense plus qu’à une seule chose : Rachel ! Elle qui ne se doute pas un seul instant que la mort s’approche d’elle…A moins qu’un de ses acolytes ne prévoit ma venue ! Avec ces sangsues, on peut s’attendre à tout ! Mais le principal est que j’atteigne la rive européenne, ensuite j’improviserai.

Soudain, une forte odeur me prend au nez et instinctivement, je m’arrête. Je scrute la surface de l’eau et vois avec horreur des éclaboussures sur une dizaine de mètres s’avancer rapidement vers moi. En apercevant des bras, je n’ai plus aucun doute : les Cullen ! Alors, je plonge de nouveau et reprends ma course désespérément car je le sais au fond de moi, je suis foutu ! J’essai de réfléchir à une manière de me sortir de là mais je ne trouve pas de solutions. Comment leur échapper ? Ils avancent si vite…de toutes mes forces, je donne une dernière impulsion à mon corps qui me permet de faire un bond mais soudain, je sens une grosse pression sur mon flanc puis des bras m’enlacent avec une puissance inouïe et je me sens complètement prisonnier lorsqu’un autre bras s’enroule autour de mon encolure et m’étrangle. Je ne bouge plus, ils m’immobilisent et je ne résiste pas. Je n’ai aucune chance si je m’échappe. Je ne vois alors que le ciel déjà sombre et entends :

-          Là…arrête de te débattre…

Je reconnais la voix d’Emmett puis je vois Bella apparaître devant moi, les cheveux mouillés, plaqués contre son crâne blanc. Elle me sourit et me dit :

-          Tête de mule…Tu nous en fais voir !

-          Bella, qu’est-ce que je fais ?

-          Ne le lâche pas Emmett, répond à sa place Edward. Ne le lâche pas…

-          Je suis là Edward ! Déclare alors Jasper.

Et je me sens soudain très très calme…

 

Je me suis laissé tirer jusqu’à la plage. Le regard fixe sur le ciel qui s’assombrit plus encore, mon corps est transporté par des bras glacés. Une fois que mes pattes touchent le sable, j’avance lentement, escorté par presque tous les Cullen. Sur la plage, Carlisle et sa femme Esmée, accompagnés de la meute des loups-garous au complet, patientent. Je défie Sam du regard pendant que le docteur Cullen, les bras croisés, attend le rapport de ses fils. Mais Edward semble d’abord s’adresser à Jacob car je le vois hocher la tête dans sa direction puis susurrer un « tout va bien » pour le rassurer sur la situation. J’entends alors Jacob lui dire : « Je vais l’achever ! ».

Mais Jasper s’interpose entre lui et moi. Sam grogne à l’intention de Jacob qui doit être calmé par les pouvoirs de la sangsue puis me dit :

-          On se voit plus tard…

Je vois alors tous les loups faire demi-tour et me laisser avec Eux. Sur le coup, je me sens soudain abandonné mais aussitôt rassuré pour je ne sais quelle raison ? Jasper sans doute…

Je sens une main froide se poser sur mon encolure et tourne la tête pour découvrir Bella qui demande au Docteur Cullen :

-          Nous pourrions le garder à la Villa ?

-          Non Bella…

Elle baisse la tête, comme une enfant à qui on refuse un chien pour Noël et Edward déclare :

-          Allons-y ! Nous avons déjà perdu assez de temps !

Tous les Cullen hochent la tête et je les suis, résigné…ne sachant pas trop ce qu’ils comptent faire de moi et ne voulant pas le savoir ! J’imagine que ma sentence est proclamée ! J’ai du mal à croire que mes frères m’abandonnent aux mains des vampires mais c’est pourtant le cas car je suis seul avec eux, marchant dans cette forêt qui s’assombrit de plus en plus et dans laquelle je n’ai plus aucune issue.

 

Je comprends alors qu’ils me mènent à mon tombeau lorsqu’ils s’arrêtent devant une grotte que je connais bien pour y avoir joué avec Jacob, Embry et Jared étant enfant. Silencieux, ils m’encerclent afin que je comprenne que je dois rentrer dans cette grotte. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’étais imaginé une morsure, un coup de masse derrière la nuque ou les reins brisés…pas qu’on m’emprisonne jusqu’à ce que je meurs de faim et pourtant, ça a l’air d’être leur intention.

-          Entre Paul, me dit Edward qui doit savoir à quoi je pense à cet instant.

-          Nous devrions lui laisser de quoi se nourrir, intervient Bella.

Je suis étonné…ils ne planifient pas ma mort visiblement ?

-          ça viendra, me répond Edward. Si tu continues à te comporter comme un imbécile et a défier les ordres, ça viendra ! Crois-moi !

-          Paul, murmure Bella, tu ne peux pas y aller seul…fais-nous confiance, nous trouverons une solution… je comprends tu sais…

Je grogne assez violemment dans sa direction : non elle ne peut pas comprendre !!! Elle a choisi sa mort ! Rachel non ! Elle personne ne la regrette ! Même pas Jacob ! Moi je pleure Rachel tous les jours ! Comment peut-elle oser me dire qu’elle comprend !!! ???

-          Entre dans cette grotte Paul, répète Edward plus fermement. Bella est peut-être la seule de ton côté ici alors tu devrais être plus clément !

-          Qu’est-ce qu’il dit ? Demande Bella, surprise par ce que vient de me dire son compagnon.

-          Il dit qu’il a besoin de réfléchir dans le noir…, répond Edward, ironique.

J’avance donc vers le trou devant moi mais je suis arrêté par un coup sur le flanc. Une main blanche me tend une couverture et un short. Je lève les yeux pour découvrir le sourire en coin de la petite Alice. Je mute aussitôt, me retrouvant ainsi face à face avec la jeune vampire, la dépassant de deux têtes. Celle-ci, sans aucune gêne, baisse les yeux sur ma nudité puis les relèvent en arquant un sourcil appréciateur. Je prends les vêtements en la fusillant du regard puis avance droit devant moi en la bousculant un peu au passage. Une fois à l’intérieur, je m’enveloppe de la couverture puis me retourne vers Eux. Avec la force d’un Superman, je vois Emmett porter à bout de bras une immense pierre au-dessus de sa tête puis viser l’entrée de ma grotte. Il la pose sur le sol et je sens les secousses dans mes pieds. Je me laisse glisser sur le sol sans quitter du regard Emmett qui semble amusé de la situation. Il me lance un clin d’œil dans lequel je comprends : « Bien joué mais raté ! ». Je baisse les yeux vers le sol terreux pendant qu’il pousse la pierre pour fermer ma prison. Je relève la tête vers la lumière de la lune et capte le regard de Bella qui me fixe tristement. Je soutiens son regard jusqu’à ce que la pierre bouche complètement la grotte et juste avant que la lumière ne passe plus, je vois Jacob près d’elle qui me lance un dernier coup d’œil chargé de défi.

 

5 – Sa souffrance

 

Je n’ai aucune idée du temps que je suis resté dans cette grotte, peut-être une nuit, peut-être deux ? Quand j’entends la pierre bouger et vois la lumière de la lune filtrer par l’interstice, mon cœur s’accélère car je me demande ce qui m’attend derrière…plutôt qui m’attend ? Je vois une ombre passer, des pas s’approchent de moi et rien qu’à l’odeur, je reconnais aussitôt Bella. Elle s’accroupit à mes côtés et murmure :

-          Tiens…Emmett t’a chassé un chevreuil…

Elle pose l’animal à côté de mon bras plié sous ma tête. Je sens l’odeur du sang de la bête morte mélangée à celle de Bella et ça m’écœure. Je me relève, mes yeux s’habituent à la clarté de la grotte et j’observe plus attentivement l’animal. Malgré le fait que je voie qu’on lui a brisé le cou, je demande :

-          Il ne l’a pas tué avec ses crocs j’espère !

-          Bien sûr que non ! Ne sois pas idiot ! …On ne veut pas te tuer avec notre venin, ajoute-t-elle plus faiblement, comme si elle avait honte de cette situation.

Je grogne un peu, leurs odeurs m’insupportent, j’entends soudain Edward s’impatienter à l’extérieur.

-          Bella…Emmett va refermer maintenant…

-          Oui…J’arrive, répond-elle, ennuyée.

Nos regards se croisent et elle chuchote :

-          Désolée, il n’a pas voulu que je le cuise…il voulait qu’on se dépêche. Ça ira ?

Je ne réponds pas…la viande crue ne me dérange pas si je suis en loup. Or je n’ai pas envie de muter donc je ne mangerais pas cette bestiole. Mais je ne veux pas la vexer et surtout, je ne veux pas qu’elle reste pour essayer de me persuader donc je hoche la tête.

-          Bella…, répète Edward. Nous devons partir maintenant. S’ils apprennent que nous sommes venus…

-          Ils ne diront rien ! Ce ne sont pas des monstres ! S’écrie-t-elle soudain. Ils veulent juste le protéger …comme nous ! A bientôt Paul…, conclue-t-elle en se relevant pour partir.

Une fois à l’extérieur, j’entends Edward lui dire pour justifier sa remarque :

-          Le Conseil se termine Bella ! J’entends déjà Jacob rappeler à Quil qu’il doit reprendre rapidement son poste de garde ! Je ne veux pas d’histoires avec eux.

-          Il n’y en aura pas, l’entends-je marmonner.

Mais au lieu de refermer la grotte, une autre ombre s’approche et rien qu’à son gabarit, je reconnais Emmett. Il s’accroupit, un léger sourire en coin et les yeux pétillants d’amusement. Je souris à mon tour et je me doute que ça doit plus ressembler à une grimace car ça me tire le visage. Le souffle glacé d’Emmett frôle mon bras quand il « soupire » et me dit :

-          T’es mal barré vieux ! Là, c’est la taule pour un moment…

-          J’m’en tape ! Ils ne pourront pas me garder ici éternellement. S’ils pensent me briser le moral comme ça…

-          Ce n’est pas ce que tu crois Paul…ils veulent VRAIMENT te protéger. J’en conviens, c’est une mesure extrême, ajoute-t-il aussitôt en voyant mon sourcil s’arquer,  mais ils ne peuvent pas te laisser y aller seul…

Il se rapproche plus prêt et chuchote :

-          Soit patient…

A mon regard surprit, il continue :

-          Crois-moi ou pas mais tous tes frères ne sont pas tous du même avis…certains pensent comme toi…que Rachel est un danger.

-          Emmett…, l’interrompt Edward qui n’a pas besoin de chuchotements pour comprendre ce qu’on se dit.

-          Quoi ? S’exclame-t-il en se retournant vers l’ouverture. Il a quand même le droit de savoir ce qu’il se passe dehors !

L’ombre d’Edward passe dans la lumière, en une fraction de seconde, il est à nos côtés. Emmett se relève, lui laisse la place pour rejoindre Bella dehors non sans me lancer un clin d’œil avant de partir. Je lui réponds par un bref signe de tête pendant qu’Edward me toise avant de m’annoncer :

-          Il y a eu un Conseil ce soir…car les avis sont partagés depuis ta dernière « tentative ». Certains ont avoué ce qu’ils ressentaient vraiment face à tout ça …

-          C'est-à-dire ? Osé-je demander.

-          Votre unité s’est divisée et cela affaiblit votre meute.

-          Ça, c’est du discourt à Sam ! Riposté-je aussitôt. Ce n’est pas ce que je t’ai demandé !

-          C'est-à-dire que les mots « séparation » et « camp » ont été prononcés ce soir…, continue-t-il, et nous, nous sommes au milieu… Paul, ajoute-t-il après un moment de réflexion, nous avons peut-être une « ouverture » pour trouver Rachel et peut-être un plan…mais dans ce plan, nous avons besoin de toi…pas pour tuer Rachel car ça, c’est hors de question…mais pour la persuader de rentrer avec nous.

-          Quoi ??!!!! Hurle-je en me relevant d’un bond pour lui faire face. Je croyais avoir été clair…ne te sers pas de cette histoire d’imprégnation !!!!

Il ne répond pas mais semble soudain à des milliers de kilomètres de moi. Puis, ses yeux jaunes se reportent sur moi et il déclare :

-          Nous en reparlerons plus tard …

Je n’ai pas le temps de le voir quitter la grotte, je suis seul et Emmett pousse déjà la pierre. Je comprends alors qu’Edward a entendu mes frères revenir monter la garde. Je soupire et me laisse à nouveau glisser sur le sol.

 

Suite à cette visite, je n’ose plus du tout muter même si la faim commence à me tirailler en sentant ce chevreuil à mes pieds. Les révélations des Cullen me laissent un peu perplexe mais on fait naitre un espoir. Allaient-ils contrer les « ordres » de Jacob et m’inclurent dans leur voyage ? Ou allaient-ils réussir à persuader Jacob que je devais y aller ? « Pas pour tuer Rachel » avait-il dit…mais il devait bien se douter que je n’obéirais pas une fois sur place. Pourtant, ils envisageaient de me prendre avec eux quand même … Edward se trompait lorsqu’il me laissait entendre que notre amour persisterait malgré ce qu’était devenue Rachel. Pourquoi s’obstinait-il à miser là-dessus ??? Pensait-il que je m’affaiblirais en la voyant ? Pensait-il qu’une fois que je la verrais, je changerai d’avis et lui demanderai moi-même de revenir à Forks ? Il se trompait lourdement ! Rien que d’y penser, j’avais la nausée…non, je ne pourrai pas supporter de la savoir ici ou alors il faudrait vraiment que j’accepte sa mort et que je la regarde autrement ce dont j’étais incapable pour l’instant ! Rachel est devenue un monstre, une sangsue et il n’y a pas de magie ou de miracle pour changer ça…même si les Cullen parvenaient à la faire changer de régime alimentaire, elle resterait un être de pierre, empestant comme ses congénères. Jacob envisageait un traité qui m’empêcherait de la voir et de l’approcher.

De toute façon, une fois qu’elle serait à Forks, elle serait à ma merci, traité ou pas !

 

Les heures s’écoulent et mon esprit est très loin d’ici…

 

J’étais si prêt du but…je m’y voyais déjà, je me voyais face à elle, je voyais déjà le feu… Pour moi, il n’y avait aucun doute, je réussirai ! Même s’il me faudrait des années, j’avais pratiquement la vie éternelle devant moi depuis que j’avais muté, je pourrai attendre.

 

Je sais qu’ils sont dehors…si je mute, je pourrai communiquer avec eux mais je n’en ai pas envie. Je pourrai aussi manger le chevreuil qui va pourrir si je le laisse là et que je reste ici un moment …

 

Je m’imagine soudain en train de chasser…je sais que la faim est en train de me faire délirer. Pourtant, je m’imagine parfaitement en train de courir, je sens même l’odeur du gibier, surement celle du chevreuil qui me tient compagnie. Je galope, si vite que le bruit du vent fouette mes oreilles…je vois alors la bête devant moi, j’accélère mais soudain, je sais que je ne suis plus seul et en une fraction de seconde, je vois une forme s’abattre sur l’animal…une biche…dont Emmett brise le cou sans la mordre. Souriant, il me la tend et je me sens soudain heureux de partager cette viande avec lui. Je mords à pleins crocs  dedans pendant que mon ami me regarde faire, toujours souriant, puis je le vois filer, surement en choper une autre pour lui car nous ne pouvons pas manger « ensemble » l’animal…son venin me tuerait. Je le vois revenir et planter ses dents dans la gorge d’un chevreuil, Bella le rejoint…je jette un regard circulaire…je suis avec tous les Cullen. La blondasse me jette un regard noir tout en caressant les épaules d’Emmett, la petite Alice me fait un clin d’œil puis s’adresse à son père, le docteur Cullen:

-          Vous avez bien fait de nourrir le chien en premier !

 

Je me relève d’un bond, je suis à nouveau dans la grotte, sorti de mon délire et trempé de sueur, tiraillé par la faim et avec la désagréable sensation que j’ai changé de camp…que je suis devenu, comme l’a dit la sœur d’Edward et l’avait suggéré Bella sur la plage en demandant de me garder à la villa : le chien de compagnie des Cullen !

 

Soudain, la grotte s’ouvre à nouveau, le soleil m’aveugle et, tout en me redressant, je me protège les yeux pour voir qui entre. Tout l’intérieur s’illumine alors comme si ça prenait feu. Des milliers de scintillements reflètent contre les parois, ça me brûle les yeux et le nez pour l’odeur…un vampire entre et le soleil se reflète contre sa peau puis se projette sur les murs. C’est complètement irréel…je n’avais jamais vu ça, seulement dans les souvenirs de Jacob ou de Seth. Edward est face à moi, derrière lui Emmett, ils brillent tous les deux avec une puissance aveuglante…je ne peux m’empêcher de penser que cette lumière est une arme supplémentaire. Elle déstabilise en tous cas. Une fois qu’ils sont plus près de moi, leur brillance s’attenue et je me ressaisis. Je remarque alors le sourire suffisant d’Edward qui a du suivre en direct mes réflexions les concernant. Je pense qu’il s’apprête à me dire quelque chose lorsque derrière Emmett, j’aperçois le loup noir et imposant de Sam. Son regard est toujours plein de sagesse et de bonté, malgré les circonstances, et son calme m’encourage à avancer vers lui. J’entends alors Edward me dire :

-          Je ne compte pas servir d’interprète Paul !

Je comprends le message et me concentre pour muter afin de me retrouver face à mon Alpha. La connexion est immédiate…avec tous les loups que j’entends soudain aux alentours, à l’extérieur de la grotte. Des images de leur dernier Conseil me flashent aussitôt l’esprit.

 

Eclairé par le feu, je vois Jared se lever et lancer à Sam :

« Mais bordel ! Qui vous dit qu’elle ne va pas bouffer tous les habitants de Forks ??? Moi je ne suis pas sûr d’avoir confiance, désolé Jacob ! »

« Je sais … »

La réponse de Jake me surprend.

« Mais c’est ma sœur !!! Je défie quiconque ici de la toucher ! » Ajoute-t-il aussitôt.

« Calme-toi Jacob, » le reprend Sam.

« Je veux que les choses soient bien claires ! Si quelqu’un doit la tuer, ça sera moi ! »

« Sauf si Paul arrive avant toi, » le provoque Jared.

« Ou les Volturi eux-mêmes ! » Lance Embry.

Les souvenirs se brouillent alors que je ne comprends pas cette dernière remarque.

 

J’avance droit sur Sam. Sa noblesse naturelle s’impose à moi et je me sens alors un peu minable. Pourtant, je suis en paix avec mes convictions mais il est clair que j’ai encore une fois désobéît et pire…je les ai trompés. J’ai déshonoré le principe même de la meute : l’unité. Et bien que j’en sois conscient, je ne regrette pas mon geste ni mes idées qui sont, elles, en accord avec mon espèce et les principes de nos ancêtres ! Etre né pour tuer le vampire.

Une fois que je suis face à lui, je m’assois en signe que je suis prêt à l’écouter…bien que je sache déjà ce qu’il va me dire.

-          Non Paul…ce n’est pas moi qui vais te parler aujourd’hui,me répond Sam.

Et avant même que je comprenne, il fait place à un loup roux, tout aussi imposant que lui : Jacob. Ce dernier me toise, les yeux plissés identiques à ceux qu’il a sous sa forme humaine. Parfois, même comme ça, j’ai l’impression de lui faire face et je me demande si moi aussi, je ressemble beaucoup à mon « moi » humain quand je suis en loup ?

Jacob me fixe puis fait le tour de mon espace. Je tourne un peu la tête pour ne pas me faire surprendre et suis son mouvement circulaire autour de moi. Il ne pense pas…ou brouille ses pensées comme il sait si bien le faire. Je finis par arrêter de le guetter et souffle, impatient d’entendre son verdict.

-          Tu veux une punition Paul ?Siffle-t-il.

-          Tu fais ce que tu veux…

Je sens bouger derrière moi et capte les pensées inquiètes d’Embry, Quil et Jared. Leah, elle, semble excitée. Nous ne sommes que nous, les vampires sont partis mais je me doute qu’Edward nous écoute à distance.

-          Tu comptes nous ennuyer comme ça toute la vie ? Tu crois que nous n’avons que ça à faire ? Te surveiller ?

-          Je ne vous ai rien demandé…je peux agir seul !

Jacob grogne violemment et vient placer sa gueule à quelques centimètres de la mienne. Son souffle bruyant m’indique qu’il enrage mais je ne baisse pas les yeux.

-          Tu n’as donc rien compris ! Tu n’iras pas seul ! Tu ne toucheras pas à ma sœur ! Tu n’iras pas seul !Répète-t-il, au bord de l’explosion. Tant que tu ne te mettras pas ça dans le crâne, tu resteras dans cette grotte !

-          J’ai toute ma vie devant moi…

-          Crétin ! J’ai jamais vu quelqu’un d’aussi buté et d’insensé ! Si tu y vas seul, c’est la mort assurée !

-          Je n’ai plus rien à perdre…

-          Nous si !!!!Me crie son esprit en pleine face. Tu ne comprends pas ? Si tu y vas, non seulement nous allons perdre un frère, mais aussi le Bêta de notre meute, le meilleur guerrier que nous avons et par-dessus tout à mes yeux, ta folie va détruire Rachel à jamais ! Et moi, je veux la récupérer ! Je veux sauver son âme ! Tu m’entends !!!

-          C’est toi qui ne comprend pas Jacob…Rachel n’a plus d’âme…elle ne se souvient peut-être même plus de toi ! Toi qui es si ami avec les vampires tu devrais savoir ça ! Jasper nous l’a pourtant expliqué : les nouveau-nés sont des monstres enragés : ils sont puissants, dangereux et sans scrupule ! Seul le sang compte…Parle avec Bella, tu verras que j’ai raison !

-          Ne me rappelle pas que Bella est devenue vampire !!! Hurle-t-il.

Et dans un claquement de gueule, il se jette sur moi, les crocs dans ma gorge. Je me dégage d’un coup de tête puissant et riposte aussitôt en abattant ma mâchoire sur son museau. Jacob pousse un couinement mais se ressaisi et je me prends ses deux pattes dans le poitrail, qui me font valdinguer contre un arbre. Je me relève juste à temps alors qu’il s’abat sur moi avec toute sa force. Je roule à nouveau mais finit par trouver un appui pour me remettre sur mes pattes, face à lui. Alors, la gueule en avant, je fonce sur lui et plante mes crocs dans sa gorge sans pour autant réussir à le coucher. Il est plus fort que moi mais je tiens bon. Mais, alors que je pense pouvoir prendre le dessus, sa patte lourde s’écrase sur mon flanc, son autre patte me griffe le museau pendant qu’il claque des dents à quelques centimètres de mes yeux. Je suis à nouveau à terre. J’entends les cris de mes frères qui ne savent plus trop quoi penser et nous encouragent l’un comme l’autre, tout en espérant que nous allons bientôt arrêter de nous battre. Les arbustes sont détruits sur notre passage. J’essaie de me défendre mais Jacob est complètement enragé et en colère. Seulement j’ai mon arme : ma détermination ! Et je me bats sans relâche. Je lui donne des violents coups de tête, dans la gueule, le poitrail, l’abdomen…lui m’attrape plusieurs fois par la gorge si bien que je sens que je saigne. Mais je tiens bon ! A mon tour, je lui griffe le museau. Un éclair dans ses yeux m’avertit déjà de la suite et je me prends un coup de crocs sur le dos. Je pousse un hurlement car la douleur est fulgurante mais je suis déjà en train de guérir au moment où il m’envoie contre un autre arbre qui se brise. Je suis un peu assommé mais réussi à me relever. Jacob, haletant, m’observe à quelques mètres de moi, tournant sur lui-même en attendant que je me reprenne. Je suis étonné de ce répit et en profite pour bien me camper sur mes pattes pour lui faire front. Il se met alors à nouveau en position d’attaque, babines retroussées et grognements. Puis il se jette sur moi, gueule ouverte et je subis sa rage en pleine poitrine. Pourtant, je parviens à planter mes crocs dans son cou et serre très fort. L’image de Rachel mordant le cou d’un humain me flashe l’esprit et ma mâchoire se resserre. Je le sens…la rage remonte en moi comme une vague puissante et mordre me provoque un soulagement immédiat. Je serre, serre, je sens le goût du sang de Jacob dans ma bouche, je l’entends couiner, je sens qu’il faiblit mais je n’arrive pas à lâcher prise. Je me dis alors que je vais aller jusqu’au bout lorsque la voix de Sam, profonde et autoritaire m’ordonne de stopper immédiatement. Sa voix d’Alpha a raison de moi, je lâche et retombe lourdement au sol alors que Jacob se dégage difficilement puis s’écroule à mes côtés, les poils de sa gorge baignés de sang.

De ma place, je vois sa poitrine se soulever rapidement et j’ai moi-même du mal à reprendre mon souffle. Ma tête me tourne, je me sens un peu choqué par ce que je viens de faire et la culpabilité commence à me submerger. Mais qu’est-ce qu’il m’a prit ? Allais-je vraiment tuer mon frère ? Si nous avions été que nous, serais-je allé jusqu’au bout ? J’en avais eu envie pourtant…je ressentais encore cette envie dans ma gorge, je sentais le soulagement dans ma mâchoire…comment avais-je pu en arriver là ? A vouloir tuer l’un des miens ? Jacob redresse la tête et vrille son regard noir sur moi puis, avec une force et agilité qui me surprend, bondit sur ses pattes et me domine de toute sa hauteur. Je me relève lentement, un peu honteux mais pourtant, une petite voix au fond de moi me souffle que je n’ai fait que me défendre et imposer mes convictions. Jacob se rapproche et tous mes frères nous encerclent pendant que la silhouette de Sam apparait à nos côtés, prêt à intervenir. La respiration de Jacob est plus calme et son regard moins noir mais plus brillant. Alors il me lance, l’âme déchirée :

-          Tu ne crois pas que j’en souffre assez comme ça ? J’ai perdu ma sœur, j’ai perdu Bella, j’ai perdu mon cœur,…je n’ai plus aucun espoir, ni pour l’une, ni pour l’autre...il ne me reste que ça ! Leur âme…leur physique de pierre et leur voix qui me parle…Contrairement à ce que tu crois, Bella a des souvenirs ! Des TAS de souvenirs ! Et je compte bien rappeler à ma sœur qu’elle est une Quileute avant d’être… ce qu’elle est devenue…, finit-il la voix brisée.   

Sa remarque sur Bella m’interpelle. C’est vrai qu’elle ne semble pas avoir oublié qui elle était ni sa vie d’avant… elle n’avait pas l’air d’avoir oublié son affection pour Jacob, ni son amitié pour nous. Mais bizarrement, le fait que Bella soit devenue vampire ne me dérangeait pas outre mesure malgré mon incompréhension sur son choix…j’arrivais à la supporter.

Rachel, je le sentais dans mes tripes, c’était différent. Je refusais catégoriquement sa condition car elle était ma femme !!! Celle avec qui je partageais mon lit et mon cœur. Le monstre qu’elle était ne pourrait jamais remplacer ma Rachel ! Jamais !

Jacob et moi nous dévisageons, je n’ai encore rien dit, bien que tout le monde ici sache ce que je pense à cet instant. J’ai beau essayer de me projeter dans le futur, d’imaginer une évolution possible, je sais que je n’y arriverais pas. Je sais qu’à la première occasion, je la saisirai. Alors je leur dis :

-          Tuez-moi maintenant…qu’on en finisse !

-          Quoi ? S’écrit Embry. T’es malade ?

-          Non mon frère, je suis très sérieux. Jacob…,continue-je, je ne peux même pas te promettre que je vais essayer de l’accepter ou de la sauver, j’en suis incapable et tu le sais. Tu sais que si je peux, j’irai jusqu’au bout. Comme toi, je suis détruit et comme toi, je suis déterminé. Alors si tu tiens tant à la sauver, tue-moi. C’est la seule solution.

-          Paul, tu ne penses pas ce que tu dis, me coupe Sam.

-          Ecoutez bien tous mes pensées les plus profondes et vous saurez que j’ai raison. Je ne peux pas…je suis désolé. Tuez-moi,conclue-je fermement.

Jacob me fixe. Je vois dans son regard qu’il réfléchit et je regrette que même maintenant, il me cache encore ce qu’il pense. Mais, comme s’il venait de se rendre compte de ce que je demandais, la connexion avec son esprit se fait et là, j’assiste à quelque chose auquel je ne m’attendais pas. Jacob vient de m’ouvrir les portes de sa souffrance et je vois alors tous ses souvenirs par flashback…ses cris de douleurs le jour de la transformation de Bella, son écœurement puis sa révolte face à son nouveau corps de pierre mais surtout la perte de ce qu’il aimait le plus chez elle : ses yeux couleur chocolat. Je vois les nuits de déchirement, les pleurs, les pourquoi, les mains brisées contre les murs, toutes les douleurs physiques qu’il s’est infligé pour se punir d’avoir arrêté de se battre pour la sauver…Voilà pourquoi Jacob était devenu si fort pour nous cacher ses pensées…il avait voulu nous épargner une aussi atroce souffrance. Tout ce que je vois en lui à cet instant, je sais que mes frères le découvrent aussi. Mais il veut aussi nous montrer autre chose et une autre porte de son esprit s’ouvre. Je le vois alors le cœur brisé, à essayer malgré tout de se reconstruire, puis l’acceptation, le chemin qu’il a reprit pour garder son amitié, ce qu’il endure à chaque fois qu’il la voit dans les bras d’Edward, ce qu’il ressent quand elle s’approche de lui et qu’elle n’a plus le parfum d’avant mais pourtant…son sourire est le même, sa voix est la même et surtout, son âme est la même. Bella…celle qui a voulu réconcilier les vampires et les loups-garous, celle qui a toujours été prête à se sacrifier pour un camp ou pour l’autre, cette Bella-là était toujours en vie ! Cette fois, mes souvenirs prennent le dessus et je la revois à l’aéroport à tenter de me raisonner puis dans l’océan, à me maintenir pour m’empêcher de partir…sa dernière requête auprès de Carlisle et son escapade pour m’apporter à manger. Toujours la même…voilà pourquoi je supportais ce qu’elle était devenue. Elle n’avait pas changé.

-          Si je peux essayer de l’accepter…tu peux aussi Paul,me coupe Jacob, très calme.

-          Non…

-          Il suffit de le vouloir…et ta volonté est très forte, tu nous l’as assez prouvé,plaisante-t-il alors.

-          Je…je ne sais pas…

Pour la première fois, j’hésite et ça ne me plait pas.

-          Je ne te demande pas de la reprendre comme femme, précise-t-il. Je sais que tu en serais vraiment incapable et je suis bien placé pour ne pas te blâmer. Mais, c’est ma sœur Paul…je t’en supplie, donne-lui une chance de se sauver. Elle est peut-être encore en vie…quelque part.

Comme je ne réponds pas, il ajoute :

-          Je prends le risque de ne pas te tuer car j’ai confiance en toi, j’ai confiance en ta loyauté envers ton peuple. Rachel est encore des nôtres. Elle est peut-être devenue l’être le plus exceptionnel qui soit par sa double appartenance aux Quileutes et aux vampires.

-          Tu parles comme les Cullen !Riposte-je, soudain agacé.

-          Paul, laisse-lui une chance de te convaincre. Je te l’ai dit, je la détruirai moi-même si je sens qu’elle représente un danger !Me rappelle-t-il. Tu me connais assez pour savoir que je le ferais.

-          C’est là que tu te trompes Jacob. Même moi je ne suis pas sûr de pouvoir la détruire le moment venu…

Sur ses mots, soudain moralement épuisé, je fais demi-tour pour rejoindre ma grotte où je pourrai réfléchir en paix à tout ça.

-          Où vas-tu ?m’interpelle Sam.

Je stoppe mon mouvement et réponds, ironique :

-          Là où je dois rester enfermé le reste de ma vie puisque vous ne voulez pas me tuer.

-          Allez…,dit-il. On rentre à la Push.

 

6 – Mes doutes

 

Cette petite mise au point m’a permis de réfléchir et depuis ce moment-là, Jacob ne nous cache plus ses pensées donc ça me force à toujours plus réfléchir. Pour l’instant, je laisse tomber mon voyage en Europe. Déjà parce que je ne sais pas où Rachel se trouve, et aussi, parce que j’ai décidé d’écouter les conseils d’Emmett car s’ils décident de m’inclure dans leur voyage, je perdrai moins de temps à essayer de feinter tout le monde et surtout, à la chercher car si les Cullen la trouve, ils me l’offriront sur un plateau d’argent.

Mes collègues de travail sont venus ce matin. J’ai dû leur annoncer un arrêt maladie de quinze jours minimum pour fracture de la clavicule…document signé par l’éminent Docteur Cullen de Forks que Edward m’a lui-même apporté avant leur arrivée qu’Alice avait eu en vision. Après un bandage grossier et les explications accélérées d’Edward à donner à tout le monde concernant les conditions de mon repêchage puis hospitalisation de quelques jours, j’avais donc ouvert la porte à Pete, Matt et Dave, mes amis de longues dates. Bien sûr, Pete (qui se croyait plus malin) avait laissé le doute planer comme quoi j’avais tenté de me suicider. Après un gros malaise de tout le monde et une brève hésitation de ma part, je n’avais pas répondu, me disant que cette option pourrait me servir plus tard. Ils étaient repartis, déçus que je sois absent si longtemps mais pleins de bonnes paroles pour me réconforter. Je les avais regardés partir, me disant que je ne pourrais pas leur mentir toute ma vie puis j’avais retiré mon bandage et la solitude m’avait tenue compagnie.

 

Comme je m’en doutais, Edward avait assisté à ma mise au point avec Jacob à distance et c’est sans surprise que je vois débarquer Bella en lunettes noires devant ma porte quelques jours après.

-          Qu’est-ce que tu veux ? Demandé-je, un peu hargneux.

-          Voir si tout va bien …

-          Te fous pas de moi ! Tu as assez de connexions depuis ta villa pour savoir comment je vais sans avoir à te déplacer…

-          Ok…

Elle se racle la gorge, une habitude qu’elle n’a pas perdue, hésite puis insiste :

-          J’aimerai qu’on parle alors…

-          Non.

-          J’aimerai qu’on parle de Jacob, précise-t-elle.

-          Encore non.

Je m’apprête à lui refermer la porte au nez mais elle est plus rapide que moi et la bloque. Sa nouvelle force me surprendra toujours et résigné, je lâche ma main et fais un pas en arrière. Puis avec lassitude, je me dirige vers ma véranda.

Je ne l’entends même pas se déplacer…est-ce qu’elle marche seulement ? Peut-être a-t-elle le pouvoir de voler ? Avec ses vampires…ça ne m’étonnerait même pas. Elle s’assoit sur le sofa à ma droite et m’observe. Au bout d’une minute où son regard doré m’agace fortement, je demande :

-          Crache le morceau ! Qu’est-ce que tu veux ?

-          Savoir si tu vas bien, répète-t-elle, obstinée.

-          Oui ! M’écrie-je, en appuyant bien sur le ton. Oui, je vais bien !

-          Tu es sur les nerfs…pour changer.

-          C’est toi qui me fout les nerfs en boule ! Réplique-je du tac au tac. Tu n’es pas au courant ? Nous sommes ennemis !

-          Arrête avec ça tu veux ? Siffle-t-elle, agacée par ma stupidité.

Nous nous toisons puis je souffle en reportant mon regard sur la forêt. Au bout d’une minute de silence, elle demande :

-          Edward est inquiet…pour Jacob.

-          Quoi ? M’esclaffe-je. Alors ça, c’est le bouquet !

-          Ecoute-moi. Jacob a toujours réussi à plus ou moins bloquer ses pensées à Edward, sur des trucs stratégiques et parfois, personnels. Mais il a vu à travers tes souvenirs ce que Jacob a …subi suite à ma transformation.

-          Et alors ? C’est normal non ? Tu ne crois pas que je souffre moi ? Nous souffrons tous Bella !

Elle baisse la tête et se mord les lèvres.

-          Je pensais qu’il allait bien, couine-t-elle. Il a l’air si …serein quand il vient nous voir.

-          Il va bien, assuré-je dans un soupir.

Elle relève le menton et m’interroge du regard.

-          Il va bien ! Répète-je. Je t’assure…Si Edward a vu ses pensées dans mes souvenirs, il a du voir qu’il avait … accepté ton …cas, conclue-je, hésitant.

-          Mais il a tellement souffert…

-          Mais Bella ! Qu’est-ce que tu croyais hein ? On s’est tous battus pour toi ! Jacob plus que les autres ! Il t’aimait…il t’aime toujours…

Je soupire puis ajoute, hargneux, réalisant ce que je suis en train de faire :

-          Je n’y crois pas ! Je suis en train de jouer les psys avec une sangsue alors que c’est moi qui viens de perdre ma femme !!!

A nouveau, je vois à ses yeux que je l’ai blessée mais c’est trop tard. Elle se relève d’un bond et me crache au visage, un grognement roulant dans sa gorge :

-          Je n’ai JAMAIS insulté ton espèce alors tu es prié de respecter la mienne ! Ce mot me donne envie de mordre ! Il me rend dingue ! Alors je me méfierai à ta place, conclue-t-elle en se rasseyant sur son fauteuil, un peu surprise elle-même par sa réaction.

Au bout d’un instant où j’ai encore du mal à réaliser qu’elle venait de me menacer, je la laisse se calmer un peu et lui dis :

-          Tu la ressens hein ?

-          Quoi ?!

-          Cette répulsion naturelle…cette envie de me détruire, cette difficulté à me sentir…

-          Non, ment-elle.

-          C’est pourtant vrai Bella, nos espèces ne sont pas faites pour vivre ensemble et toi-même tu as du mal à lutter contre ça.

Elle est mal à l’aise et j’insiste, un peu maso, me demandant soudain comment Rachel verrait les choses :

-          Dis-moi ce que tu ressens ? Quand tu es en ma présence …en celle de Jacob ? Ton meilleur ami…

Bella se lève et marche jusqu’à la baie vitrée. Sa peau se met soudain à scintiller lorsque le soleil perce un peu les lourds nuages noirs de Forks. Je la compare alors à un papillon, je ne sais pas pourquoi cette image me vient en tête mais je suis fasciné par sa peau. Elle n’a pas l’air de s’en rendre compte, son esprit est vraiment perturbé. Alors je me lève à mon tour du sofa et m’approche d’elle sans quitter ces milliers de scintillements qui illuminent ses cheveux, sa joue et son cou. Une fois que je suis tout près d’elle, j’observe attentivement le phénomène et c’est en voyant mon regard concentré sur elle qu’elle réagit en demandant :

-          Qu’est-ce que tu fais ?

-          Je me demande juste ce qui provoque ça…, dis-je en osant toucher du doigt sa joue glacée, complètement hypnotisé. On dirait du cristal…

Elle me laisse faire, mon exploration l’amuse et j’en profite car je ne pourrais faire ça avec aucun autre vampire. Je passe mon doigt sur une mèche de ses cheveux et suis surpris de leur texture.

-          Moi je trouve ça magnifique quand je vois Edward sous le soleil, me souffle-t-elle.

-          Il t’a dit pourquoi vous êtes comme ça ? C’est pas super pratique pour aller faire tes boutiques…, plaisanté-je.

-          C’est pour ça qu’un vampire vit surtout la nuit ou dans des lieux sombres comme Forks …ou Londres…, conclue-t-elle d’une petite voix.

Ça me fait alors un électrochoc.

-          Londres ? Elle est à Londres ? !!!

-          On attend confirmation, m’avoue-t-elle.

Nous nous dévisageons pendant un long moment, moi me demandant si je ne devrais pas partir tout de suite, elle se demandant si j’allais le faire…elle me teste, je le comprends soudain en voyant un petit sourire se dessiner sur ses lèvres.

-          Tu es calme mais tu n’en démords pas hein ? Me dit-elle.

-          Jamais…, avoué-je dans un souffle.

Elle hoche la tête, les mains dans les poches de son blouson. C’est vrai qu’elle n’a pas changé. Malgré qu’elle soit plus sûre d’elle et beaucoup moins gourde, même très habile maintenant, elle avait gardé des « habitudes » d’humaine qui faisait qu’on n’était pas dépaysé…mis à part ses yeux dorés et son insupportable odeur qui m’était pourtant plus supportable que les autres. Encore à cet instant, je sentais la différence. Pendant un temps, j’avais pensé que c’était parce que j’avais plus d’affinité avec elle, vu que nous l’avions connue « avant ». Mais j’ai quand même beaucoup de sympathie pour Emmett et son parfum est aussi pourri que celui des autres Cullen ! Je ne sais pas ce qui provoque ça mais quelque part, c’est une bonne chose vu que Bella est assez souvent parmi nous.

-          Je dois te laisser, m’annonce-t-elle alors.

-          Oui…Pour Jacob, je ne sais pas quoi te dire. Personnellement, je comprends sa souffrance et je ne comprends pas ta décision. Voilà.

Et comme elle se borne à fixer le sol, j’ajoute :

-          Mais maintenant, c’est trop tard pour y penser hein ? Au moins toi, tu as eu le choix …

-          Je suis désolée Paul…Sincèrement.

Ma gorge se serre mais je me retiens. Sa sollicitude est tellement vraie que ça me broie les tripes. Elle hésite une seconde puis se dirige vers le couloir. Je l’accompagne jusqu’à la porte. Une fois qu’elle est sur le perron, elle se retourne si vite que je ne vois même pas le mouvement puis elle me dit :

-          Vous êtes mes amis… je vous aime tant. Vous êtes ma famille autant que les Cullen… ça me dégoute de ressentir ça quand je suis avec Jacob ou avec toi, admet-elle, mais en effet, je ne peux pas lutter...par contre, je peux le contrôler…

Et sans comprendre ce qui m’arrive, elle se jette contre moi et m’enveloppe avec force. Elle est dure comme une montagne et je me sens soudain glacé de la tête aux pieds,  comme si j’étais en train de subir une congélation instantanée. Je sens ses bras m’entourer la taille et ses mains glacées dans mon dos. Nos quarante-deux degrés de différence me font alors claquer des dents mais je sais que c’est aussi les nerfs. Les tremblements commencent quand elle pose sa tête sur mon torse en me serrant encore plus contre elle. Ce contact me fait l’effet d’une plus forte secousse. 

-          Mais qu’est-ce que tu fais ? Demandé-je, choqué.

J’essai de la repousser mais elle me serre plus. Je n’arrive plus à respirer, l’odeur de ses cheveux me brûle le nez. Je suis même en train de suffoquer !

-          Bella…, supplié-je presque. Tu me fais mal…

Je sens mon loup près à exploser et elle doit le sentir aussi car elle me lâche et recule très vite d’un pas.

-          Pardon…, murmure-t-elle, soudain très ennuyée. Je…j’ai encore du mal avec ma force…

Encore haletant, je me masse le ventre, me demandant même s’il ne m’a pas brisé une côte. Nous nous dévisageons à nouveau et elle m’explique, penaude :

-          Je voulais te montrer que tu peux m’approcher…même me toucher…, marmonne-t-elle. Ce n’est pas  impossible Paul…

-          Tu es barge !!! Grogne-je alors, comprenant son expérience.

-          Je sais, sourit-elle. Mais tu n’en es pas mort si ?

Je reprends mon souffle, j’étais à deux doigts de muter dans ses bras, je l’aurai disloquée de partout. Cette fille n’avait vraiment pas changé ! Et sa nouvelle condition lui permettait de prendre encore plus de risques qu’elle n’en prenait déjà avant.

-          Mais c'est contre-nature Bella et tu le sais maintenant…

-          Tout dépend de quel point de vue on se place ! Riposte-t-elle. Il y a beaucoup de choses jugées contre-nature sur cette Terre et qui ne le sont pas pour d’autres…

-          Bella…je ne pourrai pas…tu viens de me le prouver. C’est insupportable !

Elle se rapproche à nouveau, les yeux chargés de défi :

-          C’est faux…c’est une question de volonté ! Tu m’as touché la joue et les cheveux tout à l’heure, parce que tu le voulais TOI. Là, tu n’as pas supporté parce que tu n’étais pas préparé à ce contact et tu ne le voulais pas…

C’était vrai, je l’avais touchée dans la véranda, curieux de découvrir l’espèce qu’était devenue ma femme. Une curiosité un peu morbide d’ailleurs…qui m’avait valu ce « merveilleux » câlin étouffant de Bella.

Voyant qu’elle a mis un point et que je ne sais pas quoi répondre, elle décide de me laisser mariner cette expérience et d’en tirer mes conclusions. Je la vois remettre ses grosses lunettes noires sur son nez et les mains à nouveau dans les poches, elle regagne sa voiture d’un pas assuré. Instinctivement, je lève les yeux vers le ciel pour vérifier que le soleil ne va pas pointer et la faire briller comme un sapin de Noël. Je pousse même un soupir de soulagement quand elle s’engouffre dans sa luxueuse voiture de sport et démarre en trombe. Un soupir de soulagement qui vaut aussi pour ma tranquillité retrouvée…

 

Bella avait quand même réussi son coup. Depuis sa visite, j’étais perturbé. Déjà pour la violence des sensations ressenties et je n’arrêtais pas de me demander si je n’allais pas fléchir devant Rachel le jour où je la reverrais … Ce dernier point me fait très peur. Pas que je doute du fait qu’elle doit périr, non, ça j’avais du mal à croire qu’elle devienne « végétarienne » surtout après le temps qu’elle aurait passé avec des « vrais » vampires, elle restait donc dangereuse à mes yeux mais j’avais peur d’être attiré par son aspect physique…que comme Bella, elle n’ait pas perdu toutes ses manières d’humaines et que je la reconnaisse à travers ses yeux rouges, que je revois celle que j’aimais, qu’elle redevienne ma Rachel l’espace d’une seconde qui me serait peut-être fatale… et le soucis c’est que personne ne prendrait la relève. Si je flanchais, personne ne la tuerait à ma place. Je doutais sérieusement des promesses de Jacob. J’étais hélas le seul à vouloir sa perte. Il fallait que je tienne bon et aussi, que j’évite Bella au maximum car elle me faisait douter…

 

Mais hélas, Sam et Emily ont eu la bonne idée d’organiser une soirée chez eux afin de fêter la « paix retrouvée » dans notre meute comme Emily disait. Disons que oui, j’étais plus calme, je m’en rendais compte moi-même et je préférais de loin un sourire amical et fraternel de la part d’Embry ou de Quil, qu’un regard de travers ou carrément des menaces de la part de Jacob. Tout le monde essayait d’y mettre du sien, moi le premier, surtout depuis que je savais que tous mes frères n’étaient pas forcément contre moi.

C’est donc avec les pieds de plomb mais une petite envie de retrouver ma famille malgré tout que je me rends à cette soirée, en sachant parfaitement que Bella sera là, voir même d’autres Cullen.

Mais quand je pensais d’autres Cullen, je n’aurai jamais imaginé qu’il y aurait TOUS les Cullen et ma surprise doit marquer mon visage quand je rentre dans la petite maison car Emmett éclate de rire et l’ambiance joyeuse se casse aussitôt.

-          Salut vieux ! Pas fâché de te revoir habiller et parmi nous ! Me lance-t-il, moqueur.

Je ne réponds pas mais lui lance un regard entendu. La puanteur me prend à la gorge et au nez mais leurs visages amicaux m’empêchent de faire une réflexion. Seul Edward sourit dans son coin.

Voyant que je semble calme, les discussions reprennent et la pièce est à nouveau remplie de paroles et de rires, comme si de rien était. Il y a clairement une volonté de tout le monde de rendre cette soirée agréable.

Au moment où je m’approche de Sam pour lui serrer la main, Bella recommence ce que je voulais à tout prix éviter. Je la retrouve à nouveau pendue à mon cou où elle me souffle un « Contente que tu sois venu Paul ! » qui me glace la nuque jusqu’en bas du dos mais cette fois, elle me libère rapidement et je lui réponds par un hochement de tête afin de ne pas lui dire sèchement de dégager ! Aussitôt, le corps doux et chaud d’Emily la remplace et je la prends contre moi avec plaisir lorsqu’elle me dit avec une profonde tristesse :

-          On ne s’est pas vus depuis…je suis tellement désolée…

-          Tout va bien Emily, lui chuchoté-je à l’oreille pendant que Sam lui caresse le dos en me souriant avec compassion.

Je remarque qu’il a l’air très content de me voir ici tout comme Embry à ses côtés. Je lâche Emily et la rend à son homme pour continuer mon tour parmi mes frères. Jacob, que Bella a rejoint, me fait un signe (amical ?) de la tête et je lui rends. Jared m’accueille avec une grosse frappe sur l’épaule et Quil interrompt sa discussion avec Alice et Jasper pour me prendre aussi dans ses bras. Les deux vampires me saluent avec un sourire poli puis Quil reprend le fil de la conversation comme s’il était avec des amis Quileute de longue date. J’hallucine mais apparemment, je suis le seul et j’ai l’impression, vu les mines réjouies de tous, que le message est clair : je dois m’adapter et accepter ! Seulement, il y a un petit détail qu’ils semblent tous avoir oublié : si Rachel revient à Forks, la frontière sera rétablie et fini les petites sauteries entre montres !

-          Nous savons tout cela, m’interrompt Edward qui se retrouve tout près de moi sans que je ne l’aie vu bouger.

-          Tu m’agaces fortement, grogné-je entre mes dents. Tu peux oublier ma tête deux secondes ?

-          Désolé, impossible …, réplique-t-il du tac au tac. Et sache que je ne suis pas uniquement connecté à ta tête, j’entends toutes les pensées dans cette pièce…

-          Quel plaisir !

-          Ne crois pas cela, répond-il sur un ton léger, c’est parfois très fatigant…mais je dois admettre que c’est plus souvent pratique ces derniers temps.

-          Tu m’étonnes ! Claques-je, amer.

-          Tu as apprécié la visite de ma femme ? Me demande-t-il brusquement.

-          Quoi ?

Je mets quelques secondes à comprendre de quoi il me parle. Puis, je réponds :

-          Apprécié n’est pas le mot que j’aurai choisi…

Edward sourit malgré son air tendu, hésite puis continue :

-          Tu as raison lorsque tu penses qu’elle n’a pas changé…son esprit du sacrifice et du dévouement pour les âmes perdues est toujours le même…

-          Je ne comprends pas…

Il sort de la pièce principale et m’invite à le suivre à l’extérieur. Après une seconde d’hésitation, je le suis, intrigué.

Nous marchons quelques mètres sous ce ciel d’encre. J’attends qu’il continue et lorsque je m’apprête à lui demander qu’il m’explique, il sourit et anticipe ma question :

-          Bella s’est mis dans la tête de te protéger… tout comme Emmett d’ailleurs, ajoute-t-il un peu ennuyé.

Cette nouvelle ne me surprend pas vraiment et comme je ne réponds pas, il continue :

-          Elle s’est mis aussi autre chose en tête depuis…

-          Quoi ? Ose-je demander, m’attendant au pire.

-          Te faire accepter Rachel…, déclare-t-il sur un ton doucereux.

-          C'est-à-dire… ? Demandé-je les dents serrées, sentant soudain une petite boule d’énervement dans l’estomac.

-          Faire comme elle a fait la dernière fois, répond-il en s’arrêtant pour me fixer droit dans les yeux. Et continuer pour que le jour où tu te retrouves devant Rachel, ta répulsion physique ait disparue et que tu l’acceptes telle qu’elle est.

-          Ta femme est cinglée ! Répliqué-je aussitôt, très agacé et écœuré à la fois.

-          Ce n’est pas un scoop, rigole-t-il. Mais ce n’est pas ça qui m’ennuie…

-          Ah oui ? Et qu’est-ce que c’est ?

Il semble soudain à nouveau à des kilomètres de moi puis souriant à demi, il reporte ses yeux jaunes sur moi et répond, un peu irrité :

-          Ce qui m’ennuie c’est qu’elle commence à me cacher ses pensées…et que je ne sais pas exactement ce qu’elle a en tête. Et avec Bella, je me prépare à tout. Elle est capable du pire…partir seule par exemple ou échanger sa place avec Rachel si elle le peut…tu comprends mon inquiétude ?

-          Oui…surtout que tu dois te dire : encore tout ça pour un cabot.

-          Ne crois pas cela ! Riposte-t-il aussitôt sur la défensive. J’ai beaucoup d’estime pour ton peuple ! Mais je sais que Bella est capable de prendre beaucoup de risques pour sauver quelqu’un…crois-moi.

-          Oh je te crois ! Répliqué-je mi-agacé, mi-amusé.

-          Et dans cette histoire, elle veut beaucoup de choses …sauver l’âme de Rachel, sauver votre amour…sauver ton âme à toi…sauver la paix entre nos peuples…nous sauvez tous aussi, conclue-t-il avec retenue.

Sa remarque me fait penser à une phrase que j’avais entendue dans les pensées de mes frères.

-          Justement…quels sont vraiment les risques ? Demandé-je. Mis à part une baston générale…

-          Que les Volturi soient vraiment derrière tout ça, répond-il. Que ce ne soit pas l’œuvre d’un clan en chasse de nouvelles recrues mais bien un règlement de compte suite à ce qu’il s’est passé l’année dernière avec les nouveau-nés. Que notre alliance avec votre peuple leur soit si insupportable qu’ils aient décidé de vous détruire…qu’ils nous attendent tous là-bas, avec Rachel. Et qu’ils la tuent eux-mêmes si elle décide de nous suivre, pour répondre à ta question muette, finit-il, ayant capté mes pensées concernant la phrase d’Embry « Ou les Volturi eux-mêmes ! ».

Après une courte pause, il reprend :

-          Crois-moi, sur le terrain, nous avons peu de chances de nous en sortir…même tous ensembles.

Je réfléchis et réponds :

-          Alors laissez-moi y aller seul ! Laissez-moi la retrouver…

-          Mais tu veux la tuer, me rappelle-t-il. C’est impossible. Et puis, comme je t’ai dit, j’ai deux vampires dans ma famille qui ne comptent pas te laisser seul et ils sont coriaces, crois-moi.

-          Vous êtes tous cinglés…

Edward sourit doucement, amusé mais inquiet à la fois. Je le vois dans ses yeux : il n’est pas sûr de ce qu’il va se passer, pas sûr de faire le bon choix.

-          Détrompes-toi, me dit-il aussitôt, me rappelant qu’il est toujours connecté à ma tête. Je suis sûr d’une chose : je ne veux pas la guerre avec les Volturi…mais elle semble inévitable. Et si c’est bien ce que je pense, il y aura des pertes, des deux côtés…et ce dont je ne suis pas sûr par contre, c’est de pouvoir accepter cela.

Et sur ces paroles, il me laisse en plan…encore plus en doutes qu’avant…

 

7 -  La décision

 

La soirée se déroule calmement et j’essaie même de faire un effort. Je me suis surpris à rire avec Quil et Embry deux fois, même Jacob s’est déridé. J’ai accepté la présence des sangsues qui semblent s’amuser plus ou moins. Peut-être « l’effet Jasper » qui se trouve à quelques mètres de moi ? Emmett s’approche, souriant et me frappe l’épaule sans ménagement en disant :

-          J’ai réfléchi à ta proposition Vieux !

-          Ah oui ?

-          Ouais…t’as raison ! Je devrais peut-être travailler ! J’en ai discuté avec Rosalie, elle est d’accord.

-          Ah…, m’étonne-je.

-          Après tout ce bordel, je viendrais donc avec toi dans les arbres ! Déclare-t-il, tout fier avec un grand sourire.

J’éclate de rire et réponds :

-          Mais attends, je ne suis pas le chef ! Ce n’est pas moi qui décide…

-          Ah non ? Demande-t-il, soudain déçu.

-          Non…mais tu peux venir te présenter et j’appuierai ta demande auprès de mon boss. Avec ton gabarit, il ne devrait pas être contre !

-          Cool !!! S’extasie-t-il alors, me faisant encore rire.

-          Emmett, intervient alors le Docteur Cullen. Tu es sûr que c’est une bonne idée ?

-          Bah oui ! Tu bosses bien toi, non ?

-          Oui…c’est vrai, admet-il. Mais au lycée, plus personne ne se pose trop de questions sur toi…dans cette équipe, les personnes vont essayer d’en savoir plus, ils seront curieux…tu es un Cullen.

-          Et alors ?? S’indigne Emmett.

-          Et alors, répond la petite Alice, tu ne devrais pas travailler dans …enfin…

-          Tu ne devrais pas t’abaisser à ça, conclue-je pour finir sa phrase.

-          Je n’ai pas dit ça ! S’écrie-t-elle aussitôt. Mais les Cullen ont un certain…rang…enfin, nous sommes censés être des gens fiers et riches donc intouchables ! Ce qui facilite la dissimulation de notre secret, explique-t-elle.

-          Et moi je pense qu’Emmett devrait faire ça…je suis d’accord, intervient Rosalie. Et puis, vous qui voulez tant que nos peuples soient proches, s’il travaille avec…Paul, bute-t-elle, ça devrait entretenir les bonnes relations…

-          Tu vois mon avenir Alice ! S’écrie alors Emmett. Tu me diras alors si ça craint ou pas !

Pas convaincue, je vois la petite Cullen faire la moue en disant :

-          Pas quand tu es avec un loup-garou…ils brouillent mes visions je te rappelle.

Le Docteur réfléchit pendant que sa femme semble ennuyée par tout ça.

-          Moi je pense que c’est une excellente idée ! Appuie alors Bella sans surprise. Emmett a besoin de bouger…

Je ne sais pas pourquoi mais je sens que ce soutien cache quelque chose. D’ailleurs, je ne suis pas le seul car Edward se tend aussitôt et Jacob fronce les sourcils. Et Bella le détecte aussitôt car elle se justifie :

-          Il sera dans les bois, si besoin il peut chasser discrètement. Et c’est possible que les gens se demandent pourquoi un Cullen a besoin de travailler manuellement et dans ses conditions aussi épouvantables mais ce n’est qu’une poignée de personnes…il ne risque rien. Je crois que nous pouvons lui faire confiance pour se faire accepter parmi les humains…

Sur ce point, je suis d’accord. Emmett est très enjoué et volontaire, il devrait pouvoir se faire vite accepter.

-          Très bien, tranche Carlisle.

-          Cool !!! S’écrie aussitôt Emmett en me tendant la main pour que je la frappe comme deux potes que nous sommes.

Quelques minutes plus tard, Carlisle et Esmée s’excusent et quittent la soirée. Alice et Jasper les suivent ainsi que Emmett, à contrecœur, mais supplié subtilement par Rosalie.

Seuls Edward et Bella semblent vouloir rester…ou plutôt, Bella veut rester et Edward reste. Je capte son regard, pas dupe mais lui seul peut capter mes pensées. Je me dis aussi qu’il serait tant que je parte. Au moment où je pense ça, je vois Edward hocher la tête. Le message est clair : si je pars, Bella se décidera à partir. Je comprends alors que son obsession à vouloir me protéger, protéger Jacob (des fois que nous ayons envie de nous battre une fois qu’ils seront partis) et tenter de me faire changer d’avis est vraiment très forte. Je pose donc mon verre et déclare à l’assemblée :

-          Je suis claqué ! Je vais me coucher !

-          Moi aussi, répond aussi sec Jared.

-          Tous dans le panier ! Ajoute Quil d’une voix mal assurée, trahissant son ivresse.

Il me fait sourire et dans un dernier signe, je quitte la soirée.

Mais au bout de quelques mètres, je sens qu’on me suit et me retourne pour découvrir Jacob qui avance d’un pas déterminé derrière moi. Je m’arrête alors et lui dis :

-          Pas ce soir…

-          Je ne veux pas me battre ! Dément-il aussitôt. Je veux parler. Ou plutôt… m’excuser.

-          Oh…

Je baisse la tête, surpris et ne sachant pas quoi dire d’autre. Alors il continue, mal à l’aise :

-          Ouais, j’ai été un peu égoïste sur ce coup-là…j’ai vu ma sœur et je n’ai pas compris que c’était aussi ta femme…enfin je veux dire, si …mais, tu vois…

Il soupire un grand coup, c’est dur pour lui visiblement. J’attends qu’il reprenne pieds puis il ajoute :

-          Je ne voyais que ta vengeance, pas ta souffrance…je voyais en toi celui qui voulait tuer Rachel…je n’avais pas vraiment compris…enfin, je me suis mis à ta place deux secondes et j’ai compris…

-          Tu as compris quoi ? Ose-je demander.

Il hésite puis déclare :

-          Quand Bella s’est transformée en vampire…moi aussi j’ai eu des envies de meurtres et de suicide…j’ai aussi pensé à la détruire le jour de sa transformation…j’avais envie de mordre, j’avais envie de feu…

Je ne sais pas quoi lui répondre, j’avais déjà compris tout ça en voyant ses pensées et je n’allais pas démentir les miennes. Nous nous dévisageons quelques secondes puis il ajoute plus fermement :

-          Mais même si j’ai compris tout ça Paul…je ne peux pas ! Je suis désolé…je ne peux pas te laisser faire…je ne peux pas te laisser y aller et te regarder faire…ou même le tenter. Je te tuerai si ça arrivait.

-          Ok…

-          Paul…

-          Non, n’en rajoute pas ! Le coupe-je aussitôt. Je n’ai qu’un truc à te dire : que le meilleur gagne !

-          Quoi ? Demande-t-il surpris.

-          Tu ne renonceras pas, je ne renoncerais pas… si nous devons un jour nous retrouver face à elle ensemble, je ne verrais qu’elle…elle et sa puanteur de vampire, ajoute-je les dents serrer. Plus rien ne comptera, tu le sais… donc tu n’as plus qu’à prier pour la retrouver avant moi et je n’ai plus qu’à espérer que ça ne soit pas le cas.

Ses mâchoires se contractent et il fixe le sol. Puis ses yeux noirs se reportent sur moi et je sens toute sa colère se décharger sur ma petite personne. Mais il n’ajoute rien. Il se contente de hocher doucement la tête et me quitte. Le message est clair : nos chemins se séparent jusqu’au but final où là, l’affrontement sera inévitable. Je me dis alors à cet instant « Nous avons essayé mais ça ne sert à rien… ». Mais quelques secondes plus tard, dans la pénombre, je vois Jacob revenir vers moi d’un pas déterminé et énervé. Il s’apprête à me menacer à nouveau lorsqu’il s’arrête net et fixe quelque chose derrière moi, surpris. Je me retourne d’un bloc et découvre la petite Alice, les yeux dans le vide, le visage soucieux. Je comprends qu’elle vient d’arrêter là sa course car malgré son immobilité, tout semble avoir bougé avec elle. En suspend, elle est à l’écoute du silence.

-          Alice ? Demande Jacob en s’approchant d’elle. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Ses sourcils se froncent et elle grogne :

-          Hors de mon périmètre ! Tu brouilles mes visions !

Aussitôt, Jacob recule d’un pas et elle marmonne :

-          Bon sang…je ne la vois plus…

Et à cet instant, nous entendons un hurlement déchirant en provenance de la maison de Sam. Alice file à la vitesse de la lumière pendant que nous la suivons tous les deux vers l’endroit que nous venons de quitter. Tout va très vite ! J’ai du mal à comprendre ce qu’il se passe même si au fond de moi, je sais déjà ce que nous allons trouver. Mon cœur fait un bond quand je vois tout le monde autour d’un corps à terre qui se tord et dont les pieds frappent la terre avec violence. Certains de mes frères sont en loups, confirmant la présence d’un vampire ennemi. Malgré la nuit, je reconnais Sam à genoux, le visage crispé, qui tient une tête contre lui. Un nouveau cri de douleur et je comprends que c’est Emily entre ses bras, ce qui explique qu’il n’a pas muté. Il supplie du regard Bella et Alice qui essaient de maintenir ses tremblements.

-          Faites quelque chose !!! Hurle-t-il.

-          Emily !!!! Crie Jacob en poussant deux loups. Non ! Emily ! Pas toi !  

-          Aidez-nous ! Pleure Sam sans quitter des yeux Bella et Alice qui tentent de la maintenir. Ce n’est pas possible…pas mon Emily…

Malgré le drame, malgré l’horreur, je les vois se parler vite et à voix basse. Alice, debout derrière Bella qui est accroupie près d’Emily, lui donne des directives mais elle parle si vite et si doucement que je ne comprends pas. Je remarque l’absence d’Edward. Elles semblent hésiter…mais hésiter de quoi ? Que peuvent-elles faire ?  Ma tête me tourne, le cauchemar continu. J’ose alors poser mes yeux sur le visage défiguré d’Emily, celui que Sam avait balafré de ses griffes deux ans plus tôt. Tordu par la douleur, ses cicatrices sont plus laides. Je compte les secondes…je revis ce moment atroce encore une fois…c’est pour bientôt…sa respiration est saccadée…elle souffre tellement…son corps se meurt…mais soudain, j’entends Bella crier à Alice :

-          Ça a marché pour moi ! Edward l’a fait la première fois quand James m’a mordue !

-          Carlisle était là !!! S’écrie Alice. Moi je ne peux pas Bella, je suis désolée…tout ce sang…

Elle recule d’un pas puis se ressaisit et s’accroupit près de Bella en disant sur un ton calme qui me surprend :

-          Tu peux y arriver…

-          Faites quelque chose …, supplie Jacob. Pas encore, pas encore…. Bella, je t’en prie…sauve-la !

Ils se dévisagent pendant une seconde qui dure une éternité. Je saisi tous les doutes de Bella dans son regard doré. Jacob ne la quitte pas des yeux mais les larmes inondent son visage.

Alors, avec une rapidité indétectable pour l’œil humain, Bella prend la décision et se retrouve sur Emily, son visage plongé dans le cou de celle qui est en train de mourir. Par instinct, Sam s’est reculé et tout le monde a les yeux rivés sur elles. Je ne comprends pas trop ce que Bella est en train de faire mais je vois Alice, les deux mains contre sa bouche qui semble espérer. Au bout d’un moment interminable, elle crie soudain :

-          Bella, arrête !

Au même moment, le docteur Cullen apparait à leurs côtés avec sa femme et les autres membres de sa famille qui sont revenus. Aussitôt, Emmett vient près de moi, ne comprenant pas ce qu’il se passe. Je n’arrive même pas à lui parler. Bella relève la tête et braque ses yeux directement sur moi. Je vois sa bouche pleine de sang et mon estomac se révulse. Au même moment, Sam étouffe un cri de douleur. Pourtant, le docteur Cullen se met à genoux auprès d’Emily qui semble plus calme. Curieux et malgré le dégoût que je viens de ressentir, je m’approche pour avoir confirmation de ce que je crois comprendre. Sam reprend Emily contre lui, soudain souriant et avec surprise, je vois Emily lui sourire faiblement. Perplexe, je tourne la tête vers les Cullen où Bella s’essuie encore les lèvres. Edward revient de la forêt au même moment, les traits soucieux. Il est accompagné de Jasper et la gravité de leur visage me permet de penser qu’ils ont échoué.

-          Elle a filé ? Demande aussitôt Alice.

-          Oui…trop rapide ! Répond son compagnon.

-          Plus rapide que toi, Edward ? S’étonne-t-elle.

-          Oui…je ne l’ai pas senti approchée…je ne l’ai même pas entendue…un éclair…voilà ce qu’elle est…, explique Edward, dépité. Elle est très forte !

Il prend Bella dans ses bras qui a l’air très bouleversé :

-          Mon amour…tu as été à la hauteur, je suis fier de toi !

-          Ouais Bella ! S’écrie Emmett en lui donnant une tape dans le dos, tu as assuré ! Jamais je ne pourrais aspirer du venin comme ça, sur une morsure remplie de sang humain ! Trop la classe !

-          Ce …ce n’était pas facile, marmonne Bella contre Edward.

Je la vois déglutir et je l’observe plus attentivement. Elle se sent mal…et mon estomac me brule encore tellement elle m’a donné la nausée. Je réalise alors pleinement le drame que nous venons encore de vivre. Je ne sais pas pourquoi mais je m’imagine que tout est de la faute de Rachel. Pour moi, c’est elle qui vient d’essayer de tuer Emily alors je grogne vers eux :

-          ça ne serait pas arrivé si vous m’aviez laissé la tuer !!!!

Tous me regardent, surpris. Puis Edward précise :

-          Ce n’est pas Rachel…j’ai quand même eu le temps de voir son profil.

-          Tu l’as connait ? demande Carlisle.

-          Moi oui, répond Alice. C’est Séraphina … de Volterra, ajoute-t-elle.

-          Il me semblait bien que c’était elle, déclare Edward. J’y ai pensé en découvrant sa rapidité…c’est son don. Elle est rapide. Très rapide ! Plus que moi… elle a filé quand elle nous a vu Bella et moi. Elle ne s’attendait pas à ce qu’on soit là. Elle est tellement rapide et sûre d’elle qu’elle ne fait aucun repérage, ne pense à rien ! Tel un cobra, elle frappe et elle reviendra pour retrouver Emily car pour elle, elle est devenue vampire et doit la suivre !

Mon regard se porte à nouveau sur Emily qui a repris des couleurs mais semble très épuisée. En voyant Sam embrasser son front avec amour, je saisi alors toute l’immensité de ce que vient de faire Bella. Si elle avait été là ce jour-là…Rachel serait peut-être encore en vie…son image hante à nouveau toute ma tête, elle aussi s’était tordue de douleur, elle aussi avait hurlé, j’avais appelé « au secours » mais personne n’était là pour m’aider…et elle m’avait quitté. Je sens une main glacée se poser sur mon épaule et quand je tourne la tête, je ne suis pas surpris de trouver Bella près de moi. Elle me dévisage et je comprends que c’est parce que je pleure. Agacé, je me dégage d’elle et me met un peu à l’écart afin que tout le monde me laisse tranquille ! Esmée et Carlisle redresse Emily et lui demande si elle va bien. Je la vois hocher la tête faiblement et Carlisle déclare alors :

-          Je vais m’en occuper…rentrez-la dans la maison.

Sam la soulève avec précaution. Il avait failli la perdre pour la deuxième fois dans cette vie…je l’observe l’emporter dans leur petite bicoque en bois, suivi de Carlisle et Esmée. Mes frères loups décident de rentrer chez eux car ils s’engouffrent dans la forêt. Jacob reste avec les Cullen. C’est fini…on n’a pas réussi à la choper mais elle reviendra ! Pourquoi font-ils ça ? Pourquoi viennent-ils nous prendre nos femmes ? Je regarde le groupe près de la maison. Ils sont en pleine discussion et en plein doute aussi ! Edward avait raison : c’est une vengeance. Les Volturi ont pris la décision de décimer mon peuple…ils pensent nous affaiblir en tuant nos femmes, nous rendre fous et incontrôlables.

Et ils avaient réussi …car à cet instant précis, mon envie de destruction était à son point ultime. Sans quitter des yeux Jacob et les Cullen, je recule d’un pas, puis de deux jusqu’à ce que j’atteigne la forêt. Puis je cours sans bruit et me concentre pour finir par muter dans une explosion pendant ma course. J’accélère alors, droit devant moi, je galope et galope encore, sachant que je vais atteindre mon but dans quelques mètres et je me sens si déterminé que je sais que je vais réussir ! Cette fois, c’est la bonne ! Les branches fouettent mon corps à mon passage, la nuit d’encre ne me gêne pas et je sens déjà l’odeur salé de l’océan qui se rapproche. Soudain, une autre odeur familière se mélange à ce parfum. Je tourne la tête et découvre Emmett qui court à mes côtés. Pendant une seconde, je crois qu’il va m’arrêter mais ce n’est pas le cas, il fixe le chemin devant lui, se calquant sur mes mouvements. De l’autre côté, j’entends des pas feutrés et vois Bella qui court aussi, ses longs cheveux bruns volant derrière elle. En les suivant du regard, je découvre alors qu’ils ne sont pas seuls ! Jasper et Alice la suivent. Je tourne à nouveau la tête vers Emmett et vois la blondeur de Rosalie derrière lui. Alors, je regarde droit devant moi et accélère encore. Un bruit au-dessus de moi me fait lever la tête et je vois bondir Edward dans un arbre quelques mètres plus loin puis encore un autre…il nous a largement dépassé. Il s’est joint à notre course mais ce chemin-là est plus rapide pour lui. Je l’ai toujours vu comme un petit singe habile et il me le prouve encore à cet instant. Les Cullen m’accompagnent, ils me suivent et semblent soudain plus déterminés que jamais. Je peux même sentir leur force autour de moi, leur unité aussi puissante que la nôtre ! Je me sens aussi plus fort face à ce qui nous attend de l’autre côté de cet océan et je comprends alors mon rêve : j’avais envie qu’ils soient avec moi ! J’avais voulu ce moment et cette dernière attaque les avait convaincus. Sans eux, je savais que je n’y arriverais pas car je ne connaissais pas tout de la subtilité des vampires ! Eux seuls pouvaient m’aider.

-          Ne crois pas que tu as gagné !Me coupe une voix que je connais bien.

Jacob vient se placer entre Bella et moi, nous courrons à la même vitesse et par la pensée, il me dit encore :

-          Mais ça ne peut pas continuer ! Sur ce point-là, nous sommes d’accord !

-          La guerre est déclarée !annonce Jared derrière moi. Ils vont tous crever !

-          Sam est resté avec Emily,m’explique Jacob sans relevé la remarque de Jared qui englobe aussi Rachel. C’est moi qui prends le commandement de la meute !

Et sur ces paroles, il accélère de plus belle et rattrape Edward, qui vient de toucher le sol, pour courir à ses côtés.

Nous atteignons la falaise et dans un élan collectif, nous plongeons tous dans l’océan sans aucune hésitation. Comme la dernière fois, je donne un puissant coup d’arrière-train et bondis hors de l’eau pour replonger ensuite et avancer rapidement grâce à la force de mes pattes avant. Un nouveau bond et je prends le rythme. Je remarque que mes frères se calquent à mon mouvement après une ou deux hésitations. Mais voilà, notre force, c’est notre unité, nous sommes liés par la pensée et pouvons donc nous communiquer nos méthodes de chasse, de combat et dans ce cas, nos techniques pour nous en sortir vivants ! Les Cullen fendent l’eau, nous les loups, nous donnons l’impression de bondir dessus tels des dauphins.  

 

8 – Notre alliance

 

La traversée a été difficile. Surtout épuisante pour nous car les Cullen n’ont pas l’air d’avoir souffert. Malgré notre côté « monstres magiques surpuissants », nous sommes avant tout vivants et apparemment, nous avons des limites. Plusieurs fois, j’ai dû stopper ma course ainsi que mes frères. La reprise était rapide mais la fatigue était là.

 

Nous sommes tous sur le sable, une petite plage déserte. Il fait encore nuit et je ne sais pas sur quel continent nous sommes. Edward a capté une langue qu’il reconnait et nous assure que nous sommes en Europe. D’après Jasper, l’Italie est juste en face de nous. Mais avant de nous lancer dans une course encore plus folle, nous devons reprendre des forces, nous nourrir…tous…et attendre quelques jours pour envisager une stratégie.

Et pour l’instant, notre plus gros souci est que nous sommes tous partis comme ça, sur un coup de tête, et mes frères et moi avons un problème majeur : nous n’avons pris aucun vêtement…donc nous resterons sous notre forme lupine et Edward fera la communication. Au moins, son don servira à quelque chose d’utile ! Nous verrons en chemin comment nous remédierons à cet inconvénient.

 

Je me couche donc sur le sable, Jared près de moi, langue pendante, Quil et Embry sur le côté. Jacob est un peu en retrait avec Leah qui nous fixe avec son habituel air de défi. Je me rends compte que Sam me manque et que ça va être la première fois que Jacob va commander seul. Techniquement, nous sommes au même grade : je suis aussi un Bêta mais Jacob aurait dû être l’Alpha et en cédant sa place à Sam, il lui reste quand même quelques privilèges dont sa priorité sur moi.

Les Cullen aussi sont en retrait mais silencieux. Peut-être regrettent-ils leur décision ? Nous le saurons bien vite de toute façon.

 

Je décide donc de faire comme tout le monde et de me reposer. J’abaisse ma tête entre mes pattes et fixe l’océan qui commence à s’éclaircir avec l’arrivée de l’aube. J’ai du mal à croire que nous venons de le traverser en une nuit ! Je sens encore la force de l’eau dans tout mon corps. Nous venions de faire un exploit, quelque chose que nos ancêtres n’avaient sûrement pas testé ! Nous pouvions en être fiers. Personne ne me répond, je tends les oreilles et entends les ronflements de mes congénères.

Le bruit des vagues me berce et je finis par sombrer.

 

Une main glacée qui se balade entre mes oreilles puis sur la fourrure de ma nuque me réveille d’un coup, telle une douche froide. Dès que j’ouvre les yeux, je vois des petits pieds avancer vers Quil et reconnaît Bella. Elle est en train de tous nous réveiller avec douceur…enfin ça, c’est ce qu’elle croit ! Je sens encore des frissons dans mon échine et pour remédier à ça, je bondis sur mes pattes pour aller faire un tour.

L’air est différent ici, plus chaud mais plus pollué. Alors que j’observe les alentours, je sens une odeur familière derrière moi et tourne la tête vers Edward.

-          Comment te sens-tu ? Me demande-t-il.

Sa question me surprend et j’y réfléchis deux secondes. Puis, je lui réponds mentalement :

-          Impatient

-          Nous avons encore beaucoup de chemin à faire mais avant cela, j’aimerai qu’on parle stratégie…car il est hors de question que ton envie de mort nous mette tous en danger !

-          Pas de problème

-          C’est moi qui dirige les opérations de toute façon ! Intervient Jacob qui suit notre conversation à travers mes pensées. Paul n’a qu’une chose à faire, nous suivre et obéir !

D’instinct, je grogne alors que je vois Edward sourire au même moment puis lui répondre de sa voix douce et paternaliste :

-          Voyons Jacob…il y a contradictions là … « Paul » et « obéir », se moque-t-il.

-          C’est ce qu’on verra ! Grogne ce dernier en me défiant les yeux plissés.

-          Ecoutez, déclare soudain Edward, plus fermement. Ce que nous nous apprêtons à faire n’est pas une partie de ballon sur les plages de la Push ! Nous allons risquer nos vies ! Tous ! Et j’espère que nous n’aurons pas EN PLUS vos petits conflits personnels à régler ! Si vous mettez ma famille en danger parce que vous ne savez pas vous tenir, je m’occuperai de votre cas, menace-t-il.

-          Qu’est-ce qu’il se passe ? Demande Bella derrière lui.

-          Rien…une petite mise au point, répond Edward plus calme.

-          Jasper veut te voir, lui chuchote-t-elle en lui caressant les cheveux.

-          Je sais…j’y vais.

Et ils nous laissent Jacob et moi. Celui-ci se rapproche tout en fixant l’océan. Il me cache encore ses pensées et ça m’agace puis il tourne la tête vers moi et déclare :

-          C’est le combat de notre vie Paul…nous devons être unis pour être forts…nous ne pouvons pas nous permettre de risquer la vie de nos frères…

Je sais qu’il a raison alors je hoche la tête.

-          Nous en reparlerons plus tard car là, les Cullen veulent nous soumettre leur plan mais j’attends de toi que tu te conduises comme tu es toujours : un loup-garou loyal et puissant. Au moins jusqu’au terme…

J’hésite puis réponds :

-          Je tiens comme toi à atteindre le terme de cette folie Jacob…je ne mettrais pas la meute en danger. Jusqu’à ce que nous soyons toi et moi devant Elle, je t’obéirai.

-          Parfait ! Je n’en attendais pas moins de toi ! Claque-t-il en faisantdemi-tour pour rejoindre les autres qui sont déjà en cercle près des rochers.

 

Je me place entre Jared et Embry qui sont déjà assis, en position d’écoute. En regardant les Cullen face à nous et Edward qui semble en tête, je constate seulement maintenant l’absence de leur patriarche : le Docteur Cullen ainsi que celle de sa femme. Edward, qui capte ma réflexion, répond :

-          Mon père est resté auprès d’Emily. Esmée et lui nous rejoindrons dès demain. C’est pourquoi nous avancerons lentement car nous avons absolument besoin de lui pour les négociations !

-          Les négociations ? Grogne-je aussitôt.

-          Ne commence pas Paul ! Me coupe Quil. Ecoutons ce qu’ils ont à nous dire.

-          Merci Quil, répond Edward qui est le seul ici à saisir notre conversation.

La petite Alice s’avance et nous regarde un par un avant d’annoncer :

-          J’ai réussi à découvrir les intentions des Volturi …et ça ne va pas vous plaire. Je me suis focalisée sur César, un proche de Aro et voilà l’idée principale de leurs attaques : les Volturi veulent exterminer votre race.

Un grognement général se produit aussitôt. Je sens la colère monter et j’entends Jared demander :

-          Pourquoi tuent-ils nos femmes ? Pourquoi ne nous attaquent-ils pas directement ?!

-          Ce sont des lâches ! S’écrie Leah. Une bande de sangsues puantes en chaussettes que je vais écraser dès que je me trouve en face d’eux !

-          Calmez-vous ! Intervient Edward.

Alice a les yeux ronds car elle a bien senti nos protestations mais ne les entend pas. Edward lui reporte nos questions avec une tournure plus polie et c’est alors que Jasper intervient :

-          Ne les sous-estimés pas…ils sont intelligents et perfides. Et surtout, ils sont bien conscients de deux choses : la première est qu’ils ne peuvent pas vous attaquer sans risquer d’être tués. Ils savent ce que vous avez fait de James, Laurent et des nouveau-nés…ils connaissent votre force !

-          Ça oui !S’écrie Jared. Et on va leur faire la même chose à ses danseuses !

Jasper n’a pas entendu la réflexion de Jared mais je sais qu’il l’a devinée vu son petit sourire.

-          La deuxième chose…, continue-t-il alors, c’est qu’ils ont compris notre alliance et qu’ils ne l’approuvent pas…

C’est vrai que les Cullen avaient tout fait pour nous cacher lorsque les Volturi étaient venus après la bataille dans la forêt contre les vampires nouveau-nés. Bella avait ensuite raconté à Jacob qu’ils étaient très surpris que les Cullen aient pu faire tout ça seuls…Les Volturi avaient du mener leur petite enquête et découvrir notre espèce.

-          Et ils ont compris que s’attaquer à vous se résumait à s’attaquer à nous…, ajoute Jasper. Or, l’idée de détruire notre clan est quelque chose qu’ils ont en tête depuis longtemps.

-          En gros, le coupe Alice, ils nous ont déclaré la guerre et veulent notre destruction à tous ! A vous, les loups-garous…et à nous, les Cullen. Et je peux vous assurer qu’ils attendent notre venue.

-          Ils nous ont déjà captés ?Demande Embry inquiet.

-          Pas encore, lui répond Edward. Mais ils s’attendent à notre visite…

-          Donc ils ont attaqué nos femmes, juste pour nous faire sortir du bois ? S’étonne Jared.

-          Pas exclusivement, répond Edward. Alice, dis-leur ce que tu as vu.

La petite Cullen hésite puis déclare très sérieusement :

-          Ils veulent vraiment vous exterminer ! Et vous détruire n’est pas suffisant…Attaquer vos femmes a un seul et unique but : empêcher la naissance de nouveaux loups-garous.

Cette déclaration me donne froid dans tout le corps. Je réalise alors toute l’étendue du plan des Volturi et la patience qu’ils avaient eu pour le mettre à exécution. Et à cet instant, mes frères et moi avions tous en tête ce plan avec exactitude. Les Volturi avaient du nous observer, savoir qui était avec qui, connaître nos moindres habitudes, nos forces et nos faiblesses…et ils avaient bien compris que nos femmes étaient notre faiblesse mais aussi que les femmes Quileute imprégnées l’étaient parce qu’elles possédaient le « gêne du loup »… celui qui fait qu’elles seront destinées pour l’un de nous et mettront au monde des loups-garous. Je sens soudain toute la rancœur de Leah face à cette conclusion. Notre sœur n’avait pas ce « gêne du loup », et c’est pourquoi elle avait muté. Aujourd’hui, elle prenait conscience que cette anomalie l’a plaçait du côté des « sauvés » car les vampires ne l’attaqueraient pas dans le but de l’empêcher d’enfanter. Elle, elle ne perdrait personne…car elle ne pourrait jamais s’imprégner. En comprenant que nous écoutons tous ses pensées, elle claque :

-          Qu’est-ce que ça change ! Je fais quand même partie de votre meute ! Je ne suis pas protégée parce que je n’ai personne !

-          Nous n’avons jamais dit ça Leah, murmure Jacob, peiné par sa souffrance qui mourrait avec elle.

Nous sommes tous en train de souffrir, nous sommes tous soudain conscient que notre mutation en loup-garou a entrainé aussi des humaines avec nous, des humaines qui n’y sont pour rien,. Mais c’était ainsi. Les loups-garous sont des Protecteurs, ils sont là pour sauver les humains des vampires mais leur magie englobe aussi cette imprégnation qui fait que nous sommes une meute avec des compagnes… Ainsi Rachel était morte parce qu’elle était Quileute et femme d’un loup-garou. Rachel était morte parce que je m’étais imprégnée d’elle … cette prise de conscience me déchire le cœur et je me surprends à penser comme Jacob l’avait toujours fait lorsqu’il espérait ne jamais s’imprégner de quelqu’un pour ne pas oublier Bella et perdre son amour sincère d’humain. Je regrette soudain alors mon imprégnation, je me mets même à la haïr ! A haïr notre espèce et cette magie incontrôlable qui avait fait de nous des monstres et mettait aujourd’hui nos femmes en danger. Je sais que Jacob suit le fil de mes pensées mais il n’intervient pas car aujourd’hui, sa souffrance va bien au-delà de tout ça et qu’il sait que je suis en train de le rejoindre. Jacob et moi resteront seuls…c’est maintenant une évidence. Sauf que moi, je savais que je ne m’imprégnerais plus jamais. Lui avait encore le risque de s’imprégner un jour et dans son cas, ça serait peut-être une délivrance. Le mien par contre était clair. Ma femme était aujourd’hui une vampire et elle l’était à cause de moi… je ne l’a récupérerai plus. Je me surprends même à penser qu’elle me hait peut-être pour ça ? Parce que mon imprégnation avait fait d’elle une cible facile pour les vampires…

-          Il y a des grandes chances pour que Rachel ait oublié une bonne partie de sa vie d’humaine, me coupe Edward qui a aussi suivi nos réflexions.

-          C’est même certain, assure Jasper qui a compris la conversation entre Edward et moi, même s’il ne l’entend pas.

-          J’ai beaucoup de souvenirs moi, déclare Bella.

J’entends dans sa voix un souffle de révolte. Elle a toujours son plan en tête et elle refuse que je doute. Elle se rapproche de moi et continue :

-          Je savais encore que Charlie était mon père, que Renée était ma mère même si c’est vrai que je ne me souvenais plus trop à quelle distance elle vivait. Je me souvenais encore de Jacob et de tout ce que j’avais fait avec lui ! Seuls des lointains souvenirs d’enfance ont disparu…comme nous tous ici, ajoute-t-elle en regardant les Cullen tour à tour. Vous vous souvenez presque tous de vos derniers jours de vies…Je sais que tu as beaucoup de souvenirs Rosalie, toi aussi Jasper !

Elle se retourne à nouveau vers moi et tente de me convaincre en disant :

-          Rachel se souviendra de toi Paul…crois-moi ! Il ne peut pas en être autrement.

Evidemment, Bella ne sait pas que justement, j’aimerai qu’elle ne se souvienne pas de mon imprégnation afin qu’elle ne souffre pas d’être devenue ce qu’elle est aujourd’hui. J’aimerai autant qu’elle ne se souvienne de rien ! Que nos souvenirs ne soient pas une torture pour elle comme ils le sont pour moi.

Un petit silence s’installe puis Jasper reprend la parole :

-          Pour le voyage, nous avons deux options. La première, plus discrète, serait de traverser le Portugal, l’Espagne et la France mais que vous soyez sous votre forme humaine…afin de moins alerter les autorités de défenses des animaux, plaisante-t-il. Cela impliquerait donc de prendre les transports en commun pour aller plus vite vu que vous ne suivrez pas notre cadence…

Des petits grognements se font entendre, mes frères n’aiment pas qu’on leur rappelle leur faiblesse.

-          La deuxième, coupe Edward, est que nous restions comme ça, en quelques heures nous serions à Volterra…mais nous allons devoir trouver des chemins dépeuplés et surtout, voyager de nuit … ce qui doit nous faire attendre jusqu’à ce soir.

-          Ce qui nous permettrait d’attendre papa, ajoute Alice qui revient de nulle part sans qu’on se soit aperçu de son absence. Ils partent à l’instant…Emily va mieux. Sam est avec eux. Seth reste avec vos femmes.

Je comprends qu’elle vient d’avoir encore une vision et me dit que c’est quand même plus pratique que le téléphone.

-          Dix kilomètres, c’est suffisant, ajoute-t-elle à l’intention des Cullen. A cette distance, mes visions ne sont pas brouillées par les cléb… les loups-garous, se reprend elle.

J’entends alors Jacob dire à Edward par la pensée :

-          Nous prenons la deuxième option !

Evidemment, tout comme nous tous, Jacob ne veut pas dépendre des vampires et avoir l’air d’être un boulet. Sous notre forme lupine, nous sommes à force égales.

-          Très bien, approuve Edward. Ils prennent la deuxième option, répète-t-il à sa famille.

Tous hochent la tête, satisfaits. Je sens qu’Edward hésite puis il annonce :

-          Nous allons donc voyager cette nuit…et nous voyagerons par groupe afin de ne pas attirer l’attention des Volturi.

-          Et de garder au moins un loup et un vampire vivant ! Pense Jacob près de moi. Afin de sauvegarder l’espèce…

Sa réflexion me fait sourire intérieurement mais tout compte fait, je me dis qu’il a raison.

-          Tu as raison Jacob, approuve Edward, un loup et un vampire. Voilà ce que nous allons faire.

Cette fois, les grognements sont plus importants, beaucoup d’entre nous sont écœurés par cette option et nous pensons tous en même temps que notre unité est notre force !

-          Je sais…, déclare Edward, mais comme le pense Jacob, nous devons nous assurer qu’un groupe arrive à Volterra vivant …

Les grondements se calment un peu, nous commençons à comprendre le plan des Cullen : arriver par plusieurs points différents à Volterra et encercler la ville. Mais aussi, empêcher toute fuite des Volturi. Un loup, un vampire à force égale, multipliés par le nombre de binômes que nous pourrons former, face à une horde de vampires pas préparés.

-          C’est exact Paul ! Acquiesce Edward.

-          Si je peux restée seule, moi ça me va ! Coupe Rosalie qui n’avait pas ouvert la bouche depuis notre arrivée. 

-          Non Rosalie, tu devras aussi être avec un loup…nous sommes à nombre égal.

J’entends un roulement remonter dans la gorge de la vampire et son attitude me fait bien rire. 

-          Bien, tranche Edward. Allons-y ! Jasper…toi qui a étudié la force de chacun des loups, donne-nous ta proposition.

Ce dernier s’avance vers nous, nous observe un par un avec un petit sourire en coin. Je sens soudain une sorte d’apaisement et comprend qu’il exerce son pouvoir sur nous pour qu’on ne commence pas à s’énerver face à ses décisions. Il arrête son regard sur Quil et lui dit :

-          Quil…tu seras avec Alice.

J’entends Quil dire :

-          Ouais ! Elle est sympa celle-là !

-          Arrête un peu !Le coupe Jared. Ça reste une sangsue !

-          Jacob, continue le vampire, tu seras avec Edward…

Je sens que mon frère approuve malgré leur passé houleux. Quand il s’agit de guerre, la force et la stratégie passe avant tout.

-          Paul, tu seras avec…

-          Edward, je voudrais…, le coupe Bella en s’adressant à ce dernier.

-          Non Bella…, murmure-t-il, comprenant ce à quoi elle pense.

-          Ça me permettrait…

-          C’est non ! Claque-t-il, catégorique. S’il te plait…, rajoute-t-il avec beaucoup plus de douceur.

-          Alors laisse-moi Jacob, demande-t-elle sans le quitter des yeux.

Ils se dévisagent pendant quelques secondes, Edward est certainement en train de sonder son esprit. Puis, il interroge Jasper du regard qui hausse les épaules en disant :

-          C’est vous qui voyez… je pense que ça devrait aller.

Edward plonge à nouveau ses yeux dans celui de sa compagne, se pince les lèvres puis acquiesce muettement sous le soulagement de Bella… et le mien !!! Car je ne la voulais pas avec moi !

Jasper se tourne à nouveau vers nous alors que j’attends le nom de mon binôme quand il annonce :

-          Donc Jacob, tu seras avec Bella… Et Paul, je te mets avec Emmett.

-          Ouais ! Trop cool ! S’esclaffe joyeusement ce dernier, sans aucune surprise.

Je lui souris, même en loup, je sais qu’il le voit dans mes yeux et il me le rend, content.

-          Rosalie, je te mets avec Leah, continue Jasper.

-          Ah non ! Claque-t-elle. Pas avec cette …

Jasper lève un sourcil vers elle, attendant la suite. Dans ma tête, je pense « chienne », « cinglée », « déjantée » …

-          C’est bon Paul !Grogne Leah en entendant mes pensées.

Rosalie hésite et regarde tour à tour sa famille, espérant un soutien. Mais l’heure n’est pas aux querelles, alors elle baisse les yeux. Pourtant, Edward vient à son secours en disant :

-          Je prends Leah…je crois que cela vaut mieux.

-          Oh c’est pas vrai…,pense l’intéressée, dépitée. 

-          Te plaint pas ! Lui dit Jared, au moins tu pourras discuter ! Il t’entendra ! C’est pas comme les autres…

-          Bien ! Soupire Jasper alors que Rosalie remercie du regard son frère. Jared tu seras donc avec Rosalie !

-          Oh noooon !!!! Elle a un caractère de chien !!!Se plaint ce dernier, ce qui nous fait tous esclaffer de rire.

Je vois Edward se mordre les lèvres mais son sourire n’échappe à personne.

-          Et Embry, tu viens avec moi, conclue Jasper, soulagé d’en avoir fini avec son plan chamboulé par tout le monde.

Nous sommes maintenant tous en train de parler ensemble, j’entends les pensées de mes frères et les protestations des Cullen quand à la façon dont nous allions nous y prendre quand Edward élève un peu la voix en disant :

-          Nous serons tous connectés ! Grâce au pouvoir de télépathie des loups, au mien et au don d’Alice, qui devra juste s’éloigner de temps en temps Quil…, explique-t-il en s’adressant à mon frère.  Chaque binôme pourra communiquer…Surtout, ne fermer pas votre esprit, soyez clairs dans vos décisions afin qu’Alice puisse bien les capter ! Chacun d’entre vous pourra me parler et je veux un rapport des loups toutes les demi-heures. Vos positions, vos difficultés, vos changements de cap…

-          Ah bon sang, grogne Jacob près de moi, il se prend vraiment pour le chef !

-          Jacob, répond Edward qui a entendu sa réflexion, je compte sur toi pour ne pas en faire qu’à ta tête ! Tu es avec Bella…ne l’a met pas en danger pour lui prouver que tu vaux mieux que moi !

-          Mais je vaux mieux que toi !S’esclaffe mon frère, hargneux. Ce n’est pas une nouveauté, Bella n’a pas besoin que je lui prouve…

-          Tu m’as très bien compris, répond Edward, froidement.

Je sens un souffle de menace de la part du vampire et je suis un peu étonné, pensant que depuis que Bella était comme lui, il n’y avait plus lieu de penser que Jacob était encore un danger pour leur couple. Edward me lance un regard de travers mais n’en rajoute pas.

-          Donc ! Pour résumé, lance Alice. Les binômes seront : Bella et Jacob, Edward et Leah, Rosalie et Jared, Emmett et Paul, Jasper et Embry, Quil et moi ! Finit-elle en souriant gracieusement à ce dernier. Carlisle et Esmée resteront ensemble…avec Sam.

-          Sam ?Demande-t-on tous en même temps.

-          Oui, Sam…, répète Alice qui devine notre étonnement.

-          Mais qui protègera nos femmes ? S’inquiète Jared en pensant à Kim.

Nous tournons tous la tête vers Edward car lui seul peut entendre nos questions.

-          Seth…il restera près d’elles.

Je sens un léger soulagement de la part de mes frères. C’est vrai que notre petit frère était resté là-bas sous les ordres de Sam et qu’il avait déjà fait ses preuves en tant que guerrier. Or, il est encore si jeune…je peux comprendre que l’inquiétude ne disparaisse pas complètement dans l’esprit de mes frères. Je me sens aussi un peu honteux de n’en ressentir aucune…même si j’aime ma famille, ces femmes-là ne sont pas les miennes. Moi je n’ai plus personne à Forks. Plus personne à protéger ni pour qui je dois m’inquiéter. Mon égoïsme me chamboule un peu et je me mets à l’écart. L’image de Rachel s’impose à nouveau à moi, je vis encore le moment de sa transformation mais cette fois, ma colère est teintée de remords car les intentions des Volturi changent tout…je me rends compte que je ne sais plus trop où j’en suis. J’ai toujours cette envie de la détruire mais cette fois, ce n’est plus pour éliminer le monstre qu’elle était devenue. Non…cette fois, c’est pour abréger ses souffrances. Je ressens ce même sentiment que lorsque j’étais enfant et que je chassais le gibier avec mon père. Je me souviens d’un jour qui restera à jamais graver dans ma mémoire et qui hante encore mon esprit à chaque fois que je chasse aujourd’hui. Mon père avait tiré sur un faon au lieu de toucher la biche qu’il visait. Affolés, nous avions couru jusqu’à l’animal qui, hélas, n’était pas mort. Je l’avais tout de suite vu en m’approchant, je voyais encore sa cage thoracique se soulever rapidement, signe de sa souffrance. Mon père jurait à côté de moi, il détestait ça. Moi, je me souviens encore de la peine que j’ai ressenti car le faon était jeune et frêle. J’avais vu alors mon père sortir son couteau et, les lèvres serrées, planter la lame dans le cœur du petit. Après cela, il n’avait même pas voulu le ramener à la maison. La vue de son erreur le dérangeait de trop. Il voulait l’oublier. Encore aujourd’hui, cette image me rendait triste. La chasse était nécessaire, vitale à notre peuple, mais la chasse comportait des règles et tuer un petit était presque un crime à nos yeux. Même par erreur. Ce faon n’était pas responsable, il suivait sa mère avec confiance. Tout comme Rachel…elle m’avait suivi, chaque jour, avec confiance, se sentant même protégée…alors que j’avais des ennemis, mortels, tout comme la biche avait le chasseur. Et elle avait été touchée, à ma place… parce qu’elle était avec moi. Sauf que mes ennemis n’avaient pas commis d’erreur. Ils avaient voulu sa mort et aujourd’hui, je me sentais dans l’obligation d’abréger ses souffrances, tout comme mon père l’avait fait…je voulais la libérer de ce monstre qu’elle était devenue.

-          Avant de la brûler…demande-lui d’abord si elle souffre vraiment, me coupe la douce voix de Bella.

Etonné, je tourne brusquement la tête vers elle.

-          Edward m’a traduit tes pensées, m’explique-t-elle.

Je grogne, maudissant le vampire qui était bien faible devant sa belle.

-          Peut-être qu’elle a accepté son sort, continue-t-elle, peut-être qu’elle apprendra à vivre comme nous…laisse-moi une chance Paul. Laisse-moi la convaincre…fais-moi confiance… c’est possible, je t’assure.

Je ne veux pas en entendre d’avantage, je veux être seul et surtout, la juger par moi-même ! Prendre moi-même ma décision… et ça ne se fera que lorsque je serai devant elle ! Je tourne la tête et me dirige vers la plage, laissant Bella me regarder m’éloigner avec dépit.

 

9 – Nos compromis

 

Je n’aurai jamais pensé que ça serait aussi folklorique ! Il aurait vraiment fallu nous filmer…c’était pathétique et j’en rirais aux larmes si ce n’était pas aussi dramatique. Mon rêve, ou plutôt cauchemar, devenait presque réalité. Nous avions bien chassé, nous, les loups-garous, en compagnie de vampires ! Et pas n’importe quelle chasse ! Non, celle où tout le monde repère en même temps le même gibier ! Je ne sais pas combien de fois j’ai bourré ou me suis fait jeter par l’un d’eux en me lançant sur une biche ou un gros cochon poilu qu’Edward appelle un sanglier. La force herculéenne d’Emmett et la rapidité d’Edward nous ont joué des tours à plusieurs reprises. Quil et Alice se sont faits du coude à coude pendant plusieurs kilomètres, testant ainsi leur capacité à s’adapter à leur vie commune pendant le voyage. Embry et Jared se sont fait souffler un chevreuil par Rosalie, qui a même souris en voyant leur mine dépitée. Jasper s’est même servi de son pouvoir pour calmer une biche affolée ! Seule Bella manquait à l’appel, elle avait dû partir chasser plus loin...mais nous ne pouvions pas trop nous éloigner de notre campement afin d’éviter de nous faire repérer et nous devions aussi faire attention à ce que nous attrapions pour ne pas alerter les autorités locales car nous sommes beaucoup ! Et nous devions tous nous nourrir !!! Jared et Embry ont fini par abandonner et après quelques dernières tentatives, nous les avons suivis…vers l’océan. En effet, nous, nous pouvons nous nourrir de poissons, même des gros, nous avons assez de force et d’expérience pour les attraper sous l’eau. Les Cullen, eux, ont besoin de sang frais et on ne peut pas dire que les poissons en aient beaucoup…donc nous avons fini cette chasse épique en leur laissant le gibier. Encore un compromis qui m’agace mais qui, hélas, est nécessaire…

 

Je suis le dernier à sortir de l’eau. Je remarque le retour de Bella parmi les Cullen. Je donne un coup de museau dans un vieux ballon échoué là et je suis Jacob qui, épuisé, va se coucher près de nos frères déjà assoupis. Le soleil est haut dans le ciel et le lieu est complètement désert. Même pas un bateau…

En ayant visité un peu les environs, je comprends pourquoi. La petite plage où nous sommes est inaccessible par les terres et doit donc être peu connue. Sur les falaises, la forêt est dense et me fait un peu penser à celle de Forks. De plus, aujourd’hui, l’océan est agité donc je doute que les petits bateaux osent s’aventurer pour pêcher ou faire une halte dans le coin. En gros, nous avons bien choisi l’endroit et je suppose qu’Alice ou l’un des Cullen y est pour quelque chose.

 

La matinée passe lentement. J’évite de penser. Les Cullen parlent beaucoup près de nous, ils attendent leur père et nous, notre Alpha.

Soudain, j’entends rire et je relève la tête. Je découvre alors Emmett, les bras chargés de vêtements pendant qu’il lance, à l’intention de sa famille :

-          Bah quoi ? On ne va quand même pas les laisser comme ça tout le temps ?

-          A la première transformation, ils seront en lambeaux, lui rappelle Bella.

-          Eh bien, ils ne les porteront que pour la journée ! En conclue Emmett en s’avançant vers nous avec un sourire triomphant.

Je m’amuse de son insouciance et suis quand même content de voir qu’il n’a pas hésité à voler des vêtements pour qu’on puisse reprendre forme humaine et communiquer un peu. Mes frères glapissent de joie près de moi pendant que nous encerclons Emmett et son paquet. Il les fait tomber sur le sable en disant comme un maître à ses chiens :

-          Amusez-vous les gars !

Aussitôt, je vois Bella, Alice et Rosalie détourner le regard pendant que nous nous transformons en synchrone. Comme des gosses, nous nous arrachons les vêtements afin d’obtenir le meilleur jeans ou le plus beau tee-shirt pendant qu’Emmett rit en précisant :

-          Vous battez pas ! J’ai pris la même taille pour tout le monde !!!

Alors, notre frénésie se calme un peu pendant que nous enfilons ce qui nous manquait tant ! Je remarque alors Leah, en retrait et toujours en louve, qui nous observe avec son perpétuel regard méprisant. Puis, son expression faciale change radicalement lorsqu’elle voit Emmett s’avancer vers elle en disant :

-          J’ai failli t’oublier…voilà pour toi.

Je le vois déposer un jeans et un tee-shirt noir féminin à ses pattes. Sa prévenance me surprend vraiment et je vois que Leah aussi ! Je me sens observé et tourne la tête vers les Cullen où mon regard croise celui de Bella qui, réjouie, me fixe avec un sourcil arqué. Je comprends alors le message : « Tu vois ! La séduction fonctionne entre un vampire et un loup ! ». Pour une fois, son attitude m’amuse et je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas sourire franchement.

 

Mon loup me rend plus fort et plus sûr de moi mais je retrouve mon corps humain avec beaucoup de plaisir. Je n’étais jamais resté aussi longtemps sous ma forme animale, Jacob l’avait déjà fait et d’après les souvenirs que je pouvais lire en lui, je sais qu’on a un temps d’adaptation assez déstabilisant les premières heures. On se sent plus faible, limité et surtout, plus vulnérable ! Surtout lorsqu’on doit partager son temps avec des vampires. Mais, je ne pouvais pas dire le contraire…les Cullen sont des vampires civilisés et d’une nature agréable. Malgré toutes les tensions, malgré les enjeux, ils restent optimistes et motivés. Cela dit, heureusement que ce moment instable ne dure pas.

Assis sur le sable, je les observe de loin s’entrainer. Emmett me fait rire à plusieurs reprises mais  j’admire sa force et sa technique de combat. Je suis content de faire équipe avec lui. Je dirai même qu’il ne pouvait pas en être autrement. Entre lui et moi, il y a toujours eu cette connexion inexpliquée qui me surprend encore aujourd’hui mais que je ne rejette pas. Nous avons commencé par nous défier, puis nous battre ensemble et ensuite côte à côte…il m’a sauvé la vie lors du combat avec les vampires nouveau-nés et depuis ce jour, sans même qu’on en parle, je sais au fond de moi que je pourrais toujours compter sur lui…et qu’il pourra toujours compter sur moi ! Quelque part, j’arrive alors à comprendre certains liens entre les Cullen et nous, comme l’amitié de Seth pour Edward dès le premier regard, le respect de Jacob pour le Docteur Cullen et son amour pour Bella qui ne s’est pas éteint avec les changements. Je tourne la tête vers lui et je vois à sa mâchoire crispée qu’il redoute comme moi le moment où ne seront ensemble face à elle. Aujourd’hui, je ne sais même pas moi-même comment je vais réagir.

 

Un coup sur la tête me sort de mes pensées :

-          Arrête de trop réfléchir ! Ton cerveau va cramer …

-          Hum…merci Leah. J’aime ta délicatesse !

Elle s’assoit sur le sable à mes côtés. Jambes repliées, elle soupire tout en observant les Cullen. Je sens qu’elle veut me parler alors je la taquine :

-          Tu n’en reviens encore pas hein ?

-          Quoi ? Demande-t-elle sèchement.

-          De la prévenance d’Emmett.

Elle hausse les épaules, ses cheveux coupés au carré suivent le mouvement et elle finit par dire, les sourcils froncés :

-          Ils ne sont pas tous mauvais…je dirai même que ce sont des vrais alliés.

-          Mmm, je n’irai pas jusque là, murmure-je. Mais nous sommes alliés pour l’instant oui.

Elle tourne brusquement son visage vers moi et réplique, agacée :

-          Tu ne crois donc en rien ???

Je baisse la tête pendant qu’elle continue :

-          Nom d’un chien Paul ! Laisse une chance aux gens qui t’entourent !!!

Je réfléchis à une réponse qui lui fermerait son claquet mais n’en trouve pas une assez grinçante alors elle s’énerve :

-          Sérieusement ! Tu crois que tu feras quoi face à elle ? Hein ?!! Et face à Jacob ?? Tu crois vraiment que tu seras capable de la tuer ? Tu crois vraiment que tu vas pouvoir détruire la femme de ta vie ? Honnêtement Paul ? Tu te sens capable de faire cette horreur ? demande-t-elle plus doucement, la voix légèrement vacillante.

Surpris, je relève les yeux sur elle et vois des larmes perler au bord de ses cils. Ça m’étonne de sa part, elle si forte et se prenant même parfois pour un mec ! Elle expire avec force sans me quitter des yeux et continue :

-          C’est notre sœur Paul…c’est la sœur de Jacob…ta femme…la fille de Billy…c’est une Quileute…

-          Tu ne l’as pas vue…, arrive-je à lui dire. Tu n’as pas vue ce qu’elle est devenue. Ses yeux sont rouges sang ! Ajoute-je les dents serrées. Elle pue le vampire ! Elle est aussi rapide qu’eux ! Elle est devenue un monstre !

Aux yeux de Leah, je me rends compte que je viens d’élever la voix. J’ose détourner le regard et vois que tous les Cullen nous regardent…ainsi que mes frères. Je croise le regard noir de Jacob, ses mâchoires blanchies tellement il a le visage crispé et pour la première fois, je n’arrive pas à soutenir le défi. Je baisse les yeux vers le sable, un peu honteux de m’être emporté devant tout le monde, leur montrant ainsi que mes intentions n’ont pas changé ! Je risque alors d’être éjecté du groupe…je le sais. Edward avait été clair là-dessus.

Je vois alors Emmett s’avancer droit sur nous. Ses mâchoires carrées durcies, il me fixe sévèrement et je sens un souffle de colère chatouiller ma nuque. Puis, pendant une seconde, il disparaît de ma vue et lorsqu’il réapparait, je me prends le vieux ballon échoué en pleine tête, avec toute la force dont il est capable.

-          Bon…on va jouer ! ça détendra tout le monde ! Lance-t-il froidement pendant que je reprends mes esprits.

Leah le regarde, hébétée et moi je me lève…je n’ai pas le choix.

Face à face, Emmett et moi nous toisons durement puis je vois un faible sourire se dessiner sur ses lèvres et il me dit :

-          Allez cabot…montre-moi ce que tu as dans le ventre !

-          Avec plaisir…

Aussi vite que la lumière, il retourne près de sa famille. Mes frères se lèvent et viennent m’entourer. Jacob vient se placer à ma gauche, me confirmant ainsi sa position de leader. Jared se place de l’autre côté pendant que Quil, Embry et Leah se placent derrière nous. Les Cullen et nous nous faisons face, une ligne imaginaire nous sépare.

Emmett et moi nous fixons avec défi puis, sans même que je vois son mouvement, le ballon nous arrive dessus et ainsi commence la partie de volleyball la plus spectaculaire jamais vue dans ce monde. A six contre six, et ceci malgré que nous soyons sous notre forme humaine, le combat est presque égal. Je me rends compte alors que deux ans après notre mutation, notre corps a subi des changements énormes. Nous sommes devenus plus forts, plus résistants, plus rapides et surtout, notre corps « sait » qu’il peut guérir donc, inconsciemment nous prenons des risques, poussons nos limites et mettons toute notre force dans ce combat amical. Les Cullen sont évidemment plus rapides et plus puissants mais ils n’en abusent pas. Nous repoussons nos limites, eux musèlent leurs forces. Sauf Bella…qui a envie de se tester on dirait…vu les coups violents qu’elle flanque à ce pauvre ballon. Même Edward lui demande de se calmer après plusieurs fois où Quil doit aller chercher la balle à plusieurs mètres. Nous jouons ainsi pendant si longtemps que je suis surpris de voir l’horizon rougir. Et pire encore lorsqu’une forte odeur familière me chatouille les narines et que je vois deux vampires sortirent de l’eau suivi d’un loup noir, aussi grand qu’eux. Nous stoppons notre partie et nous dirigeons tous ensemble vers eux. Carlisle lance un regard appréciateur sur notre unité. Sam à ses côtés, il avance vers Edward qui se détache du groupe et qui lui tend la main en disant :

-          Vous nous avez trouvé…

-          Vos coups de balle ressemblent à des coups de tonnerre mon fils…

Edward hoche la tête en se retenant de rire pendant que la petite Alice se jette dans les bras d’Esmée. Emmett s’avance vers Sam avec un paquet de vêtements à la main en disant :

-          J’ai aussi pensé à vous !

Même Jasper éclate de rire et je sens alors une grande allégresse m’envahir. Son pouvoir est vraiment très puissant. Il me ferait presque croire que je suis calme et heureux.

Sam se transforme et enfile son jeans, visiblement content de reprendre forme humaine.

Nous encerclons notre Alpha et Quil demande :

-          Comment va Emily ?

-          Elle va bien, confirme Sam. Kim est près d’elle avec Sue Clearwater.

-          Seth sera à la hauteur ? S’inquiète Jared.

-          Seth est très fort ! Rétorque Jacob pour le défendre.

-          Je confirme, intervient Edward. Je l’ai déjà vu à l’œuvre. Il sera capable de protéger vos femmes.

Sam hoche la tête en direction du vampire pour affirmer ses dires et nous rassurer.

Bella demande alors au docteur Cullen :

-          Des nouvelles de Séraphina ?

-          Elle n’est pas revenue à la Réserve, répond ce dernier.

-          Non…elle est repartie en Allemagne rejoindre son clan, confirme Alice. Elle a fait une pause et a pensé une demi-seconde, justifie-t-elle. Elle a vu son échec…mais n’a pas encore compris que nous l’avions suivi ! Les Volturi non plus…

-          Bien ! S’exclame Carlisle. Votre plan ?

Jasper s’approche et leur explique pendant que Sam écoute attentivement. A la fin de son exposé, Carlisle prend une pause pour réfléchir puis hoche la tête en disant :

-          Très bien ! Ce voyage ne devrait pas être très long…le tout est d’être discret. Comme il fera nuit, ça devrait être jouable.

-          J’ai juste besoin d’une heure de repos, déclare Sam, et nous partons.

-          Nous avons tous besoin de repos, ajoute le docteur Cullen. Esmée et moi partons chasser puis, lorsque la lune sera bien haute, nous prendrons la route.

-          Parfait ! Approuve Sam.

-          On va aller te chercher une bestiole ! S’écrie Jared. Tu pourras même la manger couché !

-          C’est gentil mon frère, mais le docteur Cullen a tenu à ce que nous fassions beaucoup de pauses pendant la traversée, afin que je n’arrive pas complètement hors service ici…j’ai donc pu m’avaler quelques poissons en passant.

Un à un, Sam nous dévisage, analysant ainsi notre état d’esprit. Son regard s’arrête sur moi, sévère. Puis, il se détourne et se pose sur Jacob qui ne parle pas beaucoup depuis que nous sommes ici.

-          Tout va bien ? Demande notre chef.

Sa question ressemble plus à un « j’espère que tout va bien » mais Jacob répond :

-          Tout va bien…

Sam me regarde à nouveau et je confirme :

-          Tout va bien…

-          Parfait ! Claque-t-il. Paul…il va s’en dire que je n’approuve pas ta fuite et tout ce qui en découle…tu ne nous as pas laissé le temps d’établir un plan convenable mais heureusement, les Cullen pensent à notre place ! Jacob…que penses-tu de leur plan ?

-          Il se tient…ainsi, nous encerclerons Volterra et chaque binôme aura une force égale.

-          Et quel est le plan final ? Demande Sam.

Comme personne ne répond, il insiste :

-          Que ferez-vous tous les deux ? …une fois que vous serez devant Rachel.

-          Nous la ramènerons à la maison, répond froidement Jacob en tournant la tête vers moi pendant que je m’obstine à fixer Sam qui ne me quitte pas des yeux non plus.

Quelques secondes passent, où j’hésite à répondre quand Sam demande à Jacob :

-          Et si elle refuse ?

Je sens mon frère à mes côtés, légèrement déstabilisé puis je l’entends répondre :

-          Nous aurons essayé…elle restera avec eux.

Je m’apprête à riposter «  ça non ! » mais Sam me coupe en disant :

-          Nous verrons.

Je comprends alors quelque chose dans cette remarque…Sam envisagerait-il sa destruction tout comme moi ? Ferait-il parti de ceux qui voient en Rachel un ennemi ? En observant la mine sombre de Jacob, je commence à me dire qu’il est le seul, avec les Cullen, à vouloir récupérer Rachel. Sam avait failli perdre Emily…ses opinions avaient peut-être changé depuis cet instant. Il avait vécu ce que j’avais vécu : l’horreur de voir sa femme devenir un monstre. Mais sa femme avait été sauvée, grâce à Bella.

Notre groupe se disperse pendant que Sam va s’asseoir sur le sable afin de se reposer.

Je me dirige vers l’océan, où les vagues font un bruit de papier froissé lorsqu’elles roulent sur elles-mêmes. Je sens une présence à mes côtés et tourne la tête. Embry et Quil m’imitent et fixent droit devant eux, leurs visages graves. Nous gardons le silence pendant quelques secondes puis Quil déclare :

-          C’est peut-être la dernière fois qu’on voit un couché de soleil…

Je lève alors les yeux sur la boule de feu qu’on ne voit quasi plus et j’ai une étrange idée dans la tête, comme si Quil était venu juste à temps pour que je voie le soleil avant de mourir. Je réalise alors soudain que depuis tous ces mois, j’y suis enfin…car à partir du moment où nous allons quitter cette plage, tout va se passer très vite. Je me retrouverai vite devant Rachel. J’espère avoir le temps d’y être ! J’espère que ce plan va fonctionner, que nous allons briser les défenses des Volturis et atteindre leur cœur tous ensemble ! J’ai alors une drôle de sensation dans tout le corps, comme un mauvais pressentiment… J’espère qu’aucun de mes frères ne mourra…j’espère même qu’aucun des Cullen ne sera détruit. Ma colère et ma soif de vengeance m’avaient aveuglé durant tout ce temps mais à présent, je dois me concentrer sur ceux qui m’entourent et atteindre mon but avec le moins de dégâts possibles. Je sais que je ne suis plus le seul concerné, que mes frères risquent aussi de perdre leurs femmes, que notre descendance est menacée, que même les Cullen peuvent perdre leur existence. Je tourne alors la tête vers Emmett qui embrasse avec douceur Rosalie, à l’écart du groupe et une nouvelle détermination m’envahi. Je comprends alors que je suis prêt à tout pour détruire Rachel si elle reste notre ennemie et le plus grand nombre de vampires mais que je suis aussi prêt à me sacrifier pour sauver ma meute, sauver la sauvegarde de notre espèce en protégeant mes frères mais aussi…sauver les Cullen. Je me battrai encore à leur côté, je ferai équipe avec Emmett pour tous nous sauver et s’il est en danger, je le sauverai lui aussi ! Cette certitude me soulage un peu, je me sens tel que je suis : un Protecteur.

 

10 – La traversée

 

L’heure est venue…et je me sens très excité. La dernière ligne droite…Je m’imagine soudain là-bas, dans l’antre des vampires quand une autre idée complètement stupide vient me traverser l’esprit. Une idée aussi partagée par Embry qui dit à Quil :

-          Mince, on va devoir rester en loups tout le temps maintenant…On va devoir déchirer nos vêtements pour la mutation.

-          Mais non…, le coupe une voix féminine près de moi.

Je tourne la tête et vois Alice s’avancer vers nous, ses cheveux en bataille et un sourire satisfait sur ses lèvres. Elle me balance un sac, puis un à Embry et un autre à Quil en disant :

-          Nous serons voleurs jusqu’au bout..., soupire-t-elle. Tenez, mettez vos affaires là-dedans et votre compagnon le portera.

-          Notre…Compagnon ? S’étonne Jared avant de s’esclaffer en comprenant qu’Alice parle des Cullen. Nos compagnons !!!

Et il part dans un rire tonitruant moqueur qui me fait sourire. 

-          Tu peux rester à poil si tu veux ! Lui claque Quil, agacé que Jared réagisse comme ça alors que la jeune vampire semble amicale.

-          Oh c’est bon ! Grogne Jared. Tu lui feras un bon compagnon tiens pendant la traversée !

Quil ne relève pas et fait un large sourire à Alice pour la remercier de son attention. Emmett donne des sacs à Leah, Sam et Jacob en disant :

-          J’ai même laissé de l’argent sur le comptoir avec les étiquettes ! Je suis un voleur gentleman messieurs…dame, ajoute-t-il précipitamment en croisant le regard noir de Leah.

Mes frères et moi nous éloignons pour nous déshabiller, mettre nos vêtements dans nos sacs et muter. Chacun avec notre paquetage dans la gueule, nous rejoignons ensuite les Cullen qui nous attendent patiemment. Nous déposons alors nos sacs aux pieds de nos binômes respectifs.

La petite Alice se place au centre de nous tous et déclare, en s’adressant aux Cullen :

-          Je sais que ça va être dur mais ne pensez pas aux loups quand vous vous éloignerez d’eux pour que je vous vois, sinon, je ne verrais pas vos intentions. Pour rappel, quand Bella pensait à Jacob ou se trouvait avec lui, je ne voyais rien. Si elle hésitait, je voyais flou ou instable.

D’instinct, nous tournons tous la tête en un seul mouvement vers Edward, guettant sa réaction à ce souvenir mais il reste de marbre. Alice continue malgré le malaise :

-          Soyez bien clairs dans vos pensées et dans vos choix ! Et pour vous les loups, dit-elle en se tournant vers nous, et bien… il vous suffit de parler entre vous, mais seul Edward peut vous entendre, n’oubliez pas.

Nous hochons tous la tête vers elle puis vers les autres Cullen. Carlisle prend alors la parole :

-          Très bien…je n’ai pas à vous dire que nous allons tous au devant du danger…voir de la mort. Je compte sur vous pour oublier qui nous sommes et ne faire qu’un ! Nous devons être unis, ainsi nous serons beaucoup plus forts que les Volturis même s’ils nous dépassent en nombre. Ils ne nous ont encore pas repérés, continue-t-il en jetant un œil à Alice qui confirme, ils ne savent pas ce que nous nous apprêtons à faire… nous devons les surprendre, ainsi ils seront déstabilisés et surtout, n’auront pas le temps d’appeler des vampires puissants pour nous combattre. Vous avez eu un aperçu des pouvoirs de certains de la garde personnelle de Aro…vous ne les avez pas tous rencontrés…, nous prévient-il, et nous ne les connaissons pas tous. Nous devrons faire le point régulièrement et surtout lorsque nous serons aux pieds de Volterra.

Il se tait alors et nous observe un par un.

-          Je crois en notre équipe…, déclare-t-il après une courte hésitation. Je crois en notre Alliance. Nous avons toujours été plus forts ensemble. Nous avons vaincu les nouveau-nés, côte à côte, nous rappelle-t-il. Comme une même famille….

Sa dernière remarque jette une espèce d’agitation parmi les loups que seul Edward capte.

-          J’ai confiance en nous tous ! Ajoute Jasper en rejoignant Carlisle dans le cercle. Je sais que notre unité est notre force ! Personnellement, je ferai ce que je peux pour calmer les esprits…De tous. Mais vous devrez y mettre aussi du votre, annonce-t-il à notre attention.

J’entends alors Sam répondre :

-          Nous sommes prêts et nous sommes vos alliés. Vous pourrez toujours compter sur nous.

Edward retransmet alors le message à sa famille qui hoche la tête en simultané.

-          Une fois que nous serrons là-bas, dit Carlisle plus doucement, je sais que ça va être difficile pour vous…surtout lorsque nous serons devant Rachel. Je sais que certains d’entre vous ont beaucoup d’espoir de la ramener parmi nous, je sais aussi que d’autres ne veulent pas, ajoute-t-il sans viser personne. Il faudra vous décider rapidement et faire un choix. Nous n’aurons sûrement pas beaucoup de temps pour négocier…elle ne sera peut-être même pas d’accord, elle essayera peut-être de vous tuer. Pour l’instant…ses intentions sont floues.

Je dresse les oreilles, étonné. Ainsi, Alice avait capté Rachel ! Je tourne la tête vers elle alors qu’elle évite mon regard. Floues ? Pourquoi floues ?

Edward dit alors avec son amabilité habituelle :

-          Paul aimerait en savoir un peu plus…

Je remarque que ce n’est pas le cas de Jacob et comprends qu’il sait déjà…

Alice ose alors me regarder puis son père qui hésite et finit par hocher la tête, lui donnant la permission de me parler.

-          Je la vois…je la vois parmi eux. Mais elle n’a pas…d’intentions. Elle ne pense pas.

Je sens mon cœur s’accélérer. Ça me parait soudain étrange d’entendre de ses nouvelles.

-          Rachel est un peu désorientée je pense…elle a soif…comme tous les nouveau-nés. Elle suit le mouvement…mais elle semble perturbée. Parfois je la vois clairement, parfois c’est flou, parfois…elle disparaît.

-          Comment est-ce possible ? demande-je.

Edward répète ma question, hésitant. Alice me donne aussi l’impression de marcher sur des œufs. C’est la première fois que je la vois aussi peu sûre d’elle.

-          Je ne sais pas Paul…, finit-elle par répondre, mais j’ai la même impression que lorsque Bella était humaine et se trouvait à la Réserve…les loups-garous brouillent mes visions…j’ai parfois l’impression que Rachel brouille aussi mes visions…c’est tout ce que je sais pour l’instant. Et ça expliquerait que je l’ai perdue de vue dès qu’elle s’est transformée à Forks. J’ai eu beaucoup de mal à la localiser. Je la croyais encore en Angleterre quand j’ai soudain découvert qu’elle était déjà en Italie. Je n’avais pas vu son intention de voyager. Et comme elle se trouvait avec Séraphina qui ne pense pas beaucoup, ça a été très difficile pour moi, s’explique-t-elle.

Cette information me laisse perplexe. Je tourne la tête vers Jacob et soudain je comprends son changement de décision concernant sa mise à mort si elle ne nous suivait pas. Toutes ces révélations d’Alice, sur l’objectif des vampires et cet état d’esprit de Rachel ont changé la donne. Je m’approche de lui et lui dis par la pensée :

-          Pourquoi tu as changé d'avis ?

-          Je n'ai pas changé d'avis …mais je vais peut-être lui laisser du temps, même si elle refuse de nous suivre, même si elle est devenue vampire…elle n'est pas responsable, c'est notre faute Paul, tu l'as entendu comme moi et puis...

-          Et puis quoi ? Si elle reste, elle continuera de tuer des humains !! Tu l’as entendu comme moi, « elle suit le mouvement »…

Bizarrement, je ne me sens pas crédible dans ma protestation…j’essaie juste de savoir où Jacob en est.

-          Bella m'en voudrait si je la détruisais,m’avoue-t-il.

-          Quoi ???

-          Elle m’a dit que j’allais perdre définitivement mon âme et elle a raison…, continue-t-il tristement. Je ne pourrai pas.

Alors ça ! C’était le bouquet ! Elle arrivait à tous nous manipuler !!!

-          Elle me dit que si elle refuse maintenant de nous suivre, elle reviendra peut-être d'elle-même plus tard,se justifie Jacob, sachant ce qui vient de me traverser l’esprit.

Je réfléchis à cette idée puis m’imagine ces deux là en train de parler du sort de Rachel et Jacob capituler face à sa décision de la tuer lui-même. Je secoue la tête et lui lance :

-          C'est de la folie, vous êtes cinglés !!!

-          Bien ! Lance Carlisle, coupant notre conversation sans le savoir. Alors allons-y ! Rendez-vous au pied de Volterra.

Nous répondons par un glapissement qui semble venir d’une seule voix.

 

Je vais donc me placer près d’Emmett qui met mon sac sur son dos en me faisant un clin d’œil. Je vois avec stupeur Bella grimper sur le dos de Jacob dont je capte les battements de cœur jusqu’ici. Elle s’accroche à sa crinière et il bondit vers la forêt, l’emportant avec lui. Alice avance déjà, Quil sur les talons. Carlisle et Esmée rejoignent Sam et se mettent en route. Leah s’avance avec réticence vers Edward qui lui sourit amicalement pendant qu’Embry rejoint Jasper et Jared, Rosalie, en grognant :

-          Ah ça va être sympa tiens…je vais avoir droit à la gueule pendant tout le trajet !

Nous éclatons de rire malgré nous. Je lance un regard vers Emmett qui me lance :

-          En route frérot !

 

Nous courrons ainsi côte à côte pendant près de deux heures. Le paysage est étonnant, les arbres si différents ainsi que l’air que je respire. Emmett semble traverser cette forêt comme si il glissait sur le sol, il fend l’air si vite que j’entends un léger sifflement devant moi. Quand soudain je capte un message de Quil. Je stoppe net ma course, Emmett s’arrête aussi, étonné :

-          Alice veut qu’on fasse une pause ? Demande-t-il.

Je hoche la tête pendant qu’un autre message de Quil me parvient. Je mute alors devant Emmett en disant :

-          Elle veut qu’on s’arrête maintenant et qu’on ne bouge plus pendant une demi-heure…

-          Très bien, répond-il en retirant son sac du dos. Elle doit avoir ses raisons.

Il l’ouvre et me tend mon jeans que j’enfile aussitôt. Je m’assoie au pied d’un arbre, Emmett me rejoint. Il capte aussitôt la tristesse sur mon visage. Je sais que c’est quelque chose qui ne m’a pas quitté depuis la mort de Rachel. Nos regards se croisent, j’ai soudain envie de parler d’elle, savoir ce que je dois vraiment faire…je ne sais pas pourquoi j’ai un doute là, à cet instant, les paroles de Jacob trottent encore dans ma tête…je m’apprête à ouvrir la bouche quand Emmett me coupe :

-          Je ne veux rien entendre ! Tes idées suicidaires ne m’intéressent pas ! Parlons baseball ! Ou hockey ! Tu as vu les débuts de la Ligue nationale ?

-          Non désolé, j’avais un peu l’esprit occupé…

-          Ah oui…allez, c’est laquelle ton équipe préférée ? Insiste-t-il, voulant me changer les idées.

-          Emmett …

-          Ok, soupire-t-il. Bon…tu comptes faire quoi alors ?

-          Je ne sais pas…

Je prends une brindille et la fait tourner…c’est vrai, je ne sais pas, je ne sais plus…Les paroles de Alice m’ont perturbé, celles de Jacob aussi. Jusque là, Rachel restait dans ma tête comme celle qui s’était transformée devant moi en monstre et avait battu mes frères pour se sauver. Maintenant, je l’imaginais « vivre », j’avais des faits précis de son existence. Pas des trucs imaginés comme c’était le cas jusque maintenant… Je tourne la tête vers mon compagnon qui semble attendre patiemment que je sois plus détendu. Je l’observe plus attentivement, repense à tout ce qu’il fait pour mon peuple depuis un moment puis lui demande :

-          Parle-moi de toi…

-          Ah ! Ah ! Se moque-t-il. Qu’est-ce que tu veux savoir ?

-          Tout…

-          Hum…je suis mort ! Commence-t-il en éclatant de rire. Je suis mort depuis…très longtemps, continue-t-il plus sérieusement.

-          Comment ?

-          Attaqué par un ours…C’est Rosalie qui m’a trouvé, attirée par mon sang. Carlisle m’a sauvé !

-          Sauvé ? M’étonne-je.

-          Ouais ! Moi j’adore être un vampire ! Je trouve ça super cool ! Je suis bien content que Bella soit devenue ma sœur.

-          Je ne te suis pas sur ce point, désolé…

Un malaise vient de s’installer entre nous et je n’aime pas ça. Alors je prends sur moi et demande, moqueur :

-          Bon alors…mis à part ça ? Tu fais quoi à part sucer du sang…

-          Je joue au baseball ! Répond-il en mimant le geste du batteur.

Je ris quand soudain, Emmett se lève d’un bond et renifle en disant :

-          Hum…Tu permets deux secondes ?

-          Je t’en prie…

Il me sourit, s’apprête à me quitter quand, telle une apparition, Edward se trouve devant nous, l’air sévère.

-          Emmett, je t’interdis formellement de toucher à cet ours !

-          Quoi ? Mais pourquoi ??? Riposte ce dernier, outré.

-          Paul, continue Edward sans tenir compte de la protestation d’Emmett, tu devrais être en loup ! La communication était rompue avec tout le groupe ! Alice est en pleine panique et tes frères aussi !

Je me redresse, tout en fixant Edward, un léger sourire sur les lèvres.

-          Ils pensaient que j’avais battu Emmett et filé ?

-          Je t’entendais encore, justifie Edward, je les ai donc rassurés. Mais tu es prié de garder le contact…

-          Eh, intervient Emmett, il peut bien se reposer deux minutes non ? Et j’avais envie de discuter moi !

Edward semble réfléchir puis déclare :

-          Très bien. Pas plus de dix minutes de pause-loup !

Ensuite, il se place droit devant son frère et ajoute :

-          Je te préviens…tu ne touches pas cet ours ! Cette espèce est férocement protégée dans ce pays…ils en restent très peu. Si tu y touches, non seulement tu vas provoquer un cataclysme écologique et national mais en plus, tu vas nous faire repérer…

-          Quelles différences feront les humains ? Cet ours aura très bien pu être attaqué par autre chose ? Se moque Emmett devant le sérieux d’Edward.

-          Je ne parlais pas des humains…Si trop de gibier est tué dans les forêts qui mènent jusqu’en Italie, les Volturi ne manqueront pas de comprendre que nous sommes dans le coin !

Je jette un coup d’œil à Emmett, lui faisant comprendre qu’Edward a raison.

-          Très bien, très bien…

Edward hoche la tête puis disparaît à la vitesse de la lumière.

 

Je retire mon jeans, l’enfonce dans le sac à dos porté par Emmett puis je mute à nouveau. La communication avec mes frères se fait immédiatement.

-          Paul ! La prochaine fois, tu préviens quand tu reprends forme humaine !Rage Jacob.

-          Je vous avais dit qu’il ne s’était pas tiré !Lance Jared.

-          Je l’avais dit aussi !Ajoute Quil.

-          Paul, ne nous fait plus jamais un coup pareil,déclare Sam. Nous étions près à tous quitter nos positions.

-          Lâchez-moi !Grogne-je en réponse à tout ce vacarme.

Alors Emmett et moi reprenons notre course à travers le cœur de la forêt.

 

Au bout de quelques heures, j’entends Quil me dire que nous devons encore ralentir. Alors je passe de la course à la petite foulée puis à la marche pendant qu’Emmett se calque sur moi. Nous marchons ainsi pendant encore deux bonnes heures, en silence…Emmett dans ses pensées, moi à l’écoute de mes frères, plongé dans leurs souvenirs pour ne pas entrer dans les miens. Parfois, je me concentre sur la discussion entre Leah et Edward qui se passe à des kilomètres de nous et je souris d’entendre ma sœur aussi bavarde. Au début, Edward avait essayé de lui parler mais sans vrai succès, puis à son retour de visite auprès de nous, elle avait commencé à le questionner sur ce que je faisais, elle m’avait critiqué à fond, sachant parfaitement que je l’entendais puis elle m’avait un peu oublié car Edward lui avait parlé d’Emmett et son intention de tuer l’ours qu’Alice avait capté avant même qu’il n’y pense, alertant ainsi Edward. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens depuis le coup des vêtements un vrai intérêt de Leah à propos de mon compagnon. Elle semble vraiment intriguée par l’attitude et la gentillesse du vampire. Edward, tout comme nous, a dû capter ses questions et la dirige dans cette conversation depuis plusieurs minutes maintenant, ce qui a rendu Leah très… ouverte. Elle lui demande beaucoup de précisions sur la nature des vampires, ce qu’ils ressentent entre eux, quand ils chassent, quand ils voient les gens autour d’eux mourir. Toutes des questions dont j’attends impatiemment les réponses car mon subconscient me les réclament. Et à chaque explication d’Edward, je me concentre attentivement en essayant de transposer cela à Rachel. Bien sûr, je suis conscient que Rachel n’est pas comme eux mais le fait d’apprendre que les vampires peuvent s’aimer, ressentir du plaisir, du désir même ! Qu’ils ont, tout comme nous, l’esprit de famille et de conservation de leur espèce…c’est comme si j’entendais tout ça pour la première fois, comme si, j’entendais vraiment les mots et surtout, comme si je les comprenais seulement maintenant. Je le sens, je suis moins réfractaire à tout ça, moins dégoûté, plus intrigué…tout comme Leah et elle sait, à cet instant, qu’elle m’aide et que je la remercie pour toutes ces questions que je n’oserai jamais poser.

 

Quil m’envoie un autre message. Nous sommes à quelques heures de l’Italie mais le jour va se lever et nous devons nous arrêter pour la journée. Chacun sur notre position. Emmett s’éloigne alors de moi pendant quelques minutes, montrant à Alice où nous sommes puis me rejoint pendant que je suis en admiration devant le spectacle que je vois. Au pied de la falaise où je me trouve, je découvre une immense étendue d’eau calme et d’un bleu marine profond sur lequel le soleil se lève, face à nous, faisant briller cette eau comme de l’argent. Emmett admire le décor tout comme moi puis me dit :

-          La Grande Bleue ! Depuis le temps que je devais venir la voir avec Rosalie…

Je tourne la tête vers lui et suis surpris de le voir briller de milles feux. Je me rends compte alors du danger que les Cullen courent lorsqu’ils se déplacent en plein jour et sous une exposition solaire aussi forte. Il continue en chuchotant presque :

-          Dommage que tu n’es pas là…

Je ressens soudain tout l’amour qu’il y a entre ces deux créatures. J’ai du mal à comprendre que quelqu’un d’aussi amical et joyeux qu’Emmett se soit épris d’une peste comme Rosalie mais c’est ainsi. J’entends Leah gronder et sourit intérieurement. Ainsi j’avais vu juste, ma sœur avait bien un réel intérêt pour mon compagnon. Je ressens l’écœurement de Jared et ses moqueries pendant qu’il pense :

-          Je rejoins ton point de vue mon frère, c’est une vraie peste ! Elle ne dit pas un mot ou alors très froidement…dur comme la pierre !

Je ne relève pas, souhaitant bizarrement respecter la femme d’Emmett.

Je finis par m’asseoir pendant que le vampire recule un peu sous les arbres afin de ne pas attirer l’attention sur nous. Je décide de le rejoindre et me couche même près de lui. Il fixe toujours l’eau et me demande :

-          Tu ne l’avais jamais vue non plus ? La Mer Méditerranée ?

Je secoue la tête. Non, à part Forks, je n’avais jamais voyagé.

-          A notre retour, je referai un détour par ici…avec Rosalie, murmure-t-il sans quitter des yeux la mer.

Au fond de moi, je ne peux m’empêcher d’espérer qu’ils en auront l’occasion.

 

Nous restons un moment comme ça, à contempler la beauté face à nous quand je capte un message de Jacob qui me dit :

-          Paul, je vais avoir besoin des bras puissants d’Emmett. Peux-tu lui transmettre notre position ?

-          Pourquoi faire ? Et pourquoi moi je ne viendrais pas ?

-          Les Cullen ont été bien clair là-dessus, on doit être séparés. Tu restes à ta place !

-          Je peux très bien venir et reprendre notre place après ? Jacob, qu’est-ce que tu mijotes ?

-          C’est un ordre Paul !Ose-t-il me dire. Emmett doit venir ici.

Je trouve le ton de Jacob plus qu’étrange et complètement inhabituel. Cette attitude ne lui ressemble pas. Mais après tout, je m’en fiche. Je reprends donc forme humaine et déclare :

-          Jacob veut que tu les rejoignes.

-          Quoi ? En plein jour ? Maintenant ? S’étonne Emmett.

-          Ouais…

-          Mais où sont-ils ?

-          Dix kilomètres au nord, près d’un rocher en forme de pic. Tu le sentiras je pense…

-          Ça c’est sûr !!! Confirme le vampire en riant.

Il me quitte alors, me laissant mon sac. Je décide alors de m’habiller et de rester un peu comme ça. Après tout, Edward m’entend et pourra rassurer tout le monde que je suis toujours là via Leah.

Soudain, une odeur familière me brûle le nez et je me redresse d’un bond, en position de défense.

-          Ce n’est que moi…, dit une voix que je connais bien.

-          Je me doutais bien, je t’ai reconnue…Bella, qu’est-ce que tu fous là ??

Elle s’avance vers moi et me sourit avec douceur, sans me quitter des yeux. Alors, je capte le message qu’elle me transmet avec son regard miel.

-          Ah oui …je comprends, Jacob n’a jamais eu besoin d’Emmett hein ?

-          Je voulais tenter ma chance une dernière fois avant d’arriver à Volterra, explique-t-elle.

-          Mais qu’est-ce que tu veux ? Grogne-je alors, agacé.

-          Je veux que tu comprennes que c’est possible…

-          Et tu comptes t’y prendre comment ?

-          Je ne sais pas encore…, murmure-t-elle en se plaçant face à moi.

Elle est plus petite que moi mais je sens en elle une adversaire de force égale. Elle me sourit à nouveau et je m’écrie en dressant un doigt entre nous : 

-          Je te préviens, tu ne me touches pas !!

-          Non…bien sûr que non…

Je vois alors qu’elle semble à nouveau peinée…comme l’autre jour à l’aéroport lorsque je lui ai dis que les vampires étaient des charognes. J’essaie alors de me rattraper :

-          Ecoute, ce n’est pas que …mais tu es si …glacée… et un peu trop brute à mon goût…, tente-je de plaisanter.

-          Je sais…les nouveau-nés sont toujours très forts.

-          Je sais, je me souviens des explications de Jasper !

Elle s’éloigne un peu de moi, je repense alors à son attitude depuis notre départ, sa distance et son silence. Je lui demande alors :

-          Pourquoi tu n’as pas chassé avec nous hier ?

-          Pour les mêmes raisons qui font que je suis là…, marmonne-t-elle. J’ai vu ton regard l’autre jour quand j’ai sauvé Emily…je t’ai écœuré.

Elle ose me regarder droit dans les yeux, attendant que je confirme ses dires. Mes yeux me trahissent et son visage se crispe. Alors je m’excuse :

-          Tu ne peux pas m’en vouloir Bella… ce que vous faites c’est… enfin… ça ne te dégoûtait pas quand tu étais humaine ?

Les mains dans les poches, elle baisse la tête vers le sol terreux puis finit par me répondre :

-          Je ne m’en souviens pas…

Je m’approche alors d’elle, ose poser ma main sur son bras pour l’inviter à s’asseoir par terre. Elle me suit, enroule ses bras autour de ses genoux pendant que je me cale contre l’arbre, ne cessant de l’observer. Puis j’insiste, essayant de comprendre :

-          De quoi te souviens-tu …vraiment ?

Elle hésite, semble beaucoup réfléchir. Je vois que c’est une question qu’elle s’est déjà posée elle-même car elle remet clairement ses idées en place puis murmure :

-          Je me souviens de ma famille…de Jacob…de vous…de trucs que j’ai fait avec Jacob et avec vous…je me souviens parfaitement de ma relation avec Edward. Par contre, je ne me souvenais plus de Mike Newton jusqu’à ce que je le croise, rigole-t-elle. Il m’a trouvée tellement changée que j’ai du lui raconter que je passais mon temps entre l’esthéticienne et les centres de remise en forme…maintenant que j’étais avec Edward et que son argent me permettait de vivre la grande vie…

Elle rit encore à ce souvenir puis ajoute :

-          Il avait l’air surpris et déçu mais qu’est-ce que tu voulais que je lui dise d’autre ? Je suis devenue plus belle pour te séduire et t’avoir à ma merci rien qu’en claquant des doigts ?

Elle secoue la tête, soudain plus sérieuse.

-          Et Jacob ?

-          Quoi Jacob ? Demande-t-elle sur la défensive.

-          Tu ne l’as jamais aimé…sinon tu n’aurais pas fait ça, ose-je attaquer.

Elle baisse à nouveau la tête, soupire par habitude, ce qui me fait toujours marrer intérieurement puis elle finit par répondre :

-          Je l’aimais…crois-moi je l’aimais…mais mon amour pour Edward est plus fort, beaucoup plus fort ! Avec lui, je me sens vivante, moi-même…j’ai trouvé ma place, je suis devenue celle que je voulais être, conclue-t-elle en me défiant de son regard doré.

Malgré tout, je repense à ces moments-là, quand elle venait à la Réserve et que mon frère y croyait, qu’il espérait et qu’on pensait tous qu’il parviendrait à la sauver…je revois ensuite les souvenirs qu’il m’a laissé voir, sa souffrance, ses envies de mort, son dégoût, la force qu’il avait eu à rester vivant. Je ne peux m’empêcher de lâcher, hargneux :

-          Tu t’es bien moquée de lui !

-          C’est faux !!! S’écrie-t-elle alors, outrée. Tu ne m’as pas écoutée ! Comme d’habitude ! Je l’aimais, moins qu’Edward mais mon amour était vrai. Je l’aime toujours …, finit-elle la voix brisée.

-          Impossible ! Claque-je aussitôt, réfutant cette idée absurde.

-          Si ! C’est la vérité…Et c’est pour ça que je ne te lâche pas…pour que tu saches que c’est possible ! Je tiens tellement à lui si tu savais…

Elle baisse à nouveau le regard et je comprends alors qu’elle souffre vraiment et qu’elle pleurerait en ce moment si elle pouvait. Je la laisse un petit moment, puis une autre idée me traverse l’esprit, toutes ces questions que mon esprit se pose depuis quelque temps et qui me brule les lèvres. Alors j’ose demander :

-          As-tu déjà goûté du sang …humain ? A part celui d’Emily…

-          Non, je suis végétarienne depuis le début. J’ai une grande capacité à ne pas être attirée par le sang humain, m’explique-t-elle.

-          Est-ce que tu crois que … ?

-          Non Paul…, me coupe-t-elle, sachant déjà à quoi je pense malgré moi. Non, on ne devient pas végétarien en étant nouveau-né…je suis une exception, grâce à Edward.

-          Ok…, soupire-je, déçu.

Je me rends compte alors vraiment que mon état d’esprit à changer. Est-ce que j’espère quelque part au fond de moi la sauver ? Est-ce que je pourrais lui épargner la mort ? Est-ce que je veux toujours la détruire parce qu’elle devenue un monstre à cause de moi ? Est-ce que je veux vraiment détruire le vampire qu’elle est devenue ? Ou est-ce que je serai capable de l’accepter comme ça ? De me pardonner d’être responsable de son état ? De la regarder comme je suis en train de regarder Bella ? Est-ce que Jacob avait toujours autant d’amour quand il la regardait ? La réponse s’impose à moi aussitôt : « oui »…Oui, Jacob l’aime toujours avec autant de force, malgré ce que Bella est devenue. Il ne la voit pas comme un monstre. Il la voit avec son cœur. Et dans les souvenirs que j’ai de lui, il la voit même toujours comme avant…sans l’odeur, sans les yeux chocolat devenus jaune-or, sans tous les pouvoirs qu’elle a chopé en devenant vampire. Et elle ? Comment le voyait-elle Lui ? Je lui demande alors, sur le ton de la plaisanterie :

-          Tu supportes toujours son odeur de chien ?

-          Son parfum est moins agréable qu’avant certes…mais je le supporte…

Ça expliquait qu’ils n’hésitent pas à être si proches…

-          En parlant de ça, je te trouve moins puante que les autres, tu as une explication à ça ?

Elle semble surprise, réfléchis, me dévisage quelques instants puis répond :

-          Peut-être les restes de mon sang humain…mais je pense aussi que lorsqu’on s’apprécie, que des liens se tissent, alors on accepte l’autre tel qu’il est et tout devient plus supportable…

-          Ça ne répond pas à ma question…

-          Oh…et bien, je ne sais pas ! Riposte-t-elle, déçue que je n’approuve pas sa théorie du « je t’apprécie ».

Soudain, une odeur plus forte se fait sentir et Edward se trouve face à nous. Bella se lève aussitôt, penaude alors qu’il lui dit :

-          Il est temps que tu retournes à ta place ma chérie…

-          Oui, murmure-t-elle encore plus déçue de ne m’avoir pas convaincu pour sa « dernière tentative ».

Elle s’approche de lui, l’embrasse avec douceur puis me jette un dernier regard avant de filer vers Jacob qui doit l’attendre avec impatience. Leur trio m’intrigue vraiment…je me dis alors qu’ils seront ainsi toutes leurs vies, amoureux …à trois.

Le vampire me sourit, suivant ma petite conversation intérieure. Je me lève et nous nous  faisons face. Alors il hésite puis me dit dans un petit sourire railleur :

-          Tu te demandes pourquoi tu supportes plus l’odeur de Bella ?

Je hoche la tête, attendant la réponse.

-          Tout simplement parce que son magnétisme vampirique fonctionne sur toi…

-          Quoi ? M’étonne-je.

-          Autrement dit, ma femme te plait…enfin, te plaisait, rectifie-t-il avec un sourire suffisant.

-          Quoi ??? Riposte-je aussitôt, dégoûté par cette idée.

-          Ne soit pas si récalcitrant, rit-il, content de sa petite bombe qu’il vient de me jeter à la figure. Tu n’es pas le seul…

-          Mais de quoi est-ce que tu parles ? Demande-je, énervé.

-          Souviens-toi, dit-il en s’approchant de moi, souviens-toi avant ton imprégnation…le premier jour où tu as vu Bella…tu l’as trouvée très jolie…

-          Jamais de la vie !

-          Tu veux que je te répète tes pensées exactes, me taquine-t-il. C’est un langage que je n’approuve pas, à la limite de l’irrespect mais dont vous, les Quileute, avez l’habitude d’utiliser quand vous parlez de filles entre vous…

Un flash me revient alors à l’esprit. Je revois Bella, telle qu’elle était la première fois que nous nous sommes rencontrés : volcanique, courageuse, téméraire et oui…Edward avait raison, je l’avais trouvée diablement sexy ce jour-là mais ça m’avait vite passé. Et j’avais même complètement oublié cette brève attirance par la suite. Déjà parce que nous savions tous que Bella « appartenait » au cœur de Jacob mais aussi parce que je m’étais imprégné de Rachel.

-          Oui parlons donc de Rachel, me coupe Edward. Je préfère déjà te prévenir qu’il y a des grandes chances pour que son pouvoir vampirique fonctionne aussi sur toi.

-          Arrête avec ça, grogne-je.

-          Nous verrons cela…mais si celui de Bella fonctionne, à mon grand étonnement, sur toi et sur Jacob…celui de Rachel devrait aussi fonctionner.

-          C’est impossible ! Les loups-garous et les vampires sont des ennemis naturels ! Il ne peut pas y avoir d’attirance entre eux !

-          Ah oui ? Comment expliques-tu l’amour éternel de Jacob ? Comment expliques-tu le soudain intérêt de Leah pour Emmett ?

-          Tout ça est ridicule et ne mènera nulle part !

-          En effet…sur ce point, je te rejoins…car les vampires ne connaissent pas l’imprégnation mais leur amour est solide comme la pierre, plaisante-t-il en faisant référence à leur condition. Cela dit, nos deux familles s’apprécient et des liens se tissent. C’est indéniable. Même moi je ne peux pas lutter…

Je hausse les épaules, j’aimerai tellement que cette conversation s’arrête.

-          Comme tu veux, répond Edward. Mais je voulais juste te prévenir que tu ne pourras peut-être pas lutter une fois devant elle…même si elle te veut du mal, tu risques d’être incapable de riposter…même de muter. Il faudrait que tu t’y prépares…

-          Je m’estime averti…

-          Parfait…, approuve le vampire.

Et dans un hochement de tête en guise de salut, il me laisse seul avec mes pensées.

 

11 – Mes débordements

 

La nuit tombe et nous reprenons la route. Je sais déjà que mes frères avancent au même rythme que nous et que, d’après Alice, les Volturi ne nous ont toujours pas repérés. Par contre, elle nous fait passer un message urgent : ils préparent une nouvelle attaque à Forks ! Tous les loups sont morts d’inquiétude pour les femmes que nous avons laissé seules avec Seth…tous sauf moi. Curieusement, je me sens détaché de cette nouvelle malgré que ce soient les femmes de mes frères. Pour moi, le danger est devant, pas derrière ! Derrière, il n’y a plus rien, même pas ma vie. Pendant que nous marchons, nous communiquons ensemble sur cette mauvaise nouvelle.

-          Je veux retourner Sam ! Répète Jared pour la troisième fois. Kim est en danger ! Je ne peux pas…je ne peux pas supporter d’imaginer qu’elle devienne un monstre !

-          Calme-toi Jared,répond Sam posément. Seth est avec elles. Je suis aussi inquiet que toi ! Peut-être qu’ils viennent rechercher Emily ! Peut-être qu’ils nous cherchent nous ?

-          J’ai peur pour ma petite Claire,murmure Quil.

L’image de la fillette de deux ans trotte dans ma tête. Oui…elle était si fragile. Des souvenirs de Quil me parviennent. Je le vois la tenir par la main, se promettant de la protéger toute sa vie puis il la porte et elle enroule ses bras autour de son cou pendant que Quil marche sur le sable, pieds-nus. Cette imprégnation était vraiment étrange mais en ressentant les sentiments de mon frère, je la comprenais. Pour l’instant son amour ressemblait beaucoup un à amour fraternel ou même paternel. Aucun sentiment amoureux proche de l’inceste, c’était vraiment quelque chose de pur, sans arrière-pensée, juste un amour avec tout plein de promesses d’avenir dedans.

-          Très bien, finit par dire Sam. Quil, si tu veux tu peux repartir…pour aider Seth.

-          Quoi ? Gronde Jared. Pourquoi Quil et pas moi !!!!

-          Tu sais très bien pourquoi, intervient Jacob calmement.

Oui…Claire n’a que deux ans. Impossible pour elle de distinguer le bien du mal.

-          Non, je reste, nous annonce Quil. J’ai confiance en Seth.

-          J’admire ton courage, répond Jacob. Tu peux avoir confiance en notre petit frère, il sait se battre !

-          Et bien moi, ma confiance est quand même limitée ! Claque Jared. Un loup seul n’a aucune chance contre plusieurs vampires ! C’est pour ça que nous sommes là non ? Parce que Paul n’avait aucune chance !

Je sens la conversation qui dérape…

-          Et pendant qu’on est tous là pour essayer de sauver un vampire puant, nos femmes sont en danger !!! Elles, des humaines !!!! Qui n’ont pas demandé à devenir ça et qui sont vulnérables sans nous !

Je sais qu’il a raison mais je me sens touché au vif et malgré moi, je grogne de rage. Emmett m’entend et s’arrête, inquiet. Je m’arrête aussi.

-          Très bien ! Tout le monde s’arrête ! ordonne Sam qui a capté que j’ai stoppé ma course, bouillant de rage.

-          Je ne vous ai pas demandé de me suivre !leur rappelle-je à tous, en tentant de rester calme. J’étais prêt à partir…seul…même si je devais mourir !

-          J’y serai allé aussi !Me rappelle Jacob.

Emmett m’observe, patient, se doutant que je suis en pleine conversation avec mes semblables.

-          Exact !Claque Jared au bord de l’explosion. Donc moi j’ai décidé de ne plus te suivre ! Sam, regarde où sa folie nous mène !!!

-          Calme-toi Jared,tente d’imposer notre Alpha. Nous étions tous d’accord sur ce plan. Nous sommes une famille…nous devions aider Paul. Et je vous rappelle que les vampires ont projeté de nous détruire…retourner en arrière ne servira qu’à une chose : sauver nos femmes...mais pour cette fois seulement ! Car si nous ne tuons pas nos ennemis, ils reviendront et reviendront encore ! ils feront des victimes à chaque passage…pour qu’en finalité, notre peuple soit bel et bien détruit ! Si nous faisons marche-arrière, ils gagneront à petit feu…si nous les attaquons au cœur de leur nid, un seul feu suffira pour tous les éliminer !

Un silence s’installe dans nos esprits, alors que je vois Emmett froncer les sourcils sans me quitter des yeux.

-          Ah bon Dieu ! Qu’est-ce qu’elle me veut ?Dit soudain Jared, sur le ton de la panique.

Je capte l’image que ses yeux nous renvoient. Je vois Rosalie s’approcher de lui, son visage à la hauteur de la gueule de Jared. Elle plonge son regard dans celui du loup, je me dis alors qu’elle est quand même très belle. Au travers les cils de Jared, sa blondeur lui donne une telle lumière qu’elle ressemble à un ange. Puis avec stupeur, je vois la main blanche de la vampire se lever, hésiter, puis se poser sur le museau de mon frère qui reste paralysé. Nous frissonnons tous, je sens même les battements du cœur de Jared, partagé entre l’affolement et l’envie d’attaquer. Elle passe sa main glacée sur tout le long du coup de mon frère puis lui murmure :

-          S’il vous plait…si nous n’allons pas jusqu’au bout, vous serez détruit mais ma famille aussi…je sais ce que les Volturi projettent de faire…ils veulent tous nous tuer, un par un…prendre les plus forts d’entre nous s’ils peuvent et tuer les autres. Je n’ai aucun pouvoir, je ferai partie des victimes…mais je pense à ma famille, je pense à Emmett qui croit en vous…il va se battre, pour vous, avec vous ! Aidez-le…je vous en prie.

Je n’aurai jamais cru cette harpie capable d’autant de douceur, sa séparation avec Emmett la rendait plus...docile. Je restais hypnotisé par les images que l’esprit de Jared était en train de nous envoyer. J’avais soudain envie de me battre pour elle, pour elle et sa famille et les sauver tous. Je lève les yeux vers Emmett qui attend toujours et je lis dans ses yeux jaunes une telle détermination à ne pas me lâcher que je me sens honteux de ne pas avoir plus confiance en eux depuis tout ce temps !

-          Bon les gars, marmonne Jared, encore tout chamboulé. Je vous suis…j’espère juste que je ne vais pas le regretter.

Je hoche la tête vers Emmett, signalant le départ et il semble soulagé. Puis je reprends ma marche, lentement, le vampire derrière moi, osant pour la première fois lui tourner le dos.

 

Alice veut que nous marchions lentement. Nous arrivons aux pieds des hautes montagnes que les Cullen veulent traverser. Nous aurions pu passer par la mer mais Alice a bien insisté pour que nous passions par ce chemin scabreux. Elle doit avoir ses raisons et nous suivons le mouvement.

La meute est bizarrement plus calme. Je sens Leah presque complice d’Edward, le suivant presqu’aveuglément. Quil et Alice s’entendent à merveille. Jasper et Embry se suivent sans vraiment communiquer, même par mouvement ou signe, mais il n’y a aucune animosité entre eux. Sam, le Docteur Cullen et sa femme, font des pauses fréquentes pour discuter de stratégies une fois sur place. Depuis notre altercation, Jared est comme un bébé loup aux pieds de sa belle… et Jacob…Jacob et Bella sont plus unis que jamais, Bella toujours sur son dos, Jacob très silencieux mais savourant chaque moment passé avec son amie qui est restée la même pour lui.

Leur relation m’énerve et me perturbe à la fois. Je les sens si proches, nous le sentons tous et je pense que même Edward le sent ! J’ai l’impression qu’ils font même exprès d’être physiquement si proches ! Je sais que pendant leurs pauses, ils se mettent souvent dans la même position : assis au sol, lui contre un arbre, elle contre son torse. C’est complètement délirant ! Et je me demande vraiment ce que le vampire pense de tout ça ! Il doit vraiment avoir confiance pour les laisser faire…ou alors, c’est comme je me disais depuis quelques temps : ils ne peuvent plus vivre l’un sans l’autre. C’est un ménage à trois…Edward a obtenu Bella. Bella a obtenu ce qu’elle voulait, devenir vampire et garder Jacob. Et ce voyage est une occasion unique pour mon frère de profiter « légalement » de sa belle.

Je suis en train de me rendre compte que Bella a réussi petit à petit à me mener là où elle voulait : me faire complètement douter, me faire même espérer ! Car je viens de comprendre pourquoi leur amitié m’énerve tant. Je suis jaloux…jaloux que pour eux rien n’ait changé, jaloux que Bella soit restée la même, mis à part son côté « je me casse la gueule » qui s’est transformé en côté « brise-tout ». Je suis en train d’espérer que Rachel n’ait pas vraiment changé…depuis que je sais pourquoi elle a été choisie par les vampires, je sens que ma colère est en train de tomber. Ma douleur est toujours aussi vive mais je commence à accepter la situation.

-          J’aime t’entendre penser ça, me dit soudain la voix de Jacob. Oui, j’aime toujours Bella aussi fort, j’aime la sentir contre moi, même glacée…ce que je hais, c’est qu’elle l’ait choisie LUI. C’est ça qui me fait détester qu’elle soit devenue vampire…parce que physiquement, elle lui appartient ! Mais son cœur est encore un peu à moi…je le sais. J’ai vu ta conversation avec elle.

-          Elle voulait sûrement se servir de moi pour te passer le message…

-          Ne crois pas ça ! Elle veut vraiment t’aider, rétorque-t-il. Elle est prête à tout pour cela…elle affrontera même Rachel s’il le faut ! La détermination de Bella est un roc sur lequel tout le monde se brise.

 

Nous continuons à marcher, lentement, nous gravissons ces montagnes où la température commence à descendre en-dessous de zéro. Chaque binôme est silencieux à présent, nous nous préparons psychologiquement à l’affrontement. Parfois, j’imagine cette bataille puis mes pensées me mènent inévitablement vers une autre confrontation et aussitôt, je divague. Une fois sur deux, je me vois envahi par la colère, enragé, brisant son corps en un coup de croc…une fois sur deux, je me vois me mettre à genoux devant elle et la supplier de me tuer pour abréger ma peine…une fois sur deux, elle me brise …une fois sur deux, elle me prend dans ses bras. Je suis complètement en contradiction avec moi-même. Mon cœur et ma tête ne s’entendent plus.

 

 

* * * *

 

Prend-moi mon Grand Aigle

Prend-moi dans ton ciel

Emmène-moi sur ton aile

Emmène-moi vers le Soleil

Quand tu seras là-bas, lâche-moi !

Laisse-moi partir, Je veux tout voir !

Même si tu ne peux plus me toucher, je serai là,

Et si tu écoutes ton cœur, tu m’entendras

Je ne dors pas ! Ecoute-moi…

Je suis les quatre vents qui soufflent et te rende fou,

Je suis les diamants de neige qui se pose sur toi,

Je suis la lumière du matin qui éclaire ton visage,

Je suis la pluie qui mouille tes cheveux,

Je suis le chant des oiseaux qui caresse tes oreilles,

Je suis ton étoile qui brille dans la nuit et te guide jusqu’à moi.

 

La glace…il fait froid… la glace…

 

J’ouvre les yeux en grand, cette prière résonne encore dans ma tête comme si quelqu’un me la chuchotait encore. Tout est un peu brouillé autour de moi. J’ai du mal à reprendre mes esprits et surtout, j’ai du mal à bouger. J’arrive pourtant à lever ma main et à me la passer sur mon visage, lentement…histoire de bien sentir mon corps et de me réveiller complètement. Avec stupeur, je constate que je suis complètement nu et je commence à me rappeler que je ne me suis pas endormi comme ça. En peu perturbé, je tourne la tête et vois Emmett, un petit sourire en coin qui me fixe tout en jouant avec une branche.

-          Bien dormi ?

-          Quelle heure est-il ? parviens-je à demander.

-          Il doit être quatre heure de l’après-midi…tu t’es endormi comme une masse après ton festin…

-          Ah…

Cela me confirme que j’étais bien en loup avant cette longue sieste.

-          J’ai dormi longtemps ?

-          Des plombes ! plaisante-t-il.

Mais je sens dans sa voix une certaine inquiétude. Je me redresse, me colle contre le tronc d’un arbre et il ajoute, expliquant mon sentiment :

-          Jacob s’est pointé il y a une minute, se demandant ce que tu foutais.

-          Oui…évidemment…, murmure-je. La communication s’est rompue…

-          T’inquiète, il n’a pas fait de vague…

Je suis assez étonné mais n’en fait pas cas.

-          C’est pour ce soir, ajoute Emmett, excité. Nous sommes aux frontières de Volterra !

-          Bon sang…

Ma gorge se serre malgré moi. Puis, mes pensées se brouillent à nouveau pendant que j’entends encore cette prière Quileute que ma mère m’avait appris à la mort de mon frère.

 Je suis ton étoile qui brille dans la nuit et te guide jusqu’à moi.

C’était bien de ma mère dont j’avais rêvé, c’était sa voix…mais pourquoi est-ce que j’ai cette drôle de sensation ? Comme si je revenais de très très loin, d’un endroit très sombre et profond ? Mon sommeil avait dû être bien lourd pour que j’ai ce sentiment de perdition de moi. Pourtant, les paroles étaient si apaisantes…

Même si tu ne peux plus me toucher, je serai là,

Et si tu écoutes ton cœur, tu m’entendras

Cette prière si optimiste me rend pourtant très nerveux.

-          Tu te sens d’attaque ? Me demande Emmett en bondissant sur ses pieds à une vitesse folle.

Je hoche la tête, pas très sûr de moi.

-          ça ne va pas ? s’inquiète-t-il soudain.

-          Je…je ne sais pas…

-          Tu marmonnais dans ton rêve, se moque-t-il. Tu disais des drôles de mots…

-          Du Quileute, explique-je. Je récitais une prière Quileute.

-          Ah…Tu m’as un peu fait flipper pendant une minute, rigole-t-il. Tu dormais et tout à coup, tu es redevenu humain ! Dans ton sommeil ! J’ai cru que tu étais réveillé, surtout que tu parlais mais j’ai ensuite compris que non…tu semblais très agité. Je voulais te secouer mais au moment où j’ai touché ton épaule, tu t’es calmé.

La glace…cette sensation de froid me revient aussitôt et je comprends alors pourquoi j’avais ressenti cela dans mon rêve.

-          Je me suis donc bien assoupi sous ma forme lupine ?

-          Ouais ouais…un truc de dingue ! Vous êtes vraiment bizarre, rigole-t-il.

 

Je me transforme à nouveau et suis Emmett. Il fait encore jour mais les lieux sont complètement déserts. Nous avons donc décidé de continuer à avancer. Nous sommes au pic de cette ascension et le décor me fait penser à celui du Canada. Tout est glacial, silencieux, gigantesque. Il manque nos pins et on s’y croirait. Sauf que cette montagne me parait plus haute quand même. Notre respiration est plus difficile avec l’altitude. Je capte les pensées de chacun de mes frères, chacun partagé entre l’excitation et l’inquiétude. Nous n’avons aucune nouvelle des femmes de Forks. Alice ne les voit pas et les Volturi n’en parlent plus pour l’instant. Nous serons là-bas ce soir ou dans la nuit, ils ne devraient plus être capables de nous atteindre après ça !

Car pour moi, il ne fait aucun doute que nous gagnerons cette bataille ! Il ne peut pas en être autrement…

Soudain, notre marche est stoppée par un hurlement. Pas un hurlement de loup-garou, ni même un hurlement d’animal, non…un hurlement féroce, un cri de bête, un cri d’attaque qui me fait dresser les poils jusqu’à l’échine. Emmett s’arrête net, écoute pendant que je communique avec mes frères.

Aussitôt, les paroles de Leah nous proviennent puis sa vision d’une créature aux longs cheveux noirs.

-          La garce ! Elle va provoquer une avalanche ! Edward !!!!!

L’image du fils Cullen nous arrive en pleine tête, je le vois donner un grand coup à Leah pour la mettre sur le côté, puis je le vois s’élancer sur la créature aux cheveux noirs.

-          Edward !!! Bordel, ne fais pas ça !!!Crie notre sœur dans sa tête. Ah les saletés !!!

Mais plus rien. Aurait-elle repris forme humaine ? Un énorme bruit provient de la montagne puis un grondement.

-          Où est-elle ?S’inquiète Quil.

-          Flanc droit de la montagne,répond aussitôt Sam.

-          J’y vais !Lance Jacob.

-          Non Jacob !Crie Sam.

Je jette un regard à Emmett qui hésite, me transforme et lui dit :

-          C’est Edward…

-          Où ?

-          Sud !

Nous tournons ensemble la tête vers un énorme nuage qui vient de se former à quelques kilomètres de nous, entre deux montagnes.

-          Allons-y ! Lance Emmett.

-          Attends ! Lui crie-je.

-          Quoi ?

-          Ton père a été bien clair, Jasper aussi…nous avons formé des binômes justement pour le cas où cette situation arrive !

-          Je ne laisserai pas mon frère dans le pétrin !

-          Tu ne sais même pas ce qu’il se passe !!! Lui crie-je.

Il se rapproche, menaçant. Je ne l’avais pas vu aussi tendu depuis le jour où nous nous étions affrontés dans la forêt. Il fallait que je sois convainquant car moi aussi j’avais envie de les rejoindre ! Jacob était déjà en route.

-          Ils ne sont pas seuls…Leah a vu une femme vampire…

-          Rachel ?

-          Non…je ne crois pas, hésite-je. Mais…

Mais je n’étais pas sûr. Après tout, comment était-elle à présent ?

-          On y va Paul !

-          Emmett…

-          On y va ! Grogne-t-il.

Je mute à nouveau et cours derrière lui, oubliant mes convictions et les promesses que nous avions tenu au clan Cullen.

Nous courrons aussi vite que nous pouvons. Pendant ce temps, je reçois des ordres de Sam, me demandant de bien aider Jacob, de ne pas en faire qu’à ma tête, au lieu de m’ordonner de faire demi-tour, ce qui me surprend déjà mais après tout, je ne suis pas seul. Emmett a aussi brisé le règlement de base de cette expédition. La visibilité se réduit, le sol tremble…une avalanche passe près de nous. Nous avons juste le temps de nous protéger contre une paroi lorsqu’un amoncèlement de neige recouvre tout sur son passage à une vitesse folle. J’entends un hurlement : Leah ? Bella ? …Rachel ? Je reprends ma course, tout en suivant le vampire qui ne se retourne même pas. Je sais que Rosalie n’a pas bougé de sa position avec Jared, Quil et Alice non plus, sauf qu’Alice s’est éloignée pour se concentrer sur ses visions. Sam est en train d’atteindre la dernière position de Leah avec Carlisle et Esmée pendant que Jacob et Bella, paniquée de savoir Edward en danger, presse mon frère autant qu’elle peut. Embry me dit alors :

 

-          Nous sommes trop loin ! Nous n’arriverons pas avant de longues minutes !

 

Je continue à suivre Emmett, l’ascension est difficile et nous bifurquons vers le flanc, ce qui rend les choses compliquées. Soudain, je la vois ! Elle surplombe le carnage, triomphante…à ses pieds, Leah nue dans la neige, secouée de tremblements. Ses longs cheveux noirs volent autour d’elle et son rire me glace. Rachel ! Je vois Edward foncer sur elle à toute vitesse et la projeter contre une paroi, faisant dégringoler la neige sur eux. La rage et la colère me submergent et m’aveuglent. Une envie de destruction m’envahi. Je dépasse Emmett et fonce droit sur les deux vampires qui se battent violemment. J’entends juste un cri derrière moi mais seul le corps nu et agité de ma sœur retient mon attention et augmente ma rage. Je vois le visage de Leah, les yeux fixent et la bouche entrouverte, me regardant passer sans avoir la force de me retenir. Je vois un liquide noir sortir de sa bouche et je comprends alors : le venin ! Elle est en train de mourir ! Mordue par cette sangsue qui lui a injecté la seule chose qui peut nous tuer ! Je m’élance alors droit sur ce monstre, alors qu’Edward est projeté à nouveau au sol. Je sens soudain en moi une retenue, guidée par mon cœur : Rachel ! Dois-je la détruire ou lui laisser une chance ? L’image de Leah me revient puis celle d’Emily. Elle va tous nous tuer ! Alors, je fonce et là, nos regards se croisent : ce n’est pas Rachel !!! …mon esprit se vide alors et je ne stoppe pas ma course pour autant ! Au contraire ! Gueule ouverte, je me jette sur elle, referme ma mâchoire sur son cou et sens le craquement dans tout mon corps.

La puanteur est partout, elle se débat encore, des bras puissants arrachent ma prise et elle se brise en deux. De rage, je la secoue encore comme un pantin puis balance ce qu’il reste dans la neige.

Face à moi, Emmett l’air sérieux, qui ne me quitte pas des yeux, l’autre moitié arrachée encore dans ses mains.

Edward apparaît derrière lui, inquiet des conséquences de tout ça. Puis nous tournons tous la tête vers Leah qui se tord de douleur. Emmett balance alors la partie de la vampire qu’il tient, assez loin pour que les deux parties ne se recollent pas. Jacob est déjà près de notre sœur et Bella se jette dans les bras d’Edward. Je regarde une dernière fois le visage de ce vampire…déçu ou soulagé que ce ne soit pas Rachel, je ne sais pas trop mais un truc m’a traversé l’esprit quand j’ai vu son visage juste avant de la chopper….

Mais pour l’instant, le cas de Leah est le plus alarmant. Carlisle arrive et la prend contre lui, son bras sous sa nuque. Leah tremble de toute part, le liquide noir envahi sa bouche. Il sort un flacon de sa sacoche mais je vois dans ses yeux, pendant qu’il injecte ce liquide rosé dans une monstrueuse seringue, qu’il n’est pas convaincu de ce qu’il va faire. Emmett prend la tête de Leah et la pose sur ces genoux avec douceur. Ma sœur ne le quitte pas des yeux pendant qu’il essuie les traces noires du poison sur sa joue et dans son cou mais elle blanchit à vu d’œil. Jacob hurle presqu’au visage du docteur :

-          Bon sang ! Ce n’est pas possible ! c’est un cauchemar !!! Sauvez-la !!!

Carlisle ne répond pas, il est très concentré et pique le bras de Leah avec l’aiguille qui va lui transmettre ce drôle de liquide rose. La peau de ma sœur est comme la notre, elle guérit rapidement et est difficilement pénétrable. Or, je vois l’aiguille entrée dans son bras sans aucune retenue. Le venin doit la rendre vulnérable.

-          Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demande Esmée à Edward.

-          Nous avons été surpris…Séraphina ne pense pas et sa rapidité a eu raison de moi…Elle a attaqué Leah en premier, j’ai voulu l’éloigner d’elle mais deux autres vampires ont attaqué Leah alors qu’elle était en retrait. Elle s’est bien battue.

-          Deux autres vampires ? S’étonne Esmée.

-          Ils ont filé quand Paul a débarqué, explique Edward.

Je ne les avais même pas vus…mais il est vrai que l’odeur était très forte.

-          Le clan des Valachie ? Demande sa mère.

Edward hoche la tête puis me lance en drôle de regard. Je me transforme aussitôt et me jette presque sur lui en grognant :

-          Rachel était là hein ?

-          Non Paul…, répond-il avec sa douceur habituelle.

-          Tu en es sûr ???

-          Je te le certifie…

-          Alors pourquoi tu as l’air si mal à l’aise ???

Il ne me quitte pas des yeux, je sens une soudaine tension autour de moi. Puis un apaisement immédiat. Sans même me retourner, je sais que Jasper vient d’arriver. Edward et moi nous dévisageons toujours, il hésite puis finit par me dire.

-          Tu as attaqué aveuglement Paul…

-          Quoi ? Et alors ?

-          Tu as cru que c’était Rachel et tu as attaqué…

-          Evidemment ! Lui crache-je au visage. Elle venait d’attaquer Leah. Regarde-là !!!!

Nous tournons alors la tête vers ma sœur. Jasper s’agenouille à ses côtés et murmure des mots à Carlisle qui approuve ses paroles muettement. Bella, les bras croisés, observe la scène en trépignant d’inquiétude. Jacob me fixe, le regard noir et en les observant un par un, je m’aperçois que tous me lancent des regards chargé de mépris, même Emmett semble en colère. Jacob finit par me dire :

-          Bella t’a crié de t’arrêter ! Elle t’a dit que ce n’était pas Rachel ! Tu n’as même pas écouté !

Bêtement, je me sens pris en faute comme un gamin. En effet, j’avais vu rouge, seule cette vampire m’importait.

-          Comment ça va se passer là-bas ? Hein ? Me demande-t-il hargneux. Tu comptes aussi partir comme ça ? Au quart de tour, sans réfléchir ???

Sam arrive alors à ce moment et mute en se jetant presque sur moi.

-          Bon sang Paul tu es devenu fou ?!!! Tu n’as même pas pris le temps d’évaluer la situation !

-          Si je l’ai évaluée ! Me défends-je. Leah venait d’être mordue, Edward était à terre, cette vipère allait encore attaquer ! J’ai vu que ce n’était pas Rachel ! Je l’ai vu au moment où je suis arrivé sur elle ! Ne me reprochez pas d’avoir attaqué sans réfléchir ! J’ai évalué les faits !!!! Hurle-je presque.

-          Tu as agi seul, comme d’habitude, me rappelle Jacob les dents serrées.

-          Non ! Emmett me suivait ! Il m’a aidé à me débarrasser d’elle !

-          Il ne fallait pas la tuer ! Me crie Jacob. Les Volturi vont être alertés maintenant.

-          Ils le sont déjà…, intervient la petite voix fraiche d’Alice, nous interrompant tous. Ils sont au courant…ils sont en état d’alerte.

-          Bordel !!! Rage Jacob.

-          Ça n’aurait rien changé, continue Alice. Séraphina n’était pas seule. Ses compagnons vous ont vu… et c’est Leah qu’ils voulaient…

-          Mais sa mort ne va pas arranger les choses !!! Peut-être que Rachel est en danger maintenant, murmure Jacob, désespéré.

-          Rachel est dans leur camp !!! lui crie-je, agacé qu’il pense avec certitude que sa sœur nous suivra sans discuter.

-          Calmez-vous, intervient Jasper, provoquant au même moment un sentiment de retenue chez moi. Au moins, nous en avons une de moins…et c’est celle qui a tué Rachel…, rappelle-t-il en passant entre nous pour rejoindre le corps déchiqueté du vampire.

Il avait raison…je venais de tuer la responsable de tout ça. Une raison de plus pour l’avoir attaquée !!! Je pose mon regard sur Leah, elle semble apaisée. Etonné, j’ose demander, la gorge serrée :

-          Elle va mourir ?

-          Je lui ai administré un antipoison que j’ai moi-même créé, annonce Carlisle. J’espère que ça va marcher…c’est la première fois que je peux le tester.

Nous sommes tous surpris et il explique :

-          Je l’ai créé l’année dernière…à base du sang de Jacob et de mon venin…

Je me souviens que Carlisle avait soigné mon frère après la bataille contre les nouveau-nés et que Jacob avait accepté qu’il analyse son sang.

-          Vous avez fait ça …pour nous ? Demande Sam, sérieusement surpris.

-          Oui, déclare le vampire en se redressant.

Même Emmett, qui tient toujours la tête de Leah sur ces genoux, lève un regard étonné sur le médecin. Il ne semblait pas au courant.

-          Carlisle est votre ami…Depuis toujours, nous rappelle Bella. Je l’ai aussi aidé pour cette potion…

-          Oui, sourit le Docteur Cullen. Bella a été très présente…Et pressante, plaisante-t-il. Elle voulait vraiment que cet antipoison existe !

D’instinct, nous tournons tous la tête vers Jacob qui ose nous regarder et qui finit par dire, amusé :

-          Oui…quand je vais à la villa, je n’y vais pas que pour essayer de piquer Bella à Edward !

-          Incroyable…, murmure Sam. Et vous avez réussi…

-          Elle dort en tous cas, confirme le Docteur. Elle devrait être morte à présent…c’est donc encourageant !

Je n’en reviens encore pas ! Edward me sourit, satisfait de l’effet que sa famille vient de faire sur nous.

 

Pendant que j’enfile mon jeans, du coin de l’œil, je vois Jasper réunir les deux morceaux de Séraphina. En quelques secondes, Bella et Alice le rejoignent ainsi qu’Esmée et tous les loups-garous. Une pulsion morbide me pousse à assister à ce spectacle. Avec un petit sourire, Jasper tend un briquet à Bella en disant :

-          Tu voulais le faire non ?

-          Je ne sais pas si je pourrais…

-          C’est pourtant le seul moyen que tu as pour éliminer définitivement une créature Bella…ça fait parti de ta formation de self-défense, plaisante-t-il.

Avec horreur, je vois les morceaux bouger un peu. Jasper capte aussi les mouvements et murmure :

-          Bella…tu ne voudrais pas qu’elle revienne ?

-          Non !

-          Je déteste ça…, murmure Esmée près d’Alice.

-          Pas moi ! Lance Emmett qui semble avoir retrouvé sa bonne humeur.

Je le regarde recouvrir Leah avec des vêtements qu’Edward lui tend.

-          Bon, donne-moi ça, j’ai l’habitude, s’impatiente Jasper en prenant le briquet des mains tremblantes de Bella.

-          Non ! Fait-elle en lui reprenant aussi vite.

Et en une étincelle, les restes du corps de la vampire s’enflamme. Cette image provoque en moi un énorme malaise. Je regarde le corps de cette créature qui aurait pu être Rachel se consumer à une vitesse folle, impressionné que leur venin agisse comme du napalm sur eux…

A travers les flammes, je capte le regard de Bella qui me fixe avec intensité. Je déglutis, comprenant le message qu’elle me transmet et je pense alors, sachant qu’Edward va m’entendre :

« Non tu as raison Bella, j’en serai complètement incapable…pas jusque là.»

 

12 – La voix

  

Nous devions repartir, même si maintenant nous étions attendu…je me demande juste si nous allons continuer notre marche séparés ou en groupe ?

En attendant, je sens une certaine agitation parmi mes frères présents quand soudain, j’entends Sam dire froidement à Jacob :

-          J’aimerai quand même que tu arrêtes de nous cacher tes pensées mon frère…nous sommes tous de la même famille, nous comprenons ta douleur, ce par quoi tu es passé mais ce que tu nous as caché là est trop important pour que nous soyons dans le secret !

-          Arrête un peu Sam…je ne vous ai pas trahi, marmonne Jacob. J’avais seulement besoin d’un peu de temps…

-          Concernant Bella, je le conçois mais concernant ce projet avec les Cullen, je ne le vois pas comme ça…

Le ton de Sam m’interpelle. J’y sens de la déception, de l’incompréhension et une certaine colère.

-          Nous n’étions pas sûr de réussir, se défend Jacob. Je ne voulais pas de faux espoirs…

-          Mais nous sommes quand même encore capables de faire la part des choses ! Riposte Sam, agacé. Nous pouvions participer, aider…espérer…

-          Désolé…, se contente de dire Jacob.

Et il le laisse pour retourner près de Leah qui commence à se réveiller.

-          Elle est très faible, lui dit le Docteur Cullen. Elle ne pourra pas continuer pour l’instant, elle doit se reposer…

-          Mais elle ne peut pas rester là ! Répond Jacob. C’est beaucoup trop dangereux !

-          Je sais…c’est pourquoi Esmée et moi allons rester près d’elle.

-          Papa, s’écrie Alice. J’ai vu ta décision et c’est une mauvaise décision ! Toi seul sait négocier avec les Volturi…

-          Tu vois une négociation Alice ? S’étonne Carlisle.

Je la vois hésiter puis finir par dire :

-          Non…mais ta présence peut changer les choses si tu changes d’avis !

-          Si tu me fais changer d’avis, précise-t-il dans un petit sourire.

Je vois Emmett hésiter mais aussitôt Edward lui dit :

-          Non…tu dois absolument aller jusqu’à Volterra !

-          Je sais mais…

-          Très bien ! Intervient Jasper. Evaluons à nouveau la situation. Nous avons besoin de tous nos pouvoirs…tous. Donc Edward, Bella, Alice, Emmett et moi-même : c’est hors de question pour nous de rester près de Leah. Les loups aussi viennent avec nous ! Et Carlisle…évidemment, ton expérience nous serait plus qu’utile à cet instant. Donc, seule Esmée et Rosalie, que nous allons rappeler, peuvent rester.

Je vois Esmée et Carlisle se lancer un regard inquiet. Leur séparation ne semblait pas envisageable. Et pourtant, Jasper avait raison. Nous avions besoin de toutes nos forces.

-          Je suis d’accord avec toi Jasper, répond Sam, sauf que j’aimerai vraiment que l’un des nôtres reste aussi. Deux vampires et deux loups…Leah devrait se rétablir vite avec son métabolisme…ça serait plus équitable.

Jasper réfléchit, consulte Edward par la pensée puis Alice qui ne bronche pas, espérant seulement que ses visions changent. Il réfléchit un moment puis déclare :

-          Ok…faites revenir Rosalie et Jared.

Quil, qui est resté en loup pour garder le contact avec le binôme, hoche la tête.

 

Une demi-heure après, Jared apparaît dans notre champ de vision, Rosalie a ses côtés, la main sur sa crinière. Une fois près de notre groupe, Rosalie retire son sac et tend les vêtements à Jared. Elle semble si tendue que je me doute qu’elle connaît déjà la situation. Emmett la prend affectueusement dans ses bras et lui chuchote :

-          Comment ça va mon amour ?

-          Bien…Jared a été parfait.

-          Hummm, la taquine-t-il, nous en sommes aux prénoms.

Je vois la blonde sourire puis embrasser avec passion celui qui la tient contre son cœur. Leur amour me fait mal alors je préfère m’éloigner un peu.

Je retire mes vêtements et mute, histoire de pouvoir bénéficier de ma super-ouïe et de ma super-vue pour scruter les environs. D’après ce que je capte, nous en avons encore pour quelques heures à traverser cette montagne. Je sursaute quand soudain j’entends cette voix dans ma tête :

 

Prend-moi mon Grand Aigle

Prend-moi dans ton ciel

 

« Bon sang ! Mais qu’est-ce que c’est ??? Je ne dors pas pourtant !!! »

« Il faut que je prévienne mes frères qu’il y a un problème ! »

Je pousse un hurlement pendant que la voix continue dans ma tête:

 

Quand tu seras là-bas, lâche-moi !

Laisse-moi partir, Je veux tout voir !

Même si tu ne peux plus me toucher, je serai là,

Et si tu écoutes ton cœur, tu m’entendras…

 

Je suis soulagé lorsque la connexion se fait avec mes frères.

-          Qu’est-ce qu’il se passe Paul ? S’alarme Sam.

-          Ecoutez !!! Ecoutez !!

La voix, qui n’est finalement pas celle de ma mère, récite :

 

Je suis le chant des oiseaux qui caresse tes oreilles,

Je suis ton étoile qui brille dans la nuit et te guide jusqu’à moi.

 

La voix mélodieuse se tait et je demande :

-          Vous avez entendu ??? C’est fou hein ?

-          Quoi ? Demande Jacob.

-          Mais la prière ! Réplique-je. La prière Quileute !!!

-          Nous avons reçu la prière, répond Sam. Pas entendu…c’était un de tes souvenirs.

-          Non non non !!! C’était une voix qui me parlait ! Bon sang, vous savez bien faire la différence entre un souvenir et une vision directe ?!

-          Justement, répond Jacob. C’était un souvenir…une prière apprise avec ta mère.

-          Oui c’est vrai…mais là, j’entendais une voix !Insiste-je, agacé.

-          Alors nous n’avons rien entendu, répète Sam.

-          Impossible ! Claque-je aussitôt. Vous avez du muter trop tard ! Ou vous n’avez pas été assez attentifs…

Je sens jusqu’ici le grognement de Jacob.

-          Tu connaissais cette voix ?Demande Sam.

-          Non…

Sur ce point, j’étais sur que non. Dans mon rêve, c’était ma mère mais là… non, je ne connaissais pas cette voix. La prière, par contre…mais la voix…beaucoup trop chaude et harmonieuse pour être celle de mes souvenirs. Non, cette voix venait de quelqu’un d’autre. Je retourne près du groupe, bien décidé à me faire entendre. Je m’approche d’Edward et lui demande par la pensée :

-          Tu as entendu la voix ?

-          Non…quelle voix ?

-          Mais…c’est impossible !

Même Edward n’avait rien entendu…est-ce que je suis en train de devenir fou ?

-          Peut-être pas Paul,me répond le vampire dans un petit sourire. C’est peut-être Rachel qui essaie de communiquer avec toi.

-          Quoi ? Réplique-je, abasourdi. Non, ce n’est pas sa voix. Et arrête avec ça, tu veux ?

Je vois Edward relever son arcade sourcilière, les yeux dans le vague. Je sais qu’il est en train d’essayer de capter mes « voix » mais je comprends déjà à son visage qu’il n’entend rien.

-          Désolé Paul…

-          Ok…bon, la prochaine fois que je les entends, je te fais signe !

 

Nous sommes tous à nouveau sous notre forme lupine sauf Sam qui a repris forme humaine pour annoncer à Carlisle :

-          Le loup qui reste sera Quil.

-          Quoi ? S’écrie ce dernier, en écho avec mes frères. Hors de question ! Je veux me battre !

Sam ne l’entend pas mais se retourne vers nous, captant notre agitation.

-          Quil, je sais que tu veux honorer ta race mais pour cette fois, je te demande de rester auprès de ta sœur… elle a besoin de toi.

J’entends Quil s’indigner :

-          Mais pourquoi moi bon sang ??? !!! Je suis aussi fort que vous ! Vous avez besoin de moi…

-          Pour Claire,répond Jacob.

Aussitôt, Quil se calme. Même Jared ne s’interpose pas à cette décision alors que Kim aussi l’attend. 

 

Nous nous regroupons tous pendant que Quil rejoint Leah encore faible qui ne nous quitte pas des yeux. Je vois dans son regard beaucoup de regrets, beaucoup d’angoisses aussi et une certaine reconnaissance à mon égard. Elle finit son balayage sur Emmett et Rosalie qui se serrent si fort l’un contre l’autre qu’on pourrait croire qu’ils vont se casser. Elle sourit et j’approuve son idée : ils sont tous les deux très beaux et leur bonheur est contagieux. Je me transforme et me rapproche d’elle pour m’accroupir à ses côtés. Faiblement, elle me sourit et je lui prends la main pour la porter à mes lèvres. Elle me regarde faire, les larmes aux yeux et je lui chuchote :

-          Tu vois…tu es une femme Quileute comme les autres…en tous cas, tu es vue comme telle par nos ennemis sinon ils n’auraient pas essayé de te tuer.

-          Ce n’est pas drôle Paul…, arrive-t-elle à me dire.

-          Je sais…mais je voulais juste que tu comprennes que ce n’est pas parce que tu as muté que tu es différente…tu ne t’imprégneras jamais mais tu connaitras un jour l’amour, je te le certifie.

-          C’est toi qui dis ça ? Murmure-t-elle. Toi qui as perdu ton imprégnation ? Tu y crois encore ?...A l’amour…

Je baisse les yeux, un peu déstabilisé qu’elle ait retourné mes mots d’espoir contre moi. Comme je garde le silence, elle finit par me demander d’une voix faible :

-          Promets-moi de réfléchir Paul…promets-moi de ne pas péter un plomb comme d’habitude et d’essayer de bien voir les choses avant…

J’hésite, elle serre mes doigts qui tiennent sa main et continue :

-          Quand Sam s’est imprégné, j’étais dans le même état que Jacob, dans le même état que toi mais depuis quelques temps, j’ai accepté la situation…je vois les choses plus positivement. Je ne sais pas pourquoi j’ai changé, mais le fait est que c’est comme ça. J’arrive à faire la part des choses maintenant. Promets-moi au moins d’essayer. Tout n’est peut-être pas perdu…

Je hoche la tête, la gorge serrée, me demandant si j’avais le droit d’y croire ?

J’embrasse à nouveau ses doigts, puis son front et me relève pour reprendre ma place parmi les loups.

 

Les Cullen se rassemblent aussi sauf Carlisle qui caresse la joue d’Esmée en lui souriant doucement puis je l’entends lui murmurer :

-          Ils ont raison, ma présence est à leurs côtés.

-          Je sais…j’ai confiance. Ils ne viendront pas ici et vous êtes tous assez forts pour les combattre. Seulement…

-          Nous nous reverrons Esmée, assure-t-il. Dès que Leah est sur pieds et en état de muter, rejoignez-nous. Ensemble, nous serons plus forts !

-          C’est promis, chuchote-t-elle avant de l’embrasser avec passion.

Je détourne la tête et je vois que Jacob en fait autant. Notre cœur à nous saignait trop pour supporter autant d’amour concentré.

Jasper se place devant nous et déclare :

-          Très bien, nous allons continuer en groupe…mais une fois à Volterra, nous nous séparerons afin de pouvoir attaquer par tous les flancs !

-          Sam demande comment est fait Volterra exactement, traduit Edward à son frère.

-          C’est une petite ville, explique Jasper, plutôt un domaine sur une colline entourée d’eau…comme un château fort de l’époque pour ceux qui voient de quoi je parle. Je sais que vous n’avez jamais vu de château fort comme ceux-là non plus mais je pense que vous saisissez l’idée…

Nous hochons tous la tête.

-          Nous n’aurons pas l’effet de surprise, maintenant c’est clair, continue-t-il, mais nous ne devons pas renoncer pour autant. Nous avons deux objectifs : le premier…

Il hésite, me regarde droit dans les yeux avec un petit sourire bien à lui et continue :

-          …c’est récupérer Rachel.

Je grogne malgré moi mais bizarrement, je me sens assez d’accord avec cette idée. Sauf que pour moi c’est la récupérer ou la tuer…pas d’autres alternatives. Si elle ne vient pas avec nous, elle mourra avec eux.

Edward acquiesce, comprenant mon sentiment. Même mes frères étaient d’accord avec moi. On ne leur laisserait pas Rachel ! Seul Jacob reste silencieux mais je sais que si nous prenons la seconde option, c’est lui qui s’en chargera…il ne me laissera pas le choix non plus.

-          Le deuxième objectif, lance Jasper, est de s’en sortir vivants !

-          Le troisième est de faire le plus de dégâts possible ! Rajoute Emmett tout excité.

-          Non…, le coupe Carlisle. Je suis contre le fait de détruire des créatures de notre espèce…je ne veux pas un massacre ! Je veux d’abord leur faire entendre raison…

-          C’est absurde ! crache Rosalie. Ils veulent notre mort à tous ! Même la notre !

-          Je sais Rose…seulement, je crois encore à une rédemption de la part de Aro. Je pense qu’une fois qu’il sera devant nous, il changera d’avis nous concernant.

-          Et les loups ? S’indigne Rosalie à notre grande surprise.

Je suis soufflé ! Même Bella a la bouche ouverte de surprise. J’entends juste Jared rire et penser : « Ah !!! Elle m’adore !!! »

-          Justement, je suis bien conscient que notre sort est négociable mais peut-être pas le leur…sinon, ils n’auraient pas orchestré toutes ces attaques, répond Carlisle. Je pense qu’ils veulent vraiment la destruction de nos amis.

-          Oui, ils la veulent, affirme Alice. J’ai capté les plans de Aro…il a un problème avec la race Quileute…

-          Et qu’est-ce que c’est ? Demande Bella.

-          Je ne suis pas très sûre…

Alice fixe Edward…c’est horrible de les voir communiquer comme ça.

Soudain, la voix chante à nouveau dans ma tête.  

-          Edward !!! L’interpelle-je.

Le vampire tourne la tête vers moi.

-          Ecoute !!!

La prière continue, comme quelques minutes plus tôt. Je me dis alors que mes frères vont bien l’entendre maintenant !

-          C’est un souvenir Paul, me répète Jacob. Je capte des images de ta mère à la mort de David.

-          Non, non…cette voix est directe ! Bon sang, Sam ???

-          Je capte les mêmes souvenirs que Jacob,me dit-il.

-          Mais c’est fou !!! Edward ?

-          Je n’entends rien Paul, m’affirme ce dernier.

Il n’entend rien mais je le vois lancer un drôle de regard à sa sœur Alice qui a l’air assez perturbée. Ils ont l’air vraiment inquiet…tous les deux !!

La voix continue, je n’arrive pas à la reconnaître. Je décide donc de muter pour demander plus d’explications à Alice sur ce qu’elle a vu car vraisemblablement, ils nous cachent quelque chose ! Quand elle me voit arriver sur elle comme ça, la petite Alice ouvre des grands yeux de surprise. Mais aussitôt, je réalise que la voix s’est arrêtée.

Je suis perturbé pendant quelques minutes, essayant de me concentrer pour l’entendre encore mais rien. Du coup, oubliant mon idée première, je me transforme à nouveau en loup, écoute…rien. Le silence total…car mes frères suivent mes réflexions et écoutent comme moi. Bon sang ! Je ne l’entends plus !!!

Je lève les yeux sur Edward, cherchant une explication et il me répond :

-          Je n’en ai pas…je n’entends pas la voix et je vois dans l’esprit de tes frères que eux non plus…

Génial…je suis en train de devenir fou. Je n’ai pas d’autres explications.

-          ça ce n’est pas nouveau,se moque Jacob. Mais préviens-nous quand même si ça recommence.

Au fond de moi, je l’espère vraiment. Cette voix m’attire énormément, comme le chant d’une sirène et je sens que je ne peux pas le contrôler. Je ne sais pas qui me parle mais je compte bien le découvrir. J’espère seulement qu’Edward n’a pas raison, que ce n’est pas Rachel qui essaie de m’envoûter pour m’empêcher de réagir et m’avoir à sa merci.

 

13 – Notre accélération

 

Nous reprenons notre marche, tous ensemble, laissant derrière nous deux loups et deux vampires qui comptent bien nous rattraper dès que l’état de Leah le permettra. Ce qui est assez drôle, c’est que malgré le fait que nous avançons en groupe, ceux qui sont encore là garde leur position près de leur binôme respectif, au cas où nous serions obligés de nous séparer à nouveau. Seule Bella se trouve entre Jacob et Edward qui fait maintenant équipe avec Alice.

Nous passons le sommet, faisons route vers l’Italie en descendant le col puis le flanc de ces immenses montagnes. Le jour se lève mais les lieux sont complètements déserts. Nous avons perdu du temps avec cette attaque. Nous ne pourrons pas atteindre Volterra en pleine journée. Il faudra donc encore attendre…sauf si les vampires nous trouvent avant. Cet endroit me semble parfait pour un combat. Je me dis même que c’est étrange qu’ils ne nous interceptent pas, maintenant qu’ils savent où nous nous trouvons. Je pense alors qu’un piège doit nous attendre là-bas…que ce n’est pas pour rien qu’ils nous laissent venir. Mes frères approuvent mes réflexions. Même Quil nous entend encore et nous communique sa force et son optimisme par la pensée, me souhaitant « Bonne Chance » au passage.

Le paysage est encore très escarpé et le soleil commence à faire briller nos petits amis. Mais curieusement, ils ne stoppent pas leur progression. J’en conclue donc qu’Alice a vu qu’ils ne risquaient rien pour l’instant. Vu que notre plan a échoué, je me demande comment va se passer notre arrivée ? J’imagine qu’Alice le sait déjà et que c’est peut-être pour ça qu’elle semblait si inquiète. Elle avait quand même insisté pour que le docteur Cullen nous accompagne, c’est que nous en aurions besoin… je repense à cet antipoison créé par le médecin et je ne peux m’empêcher de penser que ces vampires nous ont fabriqué un sacré moyen de défense ! A condition, bien sûr, d’en avoir toujours à proximité en cas de combat…ce qui me donne deux images en tête. La première, qui me fait sourire, est que l’un de nous porte cet antidote sur lui, comme un Saint-bernard avec son alcool autour du cou. L’autre image, beaucoup moins amusante, est que nous aurions peut-être toujours besoin des Cullen près de nous…

-          Ta deuxième option est la plus probable, me coupe Jacob dans mes pensées.

Son ton est très sérieux et je lui réponds :

-          ça t’arrange hein ?

-          Je ne peux pas le nier…

-          C’est aussi son idée fixe ?Demande-je en parlant de Bella. Nous unir ainsi ? Par dépendance ?

-          Ne soit pas stupide ! Claque Jacob. Les Cullen ont fait ça pour nous aider ! Et tu le sais très bien ! Arrête de toujours dire qu’ils nous veulent du mal ou qu’ils sont sournois !

Je laisse passer un temps, sachant bien que Jacob a raison, que je cherche toujours à les discréditer. Puis je réponds :

-          Sam a quand même raison sur un point, tu aurais du nous en parler…

-          Ça aurait changé quoi ?Grogne-t-il. Rien du tout !!!

Je ne réponds pas…en effet, ça aurait changé quoi ? Ce qui nous dérangeait le plus est que Jacob faisait souvent cavalier seul depuis la transformation de Bella, qu’il faisait maintenant presque plus parti des Cullen que de notre famille…c’est lui qui était devenu leur chien de garde. Jacob s’arrête, plisse les yeux en me dévisageant avec colère puis il répond, hargneux :

-          Tu sais très bien pourquoi je suis toujours là-bas ! Et ce que tu en penses, je m’en fous ! Je me fous de ce que vous penser tous !Dit-il en regardant un par un les autres loups qui se sont aussi arrêtés.

Les Cullen nous observent en silence, comprenant que nous avons une sérieuse discussion. Seul Edward est très tendu et ne quitte pas Jacob des yeux.

-          Oui je l’aime encore ! Oui j’espère encore !Continue-t-il. Oui, ça me fait du bien d’être près d’elle ! Sa maison est devenue mon refuge, même si je suis vu comme un chien de garde aujourd’hui…c’est ce que je suis ! Son gardien ! Même si elle n’en a plus besoin, même si LUI, la protège aussi, siffle-t-il en sachant qu’Edward nous entend. Même si maintenant elle est assez forte pour nous protéger tous ! L’amour entre un vampire et un loup est possible Paul…j’en suis la preuve ! Et tu veux vraiment savoir pourquoi je passe mon temps là-bas, plus qu’à la Réserve, plus que n’importe où ?

Je le fixe sans répondre mais il sait que ma réponse est « oui ».

-          Parce que là-bas, je n’ai aucune chance de m’imprégner !Avoue-t-il. Là-bas, je n’ai aucune chance de rencontrer une Quileute qui briserait mes espoirs, mon amour et ma vie ! Voilà pourquoi je ne la quitte pas ! Je ne veux pas perdre cet amour qui me fait survivre ! …car c’est tout ce qu’il me reste, ses mots…sa voix…son âme…, finit-il dans un souffle.

Ses paroles me touchent plus que je ne voudrais et je sens mon cœur se déchirer de douleur en repensant à Rachel. Edward n’a pas bougé mais il baisse la tête pendant que Bella, inquiète, passe son regard de Jacob à lui, espérant qu’il allait traduire. Or, il ne le fait pas et au bout de quelques minutes, Jasper déclare :

-          Bon…maintenant que vous avez fini de papoter, on pourrait rependre la route ?

Fixant le sol neigeux, Jacob respire bruyamment, nous comprenons tous que s’il était sous sa forme humaine, il serait en train de pleurer alors j’avance un peu, le laissant seul avec sa peine, ne me sentant pas non plus en état de discuter d’avantage à ce sujet. Sam hoche la tête en direction de Jasper, approuvant sa décision. Nous reprenons doucement notre marche, laissant Jacob là où il est, sachant qu’il a besoin de se ressaisir un peu avant de continuer. Mais avec surprise, je vois Edward marcher en contre-sens à travers nous et se diriger vers mon frère. Bella, qui avait repris le pas, s’arrête et se retourne vers eux, inquiète. Pourtant, elle n’y va pas. De loin, je vois Jacob se transformer et face à face, le vampire et lui se fixent en silence, se défiant avec tellement de tension que même si je n’entends plus les pensées de mon frère, je peux ressentir toute sa haine et sa colère. Je m’arrête, tends l’oreille mais ne capte pas les paroles d’Edward. Nous sommes tous en attente, nous demandant comment vont se passer les choses après les aveux de Jacob. Bien que nous savons que le vampire devait déjà les connaître… Jacob hoche la tête à plusieurs reprises, le visage crispé et soudain, je vois Edward poser sa main sur l’épaule nue de mon frère, un geste d’apaisement qui ne me surprend pas de la part du vampire qui semble prendre la situation avec beaucoup de sérénité depuis le départ, même si de temps en temps il rappelle à Jacob que Bella est à lui… j’admire sa capacité à accepter l’amour qu’il y a entre mon frère et sa compagne, et ceci, depuis le début de leur relation…j’admire son calme et sa force de caractère. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un comme lui, quelqu’un capable d’autant de compassion, de tolérance et de maitrise de soi à la fois. Même son père qui était un exemple de sagesse ne dégageait pas autant de majesté qu’Edward depuis que Bella les avait rejoins.

Après quelques hésitations, Bella finit par tourner la tête et reprendre sa marche. Je suis très surpris qu’elle ne soit pas intervenue telle une furie pour savoir ce qu’ils se disent, défendre Jacob ou imposer sa vision des choses. Je vois alors une signification dans son geste : elle a définitivement choisi Edward. Même si elle me dit aimer Jacob, même si comme son mari, elle accepte la présence permanente de mon frère dans leur vie…elle laisse Edward « consoler » Jacob parce qu’elle sait que la situation ne changera pas !
Leur trio est décidemment très surprenant et tant que Jacob ne s’imprégnera pas, il restera ainsi car aucun des vampires ne le rejettera. Edward et Bella semblent d’accord sur ce point, sa transformation comprenait même peut-être cette condition ? Conserver l’amour de Jacob, ne pas le faire souffrir, le garder près d’eux…malgré tout ce qui les oppose. Ça sera donc à mon frère de faire un jour son « deuil » de Bella ou pas…

Et moi ? Serais-je capable d’en faire autant ? Qu’allais-je faire si Rachel revenait vraiment parmi les Cullen ? Serais-je aussi, comme Jacob, toujours fourré chez les vampires ? Allais-je passer par les mêmes étapes que lui ? Colère, dégoût, envie de mort puis résignation jusqu’à devenir le chien de garde de Rachel ? En suivant mon raisonnement, je me rends compte que sur cinq étapes, j’en suis entre la troisième et la quatrième…peut-être même que j’en suis déjà à la quatrième là… mais c’est un fait, je le sens au fond de moi, ma colère s’est essoufflée.

 

Nous stoppons à nouveau notre progression car la civilisation commence à réapparaitre. Les Cullen sont trop visibles et nous, encore pire. Nous restons donc dans les bois jusqu’à ce que le soleil se couche, en profitant pour reprendre des forces.

Jacob est plus tendu que jamais, il n’a pas prononcé un mot depuis ce qu’il s’est passé dans la montagne. Nous avons pourtant eu droit à tous les mots qu’Edward lui a prononcés seul à seul. Pour une fois, il ne nous a rien caché. Nous avons donc cette conversation en boucle dans notre esprit à tous depuis des heures et nous ressentons tous ce mélange de résignation, de tristesse et de honte qui hante l’esprit de notre frère depuis…

Edward accepte et comprend l’amour de Jacob pour Bella mais les faits sont là : Bella est vampire et mariée. Fin de l’histoire. L’idée commence à faire son chemin dans l’esprit de Jacob et nous subissons tous les tiraillements de son âme, comme si j’en n’avais pas assez avec les miens.

Il y a aussi une chose qu’Edward lui a dite qui se balade dans notre tête à tous. Un truc complètement fou mais qui semble perturber Jacob…c’est Leah. Notre sœur se serait confiée mentalement au vampire…sans même que nous nous en apercevions. Pourtant, moi, j’étais assez connecté à eux pendant la traversée. Mais apparemment, il en saurait beaucoup maintenant sur elle. Plus que nous visiblement !!! J’entends encore ses mots :

« Ouvre tes yeux Jacob…tu n’es pas seul. Quelqu’un a besoin de toi…quelqu’un qui comme toi, à tout perdu… »

« De qui parles-tu ? »

« Tu es tellement aveuglé par Bella que tu ne vois rien, pourtant, elle s’accroche à toi…et depuis longtemps »

Mon frère avait réfléchi deux secondes et avait fini par trouver :

« Leah ? Non, impossible, elle aime Sam, autant que j’aime Bella.»

Edward avait souri et avait laissé Jacob. Moi, j’avais une autre pensée en tête. Les derniers mots que Leah m’avait dits : « Je vois les choses plus positivement. Je ne sais pas pourquoi j’ai changé, mais le fait est que c’est comme ça. »

Leah avait tout simplement retrouvé l’espoir…en tombant amoureuse d’un autre que Sam. Mais hélas, elle n’avait pas choisi le plus simple. Pourtant, j’imagine qu’elle avait beaucoup d’attentes depuis la transformation de Bella. Et le plus dingue, c’est que rien dans son attitude ne laissait supposer ça. Jacob cherchait aussi de son côté mais rien. Toujours aussi peau de vache et chienne quand elle le voulait. J’avais même pensé qu’elle s’intéressait à Emmett !!! Ce qui était peut-être un peu vrai mais pas autant que je le pensais. Elle avait finalement peut-être posé toutes ces questions sur les vampires pour me rendre service, sachant à travers mon esprit que j’avais besoin de réponses.

Nous n’entendions plus Quil, nous étions trop loin…et quelque part, c’était une bonne chose vu notre état d’esprit à tous suite à ça. Leah aurait fini par le savoir via notre frère resté près d’elle. Je le sentais près de moi, Jacob était bouleversé.

 

Alice s’est absentée, pour pouvoir voir ce qui nous attend. Ça me tue d’imaginer qu’elle sait exactement comment vont se passer les choses pour eux, à conditions que personne ne change d’avis dans sa décision. Dommage qu’elle ne puisse pas nous voir…et me voir moi. Savoir comment allait se passer mes « retrouvailles ». A son retour, elle semble vraiment très inquiète et je vois les mâchoires d’Edward se contracter. Ok…rien de bon.

-          Nous allons accélérer la cadence, déclare-t-elle.

-          En plein jour ? S’étonne Emmett.

-          Oui…si nous avançons vite, nous serons indétectables par l’œil humain et autre système de surveillance.

-          Tu en es sûre Alice ? S’assure le docteur Cullen.

-          Oui…nous devons atteindre Volterra ce midi. Ils annoncent de la pluie.

-          Parfait ! Claque Emmett en frappant dans ses mains, impatient. 

Je lève les yeux au ciel, cherchant une confirmation dans ses prédictions. Pour l’instant, le temps semblait clair. Nous sommes en Italie et l’atmosphère est vraiment différente de Forks. Ici, il fait chaud et je serai surpris que la petite Cullen ait raison sur ce coup-là.

 

Nous nous relevons tous et commençons donc à courir à l’unisson, le plus vite possible. A l’œil humain, nous devons ressembler à des éclairs colorés ou des bourrasques soulevant la poussière du sol. Même si je suis septique, je me dois de faire confiance à Alice et je suis, sans discuter, le reste de la troupe. Emmett court à mes côtés, en silence. Je sais que l’absence de Rosalie le pèse et qu’il est même inquiet pour elle car il n’a pas trop discuté depuis que nous les avons laissés. Je pense, en fait, qu’il a hâte d’en finir avec tout ça pour vite la retrouver. Moi non plus ça ne me plait pas trop que nous soyons déjà séparés.

 

Nous courrons, courrons, droit devant, Volterra approche…tout va si vite, ma tête bourdonne, je me sens incapable de réfléchir, je suis le mouvement, emporté par notre unité que nous formons tous ensemble, courant au devant de notre mort certaine ou d’une victoire difficile si on veut rester optimiste. Soudain Edward et Alice se détachent de notre groupe mais Carlisle nous fait signe de continuer à courir. Je suis derrière Bella, Jacob sur mon flanc droit, Sam sur le gauche et derrière je sais qu’il y a Jasper. Je ne vois même pas le paysage, je me concentre sur la trajectoire des vampires quand soudain, Alice apparaît devant nous et nous crie « Stop !!!! ». Nous arrêtons tous net notre course folle. Edward apparaît à son tour et nous ordonne :

-          Nous avons peu de temps, tout le monde se sépare !!! On se retrouve au pied de Volterra ! …Bonne chance ! ajoute-t-il du bout des lèvres.

Bella se retourne vers moi, les yeux horrifiées puis elle pose son regard sur Jacob et sans même que je la vois bouger, elle se retrouve sur le dos de mon frère. Un dernier coup d’œil dans ma direction, elle me lance muettement un « Je compte sur toi ! » puis je les vois filer. Jacob nous dit par la pensée :

-          Je vous donne ma position dès que nous y sommes !

-          Ok !

Sam a déjà bifurqué avec le Docteur nous ordonnant mentalement de suivre les Cullen. Jasper fait signe à Embry qui le suit. Jared rejoint Alice et Edward pendant qu’Emmett me crie en commençant à courir :

-          Allez Loup ! On fonce !!!!

Je ne réfléchis pas et démarre en trombe, aux trousses du vampire qui semble plus motivé que jamais. Quand soudain, je les sens ! Leur odeur est plus forte que celle d’Emmett et je fais bien la différence, me rendant compte au passage que je supportais mieux celle de mon ami. Emmett en intercepte un d’un coup de bras. Quand il bloque son corps comme ça, c’est un roc ! Sa force est réellement impressionnante ! Le vampire se retrouve projeté contre un arbre qu’il détruit au passage. Un autre vampire l’attaque sur son flanc gauche pendant que je vois une femelle blonde me foncer dessus. Amusé par son audace, je cours au devant d’elle, babines retroussées. Je vois ses yeux s’agrandirent de stupeur, comprenant soudain à quoi elle avait affaire et d’un bond, elle me passe au-dessus. Mais je saute au même moment et claque ma gueule sur sa jambe qui se brise d’un coup. Déséquilibrée, son atterrissage est violent et la poussière vole autour d’elle. Je m’imagine qu’elle va quand même se relever mais Emmett apparait et la prend par l’arrière puis lui brise la tête, sans scrupule. Ensuite, il me fait signe de continuer à courir. Je reprends alors ma course sans m’arrêter, suivant le vampire devant moi. Je ne sais pas ce qu’il a fait des deux autres. Dans ma tête, je vois les combats de mes frères. Jacob et Bella se débrouillent bien. Je crois que mon frère n’aurait pas imaginé pouvoir un jour se battre à ses côtés et il est plus fort que jamais. Jared me renvoie les images de son combat aux côtés d’Edward, toujours aussi rapide et intelligent. La petite Alice se bat seule plus loin, afin de pouvoir capter les intentions de ses adversaires. Sam protège plus le docteur Cullen que se battre vraiment car nous avons tous pris conscience de son importance au sein de notre équipe. Il est notre espoir et notre médecin à tous finalement.

Les branches nous fouettent, nous nous déplaçons presque en volant tellement nous courrons vite. Nous sommes suivis, je le sens. Mais Emmett ne semble pas vouloir les affronter. Je continue alors, sachant qu’ils ne peuvent pas encore nous rattraper. A une vitesse folle, je vois soudain un précipice arriver devant nous, je sais déjà que je n’aurai pas le temps de m’arrêter. Un des vampires est juste derrière moi, près à m’encercler de ses bras pour me briser quand j’entends alors Emmett hurler en faisant un bond puissant :

-          SAUTE  !!!

Et là, je prends mon élan en y mettant toute ma force dans mon arrière-train pour traverser ce ravin. Au moment où l’autre bord arrive très vite, je sais que je ne vais pas y arriver ! Je suis surpris quand mes pattes-avant touchent la terre mais aussitôt, je sens tout mon poids basculer dans le vide vers l’arrière. Je m’accroche quand soudain, des mains puissantes agrippent ma peau du dos et je me sens propulser dans les airs. Je m’écrase alors dans la poussière, le choc me surprend mais je suis soulagé d’être vivant. Je me relève en bondissant sur mes pattes. Emmett hoche la tête, satisfait que j’aille bien. Je lève la tête vers la roche d’où nous venons de sauter et je ne vois plus de vampires. Soit, ils nous ont suivi et ont disparu, soit ils ont filé par un autre endroit.

C’est alors que ça recommence…j’entends à nouveau la « Voix » et Edward qui n’est pas là…je me concentre quelques secondes, je ne la reconnais pas mais ces paroles…bordel, ce sont bien celles que ma mère prononçaient !!! Mais ce n’est pas sa voix à elle…Emmett me parle en même temps, je n’arrive pas à me concentrer sur ce qu’il me dit, cette « Voix » m’hypnotise vraiment et je ne parviens pas à lutter. Alors, je décide un truc qui me coûte mais qui est nécessaire si je veux rester concentrer : je mute devant Emmett. Ce dernier est d’abord surpris puis continue :

-          On passe par le Sud et…

-          Attends, le coupe-je. Répète tu veux ?

Il hésite, me regarde bizarrement, la « Voix » s’est tue…puis il recommence :

-          Ils ont filé prévenir leur maitre sûrement…autant dire qu’on est foutu. On va changer de trajectoire et passer par le Sud de la ville.

Il me regarde à nouveau puis me lâche, perplexe :

-          Bon sang Paul, qu’est-ce que tu fous comme ça ?!! Tu dois prévenir les autres !!! Tu attends quoi là ??

-          Ouais…ok.

Je me transforme à nouveau, comprenant qu’il ne servait à rien de discuter de mes hallucinations auditives pour le moment.

 

14 – Leur trahison

 

Le ciel se couvre et je découvre avec stupeur que nous approchons de midi et qu’il va en effet pleuvoir. Je le sens dans l’atmosphère, ça bouge…Emmett s’arrête soudain et je le vois observer quelque chose devant lui. Je gémis pour lui faire comprendre que je veux qu’il me parle. Il baisse la tête, sourit puis me dit :

-          Volterra…

J’avance un peu, sors de la forêt et découvre une grande plaine à mes pieds. Puis, au milieu de cette étendue de champs, un village en surplomb, entouré de remparts et construit sur un amas rocheux. Une immense tour domine le centre. Cette cité est majestueuse mais aussi perdue au milieu de nulle part. Le lieu idéal pour des vampires qui se prennent pour des Seigneurs et qui veulent commander leur monde. Le ciel s’assombrit encore, la cité parait encore plus irréelle avec ses murs couleur sable. Les lieux semblent déserts autour, ça devrait être facile de se battre en plein jour ! J’avance d’un pas, près à traverser l’étendue qui s’offre à nous avant d’atteindre la cité quand Emmett me retient :

-          Eh ! Attendons les instructions d’Alice ! Nous devons être sûrs de ne pas être vu par l’œil humain.

Je suis étonné et me transforme pour parler.

-          L’œil humain ? Ne me dis pas qu’avec le nombre de vampires autour d’Aro, cette cité est habitée par des humains ?

-          Si…

-          C’est une blague ? Rigole-je à moitié. C’est un nid de vampires très dangereux, ils doivent être une centaine et ils vivent…parmi les humains ???

-          D’après Carlisle, oui…il a vécu ici quelques années.

Je tourne la tête vers la cité et vois avec stupeur des voitures que je n’avais pas remarquées, rouler sur les chemins entourant le domaine. Je vois même des gens bouger au loin…pas de scintillement, pas de capuches noires…c’était bien des humains qui évoluaient dans leur petite ville sans savoir à côté de quoi ils vivaient et le danger qu’ils courent à chaque battement de cœur.

-          Non seulement ils vivent cachés et à l’écart du monde mais en plus ils ont leur garde-manger sur place, murmure-je, écœuré.

-          Comme tous les vampires Paul…

-          Oui c’est vrai, admis-je, c’est que…

J’hésite mais j’ai comme l’impression qu’une pièce vient de tomber dans mon esprit.

-          Oui ? Me pousse Emmett.

-          C’est que vous…vous semblez si inoffensifs à côté de ce qui nous attend là-bas, ils sont beaucoup et …nous sommes si peu finalement. Rachel est là, murmure-je, parmi eux…

-          Ouais ! Claque Emmett en l’accompagnant d’une tape dans mon dos.

Je le sens soudain très excité et ça me gagne. Je sens mon corps se tendre d’impatiente et mon cœur battre avec fracas. Nous y étions…enfin. Je reprends forme animale, attendant les instructions de Sam quand soudain, j’entends une grande agitation parmi mes frères.

-          Que se passe-t-il ???Demande-je.

-          Ils nous ont trahi !!! Jacob aussi !!!Me crie Jared.

-          Quoi ???

Je lève les yeux vers Emmett qui scrute l’horizon, paisible et impatient à la fois.

-          Mais arrêtez ça immédiatement !se défend Jacob. Je ne vous ai pas trahi !!!

-          Tu connaissais leur plan depuis le départ ! Bordel, Jacob! Y’en a marre!

-          Ils veulent nous sauver ! Vous ne comprenez donc pas !Riposte-t-il.

-          Explique-toi Jacob !Ordonne-je, les nerfs soudain en pelote. Tu commences à nous chauffer avec tes secrets !

-          Je n’avais pas le choix…

Et il nous laisse entrevoir sa conversation avec Bella, dictée par les intentions de tous les Cullen. Ilsavaient prévu de faire une première vague à Volterra… seuls ! D’où l’arrivée en plein jour sous la pluie ! Ils avaient décidé ça après l’attaque dans la montagne. Ainsi, ils seraient indétectables par les humains mais nous, les loups, ne pourrions pas les suivre ou alors sous notre forme humaine et ça voudrait dire, moins forts et comme c’est hors de question, ils misent sur le fait que nous ne voudrons pas nous faire voir. Ils espèrent que nous resterons donc en retrait, attendant qu’ils fassent un massacre ou qu’ils récupèrent Rachel sans faire de victime. Et nous n’avions rien suspecté !!! Nous étions en plein jour, à la vue de tous, nous ne pensions pas que des humains vivaient là…

-          Calmez-vous, intervient Sam. Edward souhaite nous parler. Concentrez-vous sur sa voix à travers mon esprit.

Je vois alors le visage du vampire scruter les yeux de Sam puis il bondit sur une roche, comme s’il s’adressait à nous tous d’aussi loin.

-          Nous ne vous abandonnons pas, déclare-t-il alors, nous ne voulons pas vous mentir ou vous trahir. Nous voulons vous sauver. Comprenez-nous…vous êtes les derniers de votre espèce, vos femmes sont plus que menacées et vous aussi. Maintenant que nous savons que votre descendance est compromise…ça change tout. Nous ne pouvons pas vous laisser vous faire massacrer pour récupérer une des nôtres.

Mon cœur bondit à ce mot. Une des nôtres…Oui, elle était une des leurs mais jamais les Cullen n’avaient parlé de Rachel ainsi. Et jamais, au grand jamais, je n’aurai pensé que ces vampires-là risqueraient leur existence pour nous sauver, Nous, les loups-garous, leurs ennemis naturels …et pourtant, c’était bien leur plan. Y aller seuls !   

-          Nous allons attaquer, ensemble, insiste-t-il, mais mon clan sera le premier…car Carlisle a l’espoir de pouvoir négocier avec Aro et de faire cela en douceur. Si ça ne marche pas…alors vous serez seuls…et ça sera à vous de jouer.

-          Sachez que je considère ça comme de la folie, grogne Jacob.

-          Vous nous avez bien manipulés !Intervient Jared, hors de lui. Pourquoi tout ça si c’est pour nous laisser à la frontière au moment le plus intéressant ?

-          J’avais cru comprendre que tu souhaitais revoir ta femme ? S’étonne Edward.

-          Ouais mais moi tu vois, je suis un loup-garou ! Je suis né pour tuer le vampire ! Et si c’est j’ai fait tout ce chemin, c’est pour bouffer du vampire ! T’as pas l’air de tout comprendre mon pote ?!!

Je ne pouvais pas lui donner tort, nous étions tous pareils face à notre ennemi : impatient de le détruire. Je perçois le regard d’Emmett qui commence à comprendre que je suis en pleine conférence. Je le fixe et tente de lui transmettre toute ma déception dans mon regard. Il finit par baisser les yeux, gêné. Mais je sais qu’il n’y est pour rien dans cette décision. Je comprends aussi pourquoi ils font ça mais c’est inadmissible…c’est comme si nous étions plus faibles !!! Personnellement, je refusais complètement l’idée de ne pas venir avec eux, de ne pas être là quand ils la verraient !

Je constate aussi que tous les Cullen sont en train de quitter mes frères qui restent un peu abasourdis par cette décision. Je vois Bella qui lance un dernier regard à Jacob, le suppliant de ne pas la suivre, sachant aussi que nous capterons ce message à travers ses pensées. Je grogne en voyant Emmett reculer d’un pas sans me quitter des yeux en me murmurant :

-          Reste là mon frère, nous ne serons pas long…

« Non !!! »Grogne-je de plus belle en avançant vers lui, menaçant.

-          Paul, fais nous confiance ! Je vais te la ramener ta Rachel et tu décideras alors de ce que tu en feras…Seul.

« Hors de question !!! »Mon esprit est en train de bouillir de rage et au moment où je mute pour dire à Emmett ce que je pense de leur plan, je le vois disparaître de mon champ de vision.

-          Bordel !!! C’est pas vrai ! Peste-je, seul dans cette forêt.

Le silence est soudain très pesant. Je me sens presque vulnérable sans Emmett et sans ma meute.

Une minute passe et les buissons bougent. Je vois alors Jared s’approcher de moi, son sac à dos en gueule. Il mute à son tour et me lance, le regard noir.

-          Rejoignons Sam, nous devons discuter ! Quelle bande de fumiers !!!!

Je remarque alors qu’Emmett m’a aussi laissé mes affaires.

-          Où est-il ?

-          A quelques kilomètres au nord…

-          Très bien…

Je me transforme à nouveau, prends aussi mon sac en gueule et suis Jared jusqu’à Sam où Jacob l’a déjà rejoint ainsi qu’Embry. Un Conseil se prépare. Sam s’assoit et nous nous postons en cercle.

-          Mes frères, commence-t-il, j’aimerai connaître votre avis. Devons-nous leur faire confiance et les attendre, attendre de savoir s’ils s’en sortent seuls, ou les suivre...avec tout ce que cela implique ?

-          On les suit ! S’écrie Jared.

-          Ça veut dire que les humains nous verront idiot ! Lance Jacob.

-          Alors allons-y ce soir ! Riposte Jared.

-          Ce soir, ça sera trop tard…, intervins-je. Il est midi…ici, il ne fera pas nuit avant huit heures…pour des vampires, ce temps représente mille ans, ils auront le temps de les massacrer trois fois avant qu’on arrive !

-          Et s’ils avaient raison ? Ose dire Embry. Et si sans nous, tout se passait plus calmement ? Et si, en intervenant, on provoquait une catastrophe, c'est-à-dire la mort de tous ? Les Cullen…Et nous ?

Nous réfléchissons tous à cette idée. Le souci c’est que moi, je ne parviens pas à réfléchir correctement. Seule Rachel compte à mes yeux. Je suis à moins de cinq kilomètres d’elle et ça hante mon esprit. Tout ce que je vois dans le départ des Cullen, c’est qu’ils vont la voir avant moi ! J’aurai du venir ici seul !

A cet instant, j’entends à nouveau :

Je suis les quatre vents qui soufflent et te rende fou,

Je suis les diamants de neige qui se pose sur toi,

Je suis la lumière du matin qui éclaire ton visage,

Je suis la pluie qui mouille tes cheveux,

Je suis le chant des oiseaux qui caresse tes oreilles,

Je suis ton étoile qui brille dans la nuit et te guide jusqu’à moi.

Mes frères sont en train de reprendre la parole tous ensemble et j’ai beau les regarder un par un, personne ne semble perturber par cette voix. A ma pensée, Jacob s’arrête de parler et tourne la tête vers moi.

-          Tu l’entends encore ???

-          Oui…

Je commence à angoisser et mon frère me fixe en plissant les yeux, suspicieux. Je sais qu’il scrute mon âme, à la recherche de cette voix que lui, n’entend pas. Ils m’écoutent tous, un oiseau pousse un cri dans les arbres, les feuilles bruissent avec le vent… j’entends les battements violents de nos cœurs et je sais déjà qu’ils ne l’entendront pas.

-          Mais c’est quoi ce délire ??S’indigne soudain Jared. Il y a un vampire qui se prend pour une sirène ou quoi !!!

-          Pourquoi moi je ne l’entends pas ? …,murmure Jacob.

-          Mais pourquoi personne ne l’entend !!!Répète Jared, outré.

-          Tu penses que c’est Rachel n’est-ce pas ?Demande Sam à Jacob.

Je sens mon cœur s’accélérer de plus belle, je me sens même presque paralysé. Avaient-ils raison ?

-          C’est évident…, répond mon frère froidement. Mais je ne comprends pas pourquoi LUI l’entend et pas moi. Pourquoi elle ne me parle pas ? Je suis son frère ! Et lui, lui !!!

Il s’emporte soudain et me grogne violemment dessus en claquant sa gueule à un centimètre de la mienne.

-          Lui, il veut la tuer !!! Rage-t-il.Et elle lui parle, le guide vers elle…

-          Arrête ça ! Lui ordonne-je. Je ne pense pas que c’est elle, je ne reconnais pas sa voix…

-          Mais ça ne peut être qu’elle !!! Répète-t-il.Tu étais imprégné d’elle, tu es le seul à entendre cette voix ! C’est évident qu’elle essaie de communiquer avec toi ! Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que l’homme qu’elle aime veut sa mort !!!

-          C’est pour ça que tu étais d’accord avec eux !! M’écrie-je soudain. Tu voulais qu’ils la mettent à l’abri ! Tu ne veux pas que je la vois ! Ils vont la récupérer et la mettre à l’abri, c’est ça ???

-          Cette voix est entrée dans l’équation, en effet ! M’avoue Jacob. En plus du fait qu’ils veulent nous sauver. Ils veulent tous nous sauver ! Eux, nous et ma sœur !!! 

-          Stop !!! S’interpose Sam. Je croyais que vous aviez dépassé ce stade !

-          Tu ne sais même pas ce que je veux ! Crache-je en direction de Jacob sans tenir compte de la remarque de mon Alpha.Tu ne sais RIEN ! Tout simplement parce que je ne le sais même pas moi-même !!! Avoue-je, hors de moi.

Au bout d’une minute de silence où Jacob et moi nous fixons avec colère, réalisant à quel point nous étions si divisé aujourd’hui, Embry ose nous dire calmement :

-          Et pendant ce temps, les Cullen sont aux portes de Volterra…

Ça provoque en nous un électrochoc et je reprends aussitôt mes esprits, cessant de fixer Jacob par défi.

-          Très bien, lance Sam. Nous allons leur laisser une chance et attendre le crépuscule. Je crois que nous ne devons pas prendre le risque d’être vus par des humains…

-          Ok,approuve Jacob.

Nous désapprouvons tous cette décision, Sam le premier, mais savons que c’est la plus raisonnable alors personne ne proteste.

-          Et avec un peu de chance, continue-t-il, Quil et Leah nous auront rejoins.

-          Ouais…et je propose de prendre leurs femmes en otage !Leurs sangsues contre notre sangsue ! Plaisante Jared.

Bizarrement, son humour douteux me fait quand même sourire intérieurement. Je sais aussi, par une pensée furtive que je capte à l’instant, que Jared craint la nouvelle Rachel et qu’il faisait parti de ceux qui ne souhaitait pas spécialement qu’on la récupère, ni même qu’elle reste en vie… je vois maintenant clairement leurs idées. Embry aussi doutait pendant un moment, surtout lorsque j’étais prisonnier dans la grotte, lui et Jared s’étaient confrontés à Jacob, Quil, Sam et Seth…ainsi qu’à Billy. Mais en fait, en y repensant, ils étaient les seuls avec moi à avoir vu Rachel sous sa forme vampirique, ils s’étaient même battus contre elle ce soir-là, d’où leur réticence. Jacob, lui, la voyait encore comme elle était, même s’il l’avait vue à travers nos souvenirs, il réfutait cette image. Tout comme il réfutait la nouvelle Bella. Et Sam…lui aussi avait eu beaucoup de mal depuis l’attaque d’Emily mais ça lui avait passé.

Alors, nous allons attendre jusqu’à ce soir…et pour moi, ça va être les plus longues heures de toute ma vie…

 

 

Je ne quitte pas le ciel des yeux, attendant avec une impatience durement contrôlable qu’il s’assombrisse. Il pleut des cordes et je maudis la petite Cullen d’avoir eu cette vision de temps pourri ! J’aurai voulu qu’ils brillent comme des sapins de Noël ! Et qu’ils soient coincés dans leur plan !

Mais mes idées sombres ne font pas avancer les heures et je peste en silence, ma gueule entre mes pattes, mes oreilles à l’écoute du moindre bruit. Et justement…du bruit, il n’y en avait pas …pas de cris paniqués, pas d’alerte, pas de murs cassés…la forteresse était silencieuse, juste bercée par le va-et-vient des automobilistes et passants qui traversent le village. Je m’imagine alors les Cullen en pleine négociation avec les autres vampires… et peut-être Rachel parmi eux…la voix chante toujours dans ma tête. Elle ne se tait pas, on dirait une litanie sans fin. Et pourtant, je ne reconnais toujours pas SA voix. Je doute donc que ça soit elle mais depuis que nous sommes là, elle ne cesse pas.

Je ferme les yeux et décide de la laisser me bercer.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté ainsi mais soudain, Jacob me frôle et m’ordonne :

-          On y va !

Je me redresse aussitôt et remarque que le ciel est presque noir ! Je constate aussi que la voix s’est tue et ça m’inquiète. Je m’imagine soudain que mes frères avaient raison, que c’était bien Rachel et qu’elle est peut-être morte ? Ou déjà loin…avec les Cullen. Aucune de ses deux idées ne me plait !

 

Tous en ligne, nous sortons du bois. Face à nous, Volterra s’illumine et semble soudain déserte.

-          On n’attend pas Quil ?Demande Embry à Sam.

-          Non…nous avons déjà perdu assez de temps ! Déclare-t-il.Ils nous rejoignent.

Et d’un bond, nous franchissons le petit talus qui sépare la forêt des champs. Nous nous retrouvons à courir ensemble dans des plantations aussi hautes que nous. En quelques minutes, nous sommes au pied de Volterra et ma tête bourdonne. Je me sens excité comme jamais, impatient et nerveux. Je me sens aussi incapable de prendre une décision. Je suis la meute, la gorge serrée par l’émotion. Devant moi, Jacob est très prudent. Lui semble avoir bien la tête sur les épaules, tout comme Sam. Je me calque donc sur leurs mouvements. Nous grimpons au-dessus des remparts et découvrons la route qui mène au centre du village. La rue est éclairée mais déserte. Nous traversons ce passage comme l’éclair pour atteindre une ruelle plus sombre. Ça me fait un drôle d’effet de marcher sur ces pavés avec mes pattes. J’ai l’impression de les poser sur un sol interdit mais c’est aussi la première fois que nous marchons sur autre chose que de la terre, de l’herbe ou du sable. Nous courrons au travers de ces ruelles, guidés par un instinct qui doit nous mener jusqu’au nid des vampires. Tout est silencieux, c’est angoissant. Soudain, je sens au-dessus de nous une odeur familière et en levant la tête, nous découvrons que nous sommes suivis par des vampires qui traversent les toits aussi rapidement que nous. Ils ne nous ont pas attaqués et n’en ont pas encore l’intention visiblement…ils nous suivent, nous escortent plus précisément et nous comprenons alors que nous sommes tout près de leur repaire ! La ruelle s’éclaire alors d’un coup et nous découvrons que nous sommes sur une grande place, remplie de personnes…nous stoppons notre élan, un peu paniqués quand nous réalisons que tous ces gens encapuchonnés sont tous des vampires, et qu’ils nous attendent…sans broncher. Aussitôt, nous nous mettons en position d’attaque, grognant et retroussant nos babines mais ils ne bougent pas. J’en vois même un sourire. Et dire que notre plan premier était de les surprendre !

Mais pourquoi n’attaquent-ils pas ???

Tout à coup, ils s’écartent tous, en une seule vague. Ils nous tracent un chemin et nous découvrons une grande porte en bois face à nous.

-          Sam, qu’est-ce qu’on fait ?S’inquiète Jared.

-          Jacob ? Questionne notre Alpha. Que suggères-tu ?

-          On y va…, répond notre frère après une courte hésitation.

J’imagine déjà les Cullen en morceau derrière cette porte, ou peut-être des amas de cendres…J’imagine les Volturi souriant à notre arrivée, refermant la porte derrière nous et nous massacrant jusqu’au dernier. Jacob fait un premier pas et nous le suivons d’un bloc, le cœur battant et l’estomac en lambeau. L’odeur est insupportable mais ce qui est encore plus insupportable c’est de ne rien faire. Nous avançons quand soudain, mon ouïe me permet de capter cette conversation animée. Je reconnais avec surprise la voix d’Alice qui chuchote :

-          Je ne vois rien !!! Je ne vois plus rien !!! Mes visions sont brouillées !!!

-          Il n’y a pas de loups près de nous Alice, lui répond Jasper, que je reconnais aussitôt.

-          Oh mon Dieu !! S’écrie alors Alice. Si…là…

Je comprends alors que c’est Elle. J’accélère alors le pas, sans réfléchir et je finis par prendre la tête de notre groupe. Mes frères me suivent et c’est presqu’en en courant que nous arrivons sur le palais. Je m’apprête à bourrer la porte en bois d’un coup de tête mais elle s’ouvre à mon arrivée. L’antre des vampires est sombre, je sens leur puanteur partout mais ne stoppe pas ma course. Je n’ai plus qu’une idée fixe en tête : Rachel ! Vu la réaction d’Alice, je l’imagine soudain en louve et cette idée me semble complètement absurde ! Pourtant, les Cullen semblaient être face à un des nôtres !  

-          Paul ! Attend-nous !M’ordonne Jacob, un peu paniqué par mon emportement.

Mais lui aussi est curieux et impatient.

Une autre porte au bout d’un couloir…cette fois, je la brise et mes frères passent à travers les décombres. Nous grimpons des escaliers, guidés par notre instinct puis une grande lumière apparaît et nous nous retrouvons dans une immense salle. Je m’arrête net et le premier visage que je vois est celui de Bella. Tous les Cullen sont dans la pièce, éparpillés un peu partout mais ils ne bougent pas. Tous ? Non. Je cherche Alice du regard, m’imaginant la trouver avec Rachel mais Jasper et elle, ne sont pas là.

Apparemment seuls, le reste des Cullen nous regardent en silence et je capte aussitôt la désolation et la peur dans leurs yeux. Leur immobilité me surprend mais au moment où je m’apprête à avancer vers Emmett, je sens une résistance. Je vois Carlisle secouer la tête, attristé et je comprends alors que nous sommes piégés. Surpris, je tourne la tête et découvre un groupe de vampires qui vient d’apparaître sur notre droite. Ils nous sourient tous d’un air suffisant. J’en reconnais deux parmi eux. La petite blonde qui avait ordonné la mort d’une jeune nouveau-née l’année dernière et un colosse qui s’était chargé de son exécution…Trois vampires plus âgés se trouvent au centre de ce groupe et leurs yeux rouges nous fixent avec amusement.

 

15 – Les monstres

 

-          Voici donc vos petites peluches, se moque celui qui se tient tout au milieu. Quelle puanteur de chien mouillé ! C’est absolument saisissant…

Son regard est pénétrant et il avance vers nous sans peur.

-          On ne peut plus bouger !!!S’écrie Jared.

-          Reste tranquille, ordonne Jacob.

-          Ne les touchez pas ! Crie soudain Bella.

Je remarque qu’elle a l’air épuisée. En fait, ils le sont tous. Pendant ces longues heures, les Cullen avait du subir des tortures physiques, sûrement de la part de la harpie blonde qui semblait beaucoup s’amuser. Pourtant, il me semblait que Bella était hermétique à toute forme de pouvoir…mais je remarque une autre femme blonde derrière elle qui sourit d’un air satisfait.

-          Oh oh ! Ma chère Isabella, n’ait crainte…je souhaite juste m’entretenir avec eux…pour l’instant….ils sont écœurants mais si…fascinants, siffle-t-il comme un serpent.

Il s’approche encore, nous ne pouvons toujours pas bouger et je cherche du regard celui qui provoque ça. Je croise les yeux d’Emmett, qui me fixait jusque maintenant, tentant de capter mon attention et lorsque je comprends enfin, je le vois détourner le regard vers un vampire derrière le groupe. Ce dernier a l’air très concentré. J’imagine alors que son pouvoir doit être difficile à maitriser sur autant de personnes. Un point à vérifier…

-          Je me présente, chante alors le vampire qui veut discuter, Aro…le maitre de ces lieux ! Et croyez-moi, je suis extrêmement ex-ci-té de vous recevoir parmi nous ce soir mes chers amis ! Ricane-t-il. Regardez-moi cela…, continue-t-il en nous inspectant de toutes parts, vous êtes si…excusez-moi de me répéter mais vous êtes vraiment fascinants ! Avez-vous vu cela ? Demande-t-il alors au groupe derrière lui, tout agité. 

-          Charmants…, murmure l’un d’entre eux à la chevelure presque blanche.

Je remarque alors qu’il semble terrorisé.

-          Oh mais Caïus, ne soit pas si…réfractaire. Tu ne risques rien, nous les tenons maintenant ! Glousse-t-il.

Je me sens près à exploser de rage, tout comme mes frères mais il nous est impossible de faire un pas de plus, ni même de bouger un membre.

-          Ce n’est pas vrai !!!S’énerve Jared, je refuse de rester comme ça ! Quelle bande de lâches !!!

-          Calme-toi, lui dit Sam.

-          Jared ! Intervient Embry. Ça ne sert à rien !

Jacob et moi nous jetons un regard, cherchant dans nos esprits s’il n’y a pas une solution à cette impasse.

-          C’est le gris face à toi, entends-je alors derrière le fameux Aro.

-          Oh ! Intéressant …merci Marcus ! murmure ce dernier en me fixant d’un coup. Ton don est très précieux aujourd’hui. Ainsi, c’est toi l’ancien compagnon de notre Rachel ? Quel goût étrange…

Mon cœur fait un bond si puissant que j’ai l’impression d’étouffer. Notre Rachel

-          Rachel ! Ils ont Rachel ! Elle est ici !  S’écrie Jacob, heureux.

Celui qui m’a « dénoncé » se rapproche d’Aro et lui chuchote des mots si bas que je ne les capte pas.

-          Oh je vois ! Finit par s’exclamer Aro.

Et il se met soudain à éclater d’un rire tonitruant.

-          Et bien, et bien…Carlisle, mon ami…te voici avec une grande et merveilleuse famille…tout le monde aime tout le monde ici ! Dommage que ces toutous soient capables de nous briser d’un coup de dent sinon ils auraient pu être serviables…vu votre mode de vie, se moque-t-il.

Je comprends alors l’allusion au côté « végétarien » des Cullen et l’idée qu’ils nous voient vraiment comme des animaux nous révoltent tous.

-          Aro, nous pouvons encore discuter, intervient Edward.

-          Mais de quoi cher ami ? Ricane-t-il. Il n’y a plus rien à discuter ! Vous êtes venus ici dans le but de nous détruire ! Leur présence le confirme, ajoute-t-il en nous montrant d’un geste de la main. Ces petites bêtes poilues sont nées pour tuer notre espèce ! Et personnellement, je rejoins l’idée de Caïus…je suis contre leur existence sur cette terre ! Même s’ils feraient une garde exceptionnelle…

-          Ils nous écoutent ! Lance alors Bella. Ils sont à nos ordres ! Ils ne vous feront rien !

-          Vraiment ? Ricane de plus belle Aro. Voyons cela.

Et là, sans que je ne m’y sois préparé, le vampire pose sa main sur moi. Je sens une violente secousse dans tout mon corps mais au bout de quelques secondes, je réalise que c’est le choc thermique qui m’a fait réagir ainsi car je ne ressens aucune douleur. Par contre, le vampire semble jubilé car il a les yeux grands ouverts d’étonnement et sa bouche se tort dans un affreux rictus qui ressemble à un sourire. Je l’entends soudain prononcer des « Ohhh…intéressant ! » puis un « Oh – Mon – Dieu !!! ». Il reste silencieux un moment puis murmure, comme s’il se parlait à lui-même, les yeux dans le vide :

-          Une meute…des loups…le même mode opératoire…mais qu’est-ce donc ?...hum…de la magie…

Il finit par me regarder, ses yeux rouges brillent de satisfaction puis il retire sa main lentement en souriant vraiment cette fois. Il reste silencieux quelques instants puis déclare :

-          C’est l’expérience la plus fa-bu-leuse que j’ai connue de toute mon existence !!! Rendez-vous compte ! En un seul touché, je viens de me connecter à … cinq esprits !!! Peut-être plus car ils ne font qu’un ! C’est totalement fas-ci-nant !!! Répète-t-il. Tu avais raison Marcus…leur relation est très très intéressante et je comprends beaucoup mieux maintenant… Caïus, tu devrais réfléchir mon ami.

Je me demande alors ce qu’il entend par là ? Parle-t-il de Rachel ? Où sont Alice et Jasper ? Où est Rachel ? Je le ressens bien maintenant, ma colère s’est éteinte, laissant la place à l’espoir…l’espoir qu’elle me reconnaisse, l’espoir qu’elle nous suive, l’espoir qu’elle m’aime encore…mes nouvelles pensées sont coupées par la voix désagréable du vampire.

-          Tu m’as encore menti ma chère Bella…cette meute n’obéît qu’à elle-même. Tu me déçois beaucoup, continue Aro. Mais je suis vraiment heureux de te voir ainsi…cela te va beaucoup mieux ! Comment te sens-tu aux prises de Renata ? Elle aussi est un bouclier, tu le savais je crois…

Il se rapproche d’elle dans un mouvement imperceptible, lui attrape le menton et lui susurre :

-          Ton don est-il aussi intéressant qu’il le laissait présager ?

Il pose alors son autre main sur Edward qui n’a pas d’autre choix que le laisser faire.

-          Hum…oui…, sourit-il en voyant les souvenirs du compagnon de Bella. Tu es merveilleuse…et aujourd’hui, tu te laisses faire pour sauver tes petits amis, comme c’est touchant…

-          Lâchez-la !s’écrie Jacob à mes côtés. Bon sang, ce type me rend dingue !!!

Mais personne à par nous ne l’entend et le vampire continue de maintenir Bella en disant à Edward qui le foudroie du regard.  

-          Oh cher Edward…, tu sais bien que Bella m’intéresse, je vais, bien sûr, réfléchir à deux fois avant de la briser. Mais elle est très intelligente ! Elle a compris que si elle tentait de vous protéger, nous ne laisserions jamais vos amis poilus arriver jusque là…brave enfant…, murmure-t-il en souriant à Bella, quel dommage que tu te sois amouraché de tous ces joyeux lurons…

-          Tu ne toucheras pas à ma sœur ! S’écrie Emmett.

-          Votre sœur ? S’exclame Aro. Ah ah ah !!! Vous m’avez toujours beaucoup amusé avec votre petite manie de créer de vraie famille…frère, sœur, papa…chiens, ajoute-t-il en nous lançant un clin d’œil. Ah ah ah !!! encore une de tes idées Carlisle ?

Ce dernier ne répond pas, calme comme à son habitude mais je sens une vraie résignation en lui, ce qui me fait très peur. La vampire près de lui le regarde avec tellement d’amusement qu’elle me donne envie de la briser en deux.

-          Doucement Chelsea, lui murmure alors Aro, ne m’en fait pas un dépressif !

Je comprends alors que l’état attristé du docteur n’est pas naturel.

-          Ils les ont bien battus, déclare tristement Embry. Regardez-les, ils sont faibles et nous allons devoir trouver rapidement une solution pour sortir de là !

-          Nous sommes venus trop tard, murmure Jacob.

-          Ce qui est fait, est fait,répond Sam. Je ne pensais pas qu’ils étaient si forts…ils ont concentré tous les vampires à pouvoir dans ce Palais…c’est leur but ultime, rassembler les vampires qui ont un don.

-          Et maintenant, comment combattre les vampires à pouvoir si nos propres vampires à pouvoir n’en ont plus ?S’inquiète Jared. C’est vrai ! Ils sont venus pour ça non ? Et là, ils ne sont plus capables de rien !

Soudain, Aro claque dans ses mains et s’écrie :

-          Et bien ! Maintenant que tout le monde est présent, nous pouvons commencer les festivités ! Faites-les entrer !

Alors, derrière trois fauteuils sur une estrade, une grande porte s’ouvre lentement, laissant entrer deux vampires encapuchonnés suivi d’un groupe qui nous font bondir de rage. Des humains !!! Ils amenaient des humains ! Là, parmi nous ! Ils sont quatre et ont l’air terrorisé. Aussitôt, je vois les yeux des Cullen s’agrandirent, se jetant des signaux par le regard, cherchant sûrement à briser le pouvoir du vampire qui les tient. Les humains sont placés au centre de la pièce par une grande brune glaciale, ils ne nous quittent pas des yeux, impressionnés par notre taille et se demandant où ils étaient. Puis, tout à coup, je vois leurs visages s’apaiser pendant que la femelle brune leur tourne autour en disant :

-          Voilà Aro…ils sont à point !

-          Merci Heidi…reste ici je te prie, j’ai besoin que tu les mettes encore en confiance. Chelsea ?

-          Oui Maitre, répond la vampire près de Carlisle.

-          Lâche un peu notre ami et concentre-toi sur le reste de la famille. Je veux qu’il voit cela…j’attends depuis si longtemps…

-          Aro ! Tu n’y parviendras pas ! S’écrie alors le Docteur Cullen qui a repris ses esprits. Ils ne feront jamais ça !

-          Ah oui ? Ricane le vampire, tu oublies Chelsea et César je pense…Ta « famille » va se plier à mes exigences…

César ? Je me souviens alors de l’avertissement d’Emmett alors que je voulais partir seul ici. Il m’avait dit « Méfies-toi de César »…je comprends alors que c’est celui qui contrôle notre corps.

-          Jamais ! Riposte Carlisle. Leur volonté est forte ! Comment crois-tu qu’ils aient réussi à se passer de sang humain pendant tout ce temps ? Et César ne pourra pas tous les maitriser face à ça.

-          Mais Carlisle…tu n’as pas le choix ! Minaude Aro. Si tu veux la vie sauve pour tout le monde, tu n’as pas le choix…

Le docteur ne répond pas et Aro demande :

-          Allez Carlisle…donne-leur l’ordre !

-          Jamais ! S’écrie Emmett. Jamais nous ne toucherons un cheveu de ces humains !

-          Mais, je vous facilite la tâche mon ami ! S’indigne le vampire. Regarde-les ! Ils sont paisibles et vous attendent presque…Heidi leur donne confiance en vous ! Ils ne se débattront même pas ! Alec, ici présent, va même les empêcher d’avoir mal. C’est du tout cuit ! Rigole-t-il.

Un jeune vampire près de la blondasse qui provoque des brûlures sourit à Emmett avec plaisir.

-          Je veux juste que vous goutiez leur sang, continue alors Aro, plus sérieusement. Et puis, César ne maitrise que votre volonté de bouger pour l’instant… Si vous refusez d’obéir, il va contrôler votre volonté de réfléchir… et Chelsea vous donnera l’envie de mordre ! Menace-t-il froidement.

-          Ne fait pas ça, le supplie soudain Carlisle qui essaie de changer de tactique. Je te donnerai ce que tu veux, je reviendrai à Volterra si tu le souhaites !

Aro s’approche brusquement du Docteur, le visage soudain défiguré par la colère puis il siffle entre ses dents :

-          Ce que je veux ? Crois-tu vraiment pouvoir tenir cette promesse Carlisle Cullen ??? Tu sais très bien ce que je veux ! Serais-tu capable de sacrifier ta « famille » au nom de tes idéaux et de ses monstres ??? !!!! Crie-t-il contre son visage. Je veux te voir souffrir en les regardant te trahir ! Je veux qu’ils goutent et qu’ils y goutent tellement qu’ils en voudront encore ! Je veux qu’ils y pensent quand ils quitteront Volterra, qu’ils y pensent tellement qu’ils tueront et tueront encore ces humains auxquels tu tiens tant ! Et par-dessus tout, pour te punir de ton insolence et de ta trahison envers ton espèce, toi qui à tourner le dos au principe même du vampirisme, en t’acoquinant de surcroit avec ces monstres ! Je vais te punir Carlisle Cullen et briser cette relation que tu as avec ce peuple et qui t’es si précieuse !!! Ta famille va boire du sang humain, devant eux et devant toi ! Tout ton univers va s’écrouler au moment même où ils vont planter leurs crocs dans leur chair ! Ce n’est pas moi qui vais tuer ta famille Carlisle ! Vous serez détruits par vos propres amis ! Ils sont nés pour protéger les humains et ils vont encore le faire aujourd’hui ! Votre « Alliance » ne sera plus qu’un lointain souvenir après cela… Finit-il plus calmement, dans un large sourire vainqueur.

Je fixe ce vampire monstrueux avec dégoût, complètement dépité parce que je viens d’entendre. Mes frères sont aussi abasourdis que moi devant un plan aussi minutieusement préparé. Nous avions tous été manipulé ! En apprenant notre existence et notre alliance avec les Cullen, les Volturi avaient planifié notre destruction à tous. Tuer nos femmes était un plan mais nous amener à tuer les Cullen en était une autre !

Pourtant, nous le sentions tous au fond de nous, nous étions capables de pardonner cet écart aux Cullen, surtout s’il était accompli par la force. Mais cet Aro avait-il raison ? Leur faire goûter du sang humain aujourd’hui les rendraient-ils à nouveau dépendants une fois à Forks ?

-          Chelsea, occupe-toi aussi des chiens, ordonne soudain Aro.

Je sens alors une puissante envie de quitter mon loup et d'un coup, je me retrouve sous ma forme humaine.
Aro jette un œil étonné sur notre nudité puis s'exclame, le visage déformé par l’écœurement :
-        Mon Dieu, mais nous avons affaire à une bande de sauvages !!! S'il vous plait,  

cachez moi cela...c'est dégoutant.
Nous nous retrouvons avec des robes de chambre noires sur les épaules sans avoir même aperçu le vampire qui nous a couverts. L'odeur du tissu me donne envie de vomir, je me sens complètement déboussolé et très vulnérable.

-          Enfin, ils sont beaucoup plus inoffensifs comme ça, vous ne trouvez pas ? Demande-t-il à son assemblée.

-          Que fais-tu Aro ? Intervient Caïus, glacial. Nous étions pourtant d’accord ? Les loups-garous…

-          Les loups-garous ne sont plus des loups-garous ! Le coupe Aro, regarde-les, ils sont humains… dommage qu’ils ne soient pas comestibles.

Au centre, les humains ressemblent maintenant à des loques, ils restent là, à attendre qu’un des vampires les mordent. Nous sommes maintenant pratiquement sans défense et incapable de riposter. Les Cullen sont maitrisés. La situation se complique…

Je capte alors un regard entre Bella et Carlisle puis un autre entre Bella et Edward. Tous deux se fixent alors avec un amour sans limite, je pourrai même toucher le lien qui les uni à cet instant. Même Jacob près de moi le ressent alors et sa souffrance le gagne entièrement. Son visage se crispe de douleur et je comprends alors pourquoi : il ne souffre pas uniquement parce que Bella et Edward s’aiment plus que jamais à cet instant, il souffre aussi car Bella va se sacrifier…pour nous. Il le sait, il la connaît …et mes pires craintes se confirment lorsque j’entends Edward annoncer :

-          Tu as gagné Aro…nous restons à Volterra. Bella et moi, précise-t-il. Mais en échange, relâche ma famille…et relâche les Quileute.

-          Hum…vous en êtes à ce point là ? S’étonne Aro. Mais ce n’est qu’un de mes petits caprices, ça ne durera pas longtemps…je vous promets qu’après cela, vous pourrez quitter Volterra…vous et vos toutous ! Et vous vous débrouillerez entre vous après ! Se moque-t-il, sûr de son plan.

Edward le fixe méchamment puis répond :

-          C’est ta dernière chance Aro… tu devrais la saisir.

-          Ah ah ah !!! Eclate soudain le vampire. Quel Seigneur !!! Carlisle vous a bien endoctriné ! Quelle réussite mon ami ! Franchement…je suis soufflé ! Mais finalement, je crois que je ne vais pas accepter ton offre cher Edward…car je suis sûr que vous vous ferez la belle dès que j’aurai le dos tourné ! Et puis, entre nous, détruire les idéaux de Carlisle est plus jouissif que vous avoir dans mon équipe…j’aime m’amuser…et là, vous voir tous ainsi…terrorisés à l’idée de vous trahir mutuellement…mon dieu que je m’amuse !!!

-          Tu as notre parole Aro ! Riposte Bella. Edward et moi resteront !

-          Ta parole ? Se moque Aro. Veux-tu que je te touche pour que je vois quel mauvais plan tu me caches chère Bella ?

-          Allez-y ! Le provoque-t-elle.

-          Ne me prends pas pour un idiot ! S’énerve-t-il soudain. Je ne peux pas lire en toi ! Tu crois que je l’ai oublié ?

Il hésite puis ajoute en se rapprochant d’elle :

-          Quoique te voilà volontairement à la merci de Renata…tu as peut-être baissé ton bouclier ?

-          Vous pouvez nous faire contrôler par vos sbires ! Rétorque-t-elle pour le couper dans son élan. Vous en avez assez ici qui peuvent nous retenir !

-          Oh non, j’ai mieux que cela…, déclare-t-il suavement mais je ne peux pas m’en servir maintenant…c’est bien dommage.

-          Pourtant, c’est une arme parfaite ! déclare une voix cristalline qui résonne dans toute la salle.

Nous levons tous la tête sur une fenêtre où Alice et Jasper se tiennent debout, surplombant ainsi toute l’assemblée librement. Sans aucune crainte, je les vois sauter et tomber sans bruit sur le dallage, tous deux un léger sourire provoquant sur les lèvres. Ils ont l’air si sûr d’eux que je reste perplexe. Même Aro ne les arrête pas, étonné par leur audace. Alice avance vers lui, avec un petit air mutin bien à elle. Jasper la suit tout en jetant des regards neutres à sa famille mais je me doute que son esprit doit calculer à toute vitesse comment les sortir de là.   

-          Ainsi vous voilà chère Alice…évidemment, vous avez échappé à ma garde, rusée comme vous êtes, plaisante-t-il à demi.

-          Evidemment…, confirme-t-elle dans un grand sourire.

-          Vous êtes bien culottés, continue Aro en jetant un regard par-dessus son épaule pour vérifier ce que fait Jasper.

-          Et vous, vous êtes monstrueux ! Répond-elle.

-          Ah ah ah ! Allez, trêve de bavardages ! César…occupe-toi de ceux-là.

Alice croise les bras et se met dans une position d’attente, un petit sourire en coin. Je tourne alors la tête et vois le fameux vampire froncer les sourcils puis s’avancer hors du groupe, hésitant. Aro se retourne alors et demande :

-          Et bien ? Que t’arrive-t-il ?

-          C’est que…je ne peux pas, marmonne César.

Aussitôt, je vois les yeux d’Aro s’agrandirent et le dénommé Caïus crier, au bord de la panique :

-          Ils sont libérés ! Protégez-moi de ces monstres !!!

Aussitôt, le colosse et la blonde se placent devant lui.

Je réalise alors que j’avais bien tourné la tête depuis l’arrivée d’Alice et Jasper et que je pouvais même bouger entièrement !!! Les Cullen se mettent alors tous en position de défense, encerclant en même temps les humains qui se mettent tous à hurler de peur, libérés eux-aussi de l’apaisement artificiel dans lequel ils étaient plongés. Le clan Volturi se place face à nous, menaçants. Mes frères mutent ensemble et poussent un grognement si puissant que ça ressemble à un rugissement. 

Le temps s’est arrêté, nous évaluons tous la situation, mesurant nos chances de survie, calculant nos angles d’attaque, mes frères se transmettent mentalement notre stratégie de combat quand soudain, un mouvement attire l’attention de tous sur l’estrade.

 

16 – Elle

 

Mon cœur s’arrête de battre et je deviens sourd d’un coup quand il se met à nouveau à tambouriner ma poitrine avec force. Je me rends compte que je n’ai pas muté et je ne sais même pas pourquoi…enfin si, maintenant je le sais. Mon subconscient savait que ce moment allait arriver, que j’étais resté volontairement humain pour ça et là, je ne sens même plus mon corps tellement je suis pétrifié. Une créature ressemblant à une nymphe nous observe de ses yeux rouges sangs, des yeux rouges dont j’ai souvent rêvé. Ces longs cheveux noirs, sa taille fine…Non …cette …fille n’est pas Rachel, Non…elle est beaucoup trop parfaite. Tout chez elle est devenu beau, plus un défaut, tout pour séduire les humains, pense-je malgré moi…ses lèvres sont trop rouges, son grain de peau avait blanchi et scintillait de pureté… ma Rachel était moins sophistiquée, moins parfaite, plus désirable, elle me donnait envie de la mordre et de la dévorer jusqu’à l’âme pendant des heures. Cette Rachel là est froide, trop belle, dure comme la pierre et pourtant…pourtant elle m’attire, comme un aimant. Son regard…au travers ses cils de velours…

Je vois, au fond de ses yeux rouges qui me fixent, qu’elle essaie de capturer mon âme.

-          Ah te voilà…, déclare Aro d’une voix mal assurée. Et bien, viens nous rejoindre ma chère… Calmez – vous tous, ordonne-t-il à ses vampires qui semblent tous agités, nous sommes tous à égalité à présent…enfin presque, murmure-t-il en nous jetant un regard ennuyé.

Mais mes frères sont aussi hypnotisés que moi par l’apparition de Rachel. Jacob se retient sûrement de muter. Quand celle-ci pose un pied sur le sol, à quelques mètres de moi, ma respiration s’arrête et au moment où elle passe près de nous, je vois Jacob tendre le museau vers elle mais elle l’ignore. Elle continue de me fixer. Puis, elle va se placer près d’Aro, sans prononcer un mot. Alice rit et son rire me sort de ma torpeur. Surpris, nous la regardons tous quand elle déclare :

-          Votre arme parfaite…hélas…vous avez fait un mauvais choix en transformant Rachel et vous le regrettez aujourd’hui, n’est-ce pas Aro ?

-          Aucunement ! Répond ce dernier d’une voix haute. Rachel est parfaite…

-          Oui…évidemment, intervient Jasper. Seulement vous n’aviez pas prévu qu’elle serait aussi forte ! Comme vous l’avez dit, nous sommes à égalité maintenant… « enfin presque », conclue-t-il avec un petit sourire provoquant.

Aro semble de plus en plus ennuyé et sans le quitter des yeux, Alice s’adresse à son frère :

-          Tout est silencieux, n’est-ce pas Edward ?

-          En effet, je n’entends plus personne, confirme ce dernier, surpris.

-          Jasper ?

-          Je ne peux rien faire mon amour, rigole-t-il.

-          …et toi Jane ? Lance Alice à la blonde qui était restée à l’écart jusque maintenant.

La vampire lui jette un regard méprisant mais ne répond pas. Elle ne semble pourtant pas surprise de la situation et en les observant tous maintenant, je remarque que tous ont l’air agacés ! Carlisle vient se placer près de sa fille et demande :

-          Explique-nous Alice…

-          Rachel a du sang Quileute…, dit-elle, et elle a développé un pouvoir à base de cette capacité qu’ont les loups-garous à se protéger des vampires. Leur pouvoir de dissimuler leurs stratégies à Edward, celui de m’empêcher de les voir…elle est comme un brouilleur d’onde…elle inhibe les pouvoirs.

Aro est mal à l’aise et Alice rajoute :

-          Mais seulement les pouvoirs vampiriques…les loups ne sont pas concernés !

Autrement dit, nous étions maintenant les plus forts dans cette pièce ! Mes frères émettent alors un profond grognement qui roule et résonne dans la grande salle. Aro recule en disant :

-          Du calme s’il vous plait…nous pouvons encore discuter…

Du coin de l’œil, je vois le dénommé Caïus filer, suivi de Jane et d’Alec. Aro recule encore sans nous quitter des yeux. Soudain, j’entends Bella murmurer derrière moi :

-          Il faudrait vraiment que Rachel quitte cette pièce…

Je ne réfléchis même pas, je bondis sur elle et sans m’en rendre compte, je tiens son poignet glacé dans ma main. Je suis surpris qu’elle se laisse faire mais je ne m’attarde pas et me mets à courir vers la porte derrière l’estrade.

-          Arrêtez-vous !!! Arrêtez-les ! Rachel !!! se met à hurler Aro mais il est retenu par Alice et Jasper.

Au moment où j’atteints la porte et tends le bras pour choper la poignée, un immense loup roux nous bloque subitement le passage, menaçant. Nous nous toisons quelques secondes, il plisse les yeux et grogne doucement, tel un avertissement. Avec stupeur, je sens Rachel se blottir derrière moi pendant que je demande, en essayant de rester calme :

-          Pousses-toi Jacob…Rachel doit sortir, sinon les Cullen vont mourir.

Derrière nous, j’entends le combat qui commence mais Jacob me barre la route, me défiant toujours, ses yeux noirs chargés de colère et de doute.

-          Jacob, je t’en prie…je te promets que je ne la toucherais pas…laisse-nous passer.

Des cris retentissent, les humains sont au milieu de tous ces monstres…

Jacob se détend alors d’un coup, jette un regard à sa sœur puis recule d’un pas, son esprit de Protecteur reprenant le dessus. Je n’hésite pas une seconde et chope le gros anneau qui sert de poignée à cette foutue porte puis la tire vers moi pendant que j’entends mes frères gronder de plus belle lorsque Jacob les rejoint. Alors Carlisle lance, une fois que nous avons franchi la porte:

-          Bella, à toi de jouer !

-          Félix ! Occupe-toi du molosse ! Ordonne Aro.

Je sais qu’il parle d’Emmett mais je n’ai pas le temps de me retourner pour l’aider, je dois sortir Rachel de cet endroit pour que tous les Cullen retrouvent leur force. Surtout Bella !

 

Je cours encore, en réalisant que je tiens toujours Rachel derrière moi qui court aussi, qui me suit ...qui ne me lâche pas…j’ai l’impression d’être quelqu’un d’autre, d’être avec quelqu’un d’autre, d’être dans un autre monde…tout est si irréel, imprévisible, sous apesanteur…nous sommes seuls…ensemble…je la tiens toujours, elle me suit toujours, mon cœur cogne violemment…mais je suis avec une inconnue…une inconnue si familière…et j’ai envie de la garder dans ma main. Un flash me vient en tête : je cours avec ma Rachel sur les plages de la Push, je me retourne, elle se bute contre moi en riant et je l’embrasse. Tout en courant, je tourne la tête vers elle. Son aspect actuel est si différent…ses yeux…c’est ce qui me choque le plus…pourtant, ses traits sont les mêmes et nous courrons ensemble, main dans la main. Alors, je me concentre à nouveau sur notre trajectoire, cherchant une issue.

Je me retrouve sur une immense terrasse qui surplombe la place, remplie de vampires. Je reprends ma course, cherchant une autre issue quand soudain, Rachel demande derrière moi :

-          P…Paul ! Mais qu’est-ce que tu fais ? !!!

Je m’arrête net, me tourne vers elle. Son apparence me surprend tellement, elle est si parfaite…mais elle a prononcé mon prénom…alors je me rapproche et demande d’une voix que je ne reconnais pas tellement la situation me parait anormale :

-          Tu te souviens de moi ?

-          Mais…mais pourquoi me demandes-tu ça ? Comment pourrais-je t’oublier ? Je  t’attendais.

-          Quoi ?!!!

Sa voix…elle est si différente, plus douce, plus pure… mais cette voix, je la reconnais aussitôt. Je me demande juste « Comment fait-elle ? ».

Mais soudain, je vois Emmett courir vers nous depuis le couloir que nous venons d’emprunter et qui me crie :

-          Paul !!! Paaaauuuul !!! Mute !!!! Muuuuute !!!!

Son visage paniqué me fait réagir, je recule pour ne pas la blesser. J’ai juste le temps de me transformer et d’ouvrir la gueule pour casser en deux la femelle qui s’apprêtait à me choper par l’arrière et que je n’avais pas vu arriver… trop absorbé par Rachel. Emmett arrive à notre hauteur et se confronte à deux autres vampires qui viennent d’atterrir sur la terrasse. Je ne sais pas si sa force est un pouvoir en soi, il est fort, point. Mais je ne peux m’empêcher de vérifier qu’il s’en sort pendant que j’attaque un autre vampire. Je le sens plus faible…la présence de Rachel sans doute. Elle est toujours près de nous, elle s’est collée contre le mur du palais et nous regarde nous battre, pétrifiée.

Notre combat est rapide mais violent. Une fois les vampires détruits, Emmett et moi croisons nos regards et je comprends le message, la raison pour laquelle il nous a suivi : Je ne peux plus me permettre de rester humain. Je hoche la tête, d’accord avec lui et Emmett tourne la tête vers Rachel qui n’a pas bougé pour lui demander :

-          Tu nous suis ou tu restes ?

Elle reste stupéfiée, me fixe avec de grands yeux et je remarque alors au fond de son regard quelque chose de nouveau qui me bouleverse : elle a peur…Rachel a peur de moi ! Peur de mon apparence qui représente pour elle la mort assurée. Elle m’avait déjà vu comme ça…avant…mais là, c’est différent. Nous sommes ennemis, c’est dans nos gênes, et désormais, ça sera toujours ainsi entre nous.

Emmett s’avance brusquement vers elle et lui prend le bras pour la secouer en répétant :

-          Tu nous suis ou tu restes ???

-          Je…je ne sais pas…, finit-elle par répondre en bégayant.

-          Paul ! Me crie-t-il, tu dégages de là ! Va rejoindre la meute ! On se voit après !

Je comprends alors qu’il va essayer de la raisonner, seul…que mon absence va peut-être lui permettre à elle de reprendre ses esprits. Je jette un bref regard à celle qui me fixe toujours avec terreur, mon cœur se serre…je suis bien loin de mon état d’esprit d’avant…mon envie de la détruire m’a définitivement quitté. J’en suis même à vouloir me sacrifier pour elle, la protéger, la sortir de là…à regret, je finis par filer, les laissant seuls sur la terrasse pour retourner dans la grande salle où le combat fait rage. Pendant ma course, j’entends juste Sa Voix qui me murmure par la pensée, confirmant ce que je supposais depuis le début :

-          « Fais attention Paul… ».

 

En entrant à nouveau, je vois tout de suite que mes frères s’en sortent et qu’Aro a disparu. Jacob me jette un bref regard inquiet en me voyant revenir seul. Je me reconnecte mentalement à eux, réalisant alors que j’avais occulté la présence de tout le monde dans ma tête pour me concentrer uniquement sur Rachel. Je comprends alors les capacités de Jacob a nous cacher certaines choses…

Bella se bat contre la blonde Renata qui la tenait jusque là. Elles se battent mais Bella ne  cesse de jeter des regards concentrés autour d’elle. Je sais que je suis entré dans son périmètre de protection au moment où elle pose ses yeux sur moi. Je ne sais pas trop en quoi ça consiste, je ne l’ai vue à l’action qu’aux travers les souvenirs de Jacob mais je sais que ça marche ! Et c’est pourquoi la blonde Jane a filé ainsi que son frère et leur chef Aro. Ils savaient qu’ils n’avaient aucune chance.

 

La pièce est bondée de vampires qui nous attaquent de toutes parts ! Sans doute que certains ont des pouvoirs puissants mais nous sommes protégés par le bouclier. J’en casse beaucoup un peu à l’aveugle. Il y en a énormément et ça fuse de partout ! J’ai toujours peur de toucher un Cullen mais je pense qu’ils se protègent de nous pour nous faciliter la tâche. Edward est plus rapide et plus fort que jamais, Jasper est provoquant et même souriant parfois, moqueur, je ressens son état d’esprit jusque là, qu’il nous communique grâce à son pouvoir … Alice a ses visions du futur brouillées à cause de notre présence. Elle ne peut donc pas prévoir les « coups » à l’avance mais semble bien s’en sortir. Le docteur Cullen est très précis dans ses attaques et mes frères se battent encore mieux que le jour de la bataille des nouveau-nés, cette fois mieux préparés.

Moi, mon esprit est fixé sur Rachel, je me demande si Emmett la convaincue et je sens que Jacob est soulagé de voir ce qu’il se passe dans mon esprit, surtout mes derniers souvenirs. Je le laisse explorer mon âme à son aise, afin qu’il comprenne que nous sommes à nouveau du même côté ! Sam aussi est soulagé car il sait que notre unité est notre force et aujourd’hui, nous en avons besoin !

 

Soudain, un hurlement retenti à l’extérieur et deux loups bondissent parmi nous dans la salle dix secondes plus tard. Leah et Quil ! Je les avais captés vaguement dans toute cette agitation quelques minutes plus tôt et je sens tout de suite un soulagement mêlé à de la joie dans l’esprit de mes frères, surtout Jacob, dont le trouble est palpable par tous… Leah n’hésite même pas deux secondes, elle vient se placer près de lui, babines retroussées, prête à briser le premier qui touche Jacob. Quil bondit parmi les vampires, Rosalie le suit, agile et rapide. Elle cherche brièvement Emmett du regard puis se canalise à nouveau sur les vampires qui s’attaquent à elle. Jared fait un bond puissant jusqu’à elle et elle lui sourit...c’est presqu’une grimace, elle se force un peu mais malgré tout…c’est un sourire.  

Sans un regard, déjà concentrée, Esmée se place dos à dos avec Carlisle et le docteur semble tout à coup plus puissant, balançant des poings avec une telle force qu’un vampire se brise en une attaque.

 

Malgré notre force, malgré cette apparence de maitrise du combat, je nous sens traqués, encerclés, aux portes de la mort…elle est tout autour de nous, nous y échappons par miracle, peut-être grâce à Bella, bien que son pouvoir n’a aucun effet sur les attaques physiques, peut-être grâce à cette Alliance si particulière entre les Cullen et nous, peut-être parce que nous y croyons…mais pour l’instant, nous sommes forts et tous vivants !

-          Il faut qu’on sorte tous de cette pièce ! Hurle soudain Jasper.

Je songe à la terrasse, l’issue est vite trouvée. Je communique mon idée à mes frères, espérant qu’Edward va la capter et soudain, je l’entends crier :

-          La porte !!!

En un seul mouvement, nous nous dirigeons vers la sortie, Jasper donne un dernier coup assez puissant à un autre vampire qui vole sur le mur. Mais contre toute attente, l’immense Félix chope Bella par la gorge et son expression faciale, enragée et déterminée, me coupe alors la respiration de peur. Je vois déjà Bella brisée quand tout à coup, le géant grimace de douleur. Derrière lui, Jacob le tient par la nuque. Je sais qu’il va serrer la mâchoire et le détruire, je le sens dans mes tripes mais ce monstre est très fort ! Il lâche Bella qui retombe avec fracas sur le sol et chope Jacob dans un geste si vif qu’on n’a pas le temps d’intervenir. Il tient maintenant mon frère de sa main puissante, le projette par-dessus sa haute stature puis, d’un coup de genou, lui brise les reins. Jacob hurle de douleur. En une seule vague, nous nous lançons tous sur lui mais Edward et Bella, le visage déformé par la colère, sont plus rapides et se lancent ensemble sur le géant.

Au même moment, d’autres vampires surgissent, nous encerclent et le combat reprend. J’entends à nouveau mon frère hurler mais nous ne pouvons pas l’approcher. Bella et Edward combattent toujours le colosse pendant que Jacob agonise à ses pieds.

-          Il faut l’évacuer !!! Crie Carlisle.

-          Où est Emmett ? Hurle Rosalie, paniquée.

-          Où est Rachel ???Pense-je en écho. Je ne l’entends plus

A cet instant, Emmett entre dans la pièce et s’attaque d’un bloc à Félix, Bella et Edward reculent, le laissant tenter de maitriser le vampire. Ils sont à forces égales ! Ils se battent, tel deux gladiateurs, leur puissance est spectaculaire ! Emmett parvient à projeter Félix si fort que celui-ci traverse une fenêtre et retombe lourdement dans la cour que nous avions traversée à notre arrivée. Mon ami ne lui laisse pas de répit, il bondit et traverse la fenêtre brisée à son tour pour rejoindre son adversaire à l’extérieur. Je sais que dehors, la cour grouille de vampires et je décide de partir rejoindre mon ami. En passant, je croise le regard de Jacob, toujours couché au sol mais protégé par Alice, Jasper et Esmée qui forment une sorte de périmètre autour …Carlisle, agenouillé près de lui, pose ses mains glacés sur son ventre, évaluant les dégâts…et puis, il y a Leah, couchée contre lui sous sa forme lupine, qui le protège encore mieux que n’importe qui. Même s’il a repris forme humaine, je sais qu’il est en train de guérir et même si nous ne pouvons plus communiquer mentalement, je comprends parfaitement le message dans ses yeux : « Sors ma sœur de là ! ». Je hoche la tête puis mon regard se fixe sur les yeux de Leah qui a l’air de souffrir autant que Jacob. Elle me dit alors par la pensée :

- Je ne bougerai jamais d’ici, tu le sais maintenant… fonce !

Alors, je file par les escaliers, suivi par Bella et Edward qui décident aussi d’aller aider Emmett.

 

17 – Le massacre

 

Dans le centre de cette cour, noircie par le nombre incalculable de vampires, Emmett et Félix se battent toujours et à ma grande surprise, personne n’intervient. J’imagine alors que tous ces monstres sont l’armée personnelle du Gardien d’Aro et qu’il leur a donné l’ordre de ne pas se mêler de ce combat. A notre arrivée, mes soupçons se confirment lorsque tous les vampires se massent en cercle, formant une sorte de rempart afin de nous empêcher de passer. Bella n’hésite pas une seconde et commence à frapper chaque vampire qu’elle croise. Edward n’a pas d’autre choix que de la suivre. Je les suis aussi, les protégeant par l’arrière, ainsi qu’Embry et Quil qui m’ont rejoint. Nous nous sentons complètement pris au piège mais nous devons atteindre Emmett !!! Et surtout, je dois lui parler, savoir où est Rachel ??? Bella nous protège et pour cela, nous ne devons pas quitter son périmètre ! Nous claquons notre gueule à gauche et à droite pour croquer quelques vampires suicidaires. Tout en nous défendant, je balaye cette foule du regard à la recherche de Rachel. La tension est si palpable pendant que nous traversons ce champ de vampires, que je me sens électrique. Sam surgit de nulle part et parvient à bondir jusqu’à moi :

-          Où est-elle ??? me demande-t-il, inquiet.

-          Je ne sais pas…

Il me quitte aussitôt, non sans esquiver quelques attaques. Il part à sa recherche pendant que nous nous faisons encerclés.

 

Je suis au bord de la panique, nous devons sortir de là, nous devons partir de là !!! Mais AVEC Rachel ! Nous sommes venus pour elle !

Je ne l’entends pas, pourtant, je crie son nom dans ma tête, espérant qu’elle m’entende ! Pourquoi Emmett l’a-t-il laissé ???

 

Son combat avec Félix est violent. Il tient bon pendant que nous continuons notre carnage parmi les vampires en essayant de le rejoindre. Soudain, j’entends Jared et je le vois de l’autre côté de la cour avec Rosalie qui ne quitte pas des yeux Emmett. La peur se lit littéralement sur son visage quand elle le voit au centre, toujours aux prises avec Félix. Mais elle ne s’attarde pas et commence à se battre aux côtés de mon frère qui tient déjà un vampire entre ses dents. Alice et Jasper sont avec nous à présent, complètant notre fragile armée.

 

Et tout à coup, je LA vois !!! Là ! De l’autre côté de cette fontaine. Elle est immobile et semble ne pas comprendre ce qui se passe devant elle. Elle cherche quelqu’un dans la foule, je crie à nouveau son nom dans ma tête et elle finit par poser son regard sur moi. Je sais qu’elle me reconnaît à mes yeux. C’est un trait physique que nous gardons sous notre forme animale et elle ne risque pas de me confondre ! Je me focalise sur elle, je ne vois plus qu’elle, elle m’hypnotise, j’ai l’impression de revivre mon imprégnation, elle seule compte, elle est toute ma vie et je vois dans son regard en flamme qu’elle m’attend… quand soudain, j’entends Bella crier :

-          Emmett !!!! Nooooooooooon !!! C’est un piège !!!

Je le vois apparaître entre Rachel et moi puis, avec horreur, je vois mon ami éclater en morceaux. Je mets quelques secondes à réaliser qu’on vient de le détruire devant mes yeux. Et maintenant, je ressens une douleur fulgurante dans l’échine puis je me paralyse. Félix apparaît à travers la poussière de glace laissée par Emmett, un sourire diabolique sur son visage. Un autre vampire le rejoint, éclate de rire tout en me fixant. Ses lèvres me soufflent un « je t’ai eu…» sadique. Je reconnais un de ceux qui nous ont attaqués dans la forêt, Emmet et moi, celui auquel j’avais échappé lorsqu’il m’avait demandé de sauter au-dessus du précipice.

 

Je brûle, ça me bouffe l’intérieur comme de l’acide, je sens le feu parcourir mes veines à une vitesse folle… mon pouls s’accélère violemment, mon corps vacille, je n’entends plus rien … j’ai repris forme humaine, je ne comprends pas ce qu’il s’est passé…la vision d’Emmett ressemble à un cauchemar, tout est allé si vite, que s’est-il passé ? Je suis tellement raide et brûlant que je ne parviens pas à regarder autour de moi si ce que j’ai vu est réel ! Rachel a disparu au moment où Emmett a été détruit. Il semblait si paniqué, je vois encore sa main devant mon museau comme pour me défendre d’avancer plus loin, juste avant que …

 

Un cri me transperce les tympans…. Rosalie….

 

Des mains glacées m’empêchent de tomber lourdement, des bras m’enveloppent, maintenant mon cœur commence à ralentir, tout devient brouillard. J’entends la voix paniquée de Bella :

-          Paul, Paul…non…Bon sang…Alice, va chercher Carlisle, va le chercher…

-          Ils m’empêchent de passer Bella !!!

-          Edward !!!! Je t’en prie !!!

-          Je ne te laisse pas !!! Hurle-t-il.

-          Quil !! Embry !!! Reprend Bella. S’il vous plait ! Foncez ! Foncez !!!! Je le protège.

Sa voix se déforme, mon corps prend feu, je suffoque, je hurle de douleur…tout bouge autour de moi, je sens la mort partout, elle vient me chercher…un liquide brûlant remonte dans ma gorge, je me noie dans le feu …je suis en train de me consumer… j’entends des hurlements, des corps brisés, des claquements de dents…puis le froid, la glace qui parcourt mon corps, des mains qui cherchent quelque chose…la voix calme et douce du Docteur Cullen résonne dans ma tête :

-          Tenez-le…

-          Paul !!! hurle une voix familière dans mes oreilles. Tiens-bon !!! Tiens-bon mon frère !! ça va prendre quelques minutes !!!

Jacob est près de moi…il est sauvé ! Il est sur pieds ! Mais pourquoi me dit-il ça ? Le venin ? C’est le venin que je ressens ? Comment ais-je pu me faire mordre ? J’ai baissé ma garde ! Quand Rachel était là, j’étais trop hypnotisé et je n’ai rien senti venir ! Emmett…a-t-il voulu la sauver ? Ou était-ce moi ? …il s’est interposé…il a baissé sa garde…non…pas lui…Son image flashe mon esprit, son sourire, ses rires, sa vitalité, son insouciance, sa force…nos derniers mots : « Je vais te la ramener ta Rachel… » Je le vois encore me quitter, ma dernière vision de lui…partir seul pour m’épargner.

Je pousse un nouveau hurlement de douleur, ma souffrance est physique mais mon âme et mon cœur brûlent en enfer et hurlent plus fort que moi…

La main puissante de Jacob me maintient pendant que Carlisle enfonce une immense aiguille dans mon bras. Autour de moi, les combats continuent, je me demande même comment nous pouvons être encore vivants… comment Bella peut encore me regarder, comment le docteur Cullen peut garder cette sérénité dans son regard. Le visage de Jacob apparaît devant moi, il me sourit mais ses yeux sont inquiets… je ferme les miens quelques secondes, le feu est en train de devenir chaleur, mon corps cesse de trembler, un goût amer reste dans ma bouche…sans contrôle, je commence à pleurer. Mon chagrin est si immense que je ne suis pas sûr de pouvoir survivre à une telle peine. La douleur est plus forte encore qu’à la mort de David.

-          Emmett…non, murmure-je, c’est impossible…non…

-          Paul…, murmure Bella, son visage glacé collé contre le mien. Nous allons te sortir de là…nous allons tous sortir de là…

Puis, Rachel envahit à nouveau toute ma tête quand, venant de loin, sa Voix me dit avec douceur :

-          Tiens-bon Paul…je suis là…

Je lève les yeux vers le ciel d’encre au-dessus de moi, je fixe une étoile qui semble plus briller que les autres et je récite, en écartant de mon esprit les hurlements autour de moi et les bruits de pierre brisées :

-          Même si tu ne peux plus me toucher… je serai là, et si tu écoutes ton cœur, tu m’entendras. Je suis ton étoile qui brille dans la nuit et te guide jusqu’à moi.

Ma gorge se serre si fort que j’ai l’impression que des mains m’étranglent. Je tente de respirer à nouveau mais ça fait mal…ça fait tellement mal…

-          Emmett, tu étais un frère mon ami, mon dernier frère…

De la poussière étincelante passe devant mes yeux puis s’envole dans le ciel.

 

J’entends à nouveau des hurlements de rage, des grognements, des cris de douleurs, ceux de Rosalie je crois…je parviens enfin à tourner la tête et découvre que mes frères ont formé un cercle autour des restes d’Emmett. Rosalie se trouve à genoux au milieu d’eux et rassemble ce qu’elle peut d’une main tremblante. Je m’arrache à cette vision insupportable. Difficilement, je balaye mon environnement du regard, essayant de comprendre comment je peux être encore en vie alors que je suis à terre, à la portée du premier venu. Les Cullen sont tous là, Bella plus près de moi, me protégeant sûrement…

 

Puis je LA vois, elle marche doucement mais loin de nous, observant la scène à distance, évoluant parmi ceux de son espèce. Je comprends alors qu’elle ne veut pas perturber les Cullen mais son regard en dit long. Elle attend une opportunité ! Je la contemple à travers ces vampires qui se battent pour elle. Rachel est devenue très sûre d’elle malgré son apparente fragilité…de là, je sens sa force, je sens son pouvoir qu’elle diffuse sans même que les autres ne s’en rendent compte. Ils deviennent plus faibles tout à coup, se demandent sûrement pourquoi ? Puis quand les Cullen prennent physiquement le dessus, elle avance plus loin pour ne pas gêner. C’est si discret que j’ai l’impression d’être le seul à la voir agir…je me demande si elle me voit, coucher par terre, si elle sait que je suis là. Son message était clair, elle venait nous aider. Mais il faudrait vraiment qu’on sorte de là ! J’essaie de bouger mais ça fait mal. Au même moment, Leah bondit sur moi et grogne.

-          Ok, je ne bouge pas…, murmure-je.

Elle reste alors près de moi, pour être sûre que j’obéis.

 

Je vois Edward se battre comme un lion contre Félix. A ses côtés, Jasper, qui maitrise parfaitement la situation. Bella, un peu en retrait, tente d’approcher Félix qui combat contre son mari. Mais elle est retenue par l’autre vampire qui m’a mordu. Mes frères sont plus unis que jamais, Jacob a retrouvé toutes ses forces et vient de casser un vampire récalcitrant. Rachel se rapproche de Félix, je la vois derrière lui à présent. Elle pose alors son regard sur moi et me sourit…un drôle de sourire, un sourire complice, comme si elle me disait : « Je te l’ai dit, je suis là… ». Au même moment, Edward et Bella parviennent à leur fin et brisent Félix en deux sous le regard horrifié des autres vampires. Cette mise à mort jette un froid et les combats cessent aussitôt. Dans un souffle de vent glacial, nous nous retrouvons seuls, abandonnés par nos adversaires.

Rachel est toujours à la même place, immobile mais le regard maintenant fixé sur le corps brisé de Félix. Je capte alors un étrange rictus sur ses lèvres, comme du dégoût. Une idée atroce me traverse alors l’esprit…je commence même à entrevoir dans mon imagination des choses qui me donnent la nausée. Rachel avait vraiment eu une autre vie ici…une vie sans moi…une vie monstrueuse et elle venait d’y mettre fin, en détruisant celui qui avait sûrement été plus qu’un simple gardien de la cité. J’ai une soudaine envie de pleurer, me disant que ces pourritures m’avaient décidément tout pris. Mais, elle finit par abandonner sa vision pour poser à nouveau ses yeux sur moi. Elle ne sourit pas mais son visage exprime un tel soulagement qu’une seule idée me vient en tête : « C’est enfin terminé… ».

 

Encore une fois, tout est allé si vite que le silence me parait assourdissant. Après vérification que nous sommes bien seuls, Jacob quitte le cercle de protection et s’approche de moi. Il reprend forme humaine, s’agenouille à mes côtés et me dit avec un calme qui tranche drôlement avec la violence que nous venons de subir :

-          Tu quittes Volterra, sur le champ ! Avec les Cullen…Et ma sœur…

Je hoche la tête avec difficulté, la gorge serrée. Je ne me sens pas encore d’attaque pour muter mais mon corps guéri très vite.

-          Je compte sur toi pour la ramener à Forks…

-          Et toi ?

Il tourne la tête vers la meute, son regard se pose sur Rosalie et son visage se crispe douloureusement. Puis Rachel ose s’approcher de nous et pour la première fois, leurs regards se croisent. Ils restent pourtant silencieux tous les deux et je réalise alors que leur fraternité est brisée. Jacob doit le ressentir car il pince ses lèvres, admettant la situation. Rachel n’était plus la sœur qu’il avait connue, elle ne semblait même pas éprouver un élan d’amour envers Jacob. Et lui, n’avait pas osé lui parler. Elle se tenait à distance, là, parmi nous mais en tant que vampire à présent… Jacob baisse la tête puis pose ses yeux sur moi. J’y lis une infinie tristesse mais je sais qu’il acceptera plus vite l’état des choses qu’avec Bella. Il soupire puis me répond :

-          Nous vous suivrons…nous avons encore deux ou trois choses à régler.

-          Les humains…, arrivé-je à articuler faiblement.

-          Oui…ceux qui nous ont vus sont en sécurité à présent, mais notre secret doit être gardé. Nous devons réfléchir à une solution. Et puis…

Il hésite continue :

-          Et puis, Rosalie ne veut pas partir d’ici…les vampires vont revenir…on reste avec elle.

-          Ok…

Leah apparaît au-dessus de la tête de Jacob. Elle pose un sac à mes côtés puis un autre près de mon frère. Je tourne la tête et reconnaît son sac de vêtements que nous avions laissé aux portes de Volterra. Elle me sourit tout en posant sa main sur l’épaule nue de Jacob. J’observe le visage serein de ce dernier et m’imagine que leur histoire commence.

 

18 – Notre départ

 

Le ciel commence à s’éclaircir. Le jour se lève. Les humains vont réapparaitre dans la cité, il faut absolument partir.

A une vitesse hallucinante, je vois Jasper en profiter pour mettre le feu aux restes des vampires vaincus avec une technique qui frise la maniaquerie…il met le feu à tous sauf à ceux d’Emmett.

Puis, il s’approche de moi et m’aide à me relever. Lorsque je me retrouve debout, j’ai l’impression de sortir d’un rouleau compresseur, une nuit cauchemardesque à oublier et je me sens surtout très faible…physiquement et moralement. Aussitôt, Rachel fait un pas vers moi. Nous nous dévisageons mais elle reste silencieuse. Je lis pourtant dans son regard une douceur infinie qui me bouleverse. Elle ose poser sa main sur mon avant-bras, je frissonne mais la laisse faire. Pourtant, elle la retire aussitôt. Je lui dis alors :

-          Non…tout va bien…

-          Ce n’est pas ça, répond-elle de cette voix étrange à laquelle je vais devoir m’habituer. C’est que …tu es si brûlant…

-          Ah oui…, murmure-je en baissant la tête.

Bon sang…allions-nous pouvoir nous habituer l’un à l’autre ?? Cette nouvelle pensée me traverse l’esprit avec une telle force que je sursaute, réalisant à quel point j’avais évolué. Je lui souris faiblement, comprenant qu’entre nous, elle n’était pas la seule à avoir changé. Pour elle aussi, j’étais différent maintenant.

 

Du coin de l’œil, je vois Rosalie, toujours par terre et je n’ose pas tourner la tête, c’est trop douloureux. Je décide donc de m’éloigner un peu, Rachel me suit à une certaine distance. Carlisle apparaît devant moi et m’annonce :

-          Nous partons bientôt... Tu es prêt ?

-          Oui…, réponds-je la gorge serrée en pensant qu’une fois que nous aurons quitté cette cité, je laisserai une partie de mon âme ici.

-          Rachel ? Demande-t-il. Nous suis-tu ?

-          Oui, déclare-t-elle dans un souffle glacial qui caresse ma nuque.

Je n’avais pas du tout imaginé ce voyage ainsi, je n’aurai jamais pensé que je serai dans cet état d’esprit, aussi faible et déchiré. La perte d’Emmett me touchait très profondément. Je le sentais, plus rien ne serait comme avant. J’avais « retrouvé » Rachel, elle était très différente mais physiquement présente. Je comprenais maintenant les paroles de Jacob lorsqu’il me disait se contenter du « physique de Bella » tant que son âme n’avait pas changé. Pour moi, Rachel avait changé mais je sentais que quelque part, au fond d’elle, une partie de son âme brulait encore. J’allais devoir faire connaissance avec cette nouvelle Rachel mais elle semblait bien disposée à renouer avec moi et surtout, elle ne m’avait pas oublié ! J’étais soulagé qu’elle accepte de nous suivre sans discuter…j’avais tellement de choses à lui dire et à savoir ! Mais pour l’instant, je me contentais de l’observer à la dérobée, de m’habituer à la nouvelle texture de sa peau si parfaite, légèrement scintillante à cet instant, à sa nouvelle couleur porcelaine, à cette force qui émanait d’elle… Edward avait eu raison depuis le départ. Notre imprégnation s’était transformée en quelque chose d’autre, une attirance irrésistible, peut-être guidée par son aura vampirique mais qui ne me dérangeait pas du tout. Je ne sentais même plus son odeur. Je ne sentais plus l’odeur de personne en fait. Tous ceux qui se trouvaient là étaient de ma famille à présent. Cette bataille nous avait définitivement liés.

Jacob s’approche de moi, Leah derrière lui…elle me semble si différente aussi, si…docile. C’est fou comme en une nuit, tellement de choses ont changé ! Sam nous rejoint également en disant, sur un ton léger :

-          Merci Leah d’avoir pensé à prendre nos affaires en passant…c’est un confort bien ridicule à côté de ce que nous venons de vivre mais personnellement, j’apprécie.

-          De rien Sam, répond-elle avec une douceur qui me surprend.

Ils s’observent quelques instants, Leah baisse les yeux en rougissant légèrement. Un message a du passer entre eux sans que Jacob et moi ne le captions mais je comprends qu’elle a définitivement fait un trait sur lui et qu’ils semblent tous les deux en être satisfait. Dans un mouvement imperceptible, je vois Jacob se replacer près d’elle. Leur relation est si étrange, rien n’a été dit, rien n’a été fait mais on dirait qu’il l’accepte comme sa compagne. Un peu comme Rachel et moi…naturellement.

-          Paul, me dit alors mon Alpha. Vous partez maintenant. J’aimerai juste que tu rassures Emily sur la situation dès ton arrivée !

-          Compte sur moi…

-          Le voyage va être long et épuisant après ce qu’il vient de se passer…tâche de penser à te reposer. Les vampires ne vont pas se rendre compte de ton état sauf quand tu ne pourrais plus avancer ! Plaisante-t-il.

-          Ah oui…

Je réalise alors, qu’en effet, je repartais seul avec eux…Et avec Rachel.

-          Quand serez-vous à Forks ? lui demande-je alors.

Sam tourne la tête vers Rosalie. Je ne suis pas son mouvement, trop dur, je me fixe alors sur lui. Puis il regarde Jacob qui secoue la tête doucement, l’air de dire « non » et il finit par me répondre :

-          Quand Elle sera prête…

-          Mais le jour se lève, les vampires vont revenir, les humains aussi…Rosalie ne peut pas rester sur cette Place avec…

Ma gorge me serre si fort tout à coup que l’air me manque. Sam me coupe alors en disant :

-          Les vampires ne feront rien en plein jour…Carlisle en est persuadé…ils veulent trop conserver leur secret, cette cité est un refuge parfait ! Nous sommes sous notre forme humaine, nous passerons inaperçus (enfin presque) en restant près d’elle. Si ça se complique…nous aviserons. Mais en attendant, la décision a été prise par nos deux camps : nous gardons Rosalie, les Cullen te gardent…

Cette décision me parait étrange, comme si mes frères doutaient d’assurer ma protection vu que je ne pouvais pas muter pour l’instant. Pas avant quelques heures… Mais Jacob rajoute, comprenant mon dilemme :

-          C’est une question d’honneur Paul…Emmett s’est battu pour notre peuple…nous assurerons la protection de son corps et de Rosalie jusqu’à ce qu’elle prenne sa décision…Les Cullen assureront la tienne et celle de Rachel.

-          J’apprécie…, arrive-je à dire, la voix rauque.

-          Nous l’estimions autant que toi, m’assure Jacob.

-          Oui…mais pour moi, il était plus que ça, parviens-je à articuler. Même s’il était un…

-          Nous savons, répond calmement Sam, m’empêchant de terminer une phrase qui n’avait même plus aucun sens aujourd’hui. Vampire, loups…nous étions ensemble.

Le plus dur à présent, allait être les jours à suivre… il m’était toujours impossible de tourner la tête dans la direction de Rosalie, toujours à terre. C’était insupportable. Et le plus difficile, ce sont tous ces flashs du visage d’Emmett qui envahissent petit à petit ma tête. Partout où je pose mes yeux, je le vois. Je le vois rire, me faire un clin d’œil, me transmettre un message par le regard comme il avait l’habitude de faire, je le vois se battre, je le vois courir, je le vois embrasser Rosalie…je le vois, scintillant de mille feux, fixer la Grande Bleue et chuchoter « Dommage que tu n’es pas là… », puis ça recommence avec sa voix et ses « En route frérot ! »… j’ai envie de hurler pour que ces images quittent mon esprit !!! Dans quelques minutes, j’allais quitter cet endroit maudit. J’étais venu pour retrouver mon amour perdu ou pour le détruire, je ne savais même plus…je repartais sans Lui…et ça, je n’y étais pas préparé. Je sens une main glaciale se poser sur mon bras qui, cette fois, reste. Au même moment, Bella s’avance vers moi, un léger sourire satisfait sur les lèvres. Elle n’a pas besoin de me dire ce qu’elle pense, je le lis dans ses yeux. Puis elle tourne son regard vers Rachel et lui demande :

-          Tu as des affaires à prendre ?

-          Non…tout est resté…là-bas, répond-elle avec cette voix si étrange. Je n’ai rien ici.

-          Comment te sens-tu ? Continue Bella.

-          Bien…

-          Tu es sûre de ta décision ? Insiste Bella.

Je tourne brusquement la tête vers Rachel pour sonder son visage. Je n’imagine même pas une seconde qu’elle pourrait changer d’avis mais visiblement, Bella n’en est pas aussi sûre que moi. Rachel est soudain très pâle, je m’inquiète aussitôt. Je comprends alors que cette question n’était pas aussi basique qu’elle le supposait ! Bella ne demandait pas si Rachel était sûre de vouloir nous suivre mais plutôt, sûre de vouloir changer de régime alimentaire !!! Je n’arrive pas, ou plutôt « plus », à m’imaginer Rachel mordre un humain…c’est inconcevable !! Pourtant, il faut que je me réveille. La Rachel près de moi est encore une vampire telle qu’elle doit l’être, ses yeux n’ont pas du tout la couleur de ceux de Bella…et cette différence me choque à présent. Comment allait se passer ce voyage ? Allait-elle réussir à changer ? Et si elle n’y parvenait pas ?

Bella ne me laisse pas le temps de lui poser toutes ces questions, elle finit par dire :

-          Bien…alors nous partons ! Nous verrons en chemin…je t’aiderai.

-          Oui, murmure Rachel, confirmant mes pensées.

 

Le soleil pointe dans le ciel. Tous les Cullen sont à présent sur le départ, ils se rassemblent et tournent tous simultanément la tête vers moi… vers nous…Rachel ose passer son bras sous le mien, me soutenant physiquement. Je baisse la tête vers le sol de cette place où les restes d’Emmett se sont éparpillés. Je n’y arriverai pas, mes pieds semblent collés aux pavés …je ne pourrai pas lui dire « Adieu », je n’arrive même pas à soulever les paupières pour tourner mon regard vers l’endroit où il m’a quitté. Mes yeux se remplissent de larmes chaudes, je les laisse couler pendant que ma gorge me serre si douloureusement que j’ai du mal à reprendre ma respiration. Rachel me souffle :

-          Paul…il faut partir maintenant…

Je hoche la tête mais les larmes coulent toujours. J’en vois une tomber sur mon torse et la lumière du soleil la fait briller pendant sa chute. Alors, je laisse l’image d’Emmett m’envahir, toujours la même, celle où il brillait de mille feux en contemplant la mer, je laisse cette image envahir ma tête en même temps que le soleil caresse mon visage et me réchauffe un peu le cœur. Cette image brille autant que lui dans mon esprit et je lui murmure :

-          Adieu mon frère…

Ma voix me ramène à la réalité, je me passe la main sur le visage pour essuyer mes larmes et en levant les yeux, j’aperçois les Cullen qui commencent à scintiller légèrement. Je ne peux m’empêcher de penser qu’ils sont magnifiques et je laisse cette idée atteindre mon âme, afin de sceller définitivement mon état d’esprit d’aujourd’hui avec celui de demain.

Rachel avance d’un pas, je vois ses petits pieds nus briller sous sa longue robe blanche. Cette fois, je reprends ma respiration et lève la tête droit devant moi. Mes frères sont derrière nous, je les sens mais je ne pourrais pas me retourner. J’entends juste Sam me lancer :

-          A dans quelques jours !

Je fais un signe de la tête et rejoins les Cullen qui sont déjà en train de redescendre la rue pavée que nous avions tous empruntés la veille. Avec la lumière du jour, elle me parait si différente…en suivant les Cullen qui longent les murs pour ne pas être touchés par les rayons au cas où quelqu’un sortirait dehors, j’ai la sensation d’être sur le chemin de la rédemption, celui qui va me mener vers une vie meilleure, où je serai quelqu’un de meilleur…mon cœur est lourd mais mon esprit est vide. Je ne sais pas trop ce qui m’attend de l’autre côté de l’océan, à Forks, mais je sais que plus rien ne sera comme avant.

 

Nous traversons la forêt où j’avais attendu la tombée de la nuit, bercé par la voix de Rachel, puis nous repassons par l’endroit où Jacob a explosé contre moi, m’avouant son intention de ne plus jamais s’imprégner. En marchant à l’endroit même où il se trouvait, je me le représente à nouveau et là, Leah est à ses côtés. Elle ne le quittait plus et ne le quitterait plus. Et Jacob avait changé d’avis…tout comme moi…

Tout semble si silencieux, si différent…toutes les tensions nous ont quitté, je me sens vidé et je marche un peu comme un automate, l’esprit chargé d’images violentes qui ne s’estomperont pas de si tôt.

Rachel marche toujours près de moi, silencieuse. Aucun de nous ne parle, nous sommes tous plongés dans nos pensées. Je réalise alors que les Cullen ont aussi perdu un frère, un fils…un ami et je m’en veux soudain d’avoir entrainé tout le monde dans mon histoire. Aussitôt Edward me murmure :

-          Arrête ça, tu veux…

Je sursaute, l’observe pendant qu’il marche devant moi mais il ne s’arrête pas. Ils continuent tous de marcher, droit devant eux. Ils n’ont pourtant pas l’air de souffrir de la disparition d’Emmett mais c’est parce que leur corps est figé pour l’éternité, ils ne pleureront plus, tout comme Rachel a mes côtés qui semble si forte à présent.

Je ralentis un peu le pas, elle se calque sur moi. Nous sommes maintenant à quelques mètres du groupe…j’ai envie de parler avec elle. Elle le sait, je remarque son regard attentif et elle patiente que je parvienne à ouvrir la bouche.

Je repense à cette nuit, au moment où j’avais voulu la rejoindre. Je ne comprends pas encore ce qu’il s’est passé alors je lui demande d’une voix si basse que je ne suis pas sûr qu’elle va entendre ma question:

-          Où étais-tu ? Pourquoi as-tu quitté Emmett ?

Son visage se crispe furtivement, elle ralentit encore, je m’arrête. Alors, pour la première fois, nous nous regardons dans les yeux assez longtemps pour que je remarque des détails comme son maquillage qui avait disparu, ses yeux qui virent un peu au rouge-noir, sa peau légèrement scintillante avec la lumière du jour qui filtre à travers les arbres. Ma poitrine se compresse à chaque fois qu’elle me fixe puis je reprends ma respiration quand elle baisse les yeux vers le sol. Elle semble réfléchir puis elle finit par répondre :

-          Il m’avait amené jusqu’à la lisière de la forêt, m’a demandé de t’attendre. Mais j’avais l’impression que je devais être avec toi…mon pouvoir pouvait te sauver…

-          Tu es revenue alors ? Lui demande-je en souriant spontanément, heureux qu’elle se soit sentie si impliquée par mon sort.

-          Oui…mais c’était trop tard. Démétri t’avait mordu.

Comme je la regarde sans comprendre, elle ajoute :

-          Je n’étais pas là Paul…tu as eu une illusion, provoquée par Zafrina…quand je suis arrivée, cette vision a disparu mais c’était trop tard…Emmett l’avait compris apparemment, il voulait t’empêcher de rejoindre cette fausse Rachel…mais ça n’a servi à rien, Démétri a été plus rapide, comme d’habitude… Tu n’es pas allé à lui, il est venu à toi.

Je revois ce moment, elle était pourtant si réelle…je m’étais fait avoir, j’avais faibli et je l’avais bien payé. A nouveau, le visage d’Emmett souriant s’impose à moi, mon cœur se serre. Bon sang ! Je ne pensais pas que j’étais aussi attaché à lui ! Pourtant, nous étions liés depuis longtemps, un peu comme des frères de sang…nous avions combattu plusieurs fois côte à côte, nous nous étions protégés mutuellement…enfin, il m’avait plus souvent protégé et sauvé que moi. Tout simplement parce qu’il avait abaissé les barrières plus vite que moi. Moi, j’avais toujours gardé en tête que c’était un vampire. Lui, il me voyait comme un ami. Rachel m’observe en silence, se doutant que je suis à nouveau plongé dans mes souvenirs douloureux. Je reprends mes esprits en voyant sa peau scintiller et demande spontanément :

-          Pourquoi n’es-tu jamais revenue à Forks de toi-même ?

A nouveau, son visage se crispe mais plus fort cette fois. Je m’attends même à voir des larmes perler au bord de ses paupières mais elles ne viennent pas. Elle secoue la tête puis m’avoue :

-          Je n’ai compris que très récemment que tu venais me chercher. Je ne pensais pas que tu voudrais encore de moi …et puis, j’avais besoin d’apprendre.

-          Tu aurais pu apprendre avec les Cullen ! Grogne-je malgré moi. J’ai souffert Rachel ! Tu m’as quitté ! Tu as suivi cette san…

Au loin, les Cullen s’arrêtent de marcher et se retournent d’un bloc. J’ai élevé la voix contre elle mais Rachel n’a pas bougé. Elle me fixe, la peine se lit sur son visage mais elle ne semble pas avoir peur. Elle laisse passer une minute, elle me connaît, elle sait que je vais me calmer. Puis elle répond :  

-          Paul…j’étais si perdue…tu ne t’imagines pas…ce que c’est…le feu, cette soif…cette violence…il m’a fallu du temps…beaucoup de temps.

Elle baisse la tête puis continue :

-          Je ne pouvais pas rester…je ne me souviens plus trop du jour de ma « naissance », je sais que j’avais peur…de toi. Cette peur m’est revenue à Volterra, quand je t’ai vu…mais quand je suis revenue près de vous pendant le combat, j’ai compris que je parviendrais à m’y faire.

Malgré moi, je me sens soulagé. Rachel continue son monologue, je n’ose pas l’interrompre :

-          Quand je suis arrivée à Londres, je me sentais perdue et surtout pas à ma place. Les autres paniquaient car ils perdaient leur pouvoir en ma présence. Aro m’a donc appelé à lui, il m’a dit qu’il pourrait m’aider. J’ai donc quitté Londres pour Volterra. J’ai été bien accueilli dans l’ensemble malgré ce que je provoquais sur eux…Certains n’ont pas de pouvoir donc je ne dérangeais pas. Mais à cause de mes origines, beaucoup me détestaient sauf…

-          Félix, arrive-je à prononcer.

-          Oui…, souffle-t-elle. Il m’a protégé car Jane et son frère voulaient me détruire, tout comme Caïus qui souhaitait votre mort…la mort de mon peuple. Félix m’avait promis qu’il empêcherait ça, mais j’ai découvert par la suite qu’il m’avait menti. Il voulait juste…enfin…

Elle recule d’un pas, comme si elle voulait mettre une distance entre nous. J’avance aussitôt, comprenant ce qui se passe en elle. J'étais soudain prêt à tout accepter, à tout entendre...

-          Rachel…

-          Non, ne me touche pas, dit-elle d’une drôle de voix. Je…j’étais avec lui Paul ! Tu peux comprendre ça ? Explose-t-elle soudain. J’avais fait un trait sur toi, sur ma vie d’avant, je croyais que tout était perdu !

-          Je…je comprends, parviens-je à dire malgré mon dégoût.

-          Je me sens si …sale, murmure-t-elle.

Ses yeux rouges sont si noirs et elle est si pâle, presque transparente. Je m’en veux d’avoir abordé ce sujet, j’ai le sentiment qu’elle est en train de souffrir.

Bella apparaît près de nous. Je m’apprête à lui demander de nous laisser mais l’inquiétude sur son visage me retient. Elle pose une main sur Rachel et lui dit :

-          Tu veux qu’on aille faire un tour…

Rachel pose sa main sur sa bouche et hoche la tête. Je comprends alors le problème et instinctivement, je recule d’un pas puis m’en veux aussitôt pour ma réaction. Rachel a soif…elle a soif de sang humain et il n’y en a pas ici. Je commence à paniquer. Comment allions-nous faire ? Qu’est-ce que Bella comptait faire ? Carlisle et Edward se rapprochent de nous, ils l’encerclent et le Docteur lui demande :

-          Suis-nous Rachel, tu peux y arriver.

-          Non, gémit-elle. Vous ne comprenez pas…je ne peux pas…

-          Comment cela tu ne peux pas ? S’étonne Esmée qui nous a rejoints. Tu verras, le goût est différent mais tu te sentiras beaucoup mieux après.

-          Non, répète Rachel.

Ma panique s’intensifie. Que faisait-elle ? Comptait-elle se laisser mourir pour ne plus toucher aux humains ? Allait-elle nous quitter pour retourner à sa vie d’avant ? Il y a pleins d’animaux dans cette forêt, ne peut-elle pas aller chasser ?? Je fais les cents pas malgré moi, le regard fixé sur elle qui semble souffrir encore plus qu’il y a une minute. Les Cullen ont l’air inquiet, ce qui ne me rassure pas. Edward pose sa main sur son épaule puis annonce à sa famille :

-          Je comprends son problème et il va lui falloir du temps pour le surmonter.

-          Explique-nous, demande Bella.

Edward hésite puis déclare d’une voix si froide que je sursaute :

-          Plus tard…père, si tu m’autorises, je vais m’absenter quelques temps avec Rachel. Nous vous rejoindrons…

Je tourne la tête vers Carlisle, je ne comprends pas. Pourquoi veut-il l’emmener ? Le Docteur fronce les sourcils puis hoche la tête, donnant son accord. Pourquoi a-t-il l’air si résigné ? Rachel me lance un regard…j’y lis de la honte et une tristesse infinie. Puis, elle disparait avec Edward à la vitesse de la lumière. Sans m’en rendre compte, j’avais fait un pas vers eux mais la main de Bella est posée sur mon torse, me retenant d’intervenir.

-          Où sont-ils ? Demande-je, énervé.

-          Paul…ça ne va pas se faire comme ça, murmure Bella, peinée.

-          Quoi ???

Alors je comprends…Edward a emmené Rachel quelque part….quelque part où il y a des humains…pour atténuer sa soif. A nouveau, mon estomac se révulse mais la colère qu’elle puisse ne pas s’en empêcher s’ajoute à ça. De rage, je frappe dans un arbre que j’abîme sévèrement.

-          Paul ! S’écrie Bella. On y arrivera ! Fais-nous confiance.

Je sens la colère m’envahir et aussitôt Carlisle intervient.

-          Paul ! Tu ne peux pas muter, c’est trop tôt ! Calme-toi.

-          Que je me calme ???!!! Explose-je. Que je me calme ?! Mais comment voulez-vous que je me calme !! Regardez ce qu’ils nous ont fait ???!!!

Ma tête est soudain remplie d’images de Rachel en train de mordre un humain avec la bénédiction d’Edward, lui offrant son repas sur un plateau. Je pensais pourtant que ces visions avaient disparu, que j’avais occulté son côté vampirique mais là, c’était plus fort que moi. Ma colère est si forte, je me retiens de muter car je sais que je vais avoir mal…mais soudain, je me sens comme résigné, apaisé, confiant…je tourne la tête et me retrouve face au sourire malin de Jasper qui me déclare d’une voix enjouée :

-          Bon maintenant, tu vas gentiment respirer un bon coup et te détendre…

-          Dégage de là…, arrive-je à lui balancer malgré le sentiment de calme profond qui m’envahi.

-          Sûrement pas. Je ne te lâche plus, se moque-t-il.

Bizarrement, je me dis que si Rachel était là, il ne pourrait pas me faire ça. Cette idée me surprend. Je vois soudain la portée de son pouvoir. Une arme parfaite…

-          La situation est déjà assez compliquée comme ça pour que tu en rajoutes ! me reproche Alice.

-          Nous allons avancer doucement, déclare Carlisle. Ils nous rejoindront.

Malgré moi, je les suis en murmurant un « oui » obéissant.

 

19 – Mon Imprégnation

 

Nous passons les pics enneigés puis descendons la pente escarpée qui va nous mener jusqu’en France. J’ai des souvenirs avec Emmett qui se multiplient au fur et à mesure que nous avançons et c’est parfois très difficile à supporter. Rachel et Edward ne sont pas revenus. J’essaie de ne pas trop penser à ce qu’ils font. Jasper ne me lâche pas. Bella semble aussi inquiète que moi et reste bien silencieuse. Esmée et Carlisle avancent l’un contre l’autre, pensant peut-être à leurs « enfants » qu’ils avaient laissé derrière eux. Mon cœur se serre à nouveau mais je trouve la force d’avancer. Satané Jasper ! Je sens jusqu’ici sa volonté. Son pouvoir est vraiment étonnant. Quand il le laisse diffuser, on ressent toutes ses émotions. La colère, la moquerie, l’apaisement…c’est réellement fascinant.

Nous nous retrouvons à nouveau dans les bois. Cela fait maintenant des heures que nous avons quitté Volterra et aussi des heures que Rachel m’a laissée. Je me sens physiquement beaucoup mieux. Mon corps a terminé de se régénérer et d’évacuer le poison qui coulait dans mes veines. Je pense que je pourrai muter à présent. Tout à coup, Alice lance :

-          On fait une pause !

L’endroit est bien choisi. En plein cœur de la forêt. Il est temps pour eux de reprendre des forces. Peut-être pour moi aussi ? Carlisle semble être de mon avis car il annonce :

-          Paul, est-ce que tu te sens d’attaque ? ça serait le moment.

-          Je pense oui, confirme-je.

-          Très bien. Vous avez trente minutes.

Mon corps explose et je me sens soudain en pleine forme. A nouveau, nous voilà ensemble pour chasser mais ça me semble si naturel que pendant quelques secondes, je me demande même si je n’ai pas subi un lavage de cerveau. Pas le temps de penser plus, les Cullen sont déjà en pleine battue et je cours derrière eux. Une idée furtive traverse mon esprit au moment où je vois Alice me laisser une biche pour en choper une autre. Mon rêve…Dans la grotte, je la vois encore dire à son père : « Vous avez bien fait de nourrir le chien en premier ! » …Bon sang, était-ce un rêve prémonitoire ??? En tous cas, je me sentais tellement à ma place parmi eux aujourd’hui que je n’avais plus envie de me poser de questions…et je mords dans la biche qu’Alice m’a laissée.

 

Au moment où nous revenons à notre point de départ, mon cœur fait un bond à la vue d’Edward qui nous attend patiemment, assis sur une branche. Aussitôt, je cherche Rachel et il me lance pendant que Bella le rejoint, devinant mon impatience :

-          Près de la rivière !

Je reprends forme humaine, enfile mon jeans et me dirige presqu’en courant vers l’endroit indiquée. Au moment où je la vois, mon esprit me martèle à nouveau : « c’est un vampire Paul !!! ». Si seulement ma tête pouvait se taire parfois…

J’avance doucement vers elle, elle semble si apaisée pendant qu’elle passe sa main dans l’eau. Au moment où je suis à ses côtés, je me rends compte qu’elle est aussi en train de caresser un renard qui curieusement, se laisse faire et ne semble même pas effrayé par ma présence. Rachel relève ses cheveux pour les placer sur sa nuque. Ainsi, je vois mieux son visage et constate que sa peau est redevenue nacrée, qu’elle-même semble plus sereine. Malgré moi, malgré le fait que cette rémission soit due à du sang humain qu’elle a du boire quelques minutes avant, je me surprends à être soulagé de son état physique. « Une vie pour une vie », pense-je alors sans même réfléchir. « Bon sang Paul ! Tu es salement arrangé mon vieux ! Et je n’ai même pas honte de moi ! » 

Inconsciente de mon tumulte intérieur, Rachel me sourit avec douceur. Je m’accroupis près d’elle et elle me murmure, tout en caressant inlassablement le renard.

-          Je veux te montrer quelque chose…

Je plisse les yeux et me concentre sur sa main, m’attendant à voir apparaître un truc magique. Mais au lieu de ça, je vois le renard lever les yeux vers elle et soudain, hocher la tête. J’éclate de rire et demande, amusé :

-          Mais…comment est-ce possible ?

-          Ça doit venir du fait que je viens d’un peuple qui vit en harmonie avec la nature, m’explique-t-elle sérieusement.

-          Il…Il t’obéît ??? Rigole-je, tu l’as dressé ?

-          Non…il m’entend.

Les yeux ronds, j’observe le renard qui maintenant pose ses petits yeux noisettes sur moi.

-          Tu lui parles là ??? Insiste-je, stupéfait.

-          Oui… Je sais tout de lui maintenant…

Elle plante alors son regard dans le mien et je réalise alors qu’elle est très sérieuse. Elle communique vraiment avec cet animal ! Ça me rappelle alors la voix que j’entendais pendant la traversée et je lui demande :

-          Les prières…c’était donc toi…j’entendais tes prières Quileute, constamment.

-          Oui je priais pour toi, pour que tu arrives jusqu’à moi…

-          Mais …mais tu as donc plusieurs pouvoirs ?

Elle sourit tout en arrêtant de caresser le renard qui maintenant se sauve. Nous le regardons partir puis elle tourne à nouveau la tête vers moi et me dit :

-          On va dire que j’ai un bon et un mauvais pouvoir…je suis en communion totale avec la nature mais pas avec le monde des humains, ni celui de mon espèce.

-          Et le mien ? Demande-je aussitôt.

-          Je considère ton peuple, celui des loups, précise-t-elle, comme un peuple de la nature…je ne peux te parler que lorsque tu es sous ta forme animale.

-          Oui, c’est vrai…

En effet, la Voix se taisait à chaque fois que je reprenais forme humaine.

-          Donc je suis en communion avec le tiens, ajoute-t-elle, amusée par sa déduction.

Je réfléchis à cette révélation puis demande, intrigué :

-          Pourquoi étais-je le seul à t’entendre ?

-          Parce que c’est ce que je voulais, répond-elle aussitôt. Pour moi, il n’y a que toi Paul…toi et toi seul…

Cette déclaration me bouleverse complètement et je ne parviens même pas à réfléchir correctement à une réponse censée. Pourtant, je devrais dire quelque chose là ! Lui dire que moi non plus, je n’ai jamais perdu espoir, que je l’attendais, que je suis venu la chercher…or, ce n’était pas le cas ! Je l’observe, elle semble si tranquille, en paix avec elle-même, bien avec moi…j’ai soudain honte de moi, je doute même de notre amour passé vu que moi, j’avais voulu sa mort. Elle remarque mon silence qui s’éternise et finit par tourner les yeux vers moi. A chaque fois, je suis troublé par leurs couleurs et je baisse les miens. Voyant que je suis mal à l’aise, elle pose sa main glacée sur la mienne. Je me force à ne pas la retirer immédiatement mais le froid m’envahi. Elle doit le sentir car elle serre ma main plus fort. Alors, je lève à nouveau les yeux et la regarde. Elle hésite puis finit par me dire, en chuchotant presque :  

-          Paul… je veux que tu comprennes pourquoi c’est si difficile pour moi…pourquoi je ne pense pas pouvoir y arriver.

-          Qu’est-ce que tu racontes ? Murmure-je, hypnotisé par ses yeux.

-          Je ne vais pas pouvoir vous suivre…, m’annonce-t-elle. J’en ai parlé avec Edward. Je communique avec les animaux…Tu comprends ? Je les entends comme Edward entend les humains. Tu comprends ce que cela veut dire ? Insiste-t-elle. Je ne vais pas pouvoir les tuer…Je ne peux pas…ils sont si …innocents. Je vais rester ici, en Europe…

Ses derniers mots atteignent alors mon esprit et je réagis en me relevant brusquement :

-          Quoi ??? Mais qu’est-ce que tu racontes ??? Tu viens avec nous !

Accroupis par terre, elle m’observe, la tête renversée vers moi mais ses yeux me renvoient son état d’esprit. Elle a pris sa décision.

-          Non Paul…je n’ai pas ma place à Forks. Je ne l’ai plus…

-          Bien sûr que si, riposte-je en m’accroupissant à nouveau près d’elle.

Je prends ses deux mains froides que je joins entre les miennes, comme pour la supplier et répète :

-          Tu viens avec nous Rachel…Tu viens avec nous…

Elle secoue la tête mais je la supplie encore, j’ai l’impression de devenir fou à nouveau :

-          Je t’en prie …ne me fais pas ça. Je t’ai déjà perdue une fois, ne me fais pas ça.

-          Mais Paul…est-ce que tu réalises deux secondes la situation ??? Je ne suis plus humaine, je ne suis plus Quileute, je ne pourrais plus vivre avec mon peuple de naissance…nous sommes ennemis. Je suis dangereuse pour vous…

-          N’importe quoi, murmure-je.

-          Et je ne pourrai jamais m’adapter au régime des Cullen ! Jamais !!! Je ne peux pas faire toujours comme aujourd’hui, voler du sang dans les hôpitaux !

-          Oh ! M’exclame-je, aussitôt soulagé. Tu…tu n’as pas mordu…

-          C’est pareil Paul ! S’écrie-t-elle en se dégageant de moi pour se relever à son tour. J’ai volé du sang destiné à sauver des vies !

-          Le docteur Cullen travaille dans un hôpital ! Déclare-je plein d’espoir. Il pourra t’en donner !

-          C’est de la folie Paul…non…ça sera quand même comme tuer des humains…je ne les toucherai pas directement mais le résultat sera le même ! Et puis…je ne suis pas sûre d’être capable de résister, d’évoluer comme les Cullen, sans tentation ! Avoue-t-elle.

Je me redresse et m’approche d’elle avec douceur en murmurant :

-          Je serai là…je t’aiderai. Bella sera là, tous les Cullen seront là… Ils sont tous passés par là… Il suffit de le vouloir Rachel.

Elle me dévisage bizarrement tout en restant silencieuse. Je baisse mon regard sur ses lèvres puis plante à nouveau mes yeux dans les siens en souriant doucement mais je vois dans ses pupilles rouges une étrange lueur. Avec stupeur, je la vois se hisser sur la pointe des pieds et déposer un baiser léger mais glacer sur mes lèvres en fermant les yeux. Mon cœur s’accélère violemment…Elle insiste un peu et j’entrouvre les lèvres pour la laisser continuer son expérience. J’ai autant envie qu’elle d’y goûter, de savoir ce que ça fait maintenant…je sens sa langue glacée toucher la mienne et la sensation est celle que j’attendais : l’impression de toucher la pierre, sans saveur. Mais je me laisse aller, la laissant m’explorer, je me demande ce qu’elle ressent ? Car je suis aussi très différent pour elle à présent. Moi, j’ai un goût de craie qui envahit ma bouche mais je ne ressens aucun dégoût parce que c’est Elle et qu’elle me manque. Elle se dégage mais sans brusquerie. Elle ne regrette pas son geste et moi non plus. Je suis même très heureux qu’elle ait osé le faire. Je ne sais pas combien de temps j’aurai attendu pour le tenter moi-même. Je n’ai plus cette envie de la dévorer comme par le passé mais cette nouvelle relation me plait. Je rougis quand elle me sourit, satisfaite que je me sois laissé faire malgré notre différence.

-          Que tu es…brulant, rigole-t-elle doucement, comme si elle me découvrait pour la première fois.

-          Reste avec moi, murmure-je, complètement hypnotisé.

Elle me lâche, recule d’un pas mais je lui attrape le poignet en répétant :

-          Reste avec moi Rachel…revient à Forks.

Elle est si belle, ça me tord les trippes de voir comme elle a changé mais je commence à m’habituer à sa nouvelle apparence.

Elle lève ses yeux sur moi, hésite puis déclare :

-          Très bien…je vais essayer. Pour toi…

Mon soulagement est si fort que je souris spontanément devant elle et je vois que ça l’amuse. Notre relation est si étrange mais tout aussi forte qu’avant. J’ai toujours le sentiment de ne faire qu’un avec elle, d’être lié par un truc magique, indestructible. Toutes mes mauvaises images, mes mauvaises intentions ont disparu…j’espère même qu’elle ne le saura jamais ! Pourtant…elle semble avoir ce don. « Je sais tout de lui » avait-elle dit en parlant du renard. Avait-elle aussi vu mon esprit ? Savait-elle à quel point je voulais sa mort, à quel point je rêvais de la brûler ? J’ai vraiment honte de moi et je me promets déjà de tout faire pour faire oublier mes sombres idées à tout le monde. Alice apparaît derrière nous et nous annonce :

-          On repart !

Sans nous quitter des yeux, nous hochons la tête pour lui donner notre accord. J’ai du mal à me détacher, j’ai l’impression d’être à nouveau dans la cuisine de Billy Black… Mais Alice insiste et je reprends pieds. Rachel la suit, je suis Rachel…

Lorsque nous rejoignons le groupe, j’hésite une seconde puis me déshabille sans aucune gêne. Au moment où je me transforme, je sens une forte tension du côté de Rachel et j’ose la regarder, afin de lire dans ses yeux ce qu’elle pense de moi. J’y lis toujours cette crainte, mais moins forte, je vois toujours une hésitation mais pourtant, au bout de quelques secondes, elle avance vers moi et pose sa main sur mon encolure. Aussitôt, je me sens connectée à elle, sa voix est même plus claire quand elle me dit par la pensée des mots que je n’oublierai jamais :

-          Tu es magnifique

 

20 – Notre évidence

 

Cela fait maintenant trois jours que nous sommes rentrés à Forks. La traversée a été longue et difficile. Pour tout le monde…

A notre arrivée, Carlisle a dut emmener d’urgence Rachel à l’hôpital pour lui donner ce dont elle avait besoin… Elle avait été incapable de toucher un mammifère durant tout le voyage. Eux s’étaient nourris de requins, orques, thons et autres poissons à sang chaud … Elle n’avait pas voulu les suivre dans leur chasse…et quelle chasse ! J’avais été littéralement impressionné par leur force leur d’un combat au corps à corps avec un requin monstrueux. J’étais pourtant du genre assez dur mais cette bête-là était une des plus laides qui pouvait exister sur Terre et niveau dent, il ne se doutait pas une seule seconde à quoi il avait affaire…ou peut-être que si finalement ? Et c’était peut-être pourquoi il s’était battu avec autant de hargne, à claquer sa mâchoire si puissante que j’étais étonné qu’il n’ait pas détruit un autre Cullen au passage. Encore une fois, Edward et Jasper avaient démontré leur technique et leur supériorité ! 

Rachel était restée près de moi mais à la longue, elle devenait transparente. Son visage se creusait à cause de la soif, elle fatiguait et j’avais eu peur qu’elle n’atteigne pas le rivage. J’avais remercié mentalement le docteur de n’avoir pas hésité une seule seconde et de l’avoir transportée avec Edward à toute vitesse vers le centre hospitalier.

 

Assis sur ce même fauteuil où je rêvais sa mort, avec une obstination qui aujourd’hui encore me faisait peur, je suis maintenant en train d’espérer qu’elle trouve un compromis pour survivre et rester avec les Cullen. Et j’avais beau chercher, je ne voyais qu’une solution : les banques de sang…Il y en avait une à Montréal, assez importante pour que Rachel s’y nourrisse sans que ça se remarque. Je l’imaginais déjà trouver un emploi là-bas, le docteur Cullen pourrait nous aider…je partirais avec elle. Ça c’était maintenant une certitude. J’étais aujourd’hui incapable d’imaginer la vie loin d’elle. Même si nous avions décidé qu’elle vivrait à la villa, je comptais bien faire comme Jacob, aller la voir tous les jours. Si elle se décidait à rester ici…si elle était incapable de trouver la force pour changer de régime alimentaire, alors j’essayerai de la convaincre de partir à Montréal.

Cela voudrait dire quitter la meute…je ne sais pas si Sam m’y autoriserait mais je comptais sur le soutien de Jacob, qui comprendrait mieux que quiconque ma position, pour les convaincre de me laisser partir.

 

Voilà où j’en suis aujourd’hui…et pour la première fois, mon esprit est complètement en accord avec mon cœur.

 

Je n’ai pas de nouvelles de mes frères, je pense qu’ils sont toujours en Italie ou peut-être en chemin. J’évite de muter car je sais que Rachel me craint, malgré le fait qu’elle semble m’accepter ainsi, je préfère le faire le moins possible devant elle. Et j’espère sa visite à la Réserve chaque minute qui passe depuis notre retour. Mais, elle ne vient pas…

Ne se sent-elle plus à sa place ici ? M’évite-t-elle ? A-t-elle peur d’affronter son père qui attend tout comme moi sa visite ?

 

Dès mon arrivée à Forks, Billy était venu me voir. Je lui avais tout expliqué en détails, il m’avait remercié d’avoir changé d’avis concernant sa fille, m’avait avoué qu’il avait souhaité ma mort pendant un moment…qu’il n’aurait pas hésité à le faire lui-même si j’avais détruit ce qu’il lui restait de Rachel. Cette mise au point m’avait fait du bien.

Emily m’avait accueillie chez elle la première nuit, j’avais repris des forces avec sa cuisine merveilleuse tout en lui expliquant ce qu’il s’était passé en Italie. Kim nous avait rejoins ainsi que Seth. Ça m’avait un bien fou de me retrouver en famille. La chaleur de la Réserve m’avait manqué. Passer autant de temps avec des vampires était une épreuve pour nous, même si aujourd’hui, je regrettais amèrement de ne pas en avoir un près de moi…un qui me manquait affreusement, tout autant que Rachel à cet instant. Et quand je dresse le bilan de ces derniers mois, je pense que mon quota de perte a atteint son maximum. Perdre à nouveau quelqu’un serait insupportable.

 

On frappe à ma porte…l’odeur me prend au nez et je la reconnais tout de suite : Bella. Je bondis de mon fauteuil et ouvre, le cœur battant. Vient-elle m’annoncer que Rachel va mieux ? Mais, je vois à ses yeux de chiens battus que quelque chose ne va pas.

-          Quoi ??? Demande-je aussitôt, agacé par son silence et son attitude.

-          Bonsoir Paul, murmure-t-elle.

-          Rachel est à la villa ?

-          Oui…

-          Alors quoi ??!! M’énerve-je. Dis-moi !!! Comment va-t-elle ?

-          Il faut que tu viennes…

La panique m’envahi mais je garde mon calme en apparence. Je chope un jeans qui traine, le balance brusquement à Bella puis mute devant elle dans un déchirement de vêtements qui retombent en lambeaux sur le perron de ma maison.

Il n’y a pas de lune ce soir, notre déplacement dans la forêt qui sépare la Réserve de la villa des Cullen passe complètement inaperçu. Nous courrons très vite, Bella garde toujours le silence et ça me prend la tête. Je grogne dans sa direction pour lui montrer à quel point son attitude m’exaspère mais elle ne détourne pas le regard ni ouvre la bouche. Je m’imagine déjà le pire…

En arrivant, je remarque aussitôt que leur domaine est complètement illuminé. Il y a l’air d’avoir du monde. Je reprends forme humaine devant la porte principale. Bella me tend mon jeans sans regarder et je l’enfile pendant qu’elle ouvre sur l’entrée lumineuse de la villa. En pénétrant dans la maison, je suis surpris de tomber nez à nez avec Jacob.

-          Oh !

-          Salut vieux frère ! Rigole-t-il en me prenant dans ses bras.

Durant son accolade, je tourne les yeux vers Bella qui me taquine d’un sourire malicieux. Je me dégage de Jacob, soulagé de le voir devant moi et lance à Bella :

-          Tu aurais pu me le dire !

-          Oh non, j’adore quand tu t’énerves, rigole-t-elle. Tu es tellement speed que c’est toujours drôle à voir.

Je grogne à nouveau mais finit par rire quand Embry se jette sur moi avec un Jared tout excité comme un chien fou qui me crie dans les oreilles :

-          Aaaaahhhhh !!! Espèce de déjanté ! Tu nous as manqué !

-          Depuis quand êtes-vous rentrés ? Arrive-je à lui demander pendant que Quil me secoue les épaules, heureux de me revoir.

-          Vingt minutes, répond Jacob. Et nous avons été surpris de ne pas t’entendre en arrivant…

-          Ouais…je…je n’ai pas beaucoup muté ces derniers temps.

Jacob me lance un petit sourire complice en me répondant :

-          Je comprends …

Je suis si heureux de les revoir ! Ils sont tous après moi, aussi content que moi d’être rentrer au pays. Je remarque alors l’absence de Sam mais je n’ai pas le temps de demander quoique ce soit qu’Alice nous interrompt en disant :

-          Bon les enfants, faudrait peut-être penser à se calmer… On vous attend.

Jacob hoche la tête, approuvant sa requête et je le suis pendant qu’il la rejoint dans le séjour.

Là, tous les Cullen attendent patiemment, disposés un peu partout dans la pièce. Rachel est assise sur le sofa et me sourit spontanément à mon arrivée. Aussitôt, je sens cette connexion s’établir entre nous, quelque chose d’irrésistible et d’incontrôlable. Je me sens bien et heureux. Ça me fait bizarre de la voir parmi eux, aussi à l’aise mais son image a tellement changé que je ne la verrais pas non plus parmi nos familles Quileute. Cette constatation m’ennuie, surtout quand je remarque les yeux creusés et le regard triste qui ne me présagent rien de bon pour l’avenir.

Esmée semble très tendue, Carlisle très sérieux…Edward tient Bella dans ses bras. Aussitôt, je tourne les yeux vers Jacob qui semble si serein…Leah n’est pas là non plus. Peut-être a-t-elle suivi Sam jusqu’à la Réserve ? Impatiente de revoir son frère ? Je suis curieux de voir où ils en sont tous les deux ?

Seule la petite Alice a l’air excitée. Jasper avance vers notre groupe, souriant et bizarrement, je le sens heureux mais ça ne vient pas de son pouvoir. Rachel est parmi nous, il ne peut pas le diffuser mais son attitude dégage ce sentiment.

-          Bien ! Lance-t-il. Avant de démarrer les festivités, je voulais tous vous remercier pour votre courage ! Vous nous avez prouvé durant cette bataille que vous étiez capable de faire la différence entre les « mauvais vampires » et les « bons vampires », déclare-t-il amusé, en tournant la tête vers le docteur Cullen.

Ce dernier approuve d’un regard cette proclamation dans un petit sourire tendu.

-          Vous m’avez parfaitement écouté, ajoute-t-il, alors que vous avez votre propre méthode de combat. J’ai particulièrement apprécié et je tenais à vous le dire aujourd’hui. Messieurs, ce fut un honneur…, conclue-t-il en nous saluant du buste comme à l’ancienne époque.

Son attitude nous amuse mais nous pensons tous à cet instant la même chose : Jasper est un grand seigneur…tout comme les autres membres de sa famille ici présent.

-          J’espère que le pire est derrière nous, annonce Carlisle en lui prenant la parole. Mais nous voulions vraiment que vous sachiez à quel point nous sommes fiers de ce que vous avez accompli en votre nom mais aussi en celui de notre famille ! Nous avons atteint notre objectif : ramener Rachel, ajoute-t-il en me regardant. Il y a eu des pertes douloureuses…pour tout le monde.

Ma gorge se serre et j’acquiesce en baissant les yeux vers le sol.

-          Mais notre espèce est ainsi faite, continue-t-il. Nous naissons dans la douleur et la violence, nous tentons chaque jour de maitriser cette force qui fait de nous des êtres quasiment indestructibles. Aujourd’hui, je peux dire que je suis fier de notre famille. Mes enfants m’ont démontré que j’avais eu raison de quitter Volterra pour un monde meilleur. Mes convictions sont les bonnes, je le sais, ils me le prouvent chaque jour et pour cela aussi, je vous remercie, déclare-t-il avec solennité à l’assemblée des Cullen. Les humains sont des êtres si précieux… je suis heureux de vous avoir transmis mon respect et mon amour pour eux.

Edward et Bella lui sourient avec affection, tout comme sa femme. Même Rachel approuve ce discours. Se sent-elle aussi comme sa « fille » à présent ? J’ai un peu de mal avec cette idée…

-          Nous allons maintenant devoir construire un nouvel avenir, continue le Docteur, avec des nouvelles règles, des nouveaux compromis…

Son regard se tourne vers Rachel et il ajoute :

-          ça ne va pas être facile…Rachel, nous devons…

-          Papa ! Le coupe Alice.

Aussitôt Carlisle se tait et tourne brusquement la tête vers l’entrée derrière nous. Ses yeux passent de la stupéfaction au soulagement et nous suivons son regard, intrigués. Leah et Sam sont dans l’entrée, je suis surpris de leur retard mais content de les revoir quand soudain, mon cœur explose de joie au moment où je croise ses yeux rieurs, cachés derrière le visage de Leah ! Comme une balle, je bouscule tout le monde pour l’atteindre de plein fouet.

-          Bon sang !!!! M’exclame-je, amusé par sa dureté. Comment est-ce possible ???

Il éclate de rire, ce rire franc et bruyant que j’ai toujours aimé et qui me manquait tant…J’ai du mal à y croire ! Je tiens Emmett dans mes bras !!! Il me serre avec autant de force que moi, si fort que je sens mes épaules se serrer pendant son accolade alors je me dégage un peu en éclatant de rire à mon tour. Son visage, si marqué par des cicatrices qui ne partiront jamais, est pourtant le même. Derrière lui, Rosalie affiche un tel bonheur sur son visage, elle respire une telle joie qu’elle semble pleine de vie !

-          Nom d’un chien ! Emmett !!! M’exclame-je, si heureux que j’ai l’impression d’être ivre. 

-          Salut frérot !

Nous nous dévisageons, j’ai encore du mal à y croire et Emmett semble vraiment s’amuser de mon enthousiasme et moi, j’ai l’impression de rêver !!!  

-          Comment as-tu fait ? Arrive-je à demander, en tentant de me calmer.

-          Comment ça ? Rigole-t-il, je suis un vampire moi ! On ne tue pas un vampire comme ça, tu devrais le savoir !

-          Mais…

Je me retourne vers les Cullen qui me sourient tous, soulagés et heureux de le voir parmi nous. Je comprends alors pourquoi ils ne semblaient pas si peinés par la perte d’Emmett, moins que moi en tous cas. Ils attendaient son arrivée tous simplement, ils savaient…Je n’avais vu que la souffrance de Rosalie…je la voyais encore en train d’essayer de rassembler les morceaux. Jasper n’avait pas brûlé ses restes…ils savaient même avant de quitter Volterra qu’Emmett s’en sortirait mais avec du temps ! Du temps que mes frères lui avaient accordé….bon sang…ainsi je m’étais encore enfermé de mes propres sentiments sans prendre conscience de ce qu’il se passait autour de moi. Encore une fois, je n’avais vu que Rachel… ma faiblesse.

Je regarde à nouveau mon ami, la cicatrice qui barre son visage est impressionnante et lorsqu’il voit mon regard attristé, il éclate de rire et me lance :

-          Attends, tu n’as pas vu le pire !

Il soulève son tee-shirt, se retourne et je vois une balafre qui part de sa nuque jusque son bassin…Rosalie passe avec douceur sa main dessus :

-          Cela m’a pris une journée et une nuit complète pour tout rassembler…ça a été l’épreuve la plus difficile de toute ma vie, nous explique-t-elle d’une voix si douce et si basse que sa souffrance s’entend encore. Mais les loups étaient là pour protéger mon œuvre…vous ne vous imaginez pas tout ce qu’ils ont utilisé comme stratagèmes pour éloigner les humains, rigole-t-elle doucement.

-          On s’est bien amusé ! Répond Quil.

-          Les gens de Volterra savent maintenant ce qu’est une fête Quileute, croyez-moi ! Rie Jared.

-          Et les vampires ? Demande Bella.

-          Nous n’en avons vu aucun…, déclare Rosalie. Aucun…

Son visage se crispe mais ses yeux sont heureux pendant qu’elle continue de caresser chaque morceau de peau de son amant. Emmett est là, parmi nous…pas aussi beau qu’avant mais là.

Sam apparaît près de moi, accompagné de Leah. Ils avaient fait le voyage ensemble, avec Rosalie et Emmett. Je leur lance un regard étonné que Jacob capte aussitôt et m’explique :

-          Emmett voulait voir la Grande Bleue alors nous nous sommes séparés…

-          Oui, murmure-je. Evidemment… il fallait diviser les forces.

Emmett prend Rosalie dans ses bras et l’embrasse sur le front avec amour.

Je pense encore au mauvais pressentiment que j’avais eu en regardant cette étendue d’eau avec lui…nous nous en sortions bien finalement.

Emmett lâche Rosalie, me regarde sérieusement et déclare en pointant son doigt sur moi:

-          Bon lundi, je commence à bosser avec toi !

-          Quoi ??? Rigole-je.

-          Pas de discussion ! Il faut que je bouge !

Je voyais en cela plutôt une façon à lui de me considérer comme un ami avec lequel il comptait passer du temps. Cette décision me fit chaud au cœur et je ne trouvais pas les mots pour le contredire. Faudrait que je parle à mon boss… et que je retourne bosser aussi…mais je ne sais plus trop où j’en suis avec Rachel. Mon avenir à Forks était encore incertain il y a une heure.

Edward s’avance vers Emmett avec Jasper, tous deux lui serrent la main avec vigueur pendant qu’Emmett avoue :

-          Désolé Edward…j’ai du tuer un ours en passant… lui seul a réussi à me redonner toute ma force.

Edward sourit, amusé puis hoche la tête, comme s’il donnait sa bénédiction à cet acte. Tout le monde éclate de rire puis Bella vient se blottir contre lui en chuchotant :

-          Tu m’as tellement manqué…dès demain matin, entrainement mon gars !

-          Compte sur moi petite sœur ! Répond Emmett en riant.

A présent, tous les Cullen l’entourent, mes frères et moi reculons pour les laisser savourer cet instant. Leur famille est à nouveau réunie, tout comme la nôtre, sauf qu’aujourd’hui, nous nous partageons Rachel…car je ne sais pas encore dans quel camp elle peut se situer.

Une fois l’accolade terminée, Edward se tourne vers moi, l’air sérieux. Puis il lance un regard à Carlisle et au reste des Cullen en disant :

-          Nous devons aussi te parler Paul…

Je tends le dos aussitôt, comprenant qu’ils ont des mauvaises nouvelles à m’annoncer. Rachel allait sûrement partir, incapable de s’adapter, mais j’étais déjà prêt à leur donner ma vision des choses. Il fallait juste que Sam accepte… Sans même réfléchir, je vais rejoindre Rachel sur le sofa. Elle sourit en me regardant m’asseoir à ses côtés. Je lui prends sa main glacée, lui communiquant mon soutien. Elle me la serre avec force, tout en gardant le silence. Carlisle, Edward et Bella se placent face à nous. Je ne les regarde pas, j’attends qu’ils m’annoncent les faits. Edward fait signe à son père qui déclare :

-          Paul…Nous avons essayé…Rachel a essayé mais pour l’instant, elle est encore incapable de se passer de sang humain.

J’aurai voulu entendre autre chose mais je me contente de caresser ses doigts blancs avec vigueur, essayant de les réchauffer malgré moi, tout en hochant la tête par reflexe, pour calmer le tumulte qui commence à m’envahir.

-          Rachel est une arme parfaite…une arme parfaite …contre les vampires, continue-t-il. Sa puissance est telle que nous ne faisons pas le poids face à elle.

Cette déclaration me chamboule un peu mais je ne réponds pas, attendant la suite :

-          Pourtant et malgré ses réticences du départ, Rachel souhaite rester parmi nous mais… Nous ne pouvons pas la garder ici, c’est trop dangereux pour nous, déclare alors Edward.

Surpris, je lève les yeux vers elle. Elle voulait quand même rester ???

-          Comprend nous, continue le vampire, même si ce silence me repose, je suis le seul ici a qui le pouvoir de Rachel convient. Alice n’a plus de visions, Bella ne peut plus nous protéger…Emmett sera moins fort.

Je les regarde tous un par un, ils semblent si désolés.

-          Nous t’avions promis de la garder parmi nous, reprend Carlisle, et je suis le premier à être fâché de cette remise en question. Mais notre famille est en danger avec Rachel à la Villa…

Je plante mon regard dans le sien, ses yeux rouges sang sont si tristes. Nous nous dévisageons un long moment, je retrouve peu à peu ses traits, à force de la regarder et de me représenter mentalement son visage quand elle n’est pas près de moi… puis je parviens à me détacher d’elle pour regarder Jacob qui me communique toute sa force et son soutien. Je détaille à nouveau Rachel, caresse des yeux ses longs cils noirs, ses lèvres, le chemin de son cou…alors je murmure :

-          Tu veux vraiment rester ici ?

-          J’aimerai oui…, souffle-t-elle. Ma famille est ici…toute ma famille. Même si je suis un danger pour tous… j’arriverai à m’adapter, je trouverai la force.

-          Rachel propose d’aller vivre plus loin, en dehors de Forks, déclare Edward, reste à trouver un endroit assez isolé, afin qu’elle ne soit pas tentée… je lui apporterai du sang de l’hôpital en attendant…

-          J’y suis arrivé, nous rappelle alors Jasper en souriant. C’est juste une question de temps…

-          Je parviendrai à changer de régime alimentaire ! Le coupe-t-elle alors.

Le ton qu’elle vient d’employer me surprend. Comme si elle essayait de se convaincre d’abord elle-même avant de convaincre les autres.

-          J’y arriverai…il suffirait que je devienne sourde ou insensible, murmure-t-elle tristement, et ensuite je pourrai venir m’installer de nouveau à la villa…

Je réalise alors dans quel état d’esprit elle se trouve. Plus humaine, rejetée par les vampires, plus Quileute, rejetée par la seule famille qui pourrait lui convenir…si seule, si perdue, dans l’obligation de passer outre ses sentiments vis-à-vis des animaux pour se faire accepter…si elle pouvait, je pense qu’elle pleurait en ce moment-même. Je l’observe, le cœur déchiré quand j’entends soudain Jacob me dire tout bas :

-          Paul…sa place est avec nous…

Ses mots m’atteignent comme une balle et me font réagir. Oui, Rachel était comme nous, une arme parfaite, une ennemie des vampires ! Elle serait notre alliée contre ceux qui tenteraient de pénétrer sur notre territoire. Avec notre amour, elle finirait par surmonter ses préjugés…nous trouverions un moyen !

Je me redresse subitement, entrainant Rachel dans ma précipitation. Surprise, elle me regarde sans comprendre mais me suit jusque Jacob. Je la place volontairement parmi mes frères, plus près de Jacob, elle se laisse faire. Je remarque que Jacob apprécie mon geste puis il regarde un par un Jared, Embry, Quil jusque Sam. Je n’ose pas tourner la tête vers mon Alpha, je me contente de fixer Rachel qui soutient mon regard en attendant le jugement. Après quelques secondes qui me paraissent interminable, j’entends juste Jacob murmurer à mes côtés :

-          Bien…maintenant, rentrons à la maison. L’endroit est assez isolé je pense, ajoute-t-il amusé et heureux. Ça ne devrait pas être trop difficile…

Surpris, j’ose alors relever la tête pour regarder mes frères qui me sourient tous en prenant déjà le chemin de la sortie, acceptant la situation…acceptant un vampire dans notre meute. Sam me lançe un coup de tête franc, me confirmant la décision de Jacob Seule Rachel continue de me fixer sans vraiment comprendre. Alors je lui prends à nouveau la main et lui répète :

-          Oui…Rentrons à la maison…

-          A la maison ? S’étonne-t-elle.

-          Oui…, confirme-je, heureux. Ton père t’attend.

 

Epilogue

Mon imprégnation m’a définitivement quittée, c’est un sentiment dont je me souviens encore aujourd’hui et auquel je pense parfois…ça me fait alors l’effet d’une imprégnation artificielle. Ça marche aussi quand je regarde mes frères aussi heureux avec leurs compagnes.

Je n’avais jamais aimé « avant Rachel », j’étais un jeune con, j’ai muté et je me suis imprégné d’elle. La force de cet amour avait été si puissant qu’il m’avait rendu complètement dépendant, voir incapable de réfléchir par moi-même mais j’aimais ça. J’aimais cette connexion si forte qui te fait faire n’importe quoi…

Quand je l’ai perdue, je me souviens que ça a été aussi violent que la perte de ma femme. Ça me mordait de l’intérieur, me broyait les tripes si fort que j’en attrapais la nausée, comme un sevrage… L’imprégnation m’avait frappé de plein fouet en m’arrivant et m’avait brûlé en me quittant.

Tout ça, sans jamais avoir connu l’amour…le vrai… celui qui se construit chaque jour, celui pour lequel on doit faire certaines concessions, certains sacrifices, celui qui ne rend plus seul, cet amour qui vous attache pour la vie de façon naturelle, celui pour lequel vous faites des projets, qui vous aide à vous lever chaque jour et pour lequel vous êtes impatient de vous coucher …celui qui vous secoue lorsque vous regardez l’autre et que vous vous dites « Je ne pourrais plus vivre sans … ».

Cet amour là, oui…le vrai, c’est celui que je ressens aujourd’hui…

 

Ma relation avec Rachel n’est plus ce qu’elle avait été, physiquement parlant. Même avec tous les efforts du monde, nous n’avions jamais dépassé le stade du baiser. Ça nous arrive encore de nous serrer l’un contre l’autre,  mais ni elle, ni moi, ne ressentons le plaisir de la chair donc sans même en discuter, nous avons aboli les relations physiques depuis longtemps. Par contre, notre couple reste fort, uni et complice. Nous nous comprenons toujours par un regard, Rachel me parle en pensée lorsque je suis en loup, je me lève et me couche pour elle, mon esprit cent pour cent connecté au sien, chaque minute qui passe…et à jamais.

Je sais qu’elle aussi ressent ce besoin d’être sans arrêt près de moi, elle n’a jamais cessé de m’aimer, imprégnation ou pas…moi j’ai du apprendre, je suis conscient de ma faiblesse, mais aujourd’hui je sais que j’y suis parvenu. Je le sais rien qu’en la regardant…

Notre relation est maintenant un roc et je suis heureux d’être encore vivant aujourd’hui pour la vivre, même si les choses ont changé. Tout comme pour mon frère, Jacob, qui semble si serein et même parfois amoureux…sa relation avec Leah me fait l’effet d’une conclusion, un truc évident, une conséquence à tout ça…quand je regarde Jacob, il m’a l’air parfois résigné et si calme que j’ai envie de le secouer. Et pourtant, même si la flamme qui l’habitait pour Bella a disparu lorsqu’il regarde Leah avec tendresse et affection, je sais qu’il a atteint son bonheur avec elle lorsqu’il soulève ses enfants dans ses bras et qu’il les fait voler dans les airs…là, la lumière brille d’un éclat merveilleux dans ses yeux. Dans ceux de Leah aussi…je ne sais pas trop comment leur relation a évolué... J’ai eu juste l’impression en y repensant, qu’ils se sont mis ensemble et que ça coulait de source.

Jacob et moi avions eu un destin difficile mais finalement heureux…ou peut-être est-ce nous qui l’avions fait ainsi ? Peut-être que seule notre volonté avait fait qu’aujourd’hui, tout s’était arrangé et que nous ne souffrons plus ? Qui sait…seule notre conscience le sait et je n’ai pas envie de discuter avec elle aujourd’hui. Ma condition de départ ne me permettait pas une telle union avec un vampire, mes ancêtres se seraient retournés dans leurs tombes comme on dit, mais encore une fois et je dirai, pour la dernière fois, j’avais désobéis aux règles et je ne le regrettais pas.

Nous n’avons plus jamais entendu parler des Volturi à Forks. Carlisle est retourné des années plus tard à Volterra avec Jasper et Edward mais Aro a fait comme s’il ne s’était jamais rien passé… il les avait reçus avec son habituelle politesse hypocrite mais en attendant, ils n’étaient jamais revenus sur notre territoire. Le message était passé…

De son côté, Rachel avait fini par trouver une alternative pour son régime alimentaire. Et son idée était si évidente que nous étions tous dégoûtés de n’avoir pas trouvé la solution nous-mêmes ! Rachel et moi chassons ensemble, deux fois par semaine…enfin, disons que je chasse et que Rachel m’accompagne. Je tue l’animal pour elle et Rachel s’en empare aussitôt, alors que son cœur vient à peine de cesser de battre. Ainsi, elle ne peut pas l’entendre puisque que l’âme a quitté l’animal…l

Les loups n’ont pas le venin des vampires, nous ne pouvons pas partager un animal tué par un vampire, mais l’inverse est possible…et aujourd’hui, nous pouvons nous féliciter que ça marche.

Rachel a confiance en moi, je lui donne toujours un animal dans les secondes qui suivent mon attaque. Ce n’est pas dangereux pour elle. Carlisle avait bondi à l’idée mais avait fini par admettre que Rachel ne risquait rien si elle le mordait juste après moi. Le sang vivait encore. Nous avons donc trouvé notre équilibre ainsi…

 

Etant donné que Rachel me survivra, je mute chaque jour afin de conserver au maximum ma jeunesse et d’atteindre presque l’immortalité. Nous n’avons aucune idée de l’âge maximal que peut atteindre un loup-garou mais ce que je sais, c’est que vivre sous ma forme animale la moitié de mon temps m’a permis de conserver les traits physiques que j’avais à vingt ans.

Rachel a appris à ne plus me craindre, j’ai appris à me faire à la dureté de sa peau…Nous n'aurons jamais d'enfants mais nous nous sommes retrouvés. C’est tout ce qui compte aujourd’hui, notre couple et notre vie éternelle.

 

Billy nous a quittés l’année dernière. Lui et Rachel avait fini par retrouver une certaine complicité. Tout comme avec Jacob, même si je savais que Rachel ne ressentait plus cette amour filial ou fraternel, elle avait joué le jeu jusqu’au bout, par respect et sympathie envers le chef de notre communauté…et par loyauté vis-à-vis des Quileute qui l’avaient acceptée comme une égale.  

 

De l’autre côté du chemin, sur l’arbre d’en face, Emmett me lance un large sourire, me coupant dans mes pensées, puis il me demande : 

-          Pause ??

-          Allez…si tu veux…

Je me laisse glisser le long de l’arbre sur lequel je suis en train de travailler.

Nous nous rejoignons en souriant, impatient de démarrer notre course folle journalière. Emmett travaillait avec moi depuis le jour où il l’avait décrété. Nous avions dû changer deux ou trois fois de compagnies car notre « jeunesse » pouvait attiser la curiosité mais heureusement pour nous, les forêts de Forks étaient si immenses que le travail ne manquait pas. Je me dis juste qu’un jour ou l’autre, quand tous ceux que nous connaissons serons partis, il faudra peut-être changer de nom ou arrêter de travailler, rester à la Réserve. C’était pour cela que les Cullen étaient déjà partis une fois puis revenus depuis peu afin de ne pas attirer les soupçons. Seul Emmett et Rosalie étaient restés à la villa car lui ne voulait pas quitter Forks… Ils avaient réussi à se fondre dans la masse. Emmett avait dit à Carlisle qu’il en avait marre de bouger mais je savais très bien que tout ce qu’il s’était passé, son combat pour nous et sa destruction, l’avaient changé. Malgré sa force et sa motivation, Emmett avait eu peur. Peur de perdre cette vie qu’il aimait tant à Forks, avec Rosalie, avec nous maintenant…je sais qu’il serait même capable de venir vivre à la Réserve s’il n’avait plus le choix pour se cacher quelques années…le temps que les gens nous oublient.

 

Dans une explosion, je retrouve mon loup alors qu’Emmett a déjà filé dans un cri de vainqueur. Je fonce et le rattrape rapidement. Comme chaque jour, ce moment de défoulement nous rapproche jusqu’à la quasi fusion de nos espèces.

Emmett accélère, me dépasse et je m’arrête net en éclatant de rire intérieurement tout en le regardant filer à travers les branches qui volent ou se brisent sur son passage. Ce type ne changera pas, sa bonne humeur est toujours aussi contagieuse et quand elle m’atteint, c’est là que je sais que moi aussi j’ai changé.

 

Aujourd’hui, je peux dire que je suis un loup tranquille. Même Bella ne parvient plus à m’énerver, ce qu’il l’a profondément agacée à son retour d’Alaska. Elle dit que je me suis ramolli mais moi je sais juste que je suis heureux ainsi…moi, Paul, le loup-garou instable qui vit maintenant parmi les vampires avec sérénité…si on m’avait dit ça cinquante ans plus tôt, je me serai d’abord moqué puis j’aurai explosé pour botter les fesses à celui qui osait me dire que j’allais trahir mon peuple en fréquentant l’ennemi juré de mon espèce !

Au fond de moi, je souris, me moquant de moi-même…ennemi, espèce, peuple…aujourd’hui, nous ne formons qu’une seule espèce ou qu’un seul peuple, au choix. Aujourd’hui, nous sommes un clan puissant auquel il ne faut pas venir se frotter…nous sommes une grande famille, unie, remplie de frères et de sœurs loups ou de frères et sœurs vampires, qui protègent, côte à côte, les habitants de cette petite ville… Forks, le berceau de nos ancêtres à tous, là où le plus beau pacte du monde a été signé, celui du partage des terres entre vampires et loups, celui qui nous a amené à nous faire confiance, à nous unir et à nous respecter. Celui qui m’a permis de rencontrer mon meilleur ami et frère, Emmett…et celui qui nous a permis de voir les choses autrement.

L’amour, l’amitié, la fraternité, c’est tout ce qui compte…il m’a fallu de telles épreuves pour le comprendre mais aujourd’hui, je sais exactement pour quoi et pour qui je me bats chaque jour.

 

Je reprends ma course, Emmett m’attend contre un arbre, l’air vainqueur et sûr de lui, son éternel sourire moqueur sur les lèvres. Nous marchons tranquillement jusque chez moi, mon ami vampire traverse le terrain de jeux des enfants Quileute qui ne froncent plus le nez à son passage…Rachel sort de notre maison, le soleil vient faire briller sa peau nacrée et je la trouve magnifique.  

 

FIN

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