En attendant la pluie

Chapitre 1 : Les étrangers

4958 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/03/2024 15:24


Bêta : KillerNinjaPanda, que je remercie encore pour sa relecture attentive !

Disclaimer : Twilight et ses personnages sont la propriété de Stephanie Meyer.



Avant-Propos : Alors, pour expliquer un peu l’origine de cette fic, je suis retombée dernièrement par hasard sur le film Twilight (Eclipse), où Jasper parle à Bella de son passé de confédéré, de son implication dans les guerres vampiriques du Sud et joue les mentors pour les Cullen/les Quileutes en leur apprenant à combattre les nouveau-nés. Je n’avais pas un souvenir très précis des livres Twilight (lus une fois il y a une dizaine d’années), mais il me semblait que le passé de Jasper y était bien davantage détaillé et que lui et Alice étaient tout de même les personnages ayant le background le plus intéressant et original de la saga. Ça m’a donné envie de relire les livres. Après relecture du livre avec l’armée de nouveau-nés (Hésitations), certes le passé de Jasper et sa rencontre avec Alice sont un peu plus détaillés et mis en avant, mais force est de constater que ça reste très léger au niveau des réactions du personnage principal/narrateur (Bella donc :p), qui, mis à part un petit cauchemar mettant en scène Jasper, n’a aucune réflexion/question pertinente concernant tout ce qui lui a été raconté.


Bref, je ne sais pas trop pourquoi, mais je suis restée bloquée sur ce détail, ce qui m’a poussée, vers le mois de septembre, à lire un tas de fanfictions - ce que je n’avais plus fait depuis très longtemps - centrées sur Jasper et Alice (clairement le couple me semblant le plus sympathique sur le fandom), et je suis tombée sur quelques perles qui m’ont donné matière à réfléchir notamment Tales of Year : 1950 de Jessica314 et The History of Alice de LyricalTwilight. Il y a très peu de fanfictions françaises portant sur cet aspect de la saga et je n’ai rien écrit depuis très longtemps (c'était en tous cas vrai à l'époque où j'ai écrit les premiers chapitres de cette histoire, il y a quelques mois !). Bref, tout ça m’a donné envie d’écrire ma propre version de l’arrivée d’Alice et Jasper chez les Cullen (et un peu plus…) : voici pour l’émergence de cette fic qui reprendra les principaux temps forts des premières années de Jasper et Alice chez les Cullen. Cette histoire devrait -logiquement- s'arrêter à l'altercation avec Maria à Calgary et à leur mariage. Bonne lecture ;)


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C’était une après-midi chaude et ensoleillée et les Cullen étaient tous dispatchés dans les différentes pièces du manoir, vaquant à leurs occupations, quand ils les sentirent arriver.

 

L’odeur de deux vampires inconnus à proximité les frappa et ils sortirent comme un seul homme sur le patio pour rencontrer leurs visiteurs. Les visites de nomades inconnus étaient rares mais constituaient toujours un instant plus angoissant que divertissant dans leur existence immortelle, certains de leurs semblables pouvant se montrer impulsifs et agressifs face à leur clan atypique. Carlisle leur fit à tous un bref signe de dénégation pour répondre à la question raide de Rosalie et se plaça devant Esmée dans une attitude protectrice. Non, il ne connaissait définitivement pas l’odeur des étrangers.

 

Un grognement profond échappa à Emmett et tout le corps d’Edward se tendit : à l’orée de la forêt, à moins d’un kilomètre au Nord, se tenaient immobiles deux vampires qui leur offraient un contraste saisissant. La fille était minuscule, moins d’un mètre cinquante, elle semblait parfaitement détendue et avait un sourire chaleureux illuminant ses traits délicats. Elle était très belle, comme toutes les femmes immortelles qu’il avait rencontrées, mais elle avait un physique étrange qu’il ne pensait pas être courant pour les représentantes féminines de son espèce : elle était jeune, avait une expression douce et confiante complètement déplacée sur le visage d’une nomade en territoire inconnu. Elle avait une silhouette délicate, extrêmement menue, toute en angles, avec des cheveux courts et noir de jais partant en mèches folles. Elle portait une robe bleu pâle, un peu trop grande pour elle qui lui donnait un aspect éthéré et elle semblait déborder d’une énergie joyeuse. On aurait pu croire à l’incarnation d’un créature féerique tout droit sortie de l’imagination des auteurs de contes pour enfants, une sorte de petit esprit magique et bénéfique : une nymphe, un lutin ou une Seelie du folkore gaélique. Et surtout, ce qui troublait Edward au plus haut point, elle avait de grands yeux dorés qui brillaient d’amusement alors qu’elle répétait en boucle dans son esprit quelques phrases qui lui étaient visiblement destinées.

 

« Je sais que vous pouvez m’entendre. Enchantée Edward, voici Jasper et je m’appelle Alice, nous sommes ravis de vous rencontrer et nous n’avons pas de mauvaises intentions. Tout va bien se passer. Ne soyez pas si nerveux ! »

 

La voix dans sa tête était claire, chantante et aiguë. Et son esprit semblait étrangement ouvert et joyeux : outre les mots répétés il percevait d’étranges flashs n’ayant pas de sens et mettant en scène les deux nomades au sein de la demeure des Cullen. Assis dans le canapé et discutant avec un Carlisle souriant… Esmée offrant des vêtements à la fille et lui faisant visiter la maison… la fille appuyée contre son piano et l’observant jouer… Rosalie passant sa main dans les cheveux de l’inconnu avec affection alors qu’il lisait affalé sur le sol du garage pendant qu’elle modifiait le moteur de la Chevrolet… Les images dans l’esprit d’Alice étaient d’autant plus inquiétantes qu’elles étaient étonnement exactes : elle ne s’imaginait pas des interactions aléatoires dans n’importe quel salon ou n’importe quelle maison. Les pièces, les objets, l’agencement des lieux, les voitures dans le garage… tout était à la bonne place comme si la fille avait vécu ces scènes et en avait un souvenir précis. Rien de tout cela n’avait de sens et Edward sentait les poils de sa nuque se dresser alors qu’il tentait de focaliser son attention sur l’esprit de l’homme sans y parvenir.

 

Déjà il pouvait entendre les pensées de sa famille éclater dans toutes les directions se mélangeant en un fouillis brouillon de questions et de réflexions inquiètes.

 

« Qui sont-ils ? […] Mon dieu… les cicatrices… […] Ils ont les yeux dorés… des végétariens […] Carlisle a l’air surpris… connaissent-ils Eleazar ? […] Il faut se méfier… ces marques… ce n’est pas normal, il est dangereux [...] Quel âge a cette fille ? […] Je ne peux pas bien voir son visage d’ici, est-ce une adolescente ? […] Que veulent-ils ? […] Qui est ce type ?[…] Ils ne sont que deux et la femme a l’air fragile mais cet homme… ses cicatrices .»

 

Si la femme-fée était le vampire le plus étonnant qu’il ait croisé, paraissant singulièrement frêle et inoffensive, l’homme à ses côtés était sans aucun doute le vampire le plus effrayant qu’il ait jamais vu : il était très mince et de haute stature, plus grand que Carlisle et que l’ensemble des autres nomades qu’ils avaient rencontrés, à peine plus petit qu’Emmett, il avait une carrure bien moins large mais semblait infiniment plus menaçant. Quelque chose dans son attitude criait au danger. Son expression n’était pas agressive, ses dents n’étaient pas découvertes, il ne grognait pas et n’avait pas une posture agitée comme l’auraient fait d’autres vampires se sentant en infériorité numérique face à un si grand clan. Non. Son visage était complètement inexpressif et il semblait parfaitement calme, les mains nouées derrière le dos, glacé comme une statue et se dressant de toute sa hauteur, semblant tous les jauger. Ses yeux ocre tiraient nettement vers le doré et les balayaient d’un regard froid et perçant, alors que le reste de son expression était étrangement composée. Ses cheveux blonds mi-longs descendaient en boucles épaisses sous sa mâchoire et avaient les mêmes reflets cuivrés que ses yeux. On devinait à ses traits fins et parfaits que même en tant qu’humain il avait dû être d’une beauté frappante. Il portait une chemise sale, usée jusqu’à la corde mais boutonnée jusqu’au col et un long pardessus abîmé en laine grise, ce qui ne laissait voir qu’une petite partie de son cou.

 

Le peu qui était visible suffisait à réveiller les instincts de tout le clan Cullen et à les mettre sur les nerfs. Des cicatrices argentées… des marques de morsures réalisaient-ils tous dans un frisson collectif, s’entrecroisaient sur toute la peau visible du bas de son menton jusqu’à la base de sa gorge, son cou était tellement mutilé là où s’arrêtait le col de la chemise qu’Edward eu un léger mouvement de recul involontaire alors que la question de « ce qu’il y avait de dissimulé sous les vêtements » traversait plusieurs esprits.

 

Carlisle l’interrogea silencieusement.

 

« Je n’ai jamais rencontré un vampire ayant ce type de blessures Edward, il a dû être horriblement torturé ou participer à des dizaines de combats pour obtenir autant de marques causées par le venin. Peut-être un vampire ayant survécu aux guerres d’Amérique du Sud ou aux invasions Vikings du IXème siècle. Sais-tu s’il est végétarien depuis longtemps ? Lui et sa compagne ont-ils de mauvaises intentions ? »

 

Même si son père essayait de modérer son enthousiasme, visiblement circonspect face à l’apparence de l’homme, Edward pouvait lire en arrière-fond des pensées intriguées et optimistes face à ce curieux couple d’étrangers ayant visiblement le même mode d’alimentation qu’eux. L’insatiable curiosité de Carlisle, conciliée avec sa croyance en les possibilités de rédemption de ceux de son espèce, était sa plus grande faiblesse : le clan Denali mis à part, il n’avait jamais rencontré d’autres vampires végétariens et ses amis nomades jugeaient avec une amusement dédaigneux leur mode de vie comme une folie personnelle de Carlisle, refusant d’y consacrer plus de dix minutes de conversation par siècle. Rencontrer non pas un mais deux vampires, dont l’un si visiblement marqué par un passé brutal, ayant choisit de s’alimenter assez longtemps d’animaux pour que leurs yeux virent à l’or, était inespéré et déclenchait une vague d’agitation heureuse chez Carlisle qui se retenait à grand peine de les approcher imprudemment pour les noyer sous un flot de questions.

 

- Je ne sais pas Carlisle, murmura Edward d’une voix tendue, ils savent que je suis un lecteur d’esprit, la fille connaît mon prénom, elle dit qu’ils s’appellent Alice et Jasper et qu’ils sont heureux de nous rencontrer. Elle ne semble pas hostile mais certaines images que je vois dans son esprit n’ont pas de sens et elle semble connaître la disposition exacte des pièces de notre maison, comme si elle l’avait vue et qu’ils y avaient déjà séjourné. Elle doit avoir une sorte de pouvoir mais je ne comprends pas lequel. L’homme protège ses pensées d’une manière très... efficace. Peut-être qu’elle les protège aussi d’une manière plus subtile et que c’est ce qui rend confus tout ce que je perçois.

 

Plus que tout c’était leur apparente connaissance de son don qui rendait Edward méfiant, si, entre deux flashs incompréhensibles, la dénommée Alice continuait de répéter, comme un mantra, qu’elle était contente de les rencontrer et que tout se passerait bien, l’esprit de Jasper était aussi illisible que son expression. Edward avait dû se concentrer pour lire les pensées de l’homme, celles-ci étant recouverte d’une sorte de brume épaisse comme s’il avait cherché à les verrouiller. Ce n’était pas la première fois qu’Edward faisait face à quelqu’un tentant de dissimuler ses pensées -Rosalie se faisait régulièrement un devoir de bloquer son don aussi longtemps que possible pour le narguer- et il arrivait assez facilement à passer ce genre de « barrière » en se concentrant.

 

Sauf que se concentrer n’aidait pas à dénouer la situation présente, les pensées cachées derrière la brume semblant étrangement erratiques, un mélange d’espagnol et d’une langue qu’il n’avait jamais entendue auparavant. Les quelques termes d’espagnol noyés dans le curieux dialecte grave et chantant ; peut-être une sorte de jargon amérindien -certaines consonances sonnant comme les termes que les Quileutes utilisaient entre eux lorsqu’ils les avaient croisés en 1936- ne lui permettaient pas d’avoir la moindre idée de ce que le nomade avait en tête. L’utilisation de l’espagnol concilié à la kyrielle de cicatrices tendait à valider la supposition de son père sur le fait que le garçon était un rescapé des guerres du Sud. Définitivement dangereux.

 

-Je pense qu’il vient du Sud Carlisle, mais je ne peux pas comprendre ses pensées.

 

Comme s’ils avaient décidé d’en finir avec le suspens, les deux inconnus échangèrent un bref regard, l’homme hocha la tête, semblant avoir finit de les jauger et ils commencèrent à se rapprocher d’eux à une vitesse presque humaine : le garçon avait saisi la main de la fille et se tenait de manière protectrice à côté d’elle, sa longue silhouette semblant prête à bondir au moindre signe de menace. Les mains de l’homme, à présent visibles, étaient moins ravagées de cicatrices que son cou mais étaient néanmoins cruellement marquées, les traces argentées brillant d’un éclat inquiétant sous le soleil au zénith. C’était comme si des centaines de vampires avaient cherché à le réduire en pièce et avaient échoué. L’alarme résonna à nouveau dans les esprits, notamment ceux de Carlisle, Rosalie et le sien mais Carlisle et lui se ressaisirent immédiatement, un étrange sentiment de confiance les envahissant… les inconnus n’étaient que deux et ils étaient cinq sur leur propre domaine… peu importe à quel point le nomade était violent, il ne pouvait pas les affronter tous tout en protégeant sa fluette compagne. Rien que la force d’Emmett conjuguée à la vitesse d’Edward suffirait à les maîtriser facilement, il n’y avait pas besoin d’être si inquiets. Ils pouvaient se calmer. Seul l’esprit de Rosalie demeurait tumultueux, remplit de méfiance et de défiance vis-à-vis de cette intrusion sur leur propriété de la part de deux inconnus en sachant visiblement trop sur eux.

 

Arrivés à moins de cent mètres du patio, ils s’immobilisèrent de nouveau, la fille leur adressa un sourire heureux et agita la main de manière très humaine tandis que l’homme s’inclinait avec politesse en direction de Carlisle et Esmée. Edward pu sentir les pensées de sa famille s’éclaircir encore un peu plus face à l’apparente civilité du couple. Il n’y avait pas de danger visible, une vague de sérénité s’empara d’eux... ils pouvaient se détendre. Même l’inquiétude de Rosalie se fit un peu moins intense.

 

-Jasper Whitlock, désolé pour l’intrusion sur votre territoire, Madame, Monsieur.

 

Un accent râpeux du Sud roula sur sa langue alors que sa voix sonnait étrangement douce pour quelqu’un de si imposant et que sa posture humble le faisait soudainement paraître plus jeune.

 

-Je m’appelle Alice et je suis vraiment heureuse d’enfin pouvoir tous vous rencontrer Dr. Cullen ! claironna la fille, d’une voix mélodieuse.

 

Maintenant qu’ils pouvaient observer leur visages de plus près, ils étaient capables de voir que la fille, bien que jeune ne semblait pas être une adolescente et le garçon était moins vieux que ne l’avait suggéré l’attitude conquérante qu’il avait affichée plus tôt alors qu’il les toisait depuis l’orée de la forêt. Il ne devait pas avoir plus de vingt ans.

 

-Carlisle Cullen, enchanté. Voici ma compagne, Esmée et mes trois enfants, Edward, Rosalie et Emmett. Même si vous semblez en savoir beaucoup sur nous, j’ai peur de n’avoir aucune idée de qui vous êtes. Seriez-vous des connaissances de nos amis du clan Denali ? Je n’ai jamais eu le plaisir de rencontrer d’autres vampires ne s’alimentant pas d’humains.

 

Carlisle adressait un sourire facile aux étrangers mais Edward pouvait entendre la suspicion dans ses pensées. Jamais Eleazar n’aurait envoyé deux nomades sur leurs terres sans les en informer au préalable : son père prêchait le faux pour savoir le vrai, leur offrant de fausses ouvertures pour leur laisser la possibilité de mentir et évaluer s’ils étaient ou non dignes de confiance.

 

-Non, nous n’avons jamais rencontré vos amis, même si nous savons qu’ils sont aussi végétariens et vivent dans un endroit enneigé, répondit Alice d’un ton léger. Grâce à mon don, je sais beaucoup de choses sur vous et votre famille, ça fait presque trente ans que j’attends ça, des années que je vous observe, j’étais tellement impatiente de vous rencontrer !

 

Elle eu un léger rire et Edward vit dans son esprit qu’elle se retenait de se jeter sur Carlisle pour l’enlacer. Un flash clignota brièvement dans l’esprit de la fille, ses yeux semblant se troubler comme si elle ne les voyait plus et Edward fut sidéré de voir les prochains évènements de produire avec un décalage de quelques secondes.

 

-Alice…

 

Il y avait un avertissement dans le ton de son compagnon et il se plaça brutalement entre elle et les Cullen, la dissimulant à leur vue, un grondement sourd lui échappant, ses yeux devenant sombres et sauvages alors que Rosalie émettait un sifflement menaçant dans leur direction.

 

-Des années que tu nous observes… qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ?! Rosalie avait craché sa question dans ce qui ressemblait au feulement d’une lionne blessée et Emmett avait sauté à ses côtés à une vitesse inhumaine, prêt à se jeter sur le nomade au moindre signe d’agression.

 

-Rosalie, du calme. Emmet, claqua Carlisle de son ton le plus froid.

 

Jasper se tenait toujours entre le clan et sa compagne, le corps tendu à l’extrême, raide, ses yeux brillant d’un éclat meurtrier et fixés sur Carlisle, une expression spéculative sur le visage. Ce qu’il trouva sembla finalement le satisfaire et ses épaules se relâchèrent un peu tandis qu’il laissait ses bras tomber le long de son corps, paumes ouvertes vers le sol comme pour les apaiser. Sa voix était basse et un épais accent Texan était maintenant reconnaissable. Son ton était étrangement convaincant, comme si une sincérité pure enveloppait chacun de ses mots.

 

-Nous ne cherchions pas à vous espionner. Nous ne voulons pas nous battre. S’il vous plaît, je vous demande juste de nous laisser nous expliquer, nous ne vous voulons aucun mal, elle ne vous a pas sciemment observés, son don est...

 

-Elle a une capacité de prescience, elle voit littéralement le futur, lâcha Edward dans un souffle, mi incrédule, mi émerveillé.

 

-Tout à fait ! Alice réapparu en un éclair de derrière le dos de Jasper et sembla nerveuse moins d’un quart de seconde, secouant la tête et attrapant fermement la main de son compagnon dans un geste de réconfort, elle choisit d’ignorer la tension qui avait éclatée quelques secondes plus tôt, son regard vif, elle adressa à Edward un sourire sincère.

 

-De prescience ?

 

Le ton de Carlisle était prudent. « Tu es sûr de ça Edward ? Même de mon temps à Volterra, je n’ai jamais entendu parler d’un vampire ayant ce genre de don. »

 

-Absolument.

 

Il avait vu le léger accrochage entre Rosalie et le nomade se produire à l’identique quelques instants avant qu’il n’ait véritablement lieu dans l’esprit d’Alice. Comme un écho. C’était le pouvoir le plus fascinant dont il ait jamais été témoin.

 

-Pas convaincu, hein, je sais Carlisle, dit Alice d’un ton insouciant, réfléchis aux trois premières questions que tu voudrais me poser et j’y répondrai au mieux !

 

Voyant que Carlisle s’apprêtait à parler Jasper leva vaguement la main qui ne tenait pas celle de sa compagne comme pour le stopper. Il avait l’air un peu amusé, les coins de sa bouche se relevant en un demi sourire paresseux, mais ses yeux restaient froids et sa posture rigide malgré sa fausse décontraction.

 

-Je crains que la séance de voyance soit moins convaincante si vous posez vos questions à haute voix, Monsieur.

 

Carlisle eu un léger sourire incrédule mais hocha la tête et sembla réfléchir quelques instants avant de fixer l’étrangère avec curiosité. Le regard d’Alice était de nouveau absent, ses yeux observant le vide, après quelques minutes de silence où Edward laissa échapper un sifflement admiratif, son regard s’éclaira de nouveau et elle fit à Carlisle un sourire mutin.

 

-Son don est réel et c’est stupéfiant à voir, souffla Edward en secouant la tête.

 

-Alors, première question qui est en vérité une question double : d’où venons-nous et quel est notre âge ? Je ne peux pas vous donner mon âge exact ni mon lieu de naissance vu que je n’ai aucun souvenir de ma vie humaine mais je pense que j’ai autour de dix-huit ou dix-neuf ans et pour la localisation, je me suis réveillée en tant que vampire dans une forêt du côté de Biloxi en 1920. Jasper, comme vous l’avez peut-être deviné à son charmant accent, vient d’un village près de Houston au Texas, il a dix-neuf ans et a été transformé en 1863.

 

Alice sourit tranquillement à Carlisle qui l’observait avec intérêt.

 

-Ton choix de seconde question aurait changé à cause de ma réponse à ta première, tu m’aurais demandé ce que je veux dire quand j’affirme n’avoir aucun souvenir de ma vie humaine et tu aurais voulu savoir pourquoi mon créateur ne m’avait donné aucun détail sur ce qu’était ma vie avant la morsure. Je ne sais vraiment rien sur ma vie en tant qu’humaine et je ne sais pas qui est mon créateur, je me suis réveillée seule dans la forêt sans savoir ce que j’étais et sans même connaître mon prénom. Le prénom Alice vient de ma première vision mais je ne sais pas si c’est véritablement comme ça que je m’appelais en tant qu’humaine.

 

Elle fit une moue un peu triste à cette mention et Jasper entrelaça leurs doigts sans la regarder, gardant ses yeux rivés sur Carlisle comme s’il cherchait toujours à l’évaluer.

 

-Ce qui amène ta troisième question, je pense : mon don fonctionne un peu comme des instantanés d’une situation. Comme des photographies ou des sortes de petits films. L’avenir que je vois n’est pas figé, le fait que mes visions se concrétisent dépend généralement d’une multitude de décisions, les choix des uns et des autres peuvent modifier l’issue des événements, même si certaines choses paraissent néanmoins vouées à se produire… appelez ça le destin si vous voulez. La première vision que j’ai eu à mon réveil en tant que vampire était Jasper prononçant mon prénom. Je savais que je devrais l’attendre dans un restaurant de Philadelphie un jour de tempête puis que nous devrions vous chercher ensemble pour vous rencontrer au Minnesota en 1950. J’ai ces visions depuis 1920 mais c’est seulement en 1948 que j’ai pu rencontrer Jasper ; si j’avais décidé de hâter les choses pour le rejoindre plus tôt, mes visions me disaient que notre avenir ensemble aurait été compromis et je n’aurais sans doute jamais pu le trouver…

 

Elle restait souriante en prononçant ces mots mais la prise sur les doigts de son compagnon semblait désespérée et l’expression de Jasper s’adoucie un peu alors qu’il tournait légèrement sa tête dans sa direction, un curieux mélange d’affection et de mélancolie éclairant ses traits alors qu’il relâchait pour la première fois son intense surveillance du patriarche Cullen pour poser les yeux sur Alice.

 

-Il en va de même pour mes visions de votre famille, je les ai depuis presque aussi longtemps que celles concernant Jasper. Je ne voulais pas réellement vous espionner mais je m’ennuyais et j’étais très seule durant trente ans alors je ne pouvais pas m’empêcher de régulièrement jeter quelques coups d’œil pour voir si l’avenir que j’avais perçu était encore là et si vous alliez tous bien. J’ai appris diverses choses sur vous au travers de mes visions : je connais vos prénoms, je sais que tu es médecin et que tu n’as jamais tué d’humain, qu’Emmett aime manger des ours et inventer des jeux de société étranges, qu’Esmée est une personne très aimante qui cuisine pour toutes les associations caritatives des environs, qu’Edward, ton premier compagnon, est télépathe et excelle au piano, que Rosalie aime réparer les voitures, acheter des vêtements et qu’elle est méfiante envers les inconnus mais farouchement dévouée à sa famille. Je sais que vous avez des amis végétariens vivant dans un endroit enneigé, je sais que vous formez davantage une famille qu’un clan traditionnel et que vous essayez de rester proches des humains pour ne pas les considérer comme des proies et garder contact avec la réalité. J’ai l’impression de vous connaître depuis toujours et je m’excuse si je suis trop exubérante, je sais que vous ne nous connaissez pas et que vous n’avez aucune raison de nous faire confiance et de nous accueillir mais la vérité c’est que je nous ai vus rejoindre votre famille, il y a des années.

 

La voix d’Alice devenait moins enjouée et elle semblait devenir plus sérieuse et nerveuse au fil de ses explications, Jasper la couvant du regard et caressant légèrement sa main comme s’il pouvait la calmer par ce simple contact. Elle leur adressa à tous un sourire tremblant et plein d’espoir.

 

-Parce que Carlisle pour répondre à ta dernière question, celle que tu avais décidé de poser avant de changer d’avis. C’est grâce à toi. Grâce à toi si nous ne tuons plus d’humains et si nous nous nourrissons d’animaux. C’est toi qui m’a appris le mode de vie végétarien au travers de mes visions, ce qui m’a permis de le faire découvrir à Jasper. Et pour cela, je te serai éternellement reconnaissante.


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Remarques : Notez qu’il y aura des citations d’Albert Camus en amorce de chaque chapitre et que cette histoire fera directement référence à plusieurs autres romans dits « absurdes » et que la plupart des intitulés de chapitres seront des détournements de titres de romans. C’est un choix délibéré que je justifierai plus tard :p

Le titre "En attendant la pluie" est une référence à "En attendant Godot" de Samuel Beckett.


N'hésitez pas à me laisser un commentaire ! Toutes les critiques qu'elles soient positives ou négatives sont appréciées du moment qu'elles sont constructives et je vous répondrai avec plaisir ;)


Si ce n'est pas clair, les passages en italiques sont les pensées captées par Edward.

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