Fragments de mémoire

Chapitre 10 : Glow Job

3681 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 13/07/2025 14:20

Cette histoire est un one-shot, faisant partie des mémoires des jeunes années de Rin et Klaus, qui apparaissent tous deux dans l'histoire "Une courbure de l'espace-temps" (se déroulant au fil des saisons de The Umbrella Academy - liens dans mon profil).

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Contexte : Rin est une jeune-fille punk de 21 ans, née avec un pouvoir étrange : elle peut se téléporter, se rendre invisible ou intangible. Au gré de plusieurs nuits de garde à vue, plusieurs années en arrière, elle a fait la connaissance d'un curieux voisin de cellule prénommé Klaus... lui aussi doté d'un pouvoir extrêmement invasif : celui de communiquer avec les morts.


TW : Référence à des usages de drogues et d'alcool, mésaventure sexuelle, milieu hospitalier.


Soundtrack : Motel Loic - Glow Job


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L'année 2012 n'a pas été bonne, pour Granny. Sa hanche, qui la faisait déjà souffrir depuis un bon moment, a fini par nécessiter une opération, puis une rééducation spécialisée. Le coût a été conséquent, nous avons craqué les minces économies que nous avions faites.


Mais le malheur des uns, a manifestement fait le bonheur des autres.


Klaus a unilatéralement décidé qu'il avait le devoir de ne pas me laisser habiter seule, pendant les sept semaines que ma grand-mère a passées en maison de convalescence. Il a emménagé au mois de novembre, quand il est sorti de désintox. Un mardi matin, pendant un jour d'inventaire, à la quincaillerie. Faisant entrer dans notre pauvre appart ses trois sacs Ikea de fringues bariolées et crado, sa 'trousse à pharmacie', ses flasques de spiritueux anti-esprits, et toute sa collection de strings.


Quand je suis rentrée, il avait déjà mis son nom sur la boîte aux lettres, suspendu son manteau en fausse fourrure dans l'entrée, réorganisé les étagères de la salle de bain en fonction du pouvoir exfoliant des lotions, et tourné mon lit au nom du feng shui. Il ne lui a fallu que douze heures pour casser la télécommande de la télé qui ne diffusait plus que la chaîne pour adultes cryptée. Et après deux jours, il connaissait quand même toute la programmation par coeur.


Je suis sortie de mes gonds, quand j'ai découvert qu'il utilisait les piluliers de Granny pour ses propres 'compléments alimentaires'. Et j'ai rapidement commencé à trouver agaçantes ses journées de 'farniente', passées à se prélasser à poil pendant que moi j'allais travailler. Engueuler Klaus est toutefois un exercice extrêmement périlleux. Je vous déconseille d'essayer.


D'abord, il fera celui qui ne comprend pas ce qu'il a fait, et de façon légitime. La plupart du temps, tout ce qu'il fait est aussi innocent que dépravé, et il ne voit profondément pas ce qu'il y a de mal. Si vous insistez, il se liquéfiera sur place à l'idée de vous avoir déçu, en viendra même à s'excuser d'exister. Et si vous tenez encore bon à ce stade, vous devrez supporter ses diaboliques cils tout mouillés.


J'ai abandonné.

Et il n'a même passé qu'une seule nuit à dormir sur le canapé.


J'ai cru qu'il suffirait de tenir bon, et de bien faire le ménage la veille du jour où Granny rentrerait. Que je pourrais supporter quelque temps son quotidien déjanté, et ses attaques de paniques hantées au creux de la nuit.


C'était optimiste.


J'avais oublié, malheureusement, jusqu'où pouvaient me mener ses 'petits passe-temps'.


J'étais au boulot, à déballer une livraison particulièrement conséquente de notre fournisseur de chevilles perforantes, lorsque le téléphone a sonné. Rien d'alarmant, jusque-là, et Rodrigo - mon patron - était de toute façon toujours celui qui répondait. J'ai compris qu'il y avait un problème quand il a fait répéter son interlocuteur. Et lorsqu'il m'a appelée.


J'ai lancé un regard interrogatif à mon boss en santiags, j'ai coincé le combiné contre mon oreille tout en continuant à sortir des sachets du carton.


"Allo ?" ai-je prononcé, naïvement.

Et j'ai alors entendu :

"Rinny, j'ai encore fait une erreur anatomique. Est-ce que Granny a toujours quelque part cette pince à cornichons ?"


J'ai froncé les sourcils. J'ai regardé Rodrigo, qui avait visiblement été mis au courant et qui avait décidé que la comptabilité était soudain sa passion. J'ai posé lentement, très lentement, mon carton sur le sol. Et je me suis assise sur le tabouret. Au cas où.


"Tu... tu as fait quoi ?", ai-je bredouillé, en espérant illusoirement avoir mal compris.

"Ce n'est pas ce dont ça a l'air. Enfin, si, mais pas seulement. Je voulais juste passer un peu de bon temps, tu sais. C'est long de fixer la porte pendant que t'es pas là. Mais maintenant, j'ai la trouille d'éternuer et je ne tiens plus assis. Attends. Tu as des ventouses à déboucher, à ton boulot ?"


J'ai cligné trois fois des yeux.


"Attends. Tu t'es coincé quoi, exactement ?"


Ciel. Aurais-je un jour imaginé poser cette question ? Le problème est que : bien sûr que oui. Et le pire, dans l'histoire, est que je n'avais aucun doute quant à 'où'. Il a soupiré comme l'une des stars des dramas de Granny, et puis il a répondu, pas très fier :


"Un stick fluo. Un de ceux de ton tiroir à rave party".


Mon cerveau s'est arrêté un moment, incapable de s'habituer à ce genre de coups de fils, parce que - oui - ça n'était même pas la première fois. J'ai eu envie de lui demander s'il était con. Mais je ne l'ai pas fait, parce que je savais qu'il était surtout désespéré et hanté. Plusieurs secondes se sont écoulées, alors, il a cru bon de préciser :


"Un vert. Je trouvais ça festif. Mais maintenant ma moitié inférieure est peut-être radioactive, j'en sais rien".

J'ai passé une main sur mes yeux.

"Klaus, je suis au boulot, là..."


Intérieurement, j'avais surtout la trouille qu'il ait raison, et que quoi que ce soit dans la composition de ce truc soit toxique. Mais j'ai ajouté, parce que c'était la dure réalité :


"Je dois encore bosser pendant une heure".

Il a couiné.

"Une heure... ça fait soixante minutes d'introspection phosphorescente, ça. Et moi, pendant ce temps, je suis comme une lampe à lave humaine, qui pulse à chaque inspiration".


Moi non plus, je n'aimais pas l'idée, ce truc était électrique et chimique, en plus, alors j'ai demandé :


"Tu ne peux pas appeler un taxi pour aller aux Urgences ? Il y a de la monnaie sur la console de l'entrée".


Il y a eu un silence. Trop long. J'ai su qu'il l'avait déjà dépensé, certainement pour des barres de granola, ou une tête d'épingle de meth. Et il a hoqueté :


"Rinny, je ne veux pas aller tout seul là-bas".


Quelque chose s'est vidé, à l'intérieur de moi. Il n'y avait pas de blague, dans cette demande, pas de métaphore érigée comme un bouclier au malheur qu'il était - au fond - en train de vivre. Juste sa trouille - réelle - de se retrouver enfermé dans un box et analysé. Plus encore : de la terreur.


"Je ne peux pas partir avant 19h, Klaus".

Je me suis appuyée contre l'étagère des solvants, tiraillée et désolée.

"Okay.", a-t-il murmuré. "J'attends. Tu sais quoi ? Je vais essayer des techniques de relaxation du périnée. Et Rinny..."

Sa voix n'était plus très assurée.

"Ne me mets pas dehors après".


*Clic !*


Il a raccroché. Moi aussi, lentement, et j'ai repris mon carton, traversée par l'inquiétude. Et puis j'ai senti les yeux de Rodrigo posés sur moi.


"Tu peux partir à 18h15", a-t-il simplement dit, sans même relever les yeux de sa compta. "Si demain matin tu fais l'ouverture, et que tu achètes une boîte de donuts chez Griddy's".


J'en ai tremblé de gratitude, plus reconnaissante que jamais envers cet homme qui m'avait embauchée alors que tout était contre moi, et qui continuait de supporter le chaos de ma vie. Un chaos dégingandé et bouclé qui s'habillait au rayon des tapis, et qui attendait souvent sur le banc, en face de la quincaillerie. Il connaissait Klaus sans le connaître, il savait avec quels démons il luttait. Et il était bienveillant, car il en avait dans le temps partagé certains avec lui, entre autres les coups de bottes des Mothers of Agony.


"Merci, patron", lui ai-je dit en empoignant mon sac à dos.


J'ai abandonné les sachets de Molly, les étiquetages, les palettes de peinture satinée. Et *Crac !* Je me suis téléportée juste après avoir entendu :


"Je plains ce gamin qui voit des morts. Et aussi les morts qui le voient".


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L'Hôpital Central de The City était de façon chronique en déficit de financements. Factuellement, bien avant que le logo de l'Empire Hargreeves flotte au-dessus des gratte-ciels de certaines timeline, l'influence du milliardaire à monocle ne rendait déjà pas facile la vie des petites gens. Le quartier de la Bourse était son chef lieu, son étendard propre et rénové, rayonnant à l'international. Mais les autres quartiers, surtout les infrastructures sociales, d'éducation ou de santé, étaient objectivement déjà laissées à l'abandon.


Nous sommes descendus sur le trottoir dont le bitume se délitait en caillasses, Klaus se tenant aussi droit que s'il avait hébergé en ses entrailles une barre de pole dance. Il s'était enroulé dans l'immense plaid en velours bleu nuit du canapé, et ressemblait à une couverture de Vogue refoulée par la rédaction.


"Rinny, si je brille dans le noir pour toujours, tu me laisseras toujours dormir dans ton lit ? Je me scotcherai un rideau occultant sur le fion, pour que tu dises oui".

"On en est pas là, Klaus", lui ai-je dit, comme si sa proposition avait la moindre rationalité.


J'ai surtout essayé de l'aider à avancer, sans risquer que l'objet migre un peu plus profondément. Une ambulance est passée, le brancardier s'est penché pour nous regarder. Nous avons avancé pas après pas : moi en bottes de combat, et lui pieds nus. Mais nous avons fini par passer les portes coulissantes de l'entrée, derrière lesquelles l'éclairage au néon grésillait faiblement.


Je détestais cet hôpital, moi aussi : j'y avais vécu les moments les plus tristes de ma vie. Et pourtant, année après année, la douleur d'y avoir accompagné ma mère s'estompait. Ils se trouvaient progressivement remplacés par ceux - absurdes mais au fond flamboyants - des mésaventures de Klaus. C'est terrible à dire, mais je ne sais pas ce que je serais devenue, s'il n'avait pas eu ces pulsions débiles de s'auto-explorer avec n'importe quoi. Je ne lui dirai pas que je le en suis reconnaissante : il pourrait être tenté de recommencer par nostalgie.


"Est-ce que tu peux parler en premier ?", m'a-t-il demandé alors que nous attendions debout, pas très loin du comptoir d'accueil et de tri. "Je connais cette infirmière. C'est elle qui était déjà là lors de l'incident avec le bouchon de champagne. Et de l'épisode de la brosse à cheveux. Elle ne me regardait déjà plus dans les yeux la dernière fois".


J'ai violenté un peu la machine à café pour obtenir un gobelet, et le nectar noir a coulé. Médiocre, mais j'allais en avoir besoin : dans ces services d'urgences, on savait toujours quand on entrait, mais jamais quand on sortait.


"Ok", ai-je murmuré tout en buvant tout d'un coup. "De toute façon, on sait très bien qui remplira les papiers, et paiera la facture à la fin".


Cette phrase a été de loin la plus sèche que j'aie prononcée ce soir-là. Durement factuelle. Je savais qu'il allait comme toujours culpabiliser, et ce d'autant que mon compte en banque était déjà presque à sec, en raison des soins de Granny. Il a proposé de ne pas rester, d'aller voir un mécanicien. Mais je n'ai pas bougé d'un pouce, et - lui - a fini par se ranger silencieusement contre la fontaine à eau.


Trente bonnes minutes ont passé. Mais - enfin - nous avons été appelés à l'enregistrement.


"Mmmm, bonsoir..."


Avec toute la lassitude qu'on pouvait avoir avant une nuit entière de boulot, l'infirmière de tri a posé un formulaire devant moi, et a demandé :


"C'est pour quoi ?"


Ses yeux bruns nous ont rapidement scannés à travers ses lunettes loupes usées, et j'y ai vu passer le moment où elle a reconnu à qui elle avait à faire. Pas moi. Le danseur de fond de scène qui se tortillait inconfortablement derrière moi.


"Allons-bon", a-t-elle dit. "Qu'avons-nous cette fois ?"

Klaus s'est légèrement décalé pour la regarder, pas très fièrement :

"C'est la suite de ma... 'Trilogie de la Porte Arrière'".


Si seulement c'était resté une trilogie : les années suivantes ont transformé ça en saga.


"Il a utilisé un bâton lumineux", ai-je dit de la façon la plus factuelle possible.

"Un vert. Il brille toujours. Je ne sais pas si c'est bon signe, ou si c'est un compte à rebours".


L'infirmière a haussé les sourcils, récupéré le formulaire que j'avais rempli, et pris des notes sur une feuille clippée à une planchette.


"Depuis combien de temps ?"

J'ai regardé Klaus, et il a plissé son oeil gauche :

"On compte les heures depuis le début, ou le moment où Ben m'a poussé à t'appeler ?"

J'ai soupiré, et j'ai dit à l'infirmière :

"Une heure trente environ".

"Avez-vous tenté de le retirer vous-même ?"

"Un peu. Mais j'ai arrêté : je n'ai jamais trouvé la pince à cornichons".

"Avez-vous des douleurs abdominales, ou des saignements ?"

"Mon égo est en miettes. Mais autrement, non".


Le stylo de l'infirmière a coché deux cases, écrit un commentaire, et elle a finalement demandé, sans aucun optimisme sur la question :


"Avez-vous consommé de l'alcool ou des substances ?"

Klaus a baissé les yeux, il a soupiré.

"Juste de l'herbe. Et de la sangria. Je fais attention à consommer mes cinq fruits et légumes par jour, vous savez".


J'ai vu qu'elle préparait un petit carton avec son nom, et qu'elle le plaçait sur le planning, assez haut. J'ai au moins eu l'espoir fou que nous n'attendrions pas longtemps.


"Retournez vous asseoir. Si vous le pouvez. On vous appellera pour la radio".


Elle s'est tournée vers un interne qui rapportait des dossiers : notre âge, assez chou, pas encore trop abîmé par la profession. Le genre à faire reprendre à Klaus un peu de dignité au milieu de son plaid en voie de se dérouler lamentablement, et vérifier son eyeliner dans le reflet du pot à crayons.


"Giovanni", dites au Dr Flores que Klaus Hargreeves est là. Elle comprendra".


Nous sommes retournés en salle d'attente. Et pour être tout à fait honnête, nous y avons encore patienté quarante minutes, car étaient arrivées des urgences jugées plus vitales que le phare que Klaus avait à la place du cul. Les magazines mis à disposition étaient collants, et tous les mots croisés étaient déjà faits. J'ai bu deux autres cafés, puis la machine a décidé qu'elle ne servirait plus que de la soupe de maïs. J'ai un peu perdu patience, je crois que j'ai menacé Klaus de le trucider avec le bâton lumineux quand il aurait été exproprié.


Et juste à ce moment, il a été emmené.


On m'a autorisée à aller l'attendre dans le box numéro 4, comme si cette forteresse de rideaux portait déjà son nom. L'endroit sentait l'antiseptique, et les gants en nitrile, l'éclairage tremblotait. Et alors que j'avais renoncé à regarder les minutes passer, à nouveau, l'interne Giovanni est entré, la planche de formulaires et de notes fournie par l'infirmière d'accueil calée sous son bras.


"Bonsoir", a-t-il dit. "Je suis l'interne de garde".

"Et moi, le numéro à appeler en cas d'urgences".


Nous nous sommes regardés un instant. Je pense qu'il a rapidement considéré ce à quoi pouvait ressembler mon quotidien, et moi, son métier. Nous avions tous les deux pleine conscience de ce qu'il aurait à pratiquer sur Klaus dans un instant, et nous avons cédé à un rire léger. Pas méchamment contre Klaus, non. Juste parce que, parfois, il valait mieux ça que de craquer.


"Nous ne comprenons pas", a-t-il fini par dire, et mon sourire est retombé légèrement, presque avec anxiété.

"Quoi ?"

"Avec l'angle que l'objet a pris, comment il n'a pas subi de perforation".


J'ai haussé un peu les épaules, ne sachant pas trop quoi lui dire. La réalité, c'est que Klaus ressortait toujours de ce service d'urgences sur ses deux pieds, sans dommage, insolemment digne, à charmer tout le corps des aides-soignants, et même les cantiniers. Même lors de chutes sévères, il ne s'était jamais rien cassé. Et aucune de ses overdoses ou hypothermies n'avait réussi à le tuer.


"C'est tant mieux, n'est-ce pas ?", ai-je juste dit, pendant que Giovanni préparait le matériel dont il allait avoir besoin. Plutôt effrayant, je dois l'avouer. Mais j'ai aussi demandé :

"Pourquoi il met tant de temps à revenir ?"


L'interne est allé se laver les mains, consciencieusement, longuement, professionnellement.


"Il a fait une crise d'angoisse dans la cabine de radio. Modérée, mais ils le gardent juste un instant en observation".


Un milieu confiné. Clos, où il avait été laissé seul le temps des clichés. J'aurais pu m'en douter, et je me suis sentie désolée de ne pas avoir pu l'accompagner. Giovanni l'a certainement senti passer sur mon visage, et il a tenté de me rassurer.


"Tout va bien. Il était ravi de la légère sédation".


J'ai expiré, ne sachant trop si je devais me sentir soulagée ou encore plus peinée. Et tandis qu'il continuait de se laver les mains, il m'a demandé :


"Il fait ça par auto-destruction, ou pour chercher le frisson ?"

J'ai secoué lentement la tête.

"Probablement quelque chose entre les deux. Et pour trouver une forme de... paix intérieure, si je peux utiliser cette expression".


Je ne lui ai pas parlé des fantômes. Il n'avait pas réagi au nom d'Hargreeves, peut-être parce que - pour l'assurance - c'était mon nom qui figurait sur le formulaire d'enregistrement, et c'était mieux comme ça.


"Et vous, ça va ?"


J'ai cligné des yeux trois fois. C'était la toute première fois que qui que ce soit s'inquiétait de ma santé mentale, face à l'improbable déferlante de mésaventures qui squattait en ce moment chez moi.


"J'ai l'habitude", lui ai-je dit, parce que ça faisait déjà quatre ans que mon quotidien avait changé. En plus chaotique, clairement, mais aussi en bien.

"Je sais que les apparences peuvent être contre lui. Mais Klaus... c'est aussi ce genre de personne qui fait que le monde vaut le coup".


Tout en rinçant ses mains, il a regardé par-dessus son épaule, et j'ai compris à ce moment qu'il était content d'entendre ça. Parce que les rencontres absurdes existaient parfois, dans son boulot, et que les avances que Klaus avait dû lui faire dans le couloir de radiologie n'étaient manifestement pas complètement restées sans écho.


Ah oui ?


J'ai souri, je me suis recalée sur mon inconfortable tabouret. Et un aide-soignant a écarté le rideau du box en grand, juste à ce moment-là.


"Oh Rinny, s'est lamenté Klaus depuis le brancard sur lequel on le transportait couché sur le côté gauche, jambes fléchies, à présent dans une blouse ouverte à l'arrière.

"Je viens de survivre à toutes les épreuves d'Hunger Games, et malgré tout mon cul est toujours illuminé comme Times Square".


Son eyeliner avait coulé, il semblait planer un peu, mais il serait probablement libéré rapidement, à présent.


"Tout va bien aller", lui ai-je dit alors qu'on l'installait sur la table, et qu'il tremblait un peu. "Giovanni, ici... a fait ça toute sa vie".

J'ai eu un doute sur ma plaisanterie, mais l'interne ne m'en a pas voulu.

"Juste Gio", a-t-il dit, en s'installant et en regardant Klaus dans les yeux.


A ce moment, j'ai su que j'allais peut-être avoir un peu de temps pour moi, dans les jours suivants. Pouvoir ranger l'appart, re-remplir le frigo, et avoir une nuit complète ou deux. Me croirez-vous, si je vous dis qu'entre eux, ça a duré trois semaines, et que - même si ça n'a finalement pas tenu - le dénommé Gio a gardé pendant très longtemps la palme de la relation la plus longue que Klaus ait eue ?


"Gio, courageux Paladin de la Salvation Rectale", a-t-il couiné pour se donner du courage. "Promets-moi que tu me récompenseras avec des tacos, après ce mémorable 'glow-job'".


L'interne a rapproché sa table roulante, passé ses gants violets. Et alors que je rassemblais mon courage, prête à me faire broyer l'avant-bras à titre d'éternel support émotionnel et physique, il lui a répondu :


"Je ne cuisine pas mexicain. Mais il paraît que mon osso-buco est décent".


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Notes :


Les mésaventures de Klaus ont toujours été iconiques, il était évident qu'elles finiraient un jour par se frayer un chemin dans ces Fragments de Mémoire". Cet épisode est plutôt drôle (ne reproduisez toutefois pas ça à la maison, par pitié), et il illustre aussi une partie de ce qui a occupé la vie de Rin, avant que les apocalypses décident de se précipiter.


J'avais aussi envie de donner plus de contexte à cette relation que Klaus évoque avec Cinq en saison 1 : celle qui a duré trois semaines, et avait encore goût d’osso-buco.


Tout commentaire fera ma journée ! ♡

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